Language of document : ECLI:EU:T:2007:24

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

31 janvier 2007 (*)

« Fonctionnaires – Exécution d’un arrêt du Tribunal – Recours en annulation – Non-lieu à statuer – Recours en indemnité – Faute de service – Perte d’une chance »

Dans l’affaire T‑166/04,

C, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes J. Sambon, P.‑P. Van Gehuchten et P. Reyniers, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes C. Berardis-Kayser et L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision implicite de rejet de la demande du requérant, tendant à l’exécution de l’arrêt rendu par le Tribunal le [confidentiel](1) dans l’affaire [confidentiel], ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision de rejet de sa réclamation du 12 février 2004 et, d’autre part, une demande de réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 mai 2006,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Le requérant, fonctionnaire de grade A*12, retraité depuis le 1er juin 2004, est entré au service de la Commission le 1er février 1973 et a effectué toute sa carrière au sein de la direction générale (DG) « Concurrence ».

2        Par l’avis de vacance d’emploi [confidentiel], l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission (ci-après l’« AIPN ») a ouvert la procédure prévue à l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), en vue de pourvoir le poste de chef de l’unité [confidentiel] (ci-après le « poste en cause »).

3        Le requérant s’est porté candidat à ce poste. Par décision du 4 mars 2000, Mme E. a été nommée au poste en cause. Par lettre du 27 mars 2000, l’AIPN a informé le requérant de sa décision de ne pas retenir sa candidature pour le poste en cause. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 décembre 2000, le requérant a introduit un recours en annulation contre ces deux décisions.

4        Par arrêt du [confidentiel], le Tribunal a annulé ces décisions (ci-après l’« arrêt d’annulation ») au motif que le dernier rapport de notation du requérant avait été établi avec retard (point 84 de l’arrêt d’annulation). Le Tribunal a estimé, en particulier, que les appréciations extrêmement positives contenues dans le rapport de notation définitif du requérant pour la période 1997/1999 étaient de nature à laisser supposer que, « si le [comité consultatif des nominations] ou l’AIPN en avaient disposé, la décision attaquée aurait pu être différente » (point 87 de l’arrêt d’annulation).

5        Le Tribunal a également souligné que la décision de nommer Mme E. résultait des capacités de gestion que Mme E. avait développées dans « l’exercice de la fonction de chef d’unité après 1996, telle[s] qu’elle[s] ressort[ai]ent notamment de son rapport de notation pour la période 1997/1999 ». Il a ajouté que « [c]e n’est que dans son mémoire en duplique que, à la suite d’une observation du requérant, la Commission a invoqué une erreur de plume et a admis que le [comité consultatif des nominations] ne disposait pas du rapport de notation pour la période 1997/1999 de Mme E. » (point 90 de l’arrêt d’annulation). Le Tribunal a ensuite indiqué que « l’absence du rapport de notation du requérant pour la période 1997/1999 a[vait] pu avoir une influence décisive sur la procédure de promotion » (point 92 de l’arrêt d’annulation).

6        Le 28 mars 2003, le requérant a saisi l’AIPN d’une demande, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, invitant celle-ci à se conformer aux obligations résultant de l’arrêt d’annulation. Il demandait notamment à la Commission « de mettre en œuvre toutes les mesures de nature à restaurer la légalité enfreinte et à assurer le respect des obligations [fixées par] l’article 233 [CE] [et de] procéd[er] à des comparaisons légalement admissibles des candidatures produites pour pourvoir » au poste en cause.

7        À titre subsidiaire, le requérant demandait l’indemnisation du dommage matériel subi. Il soutenait que le Tribunal avait écarté sa demande d’indemnisation du préjudice matériel qu’il avait subi, car, la nomination de Mme E. ayant été annulée, la Commission était obligée d’exécuter l’arrêt d’annulation. Le requérant faisait dès lors valoir que, dans l’hypothèse où la Commission estimait ne pas être en mesure de réserver une suite à l’arrêt d’annulation, son préjudice serait définitivement consolidé et il conviendrait de l’indemniser.

8        Cette demande ayant été rejetée par décision implicite de l’AIPN à l’expiration du délai de quatre mois prévu à l’article 90, paragraphe 1, du statut, le requérant a saisi cette dernière, le 20 octobre 2003, d’une réclamation dirigée contre la décision implicite de rejet de la demande, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

9        Par décision du 12 février 2004, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant au motif qu’elle était dans l’impossibilité de prendre en compte la candidature du requérant pour le poste en cause. D’une part, Mme E. avait été promue directeur de [confidentiel] en juillet 2002 et n’occupait plus le poste en cause au moment du prononcé de l’arrêt d’annulation, le [confidentiel]. D’autre part, le poste en cause avait déjà été pourvu par la réintégration, le 12 décembre 2002, d’une fonctionnaire en retour d’un congé de convenance personnelle, Mme W. Dès lors, le poste en cause n’était pas devenu vacant à la suite de l’arrêt d’annulation.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2004, le requérant a introduit le présent recours.

11      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 6 juillet 2004, il a été fait droit à une demande d’anonymat du requérant.

12      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la Commission à déposer certains documents. Il a été déféré à cette demande.

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 mai 2006.

