ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
14 mai 1998 (1)
«Concurrence Article 85, paragraphe 1, du traité CE Échange
d'informations Injonction Amende Détermination du montant Motivation
Coopération durant la procédure administrative»
Dans l'affaire T-338/94,
Finnish Board Mills Association Finnboard, association professionnelle de droit
finlandais, établie à Helsinki, représentée initialement par Mes Hans Hellmann et
Hans-Joachim Voges, avocats à Cologne, puis uniquement par Me Hellmann, ayant
élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Bernd
Langeheine et Richard Lyal, membres du service juridique, en qualité d'agents,
assistés de Me Dirk Schroeder, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg
auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre
Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/601/CE de la
Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article
85 du traité CE (IV/C/33.833 Carton) (JO L 243, p. 1),
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),
composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briët, Mme P. Lindh, MM.
A. Potocki et J. D. Cooke, juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s'est déroulée du
25 juin au 8 juillet 1997,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- La présente affaire concerne la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet
1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE
(IV/C/33.833 Carton) (JO L 243, p. 1), rectifiée avant sa publication par une
décision de la Commission du 26 juillet 1994 [C(94) 2135 final] (ci-après
«décision»). La décision a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de
carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du
traité.
- 2.
- Le produit faisant l'objet de la décision est le carton. Trois types de carton,
désignés comme relevant des qualités «GC», «GD» et «SBS», sont mentionnés
dans la décision.
- 3.
- Le carton de qualité GD (ci-après «carton GD») est un carton à intérieur gris
(papiers recyclés) qui sert habituellement à l'emballage de produits non
alimentaires.
- 4.
- Le carton de qualité GC (ci-après «carton GC») est un carton présentant une
couche extérieure blanche et servant habituellement à l'emballage de produits
alimentaires. Le carton GC est d'une qualité supérieure à celle du carton GD.
Dans la période couverte par la décision, il a généralement existé entre ces deux
produits un écart de prix d'environ 30 %. Dans une moindre mesure, le carton GC
de haute qualité sert également à des utilisations graphiques.
- 5.
- SBS est le sigle utilisé pour désigner le carton entièrement blanc (ci-après «carton
SBS»). Ce carton est un produit dont le prix est d'environ 20 % supérieur à celui
du carton GC. Il sert à l'emballage des aliments, des produits cosmétiques, des
médicaments et des cigarettes, mais il est destiné principalement à des utilisations
graphiques.
- 6.
- Par lettre du 22 novembre 1990, la British Printing Industries Federation,
organisation professionnelle qui représente la majorité des fabricants de boîtes
imprimées du Royaume-Uni (ci-après «BPIF»), a déposé une plainte informelle
auprès de la Commission. Elle a fait valoir que les fabricants de carton
approvisionnant le Royaume-Uni avaient introduit une série de hausses de prix
simultanées et uniformes et demandé à la Commission de vérifier l'existence d'une
éventuelle infraction aux règles communautaires de la concurrence. Afin d'assurer
la publicité de son initiative, la BPIF a publié un communiqué de presse. Le
contenu de ce communiqué a été relaté par la presse professionnelle spécialisée
dans le courant du mois de décembre 1990.
- 7.
- Le 12 décembre 1990, la Fédération française du cartonnage a également déposé
une plainte informelle auprès de la Commission, dans laquelle elle présentait des
observations relatives au marché français du carton en des termes analogues à ceux
de la plainte déposée par la BPIF.
- 8.
- Les 23 et 24 avril 1991, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article
14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier
règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après
«règlement n° 17»), ont procédé à des vérifications simultanées sans avertissement
préalable dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles
du secteur du carton.
- 9.
- A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de
renseignements et de documents au titre de l'article 11 du règlement n° 17 à tous
les destinataires de la décision.
- 10.
- Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de
renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les
entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins
(dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du
traité.
- 11.
- En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette
dernière disposition. Par lettre du 21 décembre 1992, elle a adressé une
communication des griefs à chacune des entreprises concernées. Toutes les
entreprises destinataires y ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à
être entendues oralement. Leur audition a eu lieu du 7 au 9 juin 1993.
- 12.
- Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les
dispositions suivantes:
«Article premier
Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard
the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH
& Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de
Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke
Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och
Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA,
Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper
& Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA
(anciennement Tampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont
enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:
dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990
au moins,
dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991
au moins,
dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,
dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu
desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:
se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et
institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun
de restriction de la concurrence,
ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour
chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,
ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et
uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,
se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux
fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,
ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures
concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire,
afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,
ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les
arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des
machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.
[...]
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions
constatées à l'article 1er:
[...]
v) Finnboard the Finnish Board Mills Association, une amende de
20 000 000 d'écus, pour laquelle Oy Kyro AB est solidairement responsable
avec Finnboard à concurrence de 3 000 000 d'écus, Metsä-Serla Oy à
concurrence de 7 000 000 d'écus, Tampella Corp. à concurrence de
5 000 000 d'écus et United Paper Mills à concurrence de 5 000 000 d'écus;
[...]»
- 13.
- Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé
«Groupe d'étude de produit Carton» (ci-après «GEP Carton»), composé de
plusieurs groupes ou comités.
- 14.
- Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un «Presidents Working
Group» (ci-après «PWG») réunissant des représentants de haut niveau des
principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).
- 15.
- Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant
les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris
des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des
augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants.
- 16.
- Le PWG faisait rapport à la «President Conference» (ci-après «PC») à laquelle
participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux
des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période
en cause.
- 17.
- A la fin de l'année 1987 a été créé le «Joint Marketing Committee» (ci-après
«JMC»). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans
l'affirmative, comment des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre
et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées
par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système
de prix équivalent en Europe.
- 18.
- Enfin, le comité économique (ci-après «COE») débattait, notamment, des
fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et
faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au
prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de
directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait
plusieurs fois par an.
- 19.
- Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités
du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par
l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse).
Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides
des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation
des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les
données agrégées étaient envoyées aux participants.
- 20.
- La requérante Finnish Board Mills Association Finnboard (ci-après «Finnboard»)
est une association professionnelle de droit finlandais qui, en 1991, comptait six
sociétés membres, parmi lesquelles figuraient les producteurs de carton Oy Kiro
AB, Metsä-Serla Oy, Tampella Corporation et United Paper Mills. Finnboard
commercialise dans l'ensemble de la Communauté, dans une certaine mesure par
l'intermédiaire de ses propres filiales, le carton produit par ces quatre sociétés
membres.
- 21.
- Selon la décision, elle a, du milieu de l'année 1986 jusqu'à avril 1991 au moins,
participé aux réunions de l'ensemble des organes du GEP Carton. Un représentant
de Finnboard a assuré, pendant environ deux ans, la présidence du PWG et de la
PC.
Procédure
- 22.
- Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 octobre 1994, la requérante a
introduit le présent recours.
- 23.
- Seize des dix-huit autres entreprises tenues pour responsables de l'infraction ont
également introduit un recours contre la décision (affaires T-295/94, T-301/94,
T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94).
- 24.
- La requérante dans l'affaire T-301/94, Laakmann Karton GmbH, s'est désistée de
son recours par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 1996, et l'affaire a
été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 18 juillet 1996, Laakmann
Karton/Commission (T-301/94, non publiée au Recueil).
- 25.
- Les quatre sociétés finlandaises susvisées, membres de la requérante et, à ce titre,
tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende infligée à celle-ci,
ont également introduit des recours contre la décision (affaires jointes T-339/94, T-340/94, T-341/94 et T-342/94).
- 26.
- Enfin, un recours a été introduit par une association CEPI-Cartonboard, non
destinataire de la décision. Cependant, celle-ci s'est désistée par lettre déposée au
greffe du Tribunal le 8 janvier 1997, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal
par ordonnance du 6 mars 1997, CEPI-Cartonboard/Commission (T-312/94, non
publiée au Recueil).
- 27.
- Par lettre du 5 février 1997, le Tribunal a invité les parties à participer à une
réunion informelle, notamment en vue de présenter leurs observations sur la
jonction éventuelle des affaires T-295/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94,
T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94,
T-348/94, T-352/94 et T-354/94 aux fins de la procédure orale. Lors de cette
réunion, qui a eu lieu le 29 avril 1997, les parties ont accepté une telle jonction.
- 28.
- Par ordonnance du 4 juin 1997, le président de la troisième chambre élargie du
Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de
leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure, et a
accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans
l'affaire T-334/94.
- 29.
- Par ordonnance du 20 juin 1997, il a accueilli une demande de traitement
confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-337/94 relativement à un
document produit en réponse à une question par écrit du Tribunal.
- 30.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé
d'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure en
demandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produire
certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.
- 31.
- Les parties dans les affaires mentionnées au point 27 ont été entendues en leurs
plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui
s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997.
- 32.
- En ce qui concerne spécifiquement la présente affaire, la partie requérante a, par
lettre du 19 juillet 1995, déclaré renoncer au dépôt d'un mémoire en réplique. Elle
a toutefois fait valoir, dans ladite lettre, des arguments tirés de l'inexactitude des
données sur lesquelles la Commission s'est fondée pour calculer l'amende.
- 33.
- Le 6 octobre 1995, la Commission a présenté ses observations à propos de la lettre
de la partie requérante.
Conclusions des parties
- 34.
- La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision en tant qu'elle la concerne;
à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende;
condamner la partie défenderesse aux dépens.
- 35.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours;
condamner la partie requérante aux dépens.
Sur la demande d'annulation de la décision
Sur le moyen tiré d'une violation du régime linguistique
Arguments des parties
- 36.
- Ce moyen se compose de trois branches.
- 37.
-
Dans une première branche, la requérante souligne qu'elle ne relevait pas, à
l'époque de l'adoption de la décision, de la juridiction d'un État membre. La
décision n'aurait donc pu faire foi à son égard, au sens de l'article 16 du règlement
intérieur de la Commission du 17 février 1993 (JO L 230, p. 15, ci-après
«règlement intérieur de la Commission»), que dans la langue de son mandataire,
à savoir l'allemand. A l'appui de cette thèse, elle invoque le règlement
n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à
l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963,
127, p. 2268, ci-après «règlement n° 99/63»), dont l'article 2, paragraphe 1, prévoit
que la communication des griefs peut être adressée à l'entreprise ou à son
mandataire. Dans une situation comme celle de l'espèce où le mandataire choisi
relève de la juridiction d'un État membre, ladite disposition exigerait que la langue
du mandataire soit choisie comme langue de procédure. Cette langue serait
également la seule dans laquelle la décision pourrait faire foi.
- 38.
- La requérante fait valoir, en outre, que l'article 2 du règlement n° 1 du Conseil, du
15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté
économique européenne (JO 1958, 17, p. 385, ci-après «règlement n° 1»),
s'applique par analogie et que, la réponse aux demandes de renseignements de la
Commission ayant été rédigée en allemand, cette langue a été choisie comme
langue de procédure. Cependant, malgré les plaintes qui lui auraient été adressées
à plusieurs reprises par le mandataire de la requérante, la Commission aurait
continué à transmettre des documents rédigés en anglais.
- 39.
- Enfin, le choix de l'anglais comme langue de la décision constituerait une violation
de l'article 6, paragraphe 3, sous a), de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 (ci-après
«CEDH»).
- 40.
- Dans une deuxième branche du moyen, la requérante fait valoir que le régime
linguistique a été violé lors de la notification de la décision. En effet, selon l'article
191, paragraphe 3, du traité, les décisions devraient être notifiées dans la langue
des destinataires. Or, en l'espèce, la décision lui aurait été notifiée dans une version
rédigée en anglais.
- 41.
- Enfin, dans une troisième branche du moyen, la requérante fait valoir que son droit
d'être entendue a été violé du fait de la rédaction en anglais de la communication
officielle des griefs retenus contre elle, de la lettre d'accompagnement ainsi que de
nombreux moyens de preuve annexés à la communication. Se référant à la
première branche du moyen, elle soutient que ces documents auraient dû être
rédigés en allemand et conteste donc la validité de la communication des griefs
retenus.
- 42.
- Elle ajoute que compte tenu, d'une part, de l'ampleur de la communication des
griefs et de ses annexes et, d'autre part, du fait qu'un grand nombre de ces
documents étaient rédigés dans une langue étrangère, un délai insuffisant lui a été
imparti pour y répondre.
- 43.
- La Commission fait valoir qu'elle n'a aucunement violé les dispositions relatives au
régime linguistique.
- 44.
- En ce qui concerne la première branche du moyen, la Commission souligne que le
règlement n° 1 ne vise que la correspondance adressée à des personnes relevant
de la juridiction d'un État membre, alors que la décision a été adoptée avant
l'adhésion de la Finlande à la Communauté. De plus, la décision ne constituerait
pas une «réponse» au sens de l'article 2 du règlement n° 1.
- 45.
- Elle aurait donc pu choisir librement la langue de la procédure en tenant compte,
toutefois, des éventuels rapports entre la requérante et les États membres de la
Communauté (voir arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et
Continental Can/Commission, 6/72, Rec. p. 215, point 12). En l'espèce, l'anglais
aurait été choisi comme langue de procédure en tenant compte de ce qu'il est la
langue de travail de l'Association européenne de libre échange (AELE) et la
langue de procédure de la Cour de justice AELE, que la requérante a utilisé
l'anglais dans sa correspondance avec ses filiales de vente dans la Communauté et
que, enfin, elle a une dénomination anglaise.
- 46.
- En ce qui concerne la deuxième branche du moyen, la Commission souligne que
les éventuels vices entachant la notification d'une décision n'affectent pas la légalité
de celle-ci. En effet, de tels vices ne pourraient qu'empêcher, dans certaines
circonstances, le délai de recours de commencer à courir, effet sans pertinence en
l'espèce (voir arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec.
p. 787, point 11).
- 47.
- Enfin, en ce qui concerne la troisième branche du moyen, la Commission rappelle
que la requérante et son mandataire ont également obtenu la version en allemand
de la communication des griefs. En tout état de cause, la réponse de la requérante
à la communication des griefs, déposée sans qu'elle eût demandé une prolongation
du délai, constituerait la preuve qu'elle a été parfaitement en mesure de prendre
connaissance des griefs retenus contre elle. Il n'y aurait donc pas lieu de considérer
que son droit d'être entendue a été méconnu (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970,
ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 48, 52 et 53).
Appréciation du Tribunal
- 48.
- Il est constant que la Commission a envoyé la communication des griefs et la
décision au siège de la requérante en Finlande et que, à la date de l'adoption de
la décision, la requérante ne relevait pas encore de la juridiction d'un État membre
de la Communauté. A cette époque, aucune langue officielle de la Communauté
n'était expressément applicable, en vertu de la réglementation communautaire,
dans les relations entre la Commission et une entreprise établie dans un pays tiers.
- 49.
- En effet, le règlement n° 1, tel que modifié, dont se prévaut la requérante, ne
prévoit que les règles relatives au régime linguistique applicable entre la
Communauté et un État membre ou une personne relevant de la juridiction de l'un
des États membres.
- 50.
- En l'espèce, il ressort du dossier que la Commission n'a adressé aucun document
officiel au mandataire allemand de la requérante, puisque les documents qu'il a
reçus étaient des copies des documents officiels adressés directement à la
requérante.
- 51.
- En outre, ni l'article 2 du règlement n° 99/63 ni l'article 6 de la CEDH, à supposer
même que cette dernière disposition puisse être invoquée par une entreprise objet
d'une enquête en matière de droit de la concurrence, n'imposent d'adresser des
documents dans la langue de l'État membre dans lequel réside le mandataire.
- 52.
- Le choix de la langue de la communication des griefs et de la décision devait, par
conséquent, être effectué en tenant compte du rapport établi par la requérante, à
l'intérieur de la Communauté, avec un État membre (voir, en ce sens, arrêt
Europemballage et Continental Can/Commission, précité, point 12). Or, à cet
égard, il est constant que l'anglais était la langue utilisée par la requérante dans sa
correspondance avec ses propres filiales de vente dans les États membres de la
Communauté. Dans ces conditions, la Commission était en droit de choisir l'anglais
comme langue de la communication des griefs et de la décision.
- 53.
- Enfin, les annexes à la communication des griefs qui n'émanent pas de la
Commission doivent être considérées comme des pièces à conviction sur lesquelles
la Commission s'appuie et, partant, doivent être portées à la connaissance du
destinataire telles qu'elles sont (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995,
Tréfilunion/Commission, T-148/89, Rec. p. II-1063, point 21).
- 54.
- Quant à la prétendue insuffisance du délai accordé à la requérante pour répondre
à la communication des griefs, il suffit de relever que la requérante n'a pas contesté
l'allégation de la Commission selon laquelle aucune prorogation de délai n'a été
demandée pour le dépôt de la réponse à la communication des griefs.
- 55.
- Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le moyen tiré d'irrégularités ayant affecté la procédure d'adoption,
d'authentification et de notification des décisions de la Commission
Arguments des parties
- 56.
- La requérante fait valoir que, afin de garantir la force probante de la décision et
la protection juridique des destinataires, la décision aurait dû être authentifiée dans
un acte unique, les différentes feuilles étant, le cas échéant, réunies par une attache
matérielle. Telle serait, en effet, la seule manière d'empêcher la suppression ou le
changement de certaines parties de la décision. Or, en l'espèce, la décision n'aurait
pas été authentifiée dans un acte unique. Le contenu que l'on aurait entendu lui
donner n'apparaîtrait que lorsque la décision du 13 juillet 1994 est lue en
combinaison avec la décision rectificative du 26 juillet 1994. Ces deux décisions
auraient été signifiées séparément à la requérante, ce qui affecterait leur force
probante.
- 57.
- La requérante demande au Tribunal d'ordonner à la Commission de produire
l'original des deux décisions en cause pour vérifier, d'une part, si elles ont été ainsi
attachées et, d'autre part, si la décision initiale porte mention de la modification
postérieure.
- 58.
- Elle relève en outre que l'article 15, deuxième alinéa, du traité CECA prévoit, dans
sa version en allemand, que des actes individuels obligent l'intéressé «durch die
Zustellung» qui lui en est faite, alors que l'article 191, paragraphe 3, du traité CE
utilise, dans sa version en allemand, l'expression «bekannt werden». Or, la version
en français des deux traités confirmerait, par l'utilisation de la notion de
«notification», qu'il n'existe pas de différences matérielles entre ces deux
dispositions. Fondant son analyse sur l'article 4 de la décision n° 22/60 de la Haute
Autorité, du 7 septembre 1960, relative à l'exécution de l'article 15 du traité
(JO 1960, 61, p. 1248), la requérante en déduit que seule la notification formelle,
soit de la décision originale, soit d'une expédition de celle-ci, peut être regardée
comme une notification valide. Par conséquent, la notification, comme en l'espèce,
d'une copie certifiée conforme entraînerait l'invalidité de la décision.
- 59.
- Enfin, la requérante fait valoir que la décision n'a pas été authentifiée,
conformément à l'article 16 du règlement intérieur de la Commission, par les
signatures du président et du secrétaire général de la Commission. A cet égard, elle
rappelle que la décision notifiée ne portait que la signature du membre de la
Commission en charge des questions de concurrence. Elle demande au Tribunal
d'ordonner à la Commission le dépôt de l'original de la décision pour vérifier
l'authentification de celle-ci.
- 60.
- A supposer même que la décision originale ait été dûment authentifiée, la décision
resterait invalide, faute de notification d'un texte identique à la décision originale.
- 61.
