ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
14 mai 1998 (1)
«Concurrence Article 85, paragraphe 1, du traité CE Notion d'infraction
unique Échange d'informations Injonction Amende Détermination du
montant Méthode de calcul Motivation Circonstances atténuantes»
Dans l'affaire T-334/94,
Sarrió SA, société de droit espagnol, établie à Pampelune (Espagne), représentée
par Mes Antonio Creus Carreras, avocat au barreau de Barcelone, Alberto Mazzoni,
avocat au barreau de Milan, Antonio Tizzano et Gian Michele Roberti, avocats au
barreau de Naples, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Alain
Lorang, 51, rue Albert 1er,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Richard Lyal,
membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Alberto Dal Ferro,
avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M.
Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/601/CE de la
Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article
85 du traité CE (IV/C/33.833 Carton) (JO L 243, p. 1),
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),
composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briët, Mme P. Lindh,
MM. A. Potocki et J. D. Cooke, juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s'est déroulée du
25 juin au 8 juillet 1997,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- La présente affaire concerne la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet
1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE
(IV/C/33.833 Carton) (JO L 243, p. 1), rectifiée avant sa publication par une
décision de la Commission du 26 juillet 1994 [C(94) 2135 final] (ci-après
«décision»). La décision a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de
carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du
traité.
- 2.
- Le produit faisant l'objet de la décision est le carton. Trois types de carton,
désignés comme relevant des qualités «GC», «GD» et «SBS», sont mentionnés
dans la décision.
- 3.
- Le carton de qualité GD (ci-après «carton GD») est un carton à intérieur gris
(papiers recyclés) qui sert habituellement à l'emballage de produits non
alimentaires.
- 4.
- Le carton de qualité GC (ci-après «carton GC») est un carton présentant une
couche extérieure blanche et servant habituellement à l'emballage de produits
alimentaires. Le carton GC est d'une qualité supérieure à celle du carton GD.
Dans la période couverte par la décision, il a généralement existé entre ces deux
produits un écart de prix d'environ 30 %. Dans une moindre mesure, le carton GC
de haute qualité sert également à des utilisations graphiques.
- 5.
- SBS est le sigle utilisé pour désigner le carton entièrement blanc (ci-après «carton
SBS»). Ce carton est un produit dont le prix est d'environ 20 % supérieur à celui
du carton GC. Il sert à l'emballage des aliments, des produits cosmétiques, des
médicaments et des cigarettes, mais il est destiné principalement à des utilisations
graphiques.
- 6.
- Par lettre du 22 novembre 1990, la British Printing Industries Federation,
organisation professionnelle qui représente la majorité des fabricants de boîtes
imprimées du Royaume-Uni (ci-après «BPIF»), a déposé une plainte informelle
auprès de la Commission. Elle a fait valoir que les fabricants de carton
approvisionnant le Royaume-Uni avaient introduit une série de hausses de prix
simultanées et uniformes et demandé à la Commission de vérifier l'existence d'une
éventuelle infraction aux règles communautaires de la concurrence. Afin d'assurer
la publicité de son initiative, la BPIF a publié un communiqué de presse. Le
contenu de ce communiqué a été relaté par la presse professionnelle spécialisée
dans le courant du mois de décembre 1990.
- 7.
- Le 12 décembre 1990, la Fédération française du cartonnage a également déposé
une plainte informelle auprès de la Commission, dans laquelle elle présentait des
observations relatives au marché français du carton en des termes analogues à ceux
de la plainte déposée par la BPIF.
- 8.
- Les 23 et 24 avril 1991, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article
14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier
règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après
«règlement n° 17»), ont procédé à des vérifications simultanées sans avertissement
préalable dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles
du secteur du carton.
- 9.
- A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de
renseignements et de documents au titre de l'article 11 du règlement n° 17 à tous
les destinataires de la décision.
- 10.
- Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de
renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les
entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins
(dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du
traité.
- 11.
- En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette
dernière disposition. Par lettre du 21 décembre 1992, elle a adressé une
communication des griefs à chacune des entreprises concernées. Toutes les
entreprises destinataires y ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à
être entendues oralement. Leur audition a eu lieu du 7 au 9 juin 1993.
- 12.
- Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les
dispositions suivantes:
«Article premier
Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard
the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH
& Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de
Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke
Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och
Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA,
Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper
& Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA
(anciennement Tampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont
enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:
dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990
au moins,
dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991
au moins,
dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,
dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu
desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:
se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et
institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun
de restriction de la concurrence,
ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour
chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,
ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et
uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,
se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux
fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,
ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures
concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire,
afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,
ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les
arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des
machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.
[...]
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions
constatées à l'article 1er:
[...]
xv) Sarrió SpA, une amende de 15 500 000 écus;
[...]»
- 13.
- Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé
«Groupe d'étude de produit Carton» (ci-après «GEP Carton»), composé de
plusieurs groupes ou comités.
- 14.
- Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un «Presidents Working
Group» (ci-après «PWG») réunissant des représentants de haut niveau des
principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).
- 15.
- Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant
les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris
des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des
augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants.
- 16.
- Le PWG faisait rapport à la «President Conference» (ci-après «PC») à laquelle
participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux
des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période
en cause.
- 17.
- A la fin de l'année 1987 a été créé le «Joint Marketing Committee» (ci-après
«JMC»). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans
l'affirmative, comment des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre
et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées
par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système
de prix équivalent en Europe.
- 18.
- Enfin, le comité économique (ci-après «COE») débattait, notamment, des
fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et
faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au
prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de
directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait
plusieurs fois par an.
- 19.
- Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités
du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par
l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse).
Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides
des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation
des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les
données agrégées étaient envoyées aux participants.
- 20.
- La requérante Sarrió SA (ci-après «Sarrió») est le fruit d'une fusion survenue en
1990 entre la division carton du plus gros fabricant italien Saffa et le fabricantespagnol Sarrió (point 11 des considérants de la décision). Sarrió a également
acquis, en 1991, le fabricant espagnol Prat Carton (même point).
- 21.
- Sarrió a été considérée comme responsable de la participation de Prat Carton à
l'entente reprochée pour toute la durée de cette participation (point 154 des
considérants de la décision).
- 22.
- Sarrió fabrique principalement du carton GD, mais produit aussi du carton GC.
Procédure
- 23.
- Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 octobre 1994, la requérante a
introduit le présent recours.
- 24.
- Seize des dix-huit autres entreprises tenues pour responsables de l'infraction ont
également introduit un recours contre la décision (affaires T-295/94, T-301/94,
T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94,
T-337/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94).
- 25.
- La requérante dans l'affaire T-301/94, Laakmann Karton GmbH, s'est désistée de
son recours par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 1996, et l'affaire a
été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 18 juillet 1996, Laakmann
Karton/Commission (T-301/94, non publiée au Recueil).
- 26.
- Quatre entreprises finlandaises, membres du groupement professionnel Finnboard
et, à ce titre, tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende
infligée à celui-ci, ont également introduit des recours contre la décision (affaires
jointes T-339/94, T-340/94, T-341/94 et T-342/94).
- 27.
- Enfin, un recours a été introduit par une association CEPI-Cartonboard, non
destinataire de la décision. Cependant, celle-ci s'est désistée par lettre déposée au
greffe du Tribunal le 8 janvier 1997, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal
par ordonnance du 6 mars 1997, CEPI-Cartonboard/Commission (T-312/94, non
publiée au Recueil).
- 28.
- Par lettre du 5 février 1997, le Tribunal a invité les parties à participer à une
réunion informelle, notamment en vue de présenter leurs observations sur la
jonction éventuelle des affaires T-295/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94,
T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94,
T-348/94, T-352/94 et T-354/94 aux fins de la procédure orale. Lors de cette
réunion, qui a eu lieu le 29 avril 1997, les parties ont accepté une telle jonction.
- 29.
- Par ordonnance du 4 juin 1997, le président de la troisième chambre élargie du
Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de
leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure, et a
accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans
la présente affaire.
- 30.
- Par ordonnance du 20 juin 1997, il a accueilli une demande de traitement
confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-337/94 relativement à un
document produit en réponse à une question par écrit du Tribunal.
- 31.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé
d'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure en
demandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produire
certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.
- 32.
- Les parties dans les affaires mentionnées au point 28 ont été entendues en leurs
plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui
s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997.
Conclusions des parties
- 33.
- La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision;
à titre subsidiaire, annuler, d'une part, son article 2 et, d'autre part, son
article 3, dans la mesure où cette dernière disposition inflige à la requérante
une amende de 15 500 000 écus;
à titre plus subsidiaire, réduire le montant de cette amende;
condamner la partie défenderesse aux dépens.
- 34.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours;
condamner la partie requérante aux dépens.
Sur la demande d'annulation de la décision
A Sur le moyen de procédure et de forme tiré d'une violation des droits de la défense
Arguments des parties
- 35.
- La requérante invoque une violation de ses droits de la défense, liée à la prise en
compte par la Commission (au point 79 des considérants de la décision), comme
élément de preuve de l'infraction, d'un document découvert chez Finnboard (UK)
Ltd lors des vérifications effectuées en avril 1991 (ci-après «liste de prix
Finnboard»). Elle rappelle que ce document ne lui a été envoyé que le 28 avril
1994, c'est-à-dire bien après le dépôt de sa réponse à la communication des griefs
et après l'audition devant la Commission. Ce retard injustifié l'aurait privée de la
possibilité d'exprimer son point de vue au sujet de la signification effective du
document, du contexte dans lequel il a été rédigé ainsi qu'au sujet des conclusions
que la Commission en a tirées (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La
Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461). De plus, la communication du document
le 28 avril 1994 n'aurait pas porté remède à ladite violation.
- 36.
- La Commission rétorque que le document en cause a été envoyé à Sarrió
accompagné d'une lettre datée du 28 avril 1994 dans laquelle le contenu du
document et les conclusions que la Commission en avait tirées étaient pleinement
expliqués. La lettre du 28 avril 1994 ayant en outre offert à la requérante la
possibilité de soulever par écrit ses éventuelles observations, elle aurait pu
manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante du document en cause
(voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, BASF/Commission, T-4/89, Rec.
p. II-1523, point 36).
Appréciation du Tribunal
- 37.
- La liste de prix Finnboard a été recueillie par la Commission lors de ses
vérifications dans les bureaux de Finnboard (UK) Ltd en avril 1991 et a été
communiquée à la requérante avec une lettre explicative seize mois après l'envoi
de la communication des griefs.
- 38.
- Selon la jurisprudence du Tribunal, il résulte d'une lecture combinée de l'article 19,
paragraphe 1, du règlement n° 17 et des articles 2 et 4 du règlement n° 99/63/CEE
de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19,
paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268), que la Commission
doit communiquer les griefs qu'elle fait valoir contre les entreprises et les
associations intéressées et ne peut retenir dans ses décisions que les griefs au sujet
desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue (arrêt
du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49,
point 47).
- 39.
- De même, le respect des droits de la défense dans une procédure susceptible
d'aboutir à des sanctions telles que celle en cause exige que les entreprises et
associations d'entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la
procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la
réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission
(arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, précité, point 11, et du Tribunal du 18
décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10/92, T-11/92, T-12/92 et
T-15/92, Rec. p. II-2667, point 39).
- 40.
- En l'espèce, aucun grief nouveau par rapport à ceux figurant dans la
communication des griefs n'a été soulevé par la transmission du document
concerné. En effet, il ressort clairement de la lettre accompagnant la liste de prix
Finnboard que celle-ci constitue seulement une preuve supplémentaire d'un plan
commun de fixation des prix, grief déjà amplement exposé dans la communication
des griefs.
- 41.
- En tout état de cause, la requérante s'est vu expressément offrir, dans la lettre
accompagnant le document, la possibilité de faire connaître, au stade de la
procédure administrative et dans un délai de dix jours, son point de vue sur cet
élément de preuve. Dans ces circonstances, la Commission n'a pas empêché la
requérante de manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante du
document transmis (arrêts de la Cour Hoffmann-La Roche/Commission, précité,
point 11, et du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 27).
- 42.
- Il s'ensuit que le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.
B Sur le fond
Sur le moyen tiré d'une absence de concertation sur les prix de transaction et d'une
violation des exigences de motivation
Arguments des parties
- 43.
- La requérante reconnaît sa participation à une concertation relative aux prix
annoncés mais conteste que la concertation ait porté sur les prix de transaction.
Outre les documents produits dans ses écritures, qui démontreraient que les prix
de transaction n'ont pas suivi les prix annoncés, elle invoque au soutien de son
affirmation le pouvoir de négociation de chaque client, l'évolution de la demande
et des coûts de production et les caractéristiques propres au marché du carton,
notamment la périodicité des annonces des augmentations de prix et le degré élevé
de transparence du marché.
- 44.
- Elle estime que la Commission n'a pas clairement expliqué si elle soutenait qu'il
y avait eu concertation relative non seulement aux prix annoncés mais également
aux prix de transaction. Or, contrairement à ce qu'affirme la Commission, la
distinction entre ces deux types de concertation revêtirait, en raison de leurs effets
différents, une importance majeure (voir arrêt de la Cour du 31 mars 1993,
Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85,
C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307). La requérante soutient, dans sa
réplique, que les incertitudes relatives à l'objet de la concertation constituent en soi
une violation des exigences de motivation et de précision des décisions qui
constatent une violation des règles de la concurrence. Cette violation comporterait
par conséquent une grave atteinte aux droits légitimes de la défense.
- 45.
- La Commission déclare ne pas comprendre que la requérante puisse simultanément
affirmer avoir participé à une concertation sur les prix et soutenir que les
augmentations de prix appliquées n'étaient pas le résultat de cette concertation.
Elle souligne que la décision (notamment points 72 à 102 des considérants) renvoie
tant aux documents démontrant la concertation relative à chaque augmentation
annoncée dans le cadre de l'entente qu'aux documents par lesquels chaque
producteur a effectivement annoncé l'augmentation en cause.
- 46.
- Elle fait valoir ensuite que la distinction entre une concertation sur les prix
annoncés et une concertation sur les prix de transaction n'est pas pertinente en
l'espèce. La concertation au sein du PWG et du JMC n'aurait pas seulement
concerné les prix annoncés mais également la prise des décisions relatives à des
augmentations périodiques de prix pour chaque type de produit et à l'application
de ces augmentations simultanées dans toute la Communauté (voir preuves
documentaires mentionnées aux points 74 à 90, 92 et 94 à 96 des considérants de
la décision).
- 47.
- En outre, compte tenu des preuves d'une concertation au sein des comités auxquels
la requérante a participé, il serait impossible d'affirmer que les annonces de prixn'ont pas levé l'incertitude de chaque entreprise à propos du comportement de ses
concurrents et que la requérante a effectué les augmentations de prix
indépendamment de la concertation (voir arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991,
Rhône-Poulenc/Commission, T-1/89, Rec. p. II-867, points 122 et 123).
Appréciation du Tribunal
- 48.
- Aux termes de l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition
ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, durant la période
de référence, à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les
fournisseurs de carton de la Communauté ont notamment «décidé d'un commun
accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans
chaque monnaie nationale» et «ont planifié et mis en oeuvre des augmentations
de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté».
- 49.
- La requérante reconnaît avoir participé aux quatre organes du GEP Carton et ne
conteste, ni dans ses écritures, ni dans ses réponses aux questions posées par le
Tribunal lors de l'audience, qu'elle a pris part à une concertation sur les prix
annoncés à partir de 1988.
- 50.
- Avant de répondre à l'argument de la requérante selon lequel la concertation n'a
pas porté sur les prix de transaction, il y a lieu d'apprécier si la Commission a
effectivement soutenu dans la décision que la concertation a porté sur de tels prix.
- 51.
- A cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que l'article 1er de la décision
ne précise en rien le prix qui a été l'objet des augmentations concertées.
- 52.
- En second lieu, il ne ressort pas de la décision que la Commission ait soutenu que
les producteurs avaient fixé, voire entendu fixer, des prix de transaction uniformes.
En particulier, les points 101 et 102 des considérants consacrés aux «effets des
initiatives concertées en matière de prix sur le niveau des prix» attestent que la
Commission a considéré que les initiatives en matière de prix concernaient les prix
de catalogue et visaient à produire une augmentation des prix de transaction. Il y
est notamment relevé: «Même si tous les producteurs restaient déterminés à
appliquer intégralement l'augmentation, les possibilités qu'avaient les clients de
passer à une qualité ou à un produit moins onéreux pouvaient amener certains
producteurs à faire à leurs clients traditionnels des concessions sur la date d'entrée
en vigueur des augmentations ou à leur consentir un avantage supplémentaire sous
la forme de rabais ou de réduction en cas de grosse commande, pour leur faire
accepter l'intégralité de l'augmentation du prix de base. Il était par conséquent
inévitable que les augmentations de prix ne puissent faire sentir immédiatement
tous leurs effets.» (Point 101, sixième alinéa, des considérants.)
- 53.
- Il découle ainsi de la décision que la Commission a considéré que le but de la
collusion entre les producteurs en matière de prix était que les augmentations
concertées de prix annoncées aient pour conséquence une augmentation des prix
de transaction. A cet égard, il ressort du point 101, premier alinéa, des considérants
de la décision que «les producteurs ne se contentaient pas d'annoncer les
augmentations de prix convenues mais, à quelques exceptions près, [qu']ils
prenaient également des mesures concrètes pour faire en sorte qu'elles soient
effectivement imposées aux clients». La situation de la présente espèce se distingue
donc de celle examinée par la Cour dans l'arrêt Ahlström Osakeyhtiö
e.a./Commission, précité, puisque la Commission ne soutient pas dans la décision,
à la différence de la décision ayant donné lieu à ce dernier arrêt, que les
entreprises se sont concertées directement sur les prix de transaction.
- 54.
- Cette analyse de la décision est confortée par les documents produits par la
Commission.
- 55.
- En particulier, l'annexe 109 à la communication des griefs contient un compte
rendu de la réunion du JMC du 16 octobre 1989, dans lequel il est notamment
indiqué:
«d) Hollande
[...]
Problèmes importants auprès des gros acquéreurs, notamment Imca, pour
lesquels Cascades et Van Duffel pratiquent encore des prix insensés,
rendant ainsi la vie difficile tant à KNP qu'aux Finlandais.
[...]
f) Belgique
Situation analogue à celle qui prévaut en Hollande. Finnboard avait fait
passer l'augmentation de prix auprès de Van Genechten mais a été obligée
d'avoir une nouvelle entrevue avec cette dernière en raison de concessions
faites en Belgique (par Cascades). On restera ferme et on attend de Beghin,
Cascades et KNP qu'elles fassent de même.
[...]
h) Italie
Saffa a de très gros problèmes avec les prix à l'importation pratiqués par
Kopparfors, Finnboard et même Cascades.
Les livraisons de Saffa ont fortement diminué, les importations ont
fortement augmenté.
Saffa demande instamment aux importateurs de respecter impérativement
les directives en matière de prix qui ont été diffusées.»
- 56.
- Ce document démontre clairement que, si les producteurs ont accepté, de manière
générale, que chacun d'entre eux négocie ses prix de transaction avec ses clients,
chacun des producteurs, et notamment la requérante, expressément mentionnée
dans l'annexe susmentionnée, attendait de ses concurrents qu'ils appliquent des prix
de transaction conformes aux prix convenus, au moins en ce sens que les
négociations individuelles ne devaient pas priver d'effet les augmentations
convenues des prix de catalogue.
- 57.
- En outre, la requérante a reconnu lors de l'audience que les prix annoncés ont
servi de base initiale pour les négociations des prix de transaction avec les clients,
circonstance qui confirme que le but ultime était l'augmentation des prix de
transaction. A cet égard, il suffit de souligner que la fixation de prix de catalogue
uniformes convenue entre les producteurs serait absolument dépourvue de
pertinence si ces prix devaient effectivement ne produire aucun effet sur les prix
de transaction.
- 58.
- Quant à l'argument de la requérante selon lequel les incertitudes relatives à l'objet
de la concertation constitueraient en soi une violation des exigences de motivation,
il y a lieu de rappeler que l'article 1er de la décision ne précise en rien le prix qui
a été l'objet de la collusion.
- 59.
- Dans une telle situation, le dispositif de la décision doit être compris à la lumière
de l'exposé de ses motifs, conformément à une jurisprudence bien établie (voir, par
exemple, arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission,
40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73, 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663,
points 122 à 124).
- 60.
- En l'espèce, il ressort de ce qui précède que la Commission a suffisamment
expliqué dans les considérants de la décision que la concertation portait sur les prix
de catalogue et avait pour but une hausse des prix de transaction.
- 61.
- Par conséquent, le moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le moyen tiré d'une absence de participation à une entente visant le gel des parts
de marché et le contrôle de l'offre
Arguments des parties
- 62.
- Ce moyen comprend trois branches.
- 63.
- Dans la première branche du moyen, la requérante fait valoir que la Commission
ne dispose pas de preuves de l'existence d'une concertation visant le gel des parts
de marché ni de celle d'une concertation visant à contrôler l'offre. A supposer
même que ces concertations soient prouvées à suffisance de droit, la Commission
n'aurait pas prouvé la participation de la requérante à de telles concertations. En
particulier, la requérante conteste la valeur probante de plusieurs annexes à la
communication des griefs sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la
décision.
- 64.
- En premier lieu, l'annexe 73, note interne de Mayr-Melnhof, prouverait
uniquement la concertation sur les prix, expliquerait les conséquences d'une
politique rigoureuse de prix et attesterait l'absence de pression exercée par la
requérante sur Mayr-Melnhof pour que cette dernière n'augmente pas ses parts de
marché par un abaissement de ses prix. A cet égard, la requérante invoque
l'explication fournie par Mayr-Melnhof dans sa lettre du 23 septembre 1991
(annexe 75 à la communication des griefs).
- 65.
- En second lieu, l'annexe 102, note de Rena, concernerait une réunion du Nordic
Paperboard Institute (ci-après «NPI»), association dont la requérante n'aurait pas
été membre.
- 66.
- En troisième lieu, les déclarations de Stora ne pourraient pas constituer, à elles
seules, des éléments de preuve suffisants. De plus, Stora aurait souligné à plusieurs
reprises la relative autonomie dont jouissaient les différentes entreprises en ce qui
concerne notamment les volumes de production et le moment choisi pour l'arrêt
des installations (voir points 57, 59, 60, 69, 70 et 71 des considérants de la
décision). Les déclarations de Stora confirmeraient en outre qu'aucun système de
contrôle d'une quelconque entente sur les quantités n'avait été mis en place. Or,
l'absence d'un système de contrôle de l'évolution des quantités démentirait
clairement l'existence d'une entente sur ce point. Au demeurant, les déclarations
de Stora ne feraient état que de l'opinion personnelle de celle-ci en ce qui
concerne l'intérêt d'adopter des mesures visant le contrôle des quantités de
production et des ventes.
- 67.
- Dans une deuxième branche du moyen, la requérante fait valoir que l'évolution des
parts de marché des différentes entreprises démontre l'absence de concertation
visant le gel des parts de marché ou, à supposer même qu'une concertation entre
certaines entreprises ait eu lieu, qu'elle n'y a pas, en tout état de cause, participé.
- 68.
- En ce qui concerne l'évolution générale des parts de marché, elle souligne que de
nouvelles capacités importantes ont été mises en service par certains producteurs,
notamment Iggesund (MoDo) et Mayr-Melnhof, au cours de la période en cause.
- 69.
- Elle relève également que sa propre part globale du marché communautaire a
diminué de 14,3 % en 1987 à 11,7 % en 1990. Selon elle, une telle diminution n'est
pas compatible avec l'affirmation de la Commission selon laquelle elle aurait
participé à une entente visant le gel des parts de marché des différents
producteurs. En ce qui concerne Prat Carton, la diminution d'environ 9 %, au
cours de la période allant de 1987 à 1990, de sa part globale du marché
communautaire attesterait également l'absence totale d'une participation à une
quelconque concertation visant le gel des parts de marché.
- 70.
- Dans une troisième branche du moyen, la requérante soutient que son
comportement relatif aux arrêts de production et aux exportations vers les marchés
extra-européens n'est pas davantage compatible avec les affirmations de la
Commission.
- 71.
- En ce qui concerne la première branche du moyen, la Commission estime que les
moyens de preuve qu'elle a invoqués, notamment les déclarations de Stora
(annexes 39 et 43 à la communication des griefs) et les annexes 73 et 102 à la
communication des griefs suffisent amplement pour établir l'existence d'une entente
visant le gel des parts de marché et le contrôle de l'offre ainsi que la participation
de la requérante à ces éléments de l'entente.
- 72.
- S'agissant de la deuxième branche du moyen, elle rappelle qu'elle s'est fondée sur
des preuves documentaires d'une entente sur le gel des parts de marché et elle
soutient que l'argumentation de la requérante relative à l'évolution des parts demarché des différentes entreprises n'est, dès lors, pas pertinente à propos de la
question de savoir s'il existait une telle entente. En outre, il serait expressément
admis dans la décision qu'il y a eu une lente évolution des parts de marché de
certaines entreprises, les parts de marché étant renégociées chaque année
(points 60 et 131 des considérants de la décision). En tout état de cause, l'article
85 interdirait les ententes ayant pour objet ou pour effet de restreindre la
concurrence, indépendamment de l'importance du succès remporté.
- 73.
