ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
14 mai 1998 (1)
«Concurrence Article 85, paragraphe 1, du traité CE Notion d'accord
Échange d'informations Injonction Amende Détermination du montant
Motivation Circonstances atténuantes Droits de la défense Coopération
durant la procédure administrative Principe d'égalité de traitement»
Dans l'affaire T-347/94,
Mayr-Melnhof Kartongesellschaft mbH, société de droit autrichien, établie à
Vienne, représentée initialement par Mes Otfried Lieberknecht, Burkhard Richter,
Klaus Benner, avocats à Düsseldorf, et Michel Waelbroeck, avocat au barreau de
Bruxelles, puis par Mes Michel Waelbroeck et Denis Waelbroeck, avocats au
barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Alex
Bonn, 7, Val Sainte-Croix,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Bernd
Langeheine et Richard Lyal, membres du service juridique, en qualité d'agents,
assistés de Me Dirk Schroeder, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg
auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre
Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/601/CE de la
Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article
85 du traité CE (IV/C/33.833 Carton) (JO L 243, p. 1),
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),
composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briët, Mme P. Lindh,
MM. A. Potocki et J. D. Cooke, juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s'est déroulée du
25 juin au 8 juillet 1997,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- La présente affaire concerne la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet
1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE
(IV/C/33.833 Carton) (JO L 243, p. 1), rectifiée avant sa publication par une
décision de la Commission du 26 juillet 1994 [C(94) 2135 final] (ci-après
«décision»). La décision a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de
carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du
traité.
- 2.
- Le produit faisant l'objet de la décision est le carton. Trois types de carton,
désignés comme relevant des qualités «GC», «GD» et «SBS», sont mentionnés
dans la décision.
- 3.
- Le carton de qualité GD (ci-après «carton GD») est un carton à intérieur gris
(papiers recyclés) qui sert habituellement à l'emballage de produits non
alimentaires.
- 4.
- Le carton de qualité GC (ci-après «carton GC») est un carton présentant une
couche extérieure blanche et servant habituellement à l'emballage de produits
alimentaires. Le carton GC est d'une qualité supérieure à celle du carton GD.
Dans la période couverte par la décision, il a généralement existé entre ces deux
produits un écart de prix d'environ 30 %. Dans une moindre mesure, le carton GC
de haute qualité sert également à des utilisations graphiques.
- 5.
- SBS est le sigle utilisé pour désigner le carton entièrement blanc (ci-après «carton
SBS»). Ce carton est un produit dont le prix est d'environ 20 % supérieur à celui
du carton GC. Il sert à l'emballage des aliments, des produits cosmétiques, des
médicaments et des cigarettes, mais il est destiné principalement à des utilisations
graphiques.
- 6.
- Par lettre du 22 novembre 1990, la British Printing Industries Federation,
organisation professionnelle qui représente la majorité des fabricants de boîtes
imprimées du Royaume-Uni (ci-après «BPIF»), a déposé une plainte informelle
auprès de la Commission. Elle a fait valoir que les fabricants de carton
approvisionnant le Royaume-Uni avaient introduit une série de hausses de prix
simultanées et uniformes et demandé à la Commission de vérifier l'existence d'une
éventuelle infraction aux règles communautaires de la concurrence. Afin d'assurer
la publicité de son initiative, la BPIF a publié un communiqué de presse. Le
contenu de ce communiqué a été relaté par la presse professionnelle spécialisée
dans le courant du mois de décembre 1990.
- 7.
- Le 12 décembre 1990, la Fédération française du cartonnage a également déposé
une plainte informelle auprès de la Commission, dans laquelle elle présentait des
observations relatives au marché français du carton en des termes analogues à ceux
de la plainte déposée par la BPIF.
- 8.
- Les 23 et 24 avril 1991, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article
14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier
règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après
«règlement n° 17»), ont procédé à des vérifications simultanées sans avertissement
préalable dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles
du secteur du carton.
- 9.
- A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de
renseignements et de documents au titre de l'article 11 du règlement n° 17 à tous
les destinataires de la décision.
- 10.
- Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de
renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les
entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins
(dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du
traité.
- 11.
- En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette
dernière disposition. Par lettre du 21 décembre 1992, elle a adressé une
communication des griefs à chacune des entreprises concernées. Toutes les
entreprises destinataires y ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à
être entendues oralement. Leur audition a eu lieu du 7 au 9 juin 1993.
- 12.
- Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les
dispositions suivantes:
«Article premier
Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard
the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH
& Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de
Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke
Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och
Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA,
Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper
& Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA
(anciennement Tampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont
enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:
dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990
au moins,
dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991
au moins,
dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,
dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu
desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:
se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et
institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun
de restriction de la concurrence,
ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour
chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,
ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et
uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,
se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux
fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,
ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures
concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire,
afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,
ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les
arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des
machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.
[...]
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions
constatées à l'article 1er:
[...]
xi) Mayr-Melnhof Karton Gesellschaft mbH, une amende de 21 000 000 d'écus;
[...]»
- 13.
- Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé
«Groupe d'étude de produit Carton» (ci-après «GEP Carton»), composé de
plusieurs groupes ou comités.
- 14.
- Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un «Presidents Working
Group» (ci-après «PWG») réunissant des représentants de haut niveau des
principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).
- 15.
- Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant
les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris
des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des
augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants.
- 16.
- Le PWG faisait rapport à la «President Conference» (ci-après «PC») à laquelle
participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux
des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période
en cause.
- 17.
- A la fin de l'année 1987 a été créé le «Joint Marketing Committee» (ci-après
«JMC»). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans
l'affirmative, comment des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre
et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées
par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système
de prix équivalent en Europe.
- 18.
- Enfin, le comité économique (ci-après «COE») débattait, notamment, des
fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et
faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au
prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de
directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait
plusieurs fois par an.
- 19.
- Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités
du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par
l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse).
Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides
des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation
des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les
données agrégées étaient envoyées aux participants.
- 20.
- La requérante Mayr-Melnhof Kartongesellschaft mbH (ci-après «Mayr-Melnhof»)
a participé, selon la décision, aux réunions des quatre organes du GEP Carton
susmentionnés, soit le PWG, la PC, le JMC et le COE.
- 21.
- Pendant toute la période couverte par la décision, les activités de gestion et de
commercialisation de Mayr-Melnhof et de FS-Karton, producteur de carton en
Allemagne acquis par elle en 1984, ont été complètement intégrées. Pour ce motif,
Mayr-Melnhof a été tenue pour responsable de la participation de FS-Karton à
l'entente (point 150 des considérants de la décision).
- 22.
- Mayr-Melnhof a également été considérée comme responsable de la participation
à l'infraction de sa filiale à 66 %, Deisswil, établie en Suisse, pour toute la durée
de l'infraction (même point des considérants). Elle a enfin été considérée comme
responsable de la participation à l'infraction de Mayr-Melnhof Eerbeek BV (ci-après «Eerbeek»), établie au Pays-Bas, qu'elle a acquise en septembre 1990. Sa
responsabilité pour le comportement d'Eerbeek a été retenue à partir du 1er janvier
1990, date à laquelle l'acquisition a pris effet.
Procédure
- 23.
- Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 octobre 1994, la requérante a
introduit le présent recours.
- 24.
- Seize des dix-huit autres entreprises tenues pour responsables de l'infraction ont
également introduit un recours contre la décision (affaires T-295/94, T-301/94,
T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94,
T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94).
- 25.
- La requérante dans l'affaire T-301/94, Laakmann Karton GmbH, s'est désistée de
son recours par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 1996, et l'affaire a
été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 18 juillet 1996, Laakmann
Karton/Commission (T-301/94, non publiée au Recueil).
- 26.
- Quatre entreprises finlandaises, membres du groupement professionnel Finnboard
et, à ce titre, tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende
infligée à celui-ci, ont également introduit des recours contre la décision (affaires
jointes T-339/94, T-340/94, T-341/94 et T-342/94).
- 27.
- Enfin, un recours a été introduit par une association CEPI-Cartonboard, non
destinataire de la décision. Cependant, celle-ci s'est désistée par lettre déposée au
greffe du Tribunal le 8 janvier 1997, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal
par ordonnance du 6 mars 1997, CEPI-Cartonboard/Commission (T-312/94, non
publiée au Recueil).
- 28.
- Par lettre du 5 février 1997, le Tribunal a invité les parties à participer à une
réunion informelle, notamment en vue de présenter leurs observations sur la
jonction éventuelle des affaires T-295/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94,
T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94,
T-348/94, T-352/94 et T-354/94 aux fins de la procédure orale. Lors de cette
réunion, qui a eu lieu le 29 avril 1997, les parties ont accepté une telle jonction.
- 29.
- Par ordonnance du 4 juin 1997, le président de la troisième chambre élargie du
Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de
leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure, et a
accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans
l'affaire T-334/94.
- 30.
- Par ordonnance du 20 juin 1997, il a accueilli une demande de traitement
confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-337/94 relativement à un
document produit en réponse à une question par écrit du Tribunal.
- 31.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé
d'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure en
demandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produire
certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.
- 32.
- Les parties dans les affaires mentionnées au point 28 ont été entendues en leurs
plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui
s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997.
Conclusions des parties
- 33.
- La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler l'article 1er de la décision;
annuler l'article 2 de la décision;
annuler l'article 3 de la décision ou réduire le montant de l'amende fixé par
cette disposition;
condamner la Commission aux dépens.
- 34.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours;
condamner la requérante aux dépens.
Sur la demande d'annulation de l'article 1er de la décision
A Sur les moyens tirés de la violation des formes substantielles
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité
Arguments des parties
- 35.
- La requérante rappelle que l'obligation de motivation a pour but de protéger les
justiciables et de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle
juridictionnel (arrêt de la Cour du 20 mars 1959, Nold/Haute Autorité, 18/57, Rec.
p. 89). La Commission serait tenue de mentionner, en particulier, les éléments de
fait et de droit qui l'ont amenée à prendre sa décision et dont dépend la
justification légale de celle-ci.
- 36.
- En outre, elle ne pourrait s'abstenir de répondre qu'à ceux des arguments des
destinataires de la décision qui lui semblent dénués de tout fondement (arrêt du
Tribunal du 10 mars 1992, Chemie Linz/Commission, T-15/89, Rec. p. II-1275, point
328). En l'espèce, elle aurait enfreint ce principe, car elle aurait omis de répondre
à plusieurs des arguments principaux de la requérante.
- 37.
- Elle aurait, pour l'essentiel, ignoré l'argumentation selon laquelle les prétendus
accords et pratiques concertées n'avaient pas eu de répercussions sensibles sur la
situation du marché. Cette argumentation aurait été fondée sur une étude
approfondie, le rapport de London Economics (ci-après «rapport LE»). La
décision (point 115 des considérants) n'apporterait aucune réponse aux thèses
avancées dans ce rapport.
- 38.
- De plus, la Commission aurait omis d'examiner les particularités du marché telles
qu'exposées par la requérante tant dans sa réponse à la communication des griefs
que lors de l'audition devant la Commission. Les augmentations régulières des
tarifs, qui constitueraient un usage dans le secteur, ne seraient mentionnées dans
la décision que comme un élément de fait contribuant à prouver l'existence de la
prétendue entente (points 18 à 20 des considérants). Par cette manière de
procéder, la Commission aurait omis, en violation de l'article 190 du traité, de
prendre position sur les explications de la requérante.
- 39.
- Enfin, la Commission aurait retenu une définition erronée du bénéfice.
- 40.
- La partie défenderesse rappelle qu'une décision est suffisamment motivée
lorsqu'elle mentionne les éléments de fait et de droit dont dépend la justification
légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision
(arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T-3/89, Rec.
p. II-1177, point 222). Ces exigences seraient pleinement satisfaites en l'espèce.
- 41.
- Elle soutient avoir pris position sur le rapport LE non seulement au point 115 des
considérants de la décision, mais également aux points 16, 21 et 101 des
considérants. La décision contiendrait également une description approfondie du
marché du carton (points 6 à 21 des considérants). En particulier, la Commission
aurait examiné tant les besoins en investissements du marché (point 13 des
considérants) que l'habitude du secteur de procéder à des augmentations
simultanées des tarifs à certains moments de l'année (point 18 des considérants).
Appréciation du Tribunal
- 42.
- Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision
individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle
sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante
pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée
d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette
obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a
été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen
Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51). Si, en vertu de l'article 190
du traité, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit
dont dépend la justification légale de la décision et les considérations qui l'ont
amenée à prendre celle-ci, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait
et de droit qui ont été soulevés au cours de la procédure administrative (voir,
notamment, arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission,
209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 66).
- 43.
- En l'espèce, la décision contient une motivation détaillée des raisons pour
lesquelles la Commission a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'accueillir
l'argumentation de certaines entreprises, dont la requérante, selon laquelle
l'infraction constatée n'aurait pas eu d'effets sur le marché (voir, en particulier,
points 101, 102 et 115 des considérants de la décision). De même, les particularités
du marché invoquées par la requérante ont toutes été examinées dans la décision
(voir, notamment, points 13 et 18 des considérants).
- 44.
- Enfin, dans la mesure où l'argumentation de la requérante visant à contester
l'exactitude de l'appréciation portée par la Commission relativement au bénéfice
réalisé par les producteurs du secteur (voir ci-dessus point 39) relève de l'examen
du bien-fondé de la décision, elle est, dans le présent contexte, dénuée de
pertinence.
- 45.
- Le présent moyen doit donc être rejeté.
Sur le moyen tiré d'une violation des exigences de preuve du droit communautaire
- 46.
- La requérante fait valoir que la Commission a méconnu les exigences de preuve
du droit communautaire, dans la mesure où elle se serait fondée sur de simples
présomptions et suppositions et sur des théories empiriques imaginaires. En
particulier, la Commission aurait surestimé la valeur probante des déclarations de
Stora, compte tenu du fait que cette entreprise assumait, selon les propres dires de
la Commission, la responsabilité principale des prétendues infractions (point 46 des
considérants de la décision).
- 47.
- Cette argumentation de la requérante vise en réalité à contester l'appréciation de
la Commission des éléments de preuve invoqués dans la décision. Une telle
argumentation relevant de l'examen du bien-fondé de la décision, le présent moyen
doit être rejeté.
B Sur les moyens tirés de la violation de règles de fond
Sur le moyen tiré d'une absence d'accords en matière de prix
Arguments des parties
- 48.
- La requérante expose, tout d'abord, certaines particularités du marché du carton
qui seraient essentielles pour comprendre la manière dont se forment les tarifs et
les prix de transaction. Afin de pouvoir répercuter d'éventuelles augmentations des
prix du carton sur leurs clients, les transformateurs auraient toujours exigé que les
producteurs de carton fixassent leurs prix pour chaque semestre et que les
intentions des producteurs, relativement aux augmentations de prix, leur fussent
communiquées au moins deux mois à l'avance. Les transformateurs auraient exigé
que les éventuelles augmentations de prix du carton fussent de l'ordre d'au moins
5 %.
- 49.
- Les réunions entre les producteurs de carton n'auraient donc pas eu la signification
que la Commission leur attribue. En effet, les idées que les producteurs se seraient
faites quant au montant de chaque augmentation de prix auraient été influencées
par les augmentations de coûts qui les auraient tous touchés de façon plus ou
moins identique. Toutes les augmentations de prix auraient été absolument
nécessaires en raison des augmentations des coûts de production.
- 50.
- De plus, les producteurs n'auraient pas été obligés de se rallier à la décision
d'augmenter les prix d'un certain montant prise par un seul producteur. Cependant,
il serait habituel sur ce type de marché de biens de masse, plus ou moins
homogènes, de vendre à des tarifs uniformes, ce qui impliquerait que la
concurrence effective joue dans les négociations individuelles avec les clients.
- 51.
- La transparence des initiatives en matière de prix aurait été assurée par le marché
car, une fois les lettres d'annonce des augmentations de prix envoyées, les
producteurs auraient pu avoir connaissance des initiatives envisagées par d'autres
producteurs au cours du délai préalable suffisant exigé par les transformateurs,
ainsi que de la réaction des acheteurs avant de prendre eux-mêmes la décision de
s'y associer ou non. Elle ajoute que la Commission n'a pas soutenu qu'il existât des
restrictions de concurrence affectant les négociations individuelles en matière de
prix avec les acheteurs.
- 52.
- La Commission aurait omis de tenir compte du fait que la demande de carton est
exclusivement déterminée par la demande de biens à emballer. Dès lors, un
producteur déterminé ne pourrait même pas nécessairement gagner des parts de
marché au moyen d'une baisse de ses prix, étant donné que les transformateurs se
sont souvent adaptés aux qualités de carton de leur fournisseur habituel et qu'ils
peuvent l'amener, sans grandes difficultés, à baisser également ses prix.
- 53.
- Enfin, les lourds investissements nécessaires dans le secteur du carton n'auraient
pas été pris en considération de manière appropriée par la Commission.
- 54.
- La requérante fait valoir ensuite, que, selon la jurisprudence, il n'y a accord au sens
de l'article 85 du traité que lorsque les entreprises ont exprimé leur volonté
commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (arrêt Chemie
Linz/Commission, précité, point 301). Par conséquent, la notion d'accord
présupposerait intrinsèquement l'existence d'une obligation consistant en la volonté
effective des participants de se lier, obligation qui ne devrait pas nécessairement
être juridiquement contraignante. Pour constater l'existence d'un accord, il faudrait
au moins exiger que les intéressés assument une obligation morale de se comporter
d'une manière conforme à ce qu'ils ont convenu. Cependant, la Commission
n'aurait même pas affirmé, dans la décision, que les entreprises s'étaient engagées
en fait à adopter un comportement déterminé visant à restreindre la concurrence.
- 55.
- La requérante admet qu'elle a participé à des échanges d'informations sur les
augmentations de tarifs envisagées et que cet échange d'informations peut être
considéré comme une pratique concertée restreignant la concurrence. Toutefois,
les éléments de preuve invoqués par la Commission aux points 74 et suivants des
considérants de la décision n'établiraient pas l'existence d'accords. En particulier,
la deuxième déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs), sur
laquelle s'appuie la Commission, ne contiendrait aucun indice de l'existence de tels
accords. D'ailleurs, les déclarations de Stora n'auraient aucune valeur probante.
- 56.
- En outre, le fait que les producteurs aient procédé à des augmentations de prix
sensiblement uniformes, entrées en vigueur plus ou moins simultanément, ne
constituerait pas la preuve de l'existence d'accords contraignants en matière de
prix. Ces éléments ne refléteraient que les conditions particulières du marché en
cause.
- 57.
- Enfin, la requérante conteste l'existence d'un lien de causalité entre les discussions
sur les augmentations des tarifs et les augmentations des prix de transaction
observées sur le marché et elle conteste, par conséquent, que les augmentations
effectives de prix puissent être considérées comme démontrant l'existence d'accords
en matière de prix.
- 58.
- La Commission fait valoir qu'il ressort de la jurisprudence que, pour qu'il y ait
accord au sens de l'article 85, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé
leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée
(voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission,
T-7/89, Rec. p. II-1711, point 256).
- 59.
- Elle souligne avoir exposé en détail, aux points 72 à 90 des considérants de la
décision, les preuves démontrant la nature de l'infraction en cause. Selon ces
preuves, les fabricants de carton se seraient entendus à l'avance, dans le cadre du
PWG, sur l'ampleur de chaque augmentation de prix et se seraient mis d'accord sur
celui d'entre eux qui annoncerait le premier chacune des augmentations, sur la date
de cette annonce ainsi que sur les dates auxquelles les autres fabricants suivraient
en envoyant leurs propres lettres d'annonce des augmentations de prix (point 73
des considérants de la décision).
- 60.
- Dans ces conditions, l'argumentation de la requérante selon laquelle la périodicité
et la nature des annonces des augmentations de prix s'expliqueraient par les
souhaits des clients ne contredirait pas l'existence d'accords. Son argumentation
relative à la transparence du marché créée par les lettres d'annonce des
augmentations de prix et aux caractéristiques du marché ne serait pas non plus
pertinente, car il serait établi que les entreprises avaient convenu les augmentations
de prix à l'avance.
- 61.
- En outre, la Commission relève que la collusion sur les prix faisait partie d'un plan
global. En effet, dans un système d'accords aussi complexe, les différentes mesures
devraient être jugées dans leur ensemble, en fonction de l'objectif global de
l'entente (point 128 des considérants de la décision). Eu égard à la concrétisation
croissante des conventions, à la planification et à la réalisation commune des
initiatives en matière de prix et à l'accord sur les parts de marché et le contrôle des
volumes, la Commission maintient ses conclusions, exposées aux points 131 et 132
des considérants, selon lesquelles l'infraction devait être qualifiée de pratique
concertée dès le second semestre de 1986, et présentait, à partir de la fin de
l'année 1987, toutes les caractéristiques d'un véritable accord au sens de l'article
85 du traité.
- 62.
- Enfin, elle soutient que les augmentations de prix ont eu un effet sur les prix
effectivement pratiqués.
Appréciation du Tribunal
- 63.
- La requérante admet sa participation à une concertation sur les augmentations de
prix envisagées.
- 64.
- Selon la décision, les entreprises mentionnées à l'article 1er de celle-ci avaient fixé,
«dans le cadre d'un accord, des augmentations régulières des prix à appliquer sur
chaque marché national» (point 130, deuxième alinéa, troisième tiret, des
considérants). Comme cela a été rappelé par la Commission (ci-dessus point 61),
elle a considéré qu'un accord existait à partir de la fin de l'année 1987.
- 65.
- En vertu d'une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article
85, paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur
volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir,
notamment, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission,
41/69, Rec. p. 661, point 112, et Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 86,
et arrêt Hercules Chemicals/Commission, précité, point 256). Dans ces conditions,
il est sans pertinence d'examiner, contrairement à ce que soutient la requérante,
si les entreprises en cause se sont considérées tenues juridiquement,
factuellement ou moralement d'adopter le comportement convenu.
- 66.
- Il convient donc de vérifier si la Commission a prouvé que les entreprises
destinataires de la décision avaient exprimé leur volonté commune d'adopter, en
matière de prix, un comportement déterminé sur le marché.
- 67.
- Quant aux initiatives en matière de prix, Stora déclare notamment (annexe 39 à la
communication des griefs, points 27, 28 et 30):
«[...] en 1987, la capacité et la consommation étaient quasiment en équilibre. Cette
année-là, la capacité était supérieure de 5 % à la consommation. Cet écart (qui
était de loin inférieur à ce que l'industrie elle-même avait réalisé jusqu'alors) a
donné au PWG l'opportunité de trouver un accord sur des augmentations de prix
à compter de 1987 avec la quasi-certitude que ces augmentations seraient mises en
oeuvre avec succès. Lorsque cette opportunité s'est présentée, la préoccupation des
fabricants était de récupérer les pertes subies au cours des années précédentes.
