Language of document : ECLI:EU:T:2018:975

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

14 décembre 2018 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2015 – Rapport de notation – Attribution des points de mérite – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Erreur manifeste d’appréciation – Responsabilité – Préjudice moral » 

Dans l’affaire T‑572/17,

UC, fonctionnaire du Parlement européen, représenté par Me A. Tymen, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. J. Steele et J. van Pottelberge, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation du rapport de notation du requérant pour l’année 2015, de la décision de lui attribuer 2 points de mérite pour la même année ainsi que de la décision de rejet de sa réclamation et, d’autre part, à la réparation du préjudice moral que le requérant aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni (rapporteur), président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : Mme S. Bukšek-Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

  Antécédents du litige

1        Le requérant, UC, est entré au service de la Cour de justice de l’Union européenne le 16 septembre 2002 en qualité d’agent temporaire à la direction de la traduction.

2        Le 1er janvier 2005, le requérant a été transféré au Parlement européen en qualité de fonctionnaire stagiaire classé au grade A*7, puis titularisé le 1er janvier 2006. À compter du 1er janvier 2010, il a été affecté à la direction générale (DG) des politiques internes de l’Union.

3        Au cours de l’année 2015, le requérant, alors fonctionnaire de grade AD 10, a exercé les fonctions d’administrateur d’organes parlementaires dans l’unité du secrétariat de la commission des affaires juridiques de la DG des politiques internes de l’Union.

4        Le 18 mars 2016, le requérant a été reçu, par le premier notateur, chef de l’unité du secrétariat de la commission des affaires juridiques (ci-après le « chef d’unité »), dans le cadre d’un entretien sur le projet de rapport de notation pour l’année 2015, en application de l’article 4, paragraphe 3, des dispositions générales d’exécution relatives à la mise en œuvre de l’article 43 du statut des fonctionnaires, de l’article 15, paragraphe 2 et de l’article 87, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents, adoptées par le secrétaire général du Parlement le 16 octobre 2014 (ci-après les « DGE 43 »).

5        Le 19 avril 2016, le requérant a été reçu, à sa demande, par le notateur final, directeur de la direction des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles (ci-après le « directeur »), dans le cadre d’un deuxième entretien relatif à l’établissement du rapport de notation pour l’année 2015.

6        Le rapport de notation pour l’année 2015, établi par le notateur final le 7 juin 2016, a été notifié le même jour à l’intéressé (ci-après le « rapport de notation dans sa version établie par le notateur final »), en application de l’article 8 des règles internes relatives à l’application des DGE 43, adoptées par le secrétaire général du Parlement le 21 octobre 2014 (ci-après les « règles internes relatives à l’application des DGE 43 »). Ce rapport comportait, à la rubrique intitulée « Capacité à travailler en équipe », des appréciations négatives. Ces appréciations faisaient l’objet de plus amples développements à la rubrique intitulée « Appréciation globale du premier notateur », dans un second paragraphe de cette dernière rubrique.

7        Le 20 juin 2016, le requérant a introduit un recours auprès du comité des rapports contre la procédure et le contenu du rapport de notation dans sa version établie par le notateur final, sur le fondement de l’article 9 des DGE 43. Dans le recours, il a indiqué que ses arguments étaient exposés dans ses observations sur le rapport de notation, aux points 6, 7 et 9 dudit rapport.

8        Par décision du 12 juillet 2016, prise en application de l’article 8 de la politique de promotion et de progression des carrières, adoptée par une décision du secrétaire général du Parlement du 20 juin 2014 (ci-après la « décision relative à la politique de promotion »), le directeur général de la DG des politiques internes de l’Union (ci-après le « directeur général ») a attribué 2 points de mérite au requérant pour l’année 2015.

9        Le 6 septembre 2016, le comité des rapports, après avoir entendu le requérant le 30 août 2016, a rendu l’avis no 035/2016 sur le rapport de notation dans sa version établie par le rapporteur final, en application de l’article 9, paragraphe 2, des règles internes relatives à l’application des DGE 43. Il a estimé que la procédure était entachée d’une irrégularité, dans la mesure où le second paragraphe de l’appréciation globale du premier notateur, visé au point 6 ci-dessus, avait été ajouté audit rapport durant l’entretien avec le premier notateur et que, par suite, le requérant avait été privé de la possibilité de se préparer à l’entretien comme le prévoit l’article 6, paragraphe 5, des règles internes relatives à l’application des DGE 43. Il a estimé par ailleurs que les faits reprochés au requérant étaient soutenus par des éléments factuels probants. Finalement, il a conclu qu’il convenait de supprimer le second paragraphe de l’appréciation globale du premier notateur et qu’il n’y avait pas lieu de faire droit aux autres demandes du requérant.

10      Par décision du 3 octobre 2016, prise en application de l’article 9, paragraphe 3, des règles internes relatives à l’application des DGE 43, le directeur général, après avoir reçu le requérant à sa demande le 26 septembre 2016, a décidé de suivre l’avis du comité des rapports et de supprimer, dans le rapport de notation dans sa version établie par le notateur final, le second paragraphe de l’appréciation globale du premier notateur. Ladite décision mentionnait que le requérant recevrait le rapport de notation modifié (ci-après le « rapport de notation pour l’année 2015 » ou le « rapport de notation définitif »).

11      Le rapport de notation définitif, notifié au requérant le 14 octobre 2016, indique, dans la rubrique no 4.2, intitulée « Appréciations générales », que les objectifs ont été atteints, que la performance est stable par rapport à l’année précédente et que le niveau de performance est satisfaisant. Dans la rubrique no 4.1 dudit rapport, intitulée « Appréciations détaillées », l’appréciation relative à la capacité à travailler en équipe est la suivante : « à certaines occasions, [le requérant] a utilisé un langage excessif et, parfois, agressif allant au-delà des limites de ce qui est acceptable, tant à l’écrit qu’à l’oral, lors d’altercations avec des collègues du secrétariat et au-delà ». Dans la dernière phrase de la rubrique no 4.3 de ce rapport, intitulée « Appréciation globale du premier notateur », il est indiqué : « cela étant, néanmoins, [le requérant] doit absolument améliorer sa capacité à maintenir des relations stables avec les autres et éviter toutes situations conflictuelles ».

12      Par décision du 8 novembre 2016, annulant et remplaçant sa décision du 12 juillet 2016, le directeur général a, de nouveau, attribué 2 points de mérite au requérant pour l’année 2015 (ci-après la « décision portant attribution de 2 points de mérite »).

13      Par courrier du 13 janvier 2017, reçu le 16 janvier suivant, le requérant a saisi le secrétaire général du Parlement, en qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), d’une réclamation dirigée, d’une part, contre le rapport de notation pour l’année 2015, et, d’autre part, contre la décision portant attribution de 2 points de mérite (ci-après la « réclamation préalable » ou la « réclamation »).

14      Le 24 janvier 2017, le comité des rapports a rendu l’avis no 004/2017, au sujet de la réclamation du requérant contre la décision portant attribution de 2 points de mérite, en application de l’article 10, paragraphe 1, des règles internes relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion, adoptées par le secrétaire général du Parlement le 20 juin 2014 (ci-après les « règles internes relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion »). Il a conclu à l’absence d’inégalité de traitement, compte tenu du niveau inférieur du rapport de notation du requérant, en comparaison avec celui des collègues de sa direction générale auxquels ont été attribués 3 points de mérite.

