Language of document : ECLI:EU:T:2023:828

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

20 décembre 2023 (*)

«  Recours en annulation – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine – Interdiction à tout aéronef non immatriculé en Russie détenu, affrété ou contrôlé d’une autre manière par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme russe d’atterrir sur le territoire de l’Union, d’en décoller ou de le survoler – Article 4 sexies de la décision 2014/512/PESC – Incompétence du Tribunal – Article 3 quinquies du règlement (UE) no 833/2014 – Absence de qualité pour agir – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑233/22,

Ekaterina Islentyeva, demeurant à Strassen (Luxembourg), représentée par Mes F. Moyse et V. Sulea, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. V. Piessevaux et Mme M.-C. Cadilhac, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland, C. Giolito, K. Simonsson, Mmes M. Carpus Carcea et B. Sasinowska, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni, Mme M. Brkan, MM. I. Gâlea (rapporteur) et S. L. Kalėda, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 octobre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mme Ekaterina Islentyeva, demande l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2022/335 du Conseil, du 28 février 2022, modifiant la décision 2014/512/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2022, L 57, p. 4, ci-après la « décision attaquée »), et, d’autre part, du règlement (UE) 2022/334 du Conseil, du 28 février 2022, modifiant le règlement (UE) no 833/2014 du Conseil concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2022, L 57, p. 1, ci-après le « règlement attaqué ») (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »).

 Antécédents du litige

2        La présente affaire s’inscrit dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

3        La requérante a la double nationalité luxembourgeoise et russe. Elle est titulaire d’une licence de pilote privé délivrée par la Direction de l’aviation civile du Grand-Duché de Luxembourg (DAC). Avant l’adoption des actes attaqués, elle utilisait des aéronefs appartenant à l’association sans but lucratif luxembourgeoise Avia Sport II, établie à l’aéroport de Luxembourg-Findel (Luxembourg) et survolait le Luxembourg, la France, l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni. Elle volait seule ou avec un instructeur, en ayant toujours la qualité de commandant de bord au sens de l’annexe I, point 93, du règlement (UE) no 965/2012 de la Commission, du 5 octobre 2012, déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes conformément au règlement (CE) no 216/2008 du Parlement européen et du Conseil (JO 2012, L 296, p. 1). En 2021, elle a effectué ainsi quatorze vols.

4        En mars 2014, la Fédération de Russie a illégalement annexé la République autonome de Crimée ainsi que la ville de Sébastopol et a mené depuis lors des actions de déstabilisation continues dans l’est de l’Ukraine. En réaction, l’Union a instauré des mesures restrictives eu égard aux actions de la Fédération de Russie déstabilisant la situation en Ukraine, des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ainsi que des mesures restrictives en réaction à l’annexion illégale de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol par la Fédération de Russie.

5        Le 24 février 2022, le président de la Fédération de Russie a annoncé une opération militaire en Ukraine et, le même jour, les forces armées russes ont attaqué l’Ukraine à plusieurs endroits du pays.

6        Le 28 février 2022, dans le contexte d’une série de mesures restrictives portant, notamment, sur la fermeture de l’espace aérien de l’Union à certaines catégories d’aéronefs, sur le système de messagerie financière SWIFT et sur les ressources de la Banque centrale russe, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision attaquée et, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement attaqué.

7        L’article 4 sexies de la décision 2014/512/PESC du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 13), telle qu’inséré par l’article 1er, point 2, de la décision attaquée, se lit comme suit :

« 1. Les États membres, conformément à leurs dispositions réglementaires et législatives nationales et dans le respect du droit international, en particulier les accords pertinents dans le domaine de l’aviation civile internationale, refusent à tout aéronef exploité par des transporteurs aériens russes, y compris en tant que transporteur contractuel dans le cadre d’accords de partage de codes ou de réservation de capacité, à tout aéronef immatriculé en Russie et à tout aéronef non immatriculé en Russie qui est détenu, affrété ou contrôlé d’une autre manière par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme russe, la permission d’atterrir sur le territoire de l’Union, d’en décoller ou de le survoler.

2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas en cas d’atterrissage d’urgence ou de survol d’urgence.

3. Par dérogation au paragraphe 1, les autorités compétentes peuvent autoriser un aéronef à atterrir sur le territoire de l’Union, à en décoller ou à le survoler si les autorités compétentes ont déterminé qu’un atterrissage, un décollage ou un survol est nécessaire à des fins humanitaires ou à toute autre fin compatible avec les objectifs de la présente décision.

