Language of document : ECLI:EU:T:1999:263

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

20 octobre 1999 (1)

«Défense contre les pratiques de dumping - Droit institué sur les importations de briquets de poche originaires des Philippines - Lien de causalité entre des exportations en quantité extrêmement limitée et l'existence d'un préjudice causé à l'industrie communautaire»

Dans l'affaire T-171/97,

Swedish Match Philippines Inc., société de droit philippin, établie à Manille (Philippines), représentée par Me Francisco Miguel Rodero López, avocat au barreau de Madrid, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Lucy Dupong, 14 A, rue des Bains,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. Ramon Torrent et Antonio Tanca, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés de Mes Hans-Jürgen Rabe et Georg M. Berrisch, avocats à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Viktor Kreuschitz, conseiller juridique, et Nicholas Khan, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation partielle du règlement (CE) n° 423/97 du Conseil, du 3 mars 1997, modifiant le règlement (CEE) n° 3433/91 en ce qui concerne les importations originaires de Thaïlande et instituant un droit antidumping définitif sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires de Thaïlande, des Philippines et du Mexique (JO L 65, p. 1), tel que modifié par l'article 1er du règlement (CE) n° 1508/97 du Conseil, du 28 juillet 1997 (JO L 204, p. 7),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. W. Bellamy, J. Pirrung, A. W. H. Meij et M. Vilaras, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 4 mai 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le Conseil a adopté, le 22 décembre 1995, le règlement (CE) n° 384/96, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 56, p. 1, ci-après «règlement de base»), en vue, notamment, d'adapter les règles communautaires à l'accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO L 336, p. 103, ci-après «code antidumping de 1994»).

2.
    Selon l'article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l'objet d'un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice, étant précisé qu'un produit est considéré comme faisant l'objet d'un dumping lorsque son prix à l'exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable pour le produit similaire dans le pays exportateur.

3.
    L'article 3 du règlement de base, qui a pour objet la détermination de l'existence d'un préjudice, se lit comme suit:

«1. Pour les besoins du présent règlement, le terme 'préjudice‘ s'entend, sauf indication contraire, d'un préjudice important causé à une industrie communautaire, d'une menace de préjudice important pour une industrie communautaire [...]

2. La détermination de l'existence d'un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif: a) du volume des importations faisant l'objet d'un dumping et de l'effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté; et b) de l'incidence de ces importations sur l'industrie communautaire.

3. En ce qui concerne le volume des importations faisant l'objet d'un dumping, on examinera s'il y a eu augmentation notable des importations faisant l'objet d'un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans la Communauté. En ce qui concerne l'effet des importations faisant l'objet d'un dumping sur les prix, on examinera s'il y a eu, pour les importations faisant l'objet d'un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d'un produit similaire de l'industrie communautaire ou si ces importations ont, d'une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d'empêcher dans une mesure notable des hausses de prix, qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

4. Lorsque les importations d'un produit en provenance de plus d'un pays font simultanément l'objet d'enquêtes antidumping, les effets de ces importations ne peuvent faire l'objet d'une évaluation cumulative que: a) si la marge de dumping établie en relation avec les importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis au sens de l'article 9, paragraphe 3 [= 2 %], et si le volume des importations en provenance de chaque pays n'est pas négligeable; et b) si une évaluation cumulative des effets des importations est appropriée compte tenu des conditions de concurrence entre les produits importés et des conditions de concurrence entre les produits importés et le produit communautaire similaire.

5. L'examen de l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping sur l'industrie communautaire concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie [...]

6. Il doit être démontré à l'aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l'objet d'un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l'occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l'industrie communautaire au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu'on puisse le considérer comme important.

[...]»

4.
    L'article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement de base dispose que les plaignants, les importateurs et les exportateurs, notamment, peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l'institution de mesures définitives. Les paragraphes 4 et 5 de cet article se lisent comme suit:

«4. L'information finale doit être donnée par écrit. Elle doit l'être, compte tenu de la nécessité de protéger les informations confidentielles, dès que possible et, normalement, un mois au plus tard avant la décision définitive ou la transmission par la Commission d'une proposition de décision finale [...]. L'information ne fait pas obstacle à toute décision ultérieure qui peut être prise par la Commission ou le Conseil et, lorsque cette décision se fonde sur des faits et considérations différents, ces derniers doivent être communiqués dès que possible.

5. Les observations faites après que l'information finale a été donnée ne peuvent être prises en considération que si elles sont reçues dans un délai que la Commission fixe dans chaque cas en tenant dûment compte de l'urgence de l'affaire, mais qui ne sera pas inférieur à dix jours.»

Faits à l'origine du litige, mesures antidumping prises, procédure et conclusions des parties

Antécédents du litige

5.
    La requérante fait partie du groupe Swedish Match dont la société mère est la Swedish Match SA établie à Nyons en Suisse. La requérante appartient à 99,99 % à la Swedish Match International BV. Une autre filiale du groupe Swedish Match est la société Poppell BV aux Pays-Bas (ci-après «Poppell»).

6.
    En août 1994, des producteurs communautaires, dont une société appartenant au groupe Swedish Match, ont porté plainte auprès de la Commission contre des importations de certains types de briquets originaires des Philippines.

7.
    Le 18 mars 1995, la Commission a annoncé, à la suite de ces plaintes, l'ouverture d'une procédure antidumping. L'enquête de la Commission a couvert la période du 1er avril au 31 décembre 1994. Il est constant que, au cours de cette période, la requérante a effectué une seule exportation de briquets vers la Communauté, et cela à destination de sa société soeur Poppell en tant qu'importateur lié.