15      Le 9 mai 2017, le secrétaire général du Parlement a rejeté la réclamation du requérant présentée au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), tant en ce qui concerne le rapport de notation pour l’année 2015 qu’en ce qui concerne la décision portant attribution de 2 points de mérite (ci-après la « décision de rejet de la réclamation préalable » ou la « décision de rejet de la réclamation »). Dans la décision de rejet de la réclamation préalable, tout d’abord, il a considéré que la jurisprudence exigeait qu’une réclamation expose de façon suffisamment précise les moyens et arguments invoqués contre la décision contestée et que le requérant n’avait pas satisfait à cette exigence. Ensuite, il a fait part de ses observations sur les différentes critiques soulevées par le requérant dans la réclamation. Il a considéré notamment que l’appréciation relative à la capacité à travailler en équipe et l’appréciation globale du premier notateur pour ce qui concernait les relations avec les autres membres du personnel étaient justifiées par des circonstances connues du requérant, relevaient de la marge d’appréciation de l’administration et étaient fondées sur des éléments factuels dûment documentés. Il a également considéré que la décision portant attribution de 2 points de mérite ne méconnaissait pas le principe d’égalité de traitement.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 21 août 2017, le requérant a introduit le présent recours. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le même jour, il a introduit une demande fondée sur l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal et visant à obtenir l’anonymat, à laquelle le Tribunal a fait droit par décision du 7 novembre 2017.

17      La phase écrite de la procédure a été clôturée le 2 mars 2018.

18      Par acte motivé déposé au greffe du Tribunal le 23 mars 2018, le requérant a demandé à être entendu dans le cadre d’une audience de plaidoirie, en application de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure. Le Tribunal a fait droit à la demande du requérant et a ouvert la phase orale de la procédure le 28 juin 2018.

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le rapport de notation pour l’année 2015 ainsi que la décision portant attribution de 2 points de mérite pour la même année ;

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner le Parlement au paiement de dommages et intérêts, évalués ex æquo et bono à une somme de 9 000 euros, portée à 12 000 euros au stade de la réplique, en réparation du préjudice moral prétendument subi ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

20      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 septembre 2018.

22      Lors de l’audience, les parties sont convenues que les conclusions du requérant tendant à l’annulation du rapport de notation pour l’année 2015 devaient être regardées comme ne visant que les appréciations négatives contenues dans ledit rapport, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 En droit

 Sur la fin de non-recevoir, tirée du manque de clarté de la réclamation préalable

23      Le Parlement soutient, à titre principal, que le recours est irrecevable, dès lors qu’il n’a pas été précédé d’une réclamation préalable permettant de comprendre clairement les critiques formulées par le requérant ainsi que l’objet de la réclamation sur certains points. La réclamation présenterait une liste incohérente de circonstances, telles que le téléchargement tardif du rapport de stage du requérant pour l’année 2005 ou la prise d’un congé de convenance personnelle en 2014, dont il ne serait pas possible de cerner la pertinence pour la notation de l’année 2015. En outre, la réclamation demanderait le retrait de commentaires diffamatoires sans identifier les commentaires concernés. À cet égard, la nature du commentaire énoncé à la dernière phrase de l’appréciation globale pourrait être discutée. Enfin, la circonstance que la réclamation a été introduite sans l’assistance d’un avocat ne permettrait pas d’excuser le manque de clarté de la réclamation dès lors que le requérant, administrateur au secrétariat de la commission des affaires juridiques, aurait siégé comme juge auprès d’un tribunal administratif supérieur dans un État membre.

24      Le requérant conteste les allégations du Parlement.

25      Aux termes de l’article 90, paragraphe 2, du statut :

« Toute personne visée au présent statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu’elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. » 

26      Il résulte d’une jurisprudence constante que constitue une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, un acte par lequel un fonctionnaire ou un agent manifeste clairement et de façon précise sa volonté de contester une décision qui lui fait grief. Il importe, à cet égard, de s’attacher au contenu de l’acte plutôt qu’à sa forme ou à son intitulé (voir, en ce sens, arrêts du 31 mai 1988, Rousseau/Cour des comptes, 167/86, EU:C:1988:266, point 8 ; du 14 juillet 1988, Aldinger et Virgili/Parlement, 23/87 et 24/87, EU:C:1988:406, point 13, et du 29 juin 2000, Politi/ETF, C‑154/99 P, EU:C:2000:354, point 17).

27      Par ailleurs, la procédure précontentieuse a pour objet de permettre, en priorité, un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires ou agents et l’administration. Pour qu’une telle procédure puisse atteindre son objectif, il faut que l’AIPN soit en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée. Néanmoins, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, EU:C:1989:124, points 9 et 11 ; du 23 avril 2002, Campogrande/Commission, C‑62/01 P, EU:C:2002:248, point 33, et du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, points 36 et 37).

28      En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la lettre du requérant datée du 13 janvier 2017 et adressée au secrétaire général du Parlement que cette lettre constitue une réclamation présentée sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

29      En deuxième lieu, il ressort expressément du premier paragraphe de la réclamation que cette dernière est dirigée, d’une part, contre le rapport de notation pour l’année 2015 et, d’autre part, contre la décision portant attribution de 2 points de mérite. La réclamation précise, au surplus, être fondée sur l’article 10 des règles internes relatives à l’application des DGE 43, article qui correspond précisément à la possibilité pour un fonctionnaire de formuler auprès de l’AIPN une réclamation contre un rapport de notation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

30      En troisième lieu, le requérant a indiqué, dans le deuxième paragraphe de la réclamation, qu’il sollicitait, d’une part, le retrait des appréciations non fondées et diffamatoires inscrites par le premier notateur dans le rapport de notation pour l’année 2015 et, d’autre part, l’attribution de 3 points de mérite au titre de la même année.

31      À cet égard, le Parlement fait valoir que le requérant n’a pas identifié dans la réclamation les appréciations du premier notateur qu’il considérait comme non fondées et diffamatoires.

32      Toutefois, il convient de relever que le requérant avait mentionné successivement, aux points 7 et 9 du rapport de notation, intitulés respectivement « observations de l’agent à l’attention du notateur final » et « observations de l’agent », que l’appréciation figurant sous l’intitulé « capacité à travailler en équipe » ainsi que la dernière phrase du premier paragraphe et le second paragraphe de l’appréciation globale du premier notateur étaient des allégations incorrectes et insultantes et devaient être retirées du rapport final. Dans son recours auprès du comité des rapports, le requérant avait indiqué que les motifs dudit recours étaient précisés aux points 6, 7 et 9 du rapport de notation. Dans son avis no 035/2016, du 6 septembre 2016, ledit comité avait d’ailleurs identifié deux appréciations négatives dans le rapport de notation dans sa version établie par le notateur final, s’agissant, d’une part, de la capacité à travailler en équipe, et, d’autre part, de l’appréciation globale du premier notateur. Dans ces conditions, et dès lors que le second paragraphe de l’appréciation globale du premier notateur avait été supprimé dans le rapport de notation définitif, le Parlement pouvait déduire de la réclamation que le requérant sollicitait la suppression des appréciations figurant, d’une part, sous l’intitulé « Capacité à travailler en équipe » et, d’autre part, dans la dernière phrase de l’appréciation globale du premier notateur (ci-après les « appréciations contestées »).

33      Au demeurant, si la décision de rejet de la réclamation préalable mentionne, tout d’abord, que la réclamation n’indique pas de façon suffisamment précise les moyens et arguments invoqués, et souligne que le requérant n’identifie pas les appréciations du rapport de notation qu’il considère comme non fondées et diffamatoires, cette décision présume ensuite que le requérant se réfère, d’une part, à l’appréciation relative à la capacité à travailler en équipe et, d’autre part, à l’appréciation globale du premier notateur pour ce qui concerne les relations du requérant avec les autres membres de l’institution, ce qui correspond précisément à la dernière phrase de l’appréciation globale du premier notateur.

34      Si le Parlement ajoute que la nature de l’appréciation portée par le premier notateur dans la dernière phrase de l’appréciation globale est susceptible d’être discutée et pourrait exprimer un souhait plutôt qu’une évaluation des prestations accomplies, il n’en demeure pas moins, quelle que soit la nature de ladite appréciation, que le requérant considérait cette dernière phrase comme non fondée et diffamatoire et en demandait la suppression.