4. L’État membre ou les États membres concernés informent les autres États membres et la Commission de toute autorisation accordée en vertu du paragraphe 3 dans un délai de deux semaines suivant l’autorisation. »

8        L’article 3 quinquies du règlement (UE) no 833/2014 du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 1), tel qu’inséré par l’article 1er, point 2, du règlement attaqué, se lit comme suit :

« 1. Il est interdit à tout aéronef exploité par des transporteurs aériens russes, y compris en tant que transporteur contractuel dans le cadre d’accords de partage de codes ou de réservation de capacité, ou à tout aéronef immatriculé en Russie, ou à tout aéronef non immatriculé en Russie qui est détenu, affrété ou contrôlé d’une autre manière par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme russe, d’atterrir sur le territoire de l’Union, d’en décoller ou de le survoler.

2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas en cas d’atterrissage d’urgence ou de survol d’urgence.

3. Par dérogation au paragraphe 1, les autorités compétentes peuvent autoriser un aéronef à atterrir sur le territoire de l’Union, à en décoller ou à le survoler, si les autorités compétentes ont déterminé qu’un atterrissage, un décollage ou un survol est nécessaire à des fins humanitaires ou à toute autre fin compatible avec les objectifs du présent règlement.

4. L’État membre ou les États membres concernés informent les autres États membres et la Commission de toute autorisation accordée en vertu du paragraphe 3 dans un délai de deux semaines suivant l’autorisation. »

9        À la suite de l’adoption des actes attaqués, la Commission européenne et l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) ont consacré chacune un document ou une section sur leur site Internet destinés à répondre à des questions fréquemment posées relatives auxdits actes. Selon le document publié par la Commission en date du 21 mars 2022, l’interdiction introduite par les actes attaqués visait les personnes ayant une double nationalité, russe et d’un État membre, ainsi que les vols privés. De même, dans les réponses aux questions fréquemment posées publiées le 15 mars 2023 sur le site Internet de l’AESA, ladite interdiction s’appliquait aux personnes ayant une double nationalité, russe et d’un État membre. De plus, il était également mentionné qu’elle s’appliquait lorsqu’une personne de nationalité russe volait à titre privé en tant que pilote et contrôlait donc quand et où l’avion volait, exception faite pour le cas où ladite personne volait en tant qu’employé d’un transporteur aérien non russe, dès lors que, dans une telle hypothèse, elle ne contrôlait pas l’aéronef.

10      Les autorités de l’aéroport de Luxembourg-Findel ont publié une « notice to airmen » (NOTAM, messages aux navigants aériens) communiquant les informations relatives aux mesures restrictives concernant le secteur aérien adoptées dans les actes attaqués.

11      Le 21 avril 2022, en réponse à une question du représentant de la requérante, la DAC a indiqué, notamment, que les explications fournies sur le site de l’AESA reposaient sur une approche commune au sein de l’Union et une interprétation uniforme des services de la Commission. La DAC a également précisé que le terme de « contrôle » était interprété au sens large, ce qui incluait le contrôle effectif et matériel d’un aéronef et ne se résumait pas uniquement à un contrôle économique et financier.

 Conclusions des parties

12      La requérante, après clarification de ses conclusions en réponse à une question posée lors de l’audience, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler le règlement attaqué, pour autant qu’il insère l’article 3 quinquies du règlement no 833/2014, et la décision attaquée, pour autant qu’elle insère l’article 4 sexies de la décision 2014/512 ;

–        lui reconnaître le droit d’utiliser sa licence de pilote privé et d’atterrir sur le territoire de l’Union, d’en décoller ou de le survoler ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

13      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, déclarer le recours irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal pour connaître du recours en ce qu’il tend à ce que le Tribunal reconnaisse à la requérante le droit d’utiliser sa licence de pilote privé et d’atterrir sur le territoire de l’Union, d’en décoller ou de le survoler

14      Par l’un de ses chefs de conclusions, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de lui reconnaître le droit d’utiliser sa licence de pilote privé et d’atterrir sur le territoire de l’Union, d’en décoller ou de le survoler.

15      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des jugements déclaratoires ou confirmatifs (voir, en ce sens, ordonnance du 9 décembre 2003, Italie/Commission, C‑224/03, non publiée, EU:C:2003:658, points 20 et 21, et arrêt du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, EU:T:2009:27, point 23).