- Pour ce qui est, plus particulièrement, des arguments de la requérante tirés de
l'évolution de ses propres parts de marché, la Commission rappelle que l'infraction
concernait l'ensemble du marché communautaire. La requérante aurait fait partie
du PWG où se déroulaient les discussions sur les parts de marché. En 1989,
l'administrateur délégué de Saffa aurait même été nommé vice-président du GEP
Carton.
- 74.
- La Commission fait observer enfin que l'affirmation de la requérante selon laquelle
elle aurait toujours adopté un comportement autonome n'est étayée par aucun
élément de preuve. Au surplus, à supposer même que la requérante ait violé
l'entente, cela ne changerait rien à l'infraction commise (arrêt Rhône-Poulenc/Commission, précité).
- 75.
- Enfin, en ce qui concerne la troisième branche du moyen, la Commission fait valoir
que Stora a confirmé, dans l'annexe 39 à la communication des griefs, que le PWG
avait prévu et institué un système pour rétablir l'équilibre et contrôler la production
de façon à maintenir les prix à un niveau constant. Par conséquent, le fait que la
situation du marché ou le bon fonctionnement de l'entente ait eu pour conséquence
que la requérante n'avait pas, selon elle, été obligée de recourir à des arrêts de la
production sur une base concertée, n'aurait aucune incidence sur sa responsabilité
ni sur sa participation à l'entente visant le contrôle des parts de marché et des
quantités.
Appréciation du Tribunal
1. Sur l'existence d'une concertation visant à geler les parts de marché et d'une
concertation visant à contrôler l'offre
- 76.
- S'agissant de la première branche du moyen, il doit être rappelé que, aux termes
de l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition ont enfreint
l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, durant la période de référence,
à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les fournisseurs de carton
de la Communauté «se sont entendus pour maintenir les parts de marché des
principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications
occasionnelles», et «ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990,
des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché
communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix
concertées».
- 77.
- D'après la Commission, ces deux catégories de collusion, appréhendées dans la
décision sous le titre «régulation des volumes», ont été initiées durant la période
de référence par les participants aux réunions du PWG. En effet, il ressort du
point 37, troisième alinéa, des considérants de la décision que la véritable tâche du
PWG, telle que décrite par Stora, «consistait notamment dans 'la discussion et la
concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les
hausses de prix et les capacités».
- 78.
- Quant au rôle du PWG en ce qui concerne la collusion sur les parts de marché, la
décision (point 37, cinquième alinéa, des considérants) relève: «En corrélation avec
les mesures relatives aux augmentations de prix, le PWG a débattu de manière
approfondie des parts du marché d'Europe occidentale détenues par les
groupements nationaux et les groupes de fabricants individuels. Il en est résulté
certains 'arrangements entre les participants concernant leurs parts respectives
du marché, l'objectif étant d'éviter que les initiatives concertées en matière de prix
soient compromises par un excédent d'offre. En fait, les grands groupes de
fabricants ont convenu de maintenir leur part du marché au niveau correspondant
aux chiffres de vente et de production communiqués chaque année et publiés sous
leur forme définitive par la Fides au mois de mars de l'année suivante. Les
évolutions des parts du marché étaient analysées à chaque réunion du PWG sur la
base des résultats mensuels de la Fides et, en cas de variations importantes, des
explications étaient demandées à l'entreprise présumée responsable.»
- 79.
- Selon le point 52 des considérants, «l'accord conclu au sein du PWG en 1987
prévoyait le 'gel au niveau existant des parts de marché détenues par les
principaux producteurs en Europe occidentale, ainsi que l'absence de toute
tentative d'acquérir de nouveaux clients ou d'améliorer leur position existante par
une politique agressive en matière de prix».
- 80.
- Le point 56, premier alinéa, des considérants souligne: «L'accord de base conclu
entre les principaux producteurs pour le maintien de leurs parts respectives de
marché a continué d'être appliqué pendant toute la période couverte par la
présente décision.» Selon le point 57, «'l'évolution des parts de marché était
examinée à chaque réunion du PWG sur la base des statistiques provisoires».
Enfin, le point 56, dernier alinéa, souligne: «Les entreprises qui participaient aux
discussions sur les parts du marché étaient les membres du PWG, à savoir:
Cascades, Finnboard, KNP (jusqu'en 1988), [Mayr-Melnhof], MoDo, Sarrió, les
deux producteurs du groupe Stora, CBC et Feldmühle, et (à partir de 1988) Weig».
- 81.
- Il y a lieu de considérer que la Commission a correctement établi l'existence d'une
collusion sur les parts de marché entre les participants aux réunions du PWG.
- 82.
- En effet, l'analyse de la Commission repose essentiellement sur les déclarations de
Stora (annexes 39 et 43 à la communication des griefs) et se trouve confortée par
l'annexe 73 à la communication des griefs.
- 83.
- Dans l'annexe 39 à la communication des griefs, Stora explique: «Le PWG s'est
réuni à partir de 1986 afin de contribuer à réguler le marché. [...] Entre autres
activités (légitimes), il avait pour objet la discussion et la concertation concernant
les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les hausses de prix, la demande
et les capacités. Son rôle consistait notamment à évaluer l'état précis de l'offre et
de la demande sur le marché ainsi que les mesures à prendre pour le réguler, et
à présenter cette évaluation à la President Conference.»
- 84.
- S'agissant plus spécifiquement de la collusion sur les parts de marché, Stora indique
que «les parts acquises par les groupes nationaux de la Communauté européenne,
de l'AELE et d'autres pays fournis par les membres du GEP Carton étaient
examinées au sein du PWG» et que le PWG «discutait de la possibilité de
maintenir les parts de marché à leur niveau de l'année précédente» (annexe 39 à
la communication des griefs, point 19). Elle signale par ailleurs (même document,
point 6) que des «discussions relatives aux parts de marché des fabricants en
Europe ont également eu lieu au cours de cette période, la première période de
référence étant les niveaux de 1987».
- 85.
- Dans sa réponse à une demande de la Commission du 23 décembre 1991 envoyée
le 14 février 1992 (annexe 43 à la communication des griefs), Stora précise encore:
«Les ententes sur les niveaux de part de marché conclues par les membres du
PWG concernaient l'Europe dans son ensemble. Ces ententes étaient basées sur
les chiffres annuels totaux de l'année antérieure, lesquels étaient habituellement
disponibles de façon définitive dès le mois de mars de l'année suivante.»
(Point 1.1.)
- 86.
- Cette affirmation est confirmée dans le même document en ces termes: «[...] les
discussions débouchaient sur des ententes, conclues en règle générale en mars de
chaque année, entre les membres du PWG avec pour objectif le maintien de leurs
parts de marché au niveau de l'année précédente.» (Point 1.4.) Stora révèle
qu'«aucune mesure n'était prise pour assurer le respect des ententes» et que les
participants aux réunions du PWG «étaient conscients que, s'ils prenaient des
positions exceptionnelles sur certains marchés fournis par d'autres, ces derniers
feraient la même chose sur d'autres marchés» (même point).
- 87.
- Enfin, elle déclare que Saffa a pris part aux discussions relatives aux parts de
marché (point 1.2).
- 88.
- Les affirmations de Stora concernant la collusion sur les parts de marché sont
étayées par l'annexe 73 à la communication des griefs. Ce document trouvé chez
FS-Karton est une note confidentielle datée du 28 décembre 1988 adressée par le
directeur commercial responsable des ventes du groupe Mayr-Melnhof en
Allemagne (M. Katzner) au directeur général de Mayr-Melnhof en Autriche (M.
Gröller) et ayant pour objet la situation du marché.
- 89.
- Selon ce document, cité aux points 53 à 55 des considérants de la décision, la
coopération plus étroite au sein du «cercle des présidents» («Präsidentenkreis»),
décidée en 1987, a fait des «gagnants» et des «perdants». L'auteur de la note
classe Mayr-Melnhof dans la catégorie des perdants pour diverses raisons,
notamment les suivantes:
«2) Un accord n'a pu être conclu qu'en nous infligeant une 'sanction on a
exigé de nous que nous fassions des 'sacrifices.
3) Les parts de marché de 1987 devaient être 'gelées, les contacts existants
devaient être maintenus et aucune activité ou qualité nouvelles ne devaient
être conquises en pratiquant des prix promotionnels (le résultat sera visible
en janvier 1989 si toutes les parties prenantes sont loyales).»
- 90.
- Ces phrases doivent être lues dans le contexte plus général de la note.
- 91.
- A cet égard, l'auteur de celle-ci évoque, en guise d'introduction, la coopération plus
étroite à l'échelle européenne au sein du «cercle des présidents». Cette expression
a été interprétée par Mayr-Melnhof comme visant à la fois le PWG et la PC dans
un contexte général, c'est-à-dire sans référence à un événement ou à une réunion
particulière (annexe 75 à la communication des griefs, point 2.a), interprétation
qu'il n'y a pas lieu de discuter dans le présent contexte.
- 92.
- L'auteur indique ensuite que cette coopération a conduit à la «discipline des prix»,
laquelle a fait des «gagnants» et des «perdants».
- 93.
- C'est donc dans le contexte de cette discipline décidée par le «cercle des
présidents» qu'il y a lieu de comprendre l'expression se rapportant aux parts de
marché devant être gelées aux niveaux de 1987.
- 94.
- En outre, le renvoi à 1987 comme année de référence est conforme à la deuxième
déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs; voir point 84 ci-dessus).
- 95.
- Quant au rôle joué par le PWG dans la collusion sur le contrôle de
l'approvisionnement, que caractérisait l'examen des temps d'arrêt des machines, la
décision énonce que le PWG a joué un rôle déterminant dans la mise en oeuvre
des temps d'arrêt lorsque, à partir de 1990, la capacité de production s'est accrue
et que la demande a décliné: «[...] au début de 1990, les principaux fabricants [...]
ont jugé utile de se concerter dans le cadre du PWG sur la nécessité d'appliquerdes temps d'arrêt. Les grands producteurs ont reconnu qu'ils ne pouvaient accroître
la demande en réduisant les prix et que maintenir la production à pleine capacité
ne ferait que faire baisser les prix. En théorie, les temps d'arrêt nécessaires pour
rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande pouvaient être calculés sur la base
des rapports concernant les capacités [...]» (Point 70 des considérants de la
décision.)
- 96.
- La décision relève en outre: «Le PWG n'indiquait cependant pas formellement le
temps d'arrêt à respecter par chaque producteur. Selon Stora, l'établissement d'un
plan coordonné d'arrêt des machines couvrant tous les producteurs soulevait des
difficultés d'ordre pratique. Stora indique que c'est la raison pour laquelle il
n'existait qu''un système relâché d'encouragement.» (Point 71 des considérants
de la décision.)
- 97.
- Il y a lieu de considérer que la Commission a suffisamment établi l'existence d'une
collusion sur les temps d'arrêt de la production entre les participants aux réunions
du PWG.
- 98.
- Les pièces qu'elle produit soutiennent son analyse.
- 99.
- Dans sa deuxième déclaration (annexe 39 à la communication des griefs, point 24),
Stora explique: «Avec l'adoption, par le PWG, de la politique du prix avant le
tonnage et la mise en oeuvre progressive d'un système de prix équivalents à partir
de 1988, les membres du PWG ont reconnu qu'il était nécessaire de respecter des
temps d'arrêt en vue de maintenir ces prix face à une croissance réduite de la
demande. Faute pour les fabricants d'appliquer des temps d'arrêt, il leur aurait été
impossible de maintenir les niveaux de prix convenus face à une capacité
excédentaire croissante.»
- 100.
- Au point suivant de sa déclaration, elle ajoute: «En 1988 et 1989, l'industrie
pouvait fonctionner pratiquement à pleine capacité. Les temps d'arrêt autres que
la fermeture normale pour les réparations et les vacances sont devenus nécessaires
à partir de 1990. [...] Par la suite, il s'est avéré nécessaire de pratiquer des temps
d'arrêt lorsque le flot de commandes s'arrêtait afin de maintenir la politique du prix
avant le tonnage. Les temps d'arrêt à respecter par les producteurs (pour assurer
le maintien de l'équilibre entre la production et la consommation) pouvaient être
calculés sur la base des rapports concernant les capacités. Le PWG n'indiquait pas
formellement le temps d'arrêt à respecter, bien qu'il existât un système relâché
d'encouragement [...]»
- 101.
- Quant à l'annexe 73 à la communication des griefs, les raisons fournies par l'auteur
pour expliquer qu'il considère Mayr-Melnhof comme «perdant» à l'époque de sa
rédaction constituent des éléments de preuve importants de l'existence d'une
collusion entre les participants aux réunions du PWG sur les temps d'arrêt.
- 102.
- En effet, l'auteur constate:
«4) C'est sur ce point que la conception des parties intéressées quant à l'objectif
poursuivi commence à diverger.
[...]
c) Toutes les forces de vente et agents européens ont été libérés de leur
budget en termes de volume et une politique de prix rigide, ne souffrant
quasiment aucune exception, a été suivie (nos collaborateurs n'ont souvent
pas compris notre changement d'attitude à l'égard du marché auparavant,
la seule exigence était celle du tonnage, alors que, désormais, seule compte
la discipline en matière de prix avec le risque d'un arrêt des machines).»
- 103.
- Mayr-Melnhof soutient (annexe 75 à la communication des griefs) que le passage
ci-dessus reproduit vise une situation interne à l'entreprise. Cependant, analysé à
la lumière du contexte plus général de la note, cet extrait traduit la mise en oeuvre,
au niveau des équipes commerciales, d'une politique rigoureuse arrêtée au sein du
«cercle des présidents». Le document doit donc être interprété comme signifiant
que les participants à l'accord de 1987, c'est-à-dire au moins les participants aux
réunions du PWG, ont indéniablement mesuré les conséquences de la politique
arrêtée, dans l'hypothèse où celle-ci serait appliquée avec rigueur.
- 104.
-
Le fait que des discussions relatives à l'examen des temps d'arrêt ont eu lieu entre
les fabricants lors de la préparation des augmentations de prix est corroboré,
notamment, par une note de Rena datée du 6 septembre 1990 (annexe 118 à la
communication des griefs), qui mentionne les montants des augmentations de prix
dans plusieurs pays, les dates des annonces futures de ces augmentations, ainsi que
l'état des commandes en carnet exprimé en jours de travail pour plusieurs
fabricants.
- 105.
- L'auteur du document note que certains fabricants prévoyaient des temps d'arrêt,
ce qu'il exprime par exemple de la manière suivante:
«Kopparfors 5-15 days
5/9 will stop for five days.»
- 106.
- Sur la base de ce qui précède, il doit être conclu que la Commission a prouvé à
suffisance de droit l'existence d'une collusion sur les parts de marché entre les
participants aux réunions du PWG ainsi que celle d'une collusion sur les temps
d'arrêt entre ces mêmes entreprises. Dans la mesure où il n'est pas contesté que
Sarrió a participé aux réunions du PWG et où cette entreprise est expressément
mentionnée dans les principales preuves à charge (déclarations de Stora et annexe
73 à la communication des griefs), la Commission a tenu à bon droit la requérante
pour responsable d'une participation à ces deux collusions.
- 107.
- Les critiques de la requérante formulées à l'encontre des déclarations de Stora et
de l'annexe 73 à la communication des griefs, et qui visent à contester la valeur
probante de ces pièces, ne sont pas de nature à affaiblir cette constatation.
- 108.
- S'agissant d'abord des déclarations successives de Stora à la Commission, il est
constant qu'elles émanent de l'une des entreprises censées avoir participé à
l'infraction alléguée et qu'elles comportent une description détaillée de la nature
des discussions menées au sein des organes du GEP Carton, du but poursuivi par
les entreprises regroupées au sein de celui-ci, ainsi que de la participation desdites
entreprises aux réunions de ses différents organes. Or, dans la mesure où cet
élément de preuve central est corroboré par d'autres pièces du dossier, il constitue
le soutien pertinent des affirmations de la Commission.
- 109.
- S'agissant ensuite de l'annexe 73 à la communication des griefs, la requérante
estime qu'elle démontre uniquement une concertation sur les prix, car les variations
dans les ventes qui y sont mentionnées sont simplement considérées comme la
conséquence de la politique des prix. Elle se prévaut, à cet égard, de
l'interprétation de ce document par Mayr-Melnhof (annexe 75 à la communication
des griefs).
- 110.
- Cependant, cette analyse de la requérante ne résiste pas à une interprétation
contextuelle du document et l'interprétation que Mayr-Melnhof fait de celui-ci n'est
d'aucun secours.
- 111.
- En effet, selon l'annexe 75 à la communication des griefs, l'annexe 73 «constitue
un exposé général de la situation rédigé par le directeur des ventes de FS-Karton
pour la direction du groupe, qui n'est rien d'autre qu'une tentative de justifier
auprès de la direction du groupe la stagnation du chiffre d'affaires de l'entreprise
en se basant essentiellement sur la nouvelle politique qui a obligé la filiale à
respecter une discipline de prix absolue, au prix de pertes de chiffres d'affaires».
De plus, selon Mayr-Melnhof: «'le gel des parts de marché signifiait que pour
atteindre un niveau de prix supérieur au sein du groupe Mayr-Melnhof, il ne fallait
pas essayer d'obtenir des parts de marché supérieures en vendant des quantités
supplémentaires à des nouveaux clients ou des nouveaux types de produits à des
prix non rentables. L'objectif était au contraire de conserver les relations existantes
avec la clientèle malgré l'augmentation des prix.»
- 112.
- Or, ces considérations générales ne sont pas conciliables avec la référence
introductive au «cercle des présidents» et l'intégralité du document doit être
comprise à la lumière de cette référence.
- 113.
- Dans la mesure où les indications contenues dans l'annexe 73 relativement au
«gel» des parts de marché et à la régulation de l'offre correspondent à celles
contenues dans les déclarations de Stora, la Commission a considéré à juste titre
que ces documents, lus ensemble, témoignent de l'existence d'un concours de
volontés allant au-delà d'une concertation portant uniquement sur les prix.
- 114.
- Dès lors que la Commission a établi l'existence des deux collusions en cause, il n'est
pas nécessaire d'examiner les critiques formulées par la requérante à l'encontre de
l'annexe 102 à la communication des griefs.
2. Sur le comportement effectif de la requérante
- 115.
- Les deuxième et troisième branches du moyen, selon lesquelles le comportement
effectif des entreprises n'est pas conciliable avec les affirmations de la Commission
relatives à l'existence des deux collusions contestées, ne sauraient davantage être
accueillies.
- 116.
- En premier lieu, l'existence de collusions entre les membres du PWG sur les deux
aspects de la «politique du prix avant le tonnage» ne saurait être confondue avec
la mise en oeuvre de celles-ci. En effet, les preuves fournies par la Commission ont
une telle valeur probante que des renseignements relatifs au comportement effectif
de la requérante sur le marché ne peuvent pas affecter les conclusions de la
Commission relatives à l'existence même de collusions sur les deux aspects de la
politique litigieuse. Tout au plus, les allégations de la requérante pourraient tendre
à démontrer que son comportement n'a pas suivi celui convenu entre les
entreprises réunies au sein du PWG.
- 117.
- En second lieu, les conclusions de la Commission ne sont pas contredites par les
renseignements fournis par la requérante. Il doit être souligné que la Commission
admet explicitement que la collusion sur les parts de marché n'impliquait «aucun
mécanisme officiel de sanction ou de compensation [...] pour renforcer l'accord sur
les parts de marché» et que les parts de marché de certains grands producteurs ont
faiblement augmenté d'année en année (voir, notamment, points 59 et 60 des
considérants de la décision). De plus, la Commission convient que, l'industrie ayant
tourné à pleine capacité jusqu'au début de 1990, pratiquement aucun temps d'arrêt
n'a été nécessaire jusqu'à cette date (point 70 des considérants de la décision).
- 118.
- En troisième lieu, il est de jurisprudence constante que le fait qu'une entreprise ne
se plie pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement
anticoncurrentiel n'est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait
de sa participation à l'entente, dès lors qu'elle ne s'est pas distanciée publiquement
du contenu des réunions (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995,
Tréfileurope/Commission, T-141/89, Rec. p. II-791, point 85). A supposer même
que le comportement sur le marché de la requérante n'ait pas été conforme au
comportement convenu, cela n'affecte donc en rien sa responsabilité du chef d'une
violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
Sur le moyen tiré d'une erreur commise par la Commission en ce qui concerne la
durée de la concertation sur les prix
Arguments des parties
- 119.
- La requérante fait valoir qu'une concertation sur les prix annoncés n'a eu lieu, au
moins en ce qui la concerne, qu'à partir de 1988. L'augmentation des prix de
janvier 1987 au Royaume-Uni n'aurait été qu'une réaction naturelle desproducteurs face à la faiblesse de la monnaie britannique par rapport aux autres
monnaies européennes et le caractère uniforme de cette augmentation découlerait
de la transparence du marché. Il ne serait pas interdit aux opérateurs économiques
d'adapter leurs comportements à ceux constatés ou à escompter de leurs
concurrents (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité). De plus, ni les annexes
44 et 61 à la communication des griefs ni le document A-17-2 ne prouveraient la
concertation sur les prix entre les entreprises. En tout état de cause, ils ne
concerneraient pas la requérante.
- 120.
- Quant à la fin de la concertation sur les prix, la Commission aurait erronément
retenu la date d'avril 1991, dès lors que l'annonce de la dernière augmentation
concertée des prix a eu lieu en septembre-octobre 1990.
- 121.
- La Commission rappelle que la requérante a pris part aux réunions du PWG et du
JMC dès leur création et en était encore membre en 1991. Elle souligne que, si des
documents trouvés dans les locaux de l'une des entreprises impliquées démontrent
que, à la fin de 1987, un accord avait été conclu sur les questions liées de la
régulation des volumes et de la discipline des prix (point 53 des considérants de la
décision), cela ne dément pas que les producteurs en question ont tenu avant cette
période une série de réunions secrètes pour discuter d'un plan destiné à éliminer
la concurrence (voir notamment point 161 des considérants de la décision). Les
annexes 35 et 43 à la communication des griefs confirmeraient cette affirmation.
La Commission ajoute que l'exactitude de ses déductions sur la durée de
l'infraction est également démontrée par les augmentations de prix opérées par les
producteurs depuis 1987.
Appréciation du Tribunal
- 122.
- Selon l'article 1er de la décision, la requérante a enfreint l'article 85, paragraphe 1,
du traité en participant, du milieu de 1986 jusqu'à avril 1991 au moins, à un accord
et une pratique concertée en vertu desquels les fournisseurs de carton de la
Communauté ont, notamment, décidé des augmentations de prix du carton et ont
planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans
l'ensemble de la Communauté. Le point 74 des considérants précise que la
première initiative concertée en matière de prix, à laquelle la requérante a
participé (annexe A à la décision), a eu lieu au Royaume-Uni à la fin de 1986
«alors que le nouveau mécanisme du GEP Carton était en cours d'établissement».
- 123.
- Le point 161, deuxième alinéa, des considérants retient par ailleurs que la plupart
des entreprises destinataires de la décision ont participé à l'infraction à compter de
juin 1986, moment où «le PWG a été créé et où la collusion entre les fabricants
s'est intensifiée et a commencé à devenir plus efficace».
- 124.
- Au soutien de sa critique relative au début de la concertation sur les prix, la
requérante conteste la valeur probante des annexes 61 et 44 à la communication
des griefs ainsi que celle du document A-17-2.
- 125.
- L'annexe 61 à la communication des griefs est une note découverte chez l'agent
commercial au Royaume-Uni de Mayr-Melnhof. La Commission estime qu'il s'agit
d'une «note interne prise lors d'une 'President Conference, [corroborant] l'aveu
de Stora selon lequel la 'President Conference discutait en fait d'une politique
collusive de fixation des prix» (points 41, troisième alinéa, et 75, deuxième alinéa,
des considérants de la décision).
- 126.
- Ce document, qui se réfère à une réunion tenue à Vienne les 12 et 13 décembre
1986, contient l'information suivante:
«Politique des prix au Royaume-Uni
Le représentant de Weig était présent à une récente réunion Fides au cours de
laquelle il a déclaré qu'ils pensaient que 9 % était un pourcentage trop élevé pour
le Royaume-Uni et qu'ils tranchaient à 7 %!! La déception est grande, car cela
signifie un 'niveau de négociation pour tout le monde. La politique des prix au
Royaume-Uni sera confiée à RHU avec le soutien de [Mayr-Melnhof] même si cela
entraîne une réduction temporaire du tonnage tandis que nous nous efforçons de
maintenir l'objectif des 9 % (ce qui se verra). [Mayr-Melnhof/FS] poursuivent une
politique de croissance au Royaume-Uni mais la baisse des profits est sérieuse et
nous devons nous battre pour reprendre le contrôle sur les prix. [Mayr-Melnhof]
ne conteste pas que le fait que l'on sache qu'ils aient augmenté leurs tonnes en
Allemagne de 6 000 n'arrange rien!»
- 127.
- La réunion Fides à laquelle il est fait référence au début du passage cité est
probablement, selon Mayr-Melnhof (réponse à une demande de renseignements,
annexe 62 à la communication des griefs), la réunion de la PC du 10 novembre
1986.
- 128.
- Il y a lieu de constater que le document analysé atteste que Weig a réagi en
donnant des indications sur sa future politique de prix au Royaume-Uni par
rapport à un niveau initial d'augmentation des prix.
- 129.