- La Commission souligne à titre liminaire que l'article 191, paragraphe 3, du traité
CE n'exige pas une notification formelle. En effet, il suffirait que la décision
parvienne au destinataire, sous la forme d'une simple communication écrite, et que
celui-ci puisse en prendre connaissance (arrêts de la Cour du 10 décembre 1957,
ALMA/Haute Autorité, 8/56, Rec. p. 179, 190, et du 15 décembre 1994,
Bayer/Commission, C-195/91 P, Rec. p. I-5619, points 7 et 20). Ces conditions étant
remplies dans le cas d'espèce, les arguments de la requérante tirés de vices dans
la procédure de notification seraient donc dénués de fondement.
- 62.
- En outre, une copie conforme de la décision serait considérée comme une version
authentique de celle-ci (arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Chemical Ibérica
e.a./Commission, 97/87, 98/87 et 99/87, Rec. p. 3165, point 59, et arrêts du Tribunal
du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, points 24
et 25, et du 27 octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission, T-34/92,
Rec. p. II-905, point 27).
- 63.
- En l'espèce, la décision aurait été authentifiée conformément aux prescriptions de
l'article 16 du règlement intérieur de la Commission. La requérante n'aurait
d'ailleurs avancé aucun indice d'irrégularités dans la procédure d'adoption de la
décision. A cet égard, la Commission soutient que la décision du 26 juillet 1994 n'a
modifié en rien la décision en tant qu'elle concerne la requérante et que, en tout
état de cause, le renvoi, dans la décision du 26 juillet 1994, à la décision constitue
un lien suffisant entre les deux décisions en cause.
- 64.
- Dans ces conditions, il n'y aurait pas lieu d'ordonner à la Commission de produire
l'original de la décision (voir arrêts Bayer/Commission, Fiatagri et New Holland
Ford/Commission, et Dunlop Slazenger/Commission, précités).
Appréciation du Tribunal
- 65.
- Au soutien de sa contestation de la régularité de la procédure d'adoption et
d'authentification de la décision, la requérante ne peut faire valoir utilement que
la copie «certifiée conforme à l'original» qui lui a été envoyée ne fait pas
apparaître les signatures du président et du secrétaire général de la Commission.
En effet, l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission en
vigueur à la date d'adoption de la décision prévoit: «Les actes adoptés en réunion
[...] sont annexés, dans la ou les langues dans lesquelles ils font foi, au procès-verbal
de la réunion de la Commission au cours de laquelle ils ont été adoptés [...]. Ces
actes sont authentifiés par les signatures du président et du secrétaire général
apposées à la première page de ce procès-verbal.» La formalité de
l'authentification d'une décision adoptée en réunion par le collège des membres de
la Commission ne requiert donc pas l'apposition des signatures du président et du
secrétaire général de la Commission sur la décision elle-même, mais sur le procès-verbal de la réunion au cours de laquelle cet acte a été adopté. Il s'ensuit que
l'absence des signatures du président et du secrétaire général de la Commission sur
la copie de la décision «certifiée conforme à l'original» ne constitue pas un indice
que la décision n'a pas été dûment authentifiée.
- 66.
- La requérante n'invoque aucun autre indice, non plus qu'aucune circonstance
précise, de nature à écarter la présomption de validité dont bénéficient les actes
communautaires (voir, notamment, arrêt Dunlop Slazenger/Commission, précité,
point 24).
- 67.
- En l'absence d'un tel indice, il n'appartient pas au Tribunal d'ordonner les mesures
d'instruction sollicitées.
- 68.
- S'agissant de la régularité de la notification, aucune disposition du droit
communautaire n'exclut que la décision soit notifiée sous la forme d'une copie
certifiée conforme, ni qu'une décision rectificative soit notifiée séparément.
- 69.
- En l'espèce, la copie de la décision adressée à la requérante porte le nom du
membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence ainsi que
la mention «copie certifiée conforme à l'original» («certified copy»). Elle est
également signée par le secrétaire général de la Commission. Une telle copie est
régulière. Elle est dotée de la même force juridique que l'acte original adopté par
le collège des membres et authentifié selon les formes prescrites par le règlement
intérieur de la Commission.
- 70.
- En ce qui concerne les modalités de la notification, il ressort d'une jurisprudence
constante qu'une décision est dûment notifiée, au sens du traité, dès lors qu'elle est
communiquée à son destinataire et que celui-ci est en mesure d'en prendre
connaissance (arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, précité, point
10). En l'espèce, ainsi que cela résulte des termes mêmes du recours, la requérante
a été en mesure de prendre pleinement connaissance de la décision et de faire
valoir la plénitude de ses droits devant le Tribunal.
- 71.
- Le moyen doit donc être rejeté comme dépourvu de fondement.
Sur le moyen tiré d'une violation des droits de la défense et d'une violation des règles
de forme relatives à la communication des griefs
Arguments des parties
- 72.
- Ce moyen s'articule en deux branches.
- 73.
- Dans une première branche, la requérante affirme que la communication des griefs
n'a pas été adoptée et communiquée aux destinataires par l'organe compétent en
vertu de l'article 2 du règlement n° 99/63, à savoir la Commission.
- 74.
- La communication des griefs lui aurait été transmise sous la forme d'un document
non signé, annexé à une lettre du directeur général de la concurrence. En l'absence
de signature, ce document ne pourrait être considéré comme un «acte» de la
Commission. Par conséquent, il ne pourrait servir de base à la décision.
- 75.
- En outre, à supposer même que ledit document, ensemble avec sa lettre
d'accompagnement, puisse être regardé comme la «communication des griefs» au
sens du règlement n° 99/63, celle-ci ne lui aurait pas été communiquée par la
Commission. Or, l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 attribuerait à cette
fin à la Commission une compétence exclusive, dont le règlement intérieurn'autoriserait pas la délégation. En tout état de cause, ni la détermination du
contenu de la communication des griefs ni la communication de celle-ci aux
destinataires ne pourraient, en vertu du règlement intérieur, être déléguées aux
tiers (arrêts de la Cour Geigy/Commission, précité, et du 17 octobre 1972,
Cementhandelaren/Commission, 8/72, Rec. p. 977). De même, la compétence pour
fixer le délai de réponse à la communication des griefs ne pourrait être déléguée
aux tiers.
- 76.
- Dans une seconde branche du moyen, la requérante fait valoir que, en ne liant pas
au moyen d'une attache matérielle la communication des griefs et ses annexes, la
Commission a commis une violation de l'exigence d'une forme écrite de la
communication des griefs prévue à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99/63,
dont le but serait d'assurer les mêmes garanties que celles résultant de l'exigence
d'une authentification des décisions finales. La communication des griefs ne
pourrait donc servir de fondement à la décision.
- 77.
- L'exigence d'une forme écrite nécessiterait en outre que la communication des
griefs soit signée au bas de la dernière page. La signature du directeur général sur
la lettre d'accompagnement ne pourrait pas remplacer la signature requise.
- 78.
- La Commission rappelle, en ce qui concerne la première branche du moyen, qu'il
ressort des documents soumis à la requérante que les griefs retenus contre elle ont
été adoptés par la Commission. En outre, le directeur général de la Commission
aurait signé la communication des griefs en vertu d'une simple délégation de
signature, et l'argument tiré de l'incompétence de celui-ci ne serait donc pas fondé
(arrêts de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82,
Rec. p. 19, point 14, et Geigy/Commission, précité, point 5).
- 79.
- La Commission souligne que la manière dont doit être envoyée la communication
des griefs, en vertu de l'article 10 du règlement n° 99/63, vise avant tout à conserver
la preuve de la date de la communication. En effet, la communication des griefs
aurait dûment lieu si le destinataire est en mesure de prendre pleinement
connaissance de la teneur des griefs retenus (arrêts Geigy/Commission, précité,
point 11, et Bayer/Commission, précité, points 7 et 20).
- 80.
- En ce qui concerne la seconde branche du moyen, la Commission soutient que la
requérante méconnaît la portée de l'article 2 du règlement n° 99/63. Cet article
n'exigerait pas que la communication des griefs porte une signature manuscrite, ni
que la communication consiste en un acte unique. La désignation des annexes et
la numérotation de toutes les pages des documents transmis seraient, de plus,
suffisantes pour établir les liens entre ceux-ci.
Appréciation du Tribunal
- 81.
- En ce qui concerne la première branche du moyen, il ressort des pièces du dossier
que la communication des griefs adressée à la requérante était accompagnée d'une
lettre signée par le directeur général de la direction générale de la concurrence
(DG IV) de la Commission.
- 82.
- Or, en signant ladite lettre, le directeur général a agi dans le cadre non pas d'une
délégation de pouvoirs, mais d'une simple délégation de signature qu'il avait reçue
du membre compétent de la Commission (arrêt Geigy/Commission, précité, point
5). Une telle délégation constitue le moyen normal par lequel la Commission
exerce sa compétence (arrêt VBVB et VBBB/Commission, précité, point 14).
- 83.
- Dans la mesure où la requérante n'a apporté aucune indication qui permette de
croire que, en l'occurrence, l'administration communautaire se serait départie de
l'observation des règles applicables en la matière (arrêt VBVB et
VBBB/Commission, précité, point 14), le grief doit être rejeté.
- 84.
- La requérante soutient, en second lieu, que la communication des griefs n'a pas été
adoptée par la Commission. A cet égard, il suffit de relever que la requérante ne
produit aucun indice de nature à mettre en cause la présomption de validité qui
s'attache aux actes communautaires. Il n'y a donc pas lieu de vérifier l'éventuelle
existence de la violation alléguée (par analogie, arrêt Fiatagri et New Holland
Ford/Commission, précité, point 27).
- 85.
- La première branche du moyen doit donc être rejetée.
- 86.
- Quant à la seconde branche du moyen, elle ne saurait davantage être accueillie.
- 87.
- Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99/63, «[l]a Commission
communique par écrit aux entreprises et associations d'entreprises les griefs retenus
contre elles». Cette disposition n'exige pas que la communication des griefs porte
une signature manuscrite apposée sur le document lui-même, ni que la
communication des griefs soit constituée par un acte formellement unique.
- 88.
- En tout état de cause, les griefs retenus à l'encontre de la requérante ont été
communiqués sous forme écrite d'une manière telle que les divers documents sur
lesquels la Commission a fondé l'existence de ces griefs ont pu être identifiés avec
précision.
- 89.
- Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité
Arguments des parties
- 90.
- Exposant de manière détaillée les objectifs de l'obligation de motivation prévue à
l'article 190 du traité, la requérante fait valoir en premier lieu que la Commission
aurait dû, pour chaque action qualifiée d'infraction, indiquer la disposition violée
et préciser si l'infraction avait été commise sous forme d'accord ou de pratique
concertée. En effet, ces indications seraient indispensables pour vérifier si chacune
des actions en cause remplit les conditions constitutives du délit, à savoir le fait
générateur, l'illégalité et la faute. Dès lors, l'indication selon laquelle l'infraction a
consisté dans la participation à un accord ou à une pratique concertée ne suffirait
pas, une seule et même action ne pouvant pas être qualifiée à la fois d'accord et
de pratique concertée.
- 91.
- Si plusieurs actions peuvent être qualifiées d'infraction continue, cette possibilité
ne dispenserait pas la Commission d'indiquer, pour chaque action individuelle, les
éléments constitutifs du délit. Ce ne serait que si chacune des actions individuelles
constitue un délit que l'intégralité de ces actions pourrait, le cas échéant, être
qualifiée d'infraction continue.
- 92.
- En second lieu, la requérante fait valoir que la décision aurait également dû
contenir, pour chaque acte qualifié de délit, une indication précise des circonstances
concrètes des faits, telles que l'endroit où ils se sont déroulés, les participants
concernés et le rôle précis de chacun d'eux.
- 93.
- Enfin, en troisième lieu, la décision aurait dû contenir, pour chaque action en
cause, une indication des personnes physiques ayant agi. A cet égard, l'article 15
du règlement n° 17 présupposerait une action de propos délibéré ou par négligence
d'une personne physique, mais imputable à une entreprise.
- 94.
- La Commission estime que la décision contient une description suffisante des
éléments de fait justifiant l'imposition de l'amende. S'agissant d'une entente
complexe et de longue durée, les comportements individuels se seraient inscrits
dans un système unique visant à entraver le libre jeu de la concurrence sur le
marché, de sorte qu'il n'aurait pas été nécessaire de qualifier chaque comportement
individuel d'accord ou de pratique concertée (arrêt du Tribunal du 17 décembre
1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, points 262 à 264).
En tout état de cause, la Commission aurait précisé, aux points 131 et 132 des
considérants de la décision, que, à partir de la fin de l'année 1987, le
comportement des entreprises présentait tous les éléments d'un véritable accord
au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité et que, jusqu'à ce moment-là, le
comportement des entreprises était constitutif d'une pratique concertée. Au surplus,
elle aurait même pu qualifier une action d'accord à titre principal et de pratique
concertée à titre subsidiaire (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission,
T-13/89, Rec. p. II-1021, points 251 et 252).
- 95.
- S'agissant d'une infraction unique, la Commission ne serait pas tenue de démontrer
que chaque action individuelle de l'entente remplit les critères prévus à l'article 85
(même arrêt, points 259 et 260).
- 96.
- Il ne serait pas non plus nécessaire de prouver la participation de chaque
entreprise à chaque manifestation de l'entente. Comme exposé aux points 116 et
117 des considérants de la décision, il suffirait que la Commission démontre
l'existence de l'entente globale, d'une part, et la participation de chaque entreprise
à certains actes entrant dans le plan global commun, d'autre part (voir arrêts
précités ICI/Commission, points 256 à 261 et 305, et Hercules
Chemicals/Commission, point 272).
- 97.
- Enfin, la Commission soutient qu'elle n'avait pas à indiquer, dans la décision, le
nom des personnes ayant agi, l'article 85 du traité s'adressant expressément aux
entreprises. Il serait uniquement nécessaire de démontrer que des personnes
autorisées à agir pour le compte des entreprises ont participé à l'entente, les
actions de ces personnes étant imputables aux entreprises concernées (arrêt de la
Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80,
102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, point 97). Or, sur ce point, la communication des
griefs contiendrait un exposé détaillé des preuves retenues à l'encontre de la
requérante, et les annexes de cette communication révéleraient l'identité des
personnes ayant agi.
Appréciation du Tribunal
- 98.
- Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision
individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle
sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante
pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée
d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette
obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a
été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen
Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51). Si, en vertu de l'article 190
du traité, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit
dont dépend la justification légale de la décision et les considérations qui l'ont
amenée à prendre celle-ci, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait
et de droit qui ont été soulevés au cours de la procédure administrative (voir,
notamment, arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission,
209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 66).
- 99.
- En l'espèce, la décision expose de manière détaillée les motifs pour lesquels la
Commission a considéré que l'infraction constatée dans le chef des entreprises
mentionnées à l'article 1er de la décision devait être qualifiée d'accord et de
pratique concertée (points 129 à 132 des considérants). En particulier, il ressort du
point 131, premier alinéa, des considérants que «à partir de fin 1987, avec la
concrétisation de la collusion progressive des fabricants adhérant à la politique du
'prix avant le tonnage, l'infraction a présenté toutes les caractéristiques d'un
véritable accord au sens de l'article 85». De plus, il est précisé que les «initiatives
semestrielles en matière de prix qui ont été prises pour réaliser le plan ne doiventpas être considérées comme un ensemble d'accords ou de pratiques concertées
distincts, mais comme un seul et même accord continu» (même point des
considérants, deuxième alinéa).
- 100.
- Or, lorsque, comme en l'espèce, une décision contient une motivation suffisante
permettant de comprendre les motifs pour lesquels les agissements constatés ont
été qualifiés d'accord et de pratique concertée, la Commission n'est pas tenue de
qualifier séparément d'accord ou de pratique concertée chacun des agissements
concernés (voir, dans le même sens, arrêt Hercules Chemicals/Commission, précité,
point 264).
- 101.
- La décision contient également une motivation détaillée en ce qui concerne la
participation de la requérante à l'infraction. A cet égard, elle contient des
références directes à la requérante en ce qui concerne les augmentations de prix
concertées (points 74, 76, 78, 79, 81, 85 et 87 des considérants). En outre, sans
préjudice de l'exactitude des motifs qu'ils énoncent, dont le contrôle relève de
l'examen du bien-fondé de la décision, les points de celle-ci décrivant les discussions
à objet anticoncurrentiel menées au sein du PWG (notamment points 37, 51 et 52
des considérants) visent nécessairement la requérante, puisque, selon la décision,
la requérante a participé aux réunions de cet organe (point 36, deuxième alinéa,
des considérants). De même, les points de la décision décrivant les discussions à
objet anticoncurrentiel menées au sein du JMC concernent aussi la requérante
(points 44 à 46, 58, 71, 73, 84, 85 et 87 des considérants), dans la mesure où la
Commission a considéré que cette dernière avait pris part aux réunions de cet
organe (tableau 7 annexé à la décision et point 46, premier alinéa, des
considérants).
- 102.
- Dans ces conditions, la motivation de la décision a donné à la requérante une
indication suffisante pour connaître les principaux éléments de fait et de droit qui
étaient à la base du raisonnement ayant conduit la Commission à la tenir pour
responsable d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 103.
- Enfin, les actes d'une personne physique étant imputables à l'entreprise, au sens
de l'article 85 du traité, lorsque cette personne est autorisée à agir pour le compte
de l'entreprise (par analogie, arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission,
précité, point 97), il s'ensuit que la Commission a suffisamment motivé la décision
en se référant à la dénomination de la requérante.
- 104.
- En tout état de cause, les renseignements individuels joints à la communication des
griefs font apparaître l'identité des représentants de la requérante dont la
Commission a estimé qu'ils avaient participé aux réunions des organes du GEP
Carton.
- 105.
- Aucun des griefs formulés par la requérante n'ayant été accueilli, le moyen doit
être rejeté.
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité en ce que la
Commission n'aurait pas démontré la participation de la requérante à une entente
quelconque
- 106.
- Ce moyen se compose de trois branches. Chacune d'elles fera l'objet d'un examen
distinct.
Sur le moyen pris en sa première branche tirée de l'absence de preuve de la
participation de la requérante à une entente quelconque
Arguments des parties
- 107.
- La requérante fait valoir qu'elle n'a jamais participé aux réunions des différents
organes du GEP Carton et qu'elle n'a eu aucune connaissance des discussions à
objet anticoncurrentiel qui auraient été menées, selon la décision, lors de ces
réunions.
- 108.
- En effet, les personnes qui l'auraient, selon la décision, représentée au sein des
organes du GEP Carton n'y auraient participé qu'en tant que représentants du
Nordic Paperboard Institute (ci-après «NPI»), association scandinave regroupant
des producteurs de carton. Les déclarations faites par d'autres producteurs (voir
tableau 5 annexé à la décision), selon lesquelles elle aurait été considérée comme
l'un des membres du JMC, seraient fondées sur des erreurs.
- 109.
- En ce qui concerne les accords et/ou pratiques concertées entre les participants aux
réunions des organes du GEP Carton, la décision ne contiendrait aucune indication
précise permettant de déterminer les réunions au cours desquelles ces discussions
auraient eu lieu, le contenu précis des discussions, les participants aux réunions et,
enfin, les participants aux concertations. En particulier, la décision, en de nombreux
points, ne mentionnerait aucunement la requérante ou ses sociétés membres.
- 110.