16      Il résulte de ce qui précède que, en ce qu’il tend à ce que le Tribunal reconnaisse à la requérante le droit d’utiliser sa licence de pilote privé et d’atterrir sur le territoire de l’Union, d’en décoller ou de le survoler, le recours doit être rejeté comme étant porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

 Sur la compétence du Tribunal pour connaître du recours en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée

17      Le Conseil excipe de l’incompétence du Tribunal pour statuer sur la légalité de la décision attaquée. Il soutient que, en vertu de l’article 275 TFUE, les juridictions de l’Union ne sont pas compétentes pour connaître des recours en annulation contre les mesures restrictives instaurées par une décision relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) qui constituent des mesures de portée générale. En l’espèce, il fait valoir que l’interdiction prévue par l’article 4 sexies de la décision 2014/512 telle que modifiée par la décision attaquée est une mesure générale dont le champ d’application est déterminé par référence à des critères objectifs, notamment les catégories d’aéronefs, et qu’elle ne cible pas des personnes physiques ou morales identifiées.

18      La Commission estime que le Tribunal est compétent pour contrôler la légalité de toutes les mesures adoptées conformément à l’article 215 TFUE ainsi que pour contrôler la légalité des mesures restrictives adoptées sur la base de l’article 29 TUE. Elle estime que le Conseil fonde son raisonnement sur une lecture « mécaniste » des termes de l’article 275 TFUE et que l’incompétence du juge de l’Union en matière de PESC connaît des exceptions. En outre, celui-ci serait également compétent pour contrôler la légalité des règlements adoptés sur le fondement de l’article 215, paragraphe 1, TFUE ainsi que des décisions en matière de PESC adoptées sur le fondement de l’article 29 TUE. Enfin, la compétence du juge de l’Union ne dériverait pas d’une prétendue subjectivité du critère du « contrôle ».

19      La requérante conteste les arguments du Conseil. Elle soutient que l’exclusion de la PESC de la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne prévue par l’article 275 TFUE doit être interprétée de manière restrictive. Elle affirme que la portée de la mesure restrictive en cause n’est pas déterminée par référence à des critères objectifs. Selon elle, d’une part, les mesures adoptées par les actes attaqués ont un impact non seulement sur la Fédération de Russie, mais aussi sur des tiers comme les citoyens russes et, d’autre part, la notion de « contrôle » de l’aéronef, telle qu’interprétée par les institutions de l’Union, est un critère subjectif. En outre, la requérante soutient que la compétence du Tribunal est également fondée sur l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui permettrait, dans le respect des traités, d’interpréter les dispositions existantes de manière qu’elles puissent assurer le respect des droits et des libertés fondamentales. La requérante ajoute qu’il est impératif que les mesures restrictives prévues par les actes attaqués soient soumises à un contrôle afin de déterminer si elles respectent les droits fondamentaux et le principe de proportionnalité.

20      Il y a lieu de rappeler que, si, par application de l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et de l’article 275, premier alinéa, TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne n’est, en principe, pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la PESC ainsi que les actes adoptés sur le fondement de ces dispositions, toutefois, les traités établissent explicitement deux exceptions à ce principe. En effet, d’une part, tant l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE que l’article 275, second alinéa, TFUE prévoient que la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour contrôler le respect de l’article 40 TUE. D’autre part, l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE lui attribue la compétence pour contrôler la légalité de certaines décisions visées à l’article 275, second alinéa, TFUE. Pour sa part, cette dernière disposition prévoit la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne pour se prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, concernant le contrôle de la légalité des décisions du Conseil, adoptées sur le fondement des dispositions relatives à la PESC, qui prévoient des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 60).

21      Ainsi, en ce qui concerne les actes adoptés sur le fondement des dispositions relatives à la PESC, c’est la nature individuelle de ces actes qui ouvre, conformément aux termes de l’article 275, second alinéa, TFUE, l’accès aux juridictions de l’Union (voir arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 103 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 septembre 2018, Gazprom Neft/Conseil, T‑735/14 et T‑799/14, EU:T:2018:548, point 53).