Le PWG a considéré qu'il convenait de mettre en oeuvre une première
augmentation de 10 % en 1988. Cela représentait, par exemple, une augmentation
de 50 FF pour 100 kilogrammes pour les qualités GC et de 35 FF pour 100
kilogrammes de qualités GD sur le marché français. Des augmentations similaires
ont été mises en oeuvre dans d'autres pays. Par la suite, des augmentations ont été
acceptées à des taux similaires en termes absolus, ce qui réduisait donc la
proportion d'augmentation.
[...]
Le PWG discutait et se mettait d'accord sur l'identité du fabricant qui annoncerait,
en premier, chaque augmentation de prix et sur les dates auxquelles les autres
fabricants principaux annonceraient leurs augmentations. Le schéma n'était pas le
même à chaque fois.»
- 68.
- Elle ajoute (annexe 39 à la communication des griefs, points 13 et 14):
«[...] le JMC avait notamment pour objectif de procéder à une tarification
comparée pour certains gros clients et d'élaborer les modalités de la mise en
oeuvre pays par pays des décisions en matière de prix adoptées par le PWG tant
pour les qualités GC que pour les qualités GD.
Le JMC discutait, marché par marché, de la mise en oeuvre détaillée des décisions
en matière de prix adoptées par le PWG et en faisait le compte rendu à ce
dernier.»
- 69.
- Dès lors, selon Stora, les entreprises réunies au sein du PWG et du JMC
exprimaient leur volonté commune de procéder à des augmentations de prix
identiques et simultanées sur les différents marchés nationaux.
- 70.
- Les déclarations de Stora sont, sur ce point, étayées par plusieurs preuves
documentaires invoquées par la Commission aux points 74 et suivants des
considérants de la décision.
- 71.
- A cet égard, il suffit de se référer aux trois listes de prix mentionnées aux points
79, 80 et 83 des considérants de la décision. Les listes, obtenues par la Commission
auprès de Rena (annexes 110 et 111 à la communication des griefs) et auprès de
Finnboard (UK) Ltd, contiennent des indications, pour plusieurs types de carton
et pour plusieurs pays communautaires, sur les dates et les montants précis des
augmentations de prix mises en oeuvre par les entreprises en cause respectivementen avril 1989, en septembre/octobre 1989 et en avril 1990. Les indications
contenues dans les trois listes de prix correspondent, quant aux montants des
augmentations de prix et quant aux dates de leur mise en oeuvre, aux
comportements effectifs constatés des entreprises concernées sur le marché (voir
tableaux D, E et F annexés à la décision).
- 72.
- De plus, la Commission a obtenu auprès de Rena des notes manuscrites portant
sur une réunion du JMC du 6 septembre 1990 (annexe 118 à la communication des
griefs), qui contiennent notamment le passage suivant:
«Une augmentation de prix sera annoncée la semaine prochaine, en septembre.
France 40 FF
Pays-Bas 14
Allemagne 12 DM
Italie 80 LIT
Belgique 2,50 BFR
Suisse 9 FS
Royaume-Uni 40 UKL
Irlande 45 IRL
Toutes les qualités devraient faire l'objet de la même augmentation, GD, UD, GT,
GC, etc.
Une seule augmentation de prix par an.
Pour les livraisons à partir du 7 janvier.
Au plus tard le 31 janvier.
Lettre du 14 septembre avec augmentation de prix (Mayr-Melnhof).
19 septembre, envoi par Feldmühle de sa lettre.
Cascades avant fin septembre.
Tous doivent avoir envoyé leur lettre avant le 8 octobre.»
- 73.
- La requérante ne conteste pas que les trois listes de prix susmentionnées se
rapportent à une concertation en matière de prix, ni que l'annexe 118 à la
communication des griefs se rapporte à la réunion du JMC du 6 septembre 1990.
- 74.
- Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire d'examiner d'autres éléments de preuve,
le Tribunal considère que la Commission a prouvé que les entreprises ayant
participé aux réunions du PWG et du JMC avaient exprimé leur volonté commune
de procéder à des augmentations de prix uniformes et simultanées. La Commission
était donc en droit de qualifier d'accord les concours de volontés intervenus entre
la requérante et d'autres producteurs de carton sur les initiatives en matière de prix
à partir de la fin de l'année 1987.
- 75.
- Dans ces conditions, les arguments de la requérante tirés des prétendues
particularités du marché du carton, d'une part, et de l'absence de lien de causalité
entre les augmentations des tarifs et les augmentations des prix de transaction,
d'autre part, sont dénués de pertinence. En effet, à supposer même que les
affirmations factuelles avancées par la requérante dans le cadre de ces arguments
soient fondées, cela ne serait pas de nature à mettre en cause la qualification
d'accord de l'infraction commise par la requérante en matière de prix à partir de
la fin de l'année 1987.
- 76.
- Il convient donc de rejeter le présent moyen.
Sur le moyen tiré d'une absence d'accord et de pratique concertée relatifs à la
prétendue politique de «prix avant le tonnage»
Arguments des parties
- 77.
- Les arguments de la requérante se rangent en trois catégories.
- 78.
- En premier lieu, la requérante développe une argumentation sur l'absence d'accord
et de pratique concertée relatifs au maintien des parts de marché à un niveau
constant.
- 79.
- Elle soutient que les affirmations de la Commission relatives à la prétendue
concertation sur le «gel» des parts de marché des principaux producteurs de carton
sont uniquement fondées sur les déclarations de Stora et sur la note confidentielle,
datée du 28 décembre 1988, trouvée chez FS-Karton (annexe 73 à la
communication des griefs). Cependant, ces documents ne contiendraient aucune
information de nature à établir l'existence d'un accord ou d'une pratique concertée
ayant pour objet un «gel» des parts de marché.
- 80.
- L'annexe 73 à la communication des griefs ne serait qu'un rapport de situation
générale rédigé par le directeur commercial de FS-Karton et destiné à justifier,
auprès de la direction du groupe, la stagnation du chiffre d'affaires de FS-Karton.
A cet égard, il ressortirait de cette note que le directeur commercial avait émis des
réserves à l'égard de la nouvelle politique de vente du groupe, laquelle aurait
consisté à imposer aux filiales une discipline des prix absolue, même si cela devait
impliquer une diminution des volumes vendus. La note prouverait qu'une telle
décision avait été prise par la direction du groupe et qu'elle avait été imposée au
directeur commercial de FS-Karton. Ce dernier n'aurait d'ailleurs pas eu
connaissance du contenu des discussions menées au sein du GEP Carton.
- 81.
- Quant aux déclarations de Stora, elles ne contiendraient aucun élément de nature
à prouver l'existence du prétendu accord de base sur une politique dite de «prix
avant le tonnage». En effet, la deuxième déclaration de Stora n'évoquerait que des
«discussions» concernant les parts de marché (annexe 39 à la communication des
griefs, p. 4 et 11). De même, la troisième déclaration de Stora (annexe 43 à la
communication des griefs) se référerait à des «discussions» et à des
«understandings» (p. 1 et 2). En outre, il serait question non pas d'un accord de
base mais de plusieurs accords isolés fondés sur les chiffres de l'année précédente,
accords d'ailleurs non confirmés par d'autres documents. Stora n'aurait pas
employé le terme «accord» au sens particulier de l'article 85 du traité (voir ci-dessus points 54 et suivants), car elle aurait déclaré que les «accords» passés par
les producteurs n'étaient pas contraignants et n'étaient respectés que s'ils
satisfaisaient leur intérêt propre (annexe 39 à la communication des griefs, p. 4, et
point 59 des considérants de la décision).
- 82.
- De plus, la crédibilité des déclarations de Stora serait douteuse, étant donné que
la coopération de cette entreprise avec la Commission pourrait être expliquée par
des discussions sur le montant de la réduction de l'amende accordée en guise de
contrepartie.
- 83.
- Enfin, la note manuscrite du 11 janvier 1990 trouvée chez le directeur des ventes
de FS-Karton (annexe 113 à la communication des griefs, points 84 à 86 des
considérants de la décision) aurait été rédigée pour préparer un rapport interne
destiné à la direction de Mayr-Melnhof et les renseignements qui y sont contenus
seraient fondés sur des suppositions personnelles du directeur ainsi que sur des
informations obtenues lors de discussions avec des collègues et des clients. Les
autres documents mentionnés par la Commission ne viendraient pas au soutien de
ses allégations.
- 84.
- En second lieu, la requérante tire argument de l'évolution de ses parts de marché.
Elle relève à cet égard que l'augmentation des capacités de FS-Karton de 200 000
tonnes/an en 1990 atteste que son intention était d'accroître sa part de marché sur
le territoire où elle avait ses principaux débouchés, à savoir le marché
communautaire. Le fait qu'elle ait exporté vers des marchés non communautaires
n'aurait rien à voir avec un contrôle effectif de l'offre mais correspondrait aux
règles élémentaires d'un comportement conforme aux données du marché. En effet,
la politique de «prix avant le tonnage» qu'elle avait menée aurait été fondée sur
une décision autonome visant à ne pas provoquer un effondrement général des prix
sur le marché communautaire.
- 85.
- En outre, les parts de marché des différents producteurs, y compris les siennes,
auraient également évolué. Elle conteste l'analyse de la Commission selon laquelle
les fluctuations des parts de marché s'expliquaient par le fait que les parts de
marché n'étaient pas figées mais périodiquement adaptées et renégociées et que
les discussions sur les parts de marché reprenaient chaque année sur une nouvelle
base. En effet, il n'existerait aucune preuve de ces affirmations ni de l'affirmation
de la Commission selon laquelle les producteurs accroissant leur part de marché
avaient été rappelés à l'ordre.
- 86.
- En troisième lieu, la requérante développe une argumentation relative aux temps
d'arrêt et à l'évolution des volumes de production.
- 87.
- Tout d'abord, la Commission n'aurait pas tenu dûment compte du fait que le
marché européen du carton est un marché d'acheteurs. Elle évoque, dans ce
contexte, les caractéristiques des relations entre les producteurs et leurs clients.
- 88.
- Ensuite, elle allègue que la Commission n'a pas fourni la moindre preuve d'un
arrangement entre les grands fabricants sur les temps d'arrêt. Ces allégations ne
reposeraient que sur quelques vagues insinuations contenues dans la deuxième
déclaration de Stora. En outre, la Commission n'aurait jamais répondu à son
argument selon lequel elle avait toujours utilisé au maximum ses capacités de
production, argument pourtant corroboré par un tableau sur l'utilisation de ses
capacités, annexé à sa requête. Les temps d'arrêt effectifs des machines constatés
en 1990 dans les usines du groupe Mayr-Melnhof auraient été justifiés par la mise
en service d'une nouvelle machine, des travaux d'entretien, des essais et des travaux
de transformation.
- 89.
- En réponse à l'argumentation de la requérante, la Commission se réfère, pour
l'essentiel, aux constatations contenues dans la décision au sujet de la politique de
«prix avant le tonnage» (points 51 à 60 des considérants). Elle renvoie aussi à la
deuxième déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs, en
particulier p. 3, 12, 14 et 15).
- 90.
- En ce qui concerne plus particulièrement le «gel» des parts de marché existantes
des principaux fabricants, elle fait valoir qu'il s'agissait d'un élément nécessaire de
la politique de «prix avant le tonnage» visant à contrôler la politique effectivement
menée par les membres de l'entente en matière de quantités. La preuve de
l'existence d'une concertation relative au «gel» des parts de marché serait apportée
notamment par la note confidentielle trouvée chez FS-Karton (annexe 73 à la
communication des griefs). Au surplus, elle rappelle que la décision mentionne
toute une série d'autres éléments de preuve dont Mayr-Melnhof ne fait aucune
mention et qui corroborent très exactement les indications contenues dans la
deuxième déclaration de Stora ainsi que dans la note confidentielle de FS-Karton
(voir points 84, 87, 94 et 95 des considérants de la décision ainsi que les documents
qui y sont discutés).
- 91.
- S'agissant des déclarations de Stora, la Commission répète qu'un concours de
volontés en vue d'un comportement futur sur le marché constitue une infraction à
l'article 85 du traité. Ces déclarations seraient corroborées sur tous les points
importants par d'autres documents et il n'y aurait, par conséquent, pas lieu de
douter de leur crédibilité. Par ailleurs, elle conteste avoir eu un accord avec Stora
au sujet du niveau de l'amende et de la réduction à espérer en raison de sa
coopération.
- 92.
- Quant à l'augmentation des capacités de la requérante, la Commission souligne que
la consommation de carton en Europe occidentale a augmenté de 18,6 % entre
1987 et 1990, ce qui signifierait qu'une certaine augmentation des capacités du
secteur était indispensable pour satisfaire à l'augmentation de la demande.
Toutefois, ce développement des capacités, notamment du fait de la mise en
service d'une nouvelle machine chez FS-Karton, ne se serait pas nécessairement
accompagné d'un glissement des parts de marché.
- 93.
- Rien ne permettrait d'établir que la production résultant des capacités
nouvellement créées chez FS-Karton ait été écoulée sur le marché communautaire.
Selon les documents fournis par la requérante, d'une part, sa part de marchén'aurait augmenté, entre 1987 et 1991, que de 0,6 % pour les qualités GD et de
0,3 % pour les qualités GC et, d'autre part, la nouvelle capacité créée chez FS-Karton n'aurait entraîné aucune augmentation de ses parts de marché. La
Commission affirme que la requérante a, ainsi qu'elle l'admettrait elle-même,
procédé à des exportations vers des pays tiers afin d'éviter une chute des prix sur
le marché communautaire, ce qui correspondrait exactement aux objectifs suivis par
la politique de «prix avant le tonnage».
- 94.
- Par ailleurs, même une augmentation des parts de marché de la requérante
n'excuserait pas sa participation à des conversations au cours desquelles les parts
de marché des principaux fabricants de carton étaient déterminées chaque année
(point 60 des considérants de la décision).
- 95.
- Enfin, en ce qui concerne les arrêts de la production, la Commission soutient que
les documents produits par la requérante durant la procédure contentieuse
attestent que, notamment en 1990, le taux d'utilisation de certaines usines avait
considérablement diminué par rapport à celui des années précédentes et que, en
1991, le taux d'utilisation de l'usine de Hirschwang avait également
considérablement diminué par rapport aux années précédentes.
- 96.
- Il serait en tout état de cause sans pertinence de savoir si la requérante avait
effectivement produit au maximum de sa capacité. Étant donné, d'une part, qu'il
se serait agi d'un système d'accords complexe visant notamment au contrôle de
l'offre et à la répartition des marchés dans la Communauté et, d'autre part, que la
requérante aurait participé aux réunions du PWG au cours desquelles la politique
en cause avait été déterminée, la requérante serait responsable de l'ensemble de
l'infraction commise par les fabricants (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992,
ICI/Commission, T-13/89, Rec. p. II-1021, points 256 à 261 et 305, et Hercules
Chemicals/Commission, précité, point 272).
Appréciation du Tribunal
1. Sur l'existence d'une concertation visant à geler les parts de marché et d'une
concertation visant à contrôler l'offre
- 97.
- Aux termes de l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition
ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, durant la période
de référence, à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les
fournisseurs de carton de la Communauté «se sont entendus pour maintenir les
parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des
modifications occasionnelles», et «ont pris, de plus en plus fréquemment à partir
de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du
marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations
de prix concertées».
- 98.
- D'après la Commission, ces deux catégories de collusion, appréhendées dans la
décision sous le titre «régulation des volumes», ont été initiées durant la période
de référence par les participants aux réunions du PWG. En effet, il ressort du point
37, troisième alinéa, des considérants de la décision que la véritable tâche du PWG,
telle que décrite par Stora, «consistait notamment dans 'la discussion et la
concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les
hausses de prix et les capacités».
- 99.
- Quant au rôle du PWG en ce qui concerne la collusion sur les parts de marché, la
décision (point 37, cinquième alinéa, des considérants) relève: «En corrélation avec
les mesures relatives aux augmentations de prix, le PWG a débattu de manière
approfondie des parts du marché d'Europe occidentale détenues par les
groupements nationaux et les groupes de fabricants individuels. Il en est résulté
certains 'arrangements entre les participants concernant leurs parts respectives
du marché, l'objectif étant d'éviter que les initiatives concertées en matière de prix
soient compromises par un excédent d'offre. En fait, les grands groupes de
fabricants ont convenu de maintenir leur part du marché au niveau correspondant
aux chiffres de vente et de production communiqués chaque année et publiés sous
leur forme définitive par la Fides au mois de mars de l'année suivante. Les
évolutions des parts du marché étaient analysées à chaque réunion du PWG sur la
base des résultats mensuels de la Fides et, en cas de variations importantes, des
explications étaient demandées à l'entreprise présumée responsable.»
- 100.
- Selon le point 52 des considérants, «l'accord conclu au sein du PWG en 1987
prévoyait le 'gel au niveau existant des parts de marché détenues par les
principaux producteurs en Europe occidentale, ainsi que l'absence de toute
tentative d'acquérir de nouveaux clients ou d'améliorer leur position existante par
une politique agressive en matière de prix».
- 101.
- Le point 56, premier alinéa, des considérants souligne: «L'accord de base conclu
entre les principaux producteurs pour le maintien de leurs parts respectives de
marché a continué d'être appliqué pendant toute la période couverte par la
présente décision.» Selon le point 57, «'l'évolution des parts de marché était
examinée à chaque réunion du PWG sur la base des statistiques provisoires».
Enfin, le point 56, dernier alinéa, souligne: «Les entreprises qui participaient aux
discussions sur les parts du marché étaient les membres du PWG, à savoir:
Cascades, Finnboard, KNP (jusqu'en 1988), [Mayr-Melnhof], MoDo, Sarrió, les
deux producteurs du groupe Stora, CBC et Feldmühle, et (à partir de 1988) Weig.»
- 102.
- Il y a lieu de considérer que la Commission a correctement établi l'existence d'une
collusion sur les parts de marché entre les participants aux réunions du PWG.
- 103.
- En effet, l'analyse de la Commission repose essentiellement sur les déclarations de
Stora (annexes 39 et 43 à la communication des griefs) et se trouve confortée par
l'annexe 73 à la communication des griefs.
- 104.
- Dans l'annexe 39 à la communication des griefs, Stora explique: «Le PWG s'est
réuni à partir de 1986 afin de contribuer à réguler le marché. [...] Entre autres
activités (légitimes), il avait pour objet la discussion et la concertation concernant
les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les hausses de prix, la demande
et les capacités. Son rôle consistait notamment à évaluer l'état précis de l'offre et
de la demande sur le marché ainsi que les mesures à prendre pour le réguler, et
à présenter cette évaluation à la President Conference.»
- 105.
- S'agissant plus spécifiquement de la collusion sur les parts de marché, Stora indique
que «les parts acquises par les groupes nationaux de la Communauté européenne,
de l'AELE et d'autres pays fournis par les membres du GEP Carton étaient
examinées au sein du PWG» et que le PWG «discutait de la possibilité de
maintenir les parts de marché à leur niveau de l'année précédente» (annexe 39 à
la communication des griefs, point 19). Elle signale par ailleurs (même document,
point 6) que des «discussions relatives aux parts de marché des fabricants en
Europe ont également eu lieu au cours de cette période, la première période de
référence étant les niveaux de 1987».
- 106.
- Dans sa réponse à une demande de la Commission du 23 décembre 1991 envoyée
le 14 février 1992 (annexe 43 à la communication des griefs), Stora précise encore:
«Les ententes sur les niveaux de part de marché conclues par les membres du
PWG concernaient l'Europe dans son ensemble. Ces ententes étaient basées sur
les chiffres annuels totaux de l'année antérieure, lesquels étaient habituellement
disponibles de façon définitive dès le mois de mars de l'année suivante.» (Point
1.1.)
- 107.
- Cette affirmation est confirmée dans le même document en ces termes: «[...] les
discussions débouchaient sur des ententes, conclues en règle générale en mars de
chaque année, entre les membres du PWG avec pour objectif le maintien de leurs
parts de marché au niveau de l'année précédente.» (Point 1.4.) Stora révèle
qu'«aucune mesure n'était prise pour assurer le respect des ententes» et que les
participants aux réunions du PWG «étaient conscients que, s'ils prenaient des
positions exceptionnelles sur certains marchés fournis par d'autres, ces derniers
feraient la même chose sur d'autres marchés» (même point).
- 108.
- Enfin, elle déclare que Mayr-Melnhof a pris part aux discussions relatives aux parts
de marché (point 1.2).
- 109.
- Les affirmations de Stora concernant la collusion sur les parts de marché sont
étayées par l'annexe 73 à la communication des griefs. Ce document trouvé chez
FS-Karton est une note confidentielle datée du 28 décembre 1988 adressée par le
directeur commercial responsable des ventes du groupe Mayr-Melnhof/FS-Karton
en Allemagne (M. Katzner) au directeur général de Mayr-Melnhof en Autriche (M.
Gröller) et ayant pour objet la situation du marché.
- 110.
- Selon ce document, cité aux points 53 à 55 des considérants de la décision, la
coopération plus étroite au sein du «cercle des présidents» («Präsidentenkreis»),
décidée en 1987, a fait des «gagnants» et des «perdants». L'auteur de la note
classe la requérante dans la catégorie des perdants pour diverses raisons,
notamment les suivantes:
«2) Un accord n'a pu être conclu qu'en nous infligeant une 'sanction on a
exigé de nous que nous fassions des 'sacrifices.
3) Les parts de marché de 1987 devaient être 'gelées, les contacts existants
devaient être maintenus et aucune activité ou qualité nouvelles ne devaient
être conquises en pratiquant des prix promotionnels (le résultat sera visible
en janvier 1989 si toutes les parties prenantes sont loyales).»
- 111.
- Ces phrases doivent être lues dans le contexte plus général de la note.
- 112.
- A cet égard, l'auteur de celle-ci évoque, en guise d'introduction, la coopération plus
étroite à l'échelle européenne au sein du «cercle des présidents». Cette expression
a été interprétée par la requérante comme visant à la fois le PWG et la PC dans
un contexte général, c'est-à-dire sans référence à un événement ou à une réunion
particulière (annexe 75 à la communication des griefs, point 2.a).
- 113.
- L'auteur indique ensuite que cette coopération a conduit à la «discipline des prix»,
laquelle a fait des «gagnants» et des «perdants».
- 114.
- C'est donc dans le contexte de cette discipline décidée par le «cercle des
présidents» qu'il y a lieu de comprendre l'expression se rapportant aux parts de
marché devant être gelées aux niveaux de 1987.
- 115.
- En outre, le renvoi à 1987 comme année de référence est conforme à la deuxième
déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs; voir point 105 ci-dessus).
- 116.