- La requérante, relevant que ses prétendus représentants n'auraient, même selon
la décision, participé qu'à un nombre réduit de réunions du PWG et du JMC,
soutient que la décision ne contient aucun élément de nature à établir sa
participation à une concertation quelconque. En effet, à supposer même que des
concertations aient eu lieu au cours de certaines réunions et qu'elle ait été
représentée au sein des organes concernés, il ne serait pas établi que les
concertations ont eu lieu lors des réunions auxquelles ses prétendus représentants
ont assisté.
- 111.
- Quant au PWG, la requérante conteste les affirmations relatives à la
communication des résultats obtenus lors des réunions de cet organe aux
entreprises non membres du PWG (point 38 des considérants de la décision). En
particulier, l'affirmation selon laquelle «les producteurs scandinaves (tous membres
du NPI) étaient généralement renseignés sur le résultat des réunions par
Finnboard» (point 38, quatrième alinéa, des considérants de la décision) ne serait
fondée sur aucun élément de preuve.
- 112.
- L'affirmation selon laquelle les entreprises non membres du PWG auraient été
informées des résultats des réunions de cet organe au cours des réunions de la PC
(point 38 des considérants de la décision) ne serait que pure supposition.
- 113.
- Quant aux réunions de la PC, l'indication contenue dans la décision selon laquelle
la requérante et, dans une certaine mesure, ses sociétés membres auraient participé
aux réunions de cet organe serait une affirmation sans fondement.
- 114.
- S'agissant du JMC, la déclaration de Fiskeby selon laquelle elle aurait été, à
quelques occasions, informée des résultats des réunions par un représentant du NPI
(point 46 de la décision), déclaration d'ailleurs inconnue de la requérante,
confirmerait que les représentants du NPI, mais non ceux de la requérante,
participaient aux réunions de ce comité.
- 115.
- Enfin, les discussions menées lors des réunions du COE auraient, selon la décision
même, porté sur la situation générale du marché.
- 116.
- La Commission affirme que la requérante était l'un des membres à part entière du
GEP Carton. Elle se réfère, à cet égard, à la déclaration de Stora du 23 décembre
1991 (annexe 43 à la communication des griefs) dans laquelle la requérante est
désignée comme l'une des entreprises représentées au sein du PWG. De plus, les
procès-verbaux des réunions de la PC désigneraient les directeurs généraux de
Finnboard en tant que représentants de la Finlande, à côté des représentants
d'autres pays scandinaves.
- 117.
- L'argumentation de la requérante, selon laquelle elle n'aurait pas participé aux
réunions du PWG, serait en tout état de cause inopérante. En effet, à supposer
même que les directeurs généraux de Finnboard aient agi en tant que représentants
du NPI, cela signifierait uniquement qu'ils ont représenté les intérêts de la quasi-totalité des producteurs scandinaves. Ils auraient nécessairement pris en
considération les intérêts de la requérante, compte tenu de leurs fonctions au sein
de cette entreprise.
- 118.
- La requérante aurait également été représentée aux réunions du JMC et du COE.
Plusieurs producteurs de carton l'auraient désignée comme l'un des membres du
JMC.
- 119.
- Pour le surplus, la Commission fonde son argumentation sur l'exposé des fonctions
principales des organes contenu dans la décision.
Appréciation du Tribunal
- 120.
- Selon la décision, la requérante et les autres entreprises mentionnées à l'article 1er
de la décision ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant à un
accord et une pratique concertée. La Commission a considéré que la requérante
a participé à cette infraction du milieu de l'année 1986 jusqu'à avril 1991 au moins.
- 121.
- D'après le tableau 7 annexé à la décision, la requérante a participé aux réunions
du PWG, de la PC, du JMC et du COE.
- 122.
- A cet égard, la Commission considère que la requérante a pris part aux réunions
du PWG à titre individuel et en tant que représentant du NPI (point 38, quatrième
alinéa, et point 79, quatrième alinéa, des considérants). De plus, il est relaté que
le «directeur général [de Finnboard] était aussi le président du GEP Carton et
présidait le PWG à partir de mai 1988» (point 79, quatrième alinéa, des
considérants).
- 123.
- S'agissant de la participation de la requérante au JMC, il est précisé qu'il semble
que «Finnboard ait représenté le NPI ainsi que ses quatre propres membres, Kyro,
Metsä-Serla, Tampella et United Paper Mills» (point 32, premier alinéa, des
considérants).
- 124.
- Enfin, quant à la participation de la requérante à des réunions de la PC, «[d]es
représentants de Finnboard (qui avaient également assisté aux réunions du PWG
tenues juste avant) ont pris part à toutes les réunions de la 'President Conference
séparément du NPI» (point 42, second alinéa, des considérants).
- 125.
- Les pièces du dossier attestent que des dirigeants de la requérante ont été
impliqués dans les structures du GEP Carton durant la période couverte par la
décision. Ainsi, les renseignements individuels joints à la communication des griefs
relatent que la vice-présidence du GEP Carton a été occupée, pendant la période
couverte par la décision, par un directeur («managing director») de la requérante,
à savoir M. de la Chapelle du milieu de l'année 1986 à 1987, M. Sommar de 1987
à 1988, et M. Lindahl à partir de 1990.
- 126.
- Concernant M. Sommar, il a été élu vice-président du GEP Carton lors de
l'assemblée générale de 1987 et, à cette occasion, a été proposé pour occuper cette
nouvelle fonction en étant expressément présenté comme «le nouveau président
du Finnboard Executive Committee» («the new Chairman of the Finnboard
Executive Committee») (annexe 97 à la communication des griefs).
- 127.
- De plus, il est constant que la présidence du GEP Carton a été occupée par M.
Köhler à partir de mai 1988 jusqu'à l'automne de 1990. Le compte rendu de la
réunion du PWG du 6 avril 1990 (produit en annexe au mémoire en défense)
indique à cet égard:
«Mr Köhler nous rappelle qu'il assumera d'autres fonctions dans l'industrie
forestrière finlandaise dès l'automne prochain. Il quittera donc Finnboard et devradémissionner en tant que président du GEP Carton.»
- 128.
- Selon les déclarations de Stora, la requérante a participé aux réunions du PWG
[annexes 35 (p. 14), 37 (p. 2) et 43 (p. 3) à la communication des griefs].
- 129.
- Enfin, plusieurs entreprises ont identifié la requérante comme ayant participé aux
réunions du JMC (voir tableau 5 annexé à la décision).
- 130.
- Compte tenu des déclarations de Stora et de la participation effective aux réunions
des organes du GEP Carton de plusieurs personnes employées par la requérante,
l'affirmation de celle-ci selon laquelle ces personnes n'y auraient participé qu'en
leur qualité de représentants du NPI ne peut donc être retenue.
- 131.
- En outre, la requérante n'a pas fourni le moindre élément de preuve, tel qu'un
mandat de représentation exclusive du NPI, à l'appui de sa contestation des
preuves concordantes démontrant sa participation, à titre individuel, aux réunions
des organes du GEP Carton. Lors de l'audience, elle a même admis qu'elle avait
supporté les frais de voyage occasionnés par la participation de ses employés aux
réunions concernées, circonstance factuelle qui ne peut que confirmer l'exactitude
des constatations opérées par la Commission.
- 132.
- En considération de ces éléments, la participation à titre individuel de la
requérante aux réunions des organes du GEP Carton doit être considérée comme
établie.
- 133.
- Pour autant que la requérante vise, par la présente branche du moyen, à contester
le bien-fondé des allégations de la Commission relatives à l'objet anticoncurrentiel
des réunions en cause, il s'agit d'arguments devant être examinés dans le cadre des
deux autres branches du moyen.
- 134.
- Au vu des éléments qui précèdent, la première branche du moyen ne saurait être
accueillie.
Sur le moyen pris en sa deuxième branche tirée de l'absence de preuve de la
participation de la requérante aux initiatives en matière de prix
Arguments des parties
- 135.
- La requérante relève que la décision ne contient aucune indication précise
permettant d'établir sa participation à des initiatives en matière de prix. Les motifs
généraux de la décision n'établiraient pas un lien éventuel entre les différentes
initiatives en matière de prix mises en oeuvre et le comportement des entreprises
individuelles. En particulier, la motivation de la décision ne permettrait pas
d'exclure que des concertations aient eu lieu en marge des réunions ou lors des
réunions auxquelles aucune personne liée à la requérante n'a participé.
- 136.
- Les annonces systématiques des augmentations de prix ne démontreraient pas
l'existence d'une concertation, car elles ne seraient qu'une conséquence directe des
conditions du marché.
- 137.
- Se référant aux annexes à la communication des griefs invoquées dans la décision,
la requérante relève que de nombreux documents ne mentionnent même pas,
directement ou indirectement, son nom et que les documents qui la mentionnent
se réfèrent généralement à des indications insignifiantes dont la source n'est pas
indiquée. De plus, certains documents auraient été rédigés dans des circonstances
démontrant l'absence de liens entre les documents et les réunions des organes du
GEP Carton. De tels documents ne pourraient donc être regardés comme
démontrant sa participation à des initiatives en matière de prix.
- 138.
- Sur la base de ces considérations, la requérante conteste la valeur probante d'une
partie importante des documents invoqués par la Commission. En outre, elle
soutient que les documents faisant l'objet des annexes 44, 109, 130 et 131 à la
communication des griefs, documents invoqués dans la décision, n'ont pas la valeur
probante que la Commission leur attribue. Au contraire, ils témoigneraient plutôt
de l'absence de participation de la requérante à une collusion quelconque.
- 139.
- La liste des prix trouvée dans les locaux de la société Finnboard (UK) Ltd. (voir
point 79 des considérants de la décision, ci-après «liste Finnboard») ne
mentionnerait pas la requérante. Ce document ne présenterait pas des similarités
telles avec les deux listes de prix trouvées chez Rena (annexes 110 et 111 à la
communication des griefs) que l'on puisse en tirer des conclusions concernant la
requérante. En effet, celle-ci ne serait pas mentionnée non plus dans les listes de
prix de Rena, et la liste Finnboard ne contiendrait que des informations accessibles
à tous et se rapporterait apparemment, par l'utilisation du mot suédois «höjs»
(verbe qui, dans sa forme de base, signifie «augmenter»), à un événement passé.
De plus, les listes de prix trouvées chez Rena contiendraient des données relatives
à l'Irlande, mais la Finlande n'y serait pas indiquée. Dans la liste Finnboard, le cas
serait inverse.
- 140.
- La note obtenue de Rena, portant, selon la décision, sur la réunion du JMC du 6
septembre 1989 (annexe 117 à la communication des griefs), indiquerait seulement:
«[...] 10,5 % de différence entre GC I et GC sur les prix les plus bas pratiqués par
Finnboard [...]» Cette remarque ne révélerait aucune participation de la requérante
à une concertation quelconque, l'auteur de la note ayant simplement constaté une
différence de prix entre deux produits. D'ailleurs, selon la lettre de couverture de
Rena (annexe 116 à la communication des griefs), les indications contenues dans
cette note seraient fondées sur des conversations individuelles tenues en marge de
la réunion du JMC, conversations auxquelles les collaborateurs de la requérante
n'auraient pas participé.
- 141.
- La note de Rena portant, selon la décision, sur la réunion du JMC du 6 septembre
1990 (annexe 118 à la communication des griefs), ne concernerait même pas une
réunion du JMC (voir lettre de couverture de Rena, annexe 116 à la
communication des griefs), mais se référerait uniquement à des discussions internes.
La seule mention de la requérante («Finnboard a lot down in USSR [...]») ne
constituerait pas un élément révélateur d'une concertation quelconque.
- 142.
- En ce qui concerne la déclaration de Stora décrivant le rôle du JMC dans la mise
en oeuvre des initiatives en matière de prix (annexe 35 à la communication des
griefs, p. 17), la requérante souligne que, à supposer même qu'elle soit considérée
comme ayant participé, quod non, aux réunions de cet organe, elle-même et Stora
n'ont, selon la décision, participé en commun qu'à sept réunions du JMC. Il serait
donc parfaitement possible que d'éventuelles discussions à objet anticoncurrentiel
n'aient eu lieu qu'au cours des réunions auxquelles la requérante n'a pas participé
et que des discussions anodines aient été menées lors des sept réunions du JMC
auxquelles Stora et la requérante ont participé en commun.
- 143.
- La Commission estime qu'elle a démontré l'existence des initiatives en matière de
prix, d'une part, et la participation de la requérante à ces initiatives, d'autre part.
- 144.
- En ce qui concerne l'existence des initiatives en matière de prix, elle se réfère, pour
l'essentiel, aux points 74 à 90 des considérants de la décision. En outre, elle met
en exergue certains éléments de preuve invoqués dans la décision (annexes 44 et
70 à la communication des griefs).
- 145.
- Enfin, elle se réfère aux deux listes d'augmentations de prix découvertes chez Rena
(annexes 110 et 111 à la communication des griefs, respectivement mentionnées aux
points 80 et 83 des considérants de la décision). Ces listes, d'une même origine,
confirmeraient les déclarations de Stora relatives aux arrangements en matière
d'augmentations de prix conclus au sein du GEP Carton. Elles ne feraient mention
du nom d'aucune société déterminée, mais feraient état des augmentations
applicables dans chaque pays européen. Dès lors, l'absence de mention expresse
de la requérante serait sans pertinence.
- 146.
- Pour ce qui est de la participation de la requérante aux initiatives en matière de
prix, la Commission conteste que les augmentations de prix aient été le résultat des
conditions générales du marché. D'une part, elle aurait apporté la preuve des
concertations en cette matière, ce qui n'aurait même pas été contesté par plusieurs
des producteurs concernés. D'autre part, la participation à des réunions au cours
desquelles des discussions à objet anticoncurrentiel ont eu lieu suffirait pour
satisfaire les critères d'application de l'article 85 du traité (arrêt du Tribunal du 24
octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T-1/89, Rec. p. II-867, point 66).
- 147.
- La liste Finnboard contiendrait des données relatives aux qualités GD révélant qu'il
ne s'agissait pas d'un document interne, la requérante ne produisant pas ces
qualités. La similitude entre la liste Finnboard et les listes trouvées chez Rena
démontrerait en outre que la première était relative aux augmentations de prix sur
lesquelles s'étaient entendus les producteurs de carton. Les données contenues dans
la liste Finnboard permettraient d'affirmer qu'elle concernait l'augmentation de prix
du deuxième trimestre de 1989 et ne se référait pas, contrairement à ce qu'affirme
la partie requérante, à des données anciennes.
- 148.
- Enfin, la participation de la requérante serait démontrée par les notes manuscrites
découvertes chez FS-Karton et Rena (annexes 113 et 117 à la communication des
griefs), ces documents désignant certains producteurs de carton, parmi lesquels
Finnboard.
Appréciation du Tribunal
- 149.
- Aux termes de l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition
ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, durant la période
de référence, à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les
fournisseurs de carton de la Communauté ont notamment «décidé d'un commun
accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans
chaque monnaie nationale» et «ont planifié et mis en oeuvre des augmentations
de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté».
- 150.
- Il a déjà été retenu que la requérante a participé aux réunions du PWG et du JMC
au cours de la période allant du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins. Il y
a donc lieu d'examiner si la Commission a établi que les réunions de ces deux
organes ont eu pour objet, notamment, une collusion sur les prix, avant d'examiner
la situation individuelle de la requérante par rapport à l'objet de ces réunions.
- 151.
- S'agissant du PWG, la décision indique que la véritable tâche du PWG «consistait
notamment dans 'la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts
du marché, les prix ainsi que les hausses de prix et les capacités» (point 37,
troisième alinéa, des considérants), et que, «[d]ès après sa création, le PWG 'est
parvenu à un accord et a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier
et le niveau des augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants de
carton» (point 37, quatrième alinéa, des considérants).
- 152.
- Ces indications sont reprises des déclarations de Stora (annexe 39 à la
communication des griefs), laquelle précise d'ailleurs que «le PWG s'est réuni à
partir de 1986 afin de contribuer à réguler le marché». Elles sont étayées par
l'annexe 73 à la communication des griefs, note confidentielle datée du 28
décembre 1988, adressée par le directeur commercial responsable des ventes du
groupe Mayr-Melnhof en Allemagne (M. Katzner) au directeur général de Mayr-Melnhof en Autriche (M. Gröller) et ayant pour objet la situation du marché.
- 153.
- Selon ce document, une coopération plus étroite au sein du «cercle des présidents»
(«Präsidentenkreis»), décidée en 1987, avait produit deux résultats significatifs:
« PRO-Carton
Discipline en matière de prix.
Dans ces deux domaines, on peut signaler à la fois des éléments positifs et des
éléments négatifs:
[...]
En matière de prix: des gagnants et des perdants.»
- 154.
- L'auteur de la note poursuit en précisant que «[t]ous les participants ont été (et
restent) gagnants dans la mesure où la tendance permanente, jusqu'en automne
1987, à la baisse des prix a été stoppée, et a pu être remplacée par des hausses de
prix en deux étapes (jusqu'ici) clairement perceptibles et visibles».
- 155.
- Il convient de relever que l'expression «cercle des présidents» a été interprétée par
Mayr-Melnhof comme visant à la fois le PWG et la PC dans un contexte général,
c'est-à-dire sans référence à un événement ou à une réunion particulière (annexe
75 à la communication des griefs, point 2.a), interprétation qu'il n'y a pas lieu de
discuter dans le présent contexte.
- 156.
- Au vu de ces éléments, il doit être considéré que la Commission a établi le rôle
joué par le PWG dans la collusion sur les prix.
- 157.
- S'agissant du JMC, il ressort de la décision que son objet principal était, dès le
départ, le suivant:
« déterminer si, et, dans l'affirmative, comment, des augmentations de prix
pouvaient être mises en oeuvre, et faire part de ses conclusions au PWG,
définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG
pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de
prix équivalent (c'est-à-dire uniforme) en Europe [...]» (point 44, dernier
alinéa, des considérants de la décision).
- 158.
- Plus particulièrement, la Commission soutient, au point 45, premier et deuxième
alinéas, des considérants de la décision:
«Ce comité examinait marché par marché la manière dont les augmentations de
prix décidées par le PWG devaient être mises en oeuvre par chaque producteur.
Les aspects pratiques de l'application des augmentations envisagées étaient traités
au cours de 'tables rondes, où chaque participant avait l'occasion de commenter
l'augmentation proposée.
Les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des augmentations de prix
décidées par le PWG ou les éventuels refus de coopérer étaient rapportés au
PWG, qui s'efforçait alors (comme l'a déclaré Stora) 'd'obtenir le degré de
coopération jugé nécessaire. Le JMC faisait des rapports distincts pour les qualités
GC et GD. Lorsque le PWG modifiait une décision en matière de prix en se
fondant sur les rapports transmis par le JMC, les mesures à prendre pour appliquer
la décision en cause étaient discutées à la réunion suivante du JMC.»
- 159.
- Il doit être constaté que la Commission se réfère à bon droit, à l'appui de ces
indications relatives à l'objet des réunions du JMC, aux déclarations de Stora
(annexes 35 et 39 à la communication des griefs).
- 160.
- En outre, même si elle ne dispose d'aucun compte rendu officiel d'une réunion du
JMC, elle a obtenu auprès de Mayr-Melnhof et de Rena certaines notes internes
portant sur les réunions des 6 septembre 1989, 16 octobre 1989 et 6 septembre
1990 (annexes 117, 109 et 118 à la communication des griefs). Ces notes, dont le
contenu est décrit aux points 80, 82 et 87 des considérants de la décision, relatent
les discussions détaillées menées au cours de ces réunions sur les initiatives
concertées en matière de prix. Elles constituent donc des éléments de preuve
corroborant clairement la description des fonctions du JMC donnée par Stora.
