Language of document : ECLI:EU:T:2024:22

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

24 janvier 2024 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un élément de construction d’une boîte de jeu de construction – Motif de nullité – Non-respect des conditions de protection – Article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Caractéristiques de l’apparence d’un produit exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci – Caractéristiques de l’apparence d’un produit devant nécessairement être reproduites dans leur forme et leurs dimensions exactes pour servir à l’interconnexion avec d’autres produits – Dessins ou modèles ayant pour objet de permettre l’assemblage ou la connexion multiples des produits interchangeables à l’intérieur d’un système modulaire – Article 8, paragraphes 1 à 3, du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑537/22,

Delta Sport Handelskontor GmbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes C. Klawitter et L.‑E. Appel, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Lego A/S, établie à Billund (Danemark), représentée par Mes V. von Bomhard et J. Fuhrmann, avocats,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm (rapporteur), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 11 octobre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Delta Sport Handelskontor GmbH, demande l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 30 mai 2022 (affaire R 1524/2021‑3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 8 décembre 2016, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré à la suite d’une demande déposée le 2 février 2010 qui est représenté dans les vues suivantes :

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3        Les produits auxquels le dessin ou modèle, dont la nullité était demandée, est destiné à être appliqué relevaient de la classe 21.01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondaient à la description suivante : « Éléments de construction d’une boîte de jeu de construction ».

4        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lu en combinaison avec les articles 4 à 9 du même règlement. En particulier, la requérante soutenait que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté étaient exclusivement imposées par la fonction technique du produit et, de ce fait, étaient exclues de la protection, conformément à l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement.

5        Le 30 octobre 2017, la division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande en nullité.

6        Le 5 janvier 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 10 avril 2019 (ci-après la « décision antérieure »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours en annulant la décision de la division d’annulation et en déclarant la nullité du dessin ou modèle contesté, au motif que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par ledit dessin ou modèle étaient exclusivement imposées par la fonction technique de ce produit, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

8        Dans un premier temps, la chambre de recours a relevé que le produit concerné par le dessin ou modèle contesté était une brique de construction faisant partie d’un ensemble plus vaste de briques et étant destinée à être assemblée avec d’autres briques du jeu pour construire des objets. Par conséquent, la fonction technique que doit remplir cette brique était sa capacité d’être assemblée, d’une manière suffisamment stable, avec d’autres briques du jeu en vue de former une construction.

9        Dans un deuxième temps, elle a identifié les caractéristiques de l’apparence du produit, à savoir, premièrement, la rangée de pastilles sur la face supérieure de la brique, deuxièmement, la rangée de cercles plus petits sur la face inférieure de ladite brique, troisièmement, les deux rangées de cercles plus grands sur la face inférieure de cette brique, quatrièmement, la forme rectangulaire de la même brique, cinquièmement, l’épaisseur de ses parois et, sixièmement, la forme cylindrique des pastilles.

10      Dans un troisième temps, la chambre de recours a estimé que toutes les caractéristiques ci-dessus mentionnées étaient exclusivement imposées par la fonction technique de la brique de construction, à savoir permettre l’assemblage avec d’autres briques du jeu et le démontage.

11      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juillet 2019, l’intervenante a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑515/19, tendant à l’annulation de la décision antérieure.

12      Par un arrêt du 24 mars 2021, Lego/EUIPO – Delta Sport Handelskontor (Élément de construction d’une boîte de jeu de construction) (T‑515/19, non publié, EU:T:2021:155) (ci-après l’« arrêt d’annulation »), le Tribunal a annulé la décision antérieure.

13      Premièrement, le Tribunal a jugé que la chambre de recours avait violé l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 prévoyant une exception protégeant des systèmes modulaires, en ce qu’elle n’avait pas apprécié si le dessin ou modèle contesté remplissait les conditions de cet article qui, d’ailleurs, avait été invoqué par l’intervenante devant elle.

14      Deuxièmement, le Tribunal a constaté que la chambre de recours avait violé l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, dans la mesure où elle n’avait pas identifié l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, notamment la surface lisse de la face supérieure de la brique de jeu (ci-après la « surface lisse »), et, a fortiori, n’avait pas établi que l’ensemble de ces caractéristiques étaient exclusivement imposées par la fonction technique dudit produit.

15      La décision antérieure ayant été annulée, le présidium des chambres de recours de l’EUIPO a renvoyé l’affaire devant la troisième chambre de recours.