8.
    Dans le cadre de son enquête, la Commission a, tout d'abord, envoyé des questionnaires à toutes les parties notoirement concernées. Dans sa réponse au questionnaire qui lui a été adressé, la requérante a fourni des renseignements sur son régime juridique, sa production et ses ventes, et a désigné, sous la rubrique «Détails de la société», son président et son contrôleur financier en tant que «personnes à contacter» (annexe 4 à la requête).

9.
    Le 30 septembre 1996, la Commission a émis, au titre de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base, une lettre de transmission unique qui était adressée à la fois

-    à Swedish Match, Nyons (Suisse), à l'attention de M. Picard,

-    à M. Picard de la Swedish Match Lighter Division, Rillieux-la-Pape (France),

-    au contrôleur financier de la requérante, Manille (Philippines),

-    à la société Poppell aux Pays-Bas.

Cette lettre avait pour objet la «procédure antidumping relative à des importations de [...] briquets originaires des Philippines - information finale des sociétés appartenant [au] groupe (Swedish Match Philippines Inc., en tant qu'exportateur, Poppell BV, en tant qu'importateur et direction) sur les faits et considérations essentiels pris en compte en vue des propositions envisagées par la Commission». Les destinataires étaient invités à déposer, jusqu'au 11 octobre 1996, leurs éventuelles remarques sur l'information finale annexée à cette lettre.

10.
    Dans ladite information finale, la Commission a constaté, notamment, une marge de dumping de 36,7 % et une marge de sous-cotation («underselling margin») de 13 % dans le chef de la requérante. Cette dernière ne s'est pas prononcée sur ce document dans le délai qui lui était imparti, arrivé à échéance le 11 octobre 1996.

Règlement antidumping (CE) n° 423/97

11.
    Au terme de la procédure susmentionnée, le Conseil a adopté, le 3 mars 1997, le règlement (CE) n° 423/97, modifiant le règlement (CEE) n° 3433/91 en ce qui concerne les importations originaires de Thaïlande et instituant un droit antidumping définitif sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz,non rechargeables, originaires de Thaïlande, des Philippines et du Mexique (JO L 65, p. 1, ci-après «règlement n° 423/97» ou «règlement litigieux»). L'article 2 de ce règlement a, notamment, fixé un droit antidumping définitif de 43 % sur les briquets importés des Philippines, à l'exception de ceux fabriqués et vendus par la requérante, pour lesquels un taux de 17 % a été fixé.

12.
    Aux points 33 et 34 des considérants du règlement n° 423/97, le Conseil a constaté l'existence d'une marge moyenne pondérée de dumping pour tous les producteurs et exportateurs philippins ayant coopéré de 52,6 %, à l'exception de la requérante, dont la marge s'élevait à 36,7 %.

13.
    En ce qui concerne la constatation d'un préjudice, le Conseil a procédé à une évaluation cumulative, au sens de l'article 3, paragraphe 4, du règlement de base, de l'effet similaire et simultané des importations faisant l'objet d'un dumping en provenance des trois pays concernés, à savoir de Thaïlande, des Philippines et du Mexique (points 40 à 44 des considérants).

14.
    Pour ce qui est des prix des importations faisant l'objet d'un dumping, le Conseil a relevé que «le niveau moyen de la sous-cotation des prix, exprimé en pourcentage du prix moyen de l'industrie communautaire, s'est avéré supérieur à 30 % dans tous les cas sauf un (à savoir la société philippine liée au groupe Swedish Match, dont les exportations vers la Communauté, dans des quantités extrêmement limitées, ne peuvent pas être considérées comme représentatives des exportations philippines de briquets jetables avec pierre). Cela signifie que les prix des briquets jetables avec pierre importés des pays concernés étaient sensiblement inférieurs aux prix pratiqués par les producteurs communautaires au cours de la période d'enquête» (point 50 des considérants).

15.
    Quant à la situation de l'industrie communautaire, le Conseil a constaté que les prix avaient en moyenne légèrement augmenté jusqu'en 1992 et ensuite quelque peu diminué, tout en notant que, pour essayer de conserver sa part de marché, l'industrie communautaire avait, au cours de la période examinée, vendu des quantités croissantes de produits présentant des caractéristiques de fabrication spéciales (par exemple des briquets qui auraient normalement justifié des niveaux de prix plus élevés). L'enquête aurait ainsi montré que ces niveaux de prix plus élevés n'avaient pas pu être maintenus, ce qui a eu une incidence sur la rentabilité de l'industrie communautaire (point 54 des considérants).

16.
    Dans sa conclusion concernant le préjudice, le Conseil a relevé, notamment, que «les prix des importations ont été de loin inférieurs au prix moyen de l'industrie communautaire, à savoir de plus de 30 % (à l'exception de la société philippine liée à un producteur communautaire dont les exportations étaient trop limitées pour être considérées comme représentatives des exportations philippines)» (point 57 des considérants).

17.
    Dans sa conclusion concernant le lien de causalité, le Conseil a estimé que les importations faisant l'objet d'un dumping en provenance de Thaïlande, des Philippines et du Mexique ont causé à elles seules un préjudice important à l'industrie communautaire. Cette conclusion reposerait, particulièrement, sur le niveau de sous-cotation des prix et sur les quantités en cause, qui auraient donné lieu à une forte pression à la baisse sur les prix (point 71 des considérants).