- Il ne peut toutefois pas être considéré comme prouvant que Weig a réagi par
rapport à un niveau déterminé d'augmentation de prix convenu entre les
entreprises réunies au sein du GEP Carton à une date antérieure au 10 novembre
1986.
- 130.
- En effet, la Commission ne se prévaut d'aucun autre élément de preuve en ce sens.
De plus, la référence de Weig à une augmentation de prix de «9 %» peut
s'expliquer par l'annonce d'une augmentation de prix au Royaume-Uni de Thames
Board Ltd le 5 novembre 1986 (annexe A-12-1). Cette annonce a été rendue
publique dans un bref délai, ainsi que cela ressort d'une coupure de presse (annexe
A-12-3). Enfin, la Commission n'a produit aucun autre document susceptible de
constituer une preuve directe de ce que des discussions sur les augmentations de
prix auraient eu lieu lors des réunions de la PC. Dans ces conditions, il ne peut être
exclu que les propos de Weig, tels que relatés dans l'annexe 61 à la communication
des griefs, aient été tenus en marge de la réunion de la PC du 10 novembre 1986,
ainsi que Weig l'a itérativement soutenu lors de l'audience.
- 131.
- En outre, le compte rendu d'une réunion du conseil d'administration de Feldmühle
(UK) Ltd tenue le 7 novembre 1986 (annexe A-17-2), invoqué par la Commission
dans la décision (point 74, troisième alinéa, des considérants) ne fait que confirmer
que l'annonce d'une augmentation de prix d'environ 9 % par Thames Board Ltd
était connue de cette filiale britannique de Feldmühle à une date antérieure au 10
novembre 1986: «TBM and the Fins have announced price increases of
approximately 9 % to be effective from February 1987 and it would appear that
most other mills will be looking for the same sort of increase» («TBM et les
Finlandais ont annoncé des augmentations de prix d'environ 9 % applicables à
partir du mois de février 1987, et il semble que la plupart des autres fabricants
soient prêts à procéder à des hausses du même ordre.») (Annexe A-17-2 citée par
la Commission au point 74 des considérants de la décision.)
- 132.
- S'agissant de l'annexe 44 à la communication des griefs, note manuscrite couvrant
les pages du 15 au 17 janvier 1987 de l'agenda d'un employé de Feldmühle, la
Commission considère qu'elle constitue «une preuve supplémentaire de la
concertation» (point 75, troisième alinéa, des considérants de la décision).
- 133.
- Cependant, cette note n'a pas le caractère probant que lui attribue la défenderesse.
La réunion dont elle constitue le compte rendu n'est pas identifiée, de sorte qu'il
ne saurait être exclu qu'il se soit agi d'une réunion interne à l'entreprise Feldmühle.
De plus, la note datant probablement du milieu de janvier 1987, elle ne prouve pas
que l'application de l'augmentation de prix, «y compris par TBM», ait résulté d'une
concertation, cette indication pouvant n'être qu'une simple constatation.
- 134.
- Certaines indications contenues dans la note sont même de nature à contredire
l'affirmation de la Commission selon laquelle ladite note confirmerait l'existence
d'une collusion quant à la décision d'augmenter les prix au Royaume-Uni. En
particulier, les remarques selon lesquelles le directeur de Feldmühle s'était déclaré
«sceptique» à l'égard de Kopparfors et avait considéré Mayr-Melnhof comme
«irresponsable» («ohne Verantwortung») ne peuvent pas être considérées comme
étayant la thèse de la Commission. Il en est de même en ce qui concerne la
mention: «Finnboard: Preisautonomie auch f. Tako» («Finnboard: autonomie de
prix également pour Tako»).
- 135.
- Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas établi que les entreprises
se sont entendues pour augmenter les prix au Royaume-Uni en janvier 1987, ni, a
fortiori, que la requérante a été impliquée dans des discussions ayant cet objet.
- 136.
- Néanmoins, la requérante, en sa qualité d'entreprise ayant participé, ainsi qu'elle
l'a reconnu, aux réunions du PWG dès la création de cet organe du GEP Carton
vers le milieu de 1986, doit être tenue pour responsable d'une collusion sur les prix
à partir de cette date.
- 137.
- En effet, le PWG a été créé par certaines entreprises, dont la requérante, dans un
dessein essentiellement anticoncurrentiel. Comme Stora l'a indiqué (annexe 39 à
la communication des griefs, point 8), il «s'est réuni à partir de 1986 afin de
contribuer à réguler le marché» et avait notamment pour objet la «discussion et
la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les
hausses de prix et les capacités» [annexe 35 à la communication des griefs, point 5,
sous iii)].
- 138.
- Le rôle joué par les entreprises réunies au sein de cet organe en ce qui concerne
la collusion sur les parts de marché et celle sur les temps d'arrêt a été décrit dans
le moyen qui précède (voir ci-dessus points 78 à 106). Les entreprises réunies au
sein de cet organe ont également discuté des initiatives en matière de prix. Selon
Stora (annexe 39 à la communication des griefs, point 10), «à partir de 1987 le
PWG est parvenu à un accord et a pris des décisions d'ordre général concernant
le calendrier [...] et le niveau des augmentations de prix à mettre en oeuvre par les
fabricants de carton».
- 139.
- Dès lors, le fait d'avoir consenti à créer et à participer aux réunions d'un organe
dont l'objet anticoncurrentiel, consistant notamment en des discussions sur de
futures augmentations de prix, était connu et accepté des entreprises à l'origine de
sa création, constitue un motif suffisant pour considérer que la requérante est
responsable d'une collusion sur les prix à partir du milieu de 1986, date à partir de
laquelle la requérante admet avoir pris part au PWG.
- 140.
- Pour ce qui est de la date de la fin de la concertation en matière de prix, la
Commission a retenu à bon droit le mois d'avril 1991, mois durant lequel les agents
de la Commission ont procédé à des vérifications dans les locaux de plusieurs
entreprises, conformément à l'article 14 du règlement n° 17. En effet, la dernière
augmentation de prix concertée, annoncée en octobre 1990 par la requérante, a été
appliquée à partir de janvier 1991 et le niveau des prix de catalogue convenu entre
les entreprises était encore en vigueur au mois d'avril 1991.
- 141.
- Il s'ensuit que le présent moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré d'une erreur commise par la Commission en ce qui concerne la
durée de l'entente visant le gel des parts de marché et le contrôle de l'offre
Arguments des parties
- 142.
- La requérante fait valoir que, à supposer même qu'une entente visant le gel des
parts de marché et le contrôle de l'offre soit considérée comme prouvée, la
Commission a commis une erreur d'appréciation quant à sa durée, car les élémentsde preuve qu'elle invoque attestent qu'aucune entente n'a existé avant fin 1988.
Dans sa réplique, elle ajoute que l'annexe 102 à la communication des griefs, note
de Rena qui concernerait une réunion du NPI tenue le 3 octobre 1988, démontre
l'absence d'une telle entente à l'époque de sa rédaction, l'auteur y faisant
uniquement état de la possibilité d'examiner une régulation de l'offre au cas où des
difficultés seraient rencontrées en matière de prix.
- 143.
- La Commission renvoie aux arguments qu'elle a avancés dans le cadre du moyen
tiré d'une erreur commise en ce qui concerne la durée de la concertation sur les
prix (voir ci-dessus point 121).
Appréciation du Tribunal
- 144.
- Le Tribunal a déjà constaté (voir ci-dessus points 78 à 106) que la Commission a
établi que les entreprises réunies au sein du PWG ont participé à une collusion sur
les parts de marché, d'une part, et à une collusion sur les temps d'arrêt, d'autre
part.
- 145.
- Il ressort de la décision que le «gel» des parts de marché et l'examen des temps
d'arrêt ont commencé à être spécifiquement discutés entre les participants aux
réunions du PWG à partir de la fin de 1987, afin d'assurer la réussite des initiatives
prises en matière de prix à partir de 1988 (voir, en particulier, points 51 à 60 des
considérants). A cet égard, la décision relève: «Tous les membres du PWG étaient
préoccupés par le fait que les initiatives 'relancées ne devaient pas être sapées
par des augmentations importantes des volumes vendus. C'est ce que Stora a
appelé la politique du 'prix avant le tonnage.» (Point 51, premier alinéa, des
considérants.) La Commission retient par ailleurs que la «politique du prix avant
le tonnage» qui a caractérisé le GEP Carton de la fin de 1987 jusqu'en avril 1991
était, notamment, caractérisée par le «'gel des parts de marché des principaux
fabricants, à l'origine sur la base de leur position en 1987» et par l'«organisation
coordonnée de 'temps d'arrêt de la production par les principaux fabricants, aux
lieu et place de réductions de prix (principalement à partir de 1990)» (point 130,
deuxième alinéa, des considérants).
- 146.
- Ces affirmations de la Commission se fondent essentiellement sur les annexes 39
et 73 à la communication des griefs.
- 147.
- Dans le document faisant l'objet de l'annexe 39 (point 5), Stora précise: «Liée à
l'initiative en matière de prix de 1987, était la nécessité de maintenir un quasi-équilibre entre la production et la consommation (politique du prix avant le
tonnage).»
- 148.
- S'agissant du début de la collusion sur les parts de marché, il découle de l'annexe
73 à la communication des griefs (voir ci-dessus point 89) que le «cercle des
présidents» («Präsidentenkreis») avait décidé de coopérer plus étroitement depuis
octobre ou novembre 1987. Le résultat de cette coopération a été une collusion sur
les parts de marché à partir de cette date.
- 149.
- Quant au début de la collusion sur les temps d'arrêt, Stora déclare: «Avec
l'adoption, par le PWG, de la politique du prix avant le tonnage et la mise en
oeuvre progressive d'un système de prix équivalents à partir de 1988, les membres
du PWG ont reconnu qu'il était nécessaire de respecter des temps d'arrêt en vue
de maintenir ces prix face à une croissance réduite de la demande. Faute pour les
fabricants d'appliquer des temps d'arrêt, il leur aurait été impossible de maintenir
les niveaux de prix convenus face à une capacité excédentaire croissante.» (Annexe
39, point 24.)
- 150.
- Elle ajoute: «En 1988 et 1989, l'industrie pouvait fonctionner pratiquement à pleine
capacité. Les temps d'arrêt autres que la fermeture normale pour les réparations
et les vacances sont devenus nécessaires à partir de 1990. [...] Par la suite, il s'est
avéré nécessaire de pratiquer des temps d'arrêt lorsque le flot des commandes
s'arrêtait afin de maintenir la politique du prix avant le tonnage.» (Annexe 39,
point 25.)
- 151.
- A la lumière de ces éléments de preuve, la Commission a établi que les entreprises
ayant participé aux réunions du PWG ont adopté, à la fin de 1987, une politique
dite «du prix avant le tonnage» et que l'un des aspects de cette politique, à savoir
une collusion sur les parts de marché, a été appliqué avec effet immédiat, alors que
l'aspect relatif aux temps d'arrêt n'a dû être effectivement appliqué qu'à partir de
1990.
- 152.
- Il résulte de ce qui précède que le moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation commise par la Commission en ce qui
concerne le système d'échange d'informations de la Fides
- 153.
- Dans sa réplique, la requérante fait valoir que le système d'échange d'informations
de la Fides n'était pas de nature à promouvoir des comportements collusoires et
qu'il n'était donc pas incompatible avec l'article 85 du traité. Selon elle, il existe des
différences importantes entre les faits du cas d'espèce et ceux ayant donné lieu à
la décision 87/1/CEE de la Commission, du 2 décembre 1986, relative à une
procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.128 Fatty Acids)
(JO 1987, L 3, p. 17), invoquée par la Commission au point 134 des considérants
de la décision.
- 154.
- La Commission souligne, dans sa duplique, les raisons pour lesquelles elle s'est
référée à la décision «Fatty Acids», précitée. Elle fait valoir que, en l'espèce, le
système d'échange d'informations a au moins eu pour effet de faciliter l'entente.
- 155.
- Le Tribunal rappelle que, aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa,
du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance
est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de
fait qui se sont révélés pendant la procédure.
- 156.
- Le moyen tiré d'une erreur d'appréciation de la Commission en ce qui concerne
le système d'échange d'informations de la Fides n'a été invoqué pour la première
fois par la requérante qu'au stade de la réplique et il n'est pas fondé sur des
éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure.
- 157.
- Partant, ce moyen n'est pas recevable.
Sur le moyen tiré d'une erreur commise par la Commission en ce qu'elle a considéré
qu'il s'agissait d'une infraction unique et globale et que Sarrió en était responsable
dans son ensemble
Arguments des parties
- 158.
- La requérante conteste l'approche de la Commission en ce que celle-ci conclut,
d'une part, à l'existence d'une infraction unique et, d'autre part, à une entière
responsabilité de la requérante.
- 159.
- En premier lieu, la Commission se fonderait pour l'essentiel sur un «théorème
accusatoire», dans la mesure où elle ne disposerait pas de preuves directes d'une
entente complète. Or, il incomberait à la Commission de démontrer si et, dans
l'affirmative, dans quelle mesure la requérante a participé à chacun des éléments
d'une infraction unique. S'agissant d'infractions au droit communautaire de la
concurrence, le principe de la responsabilité strictement individuelle s'imposerait,
l'idée d'une responsabilité collective étant contraire notamment au caractère quasi
pénal des sanctions qui peuvent être infligées pour de telles infractions. Par
conséquent, la Commission affirmerait à tort qu'il n'est pas nécessaire de
démontrer la participation active de la requérante pour chacun des éléments de
l'infraction. Il serait au contraire nécessaire à la fois de déterminer la nature
précise de l'infraction commise et de procéder à une vérification de l'éventuelle
participation individuelle de chaque entreprise, afin de pouvoir correctement
déterminer la responsabilité individuelle et, dès lors, la sanction individuelle
appropriée.
- 160.
- En second lieu, la requérante affirme qu'il est également contraire aux principes
fondamentaux du droit communautaire, notamment à celui régissant la charge de
la preuve, de fonder la responsabilité individuelle d'une entreprise du chef d'une
infraction sur sa seule appartenance à une association, dont les activités étaient au
moins partiellement licites.
- 161.
- En troisième lieu, la requérante affirme que la Commission n'a pas dûment pris en
considération sa position particulière sur le marché ainsi qu'au sein du GEP
Carton. En particulier, ce serait dans le but de mieux affronter ses concurrents
qu'elle aurait, en 1986, sollicité le droit de participer aux réunions du GEP Carton.
- 162.
- La Commission fait valoir qu'elle a prouvé l'existence de l'entente et de la
participation active de la requérante à celle-ci, en tant que chef de file. Elle conclut
qu'elle a par conséquent fondé son analyse sur des éléments de fait précis et bien
établis et que les arguments de la requérante tirés d'une sorte de «responsabilité
collective» ou d'un «théorème accusatoire» sont dénués de fondement.
- 163.
- Elle affirme en outre qu'elle n'a aucunement fondé la responsabilité de la
requérante sur sa seule qualité de membre du GEP Carton. En réalité, elle se
serait fondée, d'une part, sur la participation active de la requérante aux réunions
des divers comités du GEP Carton ayant un objet anticoncurrentiel et, d'autre part,
sur le fait que la requérante a ultérieurement adopté les comportements convenus
au cours desdites réunions.
Appréciation du Tribunal
- 164.
- A titre liminaire, il convient de souligner que la Commission a constaté que la
requérante a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant du milieu
de 1986 jusqu'à avril 1991 au moins à un accord et une pratique concertée
remontant au milieu de 1986 et consistant en plusieurs éléments constitutifs
distincts.
- 165.
- Selon le point 116, deuxième alinéa, des considérants de la décision, «l'infraction
consiste, pour l'essentiel, dans l'association de producteurs pendant plusieurs
années au sein d'une entreprise conjointe illégale poursuivant un objectif commun».
Cette conception de l'infraction est également exprimée au point 128 des
considérants: «Il serait toutefois artificiel de subdiviser ce qui est à l'évidence une
entreprise commune continue ayant un seul et unique objectif global en plusieurs
infractions distinctes (voir aussi arrêt du tribunal de première instance dans l'affaire
T-13/89, Imperial Chemical Industries contre Commission des Communautés
européennes, point 260 des motifs).»
- 166.
- Dès lors, même si la Commission n'a pas formellement recouru à la notion
d'«infraction unique» dans la décision, elle s'est référée de manière implicite à
cette notion, ainsi qu'en atteste le renvoi au point 260 de l'arrêt du Tribunal du 10
mars 1992, ICI/Commission (T-13/89, Rec. p. II-1021).
- 167.
- De plus, l'utilisation répétée par la Commission du mot «entente» pour
appréhender les divers comportements anticoncurrentiels constatés consacre une
conception globalisante des violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité. En
effet, ainsi que cela ressort du point 117 des considérants de la décision, la
Commission estime: «L'approche correcte, dans le cas d'espèce, consiste à
démontrer l'existence et le fonctionnement ainsi que les principales caractéristiques
de l'entente dans son ensemble et à établir ensuite a) l'existence de preuves
crédibles et concluantes permettant de rattacher les différents producteurs au
système commun et b) les périodes au cours desquelles chaque producteur y aparticipé.» Elle ajoute (même point des considérants): «La Commission [...] n'est
pas tenue de compartimenter les différents éléments constitutifs de l'infraction en
isolant chacune des occasions auxquelles, pendant la durée de l'entente, un
consensus a été réalisé sur l'un ou l'autre sujet, ou chacun des exemples de
comportement collusoire et en disculpant de toute participation à cette occasion
ou à cette manifestation particulière de l'entente les producteurs dont l'implication
ne serait pas démontrée par des preuves directes.» Elle soutient par ailleurs
(point 118) qu'«il existe suffisamment de preuves directes pour démontrer
l'adhésion de chaque participant présumé à l'infraction», sans distinguer entre les
éléments constitutifs de cette infraction globale.
- 168.
- Ainsi, l'infraction unique, telle que conçue par la Commission, se confond avec
l'«entente dans son ensemble» ou l'«entente globale» et se caractérise par un
comportement continu adopté par plusieurs entreprises poursuivant un objectif
illégal commun. De cette conception de l'infraction unique découlent le système de
preuve décrit au point 117 des considérants de la décision ainsi qu'une
responsabilité unitaire, en ce sens que toute entreprise «rattachée» à l'entente
globale est tenue pour responsable de celle-ci, quels que soient les éléments
constitutifs auxquels sa participation est prouvée.
- 169.
- Or, pour que la Commission puisse tenir chacune des entreprises visées par une
décision comme celle de l'espèce pour responsable, pendant une période
déterminée, d'une entente globale, il lui faut établir que chacune d'elles soit a
consenti à l'adoption d'un plan global recouvrant les éléments constitutifs de
l'entente, soit a participé directement, pendant cette période, à tous ces éléments.
Une entreprise peut également être tenue pour responsable d'une entente globale
même s'il est établi qu'elle n'a participé directement qu'à un ou plusieurs des
éléments constitutifs de cette entente dès lors qu'elle savait, ou devait
nécessairement savoir, d'une part, que la collusion à laquelle elle participait
s'inscrivait dans un plan global et, d'autre part, que ce plan global recouvrait
l'ensemble des éléments constitutifs de l'entente. Lorsqu'il en est ainsi, le fait que
l'entreprise concernée n'ait pas participé directement à tous les éléments
constitutifs de l'entente globale ne saurait la disculper pour la responsabilité de
l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Une telle circonstance peut
néanmoins être prise en considération lors de l'appréciation de la gravité de
l'infraction constatée dans son chef.
- 170.
- En l'espèce, il ressort de la décision que l'infraction constatée dans son article 1er
est constituée par des collusions portant sur trois sujets différents mais poursuivant
un objectif commun, collusions devant être considérées comme les éléments
constitutifs de l'entente globale. En effet, il ressort de cet article que chacune des
entreprises y mentionnées a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité, en
participant à un accord et une pratique concertée par lesquels les entreprises a) ont
décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque
qualité de produit dans chaque monnaie nationale et ont planifié et mis en oeuvre
ces augmentations de prix, b) se sont entendues pour maintenir les parts de marché
des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications
occassionnelles et c) ont pris, de plus en plus fréquemment à partir du début de
1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché
communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre des augmentations de prix
concertées.
- 171.
- Dans sa décision, la Commission a, en dépit de sa conception de l'infraction
unique, précisé que «les documents 'clefs qui prouvent l'existence de l'entente
dans son ensemble ou de ses différentes manifestations citent souvent les
participants nommément et il existe, par ailleurs, un faisceau dense de preuves
écrites montrant le rôle joué par chaque producteur dans l'entente et l'importance
de sa participation» (point 118, premier alinéa, des considérants de la décision).
- 172.
- Il revient donc au Tribunal, au vu des considérations qui précèdent, d'examiner si
la Commission a établi la participation de la requérante à l'entente, telle que
constatée dans son chef à l'article 1er de la décision.
- 173.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme cela a déjà été constaté (voir
points 48 et suivants et points 76 et suivants, ci-dessus), la Commission a prouvé
que la requérante, en sa qualité d'entreprise ayant pris part aux réunions du PWG
depuis son origine, a participé depuis le milieu de 1986 à une collusion sur les prix
et, à compter de la fin de 1987, à une collusion sur les parts de marché ainsi qu'à
une collusion sur les temps d'arrêt, soit les trois éléments constitutifs de l'infraction
constatée à l'article 1er de la décision. Elle a donc décidé à bon droit de tenir la
requérante pour responsable d'une infraction constituée par les trois collusions
poursuivant le même objectif.
- 174.
- Partant, la Commission n'a pas imputé à la requérante la responsabilité du
comportement d'autres producteurs et n'a pas retenu sa responsabilité sur le seul
fondement de sa participation au GEP Carton.
- 175.
- Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres arguments invoqués par la
requérante, le moyen doit donc être rejeté.
Sur le moyen tiré d'une absence de prise en considération par la Commission de la
situation du marché espagnol
- 176.
- Dans sa réplique, la requérante fait valoir que la Commission n'a pas défini
précisément le marché géographique sur lequel la prétendue infraction a été
réalisée et que, en particulier, elle n'a pas suffisamment analysé la situation sur le
marché espagnol et le comportement sur ce marché des entreprises concernées.
Elle affirme, à cet égard, qu'elle a déjà signalé dans sa requête que la seule
référence, dans la décision, au marché espagnol consiste en deux notes de bas de
page figurant aux tableaux E et G annexés à la décision.
- 177.
- La Commission fait valoir que ce moyen, soulevé pour la première fois dans la
réplique, devrait être interdit.
- 178.
- Le Tribunal rappelle que, aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa,
du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance
est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de
fait qui se sont révélés pendant la procédure.
- 179.
- Le moyen tiré d'une absence de prise en considération par la Commission de la
situation du marché espagnol n'a été invoqué pour la première fois par la
requérante qu'au stade de la réplique. En effet, le seul argument contenu dans la
requête se rapportant au marché espagnol est invoqué au soutien du moyen tiré
de l'absence de participation de Prat Carton à l'infraction reprochée. Au-delà du
libellé de ce moyen, l'argument invoqué à son soutien visait uniquement à souligner
que le tableau G annexé à la décision, mentionnant les annonces d'augmentation
de prix effectuées sur le marché espagnol en janvier 1991 par des producteurs y
opérant, ne fait aucune référence à Prat Carton. Il ne peut donc pas être interprété
comme un grief relatif à l'absence de prise en considération du marché espagnol.
- 180.
- Dans ces circonstances, le présent moyen, ayant été invoqué pour la première fois
dans la réplique et n'étant pas fondé sur des éléments de droit ou de fait révélés
pendant la procédure, doit être déclaré irrecevable.
Sur le moyen tiré d'une absence de participation de Prat Carton à l'infraction
Arguments des parties
- 181.
- La requérante fait valoir que la Commission n'a pas démontré la participation de
Prat Carton à une infraction quelconque. En particulier, la note au tableau G de
la décision (relative à une augmentation des prix en janvier 1991 sur le marché
espagnol) ne ferait aucune mention de Prat Carton.
- 182.
- Prat Carton n'aurait participé que très sporadiquement à des réunions de certains
comités du GEP Carton. Cette entreprise n'aurait d'ailleurs participé au JMC que
durant la période allant de juin 1990 à mars 1991. De plus, le seul fait que Stora
ait indiqué qu'elle pensait que les producteurs espagnols étaient généralement
informés des résultats des réunions par Saffa ou par Finnboard (annexe 38 à la
communication des griefs) ne constituerait pas la preuve d'une participation de Prat
Carton à la prétendue infraction.
- 183.
- La requérante conteste que les documents F-15-9, G-15-7 et G-15-8 (annexés à la
communication des griefs) invoqués par la Commission démontrent la participation
de Prat Carton à des initiatives concertées d'augmentation des prix au mois d'avril
1990. Elle souligne, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, que le
document F-15-9 date de février 1991 et non pas, comme affirmé par la
Commission, de février 1990. S'agissant du document G-15-7, il fournirait
uniquement la preuve de la pratique du secteur consistant à appliquer les
augmentations annuelles au mois d'avril ainsi que de l'incertitude de Prat Carton
quant au niveau de l'augmentation et à la date de son entrée en vigueur.
- 184.