16      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la demande en nullité n’était pas étayée. En particulier, elle a considéré que, même si toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, y compris la surface lisse, étaient exclusivement imposées par la fonction technique de ce produit, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, la nullité dudit dessin ou modèle ne pouvait pas être prononcée, car il bénéficiait de l’exception protégeant les systèmes modulaires visés à l’article 8, paragraphe 3, du même règlement. Cette dernière disposition a été appliquée par dérogation à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, étant donné que, comme constaté par la chambre de recours, toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté relevaient non seulement de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, mais aussi de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

18      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

19      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le moyen autonome soulevé par l’intervenante, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

20      L’intervenante soutient dans son mémoire en réponse, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, en considérant que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, y compris la surface lisse, étaient exclusivement imposées par la fonction technique de ce produit, à savoir permettre l’assemblage avec d’autres briques du jeu et le démontage. Selon l’intervenante, si c’est à juste titre que la chambre de recours a rejeté le recours, elle aurait dû toutefois arriver à cette conclusion au motif que le dessin ou modèle contesté ne relevait pas de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, et non au motif que ce dessin ou modèle pouvait bénéficier de l’exception prévue à l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement.

21      À cet égard, il importe de souligner que l’argumentation de l’intervenante doit être regardée comme constituant un moyen autonome au sens de l’article 173, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, aux termes duquel, dans le contentieux relatif aux droits de la propriété intellectuelle, une partie à la procédure devant la chambre de recours, autre que le requérant, intervenant devant le Tribunal, « peut soutenir les conclusions d’une partie principale ainsi que formuler des conclusions et des moyens autonomes par rapport à ceux des parties principales ».

22      Or, dans son mémoire en réponse, l’intervenante n’a pas conclu à l’annulation ou à la réformation de la décision attaquée. Au contraire, elle a conclu au rejet du recours introduit par la requérante, qui vise l’annulation de ladite décision.

23      Ainsi, le moyen invoqué par l’intervenante est incompatible avec ses propres conclusions et, étant donné que ce moyen ne vient pas au soutien de ses conclusions, il convient de le rejeter [voir arrêt du 27 septembre 2018, TenneT Holding/EUIPO – Ngrid Intellectual Property (NorthSeaGrid), T‑70/17, non publié, EU:T:2018:611, point 35 et jurisprudence citée].

 Sur le fond

24      La requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement et, le troisième, de la violation de l’article 63, paragraphe 1, du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002

25      Dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, la requérante soutient que la chambre de recours a conclu à tort que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté relevaient de cet article. Elle fait valoir, en substance, que l’une des sept caractéristiques identifiées par la chambre de recours, à savoir la surface lisse, ne remplit pas les conditions prévues par l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement. Ainsi, le dessin ou modèle contesté ne saurait être considéré comme relevant du champ d’application de cet article.

26      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

27      En premier lieu, dans la mesure où l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, n’a pas été invoqué, par la requérante, en tant que motif de nullité du dessin ou modèle contesté, il convient de rappeler les circonstances dans lesquelles cet article a été appliqué par la chambre de recours.

28      À l’appui de la demande en nullité, la requérante avait invoqué le motif de nullité visé à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, aux termes duquel un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

29      L’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, pour sa part, prévoit qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui doivent nécessairement être reproduites dans leur forme et leurs dimensions exactes pour que le produit dans lequel est incorporé ou auquel est appliqué le dessin ou modèle puisse mécaniquement être raccordé à un autre produit, être placé à l’intérieur ou autour d’un autre produit, ou être mis en contact avec un autre produit, de manière à ce que chaque produit puisse remplir sa fonction (ci-après les « caractéristiques d’interconnexion »).

30      Ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 33 de l’arrêt d’annulation, l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, constitue une exception à l’article 8, paragraphe 2, du même règlement, permettant de protéger les dessins ou modèles visant des produits qui font partie d’un système modulaire en dépit de leurs éventuelles caractéristiques d’interconnexion.

31      Le Tribunal, au point 80 de l’arrêt d’annulation, a également expliqué que, afin de préserver l’effet utile de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, lorsque l’EUIPO, lors de l’examen d’une demande en nullité, fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement, constatait que les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté relevaient, à la fois, des paragraphes 1 et 2 de l’article 8 du même règlement et lorsque le titulaire du dessin ou modèle contesté invoquait le bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement, il devait examiner si ces caractéristiques étaient susceptibles de bénéficier de la protection des systèmes modulaires au sens de cette dernière disposition, y compris lorsque le demandeur en nullité n’avait pas invoqué l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement.