18.
    Le Conseil a, enfin, considéré que les mesures visant à l'élimination du préjudice pouvaient être fixées à un niveau inférieur aux marges de dumping. Dans ce but, il a comparé les prix de vente de chaque exportateur aux prix de vente des producteurs communautaires, reflétant le coût de production de ces producteurs ainsi qu'une marge bénéficiaire raisonnable. Il a jugé approprié de limiter à 10 % la marge bénéficiaire utilisée pour la détermination du niveau d'élimination du préjudice (points 79 à 82 des considérants).

Règlement (CE) n° 1508/97

19.
    Par son règlement (CE) n° 1508/97, du 28 juillet 1997, modifiant le règlement n° 423/97 (JO L 204, p. 7, ci-après «règlement n° 1508/97»), le Conseil a corrigé une erreur dans le calcul du droit antidumping pour les importations de la requérante et a fixé ce droit à 13 %. Devant le Tribunal, le Conseil a précisé que cette modification avait un effet rétroactif et que le trop-perçu serait restitué à la requérante.

Procédure

20.
    Le 5 juin 1997, la requérante a introduit le présent recours, qui était initialement dirigé contre le seul règlement n° 423/97. Elle a, toutefois, tenu compte, dans la réplique, de l'entrée en vigueur du règlement n° 1508/97, et reformulé en conséquence ses conclusions.

21.
    Par ordonnance du président de la deuxième chambre élargie du 12 décembre 1997, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. La Commission n'a, toutefois, pas déposé de mémoire en intervention.

22.
    Par décision du Tribunal du 21 septembre 1998, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre élargie, à laquelle l'affaire a, par conséquent, été attribuée.

23.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a, toutefois, demandé au Conseil de répondre par écrit à une question concernant la quantité des exportations effectuées par la requérante.

24.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 4 mai 1999.

25.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 423/97, tel que modifié par l'article 1er du règlement n° 1508/97, dans la mesure où il la concerne, les termes «dans la mesure où il concerne» devant être interprétés comme incluant la suspension, à l'égard de la requérante, de l'application du droit résiduel, prévu à cet article;

-    condamner la partie défenderesse aux dépens.

26.
    Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

27.
    Au soutien de son recours, la requérante soulève trois moyens. Par un premier moyen, tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base, la requérante dénonce les conditions dans lesquelles l'information finale lui a été notifiée, ainsi que l'imprécision dont cette dernière serait entachée. Les vices affectant l'information finale constitueraient également une violation de ses droits de la défense. Par son deuxième moyen, pris d'une violation de l'article 1er, paragraphe 1, et de l'article 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base, la requérante fait, en substance, valoir que le préjudice causé à l'industrie communautaire n'est nullement imputable à ses exportations. Par son troisième moyen, la requérante reproche au Conseil de ne pas avoir suffisamment motivé le règlement litigieux.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base et des droits de la défense de la requérante

Arguments des parties

28.
    Dans le cadre de son premier moyen, la requérante dénonce une double violation de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base. Elle fait valoir que l'information finale, d'une part, ne lui a pas été adéquatement notifiée, et, d'autre part, ne contenait pas suffisamment d'informations sur la manière dont la Commission a calculé la marge de préjudice.

29.
    En premier lieu, elle soutient que l'information finale qui lui a été adressée aurait également dû être communiquée à son représentant légal à Bruxelles, le cabinet d'avocats Eureka (ci-après «Eureka»). Elle fait observer que, pour les besoins de la procédure antidumping, elle avait élu domicile à Bruxelles, mais que l'information finale n'a pas été notifiée audit domicile. Ce défaut de notification del'information finale à l'adresse d'Eureka l'aurait empêchée de se défendre efficacement et dans le délai fixé, étant précisé qu'elle a cru, de bonne foi, qu'elle avait également été envoyée à Eureka et que ce dernier se chargerait des aspects procéduraux.

30.
    Elle souligne qu'elle pouvait légitimement et raisonnablement croire que le représentant légal du groupe Swedish Match s'occuperait des aspects procéduraux comme il l'avait fait auparavant. Il n'incomberait pas à une partie à une procédure antidumping de s'assurer que son représentant légal reçoit bien les notifications de la Commission et, dès lors, que ses intérêts sont efficacement défendus. Au contraire, il appartiendrait à la Commission de prendre les mesures nécessaires, même de sa propre initiative, pour que les droits d'une partie intéressée soient garantis dans le cadre d'une procédure antidumping.

31.
    Elle précise qu'elle n'a pas eu de contact direct avec la Commission au cours de la procédure administrative, sauf à l'occasion de la vérification effectuée par ses services sur les lieux aux Philippines. Swedish Match SA, représentée par M. Picard, aurait agi en tant qu'intermédiaire dans ses relations avec la Commission, puisqu'elle n'avait pas de position indépendante dans la procédure antidumping. Eureka étant le représentant légal du groupe Swedish Match, il aurait donc représenté les deux entreprises. En outre, Eureka aurait, à certaines occasions, explicitement et de manière directe représenté ses intérêts lors de la procédure antidumping. Par ailleurs, au cours de la présente procédure antidumping, la Commission aurait continuellement accepté l'intervention de Swedish Match SA et d'Eureka pour le compte de la requérante.

32.
    En second lieu, la requérante soutient que l'information finale ne contenait aucun élément indiquant la manière dont la marge du préjudice a été évaluée par la Commission. Ainsi, elle n'aurait pas pu savoir sur la base de quelles données sa marge de sous-cotation avait été calculée et n'aurait donc pas été en mesure de se défendre sur la question de la matérialité du préjudice constaté.