22      À cet égard, il convient de souligner que la Cour a jugé que les articles 4 et 4 bis de la décision 2014/512 prévoyaient des mesures dont le champ d’application était déterminé par référence à des critères objectifs, notamment à des catégories de projet d’exploration et de production pétrolière. En revanche, ces mesures ne ciblaient pas des personnes physiques ou morales identifiées, mais s’appliquaient à tous les opérateurs impliqués dans la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation visés par l’obligation d’autorisation préalable et à tous les fournisseurs de services connexes de manière générale (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 97). Ainsi, la Cour a établi que ces mesures constituaient non pas des mesures à l’encontre des personnes physiques ou morales, au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE, mais des mesures de portée générale et qu’elle n’était pas compétente pour contrôler leur validité (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, points 98 et 99).

23      En outre, s’agissant de l’article 1er, paragraphe 2, sous b) à d), et paragraphe 3, de l’article 7 et de l’annexe III de la décision 2014/512, la Cour a constaté que l’objet de ces mesures était défini par référence à des entités spécifiques. Elle a jugé que ces dispositions interdisaient, notamment, l’exécution de diverses opérations financières à l’égard des entités inscrites à l’annexe III de ladite décision et qu’elle était compétente pour statuer sur leur validité (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, points 100 et 107).

24      Partant, en établissant des critères permettant d’identifier une personne physique ou morale et en mentionnant le nom de cette personne dans l’annexe d’une décision prise en vertu des dispositions relatives à la PESC, le Conseil adopte des mesures restrictives à l’encontre de la personne physique ou morale concernée, malgré la circonstance que de telles mesures puissent également cibler, de manière individuelle, d’autres entités (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 104, et du 13 septembre 2018, Gazprom Neft/Conseil, T‑735/14 et T‑799/14, EU:T:2018:548, point 54).

25      En l’espèce, l’interdiction prévue à l’article 4 sexies de la décision 2014/512, tel qu’inséré par l’article 1er, point 2, de la décision attaquée vise « tout aéronef exploité par des transporteurs aériens russes, y compris en tant que transporteur contractuel dans le cadre d’accords de partage de codes ou de réservation de capacité [ainsi que] tout aéronef immatriculé en Russie et […] tout aéronef non immatriculé en Russie qui est détenu, affrété ou contrôlé d’une autre manière par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme russe ».

26      À cet égard, il y a lieu de constater que le champ d’application de la mesure en cause est déterminé par référence à des critères objectifs, à savoir des catégories d’aéronefs. En effet, sont concernés par les mesures en cause les aéronefs exploités par des transporteurs aériens russes, y compris en tant que transporteur contractuel dans le cadre d’accords de partage de codes ou de réservation de capacité, ceux immatriculés en Russie et ceux qui ne sont pas immatriculés en Russie et qui sont détenus, affrétés ou contrôlés d’une autre manière par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme russe. Partant, les mesures restrictives en cause ne ciblent pas des personnes physiques ou morales identifiées, mais s’appliquent à tous les aéronefs qui remplissent les critères énoncés ci-dessus.

27      De plus, il ressort certes de la jurisprudence que les mesures restrictives s’apparentent, à la fois, à des actes de portée générale, dans la mesure où elles interdisent à une catégorie générale et abstraite de destinataires de mettre des ressources économiques à la disposition des entités mentionnées par leurs annexes, et à des décisions individuelles à l’égard de ces entités (voir arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 102 et jurisprudence citée). Toutefois, en l’espèce, il y a lieu de souligner que les mesures restrictives instaurées en vertu de l’article 4 sexies de la décision 2014/512 telle que modifiée par la décision attaquée ne sont pas conçues d’une telle manière et que ledit article ne fait référence à aucune annexe. Or, selon la jurisprudence rappelée au point 21 ci-dessus, c’est la nature individuelle des actes qui ouvre, conformément aux termes de l’article 275, second alinéa, TFUE, l’accès aux juridictions de l’Union.

28      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les mesures instaurées par l’article 4 sexies de la décision 2014/512 telle que modifiée par la décision attaquée ne constituent pas des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE, mais des mesures de portée générale.

29      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante justifiant la compétence des juridictions de l’Union en raison d’une prétendue violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux, dès lors que, selon la jurisprudence, des arguments ayant trait exclusivement au fond du recours ne sauraient remettre en cause l’incompétence du Tribunal pour connaître d’un recours en annulation à l’encontre d’une disposition de la décision attaquée (voir, en ce sens, ordonnance du 3 juillet 2007, Commune de Champagne e.a./Conseil et Commission, T‑212/02, EU:T:2007:194, point 217).