32      Dans la décision attaquée, après avoir conclu que toutes les caractéristiques du dessin ou modèle contesté relevaient de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, la chambre de recours a procédé à l’application de l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement. Dès lors que cet article s’appliquait, selon la chambre de recours, à toutes les caractéristiques dudit dessin ou modèle, elle a examiné si celui-ci remplissait les conditions de l’exception prévue par l’article 8, paragraphe 3, du même règlement. La chambre de recours en a conclu que ledit dessin ou modèle bénéficiait de cette exception protégeant les systèmes modulaires, de sorte que la demande en nullité devait être rejetée.

33      Il découle de ce qui précède que l’objectif de l’application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, dans la décision attaquée, était de déterminer, conformément à l’arrêt d’annulation, si l’exception prévue à l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement pouvait éventuellement être appliquée dans le cas d’espèce et si le dessin ou modèle contesté pouvait ainsi rester valide, bien que toutes ses caractéristiques soient exclusivement imposées par sa fonction technique, au sens de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement.

34      En second lieu, il convient d’analyser si, dans ce contexte, les arguments de la requérante concernant l’impossibilité d’appliquer l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, par rapport à la caractéristique de la surface lisse, sont susceptibles d’entraîner l’illégalité de la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle il n’y a pas lieu de prononcer la nullité du dessin ou modèle contesté.

35      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 96 de l’arrêt d’annulation, si au moins une des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle contesté n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique de ce produit, le dessin ou modèle en cause ne saurait être annulé en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

36      La même interprétation s’applique, par analogie, à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, de sorte qu’un dessin ou modèle ne saurait être déclaré nul, en application de cet article, que dans le cas où toutes ses caractéristiques relèvent dudit article, ce qui implique que, d’une part, elles remplissent les conditions prévues par ledit article et, d’autre part, aucune d’entre elles ne bénéficie de l’exception, prévue par l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement.

37      Il en découle qu’un dessin ou modèle n’est déclaré nul, en application des dispositions de l’article 8 du règlement no 6/2002, que dans le cas où toutes ses caractéristiques sont exclues de la protection. Si au moins une de ses caractéristiques est protégée, et ce notamment en raison de l’application de l’exception prévue à l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement, le dessin ou modèle reste valide.

38      En l’espèce, il y a lieu d’observer, que les parties ne contestent pas les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles six des sept caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, qui sont visées au point 9 ci-dessus, relèvent tant de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 que de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement. Au soutien de son moyen relatif à la violation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, la requérante fait valoir que cet article ne s’applique pas à la surface lisse qui constitue une seule des sept caractéristiques identifiées par la chambre de recours dans la décision attaquée.

39      Ainsi, même dans l’hypothèse où, comme le soutient la requérante, une des sept caractéristiques du dessin ou modèle contesté, à savoir la surface lisse, ne serait pas couverte par l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, l’application de l’exception prévue par l’article 8, paragraphe 3, du même règlement serait éventuellement affectée par rapport à cette seule caractéristique, de sorte que ladite exception couvrirait en tout état de cause les six autres.

40      Or, dans la mesure où un dessin ou modèle n’est déclaré nul que dans le cas où toutes ses caractéristiques sont exclues de la protection, les arguments de la requérante qui, même à les supposer fondés, auraient pour résultat d’affecter la protection d’une seule des sept caractéristiques du dessin ou modèle contesté, ne sont pas donc susceptibles de remettre en cause la validité de ce dessin ou modèle dans son ensemble.

41      Dès lors, ainsi qu’il est soutenu par l’EUIPO, les arguments que la requérante a présentés au soutien de la violation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, doivent être considérés comme étant inopérants.

42      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002

43      Le deuxième moyen se subdivise en deux branches. Au titre de la première branche, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’elle a appliqué l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 par rapport au dessin ou modèle contesté dans son ensemble et non par rapport aux seules caractéristiques d’interconnexion. Au titre de la seconde branche, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis également une erreur de droit, en faisant peser sur elle la charge de la preuve concernant les conditions de nouveauté et de caractère individuel prévues par l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002.

44      Il convient d’examiner d’abord la seconde branche du deuxième moyen, puis d’analyser sa première branche.

–       Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée d’une erreur de droit concernant la personne à qui incombe la charge de la preuve

45      Au titre de la seconde branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, en considérant que la charge de la preuve en ce qui concerne les conditions de nouveauté et de caractère individuel, fixées aux articles 5 et 6 dudit règlement, lui incombait. Selon la requérante, il appartenait à l’intervenante, à savoir la titulaire du dessin ou modèle contesté, de prouver que toutes les conditions de l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, étaient remplies en l’espèce.