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le rejet implicite de la demande et, pour autant que de besoin, le rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission à lui payer la somme de 1 000 000 d’euros à titre de réparation de son préjudice moral et la somme de 1 000 000 d’euros à titre de réparation de son préjudice matériel ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        subsidiairement, autoriser le requérant à prouver par toutes voies de droit, témoignages compris, certains faits relatifs à la promotion de Mme E. et à la réintégration de Mme W.

15      La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

16      Par lettre du 12 juin 2006, le requérant a demandé la réouverture de la procédure orale en vue de contester certains éléments avancés par la Commission tant dans sa réponse à la demande de production de documents du Tribunal que lors de l’audience.

 Sur les conclusions en annulation

 Arguments des parties

17      La Commission soutient que le recours en annulation introduit par le requérant est irrecevable, pour des raisons tenant, d’une part, à l’acte attaqué et, d’autre part, au défaut d’intérêt à agir du requérant au moment de l’introduction du recours.

18      S’agissant, en premier lieu, de l’acte attaqué par le requérant, la Commission soutient que le recours en annulation n’est pas recevable en tant qu’il est dirigé contre la nomination au grade A 2 de Mme E., car cette nomination ne fait pas grief au requérant et n’a pas fait l’objet d’une réclamation et d’un recours introduits dans les délais statutaires par le requérant. Le recours serait également irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la nomination de Mme W. au poste en cause, car celle-ci n’a fait l’objet ni d’une réclamation introduite dans les délais ni d’un recours formé par le requérant.

19      S’agissant, en second lieu, de l’intérêt à agir du requérant au moment de l’introduction du recours, la Commission prétend que le requérant n’a pas d’intérêt à voir ses mérites pris en compte en vue de sa nomination au poste en cause, car il a été mis à la retraite à compter du 1er juin 2004, ce dont il aurait été informé par note datée du 29 mars 2004.

20      Le requérant soutient, en premier lieu, que l’acte contre lequel est dirigé son recours est le rejet implicite de sa demande d’exécution de l’arrêt d’annulation. Il serait inexact de soutenir que les arguments du requérant portent, d’une part, sur la nomination au grade A 2 de Mme E. et, d’autre part, sur la nomination de Mme W.

21      Le requérant relève, en second lieu, que, à la date d’introduction du recours, le 13 mai 2004, soit avant la date de sa mise à la retraite, le 1er juin 2004, il avait intérêt à agir (arrêt de la Cour du 16 décembre 1963, Forges de Clabecq/Haute Autorité, 14/63, Rec. p. 721, et arrêt du Tribunal du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, RecFP p. I‑A‑83 et II‑395). En toute hypothèse, les destinataires d’un arrêt annulant un acte d’une institution seraient toujours directement concernés par la manière dont l’institution exécute cet arrêt et pourraient donc faire constater le manquement éventuel de l’institution aux obligations qui lui incombent, même dans le cas où l’acte attaqué aurait entre-temps épuisé ses effets (arrêts de la Cour du 25 novembre 1976, Küster/Parlement, 30/76, Rec. p. 1719, point 8, et du 28 février 1989, Van der Stijl e.a./Commission, 341/85, 251/86, 258/86, 259/86, 262/86, 266/86, 222/87 et 232/87, Rec. p. 511).

22      Ce serait à tort que la Commission prétend que le requérant connaissait déjà la date de sa mise à la retraite le jour de l’introduction du recours, dès lors que ce n’est que par note datée du 27 mai 2004 qu’il a été informé du rejet de sa demande de pouvoir rester en activité jusqu’à l’âge de 67 ans en application de l’article 52, paragraphe 2, du statut.

 Appréciation du Tribunal

23      S’agissant, en premier lieu, de l’objet des conclusions en annulation, il convient de relever que le requérant demande, dans la requête, que le Tribunal prononce « l’annulation du rejet implicite de sa demande et, pour autant que de besoin, l’annulation du rejet de sa réclamation ». Or, ainsi que le requérant le fait observer, la demande avait pour objet, à titre principal, d’une part, l’exécution par la Commission des obligations résultant de l’arrêt d’annulation et, d’autre part, l’indemnisation du préjudice moral prétendument subi, et, à titre subsidiaire, à défaut d’exécution de l’arrêt d’annulation, l’indemnisation du préjudice matériel constitué de la différence entre son traitement actuel et celui qu’il aurait perçu s’il avait été nommé au poste en cause augmenté des droits à pension correspondants.

24      Les arguments de la Commission relatifs à l’irrecevabilité des demandes du requérant concernant les nominations de Mmes E et W sont donc inopérants, compte tenu de ce que l’objet du présent recours ne consiste pas en l’annulation desdites nominations, mais, en substance, en le rétablissement de la légalité enfreinte du fait des irrégularités sanctionnées dans l’arrêt d’annulation.

25      S’agissant, en second lieu, du prétendu défaut d’intérêt à agir du requérant, il y a lieu de rappeler que, en principe, le destinataire d’un arrêt du Tribunal annulant un acte d’une institution est directement concerné par la manière dont l’institution exécute cet arrêt (arrêt Van der Stijl e.a./Commission, point 21 supra, point 18). Il est donc habilité à faire constater par le Tribunal le manquement éventuel de l’institution aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions applicables (voir arrêt du Tribunal du 22 avril 1999, Brognieri/Commission, T‑148/96 et T‑174/96, RecFP p. I‑A‑65 et II‑329, point 22, et la jurisprudence citée). Il s’ensuit que, en principe, le requérant disposait, au jour de l’introduction du recours, d’un intérêt à agir contre les décisions attaquées, lesquelles sont relatives à la manière dont la Commission a exécuté l’arrêt d’annulation.