- 161.
- A cet égard, il suffit de renvoyer, à titre d'exemple, à la note obtenue de Rena sur
la réunion du JMC du 6 septembre 1990 (annexe 118 à la communication des
griefs) et dans laquelle il est notamment indiqué:
«Une augmentation de prix sera annoncée la semaine prochaine, en septembre.
France 40 FF
Pays-Bas 14
Allemagne 12 DM
Italie 80 LIT
Belgique 2,50 BFR
Suisse 9 FS
Royaume-Uni 40 UKL
Irlande 45 IRL
Toutes les qualités devraient faire l'objet de la même augmentation, GD, UD, GT,
GC, etc.
Une seule augmentation de prix par an.
Pour les livraisons à partir du 7 janvier.
Au plus tard le 31 janvier.
Lettre du 14 septembre avec augmentation de prix (Mayr-Melnhof).
19 septembre, envoi par Feldmühle de sa lettre.
Cascades avant fin septembre.
Tous doivent avoir envoyé leur lettre avant le 8 octobre.»
- 162.
- Comme la Commission l'explique aux points 88 à 90 des considérants de la
décision, elle a en outre été en mesure d'obtenir des documents internes
permettant de conclure que les entreprises, et notamment celles nommément citées
dans l'annexe 118 à la communication des griefs, ont effectivement annoncé et mis
en oeuvre les augmentations de prix convenues (voir également le tableau G
annexé à la décision).
- 163.
- Il convient de rejeter, dans ce contexte, l'argument de la requérante selon lequel
il ne serait pas prouvé que l'annexe 118 à la communication des griefs concerne
une réunion du JMC. En effet, ce document est établi sur des feuilles de papier
portant l'en-tête «Schweizerischer Bankverein» («Société de Banque Suisse») et
il porte la date du 6 septembre 1990, soit celle d'une réunion du JMC tenue à
Zürich. Il relate très clairement des discussions à objet anticoncurrentiel entre les
producteurs qui y sont mentionnés. Dès lors, il est établi qu'il concerne la réunion
du JMC tenue à la date considérée.
- 164.
- Même si les documents invoqués par la Commission ne concernent qu'un petit
nombre des réunions du JMC tenues au cours de la période couverte par la
décision, toutes les preuves documentaires disponibles corroborent l'indication de
Stora selon laquelle l'objet principal du JMC était de déterminer et de planifier la
mise en oeuvre des augmentations de prix concertées. A cet égard, l'absence
presque totale de comptes rendus, officiels ou internes, des réunions du JMC doit
être considérée comme une preuve suffisante de l'allégation de la Commission
selon laquelle les entreprises ayant participé aux réunions se sont efforcées de
dissimuler la véritable nature des discussions au sein de cet organe (voir,
notamment, point 45 des considérants de la décision). Dans ces circonstances, la
charge de la preuve a été renversée et il incombait aux entreprises destinataires de
la décision ayant participé aux réunions de cet organe de prouver qu'il avait un
objet licite. Une telle preuve n'ayant pas été apportée par ces entreprises, la
Commission a considéré à bon droit que les discussions auxquelles les entreprises
se sont livrées au cours des réunions de cet organe avaient un objet principalement
anticoncurrentiel.
- 165.
- Quant à la situation individuelle de la requérante, le Tribunal considère que la
participation de celle-ci aux réunions du PWG et du JMC constitue une preuve
suffisante de sa participation à une collusion sur les prix.
- 166.
- Il doit d'abord être souligné que les dirigeants de la requérante ont occupé des
fonctions de direction au sein du GEP Carton pendant la période allant du milieu
de l'année 1986 jusqu'à l'automne 1990 (voir ci-dessus points 122 à 127). En outre,
l'annexe 118 à la communication des griefs relate des discussions menées lors d'une
réunion du JMC à laquelle il est constant qu'un employé de la requérante a pris
part.
- 167.
- La participation de la requérante à la collusion sur les prix est par ailleurs
corroborée par des preuves documentaires de ladite collusion, exposées dans la
décision. En particulier, la liste Finnboard, décrite au point 79 des considérants de
la décision, présente des similitudes formelles frappantes avec deux autres listes de
prix mentionnées aux points 80 et 83 des considérants de la décision, à savoir les
listes obtenues par la Commission auprès de Rena (annexes 110 et 111 à la
communication des griefs). Les trois listes contiennent des indications, pour
plusieurs types de carton et pour plusieurs pays communautaires, sur les dates et
les montants précis des augmentations de prix mises en oeuvre par les entreprises
en cause respectivement en avril 1989, en septembre/octobre 1989 et en avril 1990.
Ces indications correspondent, quant aux montants des augmentations de prix et
quant aux dates de leur mise en oeuvre, aux comportements effectifs constatés des
entreprises concernées sur le marché, et notamment à celui de la requérante (voir
les tableaux D, E et F annexés à la décision).
- 168.
- Étant donné les similitudes formelles frappantes existant entre ces trois listes de
prix, il y a lieu de considérer qu'elles ont une origine commune. De plus, l'annexe
110 est datée du 3 décembre 1989, date antérieure à l'annonce des augmentations
de prix qu'elle indique. Par conséquent, la Commission a pu inférer à bon droit que
les deux autres listes de prix, non datées, devaient être considérées comme ayant
également été établies à une date antérieure à celles des annonces effectives des
augmentations de prix mentionnées.
- 169.
- S'agissant plus particulièrement de la liste Finnboard, l'argument de la requérante,
selon lequel le mot suédois «höjs» atteste que le document en cause vise une
augmentation antérieure des prix du carton graphique, doit être rejeté comme
dénué de fondement. Ce mot «höjs» peut en effet se référer à un événement
présent («augmente») ou futur («sera augmenté»).
- 170.
- Enfin, en ce qui concerne la même liste, la Commission a relevé à juste titre dans
la décision (point 79, quatrième alinéa, des considérants):
«Comme Finnboard ne produit pas de qualités UD ou GD, la liste ne pouvait être
purement interne ou se rapporter uniquement aux activités de Finnboard.»
- 171.
- Au vu de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les contestations
de la requérante concernant d'autres documents (annexes 44, 130 et 131 à la
communication des griefs), il y a lieu de conclure que la Commission a établi la
participation de la requérante à une collusion sur les prix.
Sur le moyen pris en sa troisième branche tirée de l'absence de preuve de la
participation de la requérante à la régulation des volumes
Arguments des parties
- 172.
- La requérante soutient que la décision ne contient aucun élément permettant de
conclure qu'elle a violé l'article 85 du traité en ce qui concerne la régulation des
volumes. L'annexe 73 à la communication des griefs (voir point 53 des considérants
de la décision), pièce revêtant une importance particulière dans la motivation de
la décision, ne mentionnerait pas une seule fois le nom de la requérante.
- 173.
- Le point 61 des considérants de la décision relatif au système de surveillance et de
contrôle des capacités de production et des volumes de production et des ventes
ne comporterait aucun reproche à l'égard de la requérante, celle-ci n'ayant pas
fourni de renseignements à la Fides et n'ayant reçu aucun rapport de capacités.
- 174.
- La motivation de la décision relative aux commandes en carnet et aux arrêts de
production serait purement théorique. Elle ne ferait même pas allusion à un
éventuel accord ayant cet objet, puisque, selon elle, il n'aurait existé qu'un systèmerelâché d'encouragement.
- 175.
- Enfin, s'agissant de l'accord prétendument conclu au sein du PWG sur le gel des
parts de marché détenues par les principaux producteurs, la requérante répète
qu'elle n'a pas participé à ces réunions. En outre, ni la déclaration de Stora
(annexe 43 à la communication des griefs) ni la note de Rena concernant une
réunion du NPI (annexe 102 à la communication des griefs, voir point 58 des
considérants de la décision) ne contiendraient d'indications permettant de conclure
que la requérante a participé à une concertation. En particulier, la déclaration de
Stora révélerait que les discussions concernant les parts de marché étaient
extrêmement vagues et ne concernaient pas les entreprises individuelles.
- 176.
- La Commission soutient que l'existence des collusions en matière de régulation des
volumes est démontrée (points 51 à 71 des considérants de la décision).
- 177.
- La politique du prix avant le tonnage aurait été décrite dans le détail par Stora
(annexe 39 à la communication des griefs). L'application de cette politique aurait
impliqué le contrôle des volumes de production et leur adaptation à la demande.
Les producteurs auraient, pour cette raison, échangé des informations relatives à
l'état des commandes en carnet, aux entrées de commandes et à l'utilisation des
capacités. En outre, ils se seraient mutuellement informés sur l'ampleur des temps
d'arrêt envisagés ou réalisés afin de planifier des temps d'arrêt à l'échelle du
secteur.
- 178.
- Cette description de la politique du prix avant le tonnage serait corroborée par une
note de Mayr-Melnhof relative à la réunion du COE du 3 octobre 1989 (annexe 70
à la communication des griefs), par une note confidentielle du 28 décembre 1988,
rédigée par le directeur des ventes de Mayr-Melnhof (annexe 73 à la
communication des griefs), ainsi que par les annexes 113, 130 et 131 à la
communication des griefs.
- 179.
- En ce qui concerne la participation de la requérante aux discussions concernées,
la Commission souligne que sa participation est démontrée par le fait qu'elle a
assuré, pendant longtemps, la présidence du PWG au sein duquel lesdites
discussions ont eu lieu.
- 180.
- En outre, le rôle joué par la requérante serait confirmé par de nombreux
documents, en particulier les annexes 70, 130 et 131 à la communication des griefs,
qui mentionnent à plusieurs reprises la requérante.
Appréciation du Tribunal
- 181.
- Aux termes de l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition
ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, durant la période
de référence, à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les
fournisseurs de carton de la Communauté «se sont entendus pour maintenir les
parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des
modifications occasionnelles», et «ont pris, de plus en plus fréquemment à partir
de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du
marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations
de prix concertées».
- 182.
- D'après la Commission, ces deux catégories de collusion, appréhendées dans la
décision sous le titre «régulation des volumes», ont été initiées durant la période
de référence par les participants aux réunions du PWG. En effet, il ressort du point
37, troisième alinéa, des considérants de la décision que la véritable tâche du PWG,
telle que décrite par Stora, «consistait notamment dans 'la discussion et la
concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les
hausses de prix et les capacités».
- 183.
- Quant au rôle du PWG en ce qui concerne la collusion sur les parts de marché, la
décision (point 37, cinquième alinéa, des considérants) relève: «En corrélation avec
les mesures relatives aux augmentations de prix, le PWG a débattu de manière
approfondie des parts du marché d'Europe occidentale détenues par les
groupements nationaux et les groupes de fabricants individuels. Il en est résulté
certains 'arrangements entre les participants concernant leurs parts respectives
du marché, l'objectif étant d'éviter que les initiatives concertées en matière de prix
soient compromises par un excédent d'offre. En fait, les grands groupes de
fabricants ont convenu de maintenir leur part du marché au niveau correspondant
aux chiffres de vente et de production communiqués chaque année et publiés sous
leur forme définitive par la Fides au mois de mars de l'année suivante. Les
évolutions des parts du marché étaient analysées à chaque réunion du PWG sur la
base des résultats mensuels de la Fides et, en cas de variations importantes, des
explications étaient demandées à l'entreprise présumée responsable.»
- 184.
- Selon le point 52 des considérants, «l'accord conclu au sein du PWG en 1987
prévoyait le 'gel au niveau existant des parts de marché détenues par les
principaux producteurs en Europe occidentale, ainsi que l'absence de toute
tentative d'acquérir de nouveaux clients ou d'améliorer leur position existante par
une politique agressive en matière de prix».
- 185.
- Le point 56, premier alinéa, des considérants souligne: «L'accord de base conclu
entre les principaux producteurs pour le maintien de leurs parts respectives de
marché a continué d'être appliqué pendant toute la période couverte par la
présente décision.» Selon le point 57, «'l'évolution des parts de marché était
examinée à chaque réunion du PWG sur la base des statistiques provisoires».
Enfin, le point 56, dernier alinéa, souligne: «Les entreprises qui participaient aux
discussions sur les parts du marché étaient les membres du PWG, à savoir:
Cascades, Finnboard, KNP (jusqu'en 1988), [Mayr-Melnhof], MoDo, Sarrió, les
deux producteurs du groupe Stora, CBC et Feldmühle, et (à partir de 1988) Weig.»
- 186.
- Il y a lieu de considérer que la Commission a correctement établi l'existence d'une
collusion sur les parts de marché entre les participants aux réunions du PWG.
- 187.
- En effet, l'analyse de la Commission repose essentiellement sur les déclarations de
Stora (annexes 39 et 43 à la communication des griefs) et se trouve confortée par
l'annexe 73 à la communication des griefs.
- 188.
- Dans l'annexe 39 à la communication des griefs, Stora explique: «Le PWG s'est
réuni à partir de 1986 afin de contribuer à réguler le marché. [...] Entre autres
activités (légitimes), il avait pour objet la discussion et la concertation concernant
les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les hausses de prix, la demande
et les capacités. Son rôle consistait notamment à évaluer l'état précis de l'offre et
de la demande sur le marché ainsi que les mesures à prendre pour le réguler, et
à présenter cette évaluation à la President Conference.»
- 189.
- S'agissant plus spécifiquement de la collusion sur les parts de marché, Stora indique
que «les parts acquises par les groupes nationaux de la Communauté européenne,
de l'AELE et d'autres pays fournis par les membres du GEP Carton étaient
examinées au sein du PWG» et que le PWG «discutait de la possibilité de
maintenir les parts de marché à leur niveau de l'année précédente» (annexe 39 à
la communication des griefs, point 19). Elle signale par ailleurs (même document,
point 6) que des «discussions relatives aux parts de marché des fabricants en
Europe ont également eu lieu au cours de cette période, la première période de
référence étant les niveaux de 1987».
- 190.
- Dans sa réponse à une demande de la Commission du 23 décembre 1991 envoyée
le 14 février 1992 (annexe 43 à la communication des griefs), Stora précise encore:
«Les ententes sur les niveaux de part de marché conclues par les membres du
PWG concernaient l'Europe dans son ensemble. Ces ententes étaient basées sur
les chiffres annuels totaux de l'année antérieure, lesquels étaient habituellement
disponibles de façon définitive dès le mois de mars de l'année suivante.» (Point
1.1.)
- 191.
- Cette affirmation est confirmée dans le même document en ces termes: «[...] les
discussions débouchaient sur des ententes, conclues en règle générale en mars de
chaque année, entre les membres du PWG avec pour objectif le maintien de leurs
parts de marché au niveau de l'année précédente.» (Point 1.4.) Stora révèle que
«aucune mesure n'était prise pour assurer le respect des ententes» et que les
participants aux réunions du PWG «étaient conscients que, s'ils prenaient des
positions exceptionnelles sur certains marchés fournis par d'autres, ces derniers
feraient la même chose sur d'autres marchés» (même point).
- 192.
- Enfin, elle déclare que Finnboard a pris part aux discussions relatives aux parts de
marché (point 1.2).
- 193.
- Les affirmations de Stora concernant la collusion sur les parts de marché sont
étayées par l'annexe 73 à la communication des griefs (voir ci-dessus points 152 et
178).
- 194.
- Selon ce document, cité aux points 53 à 55 des considérants de la décision, la
coopération plus étroite au sein du «cercle des présidents» («Präsidentenkreis»),
décidée en 1987, a fait des «gagnants» et des «perdants». L'auteur de la note
classe Mayr-Melnhof dans la catégorie des perdants pour diverses raisons,
notamment les suivantes:
«2) Un accord n'a pu être conclu qu'en nous infligeant une 'sanction on a
exigé de nous que nous fassions des 'sacrifices.
3) Les parts de marché de 1987 devaient être 'gelées, les contacts existants
devaient être maintenus et aucune activité ou qualité nouvelles ne devaient
être conquises en pratiquant des prix promotionnels (le résultat sera visible
en janvier 1989 si toutes les parties prenantes sont loyales).»
- 195.
- Ces phrases doivent être lues dans le contexte plus général de la note.
- 196.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler (voir ci-dessus point 155) que la référence au
«cercle des présidents» a été interprétée par Mayr-Melnhof comme visant à la fois
le PWG et la PC dans un contexte général, c'est-à-dire sans référence à un
événement ou à une réunion particulière (annexe 75 à la communication des griefs,
point 2.a).
- 197.
- L'auteur indique ensuite que cette coopération a conduit à la «discipline des prix»,
laquelle a fait des «gagnants» et des «perdants».
- 198.
- C'est donc dans le contexte de cette discipline décidée par le «cercle des
présidents» qu'il y a lieu de comprendre l'expression se rapportant aux parts de
marché devant être gelées aux niveaux de 1987.
- 199.
- En outre, le renvoi à 1987 comme année de référence est conforme à la deuxième
déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs; voir point 188 ci-dessus).
- 200.
- Quant au rôle joué par le PWG dans la collusion sur le contrôle de
l'approvisionnement, que caractérisait l'examen des temps d'arrêt des machines, la
décision énonce que le PWG a joué un rôle déterminant dans la mise en oeuvre
des temps d'arrêt lorsque, à partir de 1990, la capacité de production s'est accrue
et que la demande a décliné: «[...] au début de 1990, les principaux fabricants [...]
ont jugé utile de se concerter dans le cadre du PWG sur la nécessité d'appliquer
des temps d'arrêt. Les grands producteurs ont reconnu qu'ils ne pouvaient accroîtrela demande en réduisant les prix et que maintenir la production à pleine capacité
ne ferait que faire baisser les prix. En théorie, les temps d'arrêt nécessaires pour
rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande pouvaient être calculés sur la base
des rapports concernant les capacités [...]» (Point 70 des considérants de la
décision.)
- 201.
- La décision relève en outre: «Le PWG n'indiquait cependant pas formellement le
temps d'arrêt à respecter par chaque producteur. Selon Stora, l'établissement d'un
plan coordonné d'arrêt des machines couvrant tous les producteurs soulevait des
difficultés d'ordre pratique. Stora indique que c'est la raison pour laquelle il
n'existait qu''un système relâché d'encouragement.» (Point 71 des considérants
de la décision.)
- 202.
- Il y a lieu de considérer que la Commission a suffisamment établi l'existence d'une
collusion sur les temps d'arrêt de la production entre les participants aux réunions
du PWG.
- 203.
- Les pièces qu'elle produit soutiennent son analyse.
- 204.
- Dans sa deuxième déclaration (annexe 39 à la communication des griefs, point 24),
Stora explique: «Avec l'adoption, par le PWG, de la politique du prix avant le
tonnage et la mise en oeuvre progressive d'un système de prix équivalents à partir
de 1988, les membres du PWG ont reconnu qu'il était nécessaire de respecter des
temps d'arrêt en vue de maintenir ces prix face à une croissance réduite de la
demande. Faute pour les fabricants d'appliquer des temps d'arrêt, il leur aurait été
impossible de maintenir les niveaux de prix convenus face à une capacité
excédentaire croissante.»
- 205.
- Au point suivant de sa déclaration, elle ajoute: «En 1988 et 1989, l'industrie
pouvait fonctionner pratiquement à pleine capacité. Les temps d'arrêt autres que
la fermeture normale pour les réparations et les vacances sont devenus nécessaires
à partir de 1990. [...] Par la suite, il s'est avéré nécessaire de pratiquer des temps
d'arrêt lorsque le flot de commandes s'arrêtait afin de maintenir la politique du prix
avant le tonnage. Les temps d'arrêt à respecter par les producteurs (pour assurer
le maintien de l'équilibre entre la production et la consommation) pouvaient être
calculés sur la base des rapports concernant les capacités. Le PWG n'indiquait pas
formellement le temps d'arrêt à respecter, bien qu'il existât un système relâché
d'encouragement [...]»