46      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

47      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, pour qu’un dessin ou modèle bénéficie de l’exception protégeant les systèmes modulaires, prévue à cet article, il doit remplir deux conditions : premièrement, satisfaire aux exigences des articles 5 (nouveauté) et 6 (caractère individuel) dudit règlement et, deuxièmement, permettre l’assemblage ou la connexion multiples de produits interchangeables à l’intérieur d’un système modulaire.

48      Il y a lieu d’observer que la requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle la seconde des conditions susmentionnées est considérée comme étant remplie. Ses arguments, présentés dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, ont pour objet de remettre en cause l’analyse de la chambre de recours uniquement en ce qui concerne la première condition de l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, à savoir la satisfaction des exigences des articles 5 et 6 dudit règlement.

49      À cet égard, la chambre de recours a constaté, en substance, que l’application des articles 5 et 6 du règlement no 6/2002 requérait la preuve de la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur par rapport auquel la nouveauté et le caractère individuel du dessin ou modèle contesté seraient appréciés. L’identification exacte d’un dessin ou modèle antérieur ainsi que le fait de sa divulgation devaient, selon la chambre de recours, être prouvés par la demanderesse en nullité, ce qu’elle n’aurait pas réussi à faire dans le cas d’espèce. La chambre de recours en a conclu que l’absence de nouveauté et de caractère individuel du dessin ou modèle contesté n’avait pas été établie, dès lors que ce dessin ou modèle devait être considéré comme satisfaisant aux exigences des articles 5 et 6 du règlement no 6/2002.

50      En l’espèce, eu égard aux arguments de la requérante, il y a donc lieu de vérifier si la chambre de recours a commis des erreurs de droit en déterminant les modalités d’application des articles 5 et 6 du règlement no 6/2002, dans le contexte de l’article 8, paragraphe 3, du même règlement. En particulier, la question qui se pose, en substance, est de savoir si, dans ledit contexte, la chambre de recours a considéré à bon droit que les exigences des articles 5 et 6 du règlement no 6/2002 devaient être regardées comme étant remplies jusqu’à ce que la preuve du contraire soit démontrée, de sorte que la charge de la preuve incombait à la partie invoquant l’absence de satisfaction desdites exigences.

51      Premièrement, à cet égard, il y a lieu d’observer que le règlement no 6/2002 ne précise pas lui-même les modalités concrètes de l’application de ses articles 5 et 6, notamment dans le contexte de l’article 8, paragraphe 3, du même règlement. Il convient donc d’analyser la place et les modalités de l’application de ces dispositions dans un contexte plus large, à savoir celui du système de protection de dessins ou modèles communautaires instauré par le règlement no 6/2002.

52      Il y a lieu de rappeler que les articles 5 et 6, du règlement no 6/2002, définissent les critères de la nouveauté et du caractère individuel qui, conformément aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du même règlement, constituent des conditions qui doivent être respectées pour que la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire soit assurée.

53      S’agissant des dessins ou modèles communautaires enregistrés, tels que le dessin ou modèle contesté, il y a lieu de souligner que leur procédure d’enregistrement, instaurée par le règlement no 6/2002, consiste en un contrôle expéditif de nature essentiellement formelle, qui, comme il est indiqué au considérant 18 du même règlement, ne requiert pas d’examen au fond visant à déterminer préalablement à l’enregistrement si le dessin ou modèle remplit les conditions d’obtention de la protection (arrêt du 16 février 2012, Celaya Emparanza y Galdos International, C‑488/10, EU:C:2012:88, point 43).

54      En effet, en vertu de l’article 48 du règlement no 6/2002, l’EUIPO doit procéder à l’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire dans la mesure où il constate, à la suite de l’examen prévu à l’article 45 de ce règlement, que la demande d’enregistrement réunit les conditions de forme relatives au dépôt et qu’une telle demande n’a pas été rejetée en vertu de l’article 47 du même règlement. Conformément au paragraphe 1 dudit article 47, l’EUIPO rejette la demande d’enregistrement s’il constate que le dessin ou modèle visé par cette demande ne correspond pas à la définition du dessin ou modèle énoncée à l’article 3, sous a), du même règlement, à savoir l’apparence du produit ou d’une partie du produit que lui confèrent les caractéristiques du produit lui-même, ou si ledit dessin ou modèle est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs [ordonnance du 25 octobre 2021, 4B Company/EUIPO – Deenz [Pendentif (bijou)], T‑329/20, EU:T:2021:732, point 32].