26      Toutefois, il convient de constater que, du fait de la mise à la retraite du requérant le 1er juin 2004, soit postérieurement à l’introduction du recours, la Commission ne saurait reconsidérer la candidature de ce dernier au poste en cause, de sorte que, à ce jour, la seule mesure d’exécution envisageable à son égard consisterait en l’octroi d’une indemnité. Or, tel est précisément l’objet de la demande d’indemnité introduite par le requérant concomitamment à sa demande d’annulation des décisions attaquées.

27      Dès lors, compte tenu de ce que, en substance, les objets de ces demandes se confondent, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande d’annulation des décisions attaquées.

 Sur les conclusions en indemnité

28      Selon une jurisprudence constante relative au contentieux indemnitaire dans le domaine de la fonction publique, l’engagement de la responsabilité de la Communauté est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 16 septembre 1998, Rasmussen/Commission, T‑234/97, RecFP p. I‑A‑507 et II‑1533, point 71, et du 7 mai 2003, Lavagnoli/Commission, T‑327/01, RecFP p. I‑A‑143 et II‑691, point 47).

 Sur l’illégalité du comportement reproché

29      Compte tenu de la confusion des objets des demandes d’annulation et d’indemnité constatée précédemment, il y a lieu de se référer, en vue d’apprécier la légalité du comportement reproché à la Commission, aux moyens et arguments exposés dans le cadre de la demande d’annulation des décisions attaquées, ainsi qu’il ressort d’ailleurs implicitement des écritures du requérant.

30      Dans ce cadre, le requérant soulève trois moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 233 CE ainsi que du principe de bonne administration, deuxièmement, de la violation des articles 4, 7 et 45 du statut et d’un détournement de pouvoir ou de procédure et, troisièmement, de la violation des articles 24 et 25 du statut.

 Arguments des parties

31      En premier lieu, le requérant prétend que la Commission a violé l’article 233 CE ainsi que le principe de bonne administration. L’article 233 CE impliquait, selon lui, qu’il soit replacé dans la situation juridique dans laquelle il se trouvait antérieurement à l’acte annulé et que les candidatures au poste en cause soient réexaminées.

32      La Commission ne pourrait invoquer l’arrêt du Tribunal du 14 février 1990, Hochbaum/Commission (T‑38/89, Rec. p. II‑43), pour soutenir qu’elle n’était pas tenue de rouvrir la procédure au stade où s’est produite l’illégalité et qu’elle était dans l’impossibilité de réexaminer les candidatures au poste en cause en raison de la promotion de Mme E. et de la réaffectation de Mme W. à celui-ci.

33      Le requérant soutient d’abord que le principe de bonne administration impose à l’institution dont l’acte fait l’objet d’un recours en annulation une obligation d’abstention de prendre des dispositions rendant l’acte attaqué de facto définitif (arrêt de la Cour du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C‑129/96, Rec. p. I‑7411). La Commission aurait dès lors dû attendre le prononcé de l’arrêt d’annulation avant de prendre des décisions qui pouvaient porter préjudice aux intérêts du requérant.

34      En effet, à partir du mois de juillet 2002, le prononcé de l’arrêt d’annulation était, selon le requérant, imminent, et la Commission n’aurait pu procéder à cette nomination en sachant qu’elle pouvait, par là même, compromettre la situation juridique d’un demandeur en annulation dont la requête était loin d’être manifestement infondée.

35      Ensuite, le requérant souligne, à propos de la promotion de Mme E., que, en conséquence de l’arrêt d’annulation, celle-ci ne remplit plus les conditions d’accès à la fonction de directeur de [confidendiel]. La promotion de Mme E. supposait que cette dernière ait eu, en juillet 2002, une expérience, légalement obtenue, de deux ans dans ses fonctions au grade A 3, laquelle aurait été supprimée par l’arrêt d’annulation. La Commission ne pourrait à cet égard se réfugier derrière le principe de la stabilité des situations juridiques pour prétendre le contraire, dès lors qu’il lui est possible de révoquer les actes administratifs illégaux dans un délai raisonnable, qui pourrait s’étendre jusqu’à deux ans (arrêt de la Cour du 12 juillet 1957, Algera e.a./CECA, 7/56, 3/57 à 7/57, Rec. p. 81).

36      Par ailleurs, le requérant prétend que l’obligation d’abstention de la Commission était d’autant plus grande en ce qui concerne la réintégration de Mme W. que celle-ci lui a été proposée le 5 décembre 2002, à un moment où la date du prononcé de l’arrêt d’annulation était connue. La Commission n’aurait pas démontré, en outre, qu’elle n’était pas en mesure d’offrir d’autres postes à Mme W.

37      Enfin, dans l’hypothèse où la Commission n’organiserait pas une nouvelle procédure de pourvoi du poste en cause, elle serait obligée d’indemniser le requérant, ce qu’elle aurait pu faire en prenant toute décision visant à compenser équitablement le désavantage qui résulterait de la décision annulée (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1997, Apostolidis e.a./Commission, T‑81/96, RecFP p. I‑A‑207 et II‑607, point 37). En l’espèce, la Commission serait dès lors obligée d’indemniser le requérant pour une perte de chance.