33.
    La requérante admet que la méthode utilisée pour le calcul de la marge de préjudice était expliquée dans l'information finale. Elle soutient qu'elle ne contenait, en revanche, aucune donnée sur le calcul de la marge de préjudice opéré, en l'espèce, par la Commission à son égard. Dans ce contexte, la requérante demande également à la Commission de lui communiquer les informations non confidentielles relatives aux coûts de production de l'industrie communautaire. La non-transmission de ces informations l'empêcherait de savoir comment la Commission est parvenue à la conclusion que la marge de sous-cotation était de 13 %.

34.
    Le Conseil fait valoir, en premier lieu, que l'envoi direct de l'information finale à la requérante ne constitue pas, en soi, une violation de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base. Il appartiendrait à cette dernière d'apporter la preuve quecet envoi l'a empêchée d'assurer efficacement la défense de ses intérêts. Il fait observer, à cet égard, que ledit envoi n'a pu lui causer qu'une perte de temps, dans la mesure où elle a dû prendre des dispositions afin de faire parvenir ce document à son conseil. Il ajoute qu'elle aurait dû, dans un tel cas, entrer en contact avec la Commission et demander une prorogation du délai qui lui avait été imparti pour présenter ses observations sur l'information finale, ce qu'elle n'aurait jamais fait. Elle n'aurait même jamais dénoncé, par la suite, le fait que l'information finale lui a été envoyée directement.

35.
    Le Conseil fait valoir, en second lieu, que la méthode suivie par la Commission pour le calcul de la marge de préjudice a été décrite en page 21 de l'information finale. Elle aurait également fourni les chiffres détaillés relatifs à la marge de sous-cotation de la requérante (13 %), ainsi que ceux portant sur la marge de sous-cotation des autres exportateurs concernés. La requérante aurait, en outre, obtenu des informations sur le prix à l'exportation et, quant au calcul du prix visant à éliminer le préjudice («prix non préjudiciable»), elle aurait été informée que les institutions avaient inclus une marge bénéficiaire de 10 %. En revanche, les calculs utilisés pour l'établissement du coût moyen de production de l'industrie communautaire n'auraient pas été divulgués à la requérante pour des motifs tenant au secret des affaires.

36.
    En ce qui concerne la demande de la requérante de connaître les données sous une forme non confidentielle, le Conseil fait, enfin, observer que la requérante ne s'est jamais plainte de l'insuffisance de l'information finale. Elle n'aurait pas non plus sollicité d'informations complémentaires sur les coûts de production des producteurs communautaires.

Appréciation du Tribunal

37.
    Il convient de rappeler, en premier lieu, que, en vertu de l'article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, la Commission est tenue de communiquer, notamment à l'exportateur du produit faisant l'objet de l'enquête antidumping, une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisage de recommander au Conseil l'adoption de mesures définitives, et ce afin de garantir le respect de ses droits de la défense. Selon la jurisprudence, il est satisfait au respect de ces droits, dès lors que, au cours de la procédure antidumping, l'entreprise intéressée est mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués ainsi que, le cas échéant, sur les documents retenus (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T-170/94, Rec. p. II-1383, point 120, et la jurisprudence citée).

38.
    Or, le Tribunal constate que, par sa lettre du 30 septembre 1996, la Commission a effectivement envoyé à la requérante, à l'adresse de son siège social et à l'attention de son contrôleur financier, l'information finale visée à l'article 20 du règlement de base. Ainsi qu'il résulte de la jurisprudence, l'envoi d'un acte au siègesocial du destinataire doit être considéré comme constituant une notification valable. En effet, dans son arrêt du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission (42/85, Rec. p. 3749, points 10 à 12), intervenu dans le domaine des quotas de production du régime CECA, la Cour a jugé que la notification d'une décision, faisant courir le délai de recours, est régulière lorsqu'elle est intervenue au siège social de l'entreprise concernée, et cela même dans l'hypothèse où l'entreprise aurait expressément demandé à la Commission de la lui notifier à une autre adresse.

39.
    Le Tribunal estime que cette jurisprudence est d'autant plus transposable au cas d'espèce que la requérante n'avait pas avisé la Commission en temps utile d'un changement des «personnes à contacter», qu'elle avait désignées dans sa réponse au questionnaire (voir ci-dessus point 8), en la priant expressément d'adresser désormais toute correspondance à Eureka.

40.
    En adressant la lettre du 30 septembre 1996 au siège social de la requérante, la Commission s'est, en outre, conformée aux indications que la requérante lui avait elle-même données dans sa réponse au questionnaire en désignant son président et son contrôleur financier comme «personnes à contacter». Il s'ensuit que la requérante a été mise en mesure de prendre connaissance de l'information finale et de présenter ses observations en fonction de ses intérêts, soit de sa propre initiative, soit par l'intermédiaire de son conseil, soit, enfin, par l'intermédiaire du groupe Swedish Match.

41.
    Pour autant que la requérante soutient que l'information finale aurait dû être adressée à son représentant légal à Bruxelles, il y a lieu de relever qu'aucune des dispositions de l'article 20 du règlement de base n'impose à la Commission l'obligation de s'assurer que l'information finale a été communiquée au représentant légal de l'exportateur concerné.

42.
    A cet égard, la circonstance que la Commission a effectivement eu quelques contacts, au cours de la procédure, avec Eureka ainsi qu'avec d'autres sociétés et personnes appartenant au groupe Swedish Match est, en l'absence de toute obligation pour celle-ci d'adresser l'information finale au conseil de l'intéressé, dénuée de pertinence.