- La Commission fait valoir que Prat Carton a participé à l'entente depuis l'origine,
ainsi que le démontrent les documents fournis avec la communication des griefs (les
«renseignements individuels»). Elle rappelle, en premier lieu, que Prat Carton a
assisté à de nombreuses réunions de la PC entre le 29 mars 1986 et le 28 novembre
1989, à trois réunions du COE entre octobre 1988 et octobre 1989, ainsi qu'à
diverses réunions du JMC entre juin 1990 et le 5 mars 1991 (voir tableaux 3 à 7
joints à la décision). Ayant ainsi directement participé à des réunions au cours
desquelles ont été prises des décisions relatives à l'entente, Prat Carton en serait
responsable (voir arrêt Rhône-Poulenc/Commission, précité). De plus, il n'existerait
aucune trace officielle de la participation des diverses entreprises aux réunions du
JMC avant les vérifications de la Commission, ou aux réunions du PWG avant
février 1990. Le seul fait que la documentation fournie par les entreprises ne donne
pas d'indications précises sur la présence de Prat Carton aux diverses réunions ne
prouverait donc pas qu'elle n'assistait pas à ces réunions.
- 185.
- En second lieu, la Commission relève que Prat Carton a été, comme Stora l'a
déclaré (annexe 38 à la communication des griefs), informée du résultat des
réunions du PWG.
- 186.
- En troisième lieu, Prat Carton aurait appliqué les initiatives de prix convenues au
sein des différents organismes du GEP Carton au cours de la période concernée.
De légères différences dans le temps ou entre les montants des augmentations
pratiquées par Prat Carton et par les autres producteurs ne démontreraient pas la
non-participation de Prat Carton à l'entente. Toutefois, la Commission admet que
le document F-15-9 date de février 1991 et non pas de février 1990, et qu'elle ne
dispose donc pas de preuves susceptibles de démontrer la participation effective
de Prat Carton à des initiatives d'augmentation des prix antérieures à celle de
janvier 1991. Concernant l'initiative d'augmentation des prix de janvier 1991, la
Commission renvoie en particulier au document G-15-8, datant du 26 septembre
1990, dans lequel Prat Carton déclare expressément prévoir une augmentation des
prix dans tous les pays en janvier 1991.
Appréciation du Tribunal
- 187.
- A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la requérante a acquis Prat Carton à
hauteur de 100 % en février 1991 et qu'elle ne conteste pas sa responsabilité pourl'éventuelle participation de Prat Carton à une violation de l'article 85, paragraphe
1, du traité. A cet égard, le point 154 des considérants de la décision énonce que
la requérante, du fait de l'acquisition de Prat Carton, «est devenue responsable de
la participation de ce fabricant espagnol à l'entente, pour toute la durée de cette
participation». Par ailleurs, il convient de constater que l'article 1er de la décision
tient uniquement la requérante pour responsable de l'infraction dénoncée, y
compris en ce qu'elle aurait été commise par Prat Carton, et que la décision est
adressée à la requérante sans mention de Prat Carton (article 5 de la décision).
- 188.
- Dans ces conditions, et dans la mesure où il a déjà été constaté que la Commission
a établi la participation de la requérante elle-même à l'infraction décrite à l'article
1er de la décision, le présent moyen, s'il devait être accueilli, ne saurait justifier
l'annulation totale ou partielle de cette dernière disposition. Toutefois, Prat Carton
n'ayant été acquise par la requérante qu'en février 1991, soit deux mois avant la
fin de la période d'infraction retenue par la décision, une réduction de l'amende
serait justifiée s'il devait être conclu que la participation, à titre individuel, de Prat
Carton aux éléments constitutifs de l'entente avant février 1991 n'est pas établie
par la Commission. Par ailleurs, les amendes infligées en vertu de l'article 3 de la
décision ont été calculées sur la base, notamment, du chiffre d'affaires réalisé par
chacune des entreprises au cours de l'année 1990, année au cours de laquelle Prat
Carton n'appartenait pas encore au groupe de la requérante. Par conséquent, il est
utile de procéder d'ores et déjà à l'examen des arguments invoqués dans le cadre
du présent moyen.
- 189.
- Le Tribunal examinera, en premier lieu, la question de savoir si la Commission a
prouvé la participation de Prat Carton à une infraction à l'article 85, paragraphe
1, du traité pour ce qui est de la période allant du milieu de 1986 jusqu'en juin
1990, date à partir de laquelle Prat Carton admet avoir commencé à participer aux
réunions du JMC. En second lieu, le Tribunal examinera la question de savoir si
la Commission a prouvé la participation de Prat Carton à une infraction à l'article
85, paragraphe 1, du traité pour ce qui est de la période restante, soit de juin 1990
à février 1991, date à laquelle Prat Carton a été acquise par la requérante.
1. Période allant du milieu de 1986 au mois de juin 1990
- 190.
- Pour prouver la participation de Prat Carton à une infraction aux règles
communautaires de la concurrence pendant la période en cause, la Commission se
fonde sur la participation de cette entreprise aux réunions de la PC des 29 mai
1986, 25 mai 1988, 17 novembre 1988 et 28 novembre 1989 ainsi qu'aux réunions
du COE des 20 septembre 1988, 8 mai 1989 et 3 octobre 1989. En outre, elle se
fonde sur une déclaration de Stora (annexe 38 à la communication des griefs).
Enfin, selon elle, le seul fait que la documentation fournie par les entreprises ne
donne pas d'indications précises sur la présence de Prat Carton aux réunions du
JMC ne prouverait pas qu'elle n'assistait pas à ces réunions.
- 191.
- Il y a lieu d'examiner chacun de ces éléments de preuve dans l'ordre susmentionné.
a) Participation de Prat Carton à certaines réunions de la PC
- 192.
- S'agissant de la participation de Prat Carton à quatre réunions spécifiques de la
PC, la Commission n'invoque aucun élément de preuve de l'objet de celles-ci. Dès
lors, quand elle se réfère à cette participation comme élément de preuve de la
participation de l'entreprise à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité,
elle se fonde nécessairement sur la description générale, contenue dans la décision,
de l'objet des réunions de cet organe, ainsi que sur les éléments de preuve invoqués
dans la décision pour étayer ladite description.
- 193.
- A cet égard, la décision énonce: «Comme l'a expliqué Stora, le PWG avait
notamment pour fonction d'expliquer à la 'President Conference les mesures
nécessaires pour réguler le marché [...] Les directeurs généraux participant aux
'President Conferences étaient ainsi informés des décisions prises par le PWG et
des instructions à transmettre à leurs départements des ventes en vue de mettre en
oeuvre les initiatives en matière de prix.» (Point 41, premier alinéa, des
considérants.) La Commission relève également: «Le PWG s'est régulièrement
réuni avant chaque 'President Conference prévue. La même personne présidant
les deux réunions, il ne fait aucun doute que c'est elle qui communiquait les
résultats des délibérations du PWG aux autres 'présidents qui ne faisaient pas
partie du cercle restreint.» (Point 38, deuxième alinéa, des considérants.)
- 194.
- Stora indique que les participants aux réunions de la PC ont été informés des
décisions adoptées par le PWG (annexe 39 à la communication des griefs, point 8).
Cependant, l'exactitude de cette affirmation est contestée par plusieurs des
entreprises ayant participé aux réunions de la PC, dont la partie requérante. Par
conséquent, les déclarations de Stora relatives au rôle de la PC ne peuvent pas,
sans être étayées par d'autres éléments de preuve, être considérées comme
constituant une preuve suffisante de l'objet des réunions dudit organe.
- 195.
- Certes, le dossier contient un document, à savoir une déclaration du 22 mars 1993
d'un ancien membre du directoire de Feldmühle (M. Roos), qui corrobore à
première vue les affirmations de Stora. M. Roos indique notamment: «Le contenu
des discussions conduites au sein du PWG était transmis aux entreprises qui
n'étaient pas représentées dans ce groupe lors de la conférence des Présidents qui
suivait immédiatement, ou bien, s'il n'y avait pas immédiatement de conférence des
Présidents, lors du JMC.» Toutefois, même si ce document n'est pas expressément
invoqué dans la décision à l'appui des allégations de la Commission concernant
l'objet des réunions de la PC, il ne peut, en tout état de cause, être considéré
comme constituant une preuve supplémentaire s'ajoutant aux déclarations de Stora.
En effet, ces déclarations étant une synthèse des réponses fournies par chacune des
trois entreprises détenues par Stora durant la période d'infraction, dont Feldmühle,
l'ancien membre du directoire de cette dernière entreprise constitue nécessairement
l'une des sources des déclarations de Stora elle-même.
- 196.
- Quant aux autres éléments de preuve invoqués pour établir l'objet des réunions de
la PC, la Commission estime dans la décision que l'annexe 61 à la communication
des griefs (mentionnée ci-dessus points 125 et 126) est une note interne, prise lors
d'une réunion de la PC, qui corrobore l'aveu de Stora selon lequel la PC discutait
en fait d'une politique collusive de fixation des prix (point 41, troisième alinéa, des
considérants de la décision). Cependant, comme cela a déjà été constaté (voir ci-dessus points 125 à 135), cette note ne constitue pas la preuve d'une collusion
portant sur l'initiative en matière de prix de janvier 1987 au Royaume-Uni. Par
ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la Commission, Stora n'a jamais reconnu que
la PC débattait en fait d'une politique collusive de fixation des prix. Selon Stora,
les réunions de la PC constituaient simplement l'occasion pour les entreprises
réunies au sein du PWG de communiquer les décisions adoptées aux entreprises
non représentées au sein de cet organe.
- 197.
- Enfin, la Commission soutient que «les documents trouvés par la Commission chez
FS-Karton (membre du groupe M-M) confirment que, à la fin de 1987, un accord
avait été conclu dans le cadre de la 'President Conference et du PWG sur les
questions liées de la régulation des volumes et de la discipline des prix» (point 53,
premier alinéa, des considérants de la décision). Elle se réfère, à cet égard, à
l'annexe 73 à la communication des griefs (voir ci-dessus point 88). Comme cela a
déjà été relevé (ci-dessus point 91), l'auteur du document évoque, en guise
d'introduction, la coopération plus étroite à l'échelle européenne au sein du «cercle
des présidents» («Präsidentenkreis»), expression interprétée par Mayr-Melnhof
comme visant à la fois le PWG et la PC dans un contexte général, c'est-à-dire sans
référence à un événement ou à une réunion particulière (annexe 75 à la
communication des griefs, point 2.a).
- 198.
- Certes, l'annexe 73 à la communication des griefs constitue une preuve corroborant
les déclarations de Stora relatives à l'existence d'une collusion sur les parts de
marché entre les entreprises admises au «cercle des présidents», d'une part, et
d'une collusion sur les temps d'arrêt entre ces mêmes entreprises, d'autre part (voir
ci-dessus points 84 à 114 et, en particulier, point 110). Toutefois, aucun autre
élément de preuve ne confirme l'affirmation de la Commission selon laquelle la PC
a eu pour objet, notamment, de discuter de la collusion sur les parts de marché et
de la régulation des volumes de production. Par conséquent, les termes «cercle des
présidents» («Präsidentenkreis») employés dans l'annexe 73 à la communication
des griefs ne sauraient, malgré les explications fournies par Mayr-Melnhof, être
interprétés comme comportant une référence à des organes autres que le PWG.
- 199.
- Au vu de ce qui précède, la Commission n'a pas prouvé que les réunions de la PC
avaient, en marge des activités licites, joué un rôle anticoncurrentiel. Il s'ensuit
qu'elle ne pouvait pas inférer des éléments de preuve invoqués que les entreprises
ayant participé aux réunions de cet organe avaient pris part à une infraction à
l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 200.
- Il y a donc lieu de conclure que la participation de Prat Carton à une infraction aux
règles de la concurrence pendant la période allant du milieu de 1986 au mois de
juin 1990 n'a pas pu être établie en se fondant sur sa participation à quatre
réunions de la PC.
b) Participation de Prat Carton à certaines réunions du COE
- 201.
- Il est constant que Prat Carton a participé à trois réunions du COE des 20
septembre 1988, 8 mai 1989 et 3 octobre 1989. De plus, un document rapporte le
contenu de la réunion du 3 octobre 1989 (annexe 70 à la communication des
griefs). Il convient donc d'examiner, dans un premier temps, la question de savoir
si les réunions du COE avaient un objet anticoncurrentiel et, dans un second
temps, celle de savoir s'il peut être inféré de l'annexe 70 à la communication des
griefs que Prat Carton a participé à des discussions à objet anticoncurrentiel.
i) Objet des réunions du COE en général
- 202.
- Selon la décision, «le thème central des discussions du comité économique était
l'analyse et l'évaluation de la situation du marché du carton dans les divers pays»
(point 50, premier alinéa, des considérants). Le COE «débattait (entre autres) des
fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet, et
faisait rapport sur ses conclusions au JMC (ou au 'Marketing Committee,
l'instance qui l'a précédé jusqu'à la fin de 1987)» (point 49, premier alinéa, des
considérants).
- 203.
- D'après la Commission, «les discussions sur les conditions du marché ne restaient
pas dans le vague: en effet, les entretiens portant sur les conditions qui régnaient
sur chaque marché national doivent être placés dans le contexte des initiatives
prévues en matière de prix, et notamment dans celui de la nécessité ressentie de
fermer temporairement des installations pour accompagner les augmentations»
(point 50, premier alinéa, des considérants). En outre, la Commission estime: «Il
est possible que le comité économique ait été moins directement concerné par la
fixation des prix en tant que telle, mais il n'est pas crédible que ceux qui y
assistaient aient pu ignorer l'objectif illicite auquel étaient destinées les
informations qu'ils fournissaient sciemment au JMC.» (Point 119, deuxième alinéa,
des considérants.)
- 204.
- A l'appui de ses allégations selon lesquelles les discussions tenues au sein du COE
avaient un objet anticoncurrentiel, la Commission se réfère à un seul document,
une note confidentielle rédigée par un représentant de FS-Karton concernant les
points essentiels de la réunion du COE du 3 octobre 1989 (annexe 70 à la
communication des griefs), réunion à laquelle Prat Carton a assisté.
- 205.
- Dans la décision, la Commission résume le contenu de ce document de la manière
suivante:
«[...] outre une étude détaillée de la demande, de la production et des carnets de
commande sur chaque marché national, les points suivants ont été examinés:
la forte résistance constatée chez les clients contre la dernière augmentation
des prix du GC, entrée en vigueur le 1er octobre,
les commandes en carnet des producteurs de GC et de GD, y compris les
positions individuelles,
des rapports sur les arrêts de production effectués et programmés,
des difficultés particulières liées à la mise en oeuvre de l'augmentation de
prix au Royaume-Uni et l'incidence de celle-ci sur l'écart de prix nécessaire
entre les qualités GC et GD
et
la comparaison par rapport au budget des entrées de commandes pour
chaque groupement national.» (Point 50, deuxième alinéa, des
considérants.)
- 206.
- Il convient d'admettre que cette description du contenu du document est, pour
l'essentiel, correcte. Toutefois, la Commission n'invoque aucun élément de preuve
à l'appui de son affirmation selon laquelle l'annexe 70 à la communication des
griefs peut être considérée «comme un indice de la véritable nature des
délibérations de cet organe» (point 113, dernier alinéa, des considérants de la
décision). En outre, Stora déclare: «Le JMC a été créé à la fin de l'année 1987 et
a tenu sa première réunion au début de l'année 1988, reprenant à compter de cette
date une partie des fonctions dévolues au Comité Economique. Les autres
fonctions du Comité Economique ont été reprises par le Comité Statistique.»
(Annexe 39 à la communication des griefs, point 13.) Au moins en ce qui concerne
la période ayant commencé au début de 1988, seule période durant laquelle Prat
Carton a participé à des réunions du COE, les déclarations de Stora ne contiennent
donc aucun élément étayant l'allégation de la Commission relativement au
prétendu objet anticoncurrentiel des délibérations de cet organe. Enfin, la
Commission n'invoque pas non plus des éléments de preuve permettant de
considérer que les participants aux réunions du COE étaient informés de la nature
précise des réunions du JMC, organe auquel le COE faisait rapport. Dès lors, il ne
saurait être exclu que des participants aux réunions du COE, qui ne participaient
pas simultanément aux réunions du JMC, n'aient pas eu connaissance de
l'utilisation précise, par le JMC, des rapports préparés par le COE.
- 207.
- En conséquence, l'annexe 70 à la communication des griefs n'établit pas la véritable
nature des discussions tenues lors des réunions du COE.
ii) Réunion du COE du 3 octobre 1989
- 208.
- Le contenu de la réunion du COE du 3 octobre 1989 est relaté par l'annexe 70 à
la communication des griefs. La question se pose de savoir si la participation de
Prat Carton à cette réunion constitue une preuve suffisante de sa participation à
une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 209.
- En premier lieu, il doit être observé que les discussions sur les prix qui ont été
menées lors de ladite réunion concernaient les réactions des clients à
l'augmentation des prix du carton GC, appliquée par la plupart des producteurs de
ce carton à partir du 1er octobre 1989, après avoir été annoncée sur le marché
quelques mois auparavant. Selon la Commission, cette augmentation de prix a
également concerné le carton SBS, mais pas le carton GD. Quant aux discussions
au cours de la réunion en cause, le Tribunal considère qu'elles sont allées au-delà
de ce que permettent les règles communautaires de la concurrence, notamment en
ce qu'il a été constaté que ce serait «une erreur de renoncer à appliquer le niveau
de prix important, et désormais fixé, concernant la qualité GC [...]». En effet, en
exprimant ainsi la volonté commune d'appliquer fermement le nouveau niveau des
prix du carton GC, les producteurs n'ont pas déterminé de manière autonome la
politique qu'ils entendaient poursuivre sur le marché, portant ainsi atteinte à la
conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence (voir,
notamment, arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 173).
- 210.
- Cependant, rien ne permet de considérer que Prat Carton a participé à une
collusion portant sur l'augmentation de prix d'octobre 1989 avant la mise en oeuvre
de celle-ci et que, par ailleurs, elle a effectivement procédé à une augmentation de
ses prix du carton GC à cette époque. A cet égard, il ressort des réponses fournies
par la requérante aux questions écrites posées par le Tribunal que la production
de Prat Carton en 1989 était constituée à plus de 80 % par le carton GD, non
concernés par l'augmentation des prix en cause. En outre, la réunion du COE
d'octobre 1989 s'est tenue environ huit mois avant la première participation
prouvée de Prat Carton à une réunion du JMC, l'un des organes ayant, selon la
décision, constitué avec le PWG l'enceinte où se sont déroulées les principales
discussions à objet anticoncurrentiel.
- 211.
- A la lumière de ces éléments, il ne saurait être exclu que le(s) représentant(s) de
Prat Carton à la réunion du COE du 3 octobre 1989 ai(en)t pu ne pas être
conscient(s) du contexte dans lequel s'inscrivaient les discussions sur les prix. De
plus, en l'absence de preuves quant à son comportement sur le marché en matière
de prix durant la période pertinente, il est possible que Prat Carton ait considéré
que les discussions ne concernaient pas sa situation individuelle. Par conséquent,
dans la mesure où le contenu de la réunion du COE du 3 octobre 1989 a pu avoir
pour Prat Carton un caractère exceptionnel, il ne saurait être reproché à cette
entreprise de ne pas s'être publiquement distanciée du contenu des discussions de
cette réunion.
- 212.
- En second lieu, l'annexe 70 à la communication des griefs ne contient aucun
passage établissant la réalité de discussions qui auraient abouti à la programmation,
pour l'avenir, sur une base collusoire, de temps d'arrêt des installations. L'ensemble
des références à des temps d'arrêt précis qu'elle vise concernent en fait des
données historiques. Certes, le document contient un passage relatif à l'utilisation
future des installations: «Au cas où la mauvaise situation des entrées des
commandes et de la charge des machines persiste, on conçoit aisément qu'il faille
réfléchir à un arrêt de la production en fonction de la demande.» [«Bei anhaltend
schlechtem Auftragseingang und schlechter Belegung ist es naheliegend,
entsprechend dem Marktbedarf ein Abstellen zu überlegen.»] Cependant, dès lors
que la participation de Prat Carton à la réunion du COE en cause n'établit pas,
pour les raisons évoquées ci-dessus, sa participation à une collusion sur les prix, elle
ne constitue pas davantage une preuve suffisante de sa participation à une collusion
sur les temps d'arrêt. La seule évocation de l'éventuelle nécessité de procéder à des
arrêts futurs ne saurait être considérée comme portant atteinte aux règles
communautaires de la concurrence car, au moins pour des entreprises ne
participant pas à une collusion sur les prix, elle peut correspondre à la simple
constatation objective des conditions du marché existantes.
- 213.
- Au vu de ce qui précède, la participation de Prat Carton à la réunion du COE du
3 octobre 1989 ne constitue pas une preuve suffisante de sa participation à une
violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
c) Déclaration de Stora concernant la transmission des informations aux entreprises
non présentes aux réunions
- 214.
- Dans sa déclaration invoquée par la Commission (annexe 38 à la communication
des griefs, p. 2), Stora fournit des indications concernant les producteurs qui ont
été informés des résultats des réunions du PWG: «Les producteurs de Stora croient
que les producteurs espagnols étaient généralement informés par Saffa ou par
Finnboard. Les autres producteurs espagnols membres du GEP Carton sont:
Papelera del Centra SA, Prat Carton SA, Romani Esteve SA, Sarrió SA et
Tampella Espanola SA.»
- 215.
- Ainsi que cela ressort clairement des termes de cette déclaration, Stora ne fait état
que d'une croyance selon laquelle Prat Carton aurait été informée des résultats des
réunions du PWG. Le fondement de cette croyance n'est d'ailleurs pas indiqué.
Dans ces conditions, cette déclaration ne peut constituer la preuve d'une
participation de Prat Carton à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
Cette conclusion s'impose d'autant plus que les allégations de Stora mettent en
cause plusieurs autres entreprises membres du GEP Carton qui n'ont pas, dans la
décision, été considérées comme ayant participé à une infraction quelconque.
d) Sur la participation de Prat Carton à des réunions du JMC
- 216.
- La Commission soutient qu'il n'est pas prouvé que Prat Carton n'a pas participé
à des réunions du JMC avant juin 1989, car il n'existe aucune trace officielle de la
participation des diverses entreprises à ces réunions avant les vérifications
effectuées par la Commission.
- 217.
- Toutefois, la charge de la preuve de l'existence d'une infraction à l'article 85,
paragraphe 1, du traité dans le chef de Prat Carton incombe à la Commission.
Partant, les simples allégations de celle-ci relatives à l'éventuelle participation de
Prat Carton à des réunions du JMC pendant la période en cause sont dénuées de
fondement.
e) Conclusion relative à la période en cause
- 218.
- Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, les éléments de preuve
invoqués par la Commission, même considérés dans leur ensemble, n'établissent
pas une participation de Prat Carton à une infraction à l'article 85, paragraphe 1,
du traité pendant la période allant du milieu de 1986 au mois de juin 1990.
2. Période allant de juin 1990 à février 1991
- 219.
- Il est constant que Prat Carton a participé à trois réunions du JMC pendant la
période considérée, à savoir celles des 27-28 juin 1990, 4 septembre 1990 et 8-9
octobre 1990. S'agissant du comportement effectif de Prat Carton sur le marché,
la Commission estime disposer d'éléments de preuve de nature à démontrer que
cette entreprise a pris part à l'augmentation de prix concertée de janvier 1991,
seule augmentation de prix concertée mise en oeuvre au cours de cette période.
- 220.
- A la lumière de ces éléments, il convient d'examiner la question de savoir si la
participation de Prat Carton aux trois éléments constitutifs de l'infraction pendant
ladite période est suffisamment établie par la Commission.
a) Sur la participation de Prat Carton à une collusion sur les prix
- 221.
- Selon la Commission, l'objet principal du JMC était, dès le départ, le suivant:
« déterminer si, et, dans l'affirmative, comment, des augmentations de prix
pouvaient être mises en oeuvre, et faire part de ses conclusions au PWG,
définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG
pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de
prix équivalent (c'est-à-dire uniforme) en Europe [...]» (point 44, dernier
alinéa, des considérants de la décision).
- 222.
- Plus particulièrement, la Commission soutient, au point 45, premier et deuxième
alinéas, des considérants de la décision:
«Ce comité examinait marché par marché la manière dont les augmentations de
prix décidées par le PWG devaient être mises en oeuvre par chaque producteur.
Les aspects pratiques de l'application des augmentations envisagées étaient traités
au cours de 'tables rondes, où chaque participant avait l'occasion de commenter
l'augmentation proposée.
Les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des augmentations de prix
décidées par le PWG ou les éventuels refus de coopérer étaient rapportés au
PWG, qui s'efforçait alors (comme l'a déclaré Stora) 'd'obtenir le degré de
coopération jugé nécessaire. Le JMC faisait des rapports distincts pour les qualités
GC et GD. Lorsque le PWG modifiait une décision en matière de prix en se
fondant sur les rapports transmis par le JMC, les mesures à prendre pour appliquer
la décision en cause étaient discutées à la réunion suivante du JMC.»
- 223.
- Il doit être constaté que la Commission se réfère à bon droit, à l'appui de ces
indications relatives à l'objet des réunions du JMC, aux déclarations de Stora
(annexes 35 et 39 à la communication des griefs).
- 224.
- En outre, même si elle ne dispose d'aucun compte rendu officiel d'une réunion du
JMC, elle a obtenu auprès de Mayr-Melnhof et de Rena certaines notes internes
portant sur les réunions des 6 septembre 1989, 16 octobre 1989 et 6 septembre
1990 (annexes 117, 109 et 118 à la communication des griefs). Ces notes, dont le
contenu est décrit aux points 80, 82 et 87 des considérants de la décision, relatent
les discussions détaillées menées au cours de ces réunions sur les initiatives
concertées en matière de prix. Elles constituent donc des éléments de preuve
corroborant clairement la description des fonctions du JMC donnée par Stora.