- 206.
- Quant à l'annexe 73 à la communication des griefs, les raisons fournies par l'auteur
pour expliquer qu'il considère Mayr-Melnhof comme «perdant» à l'époque de sa
rédaction constituent des éléments de preuve importants de l'existence d'une
collusion entre les participants aux réunions du PWG sur les temps d'arrêt.
- 207.
- En effet, l'auteur constate:
«4) C'est sur ce point que la conception des parties intéressées quant à l'objectif
poursuivi commence à diverger.
[...]
c) Toutes les forces de vente et agents européens ont été libérés de leur
budget en termes de volume et une politique de prix rigide, ne souffrant
quasiment aucune exception, a été suivie (nos collaborateurs n'ont souvent
pas compris notre changement d'attitude à l'égard du marché auparavant,
la seule exigence était celle du tonnage, alors que, désormais, seule compte
la discipline en matière de prix avec le risque d'un arrêt des machines).»
- 208.
- Mayr-Melnhof soutient (annexe 75 à la communication des griefs) que le passage
ci-dessus reproduit vise une situation interne à l'entreprise. Cependant, analysé à
la lumière du contexte plus général de la note, cet extrait traduit la mise en oeuvre,
au niveau des équipes commerciales, d'une politique rigoureuse arrêtée au sein du
«cercle des présidents». Le document doit donc être interprété comme signifiant
que les participants à l'accord de 1987, c'est-à-dire au moins les participants aux
réunions du PWG, ont indéniablement mesuré les conséquences de la politique
arrêtée, dans l'hypothèse où celle-ci serait appliquée avec rigueur.
- 209.
-
Le fait que des discussions relatives à l'examen des temps d'arrêt ont eu lieu entre
les fabricants lors de la préparation des augmentations de prix est corroboré,
notamment, par une note de Rena datée du 6 septembre 1990 (annexe 118 à la
communication des griefs), qui mentionne les montants des augmentations de prix
dans plusieurs pays, les dates des futures annonces de ces augmentations ainsi que
l'état des commandes en carnet exprimé en jours de travail pour plusieurs
fabricants.
- 210.
- L'auteur du document note que certains fabricants prévoyaient des temps d'arrêt,
ce qu'il exprime par exemple de la manière suivante:
«Kyro 36 days 1 week
Simpele 28 days 1 week September
Ta 27 days
Ingerois 24 days 23/september stop
[...]
Kopparfors 5-15 days
5/9 will stop for five days.»
- 211.
- Il doit être souligné que la requérante a participé à la réunion du JMC concernée
par ladite note (tableau 4 annexé à la décision). A cet égard, il est constant que les
noms susmentionnés «Kyro», «Simpele», «Ta» pour Tako et «Ingerois» se
réfèrent aux lieux de production du carton de sociétés membres de Finnboard, à
savoir Oy Kyro AB, United Paper Mills Ltd, Metsä-Serla Oy et Tampella
Corporation.
- 212.
- Sur la base de ce qui précède, il doit être conclu que la Commission a prouvé à
suffisance de droit l'existence d'une collusion sur les parts de marché entre les
participants aux réunions du PWG ainsi que celle d'une collusion sur les temps
d'arrêt entre ces mêmes entreprises. Dans la mesure où il est établi que la
requérante a participé aux réunions du PWG et où cette entreprise est
expressément mentionnée dans les principales preuves à charge (déclarations de
Stora), la Commission a tenu à bon droit la requérante pour responsable d'une
participation à ces deux collusions.
- 213.
- Les critiques de la requérante formulées à l'encontre des déclarations de Stora, qui
visent à en contester la valeur probante, ne sont pas de nature à affaiblir cette
constatation.
- 214.
- En effet, il est constant que les déclarations de Stora émanent de l'une des
entreprises censées avoir participé à l'infraction alléguée et qu'elles comportent une
description détaillée de la nature des discussions menées au sein des organes du
GEP Carton, du but poursuivi par les entreprises regroupées au sein de celui-ci,
ainsi que de la participation desdites entreprises aux réunions de ses différents
organes. Or, dans la mesure où cet élément de preuve central est corroboré par
d'autres pièces du dossier, il constitue le soutien pertinent des affirmations de la
Commission.
- 215.
- Dès lors que la Commission a établi l'existence des deux collusions en cause, il n'est
pas nécessaire d'examiner les autres pièces critiquées par la partie requérante.
- 216.
- Aucune des branches du moyen n'ayant été accueillie, le moyen doit être rejeté
dans son ensemble.
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce que la
Commission n'aurait pas dûment pris en considération les conditions de concurrence
et la situation sur le marché
Arguments des parties
- 217.
- Ce moyen s'articule en deux branches.
- 218.
- Dans une première branche, la requérante affirme que, en raison des conditions
du marché, elle n'a pas eu d'intérêt à participer à une concertation visant à
restreindre la concurrence.
- 219.
- A cet égard, il ressortirait de la décision que, en 1990, les exportations des pays
scandinaves ont très principalement été constituées des cartons GC et SBS et que
80 % du carton produit par les Finlandais étaient de qualité GC. En outre, les
exportations des États membres de l'AELE auraient couvert environ la moitié de
la consommation du carton GC dans la Communauté. Dès lors, le seul intérêt de
la requérante au développement du marché communautaire du carton aurait
concerné le carton GC.
- 220.
- Les producteurs de carton GC n'auraient presque pas été touchés par les difficultés
d'écoulement rencontrées par les producteurs de carton GD, car la demande de
carton GC aurait augmenté, pendant la deuxième moitié des années 80, trois fois
plus vite que la demande du carton GD, et les producteurs scandinaves du carton
GC auraient réussi à accroître continuellement leurs parts du marché. En revanche,
les producteurs de carton GD auraient subi une concurrence vive. Les effets de
cette situation de concurrence avantageuse pour les producteurs de carton GC
auraient été renforcés, d'une part, par l'intégration verticale de leurs chaînes de
production, les cartonneries étant établies dans le voisinage direct des forêts et des
usines de pâte et, d'autre part, par le fait que les producteurs finlandais
possédaient les installations industrielles les plus modernes. Dans ce contexte, la
requérante conteste que la marge d'exploitation moyenne des producteurs de
carton se soit élevée à 20 % pendant la période couverte par la décision (point 16
des considérants).
- 221.
- En raison des conditions du marché et de la situation de concurrence dans laquelle
la requérante se trouvait à l'époque, elle n'aurait donc eu aucun intérêt à participer
à une entente visant à restreindre la concurrence. La Commission ayant omis de
prendre en considération ces circonstances particulières, son analyse des conditions
du marché serait insuffisante et erronée.
- 222.
- Dans une seconde branche du moyen, la requérante soutient que la décision se
fonde sur une analyse insuffisante des conditions du marché, en ce qu'elle ne
contient aucune constatation relative à l'existence d'une concurrence effective
durant la période en cause. La Commission aurait dû prendre en considération, au
moins lors du calcul des amendes, le fait qu'une éventuelle concertation n'a eu, en
tout état de cause, aucune influence sur la concurrence effective.
- 223.
- S'agissant de la première branche du moyen, la Commission fait valoir que, dès lors
que la participation de la requérante à l'entente est démontrée, il n'est pas
nécessaire d'examiner si elle avait un intérêt à participer à celle-ci. En tout état de
cause, la requérante aurait eu un intérêt évident au maintien des prix
artificiellement élevés. En effet, à supposer même que ses affirmations relatives à
la situation concurrentielle avantageuse des producteurs de carton GC soient
fondées, le maintien des prix élevés lui aurait conféré un avantage encore plus
grand par rapport aux producteurs de carton GD.
- 224.
- Enfin, la marge d'exploitation moyenne se serait effectivement élevée à 20 %
(point 16 des considérants de la décision).
- 225.
- S'agissant de la seconde branche du moyen, la Commission fait valoir que l'étude
rédigée par London Economics (ci-après «rapport LE»), invoquée par la
requérante, ne contredit ni l'existence de l'entente ni l'effet de celle-ci sur le libre
jeu de la concurrence.
- 226.
- En tout état de cause, en raison de l'objectif manifestement anticoncurrentiel de
l'entente, il ne serait pas nécessaire de démontrer l'existence d'effets concrets sur
le marché (arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission,
56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496).
Appréciation du Tribunal
- 227.
- Comme cela a déjà été constaté, la Commission a établi que la requérante a
participé depuis le milieu de l'année 1986 à une collusion sur les prix et, à compter
de la fin de 1987, à une collusion sur les parts de marché ainsi qu'à une collusion
sur les temps d'arrêt, soit les trois éléments constitutifs de l'infraction constatée à
l'article 1er de la décision.
- 228.
- En outre, la Commission a conclu, sans être contredite par la requérante, que les
collusions susmentionnées avaient eu pour objet de restreindre la concurrence à
l'intérieur du marché commun et qu'elles avaient affecté le commerce entre États
membres (points 133 à 138 des considérants de la décision).
- 229.
- Dans ces conditions, les arguments de la requérante tirés de l'absence d'intérêt à
participer à une entente quelconque, d'une part, et de l'absence d'effets de la
concertation sur la concurrence effective, d'autre part, sont inopérants. En effet,
à supposer même que les affirmations factuelles avancées par la requérante dans
le cadre de son argumentation soient fondées, cela ne serait pas de nature à mettre
en cause la constatation de la Commission relative à la violation de l'article 85,
paragraphe 1, du traité.
- 230.
- Le présent moyen ne saurait donc être accueilli.
Sur la demande d'annulation de l'article 2 de la décision
Arguments des parties
- 231.
- La requérante allègue que l'injonction énoncée à l'article 2 de la décision est
totalement imprécise et ne permet pas de déterminer les informations dont
l'échange est interdit. Il ne serait pas admissible que l'article 2 de la décision fasse
reposer sur les entreprises le risque de la détermination de l'étendue de
l'injonction. Par ailleurs, le manque de précision de l'article 2 priverait la décision
de son caractère exécutoire.
- 232.
- En outre, l'injonction ne serait pas justifiée, dans la mesure où elle interdit
l'échange d'informations agrégées sur l'état des entrées de commandes et des
commandes en carnet. L'échange de telles données serait tout à fait anodin, et le
seul fait qu'il soit possible d'utiliser les informations échangées dans un but
anticoncurrentiel ne pourrait justifier que leur échange soit interdit.
- 233.
- Enfin, un système d'échange de telles informations agrégées aurait été notifié à la
Commission par l'association CEPI-Cartonboard. L'article 2 de la décision
interdisant, en réalité, ce système, la Commission aurait dû, avant d'adopter la
décision, vérifier si les conditions d'une exemption au titre de l'article 85,
paragraphe 3, du traité étaient remplies, et la décision aurait dû être motivée sur
ce point. Les droits de la défense de la requérante auraient donc été violés, faute
pour la Commission d'avoir entendu l'association CEPI-Cartonboard avant
d'adopter la décision.
- 234.
- La Commission conteste que l'interdiction contenue à l'article 2 de la décision soit
trop abstraite ou imprécise. Le dispositif de la décision devrait être lu à la lumière
de ses motifs, et une telle lecture permettrait aux destinataires de constater
l'étendue précise de l'interdiction (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker
Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73, 56/73, 111/73, 113/73 et
114/73, Rec. p. 1663, points 122 à 124). En l'espèce, les motifs de la décision
exposeraient en détail les éléments de fait sur lesquels l'interdiction se fonde.
- 235.
- Les interdictions mentionnées à l'article 2, premier et quatrième alinéas, viseraient
la cessation et l'interdiction de la reprise de l'infraction, telle qu'elle a été décrite
dans les motifs de la décision. De plus, les deuxième et troisième alinéas de l'article
2 de la décision ne contiendraient qu'une description, destinée à aider les fabricants
à organiser leur comportement futur, de la manière dont un échange d'informations
licite peut être organisé. Cela résulterait des formules positives utilisées dans le
texte de ces alinéas.
- 236.
- S'agissant de l'interdiction portant sur l'échange d'informations, sous une forme
agrégée, relatives à l'état des entrées de commandes et des commandes en carnet,
la Commission fait valoir que, sur le marché du carton, cette interdiction se justifie
en raison de la grande concentration de l'industrie et de l'homogénéité des
produits. Se référant aux points 68 à 70 des considérants de la décision, elle
soutient que l'échange régulier de telles informations entraîne une transparence des
conditions du marché de nature à permettre, à l'échelle de toute la branche, d'une
part, de planifier des temps d'arrêt prévenant une chute des prix et, d'autre part,
d'apprécier la possibilité d'augmenter les prix. D'ailleurs, les producteurs de carton
auraient déjà utilisé les informations échangées pour faciliter une politique
commerciale commune.
- 237.
- Dès lors, la Commission aurait considéré à bon droit que l'échange des
informations en cause constituerait, sur le marché concerné, une restriction de la
concurrence interdite en vertu de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 238.
- Enfin, l'article 2 de la décision ne concernerait pas le système d'échange
d'informations notifié par l'association CEPI-Cartonboard.
Appréciation du Tribunal
- 239.
- Il y a lieu de rappeler que l'article 2 de la décision dispose:
«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux
infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir,
dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou
pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire,
y compris tout échange d'informations commerciales:
a) par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement
de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux
d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de
commercialisation d'autres fabricants;
b) par lequel, même si aucune information individuelle n'est communiquée,
une réaction commune du secteur dans le domaine des prix ou un contrôle
de la production seraient promus, facilités ou encouragés
ou
c) qui permettrait aux entreprises concernées de suivre l'exécution ou le
respect de tout accord exprès ou tacite sur les prix ou le partage des
marchés dans la Communauté.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel
que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure non
seulement toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants
déterminés, mais aussi toutes données relatives à l'état des entrées de commandes
et des commandes en carnet, au taux prévu d'utilisation des capacités de
production (dans les deux cas, même si elles sont agrégées) ou à la capacité de
production de chaque machine.
Tout système d'échange de ce type sera limité à la collecte et à la diffusion, sous
une forme agrégée, de statistiques sur la production et les ventes qui ne puissent
être utilisées pour promouvoir ou faciliter un comportement commun du secteur.
Les entreprises s'abstiendront également de tout échange d'informations intéressant
la concurrence autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion ou contact
en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction possible
ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.
Un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision est
accordé pour procéder aux modifications nécessaires de tout système éventuel
d'échange d'informations.»
- 240.
- Ainsi que cela ressort du point 165 des considérants, l'article 2 de la décision a été
adopté en application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17. En vertu de
cette disposition, la Commission, lorsqu'elle constate une infraction, notamment,
aux dispositions de l'article 85 du traité, peut obliger par voie de décision les
entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée.
- 241.
- Il est de jurisprudence constante que l'application de l'article 3, paragraphe 1, du
règlement n° 17 peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités,
pratiques ou situations, dont l'illégalité a été constatée (arrêts de la Cour du 6 mars
1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73
et 7/73, Rec. p. 223, point 45, et du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission,
C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743, point 90), mais aussi celle d'adopter un
comportement futur similaire (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra
Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 220).
- 242.
- De plus, dans la mesure où l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement
n° 17 doit se faire en fonction de l'infraction constatée, la Commission a le pouvoir
de préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin
qu'il soit mis fin à ladite infraction. De telles obligations pesant sur les entreprises
ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire
pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard
des règles qui ont été méconnues (arrêt RTE et ITP/Commission, précité, point 93;
dans le même sens, voir arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Langnese-Iglo/Commission, T-7/93, Rec. p. II-1533, point 209, et Schöller/Commission, T-9/93,
Rec. p. II-1611, point 163).
- 243.
- En ce qui concerne d'abord l'argument de la requérante selon lequel la
Commission aurait commis une erreur de droit en adoptant l'article 2 de la décision
sans avoir pris position sur la compatibilité avec l'article 85 du système d'échange
d'informations notifié par l'association CEPI-Cartonboard, il convient de relever
que la notification faite par cette association le 6 décembre 1993 concernait un
nouveau système d'échange d'informations, distinct de celui examiné par la
Commission dans la décision. La Commission, en adoptant l'article 2 de la décision
attaquée, n'a par conséquent pas pu apprécier la légalité du nouveau système dans
le cadre de cette décision. Elle était dès lors en droit de se borner à examiner
l'ancien système d'échange d'informations et à prendre position sur celui-ci en
adoptant l'article 2 de la décision.
- 244.
- Afin de vérifier ensuite si, comme le prétend la requérante, l'injonction contenue
à l'article 2 de la décision a une portée trop large, il convient d'examiner l'étendue
des diverses interdictions qu'il impose aux entreprises.
- 245.
- Quant à l'interdiction édictée à l'article 2, premier alinéa, deuxième phrase,
consistant pour les entreprises à s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique
concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou analogue à ceux des
infractions constatées à l'article 1er de la décision, elle vise uniquement à ce que les
entreprises soient empêchées de répéter les comportements dont l'illégalité a été
constatée. Par conséquent, la Commission, en adoptant une telle interdiction, n'a
pas outrepassé les pouvoirs que lui confère l'article 3 du règlement n° 17.
- 246.
- Quant à l'article 2, premier alinéa, sous a), sous b) et sous c), ses dispositions visent
plus spécifiquement des interdictions de futurs échanges d'informations
commerciales.
- 247.
- L'injonction contenue dans l'article 2, premier alinéa, sous a), qui interdit à l'avenir
tout échange d'informations commerciales permettant aux participants d'obtenir
directement ou indirectement des informations individuelles sur des entreprises
concurrentes, suppose que l'illégalité d'un échange d'informations d'une telle natureau regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité ait été constatée par la
Commission dans la décision.
- 248.
- A cet égard, il y a lieu de constater que l'article 1er de la décision n'énonce pas que
l'échange d'informations commerciales individuelles constitue en soi une violation
de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 249.
- Il dispose de manière plus générale que les entreprises ont enfreint cet article du
traité en participant à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les
entreprises ont, notamment, «échangé des informations commerciales sur les
livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux
d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus».
- 250.
- Cependant, le dispositif de la décision devant être interprété à la lumière de ses
motifs (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 122), il convient de
relever que le point 134, deuxième alinéa, des considérants de la décision indique:
«L'échange par les fabricants, lors de réunions du GEP Carton (essentiellement
celles du JMC), d'informations commerciales individuelles normalement
confidentielles et sensibles sur les commandes en carnet, les arrêts de machines et
les rythmes de production était à l'évidence contraire aux règles de concurrence,
puisqu'il avait pour but de rendre les conditions aussi propices que possible à la
mise en oeuvre des augmentations de prix [...]»
- 251.
- Dès lors, la Commission ayant dûment considéré dans la décision que l'échange
d'informations commerciales individuelles constituait, en soi, une violation de
l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'interdiction future d'un tel échange
d'informations satisfait aux conditions requises pour l'application de l'article 3,
paragraphe 1, du règlement n° 17.
- 252.
- S'agissant des interdictions relatives aux échanges d'informations commerciales visés
à l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la décision, elles doivent être
examinées à la lumière des deuxième, troisième et quatrième alinéas de ce même
article, qui en étayent le contenu. C'est en effet dans ce contexte qu'il convient de
déterminer si, et, dans l'affirmative, dans quelle mesure la Commission a considéré
comme illégaux les échanges en cause, dès lors que l'étendue des obligations pesant
sur les entreprises doit être limitée à ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité
de leurs comportements au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 253.