43.
    Il s'ensuit que le grief pris d'une notification irrégulière doit être rejeté.

44.
    Il convient de constater, en second lieu, que la requérante n'a, au cours de la procédure administrative et notamment après la réception de l'information finale, jamais sollicité des informations complémentaires sur la marge de préjudice. La Commission n'ayant pas été avertie du prétendu manque d'informations, elle n'était pas en mesure de remédier, au stade de la procédure antidumping, à cet éventuel manque afin de sauvegarder les droits de la défense de la requérante.

45.
    Il s'ensuit que ce second grief doit également être rejeté.

46.
    Enfin, la requérante n'ayant démontré l'existence d'aucun vice entachant la procédure administrative et cette procédure étant close, sa demande, formulée pour la première fois devant le Tribunal, visant à obtenir une version non confidentielle des informations sur les coûts de production de l'industrie communautaire doit être rejetée.

47.
    Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation des articles 1er, paragraphe 1, et 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base

Arguments des parties

48.
    Dans sa requête, la requérante fait valoir, en substance, que le préjudice causé à l'industrie communautaire par les exportations de briquets originaires des trois pays soumis à l'enquête, dont elle ne conteste pas la réalité, n'est pas imputable à ses propres exportations, en raison, d'une part, de leur très faible volume et, d'autre part, de leur prix unitaire.

49.
    Elle fait observer, en premier lieu, qu'il a été prouvé au cours de la procédure antidumping qu'elle n'avait, durant la période d'enquête, exporté vers la Communauté que 10 500 briquets, ce qui ne représenterait que 0,0369 % de l'ensemble des briquets originaires des Philippines et 0,0083 % de l'ensemble des briquets originaires des trois pays visés par l'enquête exportés sur ce marché. Sur les 126,5 millions de briquets importés des trois pays concernés, 28,4 millions auraient été originaires des Philippines. Elle en déduit que le volume de ses propres exportations ne pouvait avoir une incidence sur l'industrie communautaire.

50.
    Elle souligne également, en deuxième lieu, que ses propres exportations ont été facturées à un prix unitaire (0,19 USD) largement supérieur à ceux pratiqués par les autres exportateurs philippins (0,07 USD) et mexicains (0,08 USD) concernés par l'enquête antidumping, voire à ceux pratiqués par l'industie communautaire pour le produit similaire. Or, si le Conseil a, pour déterminer le préjudice subi par l'industrie communautaire, évalué de manière cumulée le volume des exportations originaires des trois pays concernés par l'enquête, il aurait, toutefois, omis de calculer la sous-cotation du prix de ses propres exportations en raison précisément de leur faible volume.

51.
    L'examen de ces faits à la lumière de l'article 3, paragraphe 2, du règlement de base aurait donc dû conduire le Conseil à constater que les exportations effectuées par la requérante n'imposaient nullement la détermination de l'existence d'un préjudice. En tout état de cause et pour les mêmes motifs, elle estime qu'il n'existeaucun lien de causalité entre ses propres exportations et le préjudice effectivement subi par l'industrie communautaire.

52.
    Dans sa réplique, la requérante fait, en outre, valoir que le Conseil, en l'incluant dans l'évaluation cumulative de l'impact de l'ensemble des exportations originaires des pays soumis à l'enquête sur l'industrie communautaire, a commis une erreur manifeste d'appréciation, constitutive d'une violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité.

53.
    Contrairement aux affirmations du Conseil, les institutions communautaires auraient déjà par le passé évalué l'impact des exportations de producteurs individuels [règlement (CEE) n° 1696/88 de la Commission, du 14 juin 1988, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de fibres textiles synthétiques de polyesters, originaires des États-Unis d'Amérique, du Mexique, de Roumanie, de Taiwan, de Turquie et de Yougoslavie (JO L 151, p. 47)] en considération de leur situation spécifique. Ainsi, dans ce dernier règlement, l'impact des exportations opérées par les producteurs américains aurait fait l'objet d'un examen particulier.

54.
    Elle souligne, à cet égard, que les institutions communautaires auraient dû tenir compte de sa position particulière, très différente de celle des autres producteurs et exportateurs. Si elle fait partie du groupe européen Swedish Match, ses activités d'exportation seraient, toutefois, centrées sur le Japon, les États-Unis et les pays de la zone Asie-Pacifique, de sorte qu'elle ne saurait être considérée comme un exportateur au sens où ce terme est utilisé pour les autres producteurs concernés par l'enquête antidumping. L'unique exportation de briquets qu'elle a effectuée au cours de l'enquête, réalisée aux fins de tests de qualité par Poppell, ne pourrait pas être qualifiée de relation commerciale régulière et bien établie entre un exportateur et un importateur. Les institutions communautaires auraient donc enfreint le principe d'égalité en assurant un traitement identique à des situations complètement différentes.

55.
    Les institutions communautaires auraient également violé le principe de proportionnalité. L'imposition d'un droit antidumping dans son cas constituerait une utilisation disproportionnée des pouvoirs que le règlement de base confère aux institutions communautaires, car elle n'aurait pas été nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi. Elle aurait démontré que ses exportations vers le marché communautaire ne font pas partie intégrante de ses activités usuelles et que, par conséquent, il est improbable qu'elle procède à des exportations à l'avenir.