- Quant au rôle joué par le PWG dans la collusion sur le contrôle de
l'approvisionnement, que caractérisait l'examen des temps d'arrêt des machines, la
décision énonce que le PWG a joué un rôle déterminant dans la mise en oeuvre
des temps d'arrêt lorsque, à partir de 1990, la capacité de production s'est accrue
et que la demande a décliné: «[...] au début de 1990, les principaux fabricants [...]
ont jugé utile de se concerter dans le cadre du PWG sur la nécessité d'appliquer
des temps d'arrêt. Les grands producteurs ont reconnu qu'ils ne pouvaient accroître
la demande en réduisant les prix et que maintenir la production à pleine capacité
ne ferait que faire baisser les prix. En théorie, les temps d'arrêt nécessaires pourrétablir l'équilibre entre l'offre et la demande pouvaient être calculés sur la base
des rapports concernant les capacités [...]» (Point 70 des considérants de la
décision.)
- 117.
- La décision relève en outre: «Le PWG n'indiquait cependant pas formellement le
temps d'arrêt à respecter par chaque producteur. Selon Stora, l'établissement d'un
plan coordonné d'arrêt des machines couvrant tous les producteurs soulevait des
difficultés d'ordre pratique. Stora indique que c'est la raison pour laquelle il
n'existait qu''un système relâché d'encouragement.» (Point 71 des considérants
de la décision.)
- 118.
- Il y a lieu de considérer que la Commission a suffisamment établi l'existence d'une
collusion sur les temps d'arrêt de la production entre les participants aux réunions
du PWG.
- 119.
- Les pièces qu'elle produit soutiennent son analyse.
- 120.
- Dans sa deuxième déclaration (annexe 39 à la communication des griefs, point 24),
Stora explique: «Avec l'adoption, par le PWG, de la politique du prix avant le
tonnage et la mise en oeuvre progressive d'un système de prix équivalents à partir
de 1988, les membres du PWG ont reconnu qu'il était nécessaire de respecter des
temps d'arrêt en vue de maintenir ces prix face à une croissance réduite de la
demande. Faute pour les fabricants d'appliquer des temps d'arrêt, il leur aurait été
impossible de maintenir les niveaux de prix convenus face à une capacité
excédentaire croissante.»
- 121.
- Au point suivant de sa déclaration, elle ajoute: «En 1988 et 1989, l'industrie
pouvait fonctionner pratiquement à pleine capacité. Les temps d'arrêt autres que
la fermeture normale pour les réparations et les vacances sont devenus nécessaires
à partir de 1990. [...] Par la suite, il s'est avéré nécessaire de pratiquer des temps
d'arrêt lorsque le flot de commandes s'arrêtait afin de maintenir la politique du prix
avant le tonnage. Les temps d'arrêt à respecter par les producteurs (pour assurer
le maintien de l'équilibre entre la production et la consommation) pouvaient être
calculés sur la base des rapports concernant les capacités. Le PWG n'indiquait pas
formellement le temps d'arrêt à respecter, bien qu'il existât un système relâché
d'encouragement [...]»
- 122.
- Quant à l'annexe 73 à la communication des griefs, les raisons fournies par l'auteur
pour expliquer qu'il considère la requérante comme «perdant» à l'époque de sa
rédaction constituent des éléments de preuve importants de l'existence d'une
collusion entre les participants aux réunions du PWG sur les temps d'arrêt.
- 123.
- En effet, l'auteur constate:
«4) C'est sur ce point que la conception des parties intéressées quant à l'objectif
poursuivi commence à diverger.
[...]
c) Toutes les forces de vente et agents européens ont été libérés de leur
budget en termes de volume et une politique de prix rigide, ne souffrant
quasiment aucune exception, a été suivie (nos collaborateurs n'ont souvent
pas compris notre changement d'attitude à l'égard du marché auparavant,
la seule exigence était celle du tonnage, alors que, désormais, seule compte
la discipline en matière de prix avec le risque d'un arrêt des machines).»
- 124.
- La requérante soutient, dans l'annexe 75 à la communication des griefs et dans ses
écritures devant le Tribunal (point 80 ci-dessus), que la note, et par conséquent le
passage ci-dessus reproduit, vise une situation interne à l'entreprise. Cependant,
analysé à la lumière du contexte plus général de la note, cet extrait traduit la mise
en oeuvre, au niveau des équipes commerciales, d'une politique rigoureuse arrêtée
au sein du «cercle des présidents». Le document doit donc être interprété comme
signifiant que les participants à la coopération plus étroite décidée en 1987, c'est-à-dire au moins les participants aux réunions du PWG, ont indéniablement mesuré
les conséquences de la politique arrêtée, dans l'hypothèse où celle-ci serait
appliquée avec rigueur.
- 125.
-
Le fait que des discussions relatives à l'examen des temps d'arrêt ont eu lieu entre
les fabricants lors de la préparation des augmentations de prix est corroboré,
notamment, par une note de Rena datée du 6 septembre 1990 (annexe 118 à la
communication des griefs), qui mentionne les montants des augmentations de prix
dans plusieurs pays, les dates des annonces futures de ces augmentations, ainsi que
l'état des commandes en carnet exprimé en jours de travail pour plusieurs
fabricants.
- 126.
- L'auteur du document note que certains fabricants prévoyaient des temps d'arrêt,
ce qu'il exprime par exemple de la manière suivante:
«Kopparfors 5-15 days
5/9 will stop for five days.»
- 127.
- La requérante, qui a participé à la réunion du JMC à laquelle se rapporte la note
(tableau 4 annexé à la décision), est mentionnée dans ce document à plusieurs
reprises. Notamment, la date à laquelle elle devait envoyer les lettres d'annonce des
augmentations de prix est indiquée. De plus, il est relaté ce qui suit:
«Deiswill 5 days (GC)
2.5 week for GD
plan to stop within 2 weeks step (?)»
- 128.
- Sur la base de ce qui précède, il doit être conclu que la Commission a prouvé à
suffisance de droit l'existence d'une collusion sur les parts de marché entre les
participants aux réunions du PWG ainsi que celle d'une collusion sur les temps
d'arrêt entre ces mêmes entreprises. Dans la mesure où il n'est pas contesté que
la requérante a participé aux réunions du PWG et où cette entreprise est
expressément mentionnée dans les principales preuves à charge (déclarations de
Stora et annexe 73 à la communication des griefs), la Commission a tenu à bon
droit la requérante pour responsable d'une participation à ces deux collusions.
- 129.
- Les critiques de la requérante formulées à l'encontre des déclarations de Stora, qui
visent à en contester la valeur probante, ne sont pas de nature à affaiblir cette
constatation.
- 130.
- En effet, il est constant que les déclarations de Stora émanent de l'une des
entreprises censées avoir participé à l'infraction alléguée et qu'elles comportent une
description détaillée de la nature des discussions menées au sein des organes du
GEP Carton, du but poursuivi par les entreprises regroupées au sein de celui-ci,
ainsi que de la participation desdites entreprises aux réunions de ses différents
organes. Or, dans la mesure où cet élément de preuve central est corroboré par
d'autres pièces du dossier, il constitue le soutien pertinent des affirmations de la
Commission.
- 131.
- Dès lors que la Commission a établi l'existence des deux collusions en cause, il n'est
pas nécessaire d'examiner les critiques formulées par la requérante à l'encontre de
l'annexe 113 à la communication des griefs.
2. Sur le comportement effectif de la requérante
- 132.
- Les arguments de la requérante selon lesquels son comportement effectif sur le
marché ne serait pas conciliable avec les affirmations de la Commission relatives
à l'existence des deux collusions contestées ne sauraient davantage être accueillis.
- 133.
- En premier lieu, l'existence de collusions entre les membres du PWG sur les deux
aspects de la «politique du prix avant le tonnage» ne saurait être confondue avec
la mise en oeuvre de celles-ci. En effet, les preuves fournies par la Commission ont
une telle valeur probante que des renseignements relatifs au comportement effectif
de la requérante sur le marché ne peuvent pas affecter les conclusions de la
Commission relatives à l'existence même de collusions sur les deux aspects de la
politique litigieuse. Tout au plus, les allégations de la requérante pourraient tendre
à démontrer que son comportement n'a pas suivi celui convenu entre les
entreprises réunies au sein du PWG.
- 134.
- En second lieu, les conclusions de la Commission ne sont pas contredites par les
renseignements fournis par la requérante. Il doit être souligné que la Commission
admet explicitement que la collusion sur les parts de marché n'impliquait «aucun
mécanisme officiel de sanction ou de compensation [...] pour renforcer l'accord sur
les parts de marché» et que les parts de marché de certains grands producteurs ont
faiblement augmenté d'année en année (voir, notamment, points 59 et 60 des
considérants de la décision). De plus, la Commission convient que, l'industrie ayant
tourné à pleine capacité jusqu'au début de 1990, pratiquement aucun temps d'arrêt
n'a été nécessaire jusqu'à cette date (point 70 des considérants de la décision).
- 135.
- En troisième lieu, il est de jurisprudence constante que le fait qu'une entreprise ne
se plie pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement
anticoncurrentiel n'est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait
de sa participation à l'entente, dès lors qu'elle ne s'est pas distanciée publiquement
du contenu des réunions (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995,
Tréfileurope/Commission, T-141/89, Rec. p. II-791, point 85). A supposer même
que le comportement sur le marché de la requérante n'ait pas été conforme au
comportement convenu, notamment si, comme elle le fait valoir, elle a pleinement
utilisé ses capacités de production au cours de l'année 1990, cela n'affecte donc en
rien sa responsabilité du chef d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
3. Sur la qualification juridique de la concertation visant à geler les parts de marché
et de la concertation visant à contrôler l'offre
- 136.
- Il conviendra de répondre à la question de la qualification juridique de la
concertation visant à geler les parts de marché et de la concertation visant à
contrôler l'offre dans le cadre du moyen tiré de l'absence de plan sectoriel commun
visant à restreindre la concurrence (ci-après points 137 et suivants).
Sur le moyen tiré d'une absence de plan sectoriel commun visant à restreindre la
concurrence
Arguments des parties
- 137.
- La requérante conteste que la Commission ait fourni la preuve de l'existence d'un
accord portant sur un plan sectoriel commun visant à restreindre la concurrence.
Elle s'appuie à cet égard, en substance, sur les arguments qu'elle a avancés dans
le cadre des deux moyens précédents.
- 138.
- En outre, le grief tiré de l'existence d'un tel plan ne permettrait pas d'établir en
quoi est censé consister le chef d'accusation tombant sous le coup de l'article 85,
paragraphe 1, du traité. D'après la requérante, il n'a pas été passé d'accord liant
les participants et les obligeant à suivre un plan sectoriel commun visant à
restreindre la concurrence (voir, sur la notion d'accord, ci-dessus points 54 et
suivants).
- 139.
- La Commission répond au présent moyen dans le cadre de son argumentation sur
le moyen tiré de l'absence d'accord en matière de prix (voir ci-dessus points 58 et
suivants).
Appréciation du Tribunal
- 140.
- Il a été constaté ci-dessus que les entreprises réunies au sein du PWG ont participé
à une collusion sur les parts de marché, à une collusion sur les temps d'arrêt et à
une collusion sur les prix.
- 141.
- L'article 1er de la décision dispose que les entreprises destinataires de la décision
ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, durant la période
pertinente, à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en
vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne se sont,notamment, «rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et
institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de
restriction de la concurrence».
- 142.
- Selon les motifs de la décision, «à partir de fin 1987, avec la concrétisation de la
collusion progressive des fabricants adhérant à la politique du 'prix avant le
tonnage, l'infraction a présenté toutes les caractéristiques d'un véritable accord au
sens de l'article 85» (point 131, premier alinéa, des considérants).
- 143.
- Il y a lieu de considérer que la Commission a correctement qualifié d'accord au
sens de l'article 85 du traité la coopération renforcée entre les participants aux
réunions du PWG à partir de la fin de l'année 1987. En effet, ces entreprises ont
exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière
déterminée (voir, notamment, arrêts cités ci-dessus au point 65). A cet égard, sur
la base de ce qui précède, il doit être constaté que ces entreprises ont exprimé leur
volonté commune de procéder à des augmentations de prix uniformes et
simultanées, de contrôler l'offre en procédant à l'examen des temps d'arrêt de la
production et de maintenir leurs parts de marché à des niveaux constants, avec des
modifications occasionnelles.
- 144.
- En ce qui concerne la période allant du milieu de l'année 1986 à la fin de l'année
1987, la Commission indique dans la décision (point 132 des considérants): «Si la
collusion entre les fabricants ne s'est probablement pas concrétisée par l'accord sur
le 'prix avant le tonnage avant fin 1987 environ, cela ne veut toutefois pas dire
que leur comportement au cours des dix-huit mois précédents ne tombe pas sous
le coup de l'article 85.» Dans la mesure où le début de la collusion sur les temps
d'arrêt et celui de la collusion sur les parts de marché doit être fixé à la fin de
l'année 1987, cette affirmation de la Commission ne peut viser que la collusion sur
les prix.
- 145.
- Or, la requérante ne contestant pas avoir participé à une pratique concertée en
matière de prix (point 55 ci-dessus), le bien-fondé de cette qualification ne doit pas
être examiné.
- 146.
- Aucun des arguments de la requérante n'étant retenu, le moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de la légalité du système d'échange d'informations de la Fides
Arguments des parties
- 147.
- La requérante fait valoir que la Commission a considéré à tort que le système
d'échange d'informations de la Fides constituait un élément essentiel de la mise en
oeuvre des prétendus accords sur les quotas et les quantités. En effet, les données
communiquées à la Fides dans le cadre du système d'échange d'informations
auraient été agrégées au niveau de chaque pays et elles n'auraient donc pas été de
nature à permettre le contrôle d'un quelconque accord ou comportement concerté.
- 148.
- Les données échangées sur les commandes en carnet, telles que traitées par la
Fides, n'auraient pu donner aux producteurs qu'un simple aperçu de la situation
de l'ensemble du marché. Quant aux données agrégées, qui n'auraient concerné
que des commandes déjà passées, leur échange n'aurait pas pu porter atteinte à la
concurrence. En revanche, il aurait servi de base pour les dispositions individuelles
des producteurs (arrêts des machines, ventes sur les marchés des pays tiers, etc.).
- 149.
- S'agissant des rapports concernant les capacités, ceux distribués par la Fides
n'auraient contenu, pour l'essentiel, que des données déjà connues sur le marché
et reprises dans des manuels disponibles et accessibles à tous.
- 150.
- La Commission relève que les informations échangées ont été utilisées pour
programmer un comportement concerté de l'ensemble du secteur en matière de
prix et de quantités (point 134 des considérants de la décision).
- 151.
- En outre, les informations sur les capacités combinées avec les informations
relatives aux commandes en carnet auraient permis aux fabricants de carton de
connaître le taux d'utilisation du secteur. Or, les informations relatives aux
commandes en carnet n'auraient pas été accessibles aux clients et une transparence
générale du marché n'aurait donc pas existé. De plus, pour apprécier l'importance
des rapports sur les capacités, il faudrait tenir compte de l'ensemble des données
échangées.
- 152.
- La Commission affirme qu'un échange d'informations mis en place à des fins de
concertation tombe en tant que tel sous le coup de l'article 85 du traité. Dès lors,
la question de savoir si les statistiques sur les commandes contenaient des données
individualisables n'aurait aucune pertinence.
Appréciation du Tribunal
- 153.
- Selon l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition ont
enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant à un accord et une
pratique concertée en vertu desquels les entreprises ont, notamment, «échangé des
informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les
commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les
mesures mentionnées», à savoir une collusion sur les prix, une collusion sur les
parts de marché et une collusion sur les temps d'arrêt.
- 154.
- Pour ce qui est du système d'échange d'informations de la Fides, la décision doit,
au vu de son dispositif et du point 134, troisième alinéa, des considérants, être
interprétée dans le sens que la Commission a considéré ce système comme
contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en tant que support de l'entente
constatée.
- 155.
- Le point 134, troisième alinéa, des considérants de la décision précise que le
système d'échange d'informations de la Fides «était un instrument essentiel pour:
surveiller l'évolution des parts de marché,
surveiller la situation de l'offre et de la demande pour maintenir la pleine
utilisation des capacités,
décider si des augmentations de prix concertées pouvaient être mises en
oeuvre,
déterminer les temps d'arrêt nécessaires».
- 156.
- Par ailleurs, il ressort de la décision que les statistiques de la Fides ont été
examinées et discutées dans le cadre du PWG. En effet, le point 57, premier alinéa,
des considérants, qui renvoie également au point 63 de ceux-ci, énonce:
«'L'évolution des parts de marché était examinée à chaque réunion du PWG sur
la base des statistiques provisoires.» De plus, le point 69, premier alinéa, des
considérants, précise: «En comparant l'état hebdomadaire des commandes en
carnet ('Weekly Order Backlog) et les capacités disponibles, le PWG était en
mesure d'évaluer l'état global de la demande dans l'industrie cartonnière.»
- 157.
- Il y a lieu de considérer que ces allégations de la Commission sont établies.
- 158.
- En premier lieu, la requérante ne conteste pas que les statistiques de la Fides ont
été discutées au sein du PWG.
- 159.
- En second lieu, la Commission a estimé à bon droit que les statistiques de la Fides
ont été utilisées, au sein de cet organe, d'une part, pour «surveiller l'évolution des
parts de marché» (point 134, troisième alinéa, premier tiret) et, d'autre part, pour
«surveiller la situation de l'offre et de la demande pour maintenir la pleine
utilisation des capacités» et «déterminer les temps d'arrêt nécessaires» (point 134,
troisième alinéa, deuxième et quatrième tirets).
- 160.
- En effet, quant à l'utilisation des statistiques de la Fides pour «surveiller l'évolution
des parts de marché», Stora a reconnu que «s'il ressortait de l'analyse des
statistiques que le niveau des ventes des groupes nationaux connaissait des écarts
trop importants, les membres du PWG [...] s'encourageaient réciproquement et
s'engageaient à limiter les fluctuations sur les marchés nationaux» (annexe 39 à la
communication des griefs, point 19).
- 161.
- De même, selon l'annexe 43 à la communication des griefs (point 1.1):
«Les fluctuations de l'offre sur les marchés nationaux étaient examinées et
discutées lors de chaque PWG (soit tous les deux ou trois mois) sur la base des
statistiques provisoires de la Fides [...] Ces statistiques étaient produites sur une
base mensuelle, le total étant calculé sur l'année civile et non sur une base du total
de l'année d'exploitation. Les fluctuations que les statistiques faisaient apparaître
ne reflétaient pas nécessairement de façon exacte la situation définitive de fin
d'année; d'où l'impossibilité de se fonder sur ces fluctuations avec certitude.
Il aurait été absurde pour les principaux fabricants représentés au PWG de discuter
en détail des parts de marché sur une base nationale puisque les fabricants
n'étaient pas en mesure de déterminer la destination finale de leurs livraisons.
[...]
Les ententes sur les niveaux de part de marché conclues par les membres du PWG
concernaient l'Europe dans son ensemble. Ces ententes étaient basées sur les
chiffres annuels totaux de l'année antérieure, lesquels étaient habituellement
disponibles de façon définitive dès le mois de mars de l'année suivante.»
- 162.
- Quant à l'utilisation des statistiques de la Fides pour «surveiller la situation de
l'offre et de la demande pour maintenir la pleine utilisation des capacités» et
«déterminer les temps d'arrêt nécessaires», il convient de se reporter à la
déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs, point 5), selon
laquelle:
«Liée à l'initiative en matière de prix de 1987, était la nécessité de maintenir un
quasi-équilibre entre la production et la consommation (politique du prix avant le
tonnage). En 1988 et 1989, les fabricants ont tourné à pleine capacité, ou presque.
En 1990, l'association d'une capacité accrue et d'une croissance réduite de la
demande a conduit les fabricants à commencer à pratiquer des temps d'arrêt dans
le but de préserver l'équilibre entre la production et la consommation. [...] Les
fabricants pouvaient déduire à partir des rapports annuels de capacité la durée du
temps d'arrêt nécessaire et s'encourager réciproquement à respecter un temps
d'arrêt suffisant pour maintenir l'équilibre entre la production et la demande. [...]
de tels temps d'arrêt n'étaient pas pratiqués par la totalité des fabricants, avec pour
conséquence que certains d'entre eux, généralement les plus importants, subissaient
proportionnellement plus de pertes en termes de tonnage dans leur tentative visant
à maintenir les niveaux de prix.» (Dans le même sens, point 25 du même
document.)
- 163.
- Les déclarations de Stora sont indirectement confortées par les annexes 73 et 75
à la communication des griefs. Il ressort en effet de l'annexe 73 (voir ci-dessus
points 109 et suivants) que le directeur commercial responsable des ventes du
groupe Mayr-Melnhof/FS-Karton en Allemagne (M. Katzner) a proposé au
directeur général de la requérante en Autriche une modification du système
d'échange d'informations de la Fides alors en vigueur [p. 5, sous 5) sous le titre
«Kontrolle»]. Ainsi que cela ressort de l'annexe 75 (p. 11), réponse de la
requérante à une demande d'informations, les «règles de la Fides ont été
ultérieurement modifiées plus ou moins dans le sens des propositions» mentionnées
dans l'annexe 73 (voir aussi point 63, second alinéa, des considérants de la
décision). Compte tenu de la tonalité générale de l'annexe 73, la demande de
modification du système d'échange d'informations de la Fides formulée par M.
Katzner doit être comprise comme signifiant que ce système ne permettait pas uncontrôle suffisant de l'évolution des parts de marché et/ou de l'examen des temps
d'arrêt et qu'il devait, par conséquent, être amélioré afin d'assurer un meilleur
contrôle.
- 164.
- Au vu des ces preuves, et compte tenu du fait que la Commission a considéré à
bon droit que la requérante a participé à une collusion sur les temps d'arrêt et à
une collusion sur les parts de marché au sein du PWG, il y a lieu de rejeter le
présent moyen.
Sur la demande d'annulation de l'article 2 de la décision
Arguments des parties
- 165.
- La requérante fait valoir à titre principal que, en ce qui concerne l'interdiction
concernant l'échange d'informations à l'avenir, l'article 2 de la décision est formulé
dans des termes trop imprécis et généraux pour que l'on puisse apprécier le type
de données qui pourront légalement être échangées à l'avenir. En effet, il
semblerait que presque tout système d'échange d'informations puisse être considéré
comme tombant sous le coup de cette interdiction.
- 166.
- En outre, l'article 2 de la décision serait sans objet dans la mesure où il concerne
des mesures qui ont été abandonnées avec la réorganisation du système d'échange
d'informations et la création de l'association CEPI-Cartonboard (voir point 106 des
considérants de la décision).
- 167.
- A titre subsidiaire, la requérante fait valoir que l'article 2 de la décision doit être
annulé dans la mesure où il interdit l'échange de toutes données, même agrégées,
relatives à l'état des entrées de commandes et aux commandes en carnet, c'est-à-dire de données purement statistiques [voir la communication de la Commission
relative aux accords, décisions et pratiques concertées concernant la coopération
entre entreprises (JO 1968, C 75, p. 3, rectificatif au JO 1968, C 84, p. 14) et le
Septième Rapport sur la politique de concurrence, point 7].
- 168.