- La décision doit être interprétée en ce sens que la Commission a considéré le
système Fides comme contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en tant que
support de l'entente constatée (point 134, troisième alinéa, des considérants de la
décision). Une telle interprétation est corroborée par le libellé de l'article 1er de la
décision, duquel il ressort que les informations commerciales ont été échangées
entre les entreprises «afin de soutenir les mesures» considérées comme contraires
à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 254.
- C'est à la lumière de cette interprétation par la Commission de la compatibilité, en
l'espèce, du système Fides avec l'article 85 du traité que doit être appréciée
l'étendue des interdictions futures contenues à l'article 2, premier alinéa, sous b)
et sous c), de la décision.
- 255.
- A cet égard, d'une part, les interdictions en cause ne sont pas limitées aux échanges
d'informations commerciales individuelles mais concernent aussi ceux de certaines
données statistiques agrégées [article 2, premier alinéa, sous b), et deuxième alinéa,
de la décision]. D'autre part, l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la
décision interdit l'échange de certaines informations statistiques afin de prévenir la
constitution d'un possible support de comportements anticoncurrentiels potentiels.
- 256.
- Une telle interdiction, en ce qu'elle vise à empêcher l'échange d'informations
purement statistiques n'ayant pas le caractère d'informations individuelles ou
individualisables, au motif que les informations échangées pourraient être utilisées
à des fins anticoncurrentielles, excède ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité
des comportements constatés. En effet, d'une part, il ne ressort pas de la décision
que la Commission ait considéré l'échange de données statistiques comme étant en
soi une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. D'autre part, le seul fait
qu'un système d'échange d'informations statistiques puisse être utilisé à des fins
anticoncurrentielles ne le rend pas contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité,
puisqu'il convient, dans de telles circonstances, d'en constater in concreto les effets
anticoncurrentiels.
- 257.
- En conséquence, l'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision doit être
annulé, sauf en ce qui concerne les passages suivants:
«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux
infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir,
dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou
pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire,
y compris tout échange d'informations commerciales:
a) par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement
de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux
d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de
commercialisation d'autres fabricants.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel
que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure toutes
données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés.»
Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant
Sur le moyen tiré d'un calcul de l'amende sur la base d'un chiffre d'affaires non
pertinent
Arguments des parties
- 258.
- Ce moyen s'articule en deux branches.
- 259.
- Dans une première branche, la requérante fait valoir que l'amende a été calculée,
à tort, sur la base des chiffres d'affaires de quatre de ses sociétés membres
produisant du carton, à savoir Kyro, Metsä-Serla, Tampella et United Paper Mills.
En effet, le chiffre d'affaires de la requérante de 1990 serait d'un montant bien
inférieur aux chiffres d'affaires de ces sociétés. Au sens de l'article 15 du règlement
n° 17, il serait constitué par les commissions facturées aux sociétés membres pour
les ventes qu'elle a réalisées.
- 260.
- Elle souligne que, à l'occasion des ventes effectuées pour le compte de ses sociétés
membres, elle n'acquiert pas la propriété de la marchandise, le droit de propriété
passant directement de la société membre au client. Elle ne serait pas davantage
créancière des clients finaux, puisque les créances entrent directement dans le
patrimoine des sociétés membres. Les clients désireraient toujours que la
marchandise soit livrée par une cartonnerie déterminée. En effet, la requérante
mènerait les négociations avec les clients sur la base de contrats déjà conclus et elle
ne pourrait agir que dans le cadre des conditions de vente déjà fixées dans ces
contrats. Pour ce qui est des éventuels nouveaux clients, le personnel de vente
serait tenu de s'adresser au directeur local des ventes de Finnboard, lequel
s'informerait à son tour auprès de la cartonnerie désirée par le client afin que
soient déterminées les conditions de vente. Enfin, lorsque la commande d'un client
est acceptée par la cartonnerie en cause, la facture serait envoyée par la
requérante pour le compte de ladite cartonnerie.
- 261.
- Son rôle serait également celui d'un intermédiaire en ce qui concerne les
négociations relatives au transport et aux financements.
- 262.
- Elle soutient que, selon la décision, Finnboard et ses sociétés membres ne doivent
pas être considérées comme une seule entreprise au sens de l'article 85 du traité.
Cette approche confirmerait que le chiffre d'affaires pertinent pour le calcul de
l'amende est seulement constitué par les commissions que perçoit la requérante.
- 263.
- Dans une seconde branche du moyen, exposée dans la lettre du 19 juillet 1995
adressée au Tribunal, la requérante relève que, selon le mémoire en défense, la
Commission a calculé l'amende à partir d'un chiffre d'affaires erroné. En effet, elle
aurait calculé l'amende sur la base d'une commercialisation par la requérante de
250 000 tonnes de carton pour l'année 1990, alors que la commercialisation
effective ne se serait élevée qu'à 219 364 tonnes. Une telle différence s'expliquerait
par la prise en compte erronée de la production de papier peint de Metsä-Serla.
Exposant son calcul du chiffre d'affaires pour l'année 1990, la requérante soutient
que le chiffre d'affaires a été surestimé de 17 %.
- 264.
- La Commission affirme, s'agissant de la première branche du moyen, que la
requérante ne peut pas être assimilée à un agent commercial indépendant. Elle
devrait être traitée comme un organisme de vente et de distribution de ses sociétés
membres, pour lesquelles elle effectue toutes les ventes, par l'intermédiaire de ses
propres filiales de vente. Les contrats d'achat et de livraison seraient conclus
directement entre la requérante et ses clients, et les livraisons seraient facturées en
son propre nom. De plus, la requérante disposerait, dans une certaine mesure, du
pouvoir de négocier avec les clients les conditions spécifiques de vente. Quant aux
montants correspondant aux ventes, ils seraient comptabilisés dans la partie du
bilan relative au capital de roulement, comme des sommes à percevoir par la
requérante.
- 265.
- Enfin, la Commission soutient que l'objectif de l'article 15, paragraphe 2, du
règlement n° 17 ne pourrait pas être atteint si les fabricants pouvaient, par la
création d'un organisme de vente commun, limiter leur responsabilité à 10 % des
dépenses courantes de cet organisme.
- 266.
- En ce qui concerne la seconde branche du moyen, la Commission, dans sa lettre
du 6 octobre 1995, estime qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte, dans la mesure où
la requérante a renoncé à la possibilité de déposer un mémoire en réplique dans
sa lettre du 19 juillet 1995.
- 267.
- Répondant néanmoins à l'argumentation en cause, elle admet avoir commis une
erreur en indiquant, dans le mémoire en défense, que l'amende avait été calculée
sur la base d'une commercialisation de 250 000 tonnes pour l'année 1990. En
réalité, elle aurait, à partir des chiffres de commercialisation communiqués par la
requérante, retenu pour base de calcul du chiffre d'affaires une commercialisation
de 221 000 tonnes. La différence existante par rapport au chiffre d'affaires calculé
par la requérante s'expliquerait par le fait que la Commission aurait considéré que
le prix par tonne utilisé par la requérante était trop bas. En effet, la requérante
aurait retenu un prix moyen de vente de 833 écus par tonne, alors qu'il ressortirait
d'un procès-verbal confidentiel découvert dans les locaux de sa filiale britannique
que même les prix proposés aux clients importants en 1990 s'élevaient en moyenne
largement au-dessus du seuil des 1 000 écus par tonne. De plus, malgré les
demandes d'éclaircissements formulées par la Commission, la requérante n'aurait
jamais expliqué les éléments retenus pour parvenir aux chiffres d'affaires de ses
sociétés membres.
Appréciation du Tribunal
- 268.
- S'agissant de la première branche du moyen, il ressort de l'examen des moyens
invoqués par la requérante au soutien de sa demande d'annulation de la décision
que la Commission a établi la participation de la requérante aux réunions desorganes du GEP Carton et aux concertations à objet anticoncurrentiel qui ont eu
lieu lors de ces réunions. La requérante n'a pas contesté que, si une telle preuve
était apportée, elle pourrait être tenue pour responsable de l'infraction constatée
à l'article 1er de la décision et se voir, à ce titre, infliger une amende sur le
fondement de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.
- 269.
- Cette disposition prévoit:
«La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations
d'entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d'un million
d'unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent
du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des
entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par
négligence:
a) elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1
[...]»
- 270.
- Selon une jurisprudence constante, l'utilisation du terme générique «infraction» à
l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en ce qu'il couvre sans distinction les
accords, les pratiques concertées et les décisions d'associations d'entreprises,
indique que les plafonds prévus par cette disposition s'appliquent de la même
manière aux accords et pratiques concertées, ainsi qu'aux décisions d'associations
d'entreprises. Il s'ensuit que le plafond de 10 % du chiffre d'affaires doit être
calculé par rapport au chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises parties
auxdits accords et pratiques concertées ou par l'ensemble des entreprises membres
desdites associations d'entreprises, à tout le moins lorsque, en vertu de ses règles
internes, l'association peut engager ses membres. Le bien-fondé de cette analyse
est corroboré par le fait que l'influence qu'a pu exercer sur le marché une
association d'entreprises ne dépend pas de son propre «chiffre d'affaires», qui ne
révèle ni sa taille ni sa puissance économique, mais bien du chiffre d'affaires de ses
membres qui constitue une indication de sa taille et de sa puissance économique
(arrêts du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49, points 136 et 137, et du 21 février 1995, SPO e.a./Commission,
T-29/92, Rec. p. II-289, point 385).
- 271.
- En l'espèce, bien que la requérante ait été qualifiée d'«entreprise» (point 173,
premier alinéa, des considérants de la décision), l'amende qui lui a été infligée n'a
pas été fixée sur la base du chiffre d'affaires figurant dans ses rapports annuels et
comptes publiés, lequel correspond au montant des commissions perçues par la
requérante sur les ventes de carton effectuées pour le compte de ses sociétés
membres. En effet, le chiffre d'affaires retenu pour le calcul de l'amende est
constitué par la valeur facturée totale des ventes que la requérante a réalisées pour
ses membres (voir point 173, troisième alinéa, et point 174, premier alinéa, des
considérants).
- 272.
- Pour apprécier si la Commission était en droit de tenir compte d'un tel chiffre
d'affaires, il convient de prendre en considération les principaux renseignements,
tels qu'ils ressortent du dossier et, notamment, de la réponse de la requérante aux
questions écrites du Tribunal, relatifs aux modalités de fonctionnement de la
requérante et aux relations juridiques et factuelles qu'elle entretenait avec ses
sociétés membres.
- 273.
- Selon ses statuts du 1er janvier 1987, la requérante est une association qui
commercialise le carton produit par certains de ses membres, ainsi que des produits
du secteur papetier produits par d'autres membres.
- 274.
- Selon les paragraphes 10 et 11 desdits statuts, chacun des membres nomme un
représentant au sein du «Board of Directors», chargé notamment d'adopter les
règles de conduite des opérations de l'association, de confirmer le budget, le plan
de financement et les principes de la répartition des dépenses entre les sociétés
membres et de nommer le «Managing Director».
- 275.
- Le paragraphe 20 des statuts précise:
«Les membres sont conjointement et solidairement responsables des engagements
pris au nom de l'association comme s'ils les avaient contractés à titre personnel.
L'obligation aux dettes et aux engagements est répartie au prorata des facturations
nettes des membres pour l'exercice en cours et les deux exercices précédents.»
- 276.
- S'agissant de la vente des produits de carton, il ressort de la réponse de la
requérante aux questions écrites du Tribunal que ses sociétés membres lui avaient,
à l'époque des faits, donné mandat pour effectuer l'ensemble de leurs ventes de
carton, à l'unique exception des ventes internes au groupe de chaque société
membre et des ventes de faibles volumes à des clients occasionnels en Finlande
(voir également paragraphe 14 des statuts). De plus, la requérante fixait et
annonçait des tarifs identiques pour ses membres producteurs de carton.
- 277.
- La requérante explique également que, lors des ventes individuelles, les clients
passaient leurs ordres auprès d'elle en indiquant généralement l'usine préférée, de
telles préférences s'expliquant, notamment, par des différences de qualité entre les
produits de chacune des sociétés membres de la requérante. Dans l'hypothèse où
aucune préférence n'était exprimée, les ordres étaient répartis entre ses membres,
conformément au paragraphe 15 de ses statuts, aux termes duquel:
«Les entrées de commandes doivent être réparties de manière juste et égale aux
fins de la production par les membres, compte tenu de la capacité de production
de chacun d'eux ainsi que des principes de répartition fixés par le conseil
d'administration.»
- 278.
- La requérante était autorisée à négocier les conditions de vente, y compris le prix,
avec chaque client potentiel, ses société membres ayant établi des lignes directrices
générales relatives à ces négociations individuelles. Chaque commande devait
toutefois être soumise à la société membre concernée qui décidait de l'accepter ou
non.
- 279.
- Le déroulement des ventes individuelles et les principes comptables appliqués pour
lesdites ventes sont décrits dans une déclaration du 4 juin 1997 de l'expert-comptable de la requérante:
«Finnboard agit en tant que commissionnaire pour ses commettants, en facturant
'en son nom propre pour le compte de chaque commettant.
1. Chaque commande est confirmée par l'usine du commettant.
2. Au moment de l'expédition, l'usine envoie une facture initiale à Finnboard
('Mill invoice). La facture est inscrite dans le compte commettants en tant
que créance et dans le registre des achats de Finnboard en tant que dette
envers l'usine.
3. La facture émise par l'usine (déduction faite des coûts estimés de transport,
de stockage, de livraison et de financement) est prépayée par Finnboard
dans le délai convenu (10 jours en 1990/1991). Finnboard finance ainsi les
stocks étrangers et les créances clients de l'usine sans devenir propriétaire
des marchandises expédiées.
4. Lors de la livraison au client, Finnboard émet une facture client pour le
compte de l'usine. La facture est enregistrée en tant que vente dans le
compte commettants, et en tant que créance dans le registre des ventes de
Finnboard.
5. Les paiements effectués par les clients sont inscrits dans les comptes
commettants, et les écarts éventuels entre les prix et les coûts estimés et les
prix et les coûts réels (voir point 3) sont soldés par le compte
commettants.»
- 280.
- Il apparaît ainsi en premier lieu que, bien que la requérante ait été tenue de
présenter chaque ordre individuel à la société membre concernée afin d'obtenir son
approbation définitive, les contrats de vente conclus par elle pour le compte de ses
sociétés membres étaient susceptibles de les lier, lesdites sociétés devant couvrir,
conformément au paragraphe 20 des statuts de la requérante, les obligations
assumées par celle-ci.
- 281.
- En second lieu, le Tribunal constate que les commissions perçues par la requérante,
qui figurent en tant que chiffre d'affaires dans ses rapports annuels, ne couvrent
que les frais liés aux ventes qu'elle a effectuées pour le compte de ses sociétés
membres, tels que les frais de transport ou de financement. Il s'ensuit que la
requérante n'a eu aucun intérêt économique propre à prendre part à la collusion
sur les prix, car les augmentations de prix annoncées et mises en oeuvre par les
entreprises réunies au sein des organes du GEP Carton n'ont pu engendrer aucun
profit pour elle. En revanche, la participation de la requérante à cette collusion
revêtait un intérêt économique direct pour ses sociétés membres produisant du
carton.
- 282.
- En conséquence, le chiffre d'affaires comptable de la requérante ne révèle ni sa
taille ni sa puissance économique sur le marché. Il ne saurait, par conséquent,
constituer la base de calcul de la limite supérieure d'une amende dépassant un
million d'écus, prévue par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Dans ces
conditions, la Commission a pu se fonder à bon droit, pour établir cette limite
supérieure, sur la valeur totale des ventes de carton facturées aux clients, que la
requérante a effectuées en son nom et pour le compte de ses sociétés membres.
En effet, la valeur de ces ventes constituait une indication de la véritable taille et
de la puissance économique de la requérante (voir, par analogie, arrêt CB et
Europay/Commission, précité, points 136 et 137).
- 283.
- Dans les circonstances particulières de l'espèce, ce raisonnement ne saurait être
infirmé par le simple fait que la Commission a formellement qualifié la requérante
d'entreprise et non pas d'association d'entreprises.
- 284.
- La première branche du moyen doit donc être rejetée.
- 285.
- S'agissant de la seconde branche, il suffit de constater que la Commission a
expliqué, dans sa lettre du 6 octobre 1995, que cette indication contenue dans son
mémoire en défense constituait une erreur. Elle s'est, en effet, fondée sur une
commercialisation par la requérante de 221 000 tonnes de carton au cours de
l'année 1990, donnée qui correspond au chiffre fourni par la requérante elle-même
dans une lettre du 27 septembre 1991. Cette explication est confirmée par une
lettre de la Commission du 28 mars 1994 adressée à la requérante, dans laquelle
est exposé le mode de calcul du chiffre d'affaires retenu aux fins de la
détermination du montant de l'amende. Le montant du chiffre d'affaires ainsi
calculé se retrouve dans un tableau relatif à la détermination du montant des
amendes individuelles, que la Commission a fourni en réponse à une question
écrite du Tribunal.
- 286.
- Par conséquent, la seconde branche du moyen ne saurait être accueillie.
- 287.
- Au vu des considérations qui précèdent, le moyen dans son ensemble doit être
rejeté.
Sur les moyens de forme et de fond relatifs à la détermination du montant des
amendes
Arguments des parties
- 288.
- La requérante souligne que la décision contient la liste des critères retenus par la
Commission aux fins du calcul des amendes (points 168 et 169 des considérants).
Toutefois, selon elle, la manière dont ces critères ont été concrètement appliqués
aurait dû être exposée.
- 289.
- Plus particulièrement, la Commission aurait dû indiquer le chiffre d'affaires de
chaque entreprise ainsi que le pourcentage de ce chiffre utilisé pour le calcul de
l'amende. A défaut de telles indications, le juge communautaire ne pourrait pas
exercer son contrôle sur les amendes infligées, et il serait impossible de contrôler
si l'amende infligée à une entreprise spécifique est proportionnelle aux amendes
infligées aux autres entreprises destinataires de la décision.
- 290.
- En l'absence de telles indications, il devrait être conclu que ces critères n'ont, en
réalité, pas été appliqués.
- 291.
- A supposer même que ces critères aient été effectivement appliqués, il s'agirait de
critères illégaux. En effet, plusieurs de ces critères auraient déjà été pris en
considération, dans la mesure où les amendes ont été calculées à partir du chiffre
d'affaires de chaque entreprise. Cela s'appliquerait pour les critères concernant le
territoire sur lequel l'infraction aurait été commise, l'importance relative de chaque
entreprise dans le secteur et la valeur globale du secteur économique en cause. Ces
critères ne pourraient, dès lors, être de nouveau utilisés afin d'élever le montant de
l'amende.
- 292.
- La Commission n'aurait pas dû non plus se fonder sur le fait que les entreprises
avaient pris des mesures afin de cacher l'entente. Les accords de fixation des prix
et des parts du marché étant des accords classiques couverts par l'article 85 du
traité, il serait normal que les entreprises ne révèlent pas leur participation à de
tels accords.
- 293.
- La requérante soutient que, contrairement à ce qu'allègue la Commission, rien ne
permet d'établir que l'entente a été couronnée de succès. Le rapport LE
démontrerait, au contraire, que l'éventuelle entente n'a eu aucun effet sur les prix.
D'ailleurs, la Commission se serait fondée à tort sur la constatation selon laquelle
les entreprises auraient réalisé une marge bénéficiaire moyenne de 20 % pendant
la durée de l'entente (point 16 des considérants de la décision).