55      Ainsi, le système mis en place par le règlement no 6/2002 pour l’enregistrement des dessins ou modèles communautaires se fonde sur le principe selon lequel toutes les demandes qui satisfont à des conditions formelles sont inscrites sur le registre des dessins ou modèles communautaires. Le corollaire de ce principe est que ce n’est qu’à la suite d’une demande en nullité d’un dessin ou modèle communautaire qui a été enregistré que celui-ci peut être déclaré nul [voir, en ce sens, ordonnance du 25 octobre 2021, Pendentif (bijou), T‑329/20, EU:T:2021:732, point 35].

56      En effet, l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 établit la liste des motifs de nullité d’un dessin ou modèle communautaire. Un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que dans les cas énumérés par cette disposition, et notamment s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 du même règlement, lesquels comprennent la nouveauté et le caractère individuel dudit dessin ou modèle.

57      Il en découle que, lors de la procédure d’enregistrement des dessins ou modèles communautaires, l’EUIPO ne contrôle pas que les conditions de nouveauté et de caractère individuel, fixées aux articles 5 et 6, du règlement no 6/2002, sont remplies. Ainsi qu’il est soutenu par l’EUIPO, le caractère nouveau et individuel d’un dessin ou modèle communautaire enregistré est donc présumé lors de la procédure d’enregistrement. Si ce dessin ou modèle ne remplit pas lesdites conditions, il ne peut être déclaré nul que dans le cadre d’une procédure de nullité prévue par l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Par conséquent, il peut en être déduit que, tant qu’un dessin ou modèle communautaire n’est pas déclaré nul, il bénéficie de la présomption selon laquelle les conditions de nouveauté et de caractère individuel sont remplies.

58      Cette conclusion est d’ailleurs également confirmée par le fait que l’article 85 du règlement no 6/2002 instaure une présomption de validité des dessins ou modèles communautaires, qu’ils soient ou non enregistrés. S’agissant des dessins ou modèles communautaires enregistrés, il est prévu, au paragraphe 1 de ladite disposition, que, « [d]ans les procédures résultant d’actions en contrefaçon ou en menace de contrefaçon d’un [tel] dessin ou modèle […], les tribunaux des dessins ou modèles communautaires considèrent le dessin ou modèle communautaire comme valide », et ce sans aucune condition supplémentaire. Cela démontre, encore une fois, que le respect des conditions de validité d’un dessin ou modèle communautaire, y compris celles de nouveauté et du caractère individuel, est présumé jusqu’à la preuve du contraire.

59      En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’y a aucune raison de penser que les exigences prévues par les articles 5 et 6 du règlement no 6/2002 s’appliquent de manière différente selon qu’elles sont appliquées en tant que motifs de nullité, conformément à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, ou en tant que conditions devant être remplies pour bénéficier de l’exception prévue par l’article 8, paragraphe 3, du même règlement. Bien que ces deux dernières dispositions aient, ainsi qu’il est soutenu par la requérante, un objectif différent, il y a lieu de souligner que, dans les deux cas, les articles 5 et 6 dudit règlement sont appliqués dans le cadre d’une procédure de nullité, fondée certes sur des motifs de nullité différents. Or, l’application de la présomption de validité d’un dessin ou modèle ne saurait dépendre du motif de nullité invoqué par la demanderesse en nullité devant les instances de l’EUIPO.

60      Soutenir le contraire reviendrait à nier l’existence même de la présomption susmentionnée. En effet, le respect des exigences de nouveauté et de caractère individuel étant présumé dès le stade de l’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire, cette présomption doit être appliquée de manière cohérente et indistincte tout au long de la durée de la protection d’un dessin ou modèle, indépendamment de la disposition du règlement no 6/2002 dans le contexte de laquelle lesdites exigences sont invoquées.

61      Il s’ensuit qu’il serait contraire à la logique même du système des dessins ou modèles communautaires découlant du règlement no 6/2002 d’exiger, comme le propose la requérante, que le titulaire d’un dessin ou modèle enregistré souhaitant bénéficier de l’exception prévue par l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 prouve le respect des conditions de nouveauté et du caractère individuel prévues par les articles 5 et 6 dudit règlement.

62      Deuxièmement, il y a lieu de souligner que les articles 5 et 6 du règlement n6/2002 impliquent que l’appréciation de la nouveauté et du caractère individuel d’un dessin ou modèle doit s’effectuer par rapport à un ou à plusieurs dessins ou modèles précis, individualisés, déterminés et identifiés parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement (voir, en ce sens, arrêts du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, points 25 et 35, et du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 61). La question tenant à la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur est ainsi une question essentielle, dont la résolution, à titre liminaire, est nécessaire aux fins de l’application correcte des articles 5 et 6 du règlement no 6/2002 [arrêt du 23 octobre 2018, Mamas and Papas/EUIPO – Wall-Budden (Tour de lit d’enfant), T‑672/17, non publié, EU:T:2018:707, point 30].