- L'échange de telles informations ne porterait pourtant pas atteinte au principe
selon lequel tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la
politique qu'il entend suivre sur le marché (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991,
BASF/Commission, T-4/89, Rec. p. II-1523, point 240). En effet, l'échange de
données purement historiques et non individualisables ne serait contraire au traité
que lorsqu'il est accompagné d'une coopération plus poussée entre les entreprises.
- 169.
- Enfin, la requérante fait valoir que l'article 2 de la décision préjuge l'issue de la
notification du système d'échange d'informations faite par l'association CEPI-Cartonboard à la Commission. En présence d'une telle notification, la Commission
serait obligée de vérifier si les conditions d'une exemption sont réunies. Or, le
système d'échange d'informations notifié par CEPI-Cartonboard concernerait
précisément l'échange des données historiques relatives à l'état des entrées des
commandes et aux commandes en carnet.
- 170.
- La Commission conteste que l'interdiction relative à l'échange d'informations à
l'avenir soit trop imprécise. En effet, il suffirait que le dispositif et les motifs de la
décision indiquent le comportement anticoncurrentiel auquel il convient de mettre
fin (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à
48/73, 50/73, 54/73, 55/73, 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 122
à 124). En l'espèce, l'article 2, premier alinéa, sous a) à sous c), de la décision,
contiendrait déjà une description détaillée de la nature de l'échange d'informations
inadmissible. En outre, les constatations de fait relatives aux informations
échangées auraient été exposées de manière détaillée aux points 61 à 68, 105 et
106 des considérants de la décision. De surcroît, la décision contiendrait une
description précise des effets restrictifs que l'échange d'informations a produits sur
les conditions de concurrence (points 134 et 166 des considérants). Dès lors, la
portée de l'interdiction ressortirait clairement d'une lecture combinée de l'article
2 de la décision et des motifs de celle-ci.
- 171.
- Les deuxième et troisième alinéas de l'article 2 de la décision ne contiendraient que
des explications relatives à la forme que pourrait prendre un échange
d'informations admissible.
- 172.
- La Commission conteste également que l'interdiction ait une portée trop étendue.
En effet, le système d'échange d'informations aurait été incompatible avec l'article
85 du traité même après les modifications adoptées par le PWG le 27 novembre
1991 (points 105 et 106 des considérants de la décision). Pour apprécier l'échange
d'informations, il faudrait prendre en compte le degré élevé de concentration du
secteur ainsi que l'excellente connaissance de la structure et de la politique des
différentes entreprises résultant de l'ancienne coopération au sein du GEP Carton.
Sur des marchés concentrés, la réserve de concurrence résiderait principalement
dans l'incertitude et le secret qui existent entre les principaux offrants quant aux
conditions du marché. Or, l'échange d'informations sur les commandes en carnet
à intervalles rapprochés rendrait le marché artificiellement si transparent que la
réserve de concurrence qui subsiste ne pourrait plus, en fin de compte, être
mobilisée.
- 173.
- En outre, l'échange hebdomadaire de statistiques sur les entrées de commandes,
combiné avec les rapports sur les capacités, permettrait de connaître l'utilisation
des capacités dans le secteur et de programmer des arrêts de production au niveau
du secteur. Les fabricants pourraient ainsi maintenir un équilibre entre l'offre et
la demande et contrer une baisse des prix en cas de baisse de la demande. Pour
observer l'existence de ces effets, l'individualisation des données ne serait pas
pertinente, pas plus que ne le serait le fait que les données concernent les
commandes déjà passées. La Commission aurait donc conclu à juste titre qu'un
échange d'informations sur l'état des entrées des commandes ainsi que sur les
commandes en carnet, même sous forme agrégée, est contraire à l'article 85,
paragraphe 1, du traité, cette conclusion correspondant aux informations obtenues
au cours de l'instruction de l'affaire.
- 174.
- Enfin, en ce qui concerne le système d'échange d'informations notifié par
l'association CEPI-Cartonboard, la Commission rappelle qu'il est distinct de
l'échange d'informations ayant fait l'objet de la décision, CEPI-Cartonboard ayant
notamment apporté certaines modifications à son système afin de tenir compte des
réserves de la Commission. Dès lors, elle n'aurait pas eu à envisager la question
d'une éventuelle exemption dans le cadre de la présente procédure.
Appréciation du Tribunal
- 175.
- Il y a lieu de rappeler que l'article 2 de la décision dispose:
«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux
infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir,
dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou
pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire,
y compris tout échange d'informations commerciales:
a) par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement
de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux
d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de
commercialisation d'autres fabricants;
b) par lequel, même si aucune information individuelle n'est communiquée,
une réaction commune du secteur dans le domaine des prix ou un contrôle
de la production seraient promus, facilités ou encouragés
ou
c) qui permettrait aux entreprises concernées de suivre l'exécution ou le
respect de tout accord exprès ou tacite sur les prix ou le partage des
marchés dans la Communauté.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel
que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure non
seulement toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants
déterminés, mais aussi toutes données relatives à l'état des entrées de commandes
et des commandes en carnet, au taux prévu d'utilisation des capacités de
production (dans les deux cas, même si elles sont agrégées) ou à la capacité de
production de chaque machine.
Tout système d'échange de ce type sera limité à la collecte et à la diffusion, sous
une forme agrégée, de statistiques sur la production et les ventes qui ne puissent
être utilisées pour promouvoir ou faciliter un comportement commun du secteur.
Les entreprises s'abstiendront également de tout échange d'informations intéressant
la concurrence autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion ou contact
en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction possible
ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.
Un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision est
accordé pour procéder aux modifications nécessaires de tout système éventuel
d'échange d'informations.»
- 176.
- Ainsi que cela ressort du point 165 des considérants, l'article 2 de la décision a été
adopté en application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17. En vertu de
cette disposition, la Commission, lorsqu'elle constate une infraction, notamment,
aux dispositions de l'article 85 du traité, peut obliger par voie de décision les
entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée.
- 177.
- Il est de jurisprudence constante que l'application de l'article 3, paragraphe 1, du
règlement n° 17 peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités,
pratiques ou situations, dont l'illégalité a été constatée (arrêts de la Cour du 6 mars
1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73
et 7/73, Rec. p. 223, point 45, et du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission,
C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743, point 90), mais aussi celle d'adopter un
comportement futur similaire (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra
Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 220).
- 178.
- De plus, dans la mesure où l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement
n° 17 doit se faire en fonction de l'infraction constatée, la Commission a le pouvoir
de préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin
qu'il soit mis fin à ladite infraction. De telles obligations pesant sur les entreprises
ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire
pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard
des règles qui ont été méconnues (arrêt RTE et ITP/Commission, précité, point 93;
dans le même sens, voir arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Langnese-Iglo/Commission, T-7/93, Rec. p. II-1533, point 209, et Schöller/Commission, T-9/93,
Rec. p. II-1611, point 163).
- 179.
- En ce qui concerne d'abord l'argument de la requérante selon lequel la
Commission aurait commis une erreur de droit en adoptant l'article 2 de la décision
sans avoir pris position sur la compatibilité avec l'article 85 du système d'échange
d'informations notifié par l'association CEPI-Cartonboard, il convient de relever
que la notification faite par cette association le 6 décembre 1993 concernait un
nouveau système d'échange d'informations, distinct de celui examiné par la
Commission dans la décision. La Commission, en adoptant l'article 2 de la décision
attaquée, n'a par conséquent pas pu apprécier la légalité du nouveau système dans
le cadre de cette décision. Elle était dès lors en droit de se borner à examiner
l'ancien système d'échange d'informations et à prendre position sur celui-ci en
adoptant l'article 2 de la décision.
- 180.
- De plus, il convient de rejeter l'argument de la requérante selon lequel la
Commission ne saurait faire usage du pouvoir d'adresser des injonctions aux
entreprises en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, dans la
mesure où ces injonctions portent sur des aspects du système d'échanged'informations qui ont été abandonnés avant l'adoption de la décision. Il suffit, à
cet égard, de remarquer que la requérante conteste la portée matérielle des
injonctions contenues à l'article 2 de la décision, ce qui démontre l'intérêt légitime
qu'avait la Commission à préciser l'étendue des obligations qui incombent aux
entreprises, dont la requérante (voir, dans le même sens, arrêt de la Cour du 2
mars 1983, GVL/Commission, 7/82, Rec. p. 483, points 26 à 28).
- 181.
- Afin de vérifier ensuite si, comme le prétend la requérante, l'injonction contenue
à l'article 2 de la décision a une portée trop large, il convient d'examiner l'étendue
des diverses interdictions qu'il impose aux entreprises.
- 182.
- Quant à l'interdiction édictée à l'article 2, premier alinéa, deuxième phrase,
consistant pour les entreprises à s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique
concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou analogue à ceux des
infractions constatées à l'article 1er de la décision, elle vise uniquement à ce que les
entreprises soient empêchées de répéter les comportements dont l'illégalité a été
constatée. Par conséquent, la Commission, en adoptant une telle interdiction, n'a
pas outrepassé les pouvoirs que lui confère l'article 3 du règlement n° 17.
- 183.
- Quant à l'article 2, premier alinéa, sous a), sous b) et sous c), ses dispositions visent
plus spécifiquement des interdictions de futurs échanges d'informations
commerciales.
- 184.
- L'injonction contenue dans l'article 2, premier alinéa, sous a), qui interdit à l'avenir
tout échange d'informations commerciales permettant aux participants d'obtenir
directement ou indirectement des informations individuelles sur des entreprises
concurrentes, suppose que l'illégalité d'un échange d'informations d'une telle nature
au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité ait été constatée par la
Commission dans la décision.
- 185.
- A cet égard, il y a lieu de constater que l'article 1er de la décision n'énonce pas que
l'échange d'informations commerciales individuelles constitue en soi une violation
de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 186.
- Il dispose de manière plus générale que les entreprises ont enfreint cet article du
traité en participant à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les
entreprises ont, notamment, «échangé des informations commerciales sur les
livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux
d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus».
- 187.
- Cependant, le dispositif de la décision devant être interprété à la lumière de ses
motifs (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 122), il convient de
relever que le point 134, deuxième alinéa, des considérants de la décision indique:
«L'échange par les fabricants, lors de réunions du GEP Carton (essentiellement
celles du JMC), d'informations commerciales individuelles normalement
confidentielles et sensibles sur les commandes en carnet, les arrêts de machines et
les rythmes de production était à l'évidence contraire aux règles de concurrence,
puisqu'il avait pour but de rendre les conditions aussi propices que possible à la
mise en oeuvre des augmentations de prix.[...]»
- 188.
- Dès lors, la Commission ayant dûment considéré dans la décision que l'échange
d'informations commerciales individuelles constituait, en soi, une violation de
l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'interdiction future d'un tel échange
d'informations satisfait aux conditions requises pour l'application de l'article 3,
paragraphe 1, du règlement n° 17.
- 189.
- S'agissant des interdictions relatives aux échanges d'informations commerciales visés
à l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la décision, elles doivent être
examinées à la lumière des deuxième, troisième et quatrième alinéas de ce même
article, qui en étayent le contenu. C'est en effet dans ce contexte qu'il convient de
déterminer si et, dans l'affirmative, dans quelle mesure la Commission a considéré
comme illégaux les échanges en cause, dès lors que l'étendue des obligations pesant
sur les entreprises doit être limitée à ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité
de leurs comportements au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 190.
- La décision doit être interprétée en ce sens que la Commission a considéré le
système Fides comme contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en tant que
support de l'entente constatée (point 134, troisième alinéa, des considérants de la
décision). Une telle interprétation est corroborée par le libellé de l'article 1er de la
décision, duquel il ressort que les informations commerciales ont été échangées
entre les entreprises «afin de soutenir les mesures» considérées comme contraires
à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 191.
- C'est à la lumière de cette interprétation par la Commission de la compatibilité, en
l'espèce, du système Fides avec l'article 85 du traité que doit être appréciée
l'étendue des interdictions futures contenues à l'article 2, premier alinéa, sous b)
et sous c), de la décision.
- 192.
- A cet égard, d'une part les interdictions en cause ne sont pas limitées aux échanges
d'informations commerciales individuelles mais concernent aussi ceux de certaines
données statistiques agrégées [article 2, premier alinéa, sous b), et deuxième alinéa,
de la décision]. D'autre part, l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la
décision interdit l'échange de certaines informations statistiques afin de prévenir la
constitution d'un possible support de comportements anticoncurrentiels potentiels.
- 193.
- Une telle interdiction, en ce qu'elle vise à empêcher l'échange d'informations
purement statistiques n'ayant pas le caractère d'informations individuelles ou
individualisables, au motif que les informations échangées pourraient être utilisées
à des fins anticoncurrentielles, excède ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité
des comportements constatés. En effet, d'une part, il ne ressort pas de la décision
que la Commission ait considéré l'échange de données statistiques comme étant en
soi une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. D'autre part, le seul fait
qu'un système d'échange d'informations statistiques puisse être utilisé à des fins
anticoncurrentielles ne le rend pas contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité,
puisqu'il convient, dans de telles circonstances, d'en constater in concreto les effets
anticoncurrentiels.
- 194.
- En conséquence, l'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision doit être
annulé, sauf en ce qui concerne les passages suivants:
«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux
infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir,
dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou
pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire,
y compris tout échange d'informations commerciales:
a) par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement
de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux
d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de
commercialisation d'autres fabricants.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel
que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure toutes
données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés.»
Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant
A Sur le moyen tiré de l'existence d'erreurs manifestes de droit ou de fait lors de la
fixation du montant général des amendes
- 195.
- Le moyen se compose de cinq branches. Chacune fera l'objet d'un examen distinct.
Sur la première branche tirée d'erreurs commises par la Commission lors de la
détermination de la portée des infractions
- 196.
- Se référant aux moyens qu'elle a invoqués à l'appui de sa demande d'annulation
de l'article 1er de la décision, la requérante soutient que le niveau général des
amendes devrait être considérablement réduit. En effet, la Commission n'aurait pas
établi l'existence d'accords ou de pratiques concertées visant au partage du marché
et au contrôle de l'offre, ni l'existence d'accords en matière de prix.
- 197.
- Il y a lieu de rappeler que l'ensemble des moyens invoqués par la requérante à
l'appui de sa demande d'annulation de l'article 1er de la décision ont été rejetés.
- 198.
- Par conséquent, la première branche du présent moyen ne peut pas être retenue.
Sur la deuxième branche tirée de l'absence de régulation dans le détail du marché du
carton dans la Communauté
Arguments des parties
- 199.
- La requérante fait valoir que, à supposer même que les infractions alléguées aient
été commises, il ne s'agirait pas d'une régulation «dans le détail [du] marché du
carton dans la Communauté» (point 168, cinquième tiret, des considérants de la
décision). Les prétendues infractions n'auraient pu avoir, au contraire, qu'une
incidence très générale sur la concurrence.
- 200.
- Dans ce contexte, la décision contiendrait des indications contradictoires sur le
caractère des mesures anticoncurrentielles prétendument mises en oeuvre. Par
exemple, la prétendue collusion quant au partage du marché serait décrite, au point
52 des considérants, comme un consentement général de ne pas augmenter les
parts de marché respectives, alors qu'au point 60 il serait fait mention de
négociations annuelles sur les parts de marché. En tout état de cause, il ne s'agirait
pas d'une régulation détaillée du marché du carton, d'autant que la Commission
n'aurait même pas affirmé qu'il existait une concertation visant à établir des quotas
pour chaque qualité de carton.
- 201.
- La Commission maintient, sur la base des constatations contenues dans la décision,
que les producteurs ont régulé en détail le marché du carton.
Appréciation du Tribunal
- 202.
- Il a déjà été constaté que la Commission a établi l'existence, dans le chef de la
requérante, des éléments constitutifs de l'infraction constatée à l'article 1er de la
décision, soit une collusion sur les prix, une collusion sur les temps d'arrêts et une
collusion sur les parts de marché. Il a également été constaté que les participants
aux réunions du PWG, dont la requérante, ont conclu un accord à la fin de l'année
1987. De plus, la requérante ne conteste pas que les dates et l'ordre d'envoi des
lettres d'annonce des augmentations de prix étaient orchestrés par le PWG et que
le JMC en était informé (voir notamment point 73 des considérants de la décision),
ni que le JMC avait pour objet de définir les modalités des initiatives en matière
de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients (point 44,
deuxième alinéa, deuxième tiret, des considérants).
- 203.
- Enfin, la requérante ne conteste pas la constatation de la Commission selon
laquelle «l'entente couvrait quasiment tout le territoire de la Communauté», ni que
«les entreprises participant à l'infraction [couvraient] pratiquement tout le marché»(point 168, deuxième et quatrième tirets, des considérants de la décision).
- 204.
- Dans ces conditions, elle ne saurait valablement contester l'affirmation de la
Commission selon laquelle les entreprises participant à l'infraction avaient régulé
«dans le détail le marché du carton dans la Communauté» (point 168, cinquième
tiret, des considérants).
- 205.
- La deuxième branche du moyen ne saurait donc être accueillie.
Sur la troisième branche tirée de ce que le caractère secret et la dissimulation ne
sauraient être considérés comme des éléments aggravants de l'infraction
Arguments des parties
- 206.
- La requérante soutient que la Commission a considéré que le fait que des mesures
complexes ont été prises pour cacher la nature et la portée de la collusion
constituait un élément aggravant (points 167 et 168 des considérants de la
décision).
- 207.
- L'absence de comptes rendus officiels ou de documents concernant les réunions du
PWG et du JMC ne pourrait aucunement constituer une mesure complexe.
L'affirmation de la Commission selon laquelle des mesures auraient été prises afin
d'éviter la prise de notes par des participants aux réunions ne serait pas prouvée.
A les supposer prouvées, de telles mesures ne constitueraient pas non plus des
mesures complexes. En tout état de cause, la Commission ayant par ailleurs
considéré à tort que les infractions avaient été commises de propos délibéré, elle
n'aurait pu prendre également en considération les prétendues mesures destinées
à cacher l'entente.
- 208.
- Quant à la prétendue orchestration à l'avance des dates d'entrée en vigueur des
augmentations de prix, la requérante souligne que la concertation en matière de
prix a nécessairement impliqué une concertation relative à la mise en oeuvre des
augmentations de prix, au moins en ce qui concerne les «chefs de file». La
Commission ayant considéré que les infractions avaient été commises de propos
délibéré, elle n'aurait pu prendre également en compte les éléments présentant un
lien nécessaire avec la violation intentionnelle.
- 209.
- La Commission prétend qu'elle était en droit de considérer que la pratique du
secret devait être prise en compte afin d'apprécier la gravité de l'infraction. En
effet, des infractions intentionnelles aux règles de la concurrence ne seraient pas
nécessairement accompagnées de mesures de dissimulation. En l'espèce, les
participants à l'entente ne se seraient pas seulement mis d'accord pour ne pas
conserver de notes des discussions menées (procès-verbal de l'audition devant la
Commission, p. 46), mais auraient aussi minutieusement programmé le déroulement
des différentes initiatives en matière de prix (point 73 des considérants de la
décision). La Commission aurait donc correctement estimé que la pratique du
secret constituait un aspect aggravant de l'infraction à prendre en compte pour le
calcul des amendes.
Appréciation du Tribunal
- 210.
- Aux termes du point 167, troisième alinéa, des considérants de la décision, «l'un
des aspects les plus graves de [l'infraction] est que, pour tenter de dissimuler
l'existence de l'entente, les entreprises ont été jusqu'à orchestrer à l'avance la date
et la séquence des différentes annonces de nouvelles augmentations de prix par
chacun des principaux fabricants». La décision relève en outre que «les fabricants
auraient pu, grâce à cette duperie élaborée, attribuer les séries d'augmentations des
prix uniformes, régulières et touchant l'ensemble du secteur au phénomène du
'comportement en situation oligopolistique» (point 73, troisième alinéa, des
considérants). Enfin, selon le point 168, sixième tiret, des considérants, la
Commission a déterminé le niveau général des amendes en tenant compte du fait
que «des mesures complexes ont été prises pour cacher la véritable nature et la
portée de la collusion (absence de compte rendu officiel ou de documentation
concernant les réunions du PWG et du JMC; les participants étaient dissuadés de
prendre des notes; la date et l'ordre des lettres annonçant les augmentations de
prix étaient orchestrés de façon à pouvoir proclamer que ces augmentations
'faisaient suite à d'autres, etc.)».
- 211.
- La requérante ne conteste pas l'affirmation de la Commission selon laquelle les
entreprises ont programmé les dates et l'ordre d'envoi des lettres annonçant les
augmentations de prix. En outre, s'agissant de la conclusion de la Commission selon
laquelle cette orchestration des dates et de l'ordre des lettres d'annonce des
augmentations de prix avait pour objectif de tenter de dissimuler l'existence de la
concertation sur les prix, la requérante n'a fourni aucune explication susceptible
d'établir que la concertation sur les dates et l'ordre des lettres d'annonce des
augmentations de prix aurait eu un objectif différent de celui constaté par la
Commission.
- 212.
- Quant à l'absence de comptes rendus officiels et à l'absence presque absolue de
notes internes portant sur les réunions du PWG et du JMC, elles constituent, eu
égard à leur nombre, à leur durée dans le temps et à la nature des discussions en
cause, une preuve suffisante de l'allégation de la Commission selon laquelle les
participants étaient dissuadés de prendre des notes.
- 213.
- Il ressort de ce qui précède que les entreprises ayant participé aux réunions de ces
organes ont non seulement été conscientes de l'illégalité de leur comportement
mais ont aussi adopté des mesures de dissimulation de la collusion. Partant, c'est
à bon droit que la Commission a retenu ces mesures comme circonstances
aggravantes lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction.
- 214.
- La troisième branche du moyen doit donc être rejetée.
Sur la quatrième branche du moyen tirée de ce que la Commission aurait à tort
considéré que l'entente avait «largement réussi à atteindre ses objectifs»
Arguments des parties
- 215.
- La requérante conteste que l'entente ait «largement réussi à atteindre ses
objectifs» (point 168, septième tiret, des considérants de la décision). Se fondant
sur sa description des particularités du marché du carton (ci-dessus points 48 et
suivants) et sur le rapport LE, elle soutient que rien ne permet de considérer que
l'évolution en matière de prix n'aurait pas été tout à fait identique en l'absence de
toute concertation entre les producteurs.
- 216.
- Elle prétend que les constatations de la Commission relatives à l'évolution des
coûts et du produit des ventes dans le secteur du carton ne sont pas valables en ce
qui la concerne. De plus, les indications sur la marge d'exploitation contenues dans
la décision (point 16 des considérants) seraient trompeuses. En effet,
l'amortissement des coûts d'investissement représenterait environ 27 % du prix
moyen du carton. Or, la Commission n'aurait pas tenu compte de cet élément lors
du calcul de la marge d'exploitation moyenne des producteurs. Par conséquent,
lorsqu'elle indique que cette marge d'exploitation moyenne s'est élevée à environ
20 % pour la période allant de 1986 à 1991, cela signifierait, en réalité, une perte
réelle d'environ 7 %.