- 225.
- A cet égard, il suffit de renvoyer, à titre d'exemple, à la note obtenue de Rena sur
la réunion du JMC du 6 septembre 1990 (annexe 118 à la communication des
griefs) et dans laquelle il est notamment indiqué:
«Une augmentation de prix sera annoncée la semaine prochaine, en septembre.
France 40 FF
Pays-Bas 14
Allemagne 12 DM
Italie 80 LIT
Belgique 2,50 BFR
Suisse 9 FS
Royaume-Uni 40 UKL
Irlande 45 IRL
Toutes les qualités devraient faire l'objet de la même augmentation, GD, UD, GT,
GC, etc.
Une seule augmentation de prix par an.
Pour les livraisons à partir du 7 janvier.
Au plus tard le 31 janvier.
Lettre du 14 septembre avec augmentation de prix (Mayr-Melnhof).
19 septembre, envoi par Feldmühle de sa lettre.
Cascades avant fin septembre.
Tous doivent avoir envoyé leur lettre avant le 8 octobre.»
- 226.
- Comme la Commission l'explique aux points 88 à 90 des considérants de la
décision, elle a en outre été en mesure d'obtenir des documents internes
permettant de conclure que les entreprises, et notamment celles nommément citées
dans l'annexe 118 à la communication des griefs, ont effectivement annoncé et mis
en oeuvre les augmentations de prix convenues.
- 227.
- Même si les documents invoqués par la Commission ne concernent qu'un petit
nombre des réunions du JMC tenues au cours de la période couverte par la
décision, toutes les preuves documentaires disponibles corroborent l'indication de
Stora selon laquelle l'objet principal du JMC était de déterminer et de planifier la
mise en oeuvre des augmentations de prix concertées. A cet égard, l'absence
presque totale de comptes rendus, officiels ou internes, des réunions du JMC doit
être considérée comme une preuve suffisante de l'allégation de la Commission
selon laquelle les entreprises ayant participé aux réunions se sont efforcées de
dissimuler la véritable nature des discussions au sein de cet organe (voir,
notamment, point 45 des considérants de la décision). Dans ces circonstances, la
charge de la preuve a été renversée et il incombait aux entreprises destinataires de
la décision ayant participé aux réunions de cet organe de prouver qu'il avait un
objet licite. Une telle preuve n'ayant pas été apportée par ces entreprises, la
Commission a considéré à bon droit que les discussions auxquelles les entreprises
se sont livrées au cours des réunions de cet organe avaient un objet principalement
anticoncurrentiel.
- 228.
- En ce qui concerne la situation individuelle de Prat Carton, sa participation à trois
réunions du JMC au cours d'une période d'environ huit mois doit, à la lumière de
ce qui précède et nonobstant l'absence de preuve documentaire relative aux
discussions menées lors de ces trois réunions, être considérée comme constituant
une preuve suffisante de sa participation, pendant cette période, à la collusion sur
les prix.
- 229.
- Cette constatation est corroborée par la documentation invoquée par la
Commission, relative au comportement effectif de Prat Carton en matière de prix.
En effet, il y a lieu de rappeler qu'une augmentation de prix pour toutes les
qualités de carton a été décidée au début de septembre 1990 et annoncée par les
différentes entreprises au cours des mois de septembre-octobre 1990, ainsi que cela
ressort de l'annexe 118 à la communication des griefs, précitée. Cette augmentation
devait entrer en vigueur, dans tous les pays concernés, en janvier 1991.
- 230.
- Dans une télécopie émanant de Prat Carton, datée du 26 septembre 1990
(document G-15-8), il est notamment indiqué:
«. Nous avons l'intention d'augmenter les prix dans tous les pays à compter de
janvier 1991.
. S'agissant de la France, nous envisageons une augmentation de 400 FF/tonne pour
toutes les qualités.»
- 231.
- Même si cette télécopie ne mentionne le montant précis de l'augmentation de prix
prévue que pour un seul pays, elle prouve que Prat Carton a procédé à des
annonces d'augmentations de prix conformément aux décisions arrêtées, selon
l'annexe 118 à la communication des griefs, au sein du JMC. Dans ce contexte, les
augmentations mentionnées dans l'annexe 118 à la communication des griefs ne se
réfèrent pas, pour l'ensemble des pays en cause, aux mêmes volumes de ventes et
celle mentionnée pour la France, d'un montant de 40 FF, correspond à une
augmentation du prix par 100 kg. En outre, bien qu'il soit constant qu'il ressort des
documents F-15-9 et G-15-7, télécopies échangées entre Prat Carton et une
entreprise britannique fin février/début mars 1991, que Prat Carton n'a finalement
augmenté ses prix au Royaume-Uni qu'au mois d'avril 1991, un tel report de la
date de mise en oeuvre de l'augmentation des prix dans l'un des pays concernés
n'est pas susceptible d'affecter la valeur probante du document G-15-8, susvisé, en
ce qui concerne la participation de Prat Carton à l'augmentation de prix concertée
de janvier 1991. Ce raisonnement s'applique d'autant plus que l'augmentation de
prix mise en oeuvre par Prat Carton sur le marché britannique s'est élevée, selon
le document F-15-9, à un montant de 35 à 45 UKL/t, approchant celui de 40 UKL
indiqué dans l'annexe 118 à la communication des griefs.
- 232.
- Au vu des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que la Commission a
prouvé que Prat Carton a participé à la collusion sur les prix pendant la période
allant de juin 1990 à février 1991.
b) Sur la participation de Prat Carton à une collusion sur les temps d'arrêt
- 233.
- Il a déjà été admis que la Commission a prouvé que les entreprises présentes aux
réunions du PWG ont participé, à partir de la fin de 1987, à une collusion sur les
temps d'arrêt des installations et que des temps d'arrêt ont été effectivement
appliqués à partir de 1990.
- 234.
- Selon la décision, les entreprises ayant participé aux réunions du JMC ont
également pris part à cette collusion.
- 235.
- A ce sujet, la Commission indique notamment:
«En plus du système géré par la Fides, qui donnait des données agrégées, il était
d'usage que chaque producteur révèle à ses concurrents le niveau de ses
commandes en carnet lors des réunions du JMC.
Les informations concernant les commandes converties en journées de travail
étaient utiles à la fois:
pour décider si les conditions étaient propices à la mise en oeuvre d'une
augmentation des prix concertée.
pour déterminer les temps d'arrêt nécessaires pour maintenir l'équilibre
entre l'offre et la demande [...].» (Point 69, troisième et quatrième alinéas,
des considérants de la décision.)
- 236.
- Elle relève également:
«Le PWG n'indiquait cependant pas formellement le temps d'arrêt à respecter par
chaque producteur. Selon Stora, l'établissement d'un plan coordonné d'arrêt des
machines couvrant tous les producteurs soulevait des difficultés d'ordre pratique.
Stora indique que c'est la raison pour laquelle il n'existait qu''un système relâché
d'encouragement (deuxième déclaration de Stora, p. 15).
Il semble que ce soient à nouveau les principaux producteurs qui aient supporté
la charge de la réduction de la production pour maintenir les niveaux des prix.
Les comptes rendus non officiels de deux réunions du JMC qui ont eu lieu
respectivement en janvier 1990 (considérant 84) et en septembre 1990 (considérant
87), ainsi que d'autres documents (considérants 94 et 95), confirment néanmoins
que, dans le cadre du GEP Carton, les grands producteurs tenaient leurs
concurrents plus petits constamment informés de leurs projets d'appliquer des
temps d'arrêt supplémentaires pour éviter de diminuer les prix.» (Point 71 des
considérants de la décision.)
- 237.
- Il convient de constater que la Commission se réfère à juste titre à la deuxième
déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs, point 25) au soutien
de son affirmation selon laquelle, si le PWG n'indiquait pas formellement le temps
d'arrêt à respecter par chaque producteur, il existait néanmoins un «système
relâché d'encouragement» à cet effet.
- 238.
- Pour ce qui est des entreprises ayant participé aux réunions du JMC, les preuves
documentaires se rapportant à ces réunions (annexes 109, 117 et 118 à la
communication des griefs, précitées) confirment que des discussions relatives à des
temps d'arrêt ont eu lieu dans le contexte de la préparation des augmentations de
prix concertées. Comme cela a déjà été relevé (voir ci-dessus point 104), l'annexe
118 à la communication des griefs mentionne les commandes en carnet pour
plusieurs fabricants et relève que certains fabricants prévoyaient des temps d'arrêt.
En outre, bien que les annexes 109 et 117 à la communication des griefs ne
contiennent pas d'indications portant directement sur les temps d'arrêt prévus, elles
révèlent que l'état des commandes en carnet et l'état des entrées des commandes
ont été discutés au cours des réunions en cause.
- 239.
- Ces documents, lus ensemble avec les déclarations de Stora, constituent une preuve
suffisante de la participation à la collusion sur les temps d'arrêt des fabricants
représentés aux réunions du JMC. En effet, dans la mesure où la concertation sur
les prix annoncés avait pour but une hausse des prix de transaction (voir ci-dessus
points 48 à 61), les entreprises participant à la collusion sur les prix ont
nécessairement été conscientes de ce que l'examen de l'état des commandes en
carnet et des entrées des commandes ainsi que les discussions sur les éventuels
temps d'arrêt n'avaient pas seulement pour objet de déterminer si les conditions
du marché étaient propices à une augmentation de prix concertée mais également
de déterminer si des temps d'arrêt des installations s'imposaient pour éviter que le
niveau de prix convenu ne soit compromis par un excédent d'offre. En particulier,
il ressort de l'annexe 118 à la communication des griefs que les participants à la
réunion du JMC du 6 septembre 1990 se sont mis d'accord sur l'annonce d'une
prochaine augmentation des prix, bien que plusieurs fabricants aient déclaré qu'ils
s'apprêtaient à arrêter leur production. Par suite, les conditions du marché ont étételles que l'application effective d'une future augmentation des prix allait nécessiter,
selon toute vraisemblance, que des temps d'arrêt (supplémentaires) soient
appliqués, ce qui constitue donc une conséquence acceptée, au moins
implicitement, par les fabricants.
- 240.
- Sur cette base, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres éléments de
preuve invoqués par la Commission dans la décision (annexes 102, 113, 130 et 131
à la communication des griefs), il doit être considéré que la Commission a prouvé
que les entreprises participant aux réunions du JMC et à la collusion sur les prix
ont pris part à une collusion sur les temps d'arrêt.
- 241.
- Prat Carton doit donc être considérée comme ayant participé, pendant la période
allant de juin 1990 à février 1991, à une collusion sur les temps d'arrêt.
c) Sur la participation de Prat Carton à une collusion sur les parts de marché
- 242.
- Il a déjà été admis que la Commission a prouvé que les entreprises présentes aux
réunions du PWG ont participé, à partir de la fin de 1987, à une collusion sur les
parts de marché (voir ci-dessus points 84 à 114).
- 243.
- Au soutien de son affirmation selon laquelle les entreprises n'ayant pas participé
aux réunions du PWG ont également pris part à la collusion en cette matière, la
Commission indique dans la décision:
«Si les autres producteurs de carton qui assistaient aux réunions du JMC n'étaient
pas dans le secret des discussions approfondies sur les parts de marché qui avaient
lieu au PWG, ils étaient néanmoins parfaitement informés, dans le cadre de la
politique du 'prix avant le tonnage à laquelle ils souscrivaient tous, de l'accord
général conclu entre les principaux producteurs pour maintenir 'des niveaux
d'approvisionnement constants et, cela ne fait aucun doute, de la nécessité d'y
adapter leur propre conduite.» (Point 58, premier alinéa, des considérants de la
décision.)
- 244.
- Bien que cela ne ressorte pas expressément de la décision, la Commission entérine,
sur ce point, les déclarations de Stora selon lesquelles:
«D'autres fabricants qui ne participaient pas au PWG n'étaient pas informés, en
règle générale, du détail des discussions relatives aux parts de marché. Néanmoins,
dans le cadre de la politique du prix avant le tonnage, à laquelle ils participaient,
ils auraient dû avoir connaissance de l'entente des principaux fabricants visant à ne
pas baisser les prix en maintenant des niveaux d'offre constants.
Pour ce qui est de l'offre [de carton] GC, en tout état de cause, les parts des
fabricants qui ne participaient pas au PWG avaient un niveau tellement peu
significatif que leur participation ou non-participation aux ententes sur les parts de
marché n'avait pratiquement aucune incidence dans un sens ou dans l'autre.»
(Annexe 43 à la communication des griefs, point 1.2.)
- 245.
- La Commission se fonde donc principalement, comme Stora, sur la supposition
selon laquelle, même en l'absence de preuves directes, les entreprises n'ayant pas
assisté aux réunions du PWG mais dont il est prouvé qu'elles ont souscrit aux
autres éléments constitutifs de l'infraction décrits à l'article 1er de la décision
doivent avoir eu conscience de l'existence de la collusion sur les parts de marché.
- 246.
- Un tel raisonnement ne saurait être retenu. En premier lieu, la Commission
n'invoque aucun élément de preuve susceptible de démontrer que les entreprises
n'ayant pas assisté aux réunions du PWG ont souscrit à un accord général
prévoyant, notamment, le gel des parts de marché des principaux producteurs.
- 247.
- En second lieu, le seul fait que lesdites entreprises ont participé à une collusion sur
les prix et à la collusion sur les temps d'arrêt n'établit pas qu'elles aient également
pris part à une collusion sur les parts de marché. A cet égard, la collusion sur les
parts de marché n'était pas, contrairement à ce que semble affirmer la
Commission, intrinsèquement liée à la collusion sur les prix et/ou à celle sur les
temps d'arrêt. Il suffit de constater que la collusion sur les parts de marché des
principaux producteurs réunis au sein du PWG visait, selon la décision (voir ci-dessus points 78 à 80), à maintenir des parts de marché à des niveaux constants,
avec des modifications occasionnelles, même au cours des périodes pendant
lesquelles les conditions du marché, et notamment l'équilibre entre l'offre et la
demande, étaient telles qu'aucune régulation de la production n'était nécessaire
pour garantir la mise en oeuvre effective des augmentations de prix convenues. Il
s'ensuit que l'éventuelle participation à la collusion sur les prix et/ou à celle sur les
temps d'arrêt ne démontre pas que les entreprises n'ayant pas assisté aux réunions
du PWG ont participé à la collusion sur les parts de marché, ni qu'elles en ont eu
ou devaient nécessairement en avoir connaissance.
- 248.
- Enfin, en troisième lieu, il convient de constater que, au point 58, deuxième et
troisième alinéas, des considérants de la décision, la Commission invoque, en tant
qu'élément de preuve supplémentaire de l'affirmation en cause, l'annexe 102 à la
communication des griefs, note obtenue de Rena concernant, selon la décision, une
réunion spéciale du NPI tenue le 3 octobre 1988. A cet égard, il suffit de constater,
d'une part, que la requérante n'était pas membre du NPI et, d'autre part, que la
référence, dans ce document, à l'éventuelle nécessité d'appliquer des temps d'arrêt,
ne saurait, pour les raisons déjà évoquées, constituer la preuve d'une collusion sur
les parts de marché.
- 249.
- Au vu de ce qui précède, la Commission n'a pas prouvé que Prat Carton a
participé à une collusion sur les parts de marché pour ce qui est de la période
allant de juin 1990 à février 1991.
3. Conclusions relatives à la participation de Prat Carton à une violation de l'article
85, paragraphe 1, du traité avant son acquisition par la requérante en février 1991
- 250.
- Sur la base de l'ensemble des considérations qui précèdent, il doit être retenu que
la Commission a prouvé que Prat Carton a participé, au cours de la période allant
de juin 1990 à février 1991, à une collusion sur les prix ainsi qu'à une collusion sur
les temps d'arrêt. Toutefois, la participation de Prat Carton à la collusion sur les
parts de marché au cours de cette même période n'est pas suffisamment établie.
Enfin, pour la période antérieure, soit de la mi-1986 à juin 1990, la Commission n'a
pas démontré la participation de Prat Carton aux éléments constitutifs de
l'infraction.
Sur la demande d'annulation de l'article 2 de la décision
Arguments des parties
- 251.
- La requérante invoque un moyen tiré d'une illégalité de l'interdiction relative aux
échanges futurs d'informations. Elle fait observer que ni l'article 1er ni l'article 2 de
la décision ne concernent le premier système d'échange d'informations de
l'association professionnelle CEPI-Cartonboard (ci-après «CEPI»), mentionné aux
points 105, 106 et 166 des considérants de la décision. Or, l'interdiction relative aux
échanges futurs d'informations s'opposerait aussi bien à l'établissement dans le
futur, par la CEPI et ses membres, dont la requérante, de nouveaux systèmes
d'échange d'informations qu'au système précis notifié par la CEPI à la Commission
à la fin de 1993, système qui ne serait d'ailleurs pas mentionné dans la décision.
- 252.
- De plus, des systèmes d'échange d'informations qui ne visent pas à atteindre des
résultats prohibés, tels que la fixation des prix ou la concertation sur les quantités,
n'auraient jamais, dans la pratique antérieure de la Commission, été considérés
comme illicites s'ils ne comportaient pas l'échange de données individuelles et
confidentielles. La requérante souligne que la Commission a, dans son Septième
Rapport sur la politique de concurrence, précisé qu'elle n'avait pas d'objections
fondamentales à opposer à l'échange d'informations statistiques par l'intermédiaire
d'associations commerciales ou de centrales spécialisées, même lorsque ces
dernières fournissent une ventilation des données, dans la mesure où les
informations échangées ne permettent pas l'identification des données individuelles.
- 253.
- Le moyen s'articule ensuite en deux branches. Dans une première branche, la
requérante fait valoir que l'interdiction contenue à l'article 2 de la décision est,
pour l'essentiel, formulée de manière trop vague et générale. En particulier, elle
ne préciserait pas en quelles circonstances un système d'échange d'informations ne
portant pas sur des données individuelles sera jugé apte à promouvoir une
concertation sur les prix ou sur la production ou à contrôler l'exécution d'un accord
sur les prix ou le partage des marchés.
- 254.
- En outre, l'article 2 de la décision ne préciserait pas quelles caractéristiques le
système devra présenter pour répondre aux exigences d'exclusion a) de données
présentées sous forme agrégée permettant d'«identifier le comportement de
fabricants déterminés» (deuxième alinéa), b) de statistiques présentées sous forme
agrégée sur la production et les ventes pouvant être utilisées «pour promouvoir ou
faciliter un comportement commun du secteur» (troisième alinéa), et c) de «tout
échange d'informations intéressant la concurrence» ainsi que de «toute réunion ou
contact en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction
possible ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations»
(quatrième alinéa).
- 255.
- Selon la requérante, des interdictions aussi vagues et générales apparaissent
inexécutables et, en tout cas, contraires au principe de sécurité juridique.
- 256.
- Dans une seconde branche du moyen, la requérante conteste la légalité de
l'interdiction, énoncée à l'article 2, deuxième alinéa, de la décision, des échanges
de données (même agrégées) relatives à l'état des entrées de commandes et des
commandes en carnet.
- 257.
- En premier lieu, de telles données ne fourniraient que des indications sur la
tendance générale de la demande générale et ne permettraient d'identifier aucun
producteur ni aucun pays.
- 258.
- En second lieu, l'échange des données en cause serait particulièrement fructueux,
sinon nécessaire, dans le secteur du carton.
- 259.
- En troisième lieu, la Commission n'aurait jamais interdit les échanges des données
en cause. En revanche, elle aurait considéré comme neutre du point de vue de la
concurrence des échanges d'informations sur le niveau des stocks, les prix du
marché présents et passés, la consommation, la capacité de transformation et
même les tendances des prix [voir, notamment, communication 87/C 339/07 de la
Commission, faite conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17,
concernant une demande d'attestation négative en application de l'article 85,
paragraphe 3, du traité CEE Affaire n° IV/32.076 European Wastepaper
Information Service (JO 1987, C 339, p. 7, ci-après «communication EWIS») et
Septième Rapport sur la politique de concurrence, points 5 à 8].
- 260.
- La Commission relève que l'article 2 de la décision ne porte pas sur le système
d'échange d'informations notifié par la CEPI et soumis à l'étude des services
compétents de la Commission à l'époque de l'introduction du recours.
- 261.
- En outre, elle affirme que les injonctions énoncées à l'article 2 de la décision sont
normales, dès lors qu'elle n'a pas obtenu la preuve de la fin de l'infraction et que
la portée de telles injonctions dépend du comportement des entreprises. Dans lamesure où ces injonctions empêchent la participation à un système ayant un objet
ou un effet identique ou analogue à celui en cause, elles se limiteraient en effet à
appliquer l'interdiction générale de l'article 85 du traité (arrêt du Tribunal du 27
octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission, T-34/92, Rec. p. II-905).
Elles se fonderaient par ailleurs sur l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17
et seraient conformes aux décisions précédentes approuvées par le Tribunal.
- 262.
- En l'espèce, le système d'échange d'informations aurait été considéré comme
essentiel par les membres de l'entente et il permettait le contrôle et la mise en
oeuvre des initiatives anticoncurrentielles (points 61 à 71 et 134 des considérants
de la décision). De plus, il aurait toujours été susceptible d'encourager les
producteurs à adopter un comportement anticoncurrentiel, même après les
modifications apportées au système en 1991 (point 166 des considérants de la
décision). Or, il faudrait tenir compte de ces éléments, des particularités du marché
du carton et de la situation caractérisée par l'existence d'un cartel pratiquement
absolu sur le marché européen pour apprécier la portée des injonctions énoncées
à l'article 2 de la décision. A la lumière de ces considérations, il y aurait lieu de
rejeter l'argumentation de la requérante selon laquelle les informations dont
l'échange est interdit seraient générales et l'article 2 de la décision violerait le
principe de sécurité juridique. En effet, l'interdiction d'un échange d'informations,
notamment en ce qui concerne les informations visées à l'article 2, premier alinéa,
sous a), sous b) et sous c), ne serait pas générale, mais porterait seulement sur les
informations destinées à faciliter ou à promouvoir un comportement
anticoncurrentiel.
- 263.
- Enfin, la communication EWIS, aurait concerné un contexte économique tout à fait
différent de celui du carton (point 3 de la communication), notamment parce que
EWIS ne pouvait fournir que des données globales portant sur un nombre suffisant
de membres pour qu'il ne soit pas possible d'identifier le comportement d'un
membre spécifique (point 7 de la communication).
Appréciation du Tribunal
- 264.
- Il y a lieu de rappeler que l'article 2 de la décision dispose:
«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux
infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir,
dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou
pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire,
y compris tout échange d'informations commerciales:
a) par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement
de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux
d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de
commercialisation d'autres fabricants;
b) par lequel, même si aucune information individuelle n'est communiquée,
une réaction commune du secteur dans le domaine des prix ou un contrôle
de la production seraient promus, facilités ou encouragés
ou
c) qui permettrait aux entreprises concernées de suivre l'exécution ou le
respect de tout accord exprès ou tacite sur les prix ou le partage des
marchés dans la Communauté.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel
que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure non
seulement toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants
déterminés, mais aussi toutes données relatives à l'état des entrées de commandes
et des commandes en carnet, au taux prévu d'utilisation des capacités de
production (dans les deux cas, même si elles sont agrégées) ou à la capacité de
production de chaque machine.
Tout système d'échange de ce type sera limité à la collecte et à la diffusion, sous
une forme agrégée, de statistiques sur la production et les ventes qui ne puissent
être utilisées pour promouvoir ou faciliter un comportement commun du secteur.
Les entreprises s'abstiendront également de tout échange d'informations intéressant
la concurrence autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion ou contact
en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction possible
ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.
Un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision est
accordé pour procéder aux modifications nécessaires de tout système éventuel
d'échange d'informations.»
- 265.
- Ainsi que cela ressort du point 165 des considérants, l'article 2 de la décision a été
adopté en application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17. En vertu de
cette disposition, la Commission, lorsqu'elle constate une infraction, notamment,
aux dispositions de l'article 85 du traité, peut obliger par voie de décision les
entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée.
- 266.
- Il est de jurisprudence constante que l'application de l'article 3, paragraphe 1, du
règlement n° 17 peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités,
pratiques ou situations, dont l'illégalité a été constatée (arrêts de la Cour du 6 mars
1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73
et 7/73, Rec. p. 223, point 45, et du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission,
C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743, point 90), mais aussi celle d'adopter un
comportement futur similaire (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra
Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 220).
- 267.
- De plus, dans la mesure où l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement
n° 17 doit se faire en fonction de l'infraction constatée, la Commission a le pouvoir
de préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin
qu'il soit mis fin à ladite infraction. De telles obligations pesant sur les entreprises
ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire
pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard
des règles qui ont été méconnues (arrêt RTE et ITP/Commission, précité, point 93;
dans le même sens, voir arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Langnese-Iglo/Commission, T-7/93, Rec. p. II-1533, point 209, et Schöller/Commission, T-9/93,
Rec. p. II-1611, point 163).
- 268.
- En l'espèce, afin de vérifier si, comme le prétend la requérante, l'injonction
contenue à l'article 2 de la décision a une portée trop large, il convient d'examiner
l'étendue des diverses interdictions qu'il impose aux entreprises.
- 269.