30      À la lumière des considérations ci-dessus, il y a lieu de constater que le Tribunal n’est pas compétent pour contrôler la validité de l’article 4 sexies de la décision 2014/512, telle que modifiée. Par conséquent, en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée, le recours doit être rejeté comme étant porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

 Sur la recevabilité du recours en ce qu’il tend à l’annulation du règlement attaqué

31      Le Conseil excipe de l’irrecevabilité du recours en ce qu’il tend à l’annulation du règlement attaqué. S’il admet que l’article 3 quinquies, paragraphe 1, du règlement no 833/2014 tel que modifié est un acte réglementaire qui concerne directement la requérante, en ce que cette disposition l’empêche d’utiliser sa licence de pilote privé, il soutient que ladite disposition comporte, en revanche, des mesures d’exécution. Ainsi, la requérante devrait établir qu’elle est non seulement directement, mais également individuellement concernée par le règlement attaqué. Or, selon le Conseil, la requérante n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué.

32      En outre, en ce qui concerne les allégations de la requérante relatives aux conséquences sur sa situation qui découlent de l’interprétation de l’article 3 quinquies, paragraphe 1, du règlement no 833/2014 tel que modifié, le Conseil fait valoir que, en adoptant cette disposition, son intention n’a pas été d’interdire aux citoyens russes détenteurs d’une licence de pilote privé d’utiliser cette licence pour piloter, à titre privé, un aéronef non immatriculé en Russie qui ne serait pas détenu ou affrété par eux. Selon le Conseil, l’expression « contrôlé d’une autre manière » figurant à l’article 3 quinquies, paragraphe 1, du règlement no 833/2014 tel que modifié doit se comprendre seulement dans le sens de contrôle économique ou financier. Il soutient que cette interprétation correspond à l’objectif des actes attaqués, à savoir exercer une pression sur le président de la Fédération de Russie et le gouvernement russe afin qu’ils cessent leurs actions visant à déstabiliser l’Ukraine. Le Conseil précise qu’un tel objectif ne saurait être atteint par des restrictions prises à l’égard de personnes physiques russes au seul motif qu’elles pilotent un aéronef. En outre, il rappelle que, lorsqu’un texte est susceptible de faire l’objet de plus d’une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui rend la disposition conforme aux traités. Ainsi, il considère que, en adoptant l’interprétation qu’il soutient, l’article 3 quinquies, paragraphe 1, du règlement no 833/2014 tel que modifié n’est pas susceptible de violer des dispositions des traités ou de la charte des droits fondamentaux.

33      La Commission soutient que, bien que le règlement attaqué soit un acte réglementaire, il comporte des mesures d’exécution, de sorte que la requérante doit démontrer qu’elle est directement et individuellement concernée. Or, à l’instar du Conseil, la Commission affirme que la requérante n’est pas individuellement concernée par ledit règlement.

34      S’agissant de l’interprétation à donner de l’article 3 quinquies, paragraphe 1, du règlement no 833/2014 tel que modifié, la Commission fait valoir que la notion de « contrôle » doit faire l’objet d’une interprétation large, en ce sens qu’une personne est considérée comme « contrôlant » l’aéronef dès lors qu’elle a le contrôle technique ou opérationnel de celui-ci, notamment en volant à titre privé en tant que pilote. Selon la Commission, la référence à un contrôle d’« une autre manière » confirme le caractère non restrictif de la notion de contrôle. Elle indique que la réglementation relative aux mesures restrictives utilise les concepts de « possession, de détention et de contrôle » en matière de gel de fonds, pour déterminer le champ d’application personnel d’une mesure, et que, dans ce contexte, la notion de « contrôle » est utilisée dans un sens financier. Toutefois, cette interprétation ne serait pas transposable dans le cas d’espèce, où la question du contrôle serait pertinente pour déterminer l’aéronef auquel il est interdit d’atterrir sur le territoire de l’Union. Enfin, le recours à une interprétation large correspondrait à l’objectif d’éviter le contournement des mesures restrictives.