- 294.
- La Commission aurait dû prendre en considération le fait que l'entente n'avait pas
couvert certaines régions de la Communauté, dans lesquelles la requérante aurait
réalisé une partie importante de son chiffre d'affaires, à savoir l'Espagne, le
Portugal, la Grèce, l'Irlande et le Danemark.
- 295.
- Enfin, la réduction inhabituelle de l'amende accordée à Stora susciterait des doutes
quant à la question de savoir si le niveau général des amendes est justifié.
L'entente alléguée n'aurait pas revêtu un caractère particulièrement grave, et le
niveau général des amendes aurait donc dû être fixé à un montant bien en deçà de
5 % du chiffre d'affaires de chaque entreprise.
- 296.
- La Commission estime que les critères figurant aux points 168 et 169 des
considérants de la décision sont pertinents et suffisants afin de déterminer le
montant des amendes. Ces critères devraient être appréciés à la lumière des motifs
de la décision, lesquels détailleraient les considérations individuelles prises en
compte lors de la détermination du montant de l'amende infligée à la requérante.
- 297.
- Afin de renforcer l'effet dissuasif des amendes, la Commission serait autorisée à
élever, à tout moment, le niveau des amendes (voir arrêt ICI/Commission, précité,
point 385). En effet, les infractions constatées en l'espèce seraient expressément
mentionnées à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et elles devraient donc être
considérées comme des infractions patentes et graves. Le caractère patent et grave
des infractions commises serait, par ailleurs, renforcé par les mesures de
dissimulation adoptées par les destinataires de la décision.
- 298.
- Enfin, la Commission affirme avoir correctement tenu compte du fait que l'entente
a été largement couronnée de succès. En effet, le rapport LE mettrait en évidence,
pour les années 1988 et 1989, l'existence d'une relation linéaire entre les
augmentations de prix annoncées et les augmentations de prix pratiquées à l'égard
des clients. Cette relation aurait même été reconnue par l'auteur du rapport lors
de l'audition devant la Commission (procès-verbal de l'audition devant la
Commission, p. 21 et 28).
Appréciation du Tribunal
- 299.
- Les arguments de la requérante sont présentés, dans ses écritures, dans le cadre
d'un seul moyen tiré du caractère non pertinent des critères relatifs à la
détermination du montant des amendes. Toutefois, ils comprennent en réalité
plusieurs moyens distincts, qui seront examinés successivement.
Sur la motivation relative au montant des amendes
- 300.
- Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision
individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle
sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante
pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée
d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette
obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a
été adopté (voir, notamment, arrêt Van Megen Sports/Commission, précité, point
51).
- 301.
- Pour ce qui est d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à
plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la
concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment
déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en
fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances
particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce
sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant
obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO
e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54).
- 302.
- De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose
d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue
d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir, dans le même
sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec.
p. II-1165, point 59).
- 303.
- Dans la décision, les critères pris en compte pour déterminer le niveau général des
amendes et le montant des amendes individuelles figurent, respectivement, aux
points 168 et 169 des considérants. En outre, pour ce qui est des amendes
individuelles, la Commission explique au point 170 des considérants que les
entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées
comme des «chefs de file» de l'entente, alors que les autres entreprises ont été
considérées comme des «membres ordinaires» de celle-ci. Enfin, aux points 171 et
172 des considérants, elle indique que les montants des amendes infligées à Rena
et à Stora doivent être considérablement réduits pour tenir compte de leur
coopération active avec la Commission et que huit autres entreprises, dont la
requérante, peuvent également bénéficier d'une réduction dans une proportion
moindre, du fait qu'elles n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des
griefs, nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses
griefs.
- 304.
- Dans ses écritures devant le Tribunal ainsi que dans sa réponse à une question
écrite de celui-ci, la Commission a expliqué que les amendes ont été calculées sur
la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la
décision sur le marché communautaire du carton en 1990. Des amendes d'un
niveau de base de 9 ou de 7,5 % de ce chiffre d'affaires individuel ont ainsi été
infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les «chefs de file» de
l'entente et aux autres entreprises. Enfin, la Commission a tenu compte de
l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours de la procédure
devant elle. Deux entreprises ont bénéficié à ce titre d'une réduction des deux tiers
du montant de leurs amendes, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une
réduction d'un tiers.
- 305.
- Il ressort, par ailleurs, d'un tableau fourni par la Commission et contenant des
indications quant à la fixation du montant de chacune des amendes individuelles
que, si celles-ci n'ont pas été déterminées en appliquant de manière strictement
mathématique les seules données chiffrées susmentionnées, lesdites données ont
cependant été systématiquement prises en compte aux fins du calcul des amendes.
- 306.
- Or, la décision ne précise pas que les amendes ont été calculées sur la base du
chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire
du carton en 1990. De plus, les taux de base appliqués de 9 et de 7,5 % pour
calculer les amendes infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme
des «chefs de file» et à celles considérées comme des «membres ordinaires» ne
figurent pas dans la décision. N'y figurent pas davantage les taux des réductions
accordées à Rena et à Stora, d'une part, et à huit autres entreprises, d'autre part.
- 307.
- En l'espèce, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, interprétés à la lumière
de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard
de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de
celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments
d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de
l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens,
arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 264). De même, le point 168 des considérants, qui doit être lu à la
lumière des considérations générales sur les amendes figurant au point 167 des
considérants, contient une indication suffisante des éléments d'appréciation pris en
considération pour déterminer le niveau général des amendes.
- 308.
- En second lieu, lorsque le montant de chaque amende est, comme en l'espèce,
déterminé sur la base de la prise en compte systématique de certaines données
précises, l'indication, dans la décision, de chacun de ces facteurs permettrait aux
entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs
lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le
montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères
généraux appliqués. En l'espèce, l'indication dans la décision des facteurs en cause,
soit le chiffre d'affaires de référence, l'année de référence, les taux de base retenus
et les taux de réduction du montant des amendes, n'aurait comporté aucune
divulgation implicite du chiffre d'affaires précis des entreprises destinataires de la
décision, divulgation qui aurait pu constituer une violation de l'article 214 du traité.
En effet, le montant final de chaque amende individuelle ne résulte pas, comme
la Commission l'a elle-même souligné, d'une application strictement mathématique
desdits facteurs.
- 309.
- La Commission a d'ailleurs reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait
empêchée d'indiquer, dans la décision, les facteurs qui avaient été pris
systématiquement en compte et qui avaient été divulgués pendant une conférence
de presse tenue le jour même de l'adoption de cette décision. A cet égard, il y a
lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une
décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et que des explications
postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances
particulières, être prises en compte (voir arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk
Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 131, et, dans le
même sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89,
Rec. p. II-1439, point 136).
- 310.
- Malgré ces constatations, il doit être relevé que la motivation relative à la fixation
du montant des amendes contenue aux points 167 à 172 des considérants de la
décision est, au moins, aussi détaillée que celles contenues dans les décisionsantérieures de la Commission portant sur des infractions similaires. Or, bien que
le moyen tiré d'un vice de motivation soit d'ordre public, aucune critique n'avait,
au moment de l'adoption de la décision, été soulevée par le juge communautaire
quant à la pratique suivie par la Commission en matière de motivation des
amendes infligées. Ce n'est que dans l'arrêt du 6 avril 1995,
Tréfilunion/Commission, précité (point 142), et dans deux autres arrêts rendus le
même jour, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147/89, Rec.
p. II-1057, publication sommaire) et Société des treillis et panneaux
soudés/Commission (T-151/89, Rec. p. II-1191, publication sommaire), que le
Tribunal a, pour la première fois, souligné qu'il est souhaitable que les entreprises
puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée,
sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la
décision de la Commission.
- 311.
- Il s'ensuit que lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de
la concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci la
Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de
base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la
décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du
niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.
- 312.
- Dans les circonstances particulières relevées au point 310 ci-dessus, et compte tenu
du fait que la Commission s'est montrée disposée à fournir, lors de la procédure
contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes,
l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des
amendes ne doit pas, en l'espèce, être considérée comme constitutive d'une
violation de l'obligation de motivation justifiant l'annulation totale ou partielle des
amendes infligées.
Sur les effets de l'infraction
- 313.
- Selon le point 168, septième tiret, des considérants de la décision, la Commission
a déterminé le montant général des amendes en prenant notamment en
considération le fait que l'entente a «largement réussi à atteindre ses objectifs». Il
est constant qu'une telle considération se réfère aux effets sur le marché de
l'infraction constatée à l'article 1er de la décision.
- 314.
- Aux fins du contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur les effets de
l'infraction, le Tribunal estime qu'il suffit d'examiner celle portée sur les effets de
la collusion sur les prix. En effet, l'examen des effets de la collusion sur les prix,
seuls effets contestés par la requérante, permet d'apprécier, de façon générale, le
succès de l'entente, car les collusions sur les temps d'arrêt et sur les parts de
marché ont eu pour objectif d'assurer la réussite des initiatives concertées en
matière de prix.
- 315.
- S'agissant de la collusion sur les prix, la Commission en a apprécié les effets
généraux. Dès lors, à supposer même que les données individuelles fournies par la
requérante démontrent, comme elle l'affirme, que la collusion sur les prix n'a eu
pour elle que des effets moins importants que ceux constatés sur le marché
européen du carton, pris globalement, de telles données individuelles ne sauraient
suffire en soi pour mettre en cause l'appréciation de la Commission. En outre,
l'affirmation de la requérante selon laquelle la Commission se serait fondée, au
point 16 des considérants de la décision, sur une définition erronée de la marge
d'exploitation moyenne réalisée par les producteurs de carton est également
dénuée de pertinence. En effet, rien ne permet de considérer que la Commission
ait pris en compte la marge d'exploitation ainsi définie lors de son appréciation des
effets sur le marché de la collusion sur les prix, ni d'ailleurs que la marge
d'exploitation réalisée aurait dû être prise en compte aux fins de cette appréciation.
- 316.
- Il ressort de la décision, ainsi que la Commission l'a confirmé lors de l'audience,
qu'une distinction a été établie entre trois types d'effets. De plus, la Commission
s'est fondée sur le fait que les initiatives en matière de prix ont été globalement
considérées comme une réussite par les producteurs eux-mêmes.
- 317.
- Le premier type d'effets pris en compte par la Commission, et non contesté par la
requérante, consiste dans le fait que les augmentations de prix convenues ont été
effectivement annoncées aux clients. Les nouveaux prix ont ainsi servi de référence
en cas de négociations individuelles des prix de transaction avec les clients (voir,
notamment, points 100 et 101, cinquième et sixième alinéas, des considérants de
la décision).
- 318.
- Le deuxième type d'effets consiste dans le fait que l'évolution des prix de
transaction a suivi celle des prix annoncés. A cet égard, la Commission soutient que
«les producteurs ne se contentaient pas d'annoncer les augmentations de prix
convenues mais, à quelques exceptions près, [qu']ils prenaient également des
mesures concrètes pour faire en sorte qu'elles soient effectivement imposées aux
clients» (point 101, premier alinéa, des considérants de la décision). Elle admet que
les clients ont parfois obtenu des concessions sur la date d'entrée en vigueur des
augmentations ou des rabais ou réductions individuelles, notamment en cas de
grosse commande, et que «l'augmentation nette perçue en moyenne après
déduction des réductions, rabais et autres concessions était donc toujours inférieure
au montant total de l'augmentation annoncée» (point 102, dernier alinéa, des
considérants). Cependant, se référant à des graphiques contenus dans le rapport
LE, étude économique réalisée, aux fins de la procédure devant la Commission,
pour le compte de plusieurs entreprises destinataires de la décision, elle affirme
qu'il existait, au cours de la période visée par la décision, une «étroite relation
linéaire» entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction
exprimés en monnaies nationales ou convertis en écus. Elle en conclut: «Les
augmentations nettes des prix obtenues suivaient étroitement les augmentations
annoncées, fût-ce avec un certain retard. L'auteur du rapport a lui-même reconnu
pendant l'audition qu'il en a été ainsi en 1988 et 1989.» (Point 115, deuxième
alinéa, des considérants.)
- 319.
- Il doit être admis que, dans l'appréciation de ce deuxième type d'effets, la
Commission a pu à bon droit considérer que l'existence d'une relation linéaire
entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction constituait la
preuve d'un effet produit sur ces derniers par les initiatives en matière de prix,
conformément à l'objectif poursuivi par les producteurs. En fait, il est constant que,
sur le marché en cause, la pratique de négociations individuelles avec les clients
implique que les prix de transaction ne sont, en général, pas identiques aux prix
annoncés. Il ne saurait donc être escompté que les augmentations des prix de
transaction soient identiques aux augmentations de prix annoncées.
- 320.
- En ce qui concerne l'existence même d'une corrélation entre les augmentations de
prix annoncées et celles des prix de transaction, la Commission s'est référée à juste
titre au rapport LE, celui-ci constituant une analyse de l'évolution des prix du
carton pendant la période visée par la décision, fondée sur des données fournies
par plusieurs producteurs, dont la requérante elle-même.
- 321.
- Toutefois, ce rapport ne confirme que partiellement, dans le temps, l'existence
d'une «étroite relation linéaire». En effet, l'examen de la période de 1987 à 1991
révèle trois sous-périodes distinctes. A cet égard, lors de l'audition devant la
Commission, l'auteur du rapport LE a résumé ses conclusions de la manière
suivante: «Il n'y a pas de corrélation étroite, même avec un décalage, entre
l'augmentation de prix annoncée et les prix du marché, pendant le début de la
période considérée, de 1987 à 1988. En revanche, une telle corrélation existe en
1988/1989, puis cette corrélation se détériore pour se comporter de façon plutôt
singulière [oddly] sur la période 1990/1991.» (Procès-verbal de l'audition, p. 28.) Il
a relevé, en outre, que ces variations dans le temps étaient étroitement liées à des
variations de la demande (voir, notamment, procès-verbal de l'audition, p. 20).
- 322.
- Ces conclusions orales de l'auteur sont conformes à l'analyse développée dans son
rapport, et notamment aux graphiques comparant l'évolution des prix annoncés et
l'évolution des prix de transaction (rapport LE, graphiques 10 et 11, p. 29). Force
est donc de constater que la Commission n'a que partiellement prouvé l'existence
de l'«étroite relation linéaire» qu'elle invoque.
- 323.
- Lors de l'audience, la Commission a indiqué avoir également pris en compte un
troisième type d'effets de la collusion sur les prix consistant dans le fait que le
niveau des prix de transaction a été supérieur au niveau qui aurait été atteint en
l'absence de toute collusion. A cet égard, la Commission, soulignant que les dates
et l'ordre des annonces des augmentations de prix avaient été programmés par le
PWG, estime dans la décision qu'«il est inconcevable que, dans ces conditions, ces
annonces concertées n'aient eu aucun effet sur le niveau réel des prix» (point 136,
troisième alinéa, des considérants de la décision). Toutefois, le rapport LE (section
3) a établi un modèle permettant de prévoir le niveau de prix résultant des
conditions objectives du marché. Selon ce rapport, le niveau des prix, tels que
déterminés par des facteurs économiques objectifs durant la période de 1975 à
1991, aurait évolué, avec des variations négligeables, de manière identique à celui
des prix de transaction pratiqués, y compris pendant la période retenue par la
décision.
- 324.
- Malgré ces conclusions, l'analyse faite dans le rapport ne permet pas de constater
que les initiatives concertées en matière de prix n'ont pas permis aux producteurs
d'atteindre un niveau des prix de transaction supérieur à celui qui aurait résulté du
libre jeu de la concurrence. A cet égard, comme l'a souligné la Commission lors de
l'audience, il est possible que les facteurs pris en compte dans ladite analyse aient
été influencés par l'existence de la collusion. Ainsi, la Commission a fait valoir à
bon droit que le comportement collusoire a, par exemple, pu limiter l'incitation
pour les entreprises à réduire leurs coûts. Or, elle n'a invoqué l'existence d'aucune
erreur directe dans l'analyse contenue dans le rapport LE et n'a pas davantage
présenté ses propres analyses économiques de l'hypothétique évolution des prix de
transaction en l'absence de toute concertation. Dans ces conditions, son affirmation
selon laquelle le niveau des prix de transaction aurait été inférieur en l'absence de
collusion entre les producteurs ne saurait être entérinée.
- 325.
- Il s'ensuit que l'existence de ce troisième type d'effets de la collusion sur les prix
n'est pas prouvée.
- 326.
- Les constatations qui précèdent ne sont en rien modifiées par l'appréciation
subjective des producteurs sur laquelle la Commission s'est fondée pour considérer
que l'entente avait largement réussi à atteindre ses objectifs. Sur ce point, la
Commission s'est reportée à une liste de documents qu'elle a fournie lors de
l'audience. Or, à supposer même qu'elle ait pu fonder son appréciation de
l'éventuelle réussite des initiatives en matière de prix sur des documents faisant état
des sentiments subjectifs de certains producteurs, force est de constater que
plusieurs entreprises, dont la requérante, ont à juste titre fait référence à l'audience
à de nombreux autres documents du dossier faisant état des problèmes rencontrés
par les producteurs dans la mise en oeuvre des augmentations de prix convenues.
Dans ces conditions, la référence faite par la Commission aux déclarations des
producteurs eux-mêmes n'est pas suffisante pour conclure que l'entente a
largement réussi à atteindre ses objectifs.
- 327.
- Au vu des considérations qui précèdent, les effets de l'infraction relevés par la
Commission ne sont que partiellement prouvés. Le Tribunal analysera la portée de
cette conclusion dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction en matière
d'amendes, lors de l'appréciation du niveau général des amendes retenu en l'espèce
(voir ci-après point 342).
Sur la prétendue illégalité de certains critères pris en compte pour déterminer le
montant des amendes
- 328.
- En premier lieu, il y a lieu de rejeter l'argumentation de la requérante selon
laquelle le fait que le montant des amendes a été déterminé à partir du chiffre
d'affaires de chaque entreprise signifie que la Commission n'était pas autorisée à
tenir compte du territoire sur lequel l'infraction avait été commise (point 168,
deuxième tiret, des considérants de la décision), de la valeur globale du secteur
économique en cause (point 168, troisième tiret, des considérants) et de
l'importance relative de chaque entreprise dans le secteur (point 169, premier
alinéa, troisième tiret, des considérants).
- 329.
- En effet, ces critères sont pertinents pour apprécier la gravité de l'infraction
constatée et, par conséquent, pour déterminer, conformément à l'article 15,
paragraphe 2, du règlement n° 17, le montant des amendes. Si le montant des
amendes a, certes, été déterminé à partir du chiffre d'affaires réalisé par chaque
entreprise, la prise en compte des critères en cause a permis à la Commission de
déterminer la partie du chiffre d'affaires dont il conviendrait de tenir compte à
l'égard de chacune des entreprises concernées ainsi que le taux de ce chiffre devant
être appliqué afin de déterminer le montant des amendes individuelles.
- 330.
- S'agissant, en second lieu, de l'argument de la requérante selon lequel la
Commission aurait dû tenir compte du fait que l'entente n'a pas couvert certains
États membres dans lesquels elle a réalisé une partie importante de son chiffre
d'affaires (Espagne, Portugal, Grèce, Irlande et Danemark), il ressort de l'article
1er de la décision que les augmentations de prix simultanées et uniformes ont été
planifiées et mises en oeuvre dans l'ensemble de la Communauté européenne. En
outre, la requérante ne soulève aucun argument de nature à permettre de
déterminer la base sur laquelle elle conteste, apparemment, cette constatation.