- Quant à l'interdiction édictée à l'article 2, premier alinéa, deuxième phrase,
consistant pour les entreprises à s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique
concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou analogue à ceux des
infractions constatées à l'article 1er de la décision, elle vise uniquement à ce que les
entreprises soient empêchées de répéter les comportements dont l'illégalité a été
constatée. Par conséquent, la Commission, en adoptant une telle interdiction, n'a
pas outrepassé les pouvoirs que lui confère l'article 3 du règlement n° 17.
- 270.
- Quant à l'article 2, premier alinéa, sous a), sous b) et sous c), ses dispositions visent
plus spécifiquement des interdictions de futurs échanges d'informations
commerciales.
- 271.
- L'injonction contenue dans l'article 2, premier alinéa, sous a), qui interdit à l'avenir
tout échange d'informations commerciales permettant aux participants d'obtenir
directement ou indirectement des informations individuelles sur des entreprises
concurrentes, suppose que l'illégalité d'un échange d'informations d'une telle nature
au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité ait été constatée par la
Commission dans la décision.
- 272.
- A cet égard, il y a lieu de constater que l'article 1er de la décision n'énonce pas que
l'échange d'informations commerciales individuelles constitue en soi une violation
de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 273.
- Il dispose de manière plus générale que les entreprises ont enfreint cet article du
traité en participant à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les
entreprises ont, notamment, «échangé des informations commerciales sur les
livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux
d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus».
- 274.
- Cependant, le dispositif de la décision devant être interprété à la lumière de ses
motifs (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 122), il convient de
relever que le point 134, deuxième alinéa, des considérants de la décision indique:
«L'échange par les fabricants, lors de réunions du GEP Carton (essentiellement
celles du JMC), d'informations commerciales individuelles normalement
confidentielles et sensibles sur les commandes en carnet, les arrêts de machines et
les rythmes de production était à l'évidence contraire aux règles de concurrence,
puisqu'il avait pour but de rendre les conditions aussi propices que possible à la
mise en oeuvre des augmentations de prix [...]»
- 275.
- Dès lors, la Commission ayant dûment considéré dans la décision que l'échange
d'informations commerciales individuelles constituait, en soi, une violation de
l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'interdiction future d'un tel échange
d'informations satisfait aux conditions requises pour l'application de l'article 3,
paragraphe 1, du règlement n° 17.
- 276.
- S'agissant des interdictions relatives aux échanges d'informations commerciales visés
à l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la décision, elles doivent être
examinées à la lumière des deuxième, troisième et quatrième alinéas de ce même
article, qui en étayent le contenu. C'est en effet dans ce contexte qu'il convient de
déterminer si, et dans l'affirmative, dans quelle mesure la Commission a considéré
comme illégaux les échanges en cause, dès lors que l'étendue des obligations pesant
sur les entreprises doit être limitée à ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité
de leurs comportements au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 277.
- La décision doit être interprétée en ce sens que la Commission a considéré le
système Fides comme contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en tant que
support de l'entente constatée (point 134, troisième alinéa, des considérants de la
décision). Une telle interprétation est corroborée par le libellé de l'article 1er de la
décision, duquel il ressort que les informations commerciales ont été échangées
entre les entreprises «afin de soutenir les mesures» considérées comme contraires
à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 278.
- C'est à la lumière de cette interprétation par la Commission de la compatibilité, en
l'espèce, du système Fides avec l'article 85 du traité que doit être appréciée
l'étendue des interdictions futures contenues à l'article 2, premier alinéa, sous b)
et sous c), de la décision.
- 279.
- A cet égard, d'une part, les interdictions en cause ne sont pas limitées aux échanges
d'informations commerciales individuelles mais concernent aussi ceux de certaines
données statistiques agrégées [article 2, premier alinéa, sous b), et deuxième alinéa,
de la décision]. D'autre part, l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la
décision interdit l'échange de certaines informations statistiques afin de prévenir la
constitution d'un possible support de comportements anticoncurrentiels potentiels.
- 280.
- Une telle interdiction, en ce qu'elle vise à empêcher l'échange d'informations
purement statistiques n'ayant pas le caractère d'informations individuelles ouindividualisables, au motif que les informations échangées pourraient être utilisées
à des fins anticoncurrentielles, excède ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité
des comportements constatés. En effet, d'une part, il ne ressort pas de la décision
que la Commission ait considéré l'échange de données statistiques comme étant en
soi une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. D'autre part, le seul fait
qu'un système d'échange d'informations statistiques puisse être utilisé à des fins
anticoncurrentielles ne le rend pas contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité,
puisqu'il convient, dans de telles circonstances, d'en constater in concreto les effets
anticoncurrentiels. Il s'ensuit que l'argument de la Commission, selon lequel l'article
2 de la décision présente un caractère purement déclaratif (ci-dessus point 261),
n'est pas fondé.
- 281.
- En conséquence, l'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision doit être
annulé, sauf en ce qui concerne les passages suivants:
«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux
infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir,
dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou
pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire,
y compris tout échange d'informations commerciales:
a) par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement
de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux
d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de
commercialisation d'autres fabricants.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel
que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure toutes
données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés.»
Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant
A Sur le moyen tiré d'une nécessité de réduction de l'amende en raison d'une
définition erronée de l'objet et de la durée de l'infraction
- 282.
- La requérante fait valoir, en se référant aux moyens et arguments précédents, que
l'infraction a été d'une portée matérielle bien différente, d'une durée bien plus
courte et d'une gravité beaucoup plus faible que ne l'affirme la Commission et qu'il
y a donc lieu de réduire radicalement le montant de l'amende.
- 283.
- Il y a lieu de rappeler qu'il ressort des constatations opérées dans le cadre des
moyens précédents que la Commission a correctement établi, dans le chef de la
requérante, l'existence et la durée de l'infraction décrite à l'article 1er de la décision.
- 284.
- Il s'ensuit que le présent moyen doit être rejeté.
B Sur le moyen tiré, d'une part, d'une erreur d'appréciation commise par la
Commission en ce qu'elle a considéré que l'entente avait «largement réussi à atteindre
ses objectifs» et, d'autre part, d'une violation de l'obligation de motivation sur ce point
Arguments des parties
- 285.
- La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur d'appréciation
en retenant, pour la fixation du montant de l'amende, que l'entente avait
«largement réussi à atteindre ses objectifs» (point 168 des considérants de la
décision). Sur ce point, la Commission n'aurait pas tenu compte des éléments de
preuve fournis par les entreprises destinataires et, plus particulièrement, par la
requérante.
- 286.
- Les modalités des annonces de prix seraient normales dans le secteur et ce serait
à cause des conditions du marché, notamment de la transparence de celui-ci, que
l'on observerait une certaine uniformité et simultanéité des annonces
d'augmentations de prix des différents producteurs. La Commission n'aurait pas
pris en compte les éléments suivants: a) les prix de transaction ont toujours été
bien inférieurs aux prix annoncés; b) il a toujours existé des différences
considérables entre les prix appliqués à chaque client, de sorte qu'il n'y a pas eu
un prix unique; c) les cycles conjoncturels ont eu une incidence sur l'évolution des
prix et d) l'écart entre les prix appliqués à chaque client a augmenté au cours de
la période en question, caractérisant ainsi une individualisation accrue des prix.
- 287.
- L'évolution des prix de transaction aurait été déterminée uniquement par les
conditions prévalant sur le marché pendant la période en cause et notamment par
la demande relativement soutenue, l'utilisation satisfaisante et parfois optimale des
capacités (voir points 13 à 15 des considérants de la décision), les augmentations
considérables des coûts (voir points 16 à 19 des considérants) et, enfin, par
l'existence d'un taux moyen de rentabilité tout à fait normale au cours de
l'ensemble de la période. Dans ces conditions, la Commission aurait dû conclure
que des augmentations de prix étaient normales (voir également point 135 des
considérants) et que les augmentations des prix de transaction susceptibles d'être
constatées concordaient avec les variables économiques fondamentales. Elle aurait
donc dû conclure également que la prétendue entente n'avait eu aucun effet sur
l'évolution effective des prix de transaction.
- 288.
- Selon la requérante, les prix de transaction ont toujours suivi l'évolution des coûts.
En effet, la baisse des coûts des matières premières constatée pendant la deuxième
moitié de l'année 1989 aurait été accompagnée d'une augmentation considérable
des coûts du travail et de l'énergie, lesquels constitueraient environ 35 % de
l'ensemble des coûts pour les producteurs de carton. Le fait qu'il y ait eu une
baisse de la demande en 1991 ne signifierait pas, non plus, que d'autres facteurs
que les conditions du marché avaient influencé l'évolution des prix, car l'unique
augmentation des prix en 1991 (augmentation du mois de janvier) avait déjà été
annoncée au courant de l'automne 1990 et même programmée encore plus tôt par
les producteurs.
- 289.
- L'affirmation de la Commission relative aux effets de l'entente ne serait pas
davantage exacte en ce qui concerne la prétendue concertation sur les parts de
marché, puisqu'il n'y aurait jamais eu de concertation à cet égard ni de système de
contrôle de l'évolution des parts de marché des différents producteurs. Au surplus,
les parts de marché de Sarrió auraient varié de manière importante au cours de la
période concernée.
- 290.
- Enfin, la requérante fait valoir un vice de motivation lié à une contradiction qui
existerait entre les conclusions relatives aux effets de l'entente sur le marché et les
observations factuelles contenues dans la décision elle-même.
- 291.
- La Commission fait observer que les prix ont, pendant la période en cause, toujours
été régulièrement majorés et appliqués conformément aux concertations des
producteurs au sein des comités du GEP Carton, qu'il aurait été institué un système
de contrôle du respect des décisions imposées par l'entente par le biais des
informations détaillées échangées, et que les parts de marché des différents
producteurs se sont toujours plus ou moins maintenues au même niveau. Dans ces
conditions, et eu égard en particulier aux preuves documentaires abondantes de
l'entente, l'affirmation de la requérante, selon laquelle l'entente n'aurait pas
modifié de façon substantielle les tendances du marché, serait indéfendable.
- 292.
- S'agissant de l'évolution des prix, la Commission rappelle qu'il y a lieu d'apprécier
le succès de l'entente dans son ensemble. Le succès remporté ne serait aucunement
contredit par le fait, d'ailleurs non prouvé, que la requérante en ait tiré moins
d'avantages que d'autres.
- 293.
- En ce qui concerne les parts de marché, les variations modestes des parts de
marché des différents producteurs confirmeraient que l'entente a remporté un
grand succès à cet égard également.
- 294.
- Enfin, la Commission conteste, sur la base des arguments qui précèdent, que la
décision soit viciée par un défaut de motivation en ce qui concerne les effets de
l'entente sur le marché. Elle renvoie notamment aux analyses des conditions et de
l'évolution du marché contenues aux points 16, 21 et 137 des considérants de la
décision et soutient que, si l'on ne tente pas d'isoler une affirmation de son
contexte, on ne constate aucune contradiction dans la motivation de la décision.
Appréciation du Tribunal
- 295.
- Selon le point 168, septième tiret, des considérants de la décision, la Commission
a déterminé le montant général des amendes en prenant notamment en
considération le fait que l'entente a «largement réussi à atteindre ses objectifs». Il
est constant qu'une telle considération se réfère aux effets sur le marché de
l'infraction constatée à l'article 1er de la décision.
- 296.
- Aux fins du contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur les effets de
l'infraction, le Tribunal estime qu'il suffit d'examiner celle portée sur les effets de
la collusion sur les prix. En effet, en premier lieu, il ressort de la décision que la
constatation relative à la large réussite des objectifs est essentiellement fondée sur
les effets de la collusion sur les prix. Si ces effets sont analysés aux points 100
à 102, 115, et 135 à 137 des considérants de la décision, la question de savoir si la
collusion sur les parts de marché et celle sur les temps d'arrêt ont eu des effets sur
le marché n'y fait, en revanche, l'objet d'aucun examen spécifique.
- 297.
- En second lieu, l'examen des effets de la collusion sur les prix permet, en tout état
de cause, d'apprécier également si l'objectif de la collusion sur les temps d'arrêt a
été atteint, puisque celle-ci visait à éviter que les initiatives concertées en matière
de prix soient compromises par un excédent d'offre.
- 298.
- En troisième lieu, s'agissant de la collusion sur les parts de marché, la Commission
ne soutient pas que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG avaient
pour objectif le gel absolu de leurs parts de marché. Selon le point 60, deuxième
alinéa, des considérants de la décision, l'accord sur les parts de marché n'était pas
figé, «mais périodiquement adapté et renégocié». Au vu de cette précision, il ne
saurait donc être reproché à la Commission d'avoir estimé que l'entente a
largement réussi à atteindre ses objectifs sans avoir spécifiquement examiné dans
la décision la réussite de cette collusion sur les parts de marché.
- 299.
- S'agissant de la collusion sur les prix, la Commission en a apprécié les effets
généraux. Dès lors, à supposer même que les données individuelles fournies par la
requérante démontrent, comme elle l'affirme, que la collusion sur les prix n'a eu
pour elle que des effets moins importants que ceux constatés sur le marché
européen du carton, pris globalement, de telles données individuelles ne sauraient
suffire en soi pour mettre en cause l'appréciation de la Commission.
- 300.
- Il ressort de la décision, ainsi que la Commission l'a confirmé lors de l'audience,
qu'une distinction a été établie entre trois types d'effets. De plus, la Commission
s'est fondée sur le fait que les initiatives en matière de prix ont été globalement
considérées comme une réussite par les producteurs eux-mêmes.
- 301.
- Le premier type d'effets pris en compte par la Commission, et non contesté par la
requérante, consiste dans le fait que les augmentations de prix convenues ont été
effectivement annoncées aux clients. Les nouveaux prix ont ainsi servi de référence
en cas de négociations individuelles des prix de transaction avec les clients (voir,notamment, points 100 et 101, cinquième et sixième alinéas, des considérants de
la décision).
- 302.
- Le deuxième type d'effets consiste dans le fait que l'évolution des prix de
transaction a suivi celle des prix annoncés. A cet égard, la Commission soutient que
«les producteurs ne se contentaient pas d'annoncer les augmentations de prix
convenues mais, à quelques exceptions près, [qu']ils prenaient également des
mesures concrètes pour faire en sorte qu'elles soient effectivement imposées aux
clients» (point 101, premier alinéa, des considérants de la décision). Elle admet que
les clients ont parfois obtenu des concessions sur la date d'entrée en vigueur des
augmentations ou des rabais ou réductions individuelles, notamment en cas de
grosse commande, et que «l'augmentation nette perçue en moyenne après
déduction des réductions, rabais et autres concessions était donc toujours inférieure
au montant total de l'augmentation annoncée» (point 102, dernier alinéa, des
considérants). Cependant, se référant à des graphiques contenus dans une étude
économique réalisée, aux fins de la procédure devant la Commission, pour le
compte de plusieurs entreprises destinataires de la décision (ci-après «rapport
LE»), elle affirme qu'il existait, au cours de la période visée par la décision, une
«étroite relation linéaire» entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de
transaction exprimés en monnaies nationales ou convertis en écus. Elle en conclut:
«Les augmentations nettes des prix obtenues suivaient étroitement les
augmentations annoncées, fût-ce avec un certain retard. L'auteur du rapport a lui-même reconnu pendant l'audition qu'il en a été ainsi en 1988 et 1989.» (Point 115,
deuxième alinéa, des considérants.)
- 303.
- Il doit être admis que, dans l'appréciation de ce deuxième type d'effets, la
Commission a pu à bon droit considérer que l'existence d'une relation linéaire
entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction constituait la
preuve d'un effet produit sur ces derniers par les initiatives en matière de prix,
conformément à l'objectif poursuivi par les producteurs. En fait, il est constant que,
sur le marché en cause, la pratique de négociations individuelles avec les clients
implique que les prix de transaction ne sont, en général, pas identiques aux prix
annoncés. Il ne saurait donc être escompté que les augmentations des prix de
transaction soient identiques aux augmentations de prix annoncées.
- 304.
- En ce qui concerne l'existence même d'une corrélation entre les augmentations de
prix annoncées et celles des prix de transaction, la Commission s'est référée à juste
titre au rapport LE, celui-ci constituant une analyse de l'évolution des prix du
carton pendant la période visée par la décision, fondée sur des données fournies
par plusieurs producteurs, dont la requérante elle-même.
- 305.
- Toutefois, ce rapport ne confirme que partiellement, dans le temps, l'existence
d'une «étroite relation linéaire». En effet, l'examen de la période de 1987 à 1991
révèle trois sous-périodes distinctes. A cet égard, lors de l'audition devant la
Commission, l'auteur du rapport LE a résumé ses conclusions de la manière
suivante: «Il n'y a pas de corrélation étroite, même avec un décalage, entre
l'augmentation de prix annoncée et les prix du marché, pendant le début de la
période considérée, de 1987 à 1988. En revanche, une telle corrélation existe en
1988/1989, puis cette corrélation se détériore pour se comporter de façon plutôt
singulière [oddly] sur la période 1990/1991.» (Procès-verbal de l'audition, p. 28.) Il
a relevé, en outre, que ces variations dans le temps étaient étroitement liées à des
variations de la demande (voir, notamment, procès-verbal de l'audition, p. 20).
- 306.
- Ces conclusions orales de l'auteur sont conformes à l'analyse développée dans son
rapport, et notamment aux graphiques comparant l'évolution des prix annoncés et
l'évolution des prix de transaction (rapport LE, graphiques 10 et 11, p. 29). Force
est donc de constater que la Commission n'a que partiellement prouvé l'existence
de l'«étroite relation linéaire» qu'elle invoque.
- 307.
- Lors de l'audience, la Commission a indiqué avoir également pris en compte un
troisième type d'effets de la collusion sur les prix consistant dans le fait que le
niveau des prix de transaction a été supérieur au niveau qui aurait été atteint en
l'absence de toute collusion. A cet égard, la Commission, soulignant que les dates
et l'ordre des annonces des augmentations de prix avaient été programmés par le
PWG, estime dans la décision qu'«il est inconcevable que, dans ces conditions, ces
annonces concertées n'aient eu aucun effet sur le niveau réel des prix» (point 136,
troisième alinéa, des considérants de la décision). Toutefois, le rapport LE (section
3) a établi un modèle permettant de prévoir le niveau de prix résultant des
conditions objectives du marché. Selon ce rapport, le niveau des prix, tels que
déterminés par des facteurs économiques objectifs durant la période de 1975 à
1991, aurait évolué, avec des variations négligeables, de manière identique à celui
des prix de transaction pratiqués, y compris pendant la période retenue par la
décision.
- 308.
- Malgré ces conclusions, l'analyse faite dans le rapport ne permet pas de constater
que les initiatives concertées en matière de prix n'ont pas permis aux producteurs
d'atteindre un niveau des prix de transaction supérieur à celui qui aurait résulté du
libre jeu de la concurrence. A cet égard, comme l'a souligné la Commission lors de
l'audience, il est possible que les facteurs pris en compte dans ladite analyse aient
été influencés par l'existence de la collusion. Ainsi, la Commission a fait valoir à
bon droit que le comportement collusoire a, par exemple, pu limiter l'incitation
pour les entreprises à réduire leurs coûts. Or, elle n'a invoqué l'existence d'aucune
erreur directe dans l'analyse contenue dans le rapport LE et n'a pas davantage
présenté ses propres analyses économiques de l'hypothétique évolution des prix de
transaction en l'absence de toute concertation. Dans ces conditions, son affirmation
selon laquelle le niveau des prix de transaction aurait été inférieur en l'absence de
collusion entre les producteurs ne saurait être entérinée.
- 309.
- Il s'ensuit que l'existence de ce troisième type d'effets de la collusion sur les prix
n'est pas prouvée.
- 310.
- Les constatations qui précèdent ne sont en rien modifiées par l'appréciation
subjective des producteurs sur laquelle la Commission s'est fondée pour considérer
que l'entente avait largement réussi à atteindre ses objectifs. Sur ce point, la
Commission s'est reportée à une liste de documents qu'elle a fournie lors de
l'audience. Or, à supposer même qu'elle ait pu fonder son appréciation de
l'éventuelle réussite des initiatives en matière de prix sur des documents faisant état
des sentiments subjectifs de certains producteurs, force est de constater que
plusieurs entreprises, dont la requérante, ont à juste titre fait référence à l'audience
à de nombreux autres documents du dossier faisant état des problèmes rencontrés
par les producteurs dans la mise en oeuvre des augmentations de prix convenues.
Dans ces conditions, la référence faite par la Commission aux déclarations des
producteurs eux-mêmes n'est pas suffisante pour conclure que l'entente a
largement réussi à atteindre ses objectifs.
- 311.
- Au vu des considérations qui précèdent, les effets de l'infraction relevés par la
Commission ne sont que partiellement prouvés. Le Tribunal analysera la portée de
cette conclusion dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction en matière
d'amendes, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée en l'espèce
(voir ci-après point 334).
- 312.
- Il convient, enfin, de constater que l'allégation de la requérante relative à un
prétendu défaut de motivation de la décision en ce qui concerne les effets de
l'infraction est dénuée de fondement. Ainsi que cela ressort de l'examen qui
précède, la décision contient une motivation détaillée et exempte de contradictions
relativement aux effets de l'infraction constatée.
C Sur le moyen tiré, d'une part, d'une erreur de droit en ce que la Commission a
retenu comme élément aggravant la dissimulation de l'entente et, d'autre part, d'une
erreur de motivation à cet égard
Arguments des parties
- 313.
- La requérante soutient que, si l'on admet, quod non, qu'un certain échelonnement
des annonces d'augmentation de prix était le résultat d'une concertation, la
Commission ne pouvait toutefois pas retenir cette circonstance comme circonstance
aggravante spécifique, car la «dissimulation» d'une entente est un fait inhérent à
l'infraction elle-même.
- 314.
- La requérante ajoute que le fait que la Commission n'a pas été en mesure de
trouver des preuves documentaires de ses allégations relatives à l'existence d'une
infraction ne signifie pas que des mesures de dissimulation ont été prises.
- 315.
- Enfin, elle relève un défaut de motivation en ce que la décision n'explique pas les
raisons pour lesquelles la dissimulation d'une entente devrait être considérée
comme une circonstance aggravante.
- 316.
- La Commission fait valoir que la dissimulation de l'existence de l'entente constitue
un élément qu'il convient de prendre en considération pour apprécier la gravité de
l'infraction (arrêt BASF/Commission, précité, point 273).
Appréciation du Tribunal
- 317.
- Aux termes du point 167, troisième alinéa, des considérants de la décision, «l'un
des aspects les plus graves de [l'infraction] est que, pour tenter de dissimuler
l'existence de l'entente, les entreprises ont été jusqu'à orchestrer à l'avance la date
et la séquence des différentes annonces de nouvelles augmentations de prix par
chacun des principaux fabricants». La décision relève en outre que «les fabricants
auraient pu, grâce à cette duperie élaborée, attribuer les séries d'augmentations des
prix uniformes, régulières et touchant l'ensemble du secteur au phénomène du
'comportement en situation oligopolistique» (point 73, troisième alinéa, des
considérants). Enfin, selon le point 168, sixième tiret, des considérants, la
Commission a déterminé le niveau général des amendes en tenant compte du fait
que «des mesures complexes ont été prises pour cacher la véritable nature et la
portée de la collusion (absence de compte rendu officiel ou de documentation
concernant les réunions du PWG et du JMC; les participants étaient dissuadés de
prendre des notes; la date et l'ordre des lettres annonçant les augmentations de
prix étaient orchestrés de façon à pouvoir proclamer que ces augmentations
'faisaient suite à d'autres, etc.)».
- 318.
- Il y a lieu de constater que la Commission a inféré à bon droit des éléments de
preuve recueillis que les entreprises ont programmé les dates et l'ordre des lettres
annonçant les augmentations de prix, afin de tenter de dissimuler l'existence de la
concertation sur les prix. Cette programmation ressort en particulier de déclarations
de Stora (annexe 39 à la communication des griefs, point 30): «Il n'existait pas de
procédure standard s'agissant de la question de savoir qui annoncerait en premier
une augmentation de prix et qui suivrait. Le PWG discutait et se mettait d'accord
sur l'identité du fabricant qui annoncerait, en premier, chaque augmentation de
prix et sur les dates auxquelles les autres fabricants principaux annonceraient leurs
augmentations. Le schéma n'était pas le même à chaque fois.» Son existence est
également corroborée par la note de Rena relative à la réunion du JMC du 6
septembre 1990 (annexe 118 à la communication des griefs). Ce document contient
des indications précises sur les dates d'annonce des augmentations de prix de
janvier 1991 pour certaines entreprises membres du PWG (Mayr-Melnhof,
Feldmühle et Cascades), dates qui correspondent exactement à celles auxquelles
ces entreprises ont réellement envoyé leurs lettres d'annonce (voir points 87 et 88
des considérants de la décision).
- 319.
- Quant à l'absence de comptes rendus officiels et à l'absence presque absolue de
notes internes portant sur les réunions du PWG et du JMC, elles constituent, eu
égard à leur nombre, à leur durée dans le temps et à la nature des discussions en
cause, une preuve suffisante de l'allégation de la Commission selon laquelle les
participants étaient dissuadés de prendre des notes.
- 320.
- Il ressort de ce qui précède que les entreprises ayant participé aux réunions de ces
organes ont non seulement été conscientes de l'illégalité de leur comportement
mais ont aussi adopté des mesures de dissimulation de la collusion. Partant, c'est
à bon droit que la Commission a retenu ces mesures comme circonstances
aggravantes lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction.