35      La requérante soutient que son recours est recevable en ce qu’il tend à l’annulation du règlement attaqué. Si elle admet ne pas en être la destinataire, elle fait valoir qu’elle est directement affectée par les dispositions de celui-ci qu’elle conteste. Elle estime que la Commission, l’AESA et la DAC, en retenant une interprétation de l’article 3 quinquies, paragraphe 1, du règlement no 883/2014 tel que modifié selon laquelle elle contrôlerait un aéronef dans le sens où elle pourrait décider quand et où ledit aéronef vole a pour conséquence, en application de cette disposition, de l’empêcher d’utiliser sa licence de pilote privé. La requérante estime également être individuellement concernée par le règlement attaqué et, en tout état de cause, que celui-ci est un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

36      En outre, s’agissant de l’interprétation à donner de l’article 3 quinquies, paragraphe 1, du règlement no 833/2014 tel que modifié, elle considère que le terme « contrôle » doit signifier un contrôle de nature économique ou financière de l’aéronef, de sorte qu’elle n’est pas concernée par l’interdiction prévue par ladite disposition et qu’elle peut continuer à bénéficier de sa licence de pilote privé.

37      Il convient de rappeler que, selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est la destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

38      Or, dans la mesure où la condition d’affectation directe est commune aux deuxième et troisième membres de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et où, selon la jurisprudence, cette condition revêt la même signification dans chacun de ces membres de phrase (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2022, Nord Stream 2/Parlement et Conseil, C‑348/20 P, EU:C:2022:548, point 73), il convient d’examiner si ladite condition est satisfaite.

39      Selon une jurisprudence constante, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la mesure faisant l’objet du recours, comme cela est prévu à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique de cette personne et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de la mettre en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires [voir arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 61 et jurisprudence citée].

40      En l’espèce, pour déterminer si la requérante est directement concernée par les mesures restrictives en cause, il y a lieu d’examiner préalablement la question de savoir si elle relève du champ d’application de l’article 3 quinquies, paragraphe 1, du règlement no 883/2014 tel que modifié.

41      À cette fin, il convient de déterminer l’interprétation à retenir de la notion de « contrôle » d’un aéronef.

42      Selon la jurisprudence, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 10 juillet 2014, D. et G., C‑358/13 et C‑181/14, EU:C:2014:2060, point 32 et jurisprudence citée).

43      En premier lieu, il ressort du libellé même de l’article 3 quinquies, paragraphe 1, du règlement no 833/2014 tel que modifié que l’interdiction prévue par cette disposition vise tout aéronef exploité par des transporteurs aériens russes, tout aéronef immatriculé en Russie ainsi que tout aéronef non immatriculé en Russie qui est détenu, affrété ou contrôlé d’une autre manière par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme russe.

44      À cet égard, une interprétation littérale de la notion de « contrôle d’une autre manière » d’un aéronef non immatriculé en Russie peut conduire à retenir que cette notion vise, ainsi que le fait valoir le Conseil, seulement un contrôle de nature économique ou financière ou, ainsi que le soutient la Commission, également un contrôle « technique ou opérationnel », de sorte que l’interdiction pourrait concerner un aéronef piloté par une personne physique de nationalité russe.

45      En deuxième lieu, s’agissant de l’interprétation contextuelle de la notion d’aéronef non immatriculé en Russie « contrôlé d’une autre manière », premièrement, il y lieu de relever que le règlement attaqué modifie le règlement no 833/2014, lequel prévoit des mesures restrictives sectorielles de nature économique adoptées sur le fondement de l’article 215, paragraphe 1, TFUE. Deuxièmement, il y a lieu de souligner que l’expression « contrôlé d’une autre manière » s’inscrit dans le prolongement des termes « détenu » et « affrété », qui sont des termes désignant des notions pertinentes du point de vue économique ou financier. Troisièmement, ainsi que le reconnaît la Commission, la notion de « contrôle » est utilisée dans un sens économique ou financier dans le cadre d’autres dispositions du règlement no 833/2014 pour déterminer le champ d’application personnel des mesures restrictives sectorielles [voir, par exemple, l’article 2, paragraphe 4, sous e) et f), et l’article 3, paragraphe 6, sous b), dudit règlement] ou du règlement (UE) no 269/2014 du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6), pour des mesures restrictives individuelles en matière de gel de fonds ou de ressources économiques (voir l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement).

46      En troisième lieu, s’agissant de l’interprétation téléologique de la notion de « contrôle d’une autre manière » d’un aéronef non immatriculé en Russie, premièrement, il convient de souligner que l’objectif poursuivi par le règlement attaqué est, notamment, d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 163).