63      En effet, selon l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée.

64      De même, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement.

65      Il en découle que, ainsi que cela a été constaté par la chambre de recours, faire peser la charge de la preuve de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté sur l’intervenante reviendrait à lui imposer de prouver que son dessin ou modèle est compatible avec ces deux conditions par rapport à l’ensemble des dessins ou modèles antérieurs qui ont été divulgués avant la date pertinente. Autrement dit, dans un tel cas, l’intervenante devrait prouver l’absence de divulgation de tout dessin ou modèle qui pourrait empêcher de considérer son dessin ou modèle comme étant nouveau ou présentant un caractère individuel, conformément aux dispositions des articles 5 et 6, du règlement no 6/2002. Il convient donc de constater, à l’instar de la chambre de recours, que cela signifierait d’imposer à l’intervenante une preuve négative et, partant, impossible ou particulièrement difficile à apporter (probatio diabolica).

66      Troisièmement, la requérante ne saurait valablement soutenir que l’intervenante, en tant que titulaire du dessin ou modèle contesté, aurait dû, dans le cas d’espèce, « fournir au moins certaines informations » quant au respect des conditions de nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, en suivant la logique de l’arrêt du 26 janvier 2022, Unger Marketing International/EUIPO – Orben Wasseraufbereitung (Purificateurs d’eau) (T‑325/20, non publié, EU:T:2022:23).

67      Certes, le Tribunal a considéré dans cet arrêt que, dans la mesure où la demanderesse en nullité avait fourni des arguments et des éléments de preuve corroborant sa thèse selon laquelle toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient imposées par sa fonction technique (motif de nullité prévu par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002), il appartenait à la titulaire du dessin ou modèle contesté de démontrer le contraire, notamment les considérations esthétiques ayant influencé le choix des caractéristiques au-delà de la fonction technique (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2022, Purificateurs d’eau, T‑325/20, non publié, EU:T:2022:23, points 35 à 45).

68      Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, l’approche de la chambre de recours, dans le cas d’espèce, ne contredit pas l’argumentation du Tribunal, ainsi énoncée ci-dessus.

69      Il ressort de cette argumentation que le Tribunal a appliqué, dans le contexte de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, la règle générale en la matière relative à la répartition de la charge de la preuve, selon laquelle, lorsque le demandeur en nullité invoque le motif de nullité prévu à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, il lui incombe de fournir les éléments de nature à démontrer que le dessin ou modèle contesté ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 de ce règlement (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 60). Cette obligation exécutée, il revient alors au titulaire du dessin ou modèle contesté de produire des contre-arguments et des éléments de preuve démontrant la raison pour laquelle le dessin ou modèle contesté ne devrait pas être annulé. La conclusion finale dépend d’une évaluation de l’ensemble des faits, des arguments et des preuves présentés par les parties, comme l’exige l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 [arrêt du 29 mars 2023, Tinnus Enterprises/EUIPO – Mystic Products (Installations pour la distribution de fluides), T‑505/21, non publié, EU:T:2023:174, point 48].

70      Cette règle de répartition de la charge de la preuve a été correctement appliquée par la chambre de recours dans la décision attaquée. En effet, dans le cas d’espèce, la demanderesse en nullité n’avait pas fourni d’éléments de preuve de nature à démontrer que le dessin ou modèle contesté ne remplissait pas les conditions fixées aux articles 5 et 6 du règlement no 6/2002. Ainsi, la titulaire de ce dessin ou modèle n’était pas non plus tenue de produire des contre-arguments et des éléments de preuves démontrant les raisons pour lesquelles ledit dessin ou modèle ne devait pas être annulé.

71      Par conséquent, doivent être rejetés les arguments de la requérante concernant l’application de l’arrêt du 26 janvier 2022, Purificateurs d’eau (T‑325/20, non publié, EU:T:2022:23).

72      Eu égard à ce qui précède, force est de constater que la requérante ne saurait valablement soutenir que la chambre de recours aurait dû, dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n6/2002, faire peser sur l’intervenante la charge de la preuve quant aux exigences de nouveauté et de caractère individuel du dessin ou modèle contesté. La chambre de recours a donc correctement réparti la charge de la preuve en constatant qu’il incombait à la demanderesse en nullité, qui a contesté l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n6/2002, d’établir la divulgation des dessins ou modèles antérieurs par rapport auxquels le dessin ou modèle contesté ne saurait être considéré comme étant nouveau et présentant un caractère individuel.