- 217.
- A l'appui de ses affirmations selon lesquelles la concertation en matière de prix n'a
pas eu de répercussions sur le marché, la requérante se réfère à des tableaux
reproduisant l'évolution de ses tarifs par rapport à l'évolution des prix bruts qu'elle
a effectivement obtenus sur le marché. Ces tableaux, qui reproduiraient l'évolution
des prix relatifs à des clients et à des qualités de carton représentatifs sur ses
principaux marchés nationaux, démontreraient l'écart considérable qui aurait existé
entre les tarifs et les prix de transaction.
- 218.
- La Commission relève, à titre liminaire, qu'il convient de distinguer deux types
d'effets des initiatives de prix sur le marché. Pour ce qui est du premier type
d'effets, à savoir le fait que les prix convenus au sein du GEP Carton ont servi de
base pour les négociations avec les clients, la requérante n'en contesterait pas
l'existence. Dès lors, il serait inconcevable que les effets du second type, à savoir
des répercussions des initiatives d'augmentation des prix sur les prix effectifs du
marché, ne se soient pas également produits, car la base de négociation des prix
fixée par le vendeur aurait toujours une incidence sur le prix de transaction. Cela
s'appliquerait d'autant plus que tous les vendeurs auraient eu la même base de
négociation.
- 219.
- En outre, les fabricants de carton se seraient efforcés, dans leurs négociations avec
les clients, d'imposer les augmentations de prix convenues (voir annexe 73 à la
communication des griefs, p. 2).
- 220.
- Certes, il n'aurait pas toujours été possible d'imposer les augmentations de prix
dans les mêmes proportions à l'égard de tous les clients et sur tous les marchés
(points 100 à 102 des considérants de la décision). Mais, ainsi que cela ressortirait
de plusieurs documents internes rédigés par les producteurs eux-mêmes (documents
C-4-1 et C-11-11), de telles difficultés dans la mise en oeuvre des augmentations
de prix ne signifieraient pas qu'elles n'avaient pas été couronnées de succès.
- 221.
- Les tableaux invoqués par la requérante ne seraient pas non plus de nature à
infirmer les constatations de la Commission. La valeur probante de ces tableaux ne
pourrait être reconnue, notamment parce qu'ils montreraient des augmentations
de prix «par à-coups». De plus, si la requérante affirme que les tableaux montrent
l'évolution des prix facturés concernant des clients et des qualités représentatifs, il
n'en resterait pas moins qu'elle n'a pas indiqué les critères utilisés pour choisir ces
factures.
- 222.
- S'agissant du rapport LE, il ne démontrerait pas qu'il n'y avait pas eu une
corrélation entre les prix annoncés et les prix de transaction. Par contre, les
tableaux 10 et 11 de ce rapport montreraient clairement que l'évolution des prix
de transaction avait suivi en moyenne les prix annoncés. Pour la période 1988/1989,
l'étude ferait même état d'une corrélation linéaire entre ces prix, ce qui aurait, par
ailleurs, été admis par l'auteur de l'étude lors de l'audition devant la Commission
(procès-verbal, p. 21 et 28). Par conséquent, les augmentations de tarifs uniformes
auraient permis aux fabricants de carton de parvenir à un relèvement marqué des
prix de transaction.
- 223.
- Enfin, il serait sans pertinence de savoir si les augmentations de tarifs uniformes
avaient effectivement été décidées, comme la requérante l'affirme, en fonction de
l'évolution des coûts. Par ailleurs, les indications contenues dans la décision,
relatives à l'évolution des coûts ainsi qu'à la définition de la marge d'exploitation,
auraient été empruntées au rapport LE.
Appréciation du Tribunal
- 224.
- Selon le point 168, septième tiret, des considérants de la décision, la Commission
a déterminé le montant général des amendes en prenant notamment en
considération le fait que l'entente a «largement réussi à atteindre ses objectifs». Il
est constant qu'une telle considération se réfère aux effets sur le marché de
l'infraction constatée à l'article 1er de la décision.
- 225.
- Aux fins du contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur les effets de
l'infraction, le Tribunal estime qu'il suffit d'examiner celle portée sur les effets de
la collusion sur les prix. En effet, l'examen des effets de la collusion sur les prix,
seuls effets contestés par la requérante, permet d'apprécier, de façon générale, le
succès de l'entente, car les collusions sur les temps d'arrêt et sur les parts de
marché ont eu pour objectif d'assurer la réussite des initiatives concertées en
matière de prix.
- 226.
- S'agissant de la collusion sur les prix, la Commission en a apprécié les effets
généraux. Dès lors, à supposer même que les données individuelles fournies par la
requérante démontrent, comme elle l'affirme, que la collusion sur les prix n'a eu
pour elle que des effets moins importants que ceux constatés sur le marché
européen du carton, pris globalement, de telles données individuelles ne sauraient
suffire en soi pour mettre en cause l'appréciation de la Commission. En outre,
l'affirmation de la requérante selon laquelle la Commission se serait fondée, au
point 16 des considérants de la décision, sur une définition erronée de la marge
d'exploitation moyenne réalisée par les producteurs de carton est également
dénuée de pertinence. En effet, rien ne permet de considérer que la Commission
ait pris en compte la marge d'exploitation ainsi définie lors de son appréciation des
effets sur le marché de la collusion sur les prix, ni d'ailleurs que la marge
d'exploitation réalisée aurait dû être prise en compte aux fins de cette appréciation.
- 227.
- Il ressort de la décision, ainsi que la Commission l'a confirmé lors de l'audience,
qu'une distinction a été établie entre trois types d'effets. De plus, la Commission
s'est fondée sur le fait que les initiatives en matière de prix ont été globalement
considérées comme une réussite par les producteurs eux-mêmes.
- 228.
- Le premier type d'effets pris en compte par la Commission, et non contesté par la
requérante, consiste dans le fait que les augmentations de prix convenues ont été
effectivement annoncées aux clients. Les nouveaux prix ont ainsi servi de référence
en cas de négociations individuelles des prix de transaction avec les clients (voir,
notamment, points 100 et 101, cinquième et sixième alinéas, des considérants de
la décision).
- 229.
- Le deuxième type d'effets consiste dans le fait que l'évolution des prix de
transaction a suivi celle des prix annoncés. A cet égard, la Commission soutient que
«les producteurs ne se contentaient pas d'annoncer les augmentations de prix
convenues mais, à quelques exceptions près, [qu']ils prenaient également des
mesures concrètes pour faire en sorte qu'elles soient effectivement imposées aux
clients» (point 101, premier alinéa, des considérants de la décision). Elle admet que
les clients ont parfois obtenu des concessions sur la date d'entrée en vigueur des
augmentations ou des rabais ou réductions individuelles, notamment en cas de
grosse commande, et que «l'augmentation nette perçue en moyenne après
déduction des réductions, rabais et autres concessions était donc toujours inférieure
au montant total de l'augmentation annoncée» (point 102, dernier alinéa, des
considérants). Cependant, se référant à des graphiques contenus dans le rapport
LE, étude économique réalisée, aux fins de la procédure devant la Commission,
pour le compte de plusieurs entreprises destinataires de la décision, elle affirme
qu'il existait, au cours de la période visée par la décision, une «étroite relation
linéaire» entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction
exprimés en monnaies nationales ou convertis en écus. Elle en conclut: «Les
augmentations nettes des prix obtenues suivaient étroitement les augmentations
annoncées, fût-ce avec un certain retard. L'auteur du rapport a lui-même reconnu
pendant l'audition qu'il en a été ainsi en 1988 et 1989.» (Point 115, deuxième
alinéa, des considérants.)
- 230.
- Il doit être admis que, dans l'appréciation de ce deuxième type d'effets, la
Commission a pu à bon droit considérer que l'existence d'une relation linéaire
entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction constituait la
preuve d'un effet produit sur ces derniers par les initiatives en matière de prix,
conformément à l'objectif poursuivi par les producteurs. En fait, il est constant que,
sur le marché en cause, la pratique de négociations individuelles avec les clients
implique que les prix de transaction ne sont, en général, pas identiques aux prix
annoncés. Il ne saurait donc être escompté que les augmentations des prix de
transaction soient identiques aux augmentations de prix annoncées.
- 231.
- En ce qui concerne l'existence même d'une corrélation entre les augmentations de
prix annoncées et celles des prix de transaction, la Commission s'est référée à juste
titre au rapport LE, celui-ci constituant une analyse de l'évolution des prix du
carton pendant la période visée par la décision, fondée sur des données fournies
par plusieurs producteurs, dont la requérante elle-même.
- 232.
- Toutefois, ce rapport ne confirme que partiellement, dans le temps, l'existence
d'une «étroite relation linéaire». En effet, l'examen de la période de 1987 à 1991
révèle trois sous-périodes distinctes. A cet égard, lors de l'audition devant la
Commission, l'auteur du rapport LE a résumé ses conclusions de la manière
suivante: «Il n'y a pas de corrélation étroite, même avec un décalage, entre
l'augmentation de prix annoncée et les prix du marché, pendant le début de la
période considérée, de 1987 à 1988. En revanche, une telle corrélation existe en
1988/1989, puis cette corrélation se détériore pour se comporter de façon plutôt
singulière [oddly] sur la période 1990/1991» (Procès-verbal de l'audition, p. 28.) Il
a relevé, en outre, que ces variations dans le temps étaient étroitement liées à des
variations de la demande (voir, notamment, procès-verbal de l'audition, p. 20).
- 233.
- Ces conclusions orales de l'auteur sont conformes à l'analyse développée dans son
rapport, et notamment aux graphiques comparant l'évolution des prix annoncés et
l'évolution des prix de transaction (rapport LE, graphiques 10 et 11, p. 29). Force
est donc de constater que la Commission n'a que partiellement prouvé l'existence
de l'«étroite relation linéaire» qu'elle invoque.
- 234.
- Lors de l'audience, la Commission a indiqué avoir également pris en compte un
troisième type d'effets de la collusion sur les prix consistant dans le fait que le
niveau des prix de transaction a été supérieur au niveau qui aurait été atteint en
l'absence de toute collusion. A cet égard, la Commission, soulignant que les dates
et l'ordre des annonces des augmentations de prix avaient été programmés par le
PWG, estime dans la décision qu'«il est inconcevable que, dans ces conditions, ces
annonces concertées n'aient eu aucun effet sur le niveau réel des prix» (point 136,
troisième alinéa, des considérants de la décision). Toutefois, le rapport LE (section
3) a établi un modèle permettant de prévoir le niveau de prix résultant des
conditions objectives du marché. Selon ce rapport, le niveau des prix, tels que
déterminés par des facteurs économiques objectifs durant la période de 1975 à
1991, aurait évolué, avec des variations négligeables, de manière identique à celui
des prix de transaction pratiqués, y compris pendant la période retenue par la
décision.
- 235.
- Malgré ces conclusions, l'analyse faite dans le rapport ne permet pas de constater
que les initiatives concertées en matière de prix n'ont pas permis aux producteurs
d'atteindre un niveau des prix de transaction supérieur à celui qui aurait résulté du
libre jeu de la concurrence. A cet égard, comme l'a souligné la Commission lors de
l'audience, il est possible que les facteurs pris en compte dans ladite analyse aient
été influencés par l'existence de la collusion. Ainsi, la Commission a fait valoir à
bon droit que le comportement collusoire a, par exemple, pu limiter l'incitation
pour les entreprises à réduire leurs coûts. Or, elle n'a invoqué l'existence d'aucune
erreur directe dans l'analyse contenue dans le rapport LE et n'a pas davantage
présenté ses propres analyses économiques de l'hypothétique évolution des prix de
transaction en l'absence de toute concertation. Dans ces conditions, son affirmation
selon laquelle le niveau des prix de transaction aurait été inférieur en l'absence de
collusion entre les producteurs ne saurait être entérinée.
- 236.
- Il s'ensuit que l'existence de ce troisième type d'effets de la collusion sur les prix
n'est pas prouvée.
- 237.
- Les constatations qui précèdent ne sont en rien modifiées par l'appréciation
subjective des producteurs sur laquelle la Commission s'est fondée pour considérer
que l'entente avait largement réussi à atteindre ses objectifs. Sur ce point, la
Commission s'est reportée à une liste de documents qu'elle a fournie lors de
l'audience. Or, à supposer même qu'elle ait pu fonder son appréciation de
l'éventuelle réussite des initiatives en matière de prix sur des documents faisant état
des sentiments subjectifs de certains producteurs, force est de constater que
plusieurs entreprises, dont la requérante, ont à juste titre fait référence à l'audience
à de nombreux autres documents du dossier faisant état des problèmes rencontrés
par les producteurs dans la mise en oeuvre des augmentations de prix convenues.
Dans ces conditions, la référence faite par la Commission aux déclarations des
producteurs eux-mêmes n'est pas suffisante pour conclure que l'entente a
largement réussi à atteindre ses objectifs.
- 238.
- Au vu des considérations qui précèdent, les effets de l'infraction relevés par la
Commission ne sont que partiellement prouvés. Le Tribunal analysera la portée de
cette conclusion dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction en matière
d'amendes, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée en l'espèce
(voir ci-après point 262).
Sur la cinquième branche du moyen tirée de la prise en compte d'une marge
d'exploitation erronée
Arguments des parties
- 239.
- La requérante répète que la Commission a considéré à tort que les entreprises du
secteur du carton ont réalisé une marge d'exploitation de 20 % au cours de la
période de 1986 à 1991. En effet, en se fondant sur ce chiffre, la Commission aurait
omis de tenir compte des coûts d'investissement considérables dans le secteur (voir
ci-dessus point 216). Bien qu'il ne ressorte pas expressément de la décision que cet
élément ait été pris en compte lors de la fixation du niveau général des amendes,
il faudrait considérer que cette erreur a joué un rôle essentiel, puisqu'il est fait
référence à cette marge d'exploitation à plusieurs reprises dans la décision. En
outre, la prise en compte de l'avantage financier qu'ont pu retirer les sociétés de
leur comportement anticoncurrentiel serait, selon la Commission elle-même, un
élément déterminant dans la fixation des amendes (XXIe Rapport sur la politique de
concurrence, point 139). Cette erreur devrait entraîner une réduction considérable
de l'amende.
- 240.
- La Commission soutient que la marge d'exploitation moyenne des fabricants de
carton n'a pas été prise en considération lors du calcul de l'amende. De plus, dans
son XXIe Rapport sur la politique de concurrence, elle n'aurait fait que mentionner
les critères généraux envisageables pour le calcul d'une amende. Enfin, les
indications sur la marge d'exploitation contenues dans le point 16 des considérants
de la décision seraient correctes, car empruntées au rapport LE.
Appréciation du Tribunal
- 241.
- Il convient de constater que la marge d'exploitation moyenne réalisée par les
fabricants de carton ne figure pas parmi les éléments pris en compte par la
Commission afin de déterminer le niveau général des amendes ainsi que le montant
des amendes individuelles (voir points 167 à 169 des considérants de la décision).
- 242.
- En tout état de cause, il ressort du point 16, dernier alinéa, des considérants de la
décision que les indications relatives à la marge d'exploitation moyenne des
producteurs de carton ont été empruntées au rapport LE. Il en ressort également
(note de bas de page n° 1) que la Commission n'a pas ignoré que cette marge
d'exploitation moyenne avait été calculée sans prendre en compte les
amortissements des coûts d'investissement.
- 243.
- Il s'ensuit que l'argument de la requérante selon lequel la Commission se seraitfondée sur une définition erronée du bénéfice réalisé par les fabricants de carton
est dénué de fondement.
- 244.
- Dès lors, la cinquième branche du moyen ne peut pas être accueillie.
- 245.
- Par conséquent, le moyen dans son ensemble doit être rejeté.
B Sur les moyens tirés d'une violation de l'article 190 du traité ainsi que d'une
violation du principe d'égalité de traitement quant au niveau général des amendes
Arguments des parties
- 246.
- La requérante reconnaît que la Commission est en droit de relever le niveau
général des amendes dans une décision par rapport à sa pratique antérieure,
lorsqu'elle l'estime nécessaire pour renforcer l'effet dissuasif de celles-ci (arrêt de
la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80,
101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, point 108, et arrêt ICI/Commission, précité).
Toutefois, la Commission aurait violé l'article 190 du traité et le principe d'égalité
de traitement en procédant, ainsi qu'elle l'aurait fait en l'occurrence, à une
augmentation arbitraire du niveau des amendes sans indiquer aucune justification
à cet égard.
- 247.
- La requérante compare ensuite le taux de base des amendes (7,5 % du chiffre
d'affaires réalisé sur le marché communautaire du carton en 1990 pour les
«membres ordinaires» et 9 % pour les prétendus «chefs de file») ainsi que le
montant global des amendes imposées avec les décisions de la Commission dans
des affaires antérieures [voir, par exemple, décision 86/398/CEE de la Commission,
du 23 avril 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité
CEE (IV/31.149 Polypropylène) (JO L 230, p. 1, ci-après «décision
Polypropylène»), et décision 89/191/CEE de la Commission, du 21 décembre 1988,
relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.866
PEBD) (JO 1989, L 74, p. 21)]. Elle en déduit que le taux de base des amendes
appliqué en l'espèce est considérablement supérieur aux taux antérieurement
appliqués et que, en ce qui concerne les prétendus «chefs de file», le taux a
presque doublé. En outre, le montant global des amendes serait de loin supérieur
aux amendes imposées antérieurement.
- 248.
- Renvoyant à la décision ayant fait l'objet de l'arrêt du Tribunal du 21 février 1995,
SPO e.a./Commission (T-29/92, Rec. p. II-289), elle conteste, par ailleurs, que le
comportement mis en cause dans la présente affaire puisse être considéré comme
particulièrement grave par rapport aux affaires sur lesquelles la Commission a eu
à se prononcer antérieurement.
- 249.
- L'erreur d'appréciation de la gravité de l'infraction serait encore confirmée par une
comparaison avec le niveau d'amendes retenu dans la décision 94/815/CE de la
Commission, du 30 novembre 1994, relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CE (affaire IV/33.126 et 33.322 Ciment) (JO L 343, p. 1).
- 250.
- La requérante conclut que le niveau des amendes imposées dans la présente affaire
est en augmentation considérable, voire exorbitante, par rapport à celui retenu
dans des affaires similaires. Elle souligne que le membre de la Commission en
charge des questions de la concurrence a indiqué, dans un discours prononcé le 16
septembre 1994, que, dans le cas d'espèce, la Commission avait augmenté les
amendes de manière considérable par rapport à sa pratique antérieure.
- 251.
- A supposer même que la Commission ne soit, en général, pas tenue de motiver en
détail ses décisions quant aux amendes, il serait nécessaire qu'elle explique les
raisons pour lesquelles elle s'est écartée de manière flagrante de la pratique en
matière d'amendes suivie jusqu'alors (voir, dans le même sens, arrêt de la Cour du
26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique
e.a./Commission, 73/74, Rec. p. 1491, points 30 à 33, et arrêt du Tribunal du 27
octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission, T-34/92, Rec. p. II-905,
point 35).
- 252.
- Enfin, la requérante fait valoir une violation de l'article 6 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du
4 novembre 1950 (ci-après «CEDH»), qui instituerait un droit au contrôle
juridictionnel, car seule une plus grande transparence permettrait de vérifier si la
Commission a respecté, dans un cas déterminé, le principe d'égalité de traitement.
- 253.
- La Commission rappelle qu'elle est habilitée, en vertu de l'article 15, paragraphe
2, du règlement n° 17, à infliger des amendes allant jusqu'à 10 % du chiffre
d'affaires annuel global des entreprises mises en cause. Le taux appliqué en
l'espèce se situerait largement dans les limites prévues par ce règlement, car seul
le chiffre d'affaires relatif aux ventes de carton dans la Communauté aurait été pris
en compte.
- 254.
- De plus, la Commission pourrait relever à tout moment le niveau des amendes
dans les limites fixées par le règlement n° 17, lorsque cela est nécessaire pour
réaliser la politique communautaire de la concurrence, notamment afin de garantir
l'effet dissuasif des amendes (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission,
précité, points 106 à 109). Ce faisant, elle ne serait pas liée par ses décisions
antérieures (arrêt ICI/Commission, précité, points 382 et 385), et il importerait
donc peu de savoir si le cas d'espèce est comparable à des affaires antérieures ou
de savoir si elle a sensiblement relevé le niveau général des amendes. En tout état
de cause, le niveau des amendes n'aurait été relevé ni arbitrairement ni
sensiblement par rapport aux affaires antérieures.
- 255.
- Enfin, la Commission aurait considéré à juste titre que l'infraction constatée était
particulièrement grave.
Appréciation du Tribunal
- 256.
- Selon l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie
de décision, infliger aux entreprises ayant commis, de propos délibéré ou par
négligence, une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité
des amendes de 1 000 écus au moins et de 1 000 000 écus au plus, ce dernier
montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de
l'exercice précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. Le
montant de l'amende est déterminé en considération à la fois de la gravité de
l'infraction et de sa durée. Ainsi que cela ressort de la jurisprudence de la Cour,
la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre
d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son
contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste
contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte
(ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611,
point 54).
- 257.
- En l'espèce, la Commission a déterminé le niveau général des amendes en tenant
compte de la durée de l'infraction (point 167 des considérants de la décision), ainsi
que des considérations suivantes (point 168 des considérants):
« la collusion en matière de fixation des prix et la répartition des marchés
constituent en soi des restrictions graves de la concurrence,
l'entente couvrait quasiment tout le territoire de la Communauté,
le marché communautaire du carton est un secteur économique important
qui totalise chaque année quelque 2,5 milliards d'écus,
les entreprises participant à l'infraction couvrent pratiquement tout le
marché,
l'entente a fonctionné sous la forme d'un système de réunions périodiques
institutionnalisées ayant pour objet de réguler dans le détail le marché du
carton dans la Communauté,
des mesures complexes ont été prises pour cacher la véritable nature et la
portée de la collusion (absence de compte rendu officiel ou de
documentation concernant les réunions du PWG et du JMC; les participants
étaient dissuadés de prendre des notes; la date et l'ordre des lettres
annonçant les augmentations de prix étaient orchestrés de façon à pouvoir
proclamer que ces augmentations 'faisaient suite à d'autres, etc.),
l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs».
- 258.
- De plus, le Tribunal rappelle qu'il est constant que des amendes d'un niveau de
base de 9 ou de 7,5 % du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises
destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990 ont
été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les «chefs de file»
de l'entente et aux autres entreprises.
- 259.