56.
    Dans le cadre du moyen tiré d'une motivation insuffisante, la requérante reproche encore aux institutions communautaires d'avoir utilisé à tort des prix cibles pour le calcul du droit antidumping. Elle renvoie, à cet égard, à l'arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, TEC e.a./Conseil (260/85 et 106/86, Rec. p. 5855, points 48 à 50), selon lequel les prix cibles seraient utilisés lorsque les prix effectifs du marché ontsubi des dépréciations et ne sont donc plus utilisables aux fins de la comparaison. L'utilisation d'un prix cible ne serait autorisée que dans ce cas. En l'absence de toute dépréciation des prix, les prix à utiliser pour la comparaison seraient les prix effectifs des producteurs communautaires. Si les institutions communautaires avaient eu recours aux prix effectifs pour fixer le taux du droit antidumping, la requérante ne se serait pas vu imposer un droit antidumping.

57.
    Le Conseil explique, tout d'abord, que les enquêtes antidumping portent toujours sur les exportations d'un pays ou d'un groupe de pays donné, mais non sur les exportations d'un producteur donné. En conséquence, les institutions communautaires s'attacheraient uniquement à déterminer si le préjudice est causé par des importations faisant l'objet d'un dumping et provenant du pays soumis à l'enquête.

58.
    Il souligne que l'argument que la requérante tire du règlement n° 1696/88, du 14 juin 1988, précité (voir ci-dessus point 53), n'est pas pertinent en l'espèce, parce que les circonstances factuelles ne sont pas identiques. En particulier, ce sont les exportations de tous les producteurs américains qui auraient été exclues du cumul et non pas les exportations d'un seul producteur américain.

59.
    Le Conseil souligne que la requérante n'a, dans sa requête, pas dénoncé de violation des principes de non-discrimination et de proportionnalité. Ces griefs auraient été soulevés pour la première fois dans la réplique, sans que la requérante n'indique la raison pour laquelle elle n'a pas pu les présenter dans la requête. Ces allégations seraient donc des moyens nouveaux et devraient être déclarés irrecevables conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

60.
    A titre subsidiaire, le Conseil fait valoir que l'argument tiré d'une violation du principe de non-discrimination n'est pas fondé. D'une part, il importerait peu qu'un exportateur exporte vers un producteur communautaire lié, de telles exportations pouvant également causer un préjudice. D'autre part, le fait que le volume des exportations ait été très limité ne constituerait pas une raison suffisante pour procéder à une évaluation séparée du lien de causalité. Quant au principe de proportionnalité, la requérante invoquerait pratiquement les mêmes arguments que ceux déjà avancés dans le cadre de la violation du principe de non-discrimination.

Appréciation du Tribunal

61.
    Pour autant que la requérante soutient, premièrement, qu'elle ne peut pas être qualifiée d'«exportateur» au sens du règlement de base, parce qu'elle fait partie du groupe Swedish Match et que la seule exportation de briquets qu'elle a effectuée au cours de la période d'enquête l'a été à destination de sa société soeur Poppell, il y a lieu de noter que le Conseil a constaté, au point 38 des considérants du règlement litigieux, sans être contredit par la requérante, que l'activité d'importation des sociétés appartenant au groupe Swedish Match en ce quiconcerne les briquets d'origine philippine était extrêmement limitée et que leurs principales opérations relatives à ces produits ont été effectuées dans la Communauté. Le Conseil a, dès lors, à juste titre jugé approprié de maintenir ces sociétés dans «l'industrie communautaire».

62.
    En outre, il y a lieu de relever que la seule circonstance qu'une importation soit réalisée au sein même d'un groupe d'entreprises n'est pas de nature à l'exclure du champ d'application de l'article 3 du règlement de base, qui vise à protéger l'industrie communautaire contre «des importations faisant l'objet d'un dumping». En vertu de l'article 2, paragraphe 9, du règlement de base, la situation spécifique d'une association entre un exportateur extra-communautaire et un importateur communautaire est prise en considération dans le seul cadre de la détermination du prix à l'exportation.

63.
    Il s'ensuit que le premier grief avancé par la requérante doit être rejeté.

64.
    Dans la mesure où la requérante reproche, deuxièmement, aux institutions communautaires d'avoir considéré que l'unique exportation de briquets qu'elle a effectuée au cours de la période d'enquête, et cela en quantité extrêmement limitée, était susceptible de causer un préjudice important à l'industrie communautaire, il y a lieu de rappeler qu'aucune disposition du règlement de base - ni d'ailleurs du code antidumping de 1994 - n'oblige les institutions communautaires à examiner, dans les procédures antidumping, si et dans quelle mesure chaque exportateur pratiquant le dumping contribue, à lui seul, au préjudice causé à l'industrie communautaire. La lecture de l'article 3 du règlement de base révèle, au contraire, que le législateur communautaire utilise la formule, au pluriel, «des importations faisant l'objet d'un dumping», en précisant que le volume des importations faisant l'objet d'un dumping et leur effet sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté, ainsi que l'incidence de ces importations sur l'industrie communautaire, constituent les éléments pertinents pour la détermination de l'existence d'un préjudice. En particulier, le paragraphe 4 dudit article 3 autorise l'évaluation cumulative des effets d'importations «en provenance de plus d'un pays», à condition que, notamment, «le volume des importations en provenance de chaque pays» ne soit pas négligeable.

65.
    Il s'avère donc que le législateur communautaire a choisi, en vue de déterminer l'existence d'un préjudice, le cadre territorial d'un pays donné ou de plusieurs pays, en visant, de manière globalisante, l'ensemble des importations, en provenance de ce(s) pays, qui font l'objet d'un dumping.