35      Il en résulte que, compte tenu de l’esprit d’ouverture requis par la jurisprudence rappelée au point 27 ci-dessus, la réclamation doit être regardée comme ayant identifié de façon suffisamment claire les appréciations du rapport de notation pour l’année 2015 dont le requérant demandait la suppression.

36      En quatrième lieu, s’agissant des critiques formulées par le requérant contre le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision portant attribution de 2 points de mérite, la réclamation affirmait, ainsi qu’il a été dit, que certaines appréciations dudit rapport étaient non fondées et diffamatoires. La réclamation mentionnait également, à l’appui des demandes du requérant, une liste de six éléments, à savoir « le retrait de deux annexes du projet de rapport de notation pour l’année 2013 contre une promesse de soutenir l’attribution de 3 points de mérite pour l’année 2013 », « la référence à un congé de convenance personnelle de six mois comme motif de ne pas attribuer 3 points de mérite pour l’année 2014 », « le téléchargement du rapport de stage de l’année 2005 dans [s]on dossier personnel en mai 2015 », « les représailles pour le renouvellement d’une réclamation administrative préalable en date du 27 août 2015 », « l’intimidation par le directeur en octobre 2015 au sujet du stage de son fils » et, enfin, « l’échec du comité des rapports, et conséquemment du directeur général, à fournir respectivement un avis et une décision motivée et dûment documentée ».

37      Le Parlement fait valoir que cette liste de circonstances était incohérente et qu’il n’était pas possible d’en cerner la pertinence pour la notation de l’année 2015.

38      Il est vrai que, sur certains points, tels que la référence à des représailles liées au renouvellement d’une réclamation administrative préalable en date du 27 août 2015, la réclamation était très peu explicite voire dépourvue des précisions permettant d’en comprendre le sens. Toutefois, la réclamation exposait certaines critiques de façon suffisamment claire pour que le Parlement soit en mesure de les examiner, compte tenu notamment des observations portées par le requérant dans le rapport de notation pour l’année 2015.

39      S’agissant, premièrement, de la critique relative au caractère non fondé et diffamatoire de certaines des appréciations du rapport de notation pour l’année 2015, il résulte des points 32 à 35 ci-dessus que le Parlement était en mesure d’identifier les appréciations contestées. Par ailleurs, le fait que le requérant invoque le caractère non fondé et diffamatoire desdites appréciations était suffisant pour permettre au Parlement d’examiner cette critique. En outre, le requérant avait apporté des précisions, aux points 7 et 9 du rapport de notation, en affirmant que les appréciations contestées ne reflétaient pas sa capacité à travailler en équipe pour la période 2010-2015 et que le notateur final lui avait indiqué qu’il ne se rappelait pas avoir été témoin de l’un des comportements visés dans lesdites appréciations. L’AIPN a d’ailleurs considéré, dans la décision de rejet de la réclamation, que la critique du requérant était mal fondée, dans la mesure où les appréciations contestées étaient justifiées par des circonstances connues de celui-ci, notamment un incident intervenu à la fin du mois de septembre 2015.

40      S’agissant, deuxièmement, de la critique relative à l’incapacité du comité des rapports puis du directeur général à produire un avis et une décision motivés et dûment documentés, le requérant a manifestement invoqué, ce faisant, l’insuffisance de motivation de l’avis du comité des rapports no 035/2016, du 6 septembre 2016, ainsi que celle de la décision du directeur général du 3 octobre 2016. Si cette critique n’est assortie d’aucun argument de la part du requérant, elle est néanmoins suffisamment précise dans la mesure où elle permet d’identifier les actes concernés et est énoncée de manière univoque. La décision de rejet de la réclamation y a d’ailleurs répondu, en indiquant que le comité des rapports, dans son avis no 035/2016, du 6 septembre 2016, avait exposé les motifs soutenant ses conclusions et que le directeur général était seulement tenu de motiver sa décision s’il s’écartait de l’avis dudit comité, ce qu’il n’avait pas fait en l’espèce.

41      S’agissant, troisièmement, de la critique relative au téléchargement tardif du rapport de stage du requérant pour l’année 2005, il ressort du point 9 du rapport de notation que le requérant a joint à ce dernier un courriel à ce propos. Il ressort également des pièces du dossier qu’un échange de courriels portant sur le téléchargement du rapport de stage était joint au recours auprès du comité des rapports. La décision de rejet de la réclamation confirme au demeurant que l’AIPN était en mesure de comprendre la critique formulée par le requérant. L’AIPN a ainsi considéré, dans cette décision, qu’il était regrettable que le premier rapport de stage ait été scanné dans le dossier électronique personnel du requérant seulement le 26 mai 2015, mais que cette circonstance était sans pertinence pour l’exercice de notation de l’année 2015.

42      S’agissant, quatrièmement, de la critique relative à la prise d’un congé de convenance personnelle, il ressort clairement des points 6 et 7 du rapport de notation pour l’année 2015 que, selon le requérant, le refus de lui attribuer 3 points de mérite pour l’année 2014, fondé sur le motif qu’il avait pris un congé de convenance personnelle de six mois, était contraire aux règles applicables, que le fait d’avoir exercé les fonctions de juge au cours dudit congé aurait dû être pris en compte favorablement et qu’il avait obtenu la promesse que 3 points de mérite lui seraient attribués au titre de l’année 2015. Au demeurant, la décision de rejet de la réclamation a répondu à cette critique suffisamment claire du requérant, en indiquant que l’exercice des fonctions de juge dans un État membre avait fait l’objet d’un commentaire positif dans le rapport de notation pour l’année 2014 et qu’il appartenait au requérant de contester la décision de lui attribuer 2 points de mérite pour l’année 2014, s’il estimait que cette dernière était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

43      En ce qui concerne l’argument du Parlement selon lequel la réclamation n’a pas explicité la pertinence des griefs, tels que le téléchargement tardif du rapport de stage du requérant pour l’année 2005 ou la prise d’un congé de convenance personnelle en 2014, il convient de souligner que la pertinence des critiques formulées dans une réclamation doit être distinguée du caractère suffisamment précis desdites critiques au sens de la jurisprudence rappelée au point 27 ci-dessus. Une critique peut être formulée de façon claire et précise alors même qu’elle est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. En l’espèce, en dépit du fait que le requérant n’a pas ou peu explicité dans la réclamation la pertinence du téléchargement tardif du rapport de stage pour l’année 2005 et celle de la prise d’un congé de convenance personnelle en 2014 au regard de l’exercice de notation de l’année 2015, il a néanmoins apporté des précisions suffisantes pour que l’AIPN soit en mesure de répondre auxdites critiques.

44      Le Parlement souligne enfin que, si le requérant n’a pas fait appel à un avocat pour présenter la réclamation, il est néanmoins administrateur auprès de la commission des affaires juridiques du Parlement et a exercé durant six mois les fonctions de juge auprès d’un tribunal administratif supérieur dans un État membre au cours de l’année 2014. Toutefois, outre qu’il n’est pas contesté que le requérant n’a pas exercé ses fonctions dans le domaine du droit de la fonction publique, il résulte en tout état de cause de ce qui précède que la réclamation était suffisamment claire pour permettre au Parlement de l’examiner (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 1996, Williams/Cour des comptes, T‑146/94, EU:T:1996:34, points 45 à 52).

45      Il s’ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par le Parlement doit être rejetée.

 Sur les conclusions aux fins d’annulation

46      Le requérant demande l’annulation du rapport de notation pour l’année 2015 en tant qu’il comporte des appréciations négatives, de la décision portant attribution de 2 points de mérite et de la décision de rejet de la réclamation préalable (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

47      Le requérant soulève trois moyens au soutien des conclusions aux fins d’annulation des décisions attaquées : un premier moyen, tiré de la méconnaissance de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), de l’article 25 du statut, de l’obligation de motivation et des droits de la défense, un deuxième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu, et un troisième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation.

 Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 41 de la Charte, de l’article 25 du statut, de l’obligation de motivation et des droits de la défense

48      Le premier moyen comporte deux branches, qui concernent respectivement le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision portant attribution de 2 points de mérite.

49      D’une part, le requérant considère que, en l’absence d’une motivation circonstanciée, le rapport de notation pour l’année 2015 est entaché d’une violation du principe de bonne administration, de l’obligation de motivation et des droits de la défense.

50      D’autre part, le requérant soutient que la décision portant attribution de 2 points de mérite doit être annulée, à titre principal, en raison de l’annulation du rapport de notation pour l’année 2015 et, à titre surabondant, en raison d’un défaut de motivation.

–       En ce qui concerne le rapport de notation pour l’année 2015

51      Le requérant soutient que, en l’absence d’une motivation circonstanciée, la décision du directeur général du 3 octobre 2016, le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision de rejet de la réclamation ont été adoptés en violation du principe de bonne administration, de l’obligation de motivation et des droits de la défense.

52      Le requérant fait valoir que le rapport de notation pour l’année 2015 ainsi que l’avis du comité des rapports no 035/2016, du 6 septembre 2016, la décision du directeur général du 3 octobre 2016 et la décision de rejet de la réclamation ne sont pas suffisamment motivés en ce qui concerne le maintien de l’appréciation relative à sa capacité à travailler en équipe et de la dernière phrase de l’appréciation globale du premier notateur. Ces actes n’identifieraient ni les faits reprochés ni les éléments qui les démontreraient. Malgré les demandes du requérant, les prétendus éléments probants ne lui auraient pas été communiqués, le privant de la possibilité de les contester.

53      La référence à des circonstances connues figurant dans la décision de rejet de la réclamation ne pourrait constituer une motivation suffisante. En ce qui concerne l’entretien du 19 octobre 2015, le requérant n’aurait pas le souvenir d’un tel entretien, dont la preuve ne serait pas rapportée. En ce qui concerne l’entretien du 22 février 2016, d’une part, le requérant fait valoir que cet entretien n’a pas fait l’objet d’une information écrite quant à son objet et devait porter sur la possibilité qu’il assume informellement le rôle de chef d’unité adjoint. D’autre part, il indique qu’il n’a pas pu se défendre au regard des appréciations négatives figurant dans le texte du second paragraphe de l’appréciation globale du premier notateur présenté lors de l’entretien du 18 mars 2016, de sorte que ce paragraphe a été retiré dans le rapport de notation définitif. Dans ces conditions, les autres appréciations négatives fondées sur ce même paragraphe devraient également être retirées. En outre, même en tenant compte de l’entretien du 22 février 2016, il ne serait pas possible de comprendre la raison pour laquelle l’appréciation relative à la capacité à travailler en équipe fait référence à un comportement répétitif, tant à l’écrit qu’à l’oral, alors qu’un seul incident, remontant au mois de septembre 2015, au sujet duquel le requérant conteste tout usage d’un langage agressif, ne pourrait s’apparenter à un comportement répétitif, notamment envers les collègues de sexe féminin.

54      La production, au stade du mémoire en défense, de la déclaration du chef d’unité du 8 novembre 2017 et du courriel ayant pour titre « note pour le dossier UC » que le directeur s’est adressé à lui-même le 22 février 2016 (ci-après le « courriel du directeur du 22 février 2016 ») constituerait une tentative de motivation tardive et irrecevable. La déclaration du chef d’unité du 8 novembre 2017, rédigée in tempore suspecto, serait infondée. De plus, le courriel du directeur du 22 février 2016 ne pourrait pas être pris en compte pour déterminer si l’obligation de motivation a été respectée, dès lors que ce courriel n’aurait jamais été communiqué au requérant, qu’il aurait été convenu qu’aucune trace de l’entretien du 22 février 2016 ne serait conservée et que la question du comportement du requérant envers les collègues de sexe féminin n’aurait pas été abordée lors de cet entretien, ni lors d’aucun autre.

55      Le Parlement conteste les allégations du requérant.

56      Selon une jurisprudence constante, l’administration a l’obligation de motiver le rapport de notation de façon suffisante et circonstanciée et de mettre l’intéressé en mesure de formuler des observations sur cette motivation, le respect de ces exigences étant d’autant plus important lorsque la notation connaît une régression par rapport à la notation antérieure (voir arrêt du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, EU:T:2002:155, point 27 et jurisprudence citée ; arrêt du 29 septembre 2011, Kimman/Commission, F‑74/10, EU:F:2011:171, point 48).

57      L’obligation de motivation a pour but de permettre au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité des décisions faisant grief et de fournir aux intéressés une indication suffisante pour savoir si ces décisions sont bien fondées ou si elles sont entachées d’un vice permettant d’en contester la légalité (arrêts du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, EU:C:1981:284, point 22 ; du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 50, et du 31 janvier 2007, Aldershoff/Commission, T‑236/05, EU:T:2007:27, point 57).

58      L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte et de la nature des motifs invoqués (arrêt du 14 janvier 2016, Ntouvas/ECDC, T‑94/13 P, EU:T:2016:4, point 80). Pour être régulier, il est suffisant, en principe, que le rapport de notation fasse état des traits saillants des prestations de la personne concernée en termes de rendement, de compétences et de conduite dans le service (arrêt du 29 septembre 2011, AJ/Commission, F‑80/10, EU:F:2011:172, point 58). Les notateurs n’ont pas l’obligation de spécifier dans le rapport de notation tous les éléments de fait et de droit pertinents à l’appui de leur évaluation (arrêt du 13 septembre 2011, Nastvogel/Conseil, F‑4/10, EU:F:2011:134, point 66).

59      Par ailleurs, une décision est suffisamment motivée, dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du 29 octobre 1981, Arning/Commission, 125/80, EU:C:1981:248, point 13 ; ordonnance du 14 décembre 2006, Meister/OHMI, C‑12/05 P, EU:C:2006:779, point 89, et arrêt du 14 janvier 2016, Ntouvas/ECDC, T‑94/13 P, EU:T:2016:4, point 80). Lors de la phase administrative de la procédure, la motivation du rapport de notation peut être précisée dans la décision portant rejet de la réclamation, cette dernière motivation étant censée coïncider avec la motivation dudit rapport (voir, en ce sens, ordonnance du 20 novembre 2012, Marcuccio/Commission, T‑491/11 P, EU:T:2012:608, point 24, et arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 62). En outre, en cas non d’absence mais d’insuffisance de motivation, des motifs produits en cours de procédure contentieuse peuvent, dans des cas exceptionnels, rendre sans objet un moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation (arrêt du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 51).

60      En premier lieu, il convient de constater que le rapport de notation définitif est complété pour chacune des rubriques dudit rapport. En ce qui concerne la rubrique no 4.1, intitulée « Appréciations détaillées », le rapport de notation pour l’année 2015 comporte des commentaires factuels pour chacun des critères relatifs à la compétence, au rendement et à la conduite. Ce rapport est également rempli en ce qui concerne la rubrique no 4.2, intitulée « Appréciations générales », la rubrique no 4.3, intitulée « Appréciation globale du premier notateur », et la rubrique no 5, intitulée « Objectifs pour le prochain exercice ».

61      Plus précisément, le rapport de notation pour l’année 2015 est rempli de façon claire et individualisée, en ce qui concerne la rubrique no 4.1, intitulée « Appréciations détaillées », pour les quatre critères relatifs à la conduite dans le service. S’agissant de la capacité à travailler en équipe, le rapport de notation pour l’année 2015 mentionne que, à certaines occasions, le requérant a fait preuve d’un langage excessif et parfois agressif, allant au-delà des limites de ce qui peut être accepté, tant à l’écrit qu’à l’oral, lors d’altercations avec des collègues du secrétariat et au-delà. L’appréciation globale du premier notateur comporte également des commentaires relatifs à la conduite du requérant, puisqu’elle indique notamment, dans sa dernière phrase, que le requérant doit absolument améliorer sa capacité à maintenir des relations stables avec les autres agents et éviter toutes situations conflictuelles.