38      En deuxième lieu, le requérant prétend que les circonstances décrites précédemment sont révélatrices d’un détournement de pouvoir de la part de l’AIPN ainsi que d’une violation des articles 4, 7 et 45 du statut. D’une part, le requérant relève que le Tribunal a constaté, dans l’arrêt d’annulation, que la Commission avait affirmé avoir fondé la nomination de Mme E. sur un rapport de notation dont elle a finalement admis ne pas avoir été en possession à cette époque. D’autre part, il fait valoir que, à la suite de sa nomination au poste en cause, Mme E. a été promue à un poste de directeur avec une célérité inhabituelle. Par ailleurs, M. Prodi serait intervenu informellement auprès du requérant en vue de l’inciter à retirer son recours dans l’affaire [confidentiel]. Enfin, le requérant souligne que la réintégration de Mme W. au poste en cause a été proposée à cette dernière le 5 décembre 2002, soit à un moment où la Commission était informée de la date du prononcé de l’arrêt d’annulation. À cet égard, il demande au Tribunal d’ordonner la production de l’ensemble des documents relatifs à la réintégration de Mme W.

39      En troisième et dernier lieu, le requérant soutient que l’absence de réponse explicite de la Commission à sa demande visant à l’exécution de l’arrêt d’annulation constitue un manquement aux devoirs de motivation, de sollicitude et de bonne administration qui résultent des articles 24 et 25 du statut. De même, la réponse apportée par la Commission tant dans la décision de rejet de la réclamation qu’à l’occasion du présent recours, que le requérant aurait été contraint d’introduire, ne constituerait qu’une motivation purement formelle et inadéquate. Il en résulterait également une violation de l’obligation de motivation et du devoir de sollicitude en tant qu’expressions du principe général visé à l’article 233 CE.

40      La Commission conteste, en premier lieu, avoir méconnu l’article 233 CE ainsi que le principe de bonne administration. Tout d’abord, le requérant n’aurait pas droit à ce que les candidatures en cause soient réexaminées. La Commission ne serait pas tenue de reprendre ladite procédure, mais uniquement d’éliminer les vices qui avaient entaché la procédure d’adoption de l’acte annulé. L’AIPN conserverait dans ce cas son pouvoir discrétionnaire d’élargir ses possibilités de choix dans l’intérêt du service (arrêt Hochbaum/Commission, point 32 supra). Ensuite, il n’existerait aucune règle de bonne administration obligeant la Commission à attendre le prononcé de l’arrêt du Tribunal avant d’accorder une promotion à une personne dont la nomination précédente fait l’objet d’un recours. Cela lèserait en effet les droits des fonctionnaires dont le bien-fondé de la nomination est confirmé par le Tribunal. Il serait à noter d’ailleurs que de nombreux recours contestant des nominations sont rejetés par le Tribunal et que, dans la présente affaire, le requérant avait introduit plusieurs recours contre d’autres nominations, qui ont tous été rejetés par le Tribunal. La Commission indique qu’elle ne s’attendait d’ailleurs pas en l’espèce à un arrêt d’annulation. La Commission soutient, enfin, qu’il lui était impossible de réexaminer les candidatures présentées pour le poste en cause, car celui-ci n’était pas vacant. D’une part, la Commission rappelle que Mme E. a été promue en juillet 2002, soit avant l’arrêt d’annulation, au grade A 2. Par ailleurs, Mme W., fonctionnaire de grade A 3 qui avait exercé auparavant des fonctions de chef d’unité à la DG [confidentiel] avait demandé à être réintégrée à l’issue de son congé de convenance personnelle le 8 juillet 2002, et le poste en cause lui avait été proposé par note datée du 5 décembre 2002.

41      La Commission conteste, en deuxième lieu, avoir commis un détournement de pouvoir. Premièrement, les deux premiers indices avancés par le requérant pour prouver l’existence d’un détournement de pouvoir ne seraient pas convaincants. D’une part, le fait que le comité consultatif des nominations n’était pas en possession du rapport de notation de Mme E. pour la période 1997/1999 n’aurait pas empêché celui-ci d’apprécier la candidate sur la base de son curriculum vitae ainsi que de son rapport de notation pour la période 1995/1997. D’autre part, Mme E. n’aurait pas été nommée au poste de directeur avec une célérité inhabituelle. Plus d’une quinzaine de fonctionnaires ayant une ancienneté de moins de trois ans auraient été promus au grade A 2 durant les cinq dernières années. Deuxièmement, les allégations du requérant ne permettraient pas de saisir le but étranger à l’intérêt du service qu’aurait poursuivi la Commission lors de l’adoption de la décision.

42      La Commission conteste, en troisième lieu, avoir violé les articles 24 et 25 du statut ainsi que les principes de bonne administration et de sollicitude. D’abord, l’article 24 du statut concernerait l’assistance aux fonctionnaires en cas de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats subis en raison de leurs fonctions. Le requérant n’aurait pas subi de telles atteintes. Ensuite, le devoir de sollicitude de l’administration ne devrait pas être confondu avec l’application de l’article 24 du statut. Par ailleurs, la motivation du rejet de la demande du requérant aurait été apportée dans la réponse à sa réclamation. Enfin, en ce qui concerne la prétendue violation du principe de bonne administration, la Commission renvoie à ses explications relatives au deuxième moyen.