73      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la seconde branche du deuxième moyen.

–       Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’application erronée de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002

74      Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur de droit, en ce qu’elle a appliqué l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 par rapport au dessin ou modèle contesté dans son ensemble et non par rapport aux seules caractéristiques d’interconnexion. Plus précisément, ainsi qu’il ressort de l’ensemble des arguments de la requérante, la chambre de recours aurait commis cette erreur dans le cadre de l’appréciation de l’une des conditions requises pour application de l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement, à savoir le respect des exigences fixées aux articles 5 et 6 du même règlement.

75      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

76      À cet égard, il y a lieu d’observer que, par ses arguments présentés dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, la requérante tend à exposer les méthodes que la chambre de recours aurait dû, selon elle, appliquer lors de son examen concernant la nouveauté et le caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

77      Or, la chambre de recours a indiqué, aux points 126 et 127 de la décision attaquée que, dans le cas d’espèce, il n’était pas nécessaire d’apprécier la prétendue absence de nouveauté ou de caractère individuel du dessin ou modèle contesté, étant donné que, d’une part, la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, en vertu de l’article 7, du règlement no 6/2002, n’avait pas été établie et, d’autre part, cette divulgation constituait une condition préalable à l’application des articles 5 et 6 dudit règlement.

78      Cette conclusion de la chambre de recours est exempte d’erreur de droit. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, l’appréciation des articles 5 et 6 du règlement no 6/2002 ne peut être effectuée que dans la mesure où la divulgation d’un ou de plusieurs dessins ou modèles antérieurs est démontrée. De plus, ainsi qu’il a été constaté au point 72 ci-dessus, il incombait à la demanderesse en nullité, qui a contesté l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n6/2002, d’établir cette divulgation. Ainsi, dans la mesure où la chambre de recours a constaté qu’aucune divulgation n’avait été démontrée par la demanderesse en nullité, elle a considéré, à bon droit, qu’il n’y avait pas lieu de procéder à l’appréciation de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

79      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure, à l’instar de l’EUIPO, que l’argumentation de la requérante, qui a trait à l’appréciation de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, est sans pertinence, puisque cette question ne fait pas partie de l’analyse de la chambre de recours ayant conduit cette dernière à conclure que les conditions de l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, étaient remplies.

80      Par suite, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

81      Par son troisième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, en ce que cette dernière n’a pas pris en compte, dans le cadre de l’appréciation de la divulgation des dessins ou modèles antérieurs, certains faits notoires et/ou non contestés ainsi que quelques informations fournies par elle à cet égard, notamment des captures d’écran d’un site Internet et une référence à un arrêt de la Cour.

82      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

83      En l’espèce, la chambre de recours a constaté que les éléments de preuve apportés par la requérante n’étaient pas suffisants pour établir la divulgation des dessins ou modèles antérieurs avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

84      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 dispose qu’un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union.

85      L’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, dont la violation est invoquée dans le présent moyen, précise que, si « [a]u cours de la procédure, l’[EUIPO] procède à l’examen d’office des faits », « [t]outefois, dans une action en nullité, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties ».

86      Premièrement, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, en ce qu’elle n’a pas pris en compte, lors de l’appréciation de la divulgation des dessins ou modèles antérieurs, le fait que les caractéristiques d’interconnexion du produit auquel le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué existaient depuis des décennies avant la date de dépôt de sa demande d’enregistrement. La requérante fait valoir, à cet égard, que, d’une part, il s’agit d’un fait notoire et, d’autre part, ce fait n’a pas été contesté par la titulaire dudit dessin ou modèle devant la chambre de recours.

87      Il y a lieu de rappeler que la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ne constitue pas, en tant que telle, un fait au sens de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, mais la « conclusion d’une appréciation factuelle », l’EUIPO étant tenu d’analyser tous les éléments présentés pour conclure s’ils sont effectivement une preuve de la divulgation du dessin ou modèle antérieur (arrêt du 23 octobre 2018, Tour de lit d’enfant, T‑672/17, non publié, EU:T:2018:707, point 36).

88      Ainsi, comme il est soutenu par l’EUIPO, la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne saurait être considérée comme étant un fait notoire qui ne doit pas être démontré, et ce même dans l’hypothèse où les produits dans lesquels ce dessin ou modèle est incorporé ou auxquels il s’applique seraient présents sur le marché depuis longtemps et seraient généralement connus par le public.