- 321.
- Enfin, ayant expliqué dans la décision quels étaient les comportements précis des
entreprises retenus comme circonstances aggravantes, elle a suffisamment motivé
son appréciation sur ce point.
- 322.
- Le présent moyen doit donc être rejeté.
D Sur le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement en ce que la
Commission aurait appliqué sans justification objective des amendes bien plus élevées
que dans sa pratique antérieure
Arguments des parties
- 323.
- La requérante fait valoir que l'augmentation du niveau de l'amende infligée par
rapport à ceux retenus dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission
constitue une différence de traitement injustifiée.
- 324.
- En effet, certaines ententes similaires auraient été sanctionnées de façon nettement
moins sévère (voir, par exemple, décision 86/398/CEE de la Commission, du 23
avril 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE
(IV/31.149 Polypropylène) (JO L 230, p. 1, ci-après «décision Polypropylène»).
- 325.
- De même, le niveau général des amendes apparaîtrait injustifié par rapport à la
décision 92/163/CEE de la Commission, du 24 juillet 1991, relative à une procédure
d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/31.043 Tetra Pak II) (JO 1992,
L 72, p. 1).
- 326.
- L'erreur d'appréciation de la gravité de l'infraction serait encore confirmée par une
comparaison avec le niveau d'amendes retenu dans la décision 94/815/CE de la
Commission, du 30 novembre 1994, relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CE (affaire IV/33.126 et 33.322 Ciment) (JO L 343, p. 1).
- 327.
- Selon la Commission, chaque infraction présente des caractéristiques propres. Le
principe d'égalité de traitement supposant que des situations semblables soient
traitées de la même manière, il serait impossible de comparer le montant des
amendes infligées en l'espèce avec celles infligées pour des infractions commises
selon des modalités différentes et à des périodes différentes. La Commission ajoute
qu'elle est, en tout état de cause, en droit d'élever le niveau des amendes si cela
est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la
concurrence (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, Rec.
p. II-907).
Appréciation du Tribunal
- 328.
- Selon l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie
de décision, infliger aux entreprises ayant commis, de propos délibéré ou par
négligence, une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité
des amendes de 1 000 écus au moins et de 1 000 000 écus au plus, ce dernier
montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de
l'exercice précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. Le
montant de l'amende est déterminé en considération à la fois de la gravité de
l'infraction et de sa durée. Ainsi que cela ressort de la jurisprudence de la Cour,
la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre
d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son
contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste
contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte
(ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec.
p. I-1611, point 54).
- 329.
- En l'espèce, la Commission a déterminé le niveau général des amendes en tenant
compte de la durée de l'infraction (point 167 des considérants de la décision), ainsi
que des considérations suivantes (point 168 des considérants):
« la collusion en matière de fixation des prix et la répartition des marchés
constituent en soi des restrictions graves de la concurrence,
l'entente couvrait quasiment tout le territoire de la Communauté,
le marché communautaire du carton est un secteur économique important
qui totalise chaque année quelque 2,5 milliards d'écus,
les entreprises participant à l'infraction couvrent pratiquement tout le
marché,
l'entente a fonctionné sous la forme d'un système de réunions périodiques
institutionnalisées ayant pour objet de réguler dans le détail le marché du
carton dans la Communauté,
des mesures complexes ont été prises pour cacher la véritable nature et la
portée de la collusion (absence de compte rendu officiel ou de
documentation concernant les réunions du PWG et du JMC; les participants
étaient dissuadés de prendre des notes; la date et l'ordre des lettres
annonçant les augmentations de prix étaient orchestrés de façon à pouvoir
proclamer que ces augmentations 'faisaient suite à d'autres, etc.),
l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs».
- 330.
- De plus, le Tribunal rappelle qu'il ressort d'une réponse de la Commission à une
question écrite du Tribunal que des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 %
du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision
sur le marché communautaire du carton en 1990 ont été infligées, respectivement,
aux entreprises considérées comme les «chefs de file» de l'entente et aux autres
entreprises.
- 331.
- Il y a lieu de souligner, en premier lieu, que, dans son appréciation du niveau
général des amendes, la Commission est fondée à tenir compte du fait que des
infractions patentes aux règles communautaires de la concurrence sont encore
relativement fréquentes et que, partant, il lui est loisible d'élever le niveau des
amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif. Par conséquent, le fait que la
Commission a appliqué dans le passé des amendes d'un certain niveau à certains
types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les
limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela s'avère nécessaire pour assurer la
mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence (voir, notamment,
arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission,
100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, points 105 à 108, et arrêt
ICI/Commission, précité, point 385).
- 332.
- En second lieu, la Commission a soutenu à bon droit que, en raison des
circonstances propres à l'espèce, aucune comparaison directe ne saurait être opérée
entre le niveau général des amendes retenu dans la présente décision et ceux
retenus dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, en particulier,
dans la décision Polypropylène, considérée par la Commission elle-même comme
la plus comparable à celle du cas d'espèce. En effet, contrairement à l'affaire à
l'origine de la décision Polypropylène, aucune circonstance atténuante générale n'a
été prise en compte en l'espèce pour déterminer le niveau général des amendes.
Par ailleurs, comme le Tribunal l'a déjà constaté, les mesures complexes adoptées
par les entreprises pour dissimuler l'existence de l'infraction constituent un aspect
particulièrement grave de celle-ci, qui la caractérise par rapport aux infractions
antérieurement constatées par la Commission.
- 333.
- En troisième lieu, il convient de souligner la longue durée et le caractère patent de
l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, qui a été commise malgré
l'avertissement qu'aurait dû constituer la pratique décisionnelle antérieure de la
Commission, et notamment la décision Polypropylène.
- 334.
- Sur la base de ces éléments, il convient de considérer que les critères repris au
point 168 des considérants de la décision justifient le niveau général des amendes
fixé par la Commission. Le Tribunal a certes déjà constaté que les effets de la
collusion sur les prix retenus par la Commission pour la détermination du niveau
général des amendes ne sont que partiellement prouvés. Toutefois, à la lumière des
considérations qui précèdent, cette conclusion ne saurait affecter sensiblement
l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée. A cet égard, le fait que les
entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que
les prix ainsi annoncés ont servi de base pour la fixation des prix de transaction
individuels suffit, en soi, pour constater que la collusion sur les prix a eu tant pour
objet que pour effet une grave restriction de la concurrence. Partant, dans le cadre
de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considère que les constatations
opérées au sujet des effets de l'infraction ne justifient aucune réduction du niveau
général des amendes fixé par la Commission.
- 335.
- Enfin, en fixant en l'espèce le niveau général des amendes, la Commission ne s'est
pas écartée de sa pratique décisionnelle antérieure de manière telle qu'elle aurait
dû motiver plus explicitement son appréciation de la gravité de l'infraction (voir,
notamment, arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de
papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73/74, Rec. p. 1491, point 31).
- 336.
- Dès lors, le présent moyen doit être rejeté.
E Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation et d'une violation des droits de la
défense en ce qui concerne le calcul de l'amende
Arguments des parties
- 337.
- La requérante fait valoir que, pour apprécier si la Commission est restée dans les
limites imposées par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et si elle a
exercé de façon correcte et non arbitraire son pouvoir discrétionnaire en matière
d'amendes, il faut vérifier si la décision contient une description des critères dont
la Commission a fait application. Selon elle, la décision ne répond pas à ces
exigences, en ce qu'elle n'indique ni l'exercice social pris en considération pour la
détermination des amendes ni le taux (pourcentage) appliqué pour calculer chaque
amende. La requérante serait en conséquence dans l'impossibilité de contrôler de
manière efficace la légalité de la décision, ce qui constituerait une violation
manifeste de ses droits de la défense.
- 338.
- La Commission relève que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne
mentionne ni explicitement ni implicitement l'obligation de la Commission
d'indiquer le mode de calcul suivi. De plus, la motivation de la décision relative aux
éléments qui ont déterminé le niveau général des amendes ainsi que le niveau de
l'amende infligée à chacune des entreprises serait tout à fait comparable aux
motivations fournies dans des décisions similaires. Au demeurant, aucun précédent
n'aurait jamais imposé une obligation d'indiquer les critères plus détaillés utilisés
pour calculer les amendes.
- 339.
- La Commission soutient qu'elle n'est pas obligée de fixer le montant des amendes
sur la base d'une formule mathématique précise, solution qui pourrait amener lesentreprises à calculer, à l'avance, l'avantage qu'elles retireraient d'une participation
à une entente illicite. Elle estime qu'elle dispose d'une marge d'appréciation dans
la fixation du montant des amendes, celles-ci constituant un instrument de sa
politique de la concurrence (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995,
Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59).
- 340.
- Enfin, elle fait valoir que le fait qu'un membre de la Commission a fourni, à titre
purement indicatif, certains détails supplémentaires sur les amendes lors d'une
conférence de presse ne saurait avoir des répercussions sur la décision, et que de
telles indications ne signifient pas, non plus, que la motivation de la décision était
insuffisante.
Appréciation du Tribunal
- 341.
- Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision
individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle
sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante
pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée
d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette
obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a
été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen
Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).
- 342.
- Pour ce qui est d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à
plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la
concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment
déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en
fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances
particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce
sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant
obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, précitée,
point 54).
- 343.
- De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose
d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue
d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir, dans le même
sens, arrêt Martinelli/Commission, précité, point 59).
- 344.
- Dans la décision, les critères pris en compte pour déterminer le niveau général des
amendes et le montant des amendes individuelles figurent, respectivement, aux
points 168 et 169 des considérants. En outre, pour ce qui est des amendes
individuelles, la Commission explique au point 170 des considérants que les
entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées
comme des «chefs de file» de l'entente, alors que les autres entreprises ont été
considérées comme des «membres ordinaires» de celle-ci. Enfin, aux points 171 et
172 des considérants, elle indique que les montants des amendes infligées à Rena
et à Stora doivent être considérablement réduits pour tenir compte de leur
coopération active avec la Commission et que huit autres entreprises, dont la
requérante, peuvent également bénéficier d'une réduction dans une proportion
moindre, du fait qu'elles n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des
griefs, nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses
griefs.
- 345.
- Dans ses écritures devant le Tribunal ainsi que dans sa réponse à une question
écrite de celui-ci, la Commission a expliqué que les amendes ont été calculées sur
la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la
décision sur le marché communautaire du carton en 1990. Des amendes d'un
niveau de base de 9 ou de 7,5 % de ce chiffre d'affaires individuel ont ainsi été
infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les «chefs de file» de
l'entente et aux autres entreprises. Enfin, la Commission a tenu compte de
l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours de la procédure
devant elle. Deux entreprises ont bénéficié à ce titre d'une réduction des deux tiers
du montant de leurs amendes, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une
réduction d'un tiers.
- 346.
- Il ressort, par ailleurs, d'un tableau fourni par la Commission et contenant des
indications quant à la fixation du montant de chacune des amendes individuelles
que, si celles-ci n'ont pas été déterminées en appliquant de manière strictement
mathématique les seules données chiffrées susmentionnées, lesdites données ont
cependant été systématiquement prises en compte aux fins du calcul des amendes.
- 347.
- Or, la décision ne précise pas que les amendes ont été calculées sur la base du
chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire
du carton en 1990. De plus, les taux de base appliqués de 9 et de 7,5 % pour
calculer les amendes infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme
des «chefs de file» et à celles considérées comme des «membres ordinaires» ne
figurent pas dans la décision. N'y figurent pas davantage les taux des réductions
accordées à Rena et à Stora, d'une part, et à huit autres entreprises, d'autre part.
- 348.
- En l'espèce, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, interprétés à la lumière
de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard
de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de
celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments
d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de
l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens,
arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec.
p. II-1087, point 264).
- 349.
- En second lieu, lorsque le montant de chaque amende est, comme en l'espèce,
déterminé sur la base de la prise en compte systématique de certaines données
précises, l'indication, dans la décision, de chacun de ces facteurs permettrait aux
entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs
lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le
montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères
généraux appliqués. En l'espèce, l'indication dans la décision des facteurs en cause,
soit le chiffre d'affaires de référence, l'année de référence, les taux de base retenus
et les taux de réduction du montant des amendes, n'aurait comporté aucune
divulgation implicite du chiffre d'affaires précis des entreprises destinataires de la
décision, divulgation qui aurait pu constituer une violation de l'article 214 du traité.
En effet, le montant final de chaque amende individuelle ne résulte pas, comme
la Commission l'a elle-même souligné, d'une application strictement mathématique
desdits facteurs.
- 350.
- La Commission a d'ailleurs reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait
empêchée d'indiquer, dans la décision, les facteurs qui avaient été pris
systématiquement en compte et qui avaient été divulgués pendant une conférence
de presse tenue le jour même de l'adoption de cette décision. A cet égard, il y a
lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une
décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et que des explications
postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances
particulières, être prises en compte (voir arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk
Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 131, et, dans le
même sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89,
Rec. p. II-1439, point 136).
- 351.
- Malgré ces constatations, il doit être relevé que la motivation relative à la fixation
du montant des amendes contenue aux points 167 à 172 des considérants de la
décision est, au moins, aussi détaillée que celles contenues dans les décisions
antérieures de la Commission portant sur des infractions similaires. Or, bien que
le moyen tiré d'un vice de motivation soit d'ordre public, aucune critique n'avait,
au moment de l'adoption de la décision, été soulevée par le juge communautaire
quant à la pratique suivie par la Commission en matière de motivation des
amendes infligées. Ce n'est que dans l'arrêt du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission
(T-148/89, Rec. p. II-1063, point 142), et dans deux autres arrêts rendus le même
jour, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147/89, Rec. p. II-1057,
publication sommaire), et Société des treillis et panneaux soudés/Commission
(T-151/89, Rec. p. II-1191, publication sommaire), que le Tribunal a, pour la
première fois, souligné qu'il est souhaitable que les entreprises puissent connaître
en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées,
pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la
Commission.
- 352.
- Il s'ensuit que lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de
la concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci la
Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de
base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la
décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du
niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.
- 353.
- Dans les circonstances particulières relevées au point 351 ci-dessus, et compte tenu
du fait que la Commission s'est montrée disposée à fournir, lors de la procédure
contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes,
l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des
amendes ne doit pas, en l'espèce, être considérée comme constitutive d'une
violation de l'obligation de motivation justifiant l'annulation totale ou partielle des
amendes infligées. Enfin, la requérante n'a pas démontré qu'elle aurait été
empêchée de faire utilement valoir ses droits de la défense.
- 354.
- Par conséquent, le présent moyen ne saurait être retenu.
F Sur le moyen tiré, d'une part, d'une erreur d'appréciation commise par la
Commission en ce qu'elle n'aurait pas dûment pris en considération le rôle joué par
Sarrió dans le cadre de l'entente ainsi que son comportement effectif sur le marché et,
d'autre part, d'un défaut de motivation sur ces points
Arguments des parties
- 355.
- La requérante affirme que la Commission n'a pas dûment pris en considération sa
position particulière sur le marché et au sein du GEP Carton. Décrivant en détail
sa position sur le marché, elle explique que, du point de vue de la capacité de
production, elle n'était respectivement que cinquième et quatrième producteur en
Europe occidentale en 1990 et en 1991 (voir études mentionnées au point 9 de la
décision) et qu'elle ne détenait qu'une part de marché de moitié inférieure à celle
du leader sur le marché. En outre, en raison de sa spécialisation dans les qualités
GD, elle n'aurait pas eu la flexibilité des producteurs dont la production était
importante tant dans le secteur de la qualité GD que dans celui de la qualité GC.
Elle aurait été et serait toujours exposée à la forte agressivité tant des producteurs
scandinaves, qui sont favorisés par l'accès direct et intégré aux fibres vierges, que
des producteurs allemands et autrichiens, qui sont favorisés par les réglementations
nationales en matière de recyclage. Ce serait afin de pouvoir faire face au
dynamisme de ces concurrents qu'elle aurait, en 1986, sollicité le droit de participer
aux réunions du GEP Carton, participation qui devait lui permettre de contrôler
le comportement de ses principaux concurrents.
- 356.
- La Commission n'aurait fourni aucun élément de preuve relatif au comportement
effectif de la requérante ni avancé aucun argument de nature à réfuter les
arguments de celle-ci selon lesquels: a) ses prix de transaction étaient déterminésde manière autonome et en harmonie avec les conditions du marché; b) il y avait
des divergences considérables entre les prix annoncés et les prix de transaction; c)
ses parts de marché avaient fluctué considérablement tout au long de la période
considérée, et d) en concordance avec les conditions du marché, elle n'avait jamais
procédé à des arrêts de production. La requérante soutient qu'elle n'a jamais pris
des initiatives visant à limiter la liberté d'action de ses concurrents. Le seul élément
de preuve d'un tel comportement serait contenu dans une note privée échangée
entre deux gestionnaires d'entreprises concurrentes. Toutefois, cette note aurait une
portée générale et se référerait à un comportement simplement attribué à la
requérante (annexe 109 à la communication des griefs).
- 357.
- Selon la requérante, un examen de son comportement effectif aurait révélé que
celui-ci ne trouvait aucune correspondance dans la prétendue entente, ce qui aurait
dû amener la Commission à apprécier la situation de la requérante de manière
beaucoup plus favorable lors de la détermination du montant de l'amende. La note
trouvée chez FS-Karton et invoquée par la Commission comme preuve de la mise
en oeuvre effective de l'entente par la requérante ne concernerait aucunement son
comportement effectif sur le marché, mais démontrerait uniquement une
participation à une concertation sur les prix annoncés.
- 358.
- Enfin, la décision serait entachée d'un défaut de motivation en ce que la
Commission aurait, sans fournir de motifs, omis d'évaluer des éléments essentiels
fournis par la requérante en ce qui concerne son rôle au sein du GEP Carton et
son comportement sur le marché.
- 359.
- La Commission affirme que, au point 169 des considérants de la décision, elle a
tenu compte tant du rôle joué par chaque entreprise dans les accords collusoires
que de la conduite réelle de la requérante. Sur ce point, la décision serait
correctement motivée.
Appréciation du Tribunal
- 360.
- Il ressort des constatations relatives aux moyens invoqués par la requérante à
l'appui de sa demande d'annulation totale ou partielle de l'article 1er de la décision
que la nature des fonctions du PWG, telles que décrites dans la décision, a été
établie par la Commission.
- 361.
- Dans ces conditions, la Commission a pu conclure à bon droit que les entreprises,
dont la requérante, ayant participé aux réunions de cet organe devaient être
considérées comme des «chefs de file» de l'infraction constatée et qu'elles
devaient, de ce fait, porter une responsabilité particulière (voir point 170, premier
alinéa, des considérants de la décision). Les explications de la requérante selon
lesquelles elle n'aurait participé aux réunions du PWG qu'afin d'obtenir des
informations lui permettant de contrôler le comportement de ses principaux
concurrents ne font que confirmer le but essentiellement anticoncurrentiel de sa
participation.
- 362.
- En outre, la requérante n'a aucunement démontré, d'une part, qu'elle aurait joué
un rôle essentiellement passif au sein des organes du GEP Carton et, d'autre part,
que son comportement réel sur le marché aurait toujours été déterminé de façon
autonome.
- 363.
- A cet égard, il est constant qu'elle a pris effectivement part aux initiatives
concertées en matière de prix en annonçant sur le marché les augmentations de
prix convenues. Au surplus, comme la Commission l'a soutenu à juste titre, il
ressort de l'annexe 109 à la communication des griefs (voir ci-dessus point 55) que
la requérante a demandé à d'autres producteurs de se tenir aux augmentations de
prix convenues. Enfin, quant au comportement réel de la requérante en matière
de prix, rien ne permet de considérer que les prix de transaction de celle-ci ont été
sensiblement moins élevés que ceux des autres producteurs participant à la
collusion sur les prix.
- 364.
- Pour ce qui est des arguments de la requérante tirés des fluctuations de ses parts
de marché au cours de la période d'infraction retenue par la décision, il suffit de
constater que la requérante a soutenu que ces fluctuations s'expliquent par le fait
que plusieurs producteurs avaient augmenté leurs capacités de production pour
satisfaire à la forte croissance de la demande constatée jusqu'en 1990. Dans ces
conditions, s'il est vrai que la requérante n'a procédé à aucune augmentation de ses
capacités de production avant l'acquisition de Prat Carton en février 1991, les
fluctuations de ses parts de marché ne sauraient constituer un élément atténuant
sa responsabilité du chef de son comportement infractionnel.
- 365.
- De plus, ce n'est qu'au cours de l'année 1990 que les conditions du marché ont été
telles que les entreprises se sont vu obligées de procéder à des temps d'arrêt
effectifs et que, selon la décision elle-même, il n'existait qu'un «système relâché
d'encouragement» à cet égard (voir ci-dessus points 96 et 151). Dès lors, la
requérante ayant pris part aux réunions au cours desquelles la question des temps
d'arrêt a été abordée, sans qu'elle se soit publiquement distanciée des discussions
tenues, le Tribunal considère que, à supposer même que la requérante n'ait pas
procédé, au cours de la période couverte par la décision, à des temps d'arrêt de sa
production, cette circonstance ne saurait constituer la preuve de ce que son
comportement individuel ait pu contribuer à contrarier les effets anticoncurrentiels
de l'infraction constatée.
- 366.
- En définitive, à la lumière de l'ensemble de ses considérants, la décision contient
une motivation suffisante de l'appréciation portée par la Commission sur le rôle de
la requérante dans l'infraction constatée et sur son comportement sur le marché.
- 367.
- Par conséquent, le présent moyen doit être également rejeté.
G Sur le moyen tiré de ce que la Commission aurait dû tenir compte de certaines
circonstances atténuantes
Arguments des parties
- 368.
- La requérante affirme que, à supposer même qu'il y ait lieu de considérer que
l'entente a eu, en général, des effets sur les conditions du marché, la Commission
aurait dû à tout le moins retenir comme circonstances atténuantes une série
d'éléments qui démontraient que l'entente n'avait eu aucun effet ou uniquement
des effets insignifiants sur le segment du marché pertinent pour évaluer la situation
de la requérante.
- 369.
- D'après la requérante, la Commission aurait dû tenir compte, en premier lieu, du
fait que, entre 1986 et 1992, les prix de transaction obtenus par la requérante sur
le marché italien, débouché principal pour ses produits, avaient toujours suivi
l'évolution de l'indice des prix industriels. En second lieu, elle aurait dû tenir
compte de la facilité avec laquelle d'autres types de produits, tels que tous les
dérivés du plastique, peuvent être substitués au carton, ce qui signifierait, soutient
la requérante, que toute forme d'«exploitation» du marché est empêchée ou
fortement limitée. Enfin, en troisième lieu, la Commission aurait dû tenir compte
du fait que la part du marché de la qualité GD a subi, pendant la période en
question, une forte érosion au bénéfice de la qualité GC. Eu égard également à
l'érosion des parts de marché de la requérante et au niveau des augmentations des
prix italiens, inférieur au niveau des augmentations de prix sur les autres marchés
européens, il faudrait donc conclure que l'entente n'a pas fonctionné avec succès
pour la requérante.
- 370.
- La Commission rappelle qu'il convient d'apprécier l'impact sur le marché de
l'entente dans son ensemble et que, sous cet angle, l'entente a effectivement
remporté un grand succès. En tout état de cause, aucun des éléments invoqués par
la requérante ne pourrait être considéré comme constitutif d'une circonstance
atténuante justifiant une réduction de l'amende.
Appréciation du Tribunal
- 371.
- Le Tribunal a déjà examiné la question de savoir si la Commission avait
correctement apprécié les effets de l'infraction sur le marché (voir ci-dessus
points 295 et suivants) et si le comportement de la requérante sur le marché aurait
dû être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la fixation du
montant de l'amende (voir ci-dessus points 360 et suivants).
- 372.
- Eu égard aux constatations opérées à cette occasion, les arguments invoqués par
la requérante dans le cadre du présent moyen ne sauraient être retenus.
- 373.
- En effet, étant donné que la collusion sur les prix a concerné tant le carton GC que
le carton GD et que rien ne permet de considérer que le comportement individuel
de la requérante a contribué à contrarier les effets anticoncurrentiels de l'infraction,
c'est à bon droit que la Commission n'a pas pris en compte, pour déterminer le
montant de l'amende infligée à la requérante, l'érosion du marché du carton GD
au profit du carton GC. Au surplus, la requérante n'a pas établi l'existence d'un
lien entre l'infraction et l'évolution des parts de marché des différentes qualités de
carton.
- 374.
- En outre, à supposer même que les augmentations des prix de transaction
constatées sur le marché italien, débouché principal de la requérante, aient été
inférieures à celles constatées sur les autres marchés communautaires, il suffit de
relever que la collusion sur les prix à laquelle la requérante a pris part portait sur
la quasi-totalité du territoire de la Communauté et que cette entreprise a annoncé
les augmentations de prix convenues sur tous les principaux marchés européens
(voir tableaux B à G annexés à la décision).
- 375.
- Enfin, l'éventuelle existence d'une forte interchangeabilité entre le carton et
d'autres produits n'est pas de nature à affecter les constatations déjà opérées par
le Tribunal concernant les effets de la collusion sur les prix (voir ci-dessus
points 295 et suivants).
- 376.