 Appréciation du Tribunal

43      Selon une jurisprudence constante, une institution dont l’acte a été annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire. Cela implique notamment de replacer le requérant dans la situation juridique dans laquelle il se trouvait antérieurement à cet acte (voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour du 9 juin 1983, Verzyck/Commission, 225/82, Rec. p. 1991, point 19, et l’arrêt du Tribunal du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑119/99, RecFP p. I‑A‑239 et II‑1185, point 36).

44      Il convient de rappeler que, par l’arrêt d’annulation, le Tribunal a annulé la décision de nomination de Mme E. en raison, notamment, d’une irrégularité affectant l’examen comparatif des mérites respectifs des candidats.

45      Il convient cependant de relever que, selon une jurisprudence constante, le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (voir arrêt du Tribunal du 22 février 2000, Rose/Commission, T‑22/99, RecFP p. I‑A‑27 et II‑115, point 37, et la jurisprudence citée), et que l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’examen comparatif des mérites des candidats à la mutation ou à la promotion au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut (arrêt de la Cour du 17 janvier 1992, Hochbaum/Commission, C‑107/90 P, Rec. p. I‑157, point 8, et arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, Rec. p. II‑201, point 49).

46      Par ailleurs, il y a lieu de souligner que l’AIPN n’est pas tenue de donner suite à une procédure de recrutement engagée en application de l’article 29 du statut (arrêts de la Cour du 24 juin 1969, Fux/Commission, 26/68, Rec. p. 145, point 11, et du 9 février 1984, Kohler/Cour des comptes, 316/82 et 40/83, Rec. p. 641, point 22 ; arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Bories e.a./Commission, T‑331/00 et T‑115/01, RecFP p. I‑A‑309 et II‑1479, point 150), même dans l’hypothèse où, comme dans la présente espèce, la procédure de recrutement a été partiellement annulée par un arrêt du juge communautaire (arrêt de la Cour du 8 juin 1988, Vlachou/Cour des comptes, 135/87, Rec. p. 2901, points 23 à 25 ; arrêts du Tribunal Hochbaum/Commission, point 32 supra, point 15, et du 17 octobre 2006, Dehon/Parlement, T‑432/03 et T‑95/05, non encore publié au Recueil, point 49).

47      À supposer même que la Commission ait été tenue, en vertu des dispositions statutaires applicables, de réintégrer Mme W. au poste en cause et, d’autre part, que la coïncidence entre la date de la décision de réintégration de Mme W. et celle du prononcé de l’arrêt d’annulation soit purement fortuite, il n’en demeure pas moins que la Commission restait tenue de donner suite à l’arrêt d’annulation, et qu’elle pouvait satisfaire à cette exigence fondamentale au moyen d’une compensation équitable.

48      En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque l’exécution d’un arrêt d’annulation présente des difficultés particulières, l’institution défenderesse peut satisfaire à l’obligation découlant de l’article 233 du traité en prenant toute décision qui serait de nature à compenser équitablement le désavantage ayant résulté pour l’intéressé de la décision annulée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 mars 1980, Könecke/Commission, 76/79, Rec. p. 665, point 15, et du 14 juillet 1983, Detti/Cour de justice, 144/82, Rec. p. 2421, point 33). Dans ce contexte, l’AIPN peut également établir un dialogue avec le requérant, en vue de chercher à parvenir à un accord offrant à ce dernier une compensation équitable de l’illégalité dont il avait été victime (arrêts du Tribunal du 8 octobre 1992, Meskens/Parlement, T‑84/91, Rec. p. II‑2335, point 80, et Apostolidis e.a./Commission, point 37 supra, point 42).

49      Il s’ensuit que, en l’espèce, sans même qu’il soit nécessaire d’examiner si la Commission s’est rendue coupable d’un détournement de pouvoir à l’occasion de la promotion au grade A 2 de Mme E. et de la réintégration de Mme W., il convient de conclure que, en s’abstenant d’adopter la moindre mesure en vue d’exécuter l’arrêt du Tribunal et en omettant même d’entreprendre à cette fin une quelconque démarche à l’égard du requérant, la Commission a violé l’article 233 CE et a commis une faute de service de nature à engager sa responsabilité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Hautem/BEI, T‑11/00, Rec. p. II‑4019, point 43, et la jurisprudence citée).

50      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de réouverture de la procédure orale formulée par le requérant, cette demande ayant uniquement trait au moyen tiré du détournement de pouvoir.

51      En outre, il convient de relever que, face à l’inaction de l’administration, le requérant a été contraint d’introduire une demande auprès de l’AIPN en vue d’obtenir l’exécution de l’arrêt d’annulation qui lui faisait droit, que cette demande n’a fait l’objet d’aucune réponse explicite et que ce n’est qu’à l’occasion de sa réponse à la réclamation contre la décision implicite de rejet de la demande, intervenue le 12 février 2004, soit plus de dix mois après l’introduction de la demande et quelque [confidentiel] mois après l’arrêt d’annulation, que l’AIPN a informé le requérant de la prétendue impossibilité de prendre une quelconque mesure d’exécution dudit arrêt, même par équivalent.