- Il y a lieu de souligner, en premier lieu, que, dans son appréciation du niveau
général des amendes, la Commission est fondée à tenir compte du fait que des
infractions patentes aux règles communautaires de la concurrence sont encore
relativement fréquentes et que, partant, il lui est loisible d'élever le niveau des
amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif. Par conséquent, le fait que la
Commission a appliqué dans le passé des amendes d'un certain niveau à certains
types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les
limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela s'avère nécessaire pour assurer la
mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence (voir, notamment,
arrêts précités Musique Diffusion française e.a./Commission, points 105 à 108, et
ICI/Commission, point 385).
- 260.
- En second lieu, la Commission a soutenu à bon droit que, en raison des
circonstances propres à l'espèce, aucune comparaison directe ne saurait être opérée
entre le niveau général des amendes retenu dans la présente décision et ceux
retenus dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, en particulier,
dans la décision Polypropylène, considérée par la Commission elle-même comme
la plus comparable à celle du cas d'espèce. En effet, contrairement à l'affaire à
l'origine de la décision Polypropylène, aucune circonstance atténuante générale n'a
été prise en compte en l'espèce pour déterminer le niveau général des amendes.
Par ailleurs, comme le Tribunal l'a déjà constaté, les mesures complexes adoptées
par les entreprises pour dissimuler l'existence de l'infraction constituent un aspect
particulièrement grave de celle-ci, qui la caractérise par rapport aux infractions
antérieurement constatées par la Commission.
- 261.
- En troisième lieu, il convient de souligner la longue durée et le caractère patent de
l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, qui a été commise malgré
l'avertissement qu'aurait dû constituer la pratique décisionnelle antérieure de la
Commission, et notamment la décision Polypropylène.
- 262.
- Sur la base de ces éléments, il convient de considérer que les critères repris au
point 168 des considérants de la décision indiquent de manière suffisante les raisons
qui ont amené la Commission à retenir le niveau général des amendes appliqué et
suffisent pour justifier un tel niveau. Le Tribunal a certes déjà constaté que les
effets de la collusion sur les prix retenus par la Commission pour la détermination
du niveau général des amendes ne sont que partiellement prouvés. Toutefois, à la
lumière des considérations qui précèdent, cette conclusion ne saurait affecter
sensiblement l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée. A cet égard, le
fait que les entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix
convenues et que les prix ainsi annoncés ont servi de base pour la fixation des prix
de transaction individuels suffit, en soi, pour constater que la collusion sur les prix
a eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence.
Partant, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considèreque les constatations opérées au sujet des effets de l'infraction ne justifient aucune
réduction du niveau général des amendes fixé par la Commission.
- 263.
- Enfin, en fixant en l'espèce le niveau général des amendes, la Commission ne s'est
pas écartée de sa pratique décisionnelle antérieure de manière telle qu'elle aurait
dû motiver plus explicitement son appréciation de la gravité de l'infraction (voir,
notamment, arrêt Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique
e.a./Commission, précité, point 31).
- 264.
- Le moyen doit, par conséquent, être rejeté.
C Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité lors de la fixation du
montant des amendes individuelles
Arguments des parties
- 265.
- La requérante fait valoir que la seule énumération, au point 169 des considérants
de la décision, des critères retenus pour fixer les amendes individuelles ne constitue
pas une motivation suffisante. En effet, la décision ne contiendrait aucune
indication permettant d'établir la manière dont les différentes amendes ont été
élaborées, ni de vérifier si la distinction opérée entre les différentes entreprises à
l'égard des amendes est justifiée. Sur ce point, une motivation plus détaillée
s'imposerait en particulier lorsque, comme en l'espèce, une différenciation
exorbitante entre les entreprises a été opérée. Notamment, dans la mesure où
certaines circonstances sur lesquelles s'est fondée la Commission n'auraient pas
existé, un contrôle juridictionnel du montant des amendes individuelles
présupposerait que le Tribunal connaisse l'importance que la Commission a
attribuée à chaque circonstance considérée comme aggravante. Cela serait d'autant
plus nécessaire lorsque, comme en l'espèce, il existe des indices montrant que les
entreprises qui n'ont pas renoncé à leurs droits de la défense contre les accusations
de la Commission se sont vu infliger une amende très aggravée.
- 266.
- Par ailleurs, la Commission aurait reconnu la nécessité de motiver davantage sa
méthode de distinction entre les différentes entreprises puisque, lors d'une
conférence de presse du 13 juillet 1994, elle aurait fourni des indications à cet
égard en divulguant même la formule mathématique qu'elle n'avait prétendument
pas utilisée. La motivation devrait cependant faire partie intégrante de la décision
même.
- 267.
- Enfin, la décision n'expliquerait pas les raisons pour lesquelles la Commission a
considéré que la requérante ne devait pas bénéficier d'une réduction de l'amende,
alors que celle-ci n'aurait pas contesté, dans sa réponse à la communication des
griefs, les principales allégations de fait de la Commission. La Commission aurait
dû indiquer, dans la décision, les éléments de fait reconnus ou non contestés durant
la procédure administrative par les entreprises ayant bénéficié d'une réduction du
montant de leurs amendes.
- 268.
- La Commission considère que la décision contient un exposé suffisant des motifs
déterminants pour la fixation de l'amende de chaque entreprise. En effet, les
critères énumérés au point 169 des considérants de la décision devraient être lus
à la lumière de la motivation de la décision dans son ensemble (arrêt
ICI/Commission, précité, point 355). Or, précisément, la décision contiendrait de
nombreuses indications sur l'appréciation individuelle portée à l'égard de la
requérante (notamment aux points 8, 9, 36 et suivants, et 170 à 173 des
considérants).
- 269.
- La Commission conteste que la motivation contenue dans la décision ne permette
pas un contrôle juridictionnel du respect du principe de la proportionnalité. Selon
elle, la requérante part évidemment de l'idée erronée selon laquelle les amendes
ont été fixées sur la base d'une formule mathématique, ce qui ne serait cependant
pas le cas. En effet, le taux de base retenu aurait été modifié en fonction de la
situation particulière de chacune des entreprises concernées. Au demeurant, les
chiffres d'affaires, qui seraient des secrets d'affaires, devraient être protégés par la
Commission.
- 270.
- En ce qui concerne les réductions accordées au titre de la coopération avec la
Commission, celle-ci fait observer que la décision contient des indications
synthétiques sur les moyens de défense des différentes entreprises (points 107 à 110
des considérants) ainsi que sur les appréciations que la Commission a portées sur
ces moyens (points 111 à 115 des considérants). S'agissant de la requérante, il
ressortirait des points 108 et 114 des considérants que la Commission a considéré
que ses observations étaient matériellement inexactes sur des points essentiels et
qu'elle n'a donc pas pu être considérée comme ayant fait des aveux (voir également
point 172 des considérants). La requérante aurait donc pu apprécier si elle avait
été sanctionnée de manière pertinente et sans discrimination par rapport aux autres
entreprises.
- 271.
- Enfin, la Commission rappelle que la motivation concernant le calcul des amendes
individuelles est tout à fait comparable à celle fournie dans la décision
Polypropylène, décision qui a été considérée comme contenant une motivation
suffisante (arrêt ICI/Commission, précité, points 353 et 354).
Appréciation du Tribunal
- 272.
- Le Tribunal a déjà rappelé le but de l'obligation de motiver une décision
individuelle (voir ci-dessus point 42).
- 273.
- Pour ce qui est d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à
plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la
concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment
déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en
fonction d'un grand nombre d'éléments (voir ci-dessus point 256).
- 274.
- De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose
d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue
d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir, dans le même
sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec.
p. II-1165, point 59).
- 275.
- Dans la décision, les critères pris en compte pour déterminer le niveau général des
amendes et le montant des amendes individuelles figurent, respectivement, aux
points 168 et 169 des considérants. En outre, pour ce qui est des amendes
individuelles, la Commission explique au point 170 des considérants que les
entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées
comme des «chefs de file» de l'entente, alors que les autres entreprises ont été
considérées comme des «membres ordinaires» de celle-ci. Enfin, aux points 171 et
172 des considérants, elle indique que les montants des amendes infligées à Rena
et à Stora doivent être considérablement réduits pour tenir compte de leur
coopération active avec la Commission et que huit autres entreprises peuvent
également bénéficier d'une réduction dans une proportion moindre, du fait qu'elles
n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des griefs, nié les principales
allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs.
- 276.
- Dans ses écritures devant le Tribunal ainsi que dans sa réponse à une question
écrite de celui-ci, la Commission a expliqué que les amendes ont été calculées sur
la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la
décision sur le marché communautaire du carton en 1990. Des amendes d'un
niveau de base de 9 ou de 7,5 % de ce chiffre d'affaires individuel ont ainsi été
infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les «chefs de file» de
l'entente et aux autres entreprises. Enfin, la Commission a tenu compte de
l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours de la procédure
devant elle. Deux entreprises ont bénéficié à ce titre d'une réduction des deux tiers
du montant de leurs amendes, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une
réduction d'un tiers.
- 277.
- Il ressort, par ailleurs, d'un tableau fourni par la Commission et contenant des
indications quant à la fixation du montant de chacune des amendes individuelles
que, si celles-ci n'ont pas été déterminées en appliquant de manière strictement
mathématique les seules données chiffrées susmentionnées, lesdites données ont
cependant été systématiquement prises en compte aux fins du calcul des amendes.
- 278.
- Or, la décision ne précise pas que les amendes ont été calculées sur la base du
chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire
du carton en 1990. De plus, les taux de base appliqués de 9 et de 7,5 % pour
calculer les amendes infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme
des «chefs de file» et à celles considérées comme des «membres ordinaires» ne
figurent pas dans la décision. N'y figurent pas davantage les taux des réductions
accordées à Rena et à Stora, d'une part, et à huit autres entreprises, d'autre part.
- 279.
- En l'espèce, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, interprétés à la lumière
de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard
de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de
celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments
d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de
l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens,
arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec.
p. II-1087, point 264). En outre, l'énoncé des critères ayant justifié des réductions
du montant des amendes et l'énumération des entreprises ayant bénéficié de telles
réductions (points 171 et 172 des considérants) permettent de comprendre le
raisonnement de la Commission. Partant, celle-ci n'était pas tenue d'expliquer plus
en détail l'application individuelle de ces critères.
- 280.
- En second lieu, lorsque le montant de chaque amende est, comme en l'espèce,
déterminé sur la base de la prise en compte systématique de certaines données
précises, l'indication, dans la décision, de chacun de ces facteurs permettrait aux
entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs
lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le
montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères
généraux appliqués. En l'espèce, l'indication dans la décision des facteurs en cause,
soit le chiffre d'affaires de référence, l'année de référence, les taux de base retenus
et les taux de réduction du montant des amendes, n'aurait comporté aucune
divulgation implicite du chiffre d'affaires précis des entreprises destinataires de la
décision, divulgation qui aurait pu constituer une violation de l'article 214 du traité.
En effet, le montant final de chaque amende individuelle ne résulte pas, comme
la Commission l'a elle-même souligné, d'une application strictement mathématique
desdits facteurs.
- 281.
- La Commission a d'ailleurs reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait
empêchée d'indiquer, dans la décision, les facteurs qui avaient été pris
systématiquement en compte et qui avaient été divulgués pendant une conférence
de presse tenue le jour même de l'adoption de cette décision. A cet égard, il y a
lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une
décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et que des explications
postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances
particulières, être prises en compte (voir arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk
Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 131, et, dans lemême sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89,
Rec. p. II-1439, point 136).
- 282.
- Malgré ces constatations, il doit être relevé que la motivation relative à la fixation
du montant des amendes contenue aux points 167 à 172 des considérants de la
décision est, au moins, aussi détaillée que celles contenues dans les décisions
antérieures de la Commission portant sur des infractions similaires. Or, bien que
le moyen tiré d'un vice de motivation soit d'ordre public, aucune critique n'avait,
au moment de l'adoption de la décision, été soulevée par le juge communautaire
quant à la pratique suivie par la Commission en matière de motivation des
amendes infligées. Ce n'est que dans l'arrêt du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission
(T-148/89, Rec. p. II-1063, point 142), et dans deux autres arrêts rendus le même
jour, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147/89, Rec. p. II-1057,
publication sommaire), et Société des treillis et panneaux soudés/Commission
(T-151/89, Rec. p. II-1191, publication sommaire), que le Tribunal a, pour la
première fois, souligné qu'il est souhaitable que les entreprises puissent connaître
en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées,
pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la
Commission.
- 283.
- Il s'ensuit que lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de
la concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci la
Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de
base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la
décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du
niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.
- 284.
- Dans les circonstances particulières relevées au point 282 ci-dessus, et compte tenu
du fait que la Commission s'est montrée disposée à fournir, lors de la procédure
contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes,
l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des
amendes ne doit pas, en l'espèce, être considérée comme constitutive d'une
violation de l'obligation de motivation justifiant l'annulation totale ou partielle des
amendes infligées.
- 285.
- Par conséquent, le présent moyen ne saurait être retenu.
D Sur le moyen tiré de ce que la requérante aurait été erronément qualifiée de «chef
de file» de l'entente
Arguments des parties
- 286.
- La requérante fait valoir que la Commission l'a considérée à tort comme l'un des
«chefs de file» de l'entente. Elle rappelle que la Commission n'a invoqué qu'un
seul élément à l'appui de cette constatation, à savoir le fait qu'elle était représentée
au sein du PWG (point 170 des considérants de la décision). Cet élément ne
pourrait cependant être considéré comme suffisant, d'autant que la Commission
n'aurait pas expliqué pourquoi les entreprises Weig et KNP également
représentées au sein du PWG n'avaient pas été considérées comme des «chefs
de file».
- 287.
- Il ne serait pas non plus justifié de considérer la requérante comme l'un des «chefs
de file» pour avoir assuré la présidence du PWG pendant moins d'un semestre.
- 288.
- La requérante conteste que les participants aux réunions du PWG aient joué le rôle
de «moteur» de l'entente. Tous les participants aux réunions des différents organes
du GEP Carton auraient participé à toutes les discussions pouvant être considérées
comme enfreignant l'article 85 du traité. De plus, la Commission affirmerait elle-même que l'ensemble des organes du GEP Carton exerçaient des fonctions qui
faisaient partie d'un plan global commun visant à restreindre la concurrence et que
chaque entreprise prenait part à ce système global.
- 289.
- La Commission fait valoir que la requérante doit être considérée comme l'un des
«chefs de file» de l'entente du fait de sa participation aux réunions du PWG,
organe au sein duquel les principales décisions relatives aux initiatives en matière
de prix ainsi que celles relatives à la politique de «prix avant le tonnage» avaient
été prises (points 36 à 40 des considérants de la décision). En outre, eu égard au
fait que la requérante a longtemps présidé le PWG, il faudrait considérer qu'elle
y jouait un rôle particulièrement actif.
Appréciation du Tribunal
- 290.
- Il ressort des constatations relatives aux moyens invoqués par la requérante à
l'appui de sa demande d'annulation de l'article 1er de la décision que la nature des
fonctions du PWG, telles que décrites dans la décision, a été dûment établie par
la Commission. Le rôle joué, en particulier à la fin de l'année 1987, par les
entreprises réunies au sein de cet organe a également été établi.
- 291.
- Dans ces conditions, la Commission a pu conclure à bon droit que les entreprises,
dont la requérante, ayant participé aux réunions de cet organe devaient être
considérées comme des «chefs de file» de l'infraction constatée et qu'elles
devaient, de ce fait, porter une responsabilité particulière (voir point 170, premier
alinéa, des considérants de la décision). A cet égard, il y a lieu de souligner que le
critère retenu par la Commission pour qualifier les entreprises de «chefs de file»
n'est pas celui de la présidence du PWG, mais celui de la participation aux
réunions de cet organe.
- 292.
- En l'espèce, il est constant que la requérante a participé aux réunions du PWG dès
la création de cet organe. De plus, elle n'a aucunement démontré qu'elle aurait
joué un rôle essentiellement passif au sein des organes du GEP Carton.
- 293.
- L'allégation selon laquelle toutes les entreprises ayant participé aux réunions des
divers organes du GEP Carton doivent être considérées comme responsables de
l'infraction, à supposer même qu'elle soit fondée, n'est pas de nature à affecter la
constatation selon laquelle les entreprises réunies au sein du PWG ont joué un rôle
particulier dans la conception et la mise en oeuvre des agissements illicites.
- 294.
- Enfin, le Tribunal estime que la décision contient des explications suffisantes
permettant d'apprécier le rôle joué par KNP et par Weig. Ainsi, selon le point 170,
deuxième alinéa, des considérants, KNP n'a été considérée comme l'un des «chefs
de file» de l'entente que pendant la durée de sa participation aux réunions du
PWG, soit pendant une durée plus brève que celle de sa participation à l'entente.
En outre, la Commission déclare avoir tenu compte du fait que Weig, bien que
membre du PWG, ne semblait pas avoir joué un rôle important dans la
détermination de la politique de l'entente (point 170, troisième alinéa, des
considérants). L'affirmation de la requérante selon laquelle elle aurait fait l'objet
d'un traitement discriminatoire par rapport auxdites entreprises est donc dénuée
de fondement.
- 295.
- Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté.
E Sur le moyen tiré d'une violation des droits de la défense
Arguments des parties
- 296.
- La requérante fait valoir que ses droits de la défense ont été violés. Le montant de
l'amende qui lui a été infligée aurait, en effet, été majoré de 50 % en raison de sa
contestation de certaines des accusations de la Commission. Dès lors, elle aurait été
sanctionnée plus lourdement pour ne pas avoir renoncé à exercer ses droits de la
défense.
- 297.
- Elle invoque la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme selon
laquelle toute pression sur les entreprises visant à ce qu'elles renoncent à contester
les accusations portées contre elles, dans le but d'obtenir une réduction du montant
de l'amende, serait en contradiction avec l'article 6 de la CEDH (arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme du 27 février 1980, Deweer, série A, n° 35,
points 41 à 47, et du 25 février 1993, Funke, série A, n° 256-A, point 44). En outre,
selon la même juridiction, les autorités chargées de l'instruction seraient tenues de
respecter, même dans les procédures de concurrence menées à l'encontre des
entreprises, les garanties procédurales énoncées à l'article 6 de la CEDH,
notamment celle de la présomption d'innocence (arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme du 8 juin 1976, Engel e.a., série A, n° 22, du 21 février 1984,
Öztürk, série A, n° 73, arrêt Deweer, précité, et avis de la Commission européenne
des droits de l'homme dans l'affaire Stenuit/État français, n° 11598/85, Rapport du
30 mai 1991, série A, n° 232-A).
- 298.
- La requérante rappelle que les droits de la défense ont été reconnus comme un
principe général du droit communautaire impliquant que les entreprises ne
sauraient être soumises à aucune contrainte dans le but de les amener à
reconnaître la réalité des griefs formulés à leur égard (arrêt de la Cour du 18
octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 35). Plus
particulièrement, il aurait été reconnu que l'article 6 de la CEDH s'applique à la
procédure administrative devant la Commission (même arrêt, point 30).
- 299.
- S'agissant du déroulement de la procédure administrative devant la Commission,
la requérante affirme que des menaces ont été proférées à l'encontre des
entreprises pour les contraindre à ne pas contester les allégations de la
Commission. Elle rappelle que la Commission admet avoir fait savoir aux
entreprises, au cours de la procédure administrative, qu'une coopération de leur
part serait prise en compte pour la fixation de l'amende.
- 300.
- Au demeurant, les droits de la défense de la requérante auraient été violés en
raison du fait qu'elle n'a pas pu consulter les mémoires des entreprises qui ont
bénéficié d'une réduction de l'amende pour ne pas avoir contesté les principales
allégations de fait de la Commission. Dans ces conditions, elle n'aurait pas eu la
possibilité de vérifier si lesdites entreprises avaient véritablement omis de contester
les principales allégations et, par conséquent, si elle a fait l'objet d'une
discrimination par rapport à ces entreprises.
- 301.
- La Commission estime qu'elle est en droit de réduire les amendes pour tenir
compte d'une coopération active de la part des entreprises (arrêts du Tribunal du
10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, Rec. p. II-907, points 341 et 342, et
ICI/Commission, précité, point 393). Une telle réduction de l'amende ne pourrait
être considérée comme violant les droits de la défense des entreprises en cause, à
moins que la Commission ne menace d'infliger des amendes plus lourdes aux
entreprises qui n'avouent pas les infractions.
- 302.
- Or, la Commission n'aurait jamais exercé la moindre pression sur la requérante afin
de la contraindre à ne pas contester l'exactitude de la communication des griefs.
En effet, elle aurait offert à la requérante une possibilité de réduction de l'amende
aux mêmes conditions que celles proposées à toutes les autres entreprises
concernées.
- 303.
- Elle conteste la pertinence des arguments tirés de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme ainsi que de l'arrêt Orkem/Commission, précité.
Il résulterait d'ailleurs expressément de ce dernier arrêt (point 30) que la CEDH
n'a aucune pertinence pour la présente question.
- 304.
- Enfin, la Commission souligne qu'elle n'est pas tenue de révéler, au stade de la
procédure administrative, les critères envisagés pour le calcul de l'amende (arrêtde la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, points
17 et suivants), mais qu'il lui suffit d'indiquer ces critères dans la décision elle-même. Dès lors, il suffirait d'exposer dans la décision le degré de coopération dont
les différentes entreprises ont fait preuve.
Appréciation du Tribunal
- 305.
- La Commission a déterminé le niveau général des amendes en se fondant sur les
considérations énoncées aux points 167 et 168 des considérants. De plus, il est
constant que des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % du chiffre
d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le
marché communautaire du carton en 1990 ont été infligées, respectivement, aux
entreprises considérées comme les «chefs de file» de l'entente et aux autres
entreprises.
- 306.
- Il y a lieu de considérer que les critères repris au point 168 des considérants de la
décision justifient le niveau général des amendes fixé par la Commission (voir ci-dessus point 262).
- 307.
- Les points 169 à 172 des considérants mentionnent les éléments que la Commission
a retenus pour déterminer l'amende à infliger à chaque entreprise. En particulier,
aux points 171 et 172, la Commission indique que les montants des amendes
infligées à Rena et à Stora doivent être considérablement réduits pour tenir compte
de leur coopération active avec la Commission, et que huit autres entreprises
peuvent également bénéficier d'une réduction dans une proportion moindre, du fait
qu'elles n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des griefs, nié les
principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs. Lors
de la procédure devant le Tribunal, la Commission a notamment expliqué avoir
tenu compte de l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours
de la procédure devant elle en réduisant des deux tiers le montant des amendes
infligées à deux entreprises, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une
réduction d'un tiers.
- 308.
- Le niveau général des amendes retenu par la Commission étant considéré comme
justifié au regard des critères énoncés dans la décision, le Tribunal constate que la
Commission a, comme indiqué dans la décision, effectivement procédé à une
réduction du montant des amendes infligées aux entreprises, lorsque celles-ci
avaient adopté une attitude coopérative lors de la procédure administrative.
L'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait augmenté le
montant des amendes infligées aux entreprises qui avaient exercé leurs droits de
la défense ne saurait donc être retenu.