62      En deuxième lieu, dans la mesure où le requérant fait valoir que l’avis du comité des rapports no 035/2016, du 6 septembre 2016, la décision du directeur général du 3 octobre 2016 et le rapport de notation pour l’année 2015 ne sont pas suffisamment motivés en ce qui concerne le maintien des appréciations contestées, il convient de constater que ledit avis indique que les faits reprochés au noté sont soutenus par des éléments factuels probants, que, dans ladite décision, le directeur général s’est borné à suivre cet avis et que la décision de rejet de la réclamation est, en tout état de cause, motivée sur ce point. Cette dernière décision indique en effet que les appréciations contestées sont justifiées par des circonstances connues du requérant, notamment un incident survenu entre lui et une collègue de son unité à la fin du mois de septembre 2015, et que le directeur a évoqué la question de la conduite du requérant avec ce dernier lors d’entretiens en date des 19 octobre 2015 et 22 février 2016. Elle précise en outre que, lors de l’entretien du 22 février 2016, au cours duquel étaient présents le directeur, le chef d’unité et un agent de la direction du personnel, le caractère inacceptable de la conduite agressive du requérant lui a été exposé de façon univoque. Elle ajoute que ces appréciations négatives relèvent de la marge d’appréciation de l’AIPN et sont fondées sur des éléments factuels dûment documentés.

63      En troisième lieu, la circonstance que le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision de rejet de la réclamation ne mentionnent pas tous les faits ayant justifié les appréciations contestées, ainsi que tous les éléments susceptibles d’étayer lesdites appréciations, ne constitue pas une méconnaissance par l’administration de son obligation de motivation. De la même façon, l’argument du requérant tiré de ce que la décision de rejet de la réclamation ne mentionne qu’un seul incident, alors que l’appréciation relative à la capacité à travailler en équipe évoque une pluralité d’altercations et l’usage d’un langage excessif « tant à l’écrit qu’à l’oral », doit être écarté. En effet, les notateurs n’ont, ainsi qu’il a été dit au point 58 ci-dessus, pas l’obligation de spécifier dans le rapport de notation tous les éléments de fait et de droit pertinents à l’appui de leur évaluation. Si le requérant estime que la motivation est insuffisante au regard de la gravité des accusations formulées à son encontre, il convient de relever que les appréciations contestées sont négatives, mais ne prennent pas la nature, par le ton et les termes employés, d’accusations à l’encontre du requérant. Il doit à cet égard être relevé, d’une part, que le caractère occasionnellement agressif de la communication du requérant est en cause et, d’autre part, que le rapport de notation pour l’année 2015, d’un niveau satisfaisant, a permis au requérant de se voir attribuer 2 points de mérite pour cette même année. La motivation était suffisante pour permettre au requérant de savoir si les décisions attaquées étaient fondées ou non et pour mettre le Tribunal en mesure d’exercer son contrôle.

64      Quant à l’argument du requérant selon lequel, malgré ses demandes, les éléments factuels ne lui ont pas été communiqués, le privant de la possibilité de les contester, il convient de préciser qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant a adressé à l’administration une demande de communication de pièces. En outre, ainsi qu’il ressort des points 4, 5, 9 et 10 ci-dessus, le requérant a été mis en mesure de présenter ses observations à plusieurs reprises sur sa manière de servir  et sa conduite, en particulier sur les appréciations contestées, lesquelles énonçaient, de façon suffisamment claire et précise, et dans un contexte connu du requérant, l’évaluation de l’administration relative à sa capacité à travailler en équipe.

65      En quatrième lieu, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la référence à un contexte connu est une motivation insuffisante. Il résulte en effet de la jurisprudence rappelée au point 59 ci-dessus qu’une décision peut être suffisamment motivée si elle est intervenue dans un contexte connu de l’intéressé. Par ailleurs, si le requérant affirme ne pas se souvenir d’un entretien en date du 19 octobre 2015, il ne conteste pas, en tout état de cause, avoir eu connaissance de l’incident survenu à la fin du mois de septembre 2015 avec une collègue de son unité. En ce qui concerne l’entretien du 22 février 2016, le requérant ne conteste ni l’existence de cet entretien ni le fait que sa conduite dans le service, s’agissant notamment de l’incident survenu à la fin du mois de septembre 2015, a été abordée à cette occasion. Le fait que ce dernier entretien n’a donné lieu à aucune information écrite préalable quant à son objet n’interdisait pas à l’AIPN d’y faire référence dans la décision de rejet de la réclamation. L’affirmation du requérant selon laquelle il a été informé oralement que l’entretien du 22 février 2016 portait sur la possibilité qu’il assume informellement le rôle de chef d’unité adjoint constitue une assertion non établie et ne fait, en tout état de cause, pas obstacle à ce que cet entretien soit mentionné comme élément d’un contexte connu. Par ailleurs, dans la mesure où le requérant expose qu’il n’a pas pu se défendre au regard des appréciations figurant dans le second paragraphe de l’appréciation globale du premier notateur qui lui a été présenté lors de l’entretien du 18 mars 2016, il convient de constater que cet argument est inopérant, puisque le second paragraphe de l’appréciation globale a été retiré du rapport de notation définitif et que les appréciations contestées ne sont pas fondées sur le paragraphe ainsi retiré. L’argument du requérant doit donc être écarté.

66      En cinquième lieu, si le requérant fait valoir que la communication, pour la première fois au stade du mémoire en défense, de la déclaration du chef d’unité du 8 novembre 2017 et du courriel du directeur du 22 février 2016, constitue une tentative de motivation tardive et irrecevable, il suffit de constater que le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision de rejet de la réclamation sont suffisamment motivés, sans qu’il soit besoin de tenir compte des pièces produites par le Parlement au stade du recours contentieux pour apprécier le respect par ce dernier de son obligation de motivation. De plus, la seule production par le requérant d’un courriel daté du 22 février 2016, dont il est lui-même l’auteur et aux termes duquel il avait été convenu qu’aucune trace ne serait conservée de l’entretien du 22 février 2016, ne peut faire obstacle à ce que le Parlement produise ledit courriel devant le Tribunal. Enfin, même à supposer que la question du comportement du requérant envers les collègues de sexe féminin, mentionnée dans ce courriel, n’ait pas été abordée lors de l’entretien du 22 février 2016, cet élément figure dans la décision de rejet de la réclamation, de sorte qu’il ne s’agit pas d’un élément de fait évoqué pour la première fois au stade du recours contentieux.

67      En sixième lieu, en application d’une jurisprudence constante, l’obligation de motiver une décision constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, point 48, et du 16 novembre 2017, Ludwig-Bölkow-Systemtechnik/Commission, C‑250/16 P, EU:C:2017:871, point 16). Ainsi, en ce qui concerne les arguments du requérant selon lesquels il n’a pas eu de comportement agressif, en particulier envers ses collègues de sexe féminin, et n’est pas responsable de l’incident survenu au mois de septembre 2015, il convient de constater que ces arguments concernent le bien-fondé des appréciations contestées et non le respect par l’administration de son obligation de motivation. Ces arguments seront donc examinés dans le cadre du troisième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation.