L'argument de la requérante doit, dans ces conditions, être rejeté.
- 331.
- Enfin, en troisième lieu, il convient de rejeter l'argumentation de la requérante
selon laquelle la Commission n'aurait pas dû tenir compte des mesures adoptées
pour cacher l'infraction.
- 332.
- Il y a lieu de rappeler à cet égard que, aux termes du point 167, troisième alinéa,
des considérants de la décision, «l'un des aspects les plus graves de [l'infraction] est
que, pour tenter de dissimuler l'existence de l'entente, les entreprises ont été
jusqu'à orchestrer à l'avance la date et la séquence des différentes annonces de
nouvelles augmentations de prix par chacun des principaux fabricants». La décision
relève en outre que «les fabricants auraient pu, grâce à cette duperie élaborée,
attribuer les séries d'augmentations des prix uniformes, régulières et touchant
l'ensemble du secteur au phénomène du 'comportement en situation
oligopolistique» (point 73, troisième alinéa, des considérants). Enfin, selon le point
168, sixième tiret, des considérants, la Commission a déterminé le niveau général
des amendes en tenant compte du fait que «des mesures complexes ont été prises
pour cacher la véritable nature et la portée de la collusion (absence de compte
rendu officiel ou de documentation concernant les réunions du PWG et du JMC;
les participants étaient dissuadés de prendre des notes; la date et l'ordre des lettres
annonçant les augmentations de prix étaient orchestrés de façon à pouvoir
proclamer que ces augmentations 'faisaient suite à d'autres, etc.)».
- 333.
- La requérante ne conteste pas que les entreprises ont effectivement programmé
les dates et l'ordre d'envoi des lettres annonçant les augmentations de prix afin de
tenter de dissimuler l'existence de la concertation sur les prix.
- 334.
- Quant à l'absence de comptes rendus officiels et à l'absence presque absolue de
notes internes portant sur les réunions du PWG et du JMC, elles constituent, eu
égard à leur nombre, à leur durée dans le temps et à la nature des discussions en
cause, une preuve suffisante de l'allégation de la Commission selon laquelle les
participants étaient dissuadés de prendre des notes.
- 335.
- Il ressort de ce qui précède que les entreprises ayant participé aux réunions de ces
organes ont non seulement été conscientes de l'illégalité de leur comportement
mais ont aussi adopté des mesures de dissimulation de la collusion. Partant, c'est
à bon droit que la Commission a retenu ces mesures comme circonstances
aggravantes lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction.
Sur le niveau général des amendes
- 336.
- Selon l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie
de décision, infliger aux entreprises ayant commis, de propos délibéré ou par
négligence, une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité
des amendes de 1 000 écus au moins et de 1 000 000 écus au plus, ce dernier
montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de
l'exercice précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. Le
montant de l'amende est déterminé en considération à la fois de la gravité de
l'infraction et de sa durée. Ainsi que cela ressort de la jurisprudence de la Cour,
la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre
d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son
contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste
contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte
(ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54).
- 337.
- En l'espèce, la Commission a déterminé le niveau général des amendes en tenant
compte de la durée de l'infraction (point 167 des considérants de la décision), ainsi
que des considérations suivantes (point 168 des considérants):
« la collusion en matière de fixation des prix et la répartition des marchés
constituent en soi des restrictions graves de la concurrence,
l'entente couvrait quasiment tout le territoire de la Communauté,
le marché communautaire du carton est un secteur économique important
qui totalise chaque année quelque 2,5 milliards d'écus,
les entreprises participant à l'infraction couvrent pratiquement tout le
marché,
l'entente a fonctionné sous la forme d'un système de réunions périodiques
institutionnalisées ayant pour objet de réguler dans le détail le marché du
carton dans la Communauté,
des mesures complexes ont été prises pour cacher la véritable nature et la
portée de la collusion (absence de compte rendu officiel ou de
documentation concernant les réunions du PWG et du JMC; les participants
étaient dissuadés de prendre des notes; la date et l'ordre des lettres
annonçant les augmentations de prix étaient orchestrés de façon à pouvoir
proclamer que ces augmentations 'faisaient suite à d'autres, etc.),
l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs».
- 338.
- De plus, le Tribunal rappelle qu'il est constant que des amendes d'un niveau de
base de 9 ou de 7,5 % du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises
destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990 ont
été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les «chefs de file»
de l'entente et aux autres entreprises.
- 339.
- Il y a lieu de souligner, en premier lieu, que, dans son appréciation du niveau
général des amendes, la Commission est fondée à tenir compte du fait que des
infractions patentes aux règles communautaires de la concurrence sont encore
relativement fréquentes et que, partant, il lui est loisible d'élever le niveau des
amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif. Par conséquent, le fait que la
Commission a appliqué dans le passé des amendes d'un certain niveau à certains
types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les
limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela s'avère nécessaire pour assurer la
mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence (voir, notamment,
arrêts précités Musique Diffusion française e.a./Commission, points 105 à 108, et
ICI/Commission, point 385).
- 340.
- En second lieu, la Commission a soutenu à bon droit que, en raison des
circonstances propres à l'espèce, aucune comparaison directe ne saurait être opérée
entre le niveau général des amendes retenu dans la présente décision et ceux
retenus dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, en particulier,
dans la décision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une
procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.149 Polypropylène)
(JO L 230, p. 1, ci-après «décision Polypropylène»), considérée par la Commission
elle-même comme la plus comparable à celle du cas d'espèce. En effet,
contrairement à l'affaire à l'origine de la décision Polypropylène, aucune
circonstance atténuante générale n'a été prise en compte en l'espèce pour
déterminer le niveau général des amendes. Par ailleurs, comme le Tribunal l'a déjà
constaté, les mesures complexes adoptées par les entreprises pour dissimuler
l'existence de l'infraction constituent un aspect particulièrement grave de celle-ci,
qui la caractérise par rapport aux infractions antérieurement constatées par la
Commission.
- 341.
- En troisième lieu, il convient de souligner la longue durée et le caractère patent de
l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité qui a été commise malgré
l'avertissement qu'aurait dû constituer la pratique décisionnelle antérieure de la
Commission, et notamment la décision Polypropylène.
- 342.
- Sur la base de ces éléments, il convient de considérer que les critères repris au
point 168 des considérants de la décision justifient le niveau général des amendes
fixé par la Commission. Le Tribunal a certes déjà constaté que les effets de la
collusion sur les prix retenus par la Commission pour la détermination du niveau
général des amendes ne sont que partiellement prouvés. Toutefois, à la lumière des
considérations qui précèdent, cette conclusion ne saurait affecter sensiblement
l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée. A cet égard, le fait que les
entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que
les prix ainsi annoncés ont servi de base pour la fixation des prix de transaction
individuels suffit, en soi, pour constater que la collusion sur les prix a eu tant pour
objet que pour effet une grave restriction de la concurrence. Partant, dans le cadre
de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considère que les constatations
opérées au sujet des effets de l'infraction ne justifient aucune réduction du niveau
général des amendes fixé par la Commission.
- 343.
- Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, les moyens de forme et de
fond relatifs à la détermination du montant des amendes doivent être rejetés.
Sur le moyen tiré d'une appréciation erronée du rôle joué par la requérante
Arguments des parties
- 344.
- La requérante conteste qu'elle ait été l'un des «chefs de file» de l'entente. En
effet, à supposer même que le comportement des représentants du NPI soitimputable à la requérante, ces personnes n'auraient participé qu'à environ la moitié
des réunions du PWG.
- 345.
- La requérante aurait constamment subi des pressions de la part des autres
producteurs, ce que révéleraient plusieurs annexes à la communication des griefs
(voir point 76 des considérants de la décision).
- 346.
- Enfin, l'origine de l'entente aurait été la volonté des producteurs communautaires
de protéger leur marché contre les exportations, notamment, des producteurs des
pays de l'AELE. Ce ne serait qu'à la suite d'acquisitions, par ces derniers,
d'installations dans la Communauté qu'il se serait agi de maintenir un équilibre
entre les principaux groupes de producteurs européens afin de ne pas
compromettre les initiatives en matière de prix (point 56 des considérants de la
décision). N'ayant acquis aucune installation dans la Communauté, la requérante
ne pourrait donc être considérée comme l'un des «chefs de file» de l'entente.
- 347.
- La Commission estime avoir, à bon droit, considéré la requérante comme l'un des
chefs de file de l'entente. Elle souligne en particulier que la requérante a assuré,
pendant une période de deux ans, la présidence du PWG, organe central de
décision de l'entente, et de la PC. En outre, la requérante aurait pris part à
l'ensemble des initiatives d'augmentation des prix et elle aurait même lancé trois
de ces initiatives.
- 348.
- Le compte rendu d'une réunion tenue par Iggesund Board Sales Ltd les 28 et 29
janvier 1988 (annexe 72 à la communication des griefs, citée au point 76 des
considérants de la décision) confirmerait le rôle central joué par la requérante, car
il en ressortirait que les autres producteurs ont attendu l'initiative de la requérante
avant d'appliquer leurs propres augmentations de prix.
- 349.
- Les remarques de la requérante relatives à l'objectif poursuivi par les participants
à l'entente ne feraient que confirmer le caractère anticoncurrentiel de cet objectif.
Appréciation du Tribunal
- 350.
- Il ressort des constatations relatives aux moyens invoqués par la requérante à
l'appui de sa demande d'annulation totale ou partielle de l'article 1er de la décision
que la nature des fonctions du PWG, telles que décrites dans la décision, a été
établie par la Commission.
- 351.
- Dans ces conditions, la Commission a pu conclure à bon droit que les entreprises,
dont la requérante, ayant participé aux réunions de cet organe devaient être
considérées comme des «chefs de file» de l'infraction constatée et qu'elles
devaient, de ce fait, porter une responsabilité particulière (voir point 170, premier
alinéa, des considérants de la décision).
- 352.
- S'agissant de la requérante, la participation de ses dirigeants à environ la moitié des
réunions du PWG est admise. Dans ces conditions, la requérante ne saurait
valablement affirmer avoir joué un rôle moins important dans la détermination de
l'entente que les autres entreprises ayant participé auxdites réunions, d'autant que
ses représentants ont occupé des positions clefs au sein du PWG pendant presque
toute la période couverte par la décision (voir ci-dessus points 125 et suivants).
- 353.
- L'affirmation de la requérante selon laquelle elle a constamment subi des pressions
de la part des autres producteurs n'est pas de nature à affecter cette constatation.
D'abord, la requérante n'a pas avancé le moindre élément de preuve permettant
d'établir qu'elle a participé à l'infraction sous la contrainte. De plus, la référence
faite par la requérante au point 76 des considérants de la décision ne met pas en
cause son rôle de «chef de file» de l'entente.
- 354.
- Le document cité dans ce point (annexe 72 à la communication des griefs) indique:
«Des pressions ont été exercées de toutes parts en Europe sur les Finlandais pour
qu'ils augmentent leurs prix. Finnboard a été averti que nous ne bougerons pas tant
qu'il n'aura pas publié une augmentation de prix.»
- 355.
- Ce passage indique uniquement que les autres entreprises attendaient de la
requérante l'annonce d'une augmentation de ses prix avant de procéder elles-mêmes à une augmentation de leurs propres prix. Dès lors, il ne fait que confirmer
le rôle de «chef de file» de l'entente joué par la requérante, les autres entreprises
ayant accordé une importance particulière à sa participation aux augmentations de
prix concertées.
- 356.
- Enfin, l'argument de la requérante tiré de l'objectif poursuivi par l'accord de base
entre les principaux producteurs ne saurait non plus être retenu. En effet, s'il est
vrai que Stora a expliqué que la préoccupation initiale du PWG était de restreindre
l'accroissement des parts de marché des producteurs de l'AELE, il n'en reste pas
moins que cette préoccupation s'expliquait par le fait qu'un tel accroissement
risquait de faire obstacle aux efforts déployés pour augmenter les prix (voir point
56, deuxième alinéa, des considérants de la décision, avec référence à la déclaration
de Stora faisant l'objet de l'annexe 43 à la communication des griefs). La poursuite
d'un tel objectif ne fait, en réalité, que confirmer le caractère patent de l'infraction
constatée.
- 357.
- Au vu de ces considérations, le moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré d'erreurs commises par la Commission lors des réductions des
amendes
Arguments des parties
- 358.
- La requérante soutient qu'elle aurait dû bénéficier d'une réduction du montant de
l'amende pour ne pas avoir contesté les principales allégations de fait sur lesquelles
la Commission fondait ses griefs à son égard. Dans sa réponse à la communication
des griefs, elle se serait limitée à faire valoir des violations de règles de procédure
et à souligner que les éléments de fait avancés par la Commission n'étaient pas
probants.
- 359.
- Par ailleurs, la réduction du montant de l'amende accordée à Stora serait injustifiée
et aboutirait, en raison du montant élevé des amendes, à des distorsions de
concurrence. A défaut des révélations faites par Stora, la Commission n'aurait pas
disposé d'éléments suffisants pour prouver une quelconque entente. Des indices
montreraient que les révélations de Stora visaient à affaiblir ses principaux
concurrents. Pour cette raison, la requérante invite le Tribunal à demander à la
Commission si des entretiens ont eu lieu avec Stora relativement au niveau
d'amende et/ou aux réductions possibles des amendes.
- 360.
- La Commission estime que la requérante n'a droit à aucune réduction de l'amende.
La requête attesterait clairement qu'elle conteste les principales allégations de fait
avancées par la Commission.
- 361.
- En outre, une éventuelle violation du principe de proportionnalité lors de la
fixation du montant de l'amende infligée à Stora n'affecterait en rien la légalité de
l'amende imposée à la requérante.
Appréciation du Tribunal
- 362.
- Dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante a contesté, ainsi
qu'elle l'a fait devant le Tribunal, toute participation à une infraction quelconque
à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 363.
- Dès lors, la Commission a estimé à bon droit que, en répondant de la sorte, la
requérante ne s'est pas comportée d'une manière justifiant une réduction de
l'amende au titre d'une coopération lors de la procédure administrative. En effet,
une réduction à ce titre n'est justifiée que si le comportement a permis à la
Commission de constater une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant,
d'y mettre fin (voir arrêt ICI/Commission, précité, point 393).
- 364.
- Pour autant que la requérante soutient que la réduction de l'amende accordée à
Stora est excessive, il y a lieu de relever que Stora a fourni à la Commission des
déclarations comportant une description très détaillée de la nature et de l'objet de
l'infraction, du fonctionnement des divers organes du GEP Carton, et de la
participation à l'infraction des différents producteurs. Par ces déclarations, Stora
a fourni des renseignements allant bien au-delà de ceux dont la production peut
être exigée par la Commission en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. Bien que
la Commission déclare, dans la décision, qu'elle a obtenu des éléments de preuve
corroborant les renseignements contenus dans les déclarations de Stora (points 112
et 113 des considérants), il apparaît clairement que les déclarations de Stora ont
constitué le principal élément de preuve de l'existence de l'infraction. Sans ces
déclarations, il aurait donc été, à tout le moins, beaucoup plus difficile pour la
Commission de constater et, le cas échéant, de mettre fin à l'infraction faisant
l'objet de la décision.
- 365.
- Dans ces conditions, la Commission n'a pas, en réduisant des deux tiers le montant
de l'amende infligée à Stora, dépassé la marge d'appréciation dont elle dispose lors
de la détermination du montant des amendes. La requérante ne saurait donc
valablement prétendre que l'amende qui lui a été infligée est excessive par rapport
à celle infligée à Stora.
- 366.
- Il n'y a donc pas lieu d'inviter la Commission à indiquer si des entretiens ont eu
lieu avec Stora relativement au niveau d'amende et/ou aux réductions possibles des
amendes.
- 367.
- Ce moyen doit donc également être rejeté.
- 368.
- Il ressort de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler partiellement
l'article 2 de la décision. Pour le surplus, le recours doit être rejeté.
Sur les dépens
- 369.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui
succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie
requérante ayant succombé en l'essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner
aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) L'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision 94/601/CE de la
Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 Carton), est annulé à l'égard de la
requérante, sauf en ce qui concerne les passages suivants:
«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux
infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à
l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout
accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet
identique ou similaire, y compris tout échange d'informations
commerciales:
a) par lequel les participants seraient informés directement ou
indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet,
des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou
des plans de commercialisation d'autres fabricants.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient
abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière
à exclure toutes données permettant d'identifier le comportement de
fabricants déterminés.»
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La requérante est condamnée aux dépens.
Vesterdorf Briët Lindh
Potocki Cooke
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 1998.
Le greffier
Le président
H. Jung
B. Vesterdorf
Table des matières
Faits à l'origine du litige
II - 2
Procédure
II - 6
Conclusions des parties
II - 8
Sur la demande d'annulation de la décision
II - 8
Sur le moyen tiré d'une violation du régime linguistique
II - 8
Arguments des parties
II - 8
Appréciation du Tribunal
II - 10
Sur le moyen tiré d'irrégularités ayant affecté la procédure d'adoption,
d'authentification et de notification des décisions de la Commission
II - 11
Arguments des parties
II - 11
Appréciation du Tribunal
II - 13
Sur le moyen tiré d'une violation des droits de la défense et d'une violation des règles
de forme relatives à la communication des griefs
II - 14
Arguments des parties
II - 14
Appréciation du Tribunal
II - 15
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité
II - 16
Arguments des parties
II - 16
Appréciation du Tribunal
II - 18
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité en ce que la
Commission n'aurait pas démontré la participation de la requérante à une
entente quelconque
II - 19
Sur le moyen pris en sa première branche tirée de l'absence de preuve de la
participation de la requérante à une entente quelconque
II - 19
Arguments des parties
II - 19
Appréciation du Tribunal
II - 21
Sur le moyen pris en sa deuxième branche tirée de l'absence de preuve de la
participation de la requérante aux initiatives en matière de prix
II - 23
Arguments des parties
II - 23
Appréciation du Tribunal
II - 25
Sur le moyen pris en sa troisième branche tirée de l'absence de preuve de la
participation de la requérante à la régulation des volumes
II - 30
Arguments des parties
II - 30
Appréciation du Tribunal
II - 31
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce que
la Commission n'aurait pas dûment pris en considération les conditions de
concurrence et la situation sur le marché
II - 37
Arguments des parties
II - 37
Appréciation du Tribunal
II - 39
Sur la demande d'annulation de l'article 2 de la décision
II - 39
Arguments des parties
II - 39
Appréciation du Tribunal
II - 40
Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant
II - 45
Sur le moyen tiré d'un calcul de l'amende sur la base d'un chiffre d'affaires non
pertinent
II - 45
Arguments des parties
II - 45
Appréciation du Tribunal
II - 47
Sur les moyens de forme et de fond relatifs à la détermination du montant des
amendes
II - 51
Arguments des parties
II - 51
Appréciation du Tribunal
II - 52
Sur la motivation relative au montant des amendes
II - 53
Sur les effets de l'infraction
II - 56
Sur la prétendue illégalité de certains critères pris en compte pour déterminer
le montant des amendes
II - 59
Sur le niveau général des amendes
II - 60
Sur le moyen tiré d'une appréciation erronée du rôle joué par la requérante
II - 63
Arguments des parties
II - 63
Appréciation du Tribunal
II - 64
Sur le moyen tiré d'erreurs commises par la Commission lors des réductions des
amendes
II - 65
Arguments des parties
II - 65
Appréciation du Tribunal
II - 65
Sur les dépens
II - 66