- 309.
- A cet égard, il y a lieu de relever que l'absence de réponse à la communication des
griefs, l'absence de prise de position sur les allégations de fait dans la réponse à la
communication des griefs, la contestation dans cette réponse de l'essentiel ou de
la totalité des allégations de fait contenues dans la communication des griefs, qui
constituent des modalités d'exercice des droits de la défense durant la procédure
administrative devant la Commission, ne peuvent pas justifier une réduction de
l'amende au titre d'une coopération lors de la procédure administrative. En effet,
une réduction à ce titre n'est justifiée que si le comportement a permis à la
Commission de constater une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant,
d'y mettre fin (voir arrêt ICI/Commission, précité, point 393). Dans ces
circonstances, une entreprise qui déclare expressément qu'elle ne conteste pas les
allégations de fait sur lesquelles la Commission fonde ses griefs peut être
considérée comme ayant contribué à faciliter la tâche de la Commission consistant
en la constatation et la répression des infractions aux règles communautaires de la
concurrence.
- 310.
- Enfin, en ce qui concerne l'article 6 de la CEDH, il convient de rappeler que la
Cour, contrairement à ce que soutient la requérante, n'a pas jugé dans son arrêt
Orkem/Commission que cette disposition s'applique à la procédure administrative
devant la Commission, mais a seulement envisagé l'hypothèse d'une telle
application dans le cas d'espèce, ainsi que cela ressort du libellé même de l'arrêt
(point 30).
- 311.
- A cet égard, il doit être souligné que le Tribunal n'est pas compétent pour
apprécier la légalité d'une enquête en matière de droit de la concurrence au regard
des dispositions de la CEDH, dans la mesure où celles-ci ne font pas partie en tant
que telles du droit communautaire.
- 312.
- Cependant, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie
intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le
respect (voir, notamment, avis de la Cour, du 28 mars 1996, avis 2/94, Rec. p. I-1759, point 33, et arrêt de la Cour du 29 mai 1997, Kremzow, C-299/95, Rec. p. I-2629, point 14). A cet effet, la Cour et le Tribunal s'inspirent des traditions
constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies
par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme
auxquels les États membres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard,
une signification particulière (arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84,
Rec. p. 1651, point 18, et Kremzow, précité, point 14). Par ailleurs, aux termes de
l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, «l'Union respecte les
droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent
des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que
principes généraux du droit communautaire».
- 313.
- Dès lors, il y a lieu d'examiner si, à la lumière de ces considérations, la Commission
a méconnu le principe fondamental de l'ordre juridique communautaire qu'est le
respect des droits de la défense (arrêt Michelin/Commission, précité, point 7) en
exerçant de prétendues pressions illicites sur la requérante durant la procédure
administrative devant elle pour qu'elle reconnaisse les allégations de fait contenues
dans la communication des griefs.
- 314.
- A cet égard, le seul fait d'indiquer à une entreprise partie à l'enquête, durant la
procédure administrative, qu'une réduction du montant de l'amende à intervenir
serait possible en cas de reconnaissance de l'essentiel ou de la totalité des
allégations de fait, sans préciser l'ampleur de cette réduction, ne saurait constituer
une pression exercée sur cette entreprise.
- 315.
- En tout état de cause, la requérante n'a pas expliqué en quoi la possibilité offerte
par la Commission durant la procédure administrative de se voir accorder une
réduction du montant de l'amende à intervenir aurait constitué une pression telle
qu'elle aurait été contrainte de reconnaître l'essentiel des allégations de fait
contenues dans la communication des griefs. Dans ce contexte, il doit d'ailleurs être
relevé que la requérante a exercé ses droits de la défense durant la procédure
administrative, puisqu'elle a effectivement contesté l'essentiel des allégations de fait
sur lesquelles la Commission fondait ses griefs. Il s'ensuit que son argument doit
être écarté.
- 316.
- Enfin, la requérante n'a pas expliqué en quoi le principe de la présomption
d'innocence aurait été méconnu.
- 317.
- Quant à son argument selon lequel elle n'a pas pu vérifier si elle avait été traitée
différemment des autres entreprises visées par l'enquête, il sera examiné dans le
cadre du moyen tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement (voir ci-après points 334 et 335).
- 318.
- Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.
F Sur le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement en ce que la
requérante n'a pas bénéficié d'une réduction de l'amende
Arguments des parties
- 319.
- La requérante fait valoir qu'elle a été discriminée par rapport aux entreprises dont
l'amende a été réduite pour ne pas avoir contesté les principales allégations de fait
soulevées par la Commission (point 172 des considérants de la décision).
- 320.
- Il ressortirait d'une lettre de la Commission du 27 avril 1994 que celle-ci lui
demandait, pour bénéficier d'une réduction, de reconnaître l'exactitude matérielle
des griefs, alors qu'elle n'aurait demandé aux autres entreprises que l'absence de
contestation de la substance des allégations de fait.
- 321.
- Or, la requérante n'aurait pas contesté la substance des allégations de fait de la
Commission, de sorte qu'elle aurait dû bénéficier d'une réduction de l'amende. Elle
aurait toujours admis sa participation à des discussions sur des prix et des
augmentations de prix et aurait même déclaré que de telles discussions constituent,
selon la jurisprudence, des pratiques concertées contraires à l'article 85 du traité.
En outre, la Commission aurait expressément reconnu, dans les renseignements
individuels joints à la communication des griefs, cette coopération de la requérante.
- 322.
- La requérante n'aurait pas pu admettre l'exactitude de l'appréciation portée par
la Commission sur les faits, notamment en ce qui concerne ses allégations relatives
à l'existence d'accords sur les prix et d'une entente parfaitement organisée, parce
que sa responsabilité aurait pu être engagée devant le juge national.
- 323.
- La requérante affirme avoir coopéré de manière active avec la Commission, en
particulier en ce qu'elle a proposé, conjointement avec certaines autres entreprises,
une solution procédurale consistant à renoncer aux voies de recours en contrepartie
d'une réduction du montant de l'amende. Cette proposition aurait en soi justifié
une réduction de l'amende.
- 324.
- Enfin, dans la mesure où elle peut vérifier le contenu des observations faites par
des entreprises bénéficiant de la réduction de l'amende concernée, la requérante
conclut qu'elle a fait l'objet d'une discrimination certaine. Elle s'appuie, sur ce
point, sur les principaux moyens, tels que publiés au Journal officiel des
Communautés européennes, des recours introduits par Sarrió et par Enso Española
(JO 1994, C 380, p. 20 et 22). Il en ressortirait que, devant le Tribunal, ces deux
entreprises contestent les allégations de la Commission au moins dans la même
mesure qu'elle. Pourtant, ces deux entreprises auraient obtenu des réductions des
amendes pour une prétendue absence de contestation. De plus, la requérante cite
des extraits des déclarations faites par le représentant de la société Weig lors de
l'audition devant la Commission et elle renvoie aux moyens invoqués par cette
entreprise devant le Tribunal (tels que décrits au JO 1994, C 380, p. 16 et
suivantes). Elle en déduit que Weig, bien qu'elle ait obtenu une réduction de
l'amende, conteste les allégations de la Commission dans la même proportion
qu'elle.
- 325.
- La Commission rappelle qu'elle n'est pas seulement en droit de réduire les
amendes pour tenir compte d'une coopération active, mais qu'une telle réduction
est même parfois requise (arrêt ICI/Commission, précité, point 393). La prise en
compte de la non-contestation des faits comme circonstance atténuante pour le
calcul des amendes serait donc justifiée, étant donné qu'une telle coopération
contribuerait à éclaircir les faits et à accélérer la procédure.
- 326.
- La requérante n'aurait fait preuve d'aucune coopération active de cette nature.
D'une part, elle n'aurait admis que l'existence d'une pratique concertée, ce qui ne
constituerait aucune reconnaissance des faits. D'autre part, elle aurait toujours
contesté non seulement l'adoption d'accords en matière de prix mais aussi toute
concertation relative aux quantités de production, aux parts de marchés et à la mise
en oeuvre planifiée des initiatives en matière de prix.
- 327.
- La Commission conteste que la solution proposée par la requérante afin de mettre
un terme à la procédure puisse être considérée comme une coopération active
justifiant une réduction du montant de l'amende. Le fait de renoncer à un recours
ne serait pas susceptible d'éclaircir les faits. Il ne permettrait pas davantage
d'accélérer la procédure, la Commission n'ayant aucun intérêt à la conclusion de
tels «arrangements» avec les entreprises.
- 328.
- En ce qui concerne la prétendue inégalité de traitement par rapport aux sociétés
Sarrió et Enso Española, la Commission soutient que ces deux entreprises n'avaient
en tout état de cause pas contesté le fond des constatations de fait de la
Commission avant la publication de la décision. Dès lors, la réduction de leurs
amendes aurait été justifiée. Le comportement de la société Weig ne serait pas non
plus comparable à celui de la requérante. D'une part, dès la communication des
griefs, Weig n'aurait pratiquement plus contesté les constatations de la Commission.
D'autre part, elle aurait contribué à éclaircir les faits en obtenant une déclaration
de la part d'un membre du directoire de Feldmühle ayant participé aux réunions
de plusieurs organes du GEP Carton.
Appréciation du Tribunal
- 329.
- La requérante a uniquement admis, dans sa réponse à la communication des griefs,
que des discussions menées dans le cadre des organes du GEP Carton ont pu
porter sur les prix et les augmentations de prix.
- 330.
- La Commission a estimé à bon droit que, en répondant de la sorte, la requérante
ne s'est pas comportée d'une manière justifiant une réduction de l'amende au titre
d'une coopération lors de la procédure administrative. En effet, une réduction à ce
titre n'est justifiée que si le comportement a permis à la Commission de constater
une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin (voir arrêt
ICI/Commission, précité, point 393).
- 331.
- Ainsi que cela a déjà été énoncé (voir point 309 ci-dessus), une entreprise qui
déclare expressément qu'elle ne conteste pas les allégations de fait sur lesquelles
la Commission fonde ses griefs peut être considérée comme ayant contribué à
faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des
infractions aux règles communautaires de la concurrence. Dans ses décisions
constatant une infraction à ces règles, la Commission est en droit de considérer un
tel comportement comme constitutif d'une reconnaissance des allégations de fait
et donc comme un élément de preuve du bien-fondé des allégations en cause. Dès
lors, un tel comportement peut justifier une réduction de l'amende.
- 332.
- Il en est autrement lorsqu'une entreprise s'abstient de répondre à la
communication des griefs, déclare uniquement ne pas prendre position sur les
allégations de fait avancées par la Commission dans celle-ci ou conteste dans sa
réponse, comme la requérante, l'essentiel de ces allégations. En effet, en adoptant
une telle attitude lors de la procédure administrative, l'entreprise ne contribue pas
à faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression
des infractions aux règles communautaires de la concurrence. Il est également
évident que la proposition faite par la requérante à la Commission durant la
procédure administrative, consistant à renoncer à l'introduction d'un recours devant
le Tribunal contre la décision à intervenir, n'a pas non plus pu contribuer à faciliter
cette tâche.
- 333.
- Par conséquent, lorsque la Commission déclare au point 172, premier alinéa, des
considérants de la décision qu'elle a accordé des réductions des amendes infligées
aux entreprises qui, dans leurs réponses à la communication des griefs, n'ont pas
nié les principales allégations de fait invoquées par la Commission, force est de
constater que ces réductions des amendes ne peuvent être considérées comme
licites que dans la mesure où les entreprises concernées ont expressément déclaré
qu'elles ne contestaient pas lesdites allégations.
- 334.
- A supposer même que la Commission ait appliqué un critère illégal en réduisant
les amendes infligées à des entreprises qui n'avaient pas déclaré expressément
qu'elles ne contestaient pas les allégations de fait, il convient de rappeler que le
respect du principe d'égalité de traitement doit se concilier avec le respect du
principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité
commise en faveur d'autrui (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 4 juillet 1985,
Williams/Cour des comptes, 134/84, Rec. p. 2225, point 14). Dans la mesure où
l'argumentation de la requérante tend précisément à ce que lui soit reconnu un
droit à une réduction illégale de l'amende, cette argumentation ne saurait, par
conséquent, être accueillie.
- 335.
- Le fait que la Commission ait éventuellement accordé des réductions illégales du
montant de certaines amendes ne pouvant pas entraîner une réduction du montant
de l'amende infligée à la requérante, celle-ci ne saurait faire valoir que ses droits
de la défense ont été violés du fait qu'elle n'a pas pu vérifier si, sur ce point, elle
a fait l'objet d'un traitement différent de celui réservé aux autres entreprises.
- 336.
- Enfin, l'argument de la requérante selon lequel les entreprises Sarrió et Enso
Española et, dans une certaine mesure Weig, ont bénéficié d'une réduction d'un
tiers du montant de leurs amendes, alors qu'elles auraient contesté, dans leurs
recours contre la décision introduits devant le Tribunal, les allégations contenues
dans celle-ci est inopérant. En effet, la Commission n'a tenu compte que du
comportement des entreprises lors de la procédure administrative pour octroyer
des réductions du montant des amendes.
- 337.
- Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.
G Sur le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement en ce que
l'amende infligée à la requérante serait trop élevée par rapport à celle infligée à Stora
Arguments des parties
- 338.
- La requérante fait valoir qu'il ressort de la jurisprudence que les amendes doivent
être fixées individuellement, sans discrimination, en tenant compte de la
participation de chacune des entreprises à l'infraction, de leur situation sur le
marché et de leur situation économique générale (voir arrêts de la Cour du 15
juillet 1970, Buchler/Commission, 44/69, Rec. p. 733, Suiker Unie e.a./Commission,
précité, et du 12 juillet 1979, BMW e.a./Commission, 32/78 et 36/78 à 82/78, Rec.
p. 2435). La Cour et le Tribunal auraient souligné à plusieurs reprises l'importance
du principe d'égalité de traitement (arrêts de la Cour du 30 janvier 1985,
BAT/Commission, 35/83, Rec. p. 363, points 43 à 47, du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279/87, Rec. p. I-261, publication sommaire, points 40 et 41, et
arrêts Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, précité, point 52, et
ICI/Commission, précité).
- 339.
- Eu égard à cette jurisprudence, la requérante estime que l'argument de la
Commission selon lequel elle ne pourrait se prévaloir d'un traitement
éventuellement favorable accordé à Stora ne saurait aboutir.
- 340.
- Le moyen s'articule en deux branches.
- 341.
- Dans la première branche, la requérante fait valoir que l'amende qui lui a été
infligée est disproportionnée par rapport à celle infligée à Stora.
- 342.
- Elle souligne que Feldmühle a pris l'initiative des sous-cotations systématiques qui
ont contraint la requérante et d'autres producteurs non communautaires à mettre
fin à leur politique d'expansion sur le marché communautaire. Les représentants
de Stora/Feldmühle auraient joué un rôle particulièrement actif au sein du JMC
et du PWG. Enfin, Stora aurait été, pendant la période en question, le leader du
marché européen du carton, avec une part de marché s'élevant à environ 14 %.
- 343.
- Dès lors, l'amende de Stora, avant les éventuelles réductions, aurait dû être
sensiblement supérieure à celle de la requérante. La Commission aurait donc violé
le principe d'égalité lors de la fixation des amendes (arrêt ICI/Commission, précité,
points 352, 354 et suivants).
- 344.
- Dans la seconde branche du moyen, la requérante soutient que la réduction de
l'amende accordée à Stora viole également le principe d'égalité de traitement. En
premier lieu, la Commission aurait considéré à tort que Stora a coopéré de
manière volontaire et spontanée. Stora n'aurait, en effet, «avoué» que neuf mois
après le dépôt de la plainte de l'association BPIF, plainte dont le secteur aurait
rapidement eu connaissance, soit quatre mois après les vérifications effectuées par
la Commission et seulement après avoir reçu les demandes de renseignements
envoyées par celle-ci.
- 345.
- En second lieu, la requérante conteste que «l'aveu» de Stora ait véritablement
contribué de manière décisive à l'établissement de l'infraction alléguée. Elle met
l'accent, à cet égard, sur les indications de la Commission selon lesquelles les
déclarations de Stora sont corroborées sur tous les points importants par d'autres
documents.
- 346.
- En troisième lieu, la réduction accordée à Stora serait, en tout état de cause,
disproportionnée. Comparant les constatations du Tribunal dans l'arrêt
ICI/Commission, précité (point 393), et les faits de l'espèce, la requérante soutient
que Stora ne saurait, en tout état de cause, être traitée de manière plus favorable
que ne l'a été ICI devant le Tribunal.
- 347.
- En quatrième lieu, elle affirme dans sa réplique, en se fondant notamment sur
l'arrêt Solvay/Commission, précité (points 341 et suivants), qu'il est douteux que le
seul fait d'avouer puisse être récompensé au moyen d'une réduction au titre de la
coopération, puisque les entreprises sont, en tout état de cause, tenues de répondre
aux demandes de renseignements de la Commission.
- 348.
- Enfin, en cinquième lieu, dans sa réplique, elle affirme que la Commission a
imposé des amendes élevées à certaines entreprises du seul fait qu'elles n'avaient
pas complètement souscrit à l'appréciation des faits portée par Stora. Cette
pratique serait inacceptable, d'autant que Stora aurait été l'une des entreprises les
plus gravement impliquées et aurait donc eu un intérêt évident à diminuer son
propre rôle dans l'entente par rapport aux autres entreprises.
- 349.
- D'après la Commission, la requérante ne conteste pas la légalité de sa propre
amende mais celle de l'amende imposée à Stora. Or, la requérante ne pourrait pas
se prévaloir de l'éventuelle illégalité de l'amende imposée à Stora, puisque le
principe d'égalité de traitement ne signifie pas que la requérante puisse prétendre,
dans l'hypothèse où l'amende imposée à Stora serait illégale, à un traitement aussi
illégal.
- 350.
- En tout état de cause, l'amende infligée à Stora serait appropriée. De plus, une
violation du principe d'égalité de traitement présupposerait un traitement différent
de cas comparables. Or, la situation de la requérante ne serait pas comparable avec
celle de Stora. Si les deux entreprises devaient être considérées comme des «chefs
de file» devant porter une responsabilité particulière, il n'en resterait pas moins
que Stora aurait rapidement et amplement coopéré avec la Commission, ce qui
n'aurait pas été le cas pour la requérante.
- 351.
- Enfin, la Commission fait observer que les déclarations faites par Stora allaient
bien au-delà des demandes de renseignements de la Commission et que Stora n'a
pas, comme l'affirme la requérante, rétracté la plus grande partie de ses aveux.
Appréciation du Tribunal
- 352.
- Selon une jurisprudence constante, le principe général d'égalité de traitement, qui
appartient aux principes fondamentaux du droit communautaire, n'est violé que
lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des
situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel
traitement soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984,
Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et du 28 juin 1990, Hoche, C-174/89, Rec.
p. I-2681, point 25, et, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 1994, La
Pietra/Commission, T-100/92, RecFP p. II-275, point 50).
- 353.
- En l'espèce, la requérante invoque une violation de ce principe. Elle fait valoir que
l'amende qui lui a été infligée a été calculée à partir d'un taux de base identique
à celui retenu pour calculer l'amende infligée à Stora, soit 9 % du chiffre d'affaires
réalisé en 1990 sur le marché communautaire du carton, alors que son rôle dans
l'entente aurait été différent de celui de Stora.
- 354.
- A cet égard, il suffit de constater qu'il ressort de la décision que Stora et la
requérante ont participé aux différents éléments constitutifs de l'entente en tant
que participants aux réunions du PWG et que les deux entreprises ont été
qualifiées de «chefs de file» de l'entente du fait de leur participation aux réunions
de cet organe du GEP Carton. Il s'ensuit que les situations de ces entreprises dans
l'entente ne sont pas différentes et que leur traitement identique lors du calcul du
montant de l'amende était justifié. En effet, à supposer même que les éléments
invoqués par la requérante afin de démontrer qu'elle a joué un rôle moins actif que
Stora au sein du PWG soient établis, ces éléments ne seraient pas susceptibles
d'infirmer la constatation de la Commission relative aux rôles respectifs de la
requérante et de Stora. Dans ces conditions, la première branche du moyen doit
être écartée.
- 355.
- La seconde branche du moyen ne saurait non plus être retenue.
- 356.
- En effet, Stora a fourni à la Commission des déclarations comportant une
description très détaillée de la nature et de l'objet de l'infraction, du
fonctionnement des divers organes du GEP Carton et de la participation à
l'infraction des différents producteurs. Par ces déclarations, Stora a fourni des
renseignements allant bien au-delà de ceux dont la production peut être exigée par
la Commission en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. Bien que la Commission
déclare, dans la décision, qu'elle a obtenu des éléments de preuve corroborant les
renseignements contenus dans les déclarations de Stora (points 112 et 113 des
considérants), il apparaît clairement que les déclarations de Stora ont constitué le
principal élément de preuve de l'existence de l'infraction. Sans ces déclarations, il
aurait donc été, à tout le moins, beaucoup plus difficile pour la Commission de
constater et, le cas échéant, de mettre fin à l'infraction faisant l'objet de la décision.
- 357.
- Dans ces conditions, la Commission n'a pas, en réduisant des deux tiers le montant
de l'amende infligée à Stora, dépassé la marge d'appréciation dont elle dispose lors
de la détermination du montant des amendes. La requérante ne saurait donc
valablement prétendre que la réduction accordée à Stora est disproportionnée.
- 358.
- De plus, une violation du principe d'égalité de traitement ne saurait être constatée
en l'espèce puisque, à la différence de Stora qui a coopéré de manière active avec
la Commission, la requérante a contesté l'essentiel des allégations de fait sur
lesquelles la Commission fondait ses griefs. La Commission a donc pu traiter ces
deux entreprises de manière différente lorsqu'elle a décidé de l'octroi et de
l'ampleur des réductions des montants des amendes, puisque leurs situations
n'étaient pas comparables.
- 359.
- Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté comme non fondé.
H Sur le moyen tiré de l'existence de certaines circonstances atténuantes
Arguments des parties
- 360.
- La requérante soutient que certains éléments de fait auraient dû être considérés
par la Commission comme des circonstances atténuantes lors de la fixation du
montant de l'amende.
- 361.
- En premier lieu, la requérante n'aurait pas essayé de dissimuler des documents
compromettants, bien qu'ayant été avertie préalablement de la vérification
effectuée par les agents de la Commission.
- 362.
- En second lieu, elle aurait été une entreprise de moyenne taille jusqu'au milieu de
l'année 1990. Ce ne serait qu'au cours de cette année qu'elle aurait installé sa
nouvelle machine à la cartonnerie de Neuss (Allemagne) et qu'elle aurait pris le
contrôle des sociétés Deisswil et Eerbeek, respectivement en avril et en septembre
(avec effet rétroactif au 1er janvier 1990).
- 363.
- En troisième lieu, il s'agirait de la première infraction dans le secteur du carton.
- 364.