68      La première branche du premier moyen doit donc être écartée.

–       En ce qui concerne la décision portant attribution de 2 points de mérite

69      Le requérant soutient que la décision portant attribution de 2 points de mérite doit être annulée compte tenu de l’annulation du rapport de notation pour l’année 2015, puisqu’elle est prise au regard des mérites tels qu’ils ressortent dudit rapport. Par ailleurs, la décision de rejet de la réclamation n’apporterait pas d’explication quant à l’attribution de 2 points de mérite, alors que le rapport de notation pour l’année 2015 serait particulièrement élogieux. Le requérant fait également valoir que l’avis du comité des rapports no 004/27, du 24 janvier 2017, ne lui a été communiqué que le 20 juillet 2007, à sa propre demande, et ne comporte pas une motivation acceptable, dès lors que cet avis se borne à mentionner qu’une comparaison de son rapport de notation et de ceux de ses collègues a eu lieu.

70      Le Parlement conteste les allégations du requérant.

71      Aux termes de l’article 45, paragraphe 1, du statut :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2 […] Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet […] »

72      Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la décision relative à la politique de promotion :

« Le mérite de l’agent est évalué chaque année et le niveau annuel de ses points de mérite doit refléter effectivement les mérites dont il a fait preuve pendant l’année en question et qui sont repris dans le rapport de notation, qui constitue l’élément fondamental d’appréciation du mérite. » 

73      L’article 5 des règles internes relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion, intitulé « Modalités d’attribution des points de mérite », dispose, à son paragraphe 1 :

« L’attribution des points de mérite s’effectue grade par grade au sein de chaque groupe de fonctions en respectant le régime statutaire et sur la base d’un examen comparatif des mérites, selon le processus suivant :

[…]

–        identification des agents dont les prestations ont été jugées satisfaisantes, méritant un ou 2 points ;

–        attribution d’un troisième point aux agents dont le mérite exceptionnel le justifie, selon disponibilité […] »

74      Aux termes de l’article 10 des règles internes relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion, intitulé « Rôle du comité des rapports dans le cadre de l’exercice annuel d’attribution des points de mérite » :

« 1. Le comité des rapports est obligatoirement saisi, pour avis, par l’AIPN lorsque l’agent qui souhaite contester la décision d’attribution de points de mérite le concernant introduit une réclamation, conformément à l’article 90, paragraphe 2 du statut […] »

75      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’autorité compétente n’est tenue de motiver sa décision ni à l’égard de son destinataire ni à l’égard des fonctionnaires en concurrence avec celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, point 13, et du 26 octobre 2017, Paraskevaidis/Cedefop, T‑601/16, EU:T:2017:757, point 37). En revanche, l’AIPN a l’obligation de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation introduite par un fonctionnaire, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, qui s’estime lésé par une attribution défavorable de points, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2006, Lantzoni/Cour de justice, T‑156/05, EU:T:2006:283, point 77, et du 26 octobre 2017, Paraskevaidis/Cedefop, T‑601/16, EU:T:2017:757, point 37).

76      Tout d’abord, l’argument du requérant tiré de ce que la décision portant attribution de 2 points de mérite doit être annulée par voie de conséquence de l’annulation du rapport de notation pour l’année 2015 doit être écarté, dès lors que le Tribunal a rejeté, en tout état de cause, les conclusions d’annulation relatives au rapport de notation pour l’année 2015.

77      Ensuite, en application de la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, le directeur général n’était pas tenu de motiver la décision portant attribution de 2 points de mérite, dès lors que cette décision est relative à la promotion.

78      Quant à la décision de rejet de la réclamation, elle mentionne qu’il n’est pas possible de faire droit à la réclamation en ce qui concerne la décision portant attribution de 2 points de mérite, pour les mêmes motifs que ceux conduisant à rejeter la réclamation en ce qui concerne le rapport de notation pour l’année 2015. Elle ajoute que, selon une jurisprudence résultant d’un arrêt qu’elle mentionne expressément, l’administration jouit d’une large marge d’appréciation s’agissant de l’attribution de points de mérite et que le pouvoir discrétionnaire de l’administration est seulement limité par la nécessité de mener une appréciation comparative des mérites des fonctionnaires avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et dans le respect du principe d’égalité de traitement. À cet égard, elle indique qu’il ressort d’une appréciation comparée du rapport de notation pour l’année 2015 du requérant et des rapports de notation de trois fonctionnaires du même grade et de la même direction générale, auxquels 3 points de mérite ont été attribués, que ces derniers ont montré de meilleures performances professionnelles que le requérant. Elle mentionne que les appréciations analytiques apparaissant dans les rapports de notation de ces trois collègues montrent de plus hauts mérites que ceux figurant dans le rapport de notation du requérant, cette conclusion étant corroborée par l’avis du comité des rapports no 004/2017, du 24 janvier 2017. Elle conclut que la décision portant attribution de 2 points de mérite ne méconnaît pas le principe d’égalité de traitement.

79      La circonstance invoquée par le requérant que le rapport de notation pour l’année 2015 serait particulièrement élogieux n’est pas de nature à caractériser une méconnaissance de l’obligation de motivation, cette circonstance pouvant néanmoins être invoquée dans le cadre de l’examen du moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation. En outre, l’affirmation du requérant doit, à tout le moins, être relativisée, dès lors que seule une faible proportion des fonctionnaires du Parlement, dont le mérite exceptionnel le justifie, se voient attribuer un troisième point de mérite et qu’il ressort de l’avis du comité des rapports no 004/27, du 24 janvier 2017 et de la décision de rejet de la réclamation que les rapports de notation de trois fonctionnaires relevant du même grade et de la même direction générale que le requérant comportaient des appréciations plus favorables que celles figurant dans le rapport de notation du requérant pour l’année 2015.

80      Le fait que l’avis du comité des rapports no 004/27, du 24 janvier 2017, n’a été communiqué au requérant, à sa demande, que le 20 juillet 2017 ne remet pas en cause le caractère suffisant de la motivation de la décision de rejet de la réclamation en tant que cette décision se prononce sur l’attribution des points de mérite. En effet, l’AIPN a repris, dans le texte de la décision de rejet de la réclamation préalable, les principaux motifs et la conclusion dudit avis. En outre, le requérant, qui n’indique d’ailleurs pas à quelle date il a sollicité la communication de cet avis, en a disposé avant l’introduction du recours devant le Tribunal.

81      Le requérant fait valoir que l’avis du comité des rapports no 004/27, du 24 janvier 2017, ne comporte pas une motivation acceptable en se bornant à mentionner qu’une comparaison de son rapport de notation et de ceux de ses collègues a eu lieu. Toutefois, cet argument ne peut être accueilli, puisque, d’une part, l’attribution des points de mérite s’effectue sur la base d’un examen comparatif des mérites et, d’autre part, ledit avis ne se limite pas à mentionner qu’une comparaison des rapports de notation a eu lieu. Cet avis indique que cette comparaison a été effectuée avec des collègues de la direction générale du requérant exerçant des tâches et des fonctions différentes, auxquels ont été attribués 3 points de mérite. Il mentionne que le rapport de notation du requérant était d’un bon niveau, toutefois inférieur à ceux des collègues ayant fait l’objet de la comparaison. Il ajoute que le comité des rapports a également comparé le rapport de notation de l’exercice 2015 avec celui de l’exercice 2014, pour lequel le requérant s’était vu attribuer 2 points de mérite, et a constaté un maintien du niveau des prestations de celui-ci. Il conclut qu’il n’y a pas eu inégalité de traitement, compte tenu du niveau inférieur du rapport de notation du requérant en comparaison avec ceux des trois collègues ayant fait l’objet de l’examen.

82      Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du premier moyen doit être écartée.

83      Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 41 de la Charte, de l’article 25 du statut, de l’obligation de motivation et des droits de la défense doit donc être écarté.

 Sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu

84      Le requérant soutient que le Parlement a méconnu le droit d’être entendu, prévu par l’article 41 de la Charte. Il expose qu’il n’a pas été entendu avant la décision de rejet de la réclamation préalable, alors qu’il avait sollicité un entretien avec le secrétaire général du Parlement.