- Par conséquent, il convient de rejeter le présent moyen.
H Sur le moyen tiré d'une erreur matérielle dans le calcul de l'amende infligée à
Sarrió
Arguments des parties
- 377.
- La requérante soutient que la Commission a commis une erreur matérielle dans le
calcul de l'amende. La défenderesse aurait utilisé le montant du chiffre d'affaires
de l'année 1990 communiqué en août 1991, en tant que réponse à une demande
de renseignements au sens de l'article 11 du règlement n° 17, alors qu'elle aurait
dû calculer l'amende à partir du montant du chiffre d'affaires rectifié et certifié,
transmis en 1993 en tant qu'annexe à sa réponse à la communication des griefs.
- 378.
- Dans ces conditions, la Commission aurait non seulement commis une erreur
matérielle dans le calcul de l'amende infligée à Sarrió, mais elle aurait également
commis une violation du principe d'égalité de traitement, car les amendes infligées
aux autres destinataires de la décision auraient été calculées sur une base correcte.
En calculant l'amende sur la base d'un chiffre d'affaires communiqué avant que la
possibilité de l'imposition d'une amende ne puisse être prévue par Sarrió et en
ignorant les chiffres certifiés communiqués par la suite, la Commission aurait
également violé les droits de la défense de Sarrió.
- 379.
- La Commission rétorque que c'est précisément afin d'éviter toute contestation
qu'elle a utilisé le chiffre d'affaires fourni en tant que réponse à une demande de
renseignements au sens de l'article 11 du règlement n° 17, et qu'elle ne voit paspourquoi le chiffre transmis avant la communication des griefs serait erroné alors
que celui transmis après ladite communication serait exact.
Appréciation du Tribunal
- 380.
- Au vu des pièces du dossier, la Commission, en retenant comme base de calcul de
l'amende le chiffre d'affaires de 1990 transmis par la requérante en août 1991 et
non celui, rectifié, communiqué en mai 1993, n'a commis aucune erreur. En effet,
une entreprise qui, pendant la procédure administrative devant la Commission,
rectifie une donnée chiffrée comme le chiffre d'affaires, préalablement
communiquée à la Commission en réponse à l'une de ses demandes de
renseignements, doit expliquer de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles
la donnée initialement transmise ne doit plus être retenue pour la suite de la
procédure.
- 381.
- Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Dans sa réponse à la communication des griefs,
la requérante s'est limitée à indiquer que le chiffre d'affaires de 1990 avait été
rectifié par soustraction de montants relatifs aux opérations internes au groupe, aux
ventes portant sur les produits étrangers à l'enquête de la Commission (boîtes et
carton brut), aux réclamations, aux primes par quantité, aux invendus et aux
ristournes consenties à la clientèle, sans étayer cette rectification au moyen d'une
démonstration chiffrée détaillée. En outre, le chiffre d'affaires rectifié n'était pas
certifié par un expert comptable, la requérante ayant confirmé lors de l'audience
que son affirmation sur ce point n'était pas exacte. Par conséquent, la Commission
a pu légitimement ne pas retenir le chiffre d'affaires rectifié et calculer l'amende
à partir du chiffre d'affaires initialement communiqué.
- 382.
- Le moyen doit dès lors être rejeté.
I Sur le moyen tiré d'une erreur de méthode dans le calcul de l'amende
Arguments des parties
- 383.
- La requérante explique que, pour parvenir au montant de l'amende infligée, la
Commission a d'abord converti en écus le chiffre d'affaires réalisé au cours de
l'exercice social de référence, soit l'exercice 1990, en utilisant le taux moyen valant
pour cette année, et a, ensuite, déterminé le montant de l'amende en appliquant
le pourcentage préalablement choisi, soit 6 % dans son cas. Par ce procédé, la
Commission aurait omis de tenir compte des effets des fluctuations monétaires, tant
la peseta espagnole que la lire italienne ayant subi une forte dévaluation par
rapport à l'écu et aux autres monnaies européennes depuis 1990. La requérante
affirme que, en monnaie nationale, elle devrait aujourd'hui payer un montant
d'environ 2 452 millions de PTA pour payer l'amende. Or, sur la base du chiffre
d'affaires certifié (27 256 millions de PTA) relatif aux ventes du carton à l'intérieur
de la communauté en 1990, une amende de 6 % de ce montant aurait dû s'élever
à environ 1 635 millions de PTA. L'amende effectivement infligée représenterait
donc une charge financière supplémentaire de 817 millions de PTA. D'après la
requérante, si l'on utilise le taux de change au moment de la publication de la
décision, le montant de l'amende correspond, en fait, à environ 9 % du chiffre
d'affaires en 1990. Il faudrait donc considérer soit que la Commission n'a pas tenu
compte de la réduction d'un tiers qu'elle avait pourtant accordée, soit que l'amende
correspond, avant cette réduction, à environ 13,4 % du chiffre d'affaires de
référence, outrepassant ainsi la limite légale de 10 % du chiffre d'affaires prévue
à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.
- 384.
- La requérante soutient ensuite que le taux (pourcentage) de l'amende a pour but
d'exprimer la conclusion à laquelle la Commission est parvenue en ce qui concerne
le montant et donc l'impact que l'amende doit représenter par rapport au chiffre
d'affaires de l'entreprise concernée. Or, il en résulterait que le montant de
l'amende doit être déterminé sur la base de l'évaluation de la gravité de l'infraction
et que, par contre, des facteurs tels que les fluctuations des monnaies, qui sont
étrangers à l'infraction à sanctionner et qui ne sont pas imputables à l'auteur de
cette infraction, ne doivent donc pas pouvoir influencer le montant de l'amende.
La requérante renvoie aux conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous
l'arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité (Rec. p. 1914), selon
lesquelles il convient, lors de la fixation du montant des amendes, de tenir compte
du chiffre d'affaires le plus récent, qui reflète alors le mieux la réalité de
l'entreprise.
- 385.
- Elle estime que sa thèse selon laquelle le montant de l'amende ne doit pas être
influencé par des fluctuations des taux de change est confirmée par l'arrêt de la
Cour du 9 mars 1977, Société anonyme générale sucrière e.a./Commission (41/73,
43/73 et 44/73 Interprétation, Rec. p. 445, points 12 à 17). Au sujet de cet arrêt,
elle conteste, dans sa réplique, la thèse de la Commission selon laquelle il
confirmerait que si l'unité de compte (ci-après «UC»), dont il était question à
l'époque, avait été une monnaie de paiement, sa conversion en monnaie nationale
n'aurait pas été nécessaire.
- 386.
- La requérante fait valoir que la décision entraîne également des disparités de
traitement injustifiées, les fluctuations monétaires altérant complètement le rapport
entre les différentes amendes infligées. Elle souligne que, entre 1990 et 1994, la
peseta s'est dévaluée de 22 % par rapport à l'écu, alors que, au cours de la même
période, les monnaies autrichienne, allemande et néerlandaise se sont réévaluées
d'environ 7,5 % par rapport à l'écu. Par conséquent, sans aucune justification
objective, la requérante se verrait imposer une amende impliquant pour elle un
coût supérieur d'environ 30 % à celui des amendes infligées à d'autres entreprises,
notamment, allemandes.
- 387.
- La requérante conclut que rien n'exige que la Commission exprime le montant de
l'amende en écus et qu'elle aurait donc dû exprimer le montant de l'amende en
monnaie nationale afin d'éviter des différences de traitement injustifiées. A
supposer même que la Commission ait la faculté d'exprimer le montant de
l'amende en écus, elle aurait au moins dû utiliser le taux de change qui garantit
l'égalité de traitement, à savoir le taux de change au moment où l'amende est
imposée (le jour de la publication ou de la notification de la décision).
- 388.
- La Commission rappelle que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 lui
permet d'infliger des amendes dont le montant peut «être porté à 10 % du chiffre
d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent» par chacun des
participants à l'infraction. Ce taux de 10 % appliqué au chiffre d'affaires global
constituerait la limite supérieure de l'amende (arrêt de la Cour du 8 février 1990,
Tipp-Ex/Commission, C-279/87, Rec. p. I-261, publication sommaire, points 38 et
suivants). Par conséquent, la Commission ayant déterminé l'amende en se référant
à l'exercice 1990, dernier exercice complet au cours duquel opérait l'entente, et
ayant converti tous les chiffres d'affaires en écus sur la base du taux de change
moyen de cette année, elle se serait tenue dans les limites fixées par le règlement
n° 17.
- 389.
- La conversion en écus sur la base du taux de change de l'année de référence
fournirait le chiffre d'affaires réel exprimé en écus, précisément pour éviter toute
discrimination entre les entreprises destinataires en raison des fluctuations des
monnaies nationales des divers États membres. L'arrêt Société anonyme générale
sucrière e.a./Commission, précité, ne confirmerait pas la thèse de la requérante. Il
ressortirait clairement dudit arrêt qu'il ne concerne que la nécessité ou non
d'exprimer l'amende en devise nationale du fait que l'UC n'était pas une monnaie
de paiement.
- 390.
- S'agissant des effets prétendument discriminatoires de la méthode appliquée, la
Commission souligne que le risque de fluctuations monétaires est inhérent au
commerce et aux échanges internationaux. Il s'agirait là d'un élément impossible
à éliminer, se répercutant de toute façon sur le montant de l'amende au moment
du paiement. Cependant, précisément en convertissant en écus les chiffres
exprimant le volume d'affaires, on éliminerait le mieux toute discrimination. Par ce
procédé, l'amende serait calculée en termes «réels». Le fait d'infliger l'amende en
monnaie nationale finirait par la rendre exclusivement nominale, favorisant, comme
les calculs de la requérante le prouvent, les entreprises dont les chiffres d'affaires
sont exprimés en devises faibles. Or, il y aurait lieu d'observer que la valeur de
l'écu est déterminée en fonction de la valeur de chaque monnaie nationale et que,
les entreprises destinataires de la décision opérant dans divers États membres et
dans diverses monnaies nationales, la conversion en écus correspond à une
application effective du principe d'égalité de traitement.
- 391.
- En ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel aurait dû être utilisé
à tout le moins le taux de change au moment de l'imposition de l'amende, la
Commission rétorque que le chiffre d'affaires de l'année de référence avait une
valeur réelle au taux en vigueur à ce moment-là et non au taux ultérieur en vigueur
au moment de l'adoption de la décision.
Appréciation du Tribunal
- 392.
- L'article 4 de la décision dispose que les amendes infligées sont payables en écus.
- 393.
- Il y a lieu de relever que rien n'empêche la Commission d'exprimer le montant de
l'amende en écus, unité monétaire convertible en monnaie nationale. Cela permet
d'ailleurs aux entreprises de comparer plus facilement les montants des amendes
infligées. De plus, la conversion possible de l'écu en monnaie nationale différencie
cette unité monétaire de l'«unité de compte» mentionnée à l'article 15, paragraphe
2, du règlement n° 17, dont la Cour a expressément reconnu que, n'étant pas une
monnaie de paiement, elle impliquait nécessairement la détermination du montant
de l'amende en monnaie nationale (arrêt Société anonyme générale sucrière
e.a./Commission, précité, point 15).
- 394.
- Quant à la légalité de la méthode de la Commission consistant à convertir en écus
le chiffre d'affaires de référence des entreprises au taux de change moyen de cette
même année (1990), les critiques formulées par la requérante ne sauraient être
retenues.
- 395.
- Tout d'abord, la Commission doit normalement utiliser une seule et même
méthode de calcul des amendes infligées aux entreprises sanctionnées pour avoir
participé à une même infraction (voir arrêt Musique Diffusion française
e.a./Commission, précité, point 122).
- 396.
- Ensuite, afin de pouvoir comparer les différents chiffres d'affaires communiqués,
exprimés dans les monnaies nationales respectives des entreprises concernées, la
Commission doit convertir ces chiffres d'affaires dans une seule et même unité
monétaire. La valeur de l'écu étant déterminée en fonction de la valeur de chaque
monnaie nationale des États membres, la Commission a converti à bon droit en
écus le chiffre d'affaires de chacune des entreprises.
- 397.
- A bon droit également, elle s'est fondée sur le chiffre d'affaires de l'année de
référence (1990) et a converti ce chiffre d'affaires en écus sur la base des taux de
change moyens de la même année. D'une part, la prise en compte du chiffre
d'affaires réalisé par chacune des entreprises au cours de l'année de référence, à
savoir la dernière année complète de la période d'infraction retenue, a permis à la
Commission d'apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise
ainsi que l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles, ces éléments
étant pertinents pour apprécier la gravité de l'infraction commise par chaque
entreprise (voir arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité,points 120 et 121). D'autre part, la prise en compte, aux fins de la conversion en
écus des chiffres d'affaires en cause, des taux de change moyens de l'année de
référence retenue a permis à la Commission d'éviter que les éventuelles
fluctuations monétaires survenues depuis la cessation de l'infraction affectent
l'appréciation de la taille et de la puissance économique relatives des entreprises
ainsi que l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles et, partant,
l'appréciation de la gravité de cette infraction. L'appréciation de la gravité de
l'infraction doit en effet porter sur la réalité économique telle qu'elle apparaissait
à l'époque de la commission de ladite infraction.
- 398.
- Par conséquent, l'argument selon lequel le chiffre d'affaires de l'année de référence
aurait dû être converti en écus sur la base du taux de change à la date d'adoption
de la décision ne peut être accueilli. La méthode de calcul de l'amende consistant
à utiliser le taux de change moyen de l'année de référence permet d'éviter les
effets aléatoires des modifications des valeurs réelles des monnaies nationales qui
peuvent survenir, et sont effectivement survenues en l'espèce, entre l'année de
référence et l'année de l'adoption de la décision. Si cette méthode peut signifier
qu'une entreprise déterminée doit payer un montant, exprimé en monnaie
nationale, nominalement supérieur ou inférieur à celui qui aurait dû être payé dans
l'hypothèse d'une application du taux de change de la date d'adoption de la
décision, cela n'est que la conséquence logique des fluctuations des valeurs réelles
des différentes monnaies nationales.
- 399.
- Il convient d'ajouter que plusieurs entreprises destinataires de la décision possèdent
des cartonneries dans plus d'un pays (voir points 7, 8 et 11 des considérants de la
décision). En outre, les entreprises destinataires de la décision exercent
généralement leurs activités dans plus d'un État membre, par l'intermédiaire de
représentations locales. Elles opèrent par conséquent dans plusieurs devises
nationales. La requérante elle-même réalise une partie considérable de son chiffre
d'affaires sur les marchés d'exportation. Or, lorsqu'une décision comme la décision
litigieuse sanctionne des violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité et que les
entreprises destinataires de la décision exercent généralement leurs activités dans
plusieurs États membres, le chiffre d'affaires de l'année de référence converti en
écus au taux de change moyen utilisé au cours de cette même année est constitué
par la somme des chiffres d'affaires réalisés dans chacun des pays où l'entreprise
est active. Il rend donc parfaitement compte de la réalité de la situation
économique des entreprises concernées au cours de l'année de référence.
- 400.
- Il convient enfin de vérifier si, comme le prétend la requérante, le plafond prévu
par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, correspondant à «10 % du
chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent», a été dépassé en
raison des fluctuations monétaires survenues postérieurement à l'année de
référence.
- 401.
- Conformément à la jurisprudence de la Cour, le pourcentage exprimé dans cette
disposition se rapporte au chiffre d'affaires global de l'entreprise en cause (arrêt
Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 119).
- 402.
- Au sens de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, l'«exercice social
précédent» est celui qui précède la date de la décision, soit, en l'espèce, le dernier
exercice complet de chacune des entreprises concernées à la date du 13 juillet
1994.
- 403.
- A la lumière de ces éléments, force est de constater, sur la base des
renseignements fournis par la requérante en réponse à une question écrite posée
par le Tribunal, que le montant de l'amende converti en monnaie nationale au taux
de change pratiqué au moment de la publication de la décision ne dépasse pas
10 % du chiffre d'affaires global réalisé par la requérante en 1993.
- 404.
- Au vu de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.
J Sur le moyen tiré, d'une part, d'un calcul erroné de la partie de l'amende
correspondant à l'infraction imputée à Prat Carton et, d'autre part, d'une violation de
l'obligation de motivation à cet égard
Arguments des parties
- 405.
- La requérante fait valoir que la Commission a calculé erronément la part de
l'amende correspondant à l'infraction prétendument commise par Prat Carton, en
retenant le même pourcentage de chiffre d'affaires que celui prévu pour la
requérante, soit 9 %, réduit d'un tiers en raison de la coopération de l'entreprise
au cours de l'instruction de l'affaire. Or, la participation limitée de Prat Carton aux
réunions du JMC de juin 1990 à mars 1991 et le fait qu'elle n'ait pas été «chef de
file» auraient justifié une réduction du montant de l'amende.
- 406.
- Enfin, la requérante dénonce l'absolu manque de transparence et l'absence de
motivation en ce qui concerne le calcul de la partie de l'amende correspondant à
l'infraction imputée à Prat Carton.
- 407.
- La Commission rappelle que, comme l'a précisé le point 154 des considérants de
la décision, la requérante, qui a acquis Prat Carton en février 1991, est responsable
du comportement anticoncurrentiel de celle-ci pour toute la période de son
adhésion à l'entente. La décision ayant infligé une seule amende à la requérante,
calculée sur la base de son chiffre d'affaires global pour le carton et comprenant
donc le chiffre d'affaires de Prat Carton, la conduite de cette entreprise n'aurait
pas donné lieu à l'imposition d'une amende séparée. Selon la Commission,
l'argumentation de la requérante se heurte, par conséquent, au fait qu'une amende
a uniquement été infligée à la requérante.
- 408.
- Dans ces conditions, il conviendrait également de rejeter toute accusation relative
à une absence de transparence ou à une incohérence dans la motivation de la
décision à ce propos.
Appréciation du Tribunal
- 409.
- Selon les explications fournies par la Commission, l'amende infligée à la requérante
correspond à 6 % de la somme des chiffres d'affaires réalisés en 1990
respectivement par la requérante et Prat Carton (taux de 9 % retenu à l'encontre
des entreprises «chefs de file», réduit d'un tiers en raison de l'attitude de la
requérante considérée comme coopérative). Même si dans un tel cas il est
souhaitable que la décision contienne une motivation plus ample de la méthode de
calcul appliquée, il convient, pour les motifs déjà énoncés (voir ci-dessus points 351
à 353), de rejeter l'argument de la requérante tiré d'une violation de l'article 190
du traité.
- 410.
- Il y a lieu de rappeler ensuite (voir ci-dessus point 250) que la Commission a établi
la participation de Prat Carton à la collusion sur les prix et à la collusion sur les
temps d'arrêt au cours de la période allant de juin 1990 à février 1991. Il a en
revanche été retenu que la Commission n'a pas suffisamment établi la participation
de Prat Carton à une collusion sur les parts de marché au cours de la même
période ni sa participation, entre le milieu de 1986 et le mois de juin 1990, à l'un
des éléments constitutifs de l'infraction décrits à l'article 1er de la décision.
- 411.
- En considération du fait que Prat Carton n'a participé qu'à certains éléments
constitutifs de l'infraction et pour une durée plus limitée que celle retenue par la
Commission, il y a lieu de procéder à une réduction du montant de l'amende
infligée à la requérante.
- 412.
- En l'espèce, aucun des autres moyens invoqués par la requérante ne justifiant une
réduction de l'amende, le Tribunal, dans l'exercice de sa compétence de pleine
juridiction, fixera le montant de cette amende à 14 000 000 écus.
Sur les dépens
- 413.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal
peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens
si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours
n'ayant été que partiellement accueilli, le Tribunal fera une juste appréciation des
circonstances de la cause en décidant que la partie requérante supportera ses
propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la Commission et que
celle-ci supportera l'autre moitié de ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) L'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision 94/601/CE de la
Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 Carton) est annulé à l'égard de la
requérante, sauf en ce qui concerne les passages suivants:
«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux
infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à
l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout
accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet
identique ou similaire, y compris tout échange d'informations
commerciales:
a) par lequel les participants seraient informés directement ou
indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet,
des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou
des plans de commercialisation d'autres fabricants.
Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient
abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière
à exclure toutes données permettant d'identifier le comportement de
fabricants déterminés.»
2) Le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 3 de la
décision 94/601 est fixé à 14 000 000 écus.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) La partie requérante supportera ses propres dépens et la moitié des dépens
exposés par la Commission.
5) La Commission supportera la moitié de ses propres dépens.
Vesterdorf Briët Lindh
Potocki Cooke
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 1998.
Le greffier
Le président
H. Jung
B. Vesterdorf
Table des matières
Faits à l'origine du litige
II - 2
Procédure
II - 6
Conclusions des parties
II - 7
Sur la demande d'annulation de la décision
II - 8
A Sur le moyen de procédure et de forme tiré d'une violation des droits de la défense
II - 8
Arguments des parties
II - 8
Appréciation du Tribunal
II - 8
B Sur le fond
II - 9
Sur le moyen tiré d'une absence de concertation sur les prix de transaction et d'une
violation des exigences de motivation
II - 9
Arguments des parties
II - 9
Appréciation du Tribunal
II - 10
Sur le moyen tiré d'une absence de participation à une entente visant le gel des parts
de marché et le contrôle de l'offre
II - 13
Arguments des parties
II - 13
Appréciation du Tribunal
II - 15
1. Sur l'existence d'une concertation visant à geler les parts de marché et d'une
concertation visant à contrôler l'offre
II - 15
2. Sur le comportement effectif de la requérante
II - 22
Sur le moyen tiré d'une erreur commise par la Commission en ce qui concerne la
durée de la concertation sur les prix
II - 23
Arguments des parties
II - 23
Appréciation du Tribunal
II - 23
Sur le moyen tiré d'une erreur commise par la Commission en ce qui concerne la
durée de l'entente visant le gel des parts de marché et le contrôle de l'offre
II - 27
Arguments des parties
II - 27
Appréciation du Tribunal
II - 27
Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation commise par la Commission en ce qui
concerne le système d'échange d'informations de la Fides
II - 28
Sur le moyen tiré d'une erreur commise par la Commission en ce qu'elle a considéré
qu'il s'agissait d'une infraction unique et globale et que Sarrió en était
responsable dans son ensemble
II - 29
Arguments des parties
II - 29
Appréciation du Tribunal
II - 30
Sur le moyen tiré d'une absence de prise en considération par la Commission de la
situation du marché espagnol
II - 33
Sur le moyen tiré d'une absence de participation de Prat Carton à l'infraction
II - 33
Arguments des parties
II - 33
Appréciation du Tribunal
II - 35
1. Période allant du milieu de 1986 au mois de juin 1990
II - 35
2. Période allant de juin 1990 à février 1991
II - 42
3. Conclusions relatives à la participation de Prat Carton à une violation de
l'article 85, paragraphe 1, du traité avant son acquisition par la requérante
en février 1991
II - 49
Sur la demande d'annulation de l'article 2 de la décision
II - 50
Arguments des parties
II - 50
Appréciation du Tribunal
II - 52
Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant
II - 56
A Sur le moyen tiré d'une nécessité de réduction de l'amende en raison d'une définition
erronée de l'objet et de la durée de l'infraction
II - 56
B Sur le moyen tiré, d'une part, d'une erreur d'appréciation commise par la Commission
en ce qu'elle a considéré que l'entente avait «largement réussi à atteindre ses
objectifs» et, d'autre part, d'une violation de l'obligation de motivation sur ce
point
II - 56
Arguments des parties
II - 56
Appréciation du Tribunal
II - 58
C Sur le moyen tiré, d'une part, d'une erreur de droit en ce que la Commission a retenu
comme élément aggravant la dissimulation de l'entente et, d'autre part, d'une erreur
de motivation à cet égard
II - 62
Arguments des parties
II - 62
Appréciation du Tribunal
II - 62
D Sur le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement en ce que la
Commission aurait appliqué sans justification objective des amendes bien plus élevées
que dans sa pratique antérieure
II - 64
Arguments des parties
II - 64
Appréciation du Tribunal
II - 64
E Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation et d'une violation des droits de la défense
en ce qui concerne le calcul de l'amende
II - 67
Arguments des parties
II - 67
Appréciation du Tribunal
II - 68
F Sur le moyen tiré, d'une part, d'une erreur d'appréciation commise par la Commission
en ce qu'elle n'aurait pas dûment pris en considération le rôle joué par Sarrió dans
le cadre de l'entente ainsi que son comportement effectif sur le marché et, d'autre
part, d'un défaut de motivation sur ces points
II - 71
Arguments des parties
II - 71
Appréciation du Tribunal
II - 72
G Sur le moyen tiré de ce que la Commission aurait dû tenir compte de certaines
circonstances atténuantes
II - 73
Arguments des parties
II - 73
Appréciation du Tribunal
II - 74
H Sur le moyen tiré d'une erreur matérielle dans le calcul de l'amende infligée à Sarrió
II - 75
Arguments des parties
II - 75
Appréciation du Tribunal
II - 75
I Sur le moyen tiré d'une erreur de méthode dans le calcul de l'amende
II - 76
Arguments des parties
II - 76
Appréciation du Tribunal
II - 78
J Sur le moyen tiré, d'une part, d'un calcul erroné de la partie de l'amende correspondant
à l'infraction imputée à Prat Carton et, d'autre part, d'une violation de l'obligation
de motivation à cet égard
II - 81
Arguments des parties
II - 81
Appréciation du Tribunal
II - 81
Sur les dépens
II - 82