- En quatrième lieu, les augmentations des prix du carton GD, le carton
principalement fabriqué par la requérante, auraient été plus faibles que celles du
carton GC. La requérante n'aurait donc pas pu obtenir la marge d'exploitation
imputée aux autres entreprises.
- 365.
- Enfin, en cinquième lieu, la requérante soutient dans sa réplique que la
Commission était obligée de prendre en compte, conformément à sa pratique
décisionnelle antérieure, les conditions difficiles qui prévalaient dans le secteur du
carton jusqu'à la fin des années 1980 et qui excluaient la possibilité d'obtenir un
rendement approprié du capital investi. Il y aurait lieu de tenir compte également
du fait que le secteur en cause est caractérisé par des chiffres d'affaires élevés mais
des bénéfices plutôt faibles. Dès lors, des amendes calculées sur la seule base des
chiffres d'affaires des producteurs de carton affecteraient les producteurs d'une
manière particulièrement forte.
- 366.
- La Commission rétorque qu'elle n'était pas tenue de considérer les éléments en
cause comme des circonstances atténuantes.
Appréciation du Tribunal
- 367.
- Comme cela a déjà été relevé (ci-dessus point 256), la gravité des infractions doit
être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les
circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des
amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de
critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO
e.a./Commission, précitée, point 54).
- 368.
- Par conséquent, le seul fait que la Commission a considéré, dans sa pratique
décisionnelle antérieure, que certains éléments constituaient des circonstances
atténuantes aux fins de la détermination du montant de l'amende n'implique pas
qu'elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure.
La Commission n'était donc pas obligée de tenir compte, à supposer qu'elle ait été
établie, de la situation déficitaire du secteur.
- 369.
- De plus, la Commission a tenu compte, afin de déterminer le montant de l'amende,
du chiffre d'affaires réalisé par la requérante sur le marché communautaire du
carton en 1990. La position de la requérante dans le secteur ainsi que l'ampleur de
l'infraction qu'elle a commise ont donc été pris en considération par la
Commission.
- 370.
- Enfin, le fait que l'infraction soit, selon la requérante, la première infraction dans
le secteur en cause ne saurait constituer une circonstance atténuante. Il doit être
considéré que le fait que la Commission a déjà constaté, par le passé, qu'une
entreprise avait enfreint les règles de la concurrence et l'a, le cas échéant,
sanctionnée à ce titre, peut être retenu comme circonstance aggravante contre cette
entreprise, mais que l'absence d'infraction antérieure constitue une circonstance
normale dont la Commission n'a pas à tenir compte comme circonstance
atténuante, d'autant plus qu'en l'espèce on se trouve en présence d'une infraction
particulièrement patente à l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir arrêt du
Tribunal du 17 décembre 1991, DSM/Commission, T-8/89, Rec. p. II-1833, point
317).
- 371.
- Dans ces conditions, la Commission était en droit de ne pas retenir en tant que
circonstances atténuantes les éléments invoqués par la requérante.
- 372.
- Il s'ensuit que le moyen ne peut pas être accueilli.
I Sur le moyen tiré d'une absence de violation intentionnelle
- 373.
- La requérante soutient qu'elle n'avait, à l'époque, aucune connaissance de
l'illégalité des échanges d'informations auxquels elle participait. Il faudrait tenir
compte du fait qu'elle était une entreprise de taille moyenne, n'ayant pas de juriste
à son service et située en dehors de la Communauté. En outre, la réglementation
autrichienne de la concurrence ne contiendrait que des dispositions prévoyant des
sanctions en cas d'accords contraignants, alors que, en l'espèce, seules des pratiques
concertées auraient existé.
- 374.
- Ce moyen ne peut pas être retenu.
- 375.
- En effet, il ressort d'une jurisprudence constante que, pour qu'une infraction puisse
être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas
nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre l'interdiction édictée par
l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que la conduite
incriminée avait pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence dans le
marché commun (voir, notamment, arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco
e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117, point 41, et arrêt Dansk
Pelsdyravlerforening/Commission, précité, point 157).
- 376.
- En l'espèce, la Commission a établi la participation de la requérante aux éléments
constitutifs de l'infraction constatée à l'article 1er de la décision. Eu égard à la
nature des agissements constatés, la requérante n'a pas pu ignorer qu'ils avaient
pour objectif de restreindre la concurrence.
J Sur le moyen tiré de la prise en compte d'un chiffre d'affaires erroné
- 377.
- Ce moyen s'articule en deux branches qui doivent être examinées séparément.
Sur la première branche tirée de ce que le chiffre d'affaires constitué par les ventes de
carton gris aurait été erronément pris en compte aux fins du calcul de l'amende
Arguments des parties
- 378.
- La requérante relève que la Commission a calculé l'amende sur la base de son
chiffre d'affaires de 1990 constitué par toutes les ventes des produits en carton. Ce
chiffre inclurait donc celui des ventes de carton gris. Toutefois, la Commission
aurait déclaré, dans un communiqué de presse du 13 juillet 1994, que les amendes
avaient été calculées sur la base du chiffre d'affaires de chacune des entreprises
destinataires de la décision constitué par les ventes des qualités de carton
concernées par celle-ci.
- 379.
- Le carton gris ne faisant pas partie des qualités de carton visées par celle-ci, le
chiffre d'affaires retenu comme base pour le calcul de l'amende devrait être réduit
de 13,1 millions d'écus, montant des ventes de carton gris. L'amende devrait être
réduite en proportion.
- 380.
- La Commission fait valoir que l'on ne saurait utiliser une formule strictement
mathématique pour le calcul de l'amende. En l'espèce, l'amende serait appropriée
eu égard au chiffre d'affaires global de la requérante, les entreprises ne pouvant
exiger la seule prise en compte du chiffre d'affaires relatif aux produits directement
concernés par l'infraction. La Commission souligne l'existence de circonstances
aggravantes, l'absence de circonstances atténuantes, et rappelle qu'elle a pris pour
base du calcul de l'amende le chiffre d'affaires réalisé en 1990 (au lieu de 1993) et
qu'elle n'a tenu compte que du chiffre d'affaires réalisé au moyen des ventes de
carton dans la Communauté.
- 381.
- Dans sa duplique, elle soutient qu'elle avait demandé à la requérante, par lettre du
8 octobre 1993, de lui communiquer notamment le chiffre d'affaires relatif au
carton. Dans sa réponse du 3 novembre 1993, la requérante aurait fourni ce chiffre
en le faisant précéder de l'intitulé «marchandises de carton (GC, GD)». Puisqu'il
avait été expressément indiqué dans la communication des griefs que le carton gris
n'était pas couvert par la procédure, la Commission n'aurait donc eu aucune raison
de vérifier l'exactitude du chiffre d'affaires fourni.
Appréciation du Tribunal
- 382.
- Il ressort du point 4, deuxième alinéa, des considérants de la décision que le carton
gris ne faisait pas l'objet de l'infraction visée par la décision.
- 383.
- Il est constant que la Commission a calculé le montant de l'amende infligée à la
requérante sur la base du chiffre d'affaires réalisé par celle-ci sur le marché
communautaire en 1990 au moyen de ses ventes de carton GC, de carton GD et
de carton gris. Comme la Commission l'a admis lors de l'audience, il ressort
expressément des renseignements fournis par la requérante à la Commission, avant
la communication des griefs, que le chiffre d'affaires qu'elle produisait incluait le
chiffre d'affaires relatif aux ventes de carton gris.
- 384.
- Il convient d'ajouter que, même si la Commission ne pouvait pas ignorer que le
chiffre d'affaires sur lequel elle se fondait incluait le chiffre d'affaires pour le carton
gris, elle n'a jamais demandé à la requérante de lui communiquer le chiffre
d'affaires réalisé en 1990 relatif aux seuls produits visés par la procédure, soit les
cartons GC et GD et, le cas échéant, le carton SBS.
- 385.
- Toutefois, ainsi qu'elle l'a également admis lors de l'audience, la Commission s'est
fondée uniquement, à l'égard des autres entreprises destinataires de la décision, sur
le chiffre d'affaires constitué par les produits concernés par l'infraction visée par
la décision.
- 386.
- Compte tenu de cette constatation, et eu égard au fait que la prise en compte du
chiffre d'affaires constitué par les ventes de carton gris a eu un effet non
négligeable sur le montant de l'amende, ce montant doit être réduit afin d'éliminer
le traitement discriminatoire dont la requérante a ainsi fait l'objet par rapport aux
autres destinataires de la décision.
- 387.
- Le Tribunal tiendra compte de cette conclusion dans le cadre de sa compétence
de pleine juridiction en matière d'amendes, lors de l'appréciation du montant de
l'amende devant être infligée pour l'infraction constatée dans le chef de la
requérante (voir ci-après point 405).
Sur la seconde branche tirée de ce que les chiffres d'affaires de Deisswil et d'Eerbeek
auraient été erronément pris en compte aux fins du calcul du montant de l'amende
Arguments des parties
- 388.
- La requérante soutient que les chiffres d'affaires réalisés en 1990 par les
cartonneries Deisswil et Eerbeek n'auraient pas dû être pris en compte aux fins du
calcul de l'amende.
- 389.
- En ce qui concerne Deisswil, elle rappelle qu'elle a acquis une participation de
66 % dans cette société en avril 1990, avec effet au 1er janvier 1990, et qu'elle a
donc été en mesure d'en prendre le contrôle. Les anciens propriétaires de cette
société, qui auraient été responsables de son comportement pendant plus des trois
quarts de la période pertinente, détiendraient encore une participation de 34 %
dans la société. Dès lors, il serait inéquitable d'imputer l'ensemble du chiffre
d'affaires de Deisswil à la requérante, alors que les anciens propriétaires, qui
profitent toujours du tiers des bénéfices, ne seraient pas affectés par l'amende.
Dans ces conditions, il faudrait soit imposer une amende directement à Deisswil
à l'instar du traitement de la société Laakmann (point 150, troisième alinéa, des
considérants de la décision) , soit imputer le chiffre d'affaires de Deisswil à la
requérante uniquement prorata temporis (sur la base de 13/60, le dénominateur de
la fraction correspondant à la période totale d'infraction, exprimée en mois, à
laquelle s'est référée la Commission pour le calcul du montant des amendes
individuelles).
- 390.
- En ce qui concerne Eerbeek, la requérante ne serait responsable du comportement
de cette société qu'à partir du 1er janvier 1990, date avant laquelle la société KNP
est tenue pour responsable (point 150 des considérants de la décision). Cependant,
en retenant l'intégralité du chiffre d'affaires d'Eerbeek en 1990 pour le calcul de
l'amende de Mayr-Melnhof, la Commission ne s'en serait pas tenue à sa propre
appréciation car elle aurait également retenu ce chiffre pour calculer l'amende
infligée à KNP.
- 391.
- En outre, la requérante n'aurait pleinement pris le contrôle de la société Eerbeek
qu'en septembre 1990. Elle n'aurait donc pu exercer une influence déterminante
sur son comportement sur le marché qu'à partir de cette date. Conformément à la
pratique en matière d'amendes ainsi qu'aux principes jurisprudentiels, ce ne serait
qu'à partir de cette date que le chiffre d'affaires d'Eerbeek pourrait être imputé
à la requérante. Le chiffre d'affaires réalisé par Eerbeek en 1990 (l'année de
référence) ne pourrait donc lui être imputé qu'à concurrence de 8/60, soit de
septembre 1990 à avril 1991.
- 392.
- Dans sa réplique, la requérante ajoute que le traitement des cas d'Eerbeek et de
Deisswil est contradictoire, car, en ce qui concerne la société Eerbeek, la
Commission soutiendrait que le critère déterminant est celui de l'identité de la
personne qui encaisse les bénéfices durant la période pertinente, alors que, en ce
qui concerne la société Deisswil, elle rejetterait la pertinence de ce critère en
soutenant que le critère déterminant est celui du contrôle effectif.
- 393.
- La Commission soutient avoir à juste titre pris en compte les chiffres d'affaires
réalisés en 1990 par les entreprises Deisswil et Eerbeek pour le calcul du montant
de l'amende. En effet, pour ce calcul, il aurait fallu fixer une année de référence,
soit en l'espèce l'année 1990. Les sociétés ayant réalisé un chiffre d'affaires plus
élevé au cours de cette année qu'au cours des autres années auraient ainsi été plus
sévèrement sanctionnées. Cependant, l'année de référence ayant été correctement
choisie, cela ne justifierait aucune distinction en fonction des raisons d'une telle
progression du chiffre d'affaires.
- 394.
- En ce qui concerne Deisswil, la Commission aurait dûment tenu compte du fait que
la requérante exerçait en 1990 le plein contrôle de cette entreprise et qu'elle
pouvait donc orienter le comportement commercial de celle-ci. Dans ces conditions,
le fait que la requérante n'ait pas encaissé l'ensemble des bénéfices de cette société
serait sans pertinence.
- 395.
- En ce qui concerne Eerbeek, la Commission fait valoir que le facteur décisif a été
le fait que la requérante avait encaissé les bénéfices à partir du 1er janvier 1990 et
qu'elle avait donc profité économiquement de l'infraction à partir de cette date.
- 396.
- Enfin, la Commission relève que le chiffre d'affaires d'Eerbeek n'a pas été
illégalement pris en compte à deux reprises.
Appréciation du Tribunal
- 397.
- La requérante ne conteste pas que, à la date à laquelle elle a pris le contrôle de
Deisswil, tant cette dernière société qu'elle-même participaient à l'infraction visée
par la décision. Par conséquent, elle connaissait nécessairement le comportement
anticoncurrentiel de Deisswil.
- 398.
- Dans ces conditions, la Commission a pu lui imputer le comportement de Deisswil
pour la période précédant et pour la période suivant son acquisition de cette
entreprise. Il incombait à la requérante, en sa qualité de société mère, de prendre
à l'égard de sa filiale toute mesure destinée à empêcher la poursuite de l'infraction,
dont elle n'ignorait pas l'existence. Or, la requérante ne conteste pas que le
comportement infractionnel de Deisswil s'est poursuivi après la date à laquelle elle
en a pris le contrôle.
- 399.
- Il s'ensuit que la Commission était en droit d'inclure, aux fins du calcul de l'amende
infligée à la requérante, le chiffre d'affaires réalisé par Deisswil sur le marché
communautaire du carton en 1990, année de référence dont la prise en compte
n'est pas critiquée par la requérante. Il s'ensuit également qu'il est sans pertinence
de savoir si la Commission aurait pu infliger l'amende, ou une partie de celle-ci, à
la société Deisswil elle-même ou aux anciens propriétaires de cette société.
- 400.
- En ce qui concerne Eerbeek, le point 150, deuxième alinéa, des considérants de la
décision énonce:
«Mayr-Melnhof doit également assumer la responsabilité de la participation à
l'infraction de [...] Mayr-Melnhof Eerbeek BV (la nouvelle raison sociale de KNP
Vouwkarton), à compter de la date de son acquisition, au 1er janvier 1990. Pour la
période antérieure, c'est KNP qui est responsable de la participation de KNP
Vouwkarton, et aucune responsabilité ne sera imputée à [Mayr-Melnhof].»
- 401.
- En dépit de ces indications, la Commission a pris en compte, aux fins du calcul du
montant de l'amende infligée à la requérante, la totalité du chiffre d'affaires réalisé
par Eerbeek sur le marché communautaire du carton en 1990 (l'année de
référence), sans le rapporter prorata temporis à la seule période pendant laquelle
cette entreprise s'était trouvée sous le contrôle de la requérante. Ce faisant, elle
n'a pas tenu compte de sa propre constatation selon laquelle la requérante n'était
responsable de la participation à l'infraction de la société KNP
Vouwkarton/Eerbeek qu'à compter du 1er janvier 1990.
- 402.
- La Commission ayant expressément admis, lors de l'audience, avoir commis une
erreur sur ce point, il convient de procéder à une réduction du montant de
l'amende.
- 403.
- Il convient d'ajouter que si Eerbeek a été acquise par la requérante à hauteur de
100 % en septembre 1990, celle-ci ne conteste pas que cette acquisition a produit
ses effets au 1er janvier 1990. Dans ces conditions, la requérante n'ayant pas pu
ignorer le comportement infractionnel de la société qu'elle acquérait (dans le même
sens, voir ci-dessus point 397), la Commission était en droit de considérer que la
requérante devait assumer la responsabilité d'un tel comportement de ladite
entreprise à partir du 1er janvier 1990.
- 404.
- Il ressort de tout ce qui précède que les moyens invoqués par la requérante à
l'appui de sa demande d'annulation de l'article 1er de la décision doivent êtrerejetés, alors que le moyen invoqué à l'appui de sa demande d'annulation de
l'article 2 de la décision doit être partiellement accueilli.
- 405.
- Une réduction du montant de l'amende doit être accordée afin de tenir compte,
d'une part, du fait que le chiffre d'affaires de la requérante réalisé au moyen des
ventes de carton gris a été erronément pris en compte aux fins de la fixation du
montant de l'amende et, d'autre part, du fait que la requérante n'était responsable
du comportement d'Eerbeek qu'à partir du 1er janvier 1990.
- 406.
- Aucun des autres moyens invoqués par la requérante ne justifiant une réduction
de l'amende, le Tribunal, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction,
fixera le montant de cette amende à 17 000 000 écus.
Sur les dépens
- 407.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal
peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens
si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours
ayant été partiellement accueilli, le Tribunal fera une juste appréciation des
circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera ses propres
dépens ainsi que le quart des dépens exposés par la requérante et que la
requérante supportera les trois quarts de ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) L'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision 94/601/CE de la
Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 Carton) est annulé à l'égard de la
requérante, sauf en ce qui concerne les passages suivants:
«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux
infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à
l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout
accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet
identique ou similaire, y compris tout échange d'informations
commerciales:
a) par lequel les participants seraient informés directement ou
indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet,
des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou
des plans de commercialisation d'autres fabricants.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient
abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière
à exclure toutes données permettant d'identifier le comportement de
fabricants déterminés.»
2) Le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 3 de la
décision 94/601 est fixé à 17 000 000 écus.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) La Commission supportera ses propres dépens et le quart des dépens
exposés par la requérante.
5) La requérante supportera les trois quarts de ses propres dépens.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 1998.
Le greffier
Le président
H. Jung
B. Vesterdorf
Table des matières
Faits à l'origine du litige
II - 2
Procédure
II - 6
Conclusions des parties
II - 7
Sur la demande d'annulation de l'article 1er de la décision
II - 8
A Sur les moyens tirés de la violation des formes substantielles
II - 8
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité
II - 8
Arguments des parties
II - 8
Appréciation du Tribunal
II - 9
Sur le moyen tiré d'une violation des exigences de preuve du droit
communautaire
II - 10
B Sur les moyens tirés de la violation de règles de fond
II - 10
Sur le moyen tiré d'une absence d'accords en matière de prix
II - 10
Arguments des parties
II - 10
Appréciation du Tribunal
II - 13
Sur le moyen tiré d'une absence d'accord et de pratique concertée relatifs à la
prétendue politique de «prix avant le tonnage»
II - 16
Arguments des parties
II - 16
Appréciation du Tribunal
II - 19
1. Sur l'existence d'une concertation visant à geler les parts de marché
et d'une concertation visant à contrôler l'offre
II - 19
2. Sur le comportement effectif de la requérante
II - 25
3. Sur la qualification juridique de la concertation visant à geler les parts
de marché et de la concertation visant à contrôler l'offre
II - 26
Sur le moyen tiré d'une absence de plan sectoriel commun visant à restreindre
la concurrence
II - 26
Arguments des parties
II - 26
Appréciation du Tribunal
II - 27
Sur le moyen tiré de la légalité du système d'échange d'informations de la
Fides
II - 28
Arguments des parties
II - 28
Appréciation du Tribunal
II - 28
Sur la demande d'annulation de l'article 2 de la décision
II - 31
Arguments des parties
II - 31
Appréciation du Tribunal
II - 33
Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant
II - 38
A Sur le moyen tiré de l'existence d'erreurs manifestes de droit ou de fait lors de
la fixation du montant général des amendes
II - 38
Sur la première branche tirée d'erreurs commises par la Commission lors de la
détermination de la portée des infractions
II - 38
Sur la deuxième branche tirée de l'absence de régulation dans le détail du
marché du carton dans la Communauté
II - 38
Arguments des parties
II - 38
Appréciation du Tribunal
II - 39
Sur la troisième branche tirée de ce que le caractère secret et la dissimulation ne
sauraient être considérés comme des éléments aggravants
II - 39
Arguments des parties
II - 39
Appréciation du Tribunal
II - 40
Sur la quatrième branche du moyen tirée de ce que la Commission aurait à tort
considéré que l'entente avait «largement réussi à atteindre ses objectifs»
II - 41
Arguments des parties
II - 41
Appréciation du Tribunal
II - 43
Sur la cinquième branche du moyen tirée de la prise en compte d'une marge
d'exploitation erronée
II - 46
Arguments des parties
II - 46
Appréciation du Tribunal
II - 47
B Sur les moyens tirés d'une violation de l'article 190 du traité ainsi que d'une
violation du principe d'égalité de traitement quant au niveau général des
amendes
II - 47
Arguments des parties
II - 47
Appréciation du Tribunal
II - 49
C Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité lors de la fixation du
montant des amendes individuelles
II - 51
Arguments des parties
II - 51
Appréciation du Tribunal
II - 53
D Sur le moyen tiré de ce que la requérante aurait été erronément qualifiée de
«chef de file» de l'entente
II - 56
Arguments des parties
II - 56
Appréciation du Tribunal
II - 57
E Sur le moyen tiré d'une violation des droits de la défense
II - 58
Arguments des parties
II - 58
Appréciation du Tribunal
II - 59
F Sur le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement en ce que
la requérante n'a pas bénéficié d'une réduction de l'amende
II - 62
Arguments des parties
II - 62
Appréciation du Tribunal
II - 64
G Sur le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement en ce que
l'amende infligée à la requérante serait trop élevée par rapport à celle infligée
à Stora
II - 65
Arguments des parties
II - 65
Appréciation du Tribunal
II - 67
H Sur le moyen tiré de l'existence de certaines circonstances atténuantes
II - 68
Arguments des parties
II - 68
Appréciation du Tribunal
II - 69
I Sur le moyen tiré d'une absence de violation intentionnelle
II - 70
J Sur le moyen tiré de la prise en compte d'un chiffre d'affaires erroné
II - 71
Sur la première branche tirée de ce que le chiffre d'affaires constitué par les
ventes de carton gris aurait été erronément pris en compte aux fins du calcul
de l'amende
II - 71
Arguments des parties
II - 71
Appréciation du Tribunal
II - 72
Sur la seconde branche tirée de ce que les chiffres d'affaires de Deisswil et
d'Eerbeek auraient été erronément pris en compte aux fins du calcul du
montant de l'amende
II - 72
Arguments des parties
II - 72
Appréciation du Tribunal
II - 74
Sur les dépens
II - 75