85      Le Parlement conteste les allégations du requérant.

86      Le droit d’être entendu dans toute procédure, prévu à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, tout en étant moins étendu que ces derniers, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative et avant qu’une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts ne soit prise à son encontre (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, points 34 et 36, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, points 149 et 150).

87      L’existence d’une violation du droit d’être entendu doit être appréciée en fonction, notamment, des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 9 février 2017, M, C‑560/14, EU:C:2017:101, point 33 et jurisprudence citée ; arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 154).

88      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’intéressé a été entendu avant que n’intervienne le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision portant attribution de 2 points. En effet, le requérant a été reçu le 18 mars 2016 par le premier notateur, le 19 avril suivant par le notateur final, a formulé des remarques par écrit aux points 6, 7 et 9 du rapport de notation, a été mis en mesure de formuler des observations dans le cadre de son recours auprès du comité des rapports en date du 17 juin 2016 et a été entendu le 20 août 2016 par le comité des rapports, puis le 26 septembre 2016 par le directeur général. Ainsi le requérant a été mis en mesure de faire connaître son point de vue, au surplus à de multiples reprises, avant que n’interviennent le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision portant attribution de 2 points de mérite.

89      Le requérant fait valoir qu’il n’a pas été entendu avant la décision de rejet de la réclamation préalable alors qu’il avait sollicité, dans la réclamation, un entretien avec le secrétaire général du Parlement. Il ajoute que, s’il avait été entendu, il aurait pu expliciter les termes de la réclamation, en particulier ce qu’il entendait par « l’intimidation qu’il subit depuis le mois d’octobre 2015 par l’un de ses supérieurs hiérarchiques intervenant dans la procédure de notation ».

90      Toutefois, la personne qui introduit une réclamation contre un acte lui faisant grief, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ne peut, en principe, utilement faire valoir qu’elle n’a pas été entendue dans le cadre de la procédure précontentieuse, dans la mesure où la réclamation a pour objet même de permettre à l’intéressé de formuler des observations. Il ne résulte par ailleurs ni de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, ni des dispositions de l’article 90, paragraphe 2, du statut que le Parlement était tenu de faire droit à la demande d’entretien du requérant avec le secrétaire général du Parlement, alors que le requérant était en mesure de présenter ses observations par écrit (voir, par analogie, arrêts du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission, C‑59/06 P, EU:C:2007:756, point 47, et du 3 juin 2015, BP/FRA, T‑658/13 P, EU:T:2015:356, point 56). À cet égard, le requérant ne peut utilement faire valoir que, s’il avait été reçu en entretien par le secrétaire général du Parlement, il aurait pu expliciter les termes de la réclamation, alors que rien ne l’empêchait de le faire dans la réclamation elle-même ou dans un courrier ultérieur. En outre, le secrétaire général du Parlement s’est borné à rejeter la réclamation du requérant contre le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision portant attribution de 2 points de mérite, décisions au sujet desquelles le requérant a été effectivement entendu à de multiples reprises, ainsi qu’il a été dit au point 88 ci-dessus.

91      Enfin, il convient d’écarter l’argument du requérant tiré de ce que la décision portant attribution de 2 points de mérite doit être annulée, puisque le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision de rejet de la réclamation influencent nécessairement la décision portant attribution de 2 points de mérite, dès lors, en tout état de cause, que les conclusions aux fins d’annulation visant le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision de rejet de la réclamation ont été rejetées par le Tribunal.

92      Le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu, doit donc être écarté.

 Sur le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation

93      Le requérant soutient que le rapport de notation pour l’année 2015 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Il conteste avoir fait usage, de façon répétitive, d’un langage excessif et parfois agressif, dépassant les limites de ce qui est acceptable, tant à l’écrit qu’à l’oral, envers ses collègues directs ou plus éloignés.

94      Le requérant fait valoir que les appréciations contestées, qui sont des accusations graves, ne reposent sur aucun élément probant. Il expose qu’aucune plainte n’a été déposée contre lui et que sa capacité à travailler en équipe a fait l’objet d’une appréciation très satisfaisante pour l’année 2016.

95      Les pièces produites par le Parlement au stade du mémoire en défense, à savoir la déclaration du chef d’unité du 8 novembre 2017 et le courriel du directeur du 22 février 2016, constitueraient des preuves réalisées ou communiquées in tempore suspecto. Ces prétendus éléments probants seraient contradictoires en ce qui concerne son attitude lors de l’entretien du 22 février 2016. Aucun courriel ne serait produit par le Parlement, alors que ladite déclaration fait référence à des courriels menaçants et insultants.

96      Le requérant expose que des accusations de plus en plus graves ont été portées contre lui. Ainsi, la crainte exprimée par le chef d’unité dans la déclaration du 8 novembre 2017 en ce qui concerne une possible violence physique de sa part ne serait pas crédible. Les allégations relatives à une agressivité dirigée envers les collègues de sexe féminin mentionnées dans la décision de rejet de la réclamation ne ressortiraient pas du rapport de notation pour l’année 2015. Le requérant estime que les appréciations contestées sont intrinsèquement contradictoires avec d’autres parties du rapport de notation pour l’année 2015, qu’il s’agisse des appréciations détaillées ou de ses propres observations.

97      En ce qui concerne le caractère intimidant des courriels envoyés à la suite de l’incident du 1er octobre 2015, le requérant indique qu’il a seulement envoyé un courriel à une collègue pour clarifier la situation et non pour menacer cette dernière.

98      Le Parlement conteste les allégations du requérant.

99      Il convient de rappeler que, en matière d’évaluation des mérites, les notateurs disposent d’un très large pouvoir d’appréciation et que, par conséquent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à vérifier l’absence d’une erreur de fait, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir. Les éléments de preuve qu’il incombe à la partie requérante d’apporter afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste d’appréciation doivent être suffisants pour priver de toute plausibilité les appréciations des faits retenus dans le rapport d’évaluation attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2016, Winkel/EUIPO, F‑48/15, EU:F:2016:149, points 35 et 36 et jurisprudence citée).

100    Or, les éléments apportés par le requérant ne sont pas de nature à priver de plausibilité les appréciations contestées. Ces appréciations sont d’ailleurs corroborées par la déclaration du chef d’unité du 8 novembre 2017 et par le courriel du directeur du 22 février 2016, éléments qui confirment l’utilisation par le requérant, à certaines occasions, d’un langage excessif, parfois agressif, tant à l’écrit qu’à l’oral, lors d’altercations avec des collègues.

101    Premièrement, la circonstance que le requérant réfute les appréciations contestées et le fait qu’aucune plainte n’ait été déposée contre lui ne permettent pas de remettre en cause la plausibilité desdites appréciations. Dans la mesure où le requérant fait valoir que ces appréciations constituent des accusations graves, il convient de préciser, ainsi qu’il a été dit au point 63 ci-dessus, que, si les appréciations en question sont négatives, elles ne prennent pas la nature d’accusations à l’encontre du requérant et que le rapport de notation pour l’année 2015, globalement satisfaisant, a permis au requérant de se voir attribuer 2 points de mérite pour cette même année.