52      Certes, le simple fait, pour l’administration, de ne pas répondre à une demande ne saurait constituer une faute de service de nature à engager sa responsabilité, dès lors que le statut n’impose pas aux institutions communautaires de transmettre des réponses explicites aux demandes de leurs fonctionnaires, mais prévoit, à son article 90, paragraphe 1, que le défaut de réponse à la demande d’un fonctionnaire vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’une réclamation. Toutefois, en l’espèce, il y a lieu de relever, d’une part, que la demande du requérant répondait déjà à l’inaction illégale de la Commission et, d’autre part, que la mise à la retraite, dans un avenir proche, du requérant exigeait une réponse diligente en vue de lui permettre d’être rétabli dans ses droits de manière utile. Dès lors, si, ainsi que le prétend la Commission, des circonstances objectives l’empêchaient d’exécuter en nature l’arrêt d’annulation, ce dont elle avait connaissance dès le jour du prononcé dudit arrêt, le devoir de sollicitude lui imposait d’en avertir au plus vite le requérant, et ce, en toute hypothèse, dans le cadre d’une réponse explicite à sa demande, ainsi que d’entamer un dialogue avec celui-ci en vue de parvenir à une compensation équitable de son dommage.

53      Ainsi que le fait valoir, en substance, le requérant dans le cadre de son moyen tiré de la violation des articles 24 et 25 du statut, l’attitude de la Commission décrite au point 51 ci-dessus ne saurait donc être considérée comme conforme au devoir de sollicitude incombant à l’administration à l’égard de ses agents.

54      Il y a donc lieu de conclure que la Commission s’est rendue coupable, dans la mesure exposée précédemment, d’un comportement fautif de nature à engager sa responsabilité.

 Sur le dommage et le lien de causalité

 Arguments des parties

55      Le requérant prétend, s’agissant du dommage moral, que sa carrière, marquée par son importante compétence et sa loyauté, a été irréprochable. Il se serait vu priver définitivement et dans des conditions illégales de la chance de voir reconnaître ses mérites et ses talents. Il aurait également été porté préjudice à sa réputation.

56      S’agissant du dommage matériel, il serait constitué par la perte d’une chance sérieuse d’accéder au grade A 3 (devenu le grade A*13 à partir du 1er mai 2004) à la fin de sa carrière, ainsi que par les conséquences pécuniaires en découlant en termes de pension.

57      D’après le requérant, l’AIPN aurait indiqué, à tort, dans le rejet de sa réclamation, qu’il n’y avait aucun fondement à l’octroi d’un dédommagement, en l’absence d’une faute de service, et que le retard dans l’établissement du rapport de notation pour la période 1997/1999 aurait déjà été pleinement réparé par l’indemnité de 2 500 euros octroyée au requérant aux termes de l’arrêt d’annulation.

58      S’il est vrai que l’arrêt d’annulation n’a accueilli que partiellement les demandes du requérant quant à son préjudice moral et à son préjudice matériel, ce ne serait qu’en considération du fait qu’il aurait dû y avoir, par la suite et en exécution de l’arrêt d’annulation, une nouvelle appréciation par la Commission de la candidature du requérant. En l’espèce, la Commission aurait dû procéder à une nouvelle procédure de sélection dans laquelle le requérant aurait eu la chance d’être promu.

59      La Commission conclut au rejet de la demande du requérant. Elle souligne, à titre liminaire, que les prétentions du requérant ont évolué depuis l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt d’annulation : le dommage moral était uniquement estimé, dans le cadre de ladite affaire, à 120 000 euros tandis que le dommage matériel était alors estimé à 25 000 euros.

60      S’agissant du préjudice moral, la Commission souligne d’abord que le requérant a déjà été indemnisé à hauteur de 2 500 euros pour le retard avec lequel son rapport de notation définitif avait été élaboré et en particulier pour la situation d’incertitude particulière en résultant quant à sa candidature pour le poste en cause.

61      Il n’y aurait pas lieu de reconnaître, au surplus, l’existence d’un dommage moral résultant de ce que la candidature du requérant n’a pas fait l’objet d’un réexamen. L’arrêt Hochbaum/Commission, point 32 supra, confirmerait que le requérant ne pouvait pas se prévaloir d’un droit au réexamen de sa candidature.

62      Le préjudice moral résultant du discrédit jeté sur le requérant quant à sa compétence et à ses qualités professionnelles serait également inexistant. Si le requérant n’a pas été promu au grade A*13, à la suite des différentes vacances d’emploi, ce serait précisément parce que ses mérites n’ont pas été considérés comme supérieurs à ceux des candidats promus. En particulier, l’arrêt d’annulation n’a pas établi que le requérant remplissait les conditions pour être nommé au poste en cause alors que Mme E. ne les remplissait pas.

63      S’agissant du préjudice matériel, la Commission souligne que le Tribunal a décidé au point 104 de l’arrêt d’annulation que « la décision de nomination étant annulée, le requérant ne [pouvait] se prévaloir d’aucun préjudice certain et actuel » et que « la demande d’indemnisation du préjudice matériel [devait] être rejetée ». En prétendant avoir actuellement droit à une indemnisation pour un préjudice matériel lié au fait que ses mérites n’ont pas été réexaminés dans le cadre de la procédure de nomination annulée, le requérant méconnaîtrait le fait que l’annulation de l’acte attaqué dans l’affaire [confidentiel] constituait une sanction suffisante de l’illégalité commise.