89      Au contraire, selon la jurisprudence, il est essentiel que les instances de l’EUIPO disposent d’une image du dessin ou modèle antérieur qui permet de saisir l’apparence du produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé et d’identifier de manière précise et certaine le dessin ou modèle antérieur afin de procéder, conformément aux articles 5 à 7 du règlement no 6/2002, à l’appréciation du caractère nouveau et individuel du dessin ou modèle contesté et à la comparaison que celle-ci implique entre les dessins ou modèles en cause. En effet, examiner si le dessin ou modèle contesté est effectivement dépourvu de nouveauté ou de caractère individuel exige de disposer d’un dessin ou modèle antérieur précis et déterminé (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 64).

90      Il importe également de souligner que les preuves invoquées à cet égard doivent être susceptibles d’établir à suffisance de droit que le dessin ou modèle antérieur a été effectivement divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté [arrêts du 21 juin 2018, Haverkamp IP/EUIPO – Sissel (Motif de surface plage de galets), T‑228/16, non publié, EU:T:2018:369, point 27, et du 21 juin 2018, Haverkamp IP/EUIPO – Sissel (Tapis de sol), T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 28]. De même, la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne peut être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché [voir arrêt du 27 février 2018, Gramberg/EUIPO – Mahdavi Sabet (Étui pour téléphone portable), T‑166/15, EU:T:2018:100, point 23 et jurisprudence citée].

91      Partant, la requérante ne saurait reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir considéré, aux fins de l’appréciation du caractère nouveau et individuel du dessin ou modèle contesté, que la divulgation des dessins ou modèles antérieurs était établie, dans le cas d’espèce, par l’existence de faits notoires. Eu égard à ce qui précède, force est de constater que la chambre de recours n’a pas commis une erreur d’appréciation, en ce qu’elle a fondé ses conclusions concernant ladite divulgation sur l’appréciation factuelle des éléments de preuve présentés par la requérante à cet égard.

92      Pour ces mêmes raisons, la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne saurait non plus être démontrée par la simple circonstance que la titulaire du dessin ou modèle ne la conteste pas. À cet égard, il convient également de souligner que, conformément à la jurisprudence, l’EUIPO est habilité, notamment dans le cadre l’appréciation de la divulgation des dessins ou modèles antérieurs, à conclure dans un sens différent de celui souhaité par les parties, pour autant que cette conclusion repose sur une appréciation des faits et des preuves présentés par ces dernières (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2018, Tour de lit d’enfant, T‑672/17, non publié, EU:T:2018:707, point 37).

93      Deuxièmement, dans ce contexte, la requérante ne saurait non plus valablement invoquer la circonstance selon laquelle elle avait fait, devant la chambre de recours, une référence à l’arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI (C‑48/09 P, EU:C:2010:516), concernant une brique Lego qui, selon elle, était antérieure à la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté et présentait les mêmes caractéristiques d’interconnexion que celles présentées par ledit dessin ou modèle. Or, il ressort du dossier de l’EUIPO que, dans ses observations du 1er février 2022, si certes la requérante avait fait référence audit arrêt dans le contexte de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, cela a toutefois été fait sans aucune explication concernant la question de la divulgation des dessins ou modèles antérieurs ou leur identification. Une telle référence, fournie sans le but de démontrer la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur et sans aucune identification concrète de ce dernier, ne saurait être considérée, au sens de la jurisprudence citée aux points 89 et 90 ci-dessus, comme étant une preuve suffisante de ladite divulgation.

94      Troisièmement, les conclusions de la chambre de recours ne sauraient être remises en cause par l’argument de la requérante par lequel elle souligne, en faisant référence à l’arrêt du 20 octobre 2021, JMS Sports/EUIPO – Inter-Vion (Élastique pour cheveux en spirale) (T‑823/19, EU:T:2021:718), que les captures d’écran d’un site Internet peuvent constituer des éléments de preuve fiables de la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur. Or, ainsi qu’il ressort du point 120 de la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas refusé de considérer les captures d’écran de sites Internet comme des preuves suffisantes de la divulgation, mais uniquement les simples liens permettant d’accéder à ces sites. Qui plus est, la chambre de recours a souligné elle-même que la requérante aurait dû compléter lesdits liens « par des éléments de preuve supplémentaires, tels qu’une impression ou une capture d’écran des informations pertinentes qu’ils contiennent ». Ainsi, il y a lieu de constater que la chambre de recours ne s’est pas écartée de la jurisprudence invoquée par la requérante.

95      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante ne sont pas susceptibles de démontrer que, lors de l’appréciation de la divulgation des dessins ou modèles antérieurs, la chambre de recours aurait violé l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

96      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

98      Une audience ayant eu lieu et la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Delta Sport Handelskontor GmbH est condamnée aux dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 janvier 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.