102    Deuxièmement, le requérant fait valoir que les pièces produites par le Parlement au stade du mémoire en défense ont été réalisées ou communiquées in tempore suspecto. Toutefois, le fait que la déclaration du chef d’unité date du 8 novembre 2017 et que le courriel du directeur du 22 février 2016 a été produit par le Parlement au stade du mémoire en défense ne suffit pas à retirer à ces pièces toute force probante, en particulier s’agissant de ce dernier, que le directeur s’est adressé à lui-même le 22 février 2016 et qui est donc contemporain de la procédure de notation. Contrairement à ce que fait valoir le requérant, ces pièces ne sont pas contradictoires. En particulier, il n’existe pas de contradiction entre le courriel du directeur du 22 février 2016, aux termes duquel, « au cours de l’entretien [du 22 février 2016], [le requérant] est resté calme mais n’a pas semblé capable de réfléchir profondément à nos arguments », et le second paragraphe de l’appréciation globale du premier notateur, puisque ce paragraphe a été retiré du rapport de notation et ne faisait, en tout état de cause, pas clairement référence à l’attitude du requérant lors de l’entretien du 22 février 2016. Si le requérant souligne que le Parlement ne produit pas de courriels, alors que la déclaration du chef d’unité du 8 novembre 2017 fait référence à des courriels inappropriés adressés par le requérant à des collègues, cette circonstance ne prive pas davantage de plausibilité les appréciations contestées. Au demeurant, le requérant produit un courriel du 22 février 2016, adressé au chef d’unité et au directeur, dans lequel il présente ses excuses pour le caractère possiblement offensant d’un précédent courriel.

103    Troisièmement, le requérant fait valoir que des accusations de plus en plus graves ont été portées contre lui. À cet égard, il convient d’indiquer que, si les pièces produites par le Parlement au stade du mémoire en défense viennent corroborer le bien-fondé des appréciations contestées, elles ne peuvent légalement avoir pour effet de modifier ou d’aggraver les appréciations telles qu’elles figurent dans les décisions attaquées. En outre, si la déclaration du chef d’unité du 8 novembre 2017 exprime la préoccupation de son auteur en ce qui concerne le risque d’une possible violence physique, d’une part, cette mention correspond seulement à l’énoncé d’une crainte, d’autre part, les décisions attaquées n’attribuent, en tout état de cause, aucun acte de violence physique au requérant ni ne font état d’un risque de cette nature. L’indication dans la décision de rejet de la réclamation que le comportement agressif du requérant « semble » être dirigé en particulier envers les collègues de sexe féminin, qui constitue seulement une explication complémentaire en réponse aux critiques formulées par le requérant dans la réclamation, n’est pas remise en cause par le fait que cet élément ne figurait pas dans le rapport de notation pour l’année 2015, alors que le courriel du directeur du 22 février 2016 va dans ce sens et que l’incident survenu à la fin du mois de septembre 2015 concernait une collègue du requérant de sexe féminin.

104    Quatrièmement, les appréciations contestées ne sont pas intrinsèquement contradictoires avec d’autres parties du rapport de notation pour l’année 2015. Elles ne sont pas contredites par les appréciations plus favorables relatives à la compétence et au rendement, qui concernent d’autres aspects de la manière de servir  du requérant que celui de la capacité à travailler en équipe et des rubriques différentes dudit rapport. En particulier, elles ne sont pas contredites par le commentaire factuel selon lequel le requérant fait des efforts pour se tenir à jour de nouveaux développements en maintenant un réseau utile de contacts, puisque ce commentaire ne se prononce pas sur la capacité du requérant à travailler en équipe. Il en va de même de l’observation du requérant figurant au point 9 de ce rapport, selon laquelle, lors de l’entretien du 18 mars 2016 avec le notateur final, ce dernier n’a pu se souvenir avoir été témoin de l’attitude attribuée au requérant par le premier notateur. En effet, cette observation est celle du requérant et non celle du directeur, lequel a indiqué, dans le courriel du 22 février 2016, que certaines des réactions du requérant indisposaient ses interlocuteurs et le faisaient percevoir comme quelqu’un d’agressif. En outre, s’il est vrai que le notateur ne peut déléguer à des tiers la tâche d’apprécier les prestations des fonctionnaires évalués, rien ne l’empêche de prendre en considération des informations provenant d’interlocuteurs officiels et fiables. Une telle manière de procéder est conforme à l’obligation, pour toute autorité, de se prononcer en pleine connaissance de cause et au terme d’un examen complet de la situation (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, AJ/Commission, F‑80/10, EU:F:2011:172, point 59).

105    De plus, il n’existe pas davantage d’incohérence entre les appréciations contestées et celle, positive, relative à la capacité à travailler en équipe du requérant dans le rapport de notation pour l’année 2016, dans la mesure où cette dernière ne saurait attester du comportement du requérant durant l’année 2015.

106    Cinquièmement, le requérant fait valoir, s’agissant de courriels envoyés le 1er octobre 2015, que lesdits courriels avaient pour objet de clarifier la situation et non de menacer la collègue à laquelle ils étaient adressés. Toutefois, cette série de courriels ne correspond pas, contrairement à ce que soutient le requérant, à des messages destinés à clarifier une situation. En effet, elle témoigne de la volonté du requérant d’obtenir de sa collègue qu’elle ne dépose pas plainte contre lui et, par la teneur et le style des messages concernés, tend à corroborer les appréciations contestées, notamment en ce qui concerne l’existence d’un incident survenu entre le requérant et une collègue de son unité à la fin du mois de septembre 2015 et l’utilisation d’un langage direct, voire agressif.

107    Enfin, l’argument du requérant tiré de ce que la décision portant attribution de 2 points de mérite doit être annulée, dès lors que le rapport de notation pour l’année 2015 et la décision de rejet de la réclamation influencent nécessairement la décision portant attribution de 2 points de mérite, doit être écarté pour le même motif que celui mentionné au point 91 ci-dessus.

108    Il s’ensuit que le troisième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, doit être écarté et que les conclusions aux fins d’annulation doivent, dès lors, être rejetées.

 Sur les conclusions indemnitaires

109    Le requérant expose, dans la requête, que l’annulation des décisions attaquées ne sera pas suffisante pour réparer le préjudice moral subi, dont la réparation est évaluée ex æquo et bono à la somme de 9 000 euros. Il fait valoir que les décisions attaquées contiennent des appréciations extrêmement négatives sur son comportement, qui l’ont blessé.

110    Dans la réplique, le requérant fixe en définitive le montant de la demande de réparation de son préjudice moral, ex æquo et bono, à 12 000 euros. Il fait valoir que le Parlement maintient, sans en apporter la preuve, les allégations du rapport de notation pour l’année 2015 et aggrave même ces allégations en évoquant désormais une violence possible de sa part. Il ajoute que le fait que le rapport de notation pour l’année 2015 et le mémoire en défense sont des documents confidentiels n’enlève rien au caractère offensant des allégations en cause.

111    Le Parlement considère que les conclusions indemnitaires du requérant ne sont pas fondées.

112    Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire, l’engagement de la responsabilité de l’institution suppose la réunion d’un ensemble de conditions concernant l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué. Les trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une de celles-ci n’est pas satisfaite, la responsabilité de l’institution ne peut être engagée (arrêt du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, EU:C:1987:562, point 30 ; voir, également, arrêt du 14 décembre 2017, RL/Cour de justice de l’Union européenne, T‑21/17, EU:T:2017:907, point 59 et jurisprudence citée).

113    En outre, selon une jurisprudence également constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 129 ; du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, EU:T:1992:91, point 34, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 165).

114    En l’espèce, les conclusions aux fins d’annulation étant rejetées par le Tribunal, il en va de même des conclusions indemnitaires, qui sont étroitement liées aux conclusions aux fins d’annulation.

115    En tout état de cause, les décisions attaquées n’étant entachées d’aucune illégalité, le requérant n’est pas fondé à solliciter la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi en raison des appréciations négatives figurant dans lesdites décisions.

116    À titre surabondant, contrairement à ce que fait valoir le requérant dans la réplique, le Parlement n’a pas aggravé les appréciations contestées au stade du mémoire en défense, dès lors que, ainsi qu’il a été dit au point 103 ci-dessus, les pièces jointes au mémoire en défense ne peuvent légalement avoir pour effet de modifier ou d’aggraver les appréciations telles qu’elles figurent dans les décisions attaquées. En outre, le Parlement n’a pas reproché au requérant un quelconque acte de violence physique, ni dans les décisions attaquées ni au stade du mémoire en défense.

117    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires et, par suite, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

118    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      UC est condamné aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.