64      En tout état de cause, selon la Commission, le requérant n’a pas établi qu’il aurait été nommé au grade A*13 si la Commission avait décidé de reprendre la procédure de nomination au stade de l’illégalité constatée par l’arrêt d’annulation. La Commission souligne à cet égard que la promotion n’est nullement un droit, mais une vocation. Elle renvoie, à cet égard, à l’arrêt de la Cour du 27 octobre 1977, Giry/Commission (126/75, 34/76 et 92/76, Rec. p. 1937), rendu dans le cadre d’une affaire où le requérant contestait le fait que sa réintégration après un congé de convenance personnelle ne comportait pas d’effet rétroactif à partir de la date de la fin de son congé. La Cour a rejeté la demande d’indemnisation du requérant en estimant notamment, au point 28 de cet arrêt, « que, d’une manière générale, les possibilités d’avancement pendant une telle période sont si incertaines et hypothétiques qu’elles ne suffisent pas, à elles seules, pour constater que le requérant aurait subi un préjudice pécuniaire de ce chef ». Cette position aurait été reprise au point 68 de l’arrêt du Tribunal du 6 octobre 2004, Nuñez/Commission (T‑294/02, RecFP p. I‑A‑283 et II‑1279). Le dommage invoqué par le requérant étant, dès lors, hypothétique, il ne pourrait être indemnisé.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur le dommage matériel

65      Il convient de rappeler que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus et que l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’examen comparatif des mérites des candidats à la mutation ou à la promotion au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut (voir point 45 ci-dessus). Par ailleurs, l’AIPN n’est pas tenue de donner suite à une procédure de recrutement engagée en application de l’article 29 du statut, même dans l’hypothèse où, comme dans la présente espèce, la procédure de recrutement a été partiellement annulée par un arrêt du juge communautaire (voir point 46 ci-dessus).

66      Il s’ensuit que, s’il est vrai qu’il a été constaté dans l’arrêt d’annulation que l’illégalité commise par l’AIPN a pu avoir une incidence décisive sur la procédure de promotion, il n’en reste pas moins que, même en l’absence de cette illégalité, le requérant ne disposait d’aucune assurance quant à sa nomination finale par l’AIPN parmi les quatre autres candidats au poste en cause. En effet, outre le fait que la reprise de la procédure de recrutement ne constituait pas nécessairement l’unique voie d’exécution de l’arrêt d’annulation, le requérant ne saurait prétendre que, si la Commission avait dûment exécuté l’arrêt d’annulation, il aurait été nommé audit poste. Ces événements sont hypothétiques par nature, en ce qu’ils impliquent l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’AIPN en matière de recrutement et de promotion, s’agissant tant de l’examen comparatif des mérites des candidats que de l’organisation de la procédure de recrutement de ses agents.

67      Or, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 27 janvier 1982, Birra Wührer e.a./Conseil et Commission, 256/80, 257/80, 265/80, 267/80 et 5/81, Rec. p. 85, point 9 ; arrêt du Tribunal du 9 juillet 1999, New Europe Consulting et Brown/Commission, T‑231/97, Rec. p. II‑2403, point 29, et ordonnance du Tribunal du 24 avril 2001, Pierard/Commission, T‑172/00, RecFP p. I‑A‑91 et II‑429, point 38), le préjudice dont il est demandé réparation doit être réel et certain.

68      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le surcroît de rémunération et de droits à pension que le requérant aurait perçu s’il avait été nommé au poste en cause ne saurait être considéré comme un préjudice suffisamment certain pour pouvoir fonder un droit à réparation (voir, en ce sens, arrêt Giry/Commission, point 64 supra, point 28 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 11 juin 2002, AICS/Parlement, T‑365/00, Rec. p. II‑2719, points 79 et 80).

–       Sur le dommage moral

69      À ce titre, le requérant demande la réparation du préjudice résultant de ce qu’il a été privé définitivement, de façon illégale, de la chance de se voir reconnaître ses mérites et ses talents dans le cadre de la poursuite de sa carrière.

70      Or, force est de constater que, du fait de l’illégalité constatée dans l’arrêt d’annulation et de l’absence d’adoption, par la Commission, d’une quelconque mesure d’exécution dudit arrêt, le requérant s’est vu priver du droit de voir sa candidature examinée dans des conditions légales. Ses mérites n’ayant, de ce fait, pas été dûment pris en considération, le requérant a nécessairement subi un dommage moral résultant du sentiment d’avoir perdu une chance d’accéder au poste en cause et de voir sa compétence reconnue, et ce en raison d’un comportement illégal de l’administration. Or, si, ainsi qu’il a été exposé précédemment, le préjudice d’ordre matériel qu’engendrait cette perte de chance n’est que de nature hypothétique eu égard au caractère incertain tant de la reprise même de la procédure que de son issue, il convient de considérer que, pris sous son aspect moral, le préjudice survenu du fait de l’illégalité commise par la Commission revêt, en revanche, un caractère réel et certain.