66.
    Il convient, à cet égard, de souligner que, dans son arrêt du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil (255/84, Rec. p. 1861, point 46), la Cour a jugé que le préjudice subi par une production établie de la Communauté du fait d'importations effectuées à prix de dumping devait être apprécié globalement, «sans qu'il soit besoin, ni d'ailleurs possible, d'individualiser la part de ce préjudice qui estimputable à chacune des sociétés responsables». En outre, dans son arrêt du 5 octobre 1988, Technointorg/Commission et Conseil (294/86 et 77/87, Rec. p. 6077, points 40 et 41), la Cour a relevé que les effets d'importations provenant de différents pays tiers devaient être appréciés globalement et qu'il était justifié de permettre aux autorités communautaires d'examiner l'effet de l'ensemble de ces importations sur l'industrie communautaire et de prendre les mesures adéquates à l'égard de tous les exportateurs, «même si le volume des exportations de chacun d'entre eux, pris individuellement, est peu important».

67.
    Dès lors, le deuxième grief soulevé par la requérante doit également être rejeté.

68.
    Dans ces circonstances, la requérante ne saurait utilement invoquer le principe de non-discrimination. Si ce principe s'oppose à ce que des situations différentes soient traitées de manière identique, le régime antidumping tel qu'il a été analysé ci-dessus s'oppose à ce qu'un opérateur ayant exporté une quantité limitée soit considéré, aux fins de la détermination du préjudice, comme se trouvant dans une situation différente de celle d'un opérateur ayant exporté des quantités considérables. Si la requérante soutient encore, dans ce contexte, que d'autres exportateurs philippins ne se sont pas vu imposer de droit antidumping parce que la Commission a accepté leurs offres d'engagement de prix, il suffit de rappeler que, ainsi qu'il ressort du point 89 des considérants du règlement litigieux, la requérante n'a présenté aucune offre semblable, de sorte que les institutions communautaires n'étaient pas en mesure de la traiter de la même manière que les autres sociétés philippines.

69.
    Il en va de même en ce qui concerne le principe de proportionnalité, selon lequel la légalité d'une mesure communautaire est subordonnée à la condition que les moyens qu'elle met en oeuvre soient aptes à réaliser l'objectif légitimement poursuivi par la mesure en cause et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir, en principe, à la moins contraignante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T-162/94, Rec. p. II-427, point 69).

70.
    En effet, la protection de l'industrie communautaire peut exiger que des exportations, bien qu'effectuées en quantité limitée, soient néanmoins prises en considération dans la détermination de l'existence d'un préjudice. Dans le cas de la requérante, le volume limité des exportations qu'elle a effectuées jusqu'à présent correspond à un risque, tout aussi limité, d'être frappée par le droit antidumping imposé. En effet, ce risque ne se réalisera que dans la mesure où la requérante procédera à de futures exportations vers la Communauté. Or, la requérante a expressément déclaré que de telles exportations ne font pas partie de ses activités usuelles, tournées vers le Japon, les États-Unis et les pays de la zone Asie-Pacifique, et qu'il est improbable qu'elle procède à des exportations à l'avenir.

71.
    Il s'ensuit que les arguments que la requérante tire d'une violation de ces deux principes doivent être rejetés.

72.
    La requérante essaye également, d'une part, de démontrer l'absence de préjudice par la circonstance que le prix facturé pour ses briquets exportés était supérieur aux prix communautaires. D'autre part, elle soutient que les institutions communautaires ont utilisé le concept des prix cibles, bien que les conditions d'application - à savoir la dépréciation des prix effectifs du marché - n'aient pas été réunies en l'espèce.

73.
    A cet égard, il convient de rappeler que la requérante et l'importateur communautaire destinataire de la cargaison litigieuse appartiennent au même groupe. En vertu de l'article 2, paragraphe 9, du règlement de base, dans l'hypothèse d'une association entre l'exportateur et l'importateur, les institutions communautaires ne sont pas tenues de reconnaître le prix facturé comme prix à l'exportation, mais peuvent construire ce dernier sur la base du prix auquel le produit importé est revendu pour la première fois à un acheteur indépendant. Or, le Conseil a déclaré, sans être contredit par la requérante, qu'il a eu recours à un tel prix construit en l'espèce. Par conséquent, la référence de la requérante au prix effectivement facturé est dénuée de pertinence.

74.
    Quant à la critique relative au système des prix cibles, il ressort du point 54 des considérants du règlement litigieux que les prix pratiqués en général par l'industrie communautaire ont, après avoir légèrement augmenté, diminué de 1992 jusqu'à la période d'enquête. En ce qui concerne plus particulièrement les briquets sophistiqués qui auraient normalement justifié des niveaux de prix plus élevés, il a été constaté que, durant la période d'enquête, de tels prix plus élevés n'ont pas pu être maintenus, ce qui a affecté la rentabilité de l'industrie communautaire. En outre, le point 53 des considérants de ce règlement fait état d'une réduction de la part de marché de l'industrie communautaire de 57,3 % en 1990 à 48,6 % lors de la période d'enquête. Enfin, selon les constatations faites aux points 34 et 50 des considérants du règlement litigieux, les prix des briquets importés étaient sensiblement inférieurs aux prix pratiqués par les producteurs communautaires au cours de la période d'enquête, et cela compte tenu de marges de dumping de 36,7 % pour la requérante et de 52,6 % pour les autres exportateurs philippins.

75.
    Eu égard à ces constatations, qui n'ont pas été contestées par la requérante, le Conseil était autorisé à considérer que les prix communautaires effectivement pratiqués n'étaient plus utilisables pour la détermination du préjudice, en ce qu'ils avaient subi des dépréciations résultant de la pression à la baisse exercée par les importations philippines, et qu'il convenait donc de calculer le montant du droit antidumping nécessaire pour éliminer le préjudice, au sens de l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base, en recourant à un prix construit.