47      En l’espèce, il y a lieu de considérer, à l’instar du Conseil, que l’imposition de restrictions à l’encontre d’aéronefs non immatriculés en Russie détenus, affrétés ou contrôlés d’une autre manière sur un plan économique ou financier contribue à exercer une telle pression sur les autorités russes. En effet, de telles restrictions, en tant qu’elles affectent économiquement le secteur de l’aviation russe, contribuent à l’objectif d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157 et jurisprudence citée).

48      Deuxièmement, s’agissant de l’éventuelle nécessité de recourir à une interprétation large de l’article 3 quinquies, paragraphe 1, du règlement no 833/2014 tel que modifié, afin d’éviter tout risque de contournement des mesures restrictives inhérent aux nombreuses possibilités existant pour bénéficier d’un transport aérien en masquant l’identité et la nationalité du bénéficiaire, il suffit de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission (voir point 33 ci-dessus), la possibilité de masquer l’identité et la nationalité du bénéficiaire relève de la notion de « contrôle » au sens économique ou financier et non au sens « technique » ou « opérationnel ». 

49      Troisièmement, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui est repris à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à permettre que soient atteints les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs [arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122, et du 24 novembre 2021, Assi/Conseil, T‑256/19, EU:T:2021:818, point 194 (non publié)].

50      À cet égard, comme le fait valoir le Conseil, il convient de souligner que, si l’imposition de restrictions à l’encontre de personnes et d’entités russes contrôlant d’un point de vue économique ou financier un aéronef non immatriculé en Russie contribue à exercer une pression à l’encontre du président russe et de son gouvernement, il n’en va pas de même des restrictions prises à l’encontre de personnes physiques russes se limitant à « piloter » un tel aéronef. Par conséquent, il y a lieu de constater qu’une interdiction d’atterrissage, de décollage ou de survol du territoire de l’Union applicable à tout aéronef contrôlé sur un plan « technique ou opérationnel » par un citoyen russe, en ce qu’elle comprend les citoyens russes détenteurs d’une licence de pilote privé, serait manifestement inappropriée au regard de l’objectif d’exercer une pression sur le président russe et son gouvernement susceptible d’interrompre les violations du droit international et de préserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

51      Ainsi, selon la jurisprudence, lorsqu’un texte de droit dérivé est susceptible de faire l’objet de plus d’une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui rend la disposition conforme au traité plutôt qu’à celle conduisant à constater son incompatibilité avec celui-ci (voir arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 70 et jurisprudence citée). Dès lors, il y a lieu de constater que l’article 3 quinquies du règlement no 833/2014 tel que modifié doit être interprété en ce que l’interdiction d’atterrir sur le territoire de l’Union, d’en décoller ou de le survoler, applicable à « tout aéronef non immatriculé en Russie qui est détenu, affrété ou contrôlé d’une autre manière par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme russe » vise tout aéronef non immatriculé en Russie qui est contrôlé du point de vue économique ou financier par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme russe, sans affecter la situation dans laquelle, comme en l’espèce, un citoyen russe détenteur d’une licence de pilote privé utilise cette licence pour piloter un aéronef non immatriculé en Russie, qui n’est pas détenu ou affrété par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme russe.

52      Il s’ensuit que la situation de la requérante, qui ne détient ni n’affrète d’aéronef non immatriculé en Russie et ne dispose d’aucun contrôle économique ou financier sur un tel aéronef, ne relève pas du champ d’application de l’article 3 quinquies du règlement no 833/2014 tel que modifié. Partant, elle n’est pas directement concernée par l’interdiction prévue par ledit article, de sorte qu’elle n’a pas qualité pour agir en annulation contre cette disposition (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, points 132 et 133).

53      Par voie de conséquence, en ce qu’il tend à l’annulation du règlement attaqué, le recours doit être rejeté comme étant irrecevable.

54      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, en partie comme étant porté devant une juridiction incompétente pour en connaître et en partie comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Cependant, conformément à l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

56      En l’espèce, le Tribunal estime que, compte tenu des difficultés d’interprétation de la notion de « contrôle d’une autre manière » d’un aéronef, qui ont pu favoriser, dans une certaine mesure, la naissance du présent litige, bien que la requérante ait succombé en ses conclusions, il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des circonstances de l’espèce en décidant que la requérante et le Conseil supporteront chacun leurs propres dépens.

57      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La Commission supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Ekaterina Islentyeva et le Conseil de l’Union européenne supporteront chacun leurs propres dépens.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Spielmann

Mastroianni

Brkan

Gâlea

 

Kalėda

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.