71      En effet, dès lors que la Commission n’a pris aucune mesure d’exécution visant à prendre en considération la candidature du requérant dans des conditions légales, la perte de chance subie par le requérant devient définitive et certaine au jour du refus de la Commission d’exécuter l’arrêt d’annulation en nature. Le requérant peut ainsi légitimement estimer que, en l’absence de l’illégalité commise par l’AIPN, dont il a été considéré, dans l’arrêt d’annulation, qu’elle a pu avoir une incidence décisive sur la procédure de nomination, il aurait eu des chances sérieuses d’être nommé au poste en cause.

72      Il résulte de ce qui précède que, en l’espèce, la Commission ne saurait se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle l’annulation, par le Tribunal, de la décision à l’origine d’un tel préjudice moral suffit, en principe, à le réparer. En effet, cette considération repose sur l’obligation pour l’AIPN d’adopter les mesures d’exécution de l’arrêt.

73      Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, la Commission n’a précisément adopté aucune mesure de nature à réparer le préjudice moral subi par le requérant, que ce soit en réexaminant sa candidature dans des conditions légales ou en prenant une décision de nature à compenser équitablement le désavantage ayant résulté de la décision annulée.

74      De même, la Commission ne saurait, à l’évidence, prétendre que l’indemnisation à hauteur de 2 500 euros octroyée au requérant par le Tribunal dans l’arrêt d’annulation est de nature à réparer le préjudice moral subi du fait de l’absence totale d’exécution dudit arrêt. En effet, cette indemnisation ne visait qu’à réparer le dommage résultant de l’état d’incertitude du requérant quant à son avenir professionnel du fait de l’absence de rapport de notation, et non à réparer la perte de chance d’accéder au poste en cause, laquelle n’est survenue qu’à la suite du défaut d’exécution de l’arrêt d’annulation.

75      En outre, contrairement à ce que semble soutenir la Commission, en constatant que l’illégalité commise par l’AIPN avait pu avoir une incidence décisive sur la procédure de promotion, le Tribunal a nécessairement considéré que le requérant non seulement remplissait toutes les conditions pour être nommé au poste en cause, mais de surcroît, ainsi qu’il ressort des points 87 à 92 de l’arrêt d’annulation, qu’il disposait de chances sérieuses de voir sa candidature retenue. En effet, le Tribunal a considéré, en particulier, que le rapport de notation du requérant, qui n’avait, à tort, pas été pris en considération, contenait des appréciations très positives quant à sa capacité à gérer une équipe, alors que cette même capacité a constitué un élément déterminant dans l’appréciation de l’AIPN selon laquelle Mme E. possédait le meilleur profil par rapport à l’avis de vacance.

76      Il y a lieu de relever, au demeurant, que, comme le fait valoir le requérant, les rapports de notation subséquents le concernant font état de son aptitude à assumer les fonctions de chef d’unité.

77      Par ailleurs, dans l’évaluation du dommage moral ainsi subi, il importe de tenir compte, d’une part, de l’importance du poste en cause et, d’autre part, de l’âge du requérant, lequel, au moment de la procédure litigieuse, ne pouvait plus participer aux procédures de promotion que pendant peu d’années encore (arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Moritz/Commission, T‑20/89, Rec. p. II‑1423, point 51). De surcroît, force est de constater que, en raison de l’absence de toute mesure d’exécution consécutive à l’arrêt d’annulation et de la prise de position formelle de la Commission au seul stade de sa réponse à la réclamation du requérant contre le rejet implicite de sa demande, le requérant a été contraint d’introduire le présent recours en vue d’obtenir ce que l’arrêt d’annulation impliquait déjà à l’égard de l’administration et que, du fait de la mise à la retraite du requérant en cours d’instance, la constatation de l’illégalité de l’absence d’adoption de mesures d’exécution de l’arrêt d’annulation intervient à un moment où une mesure d’exécution en nature n’est, en tout état de cause, plus envisageable. Ces circonstances sont de nature à accroître le sentiment de frustration et de découragement du requérant, dont le recours avait pourtant été accueilli dans l’arrêt d’annulation, face aux atermoiements et à l’inaction de l’administration.

78      Enfin, pour autant que le requérant invoque une atteinte à sa réputation du fait de l’illégalité du comportement de la Commission, il convient de constater que, à supposer même que le rejet illégal de la candidature et le refus de la Commission de prendre les mesures d’exécution de l’arrêt d’annulation aient pu avoir une quelconque incidence sur sa réputation, l’arrêt d’annulation et le présent arrêt suffisent à eux seuls à rétablir cette dernière.

79      Ainsi, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances particulières de l’espèce, telles qu’exposées ci-dessus, en fixant, ex aequo et bono, la réparation du dommage moral subi par le requérant à la somme de 15 000 euros.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, en cas de non-lieu à statuer, l'article 87, paragraphe 6, du même règlement dispose que le Tribunal règle librement les dépens. En l’espèce, il ne saurait être reproché au requérant d’avoir introduit un recours en annulation contre le refus de la Commission d’exécuter l’arrêt d’annulation. C’est en raison d’un événement extérieur à la volonté du requérant, à savoir sa mise à la retraite, que l’arrêt n’a pas pu être exécuté en nature. La Commission ayant succombé pour le surplus, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la partie requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions en annulation.

2)      La Commission est condamnée à verser au requérant, M. C, la somme de 15 000 euros.










3)      La Commission est condamnée aux dépens.




Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 janvier 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.


1 Données confidentielles occultées.