76.
    Il ressort, enfin, des points 57, 81 et 82 des considérants du règlement litigieux, ainsi que des pages 14 et 21 de l'information finale, que les prix des exportateurs philippins autres que la requérante étaient inférieurs de plus de 30 % aux prix effectivement pratiqués par l'industrie communautaire et qu'il fallait, pour éliminer le préjudice, tenir compte d'une marge bénéficiaire de l'industrie communautaire de 10 % ainsi que de ses coûts de production. En conséquence, la marge de sous-cotation («underselling margin») de ces exportateurs philippins par rapport aux prix communautaires construits a été évaluée à 43 %, ce qui inclut, par voie de conséquence, un taux de 3 % au titre des coûts de production. Or, la marge de sous-cotation («undercutting margin») de la requérante ayant été fixée à 0 %, le calcul du prix non préjudiciable devait nécessairement conduire à la fixation d'une marge de sous-cotation individuelle («underselling margin») de 13 %, à savoir 10 % au titre de la marge bénéficiaire de l'industrie communautaire et 3 % au titre de ses coûts de production, telle qu'elle a été retenue dans le règlement litigieux et qu'elle s'est traduite par un droit antidumping du même taux.

77.
    Il s'ensuit qu'aucun des arguments soulevés par la requérante ne saurait être accueilli.

78.
    Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation du devoir de motivation

79.
    La requérante fait valoir que les considérants du règlement litigieux exposent de façon contradictoire et peu claire les faits qui ont amené le Conseil à déterminer sa marge moyenne de sous-cotation et à établir le taux du droit antidumping qui lui est appliqué. Elle critique, notamment le point 50 des considérants du règlement litigieux. Les institutions communautaires omettraient d'indiquer ou d'évaluer son taux de sous-cotation individuel. Il existerait donc une incertitude totale quant au niveau de la sous-cotation des prix retenue par le Conseil pour évaluer le préjudice causé à l'industrie communautaire. Cette incertitude serait aggravée si l'on tient compte du prix élevé qu'elle facture à l'importateur et de ses importations extrêmement limitées.

80.
    La requérante critique également le point 57 des considérants du règlement litigieux. Le libellé de ce point pourrait laisser penser que le Conseil a conclu qu'elle n'avait pas causé de préjudice à l'industrie communautaire et qu'elle ne méritait pas que lui soit imposé un droit antidumping. Pourtant, le Conseil lui aurait imposé un droit individuel sur ses importations. Elle ne voit pas comment le Conseil est parvenu à une marge moyenne de sous-cotation («underselling margin») de 13 %, dès lors qu'il a fondé sa conclusion concernant le préjudice, entre autres choses, sur une marge de sous-cotation («undercutting margin») de 0 %.

81.
    Enfin, la requérante relève que les considérations relatives à une augmentation des prix de l'industrie communautaire contredisent les constatations ultérieures faisantétat d'une pression à la baisse sur les prix. Elle serait donc empêchée de se défendre étant donné qu'elle ne peut pas savoir sur la base de quels faits le Conseil a décidé d'instituer un droit antidumping sur ses importations.

82.
    A cet égard le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) doit être adaptée à la nature de l'acte en cause. Elle doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte attaqué, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge communautaire d'exercer son contrôle. Il résulte en outre de cette jurisprudence que l'on ne saurait exiger que la motivation d'un acte spécifie les différents éléments de fait et de droit qui en font l'objet, dès lors que cet acte entre dans le cadre systématique de l'ensemble dont il fait partie, l'exigence de motivation devant par ailleurs être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce (arrêt de la Cour du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission, C-48/96 P, Rec. p. I-2873, points 34 et 35). On ne saurait, en particulier, exiger que la motivation des règlements, actes de portée générale, spécifie les différents éléments de fait ou de droit, parfois très nombreux et complexes, qui font leur objet. Par conséquent, si l'acte contesté fait ressortir l'essentiel de l'objectif poursuivi par l'institution, il serait excessif d'exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques qu'elle a opérés (arrêt de la Cour du 22 janvier 1986, Eridania, 250/84, Rec. p. 117, point 38).

83.
    Le Tribunal estime que les exigences établies par cette jurisprudence ont été respectées en l'espèce. Ainsi que l'examen des premier et deuxième moyens de fond soulevés par la requérante l'a démontré, cette dernière a été suffisamment renseignée par sa participation à la procédure antidumping, par l'information finale et par les considérants du règlement litigieux, de sorte qu'elle a pu utilement assurer la défense de ses intérêts devant le Tribunal. En outre, le Tribunal a été en mesure d'exercer son contrôle juridictionnel en statuant sur le présent recours.

84.
    Dès lors, le troisième moyen doit également être écarté.

85.
    Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme non fondé.

Sur les dépens

86.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, il y a lieu de condamner la requérante aux dépens, pour autant qu'elle a succombé en ses conclusions. Dans la mesure où l'introduction de la requête a amené le Conseil à corriger une erreur de calcul et à réduire, en modifiant le règlement litigieux, les droits antidumping de quatre points, le Tribunal estime équitable decondamner le Conseil à supporter un cinquième de ses dépens, en application de l'article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure.

87.
    La Commission, partie intervenante, supportera ses propres dépens, conformément à l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante est condamnée à supporter ses propres dépens et quatre cinquièmes des dépens exposés par le Conseil.

3)    Le Conseil supportera un cinquième de ses propres dépens.

4)    La partie intervenante supportera ses propres dépens.

Vesterdorf
Bellamy
Pirrung

Meij

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 octobre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'anglais.