Language of document : ECLI:EU:T:2007:33

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

6 février 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation 2001/2002 – Recours en annulation – Exception d’illégalité – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑143/04,

Antonietta Camurato Carfagno, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me C. Mourato, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Joris et Mme M. Velardo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 9 avril 2003 portant établissement définitif du rapport d’évolution de carrière de la requérante pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. R. García-Valdecasas, président, J. D. Cooke et Mme I. Labucka, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version applicable au présent litige (ci-après le « statut »), dispose, notamment, dans le chapitre intitulé « Notation, avancement d’échelon et promotion », ce qui suit :

« Article 43

La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à l’exception de ceux des grades A 1 et A 2, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles […]

Article 45

1. La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet.

[…] »

2        En 2002, la Commission s’est dotée d’un nouveau système de notation et de promotion. Le rapport de notation a été remplacé par le rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC »).

3        Ce nouveau système découle des dispositions générales d’exécution, pour la notation, de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE 43 ») et, pour la promotion, de l’article 45 du statut (ci-après les « DGE 45 »), adoptées par la Commission le 26 avril 2002, conformément à l’article 110 du statut. Il avait vocation à s’appliquer rétroactivement dans le cadre de son premier exercice, dit « exercice de transition », couvrant la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002.

4        La Commission a expliqué et complété les DGE 43 et les DGE 45, à deux reprises, en ce qui concerne l’exercice de transition. En juillet 2002, elle a, conformément à l’article 3, paragraphe 7, des DGE 43 porté à la connaissance de son personnel un document intitulé « Système d’évaluation du personnel centré sur l’évolution de carrière – Guide » (ci-après le « guide d’évaluation »). Le 3 décembre 2002, elle a publié, dans les Informations administratives n° 99-2002, un document intitulé « Exercice d’évaluation du personnel hors grades A 1 et A 2 2001/2002 (transition) » (ci-après le « guide de transition »), contenant des informations, notamment, sur les règles transitoires applicables.

5        L’article 7, paragraphe 1, des DGE 43 dispose, notamment, que « les objectifs à atteindre constituent la base de référence pour l’évaluation du rendement ».

6        L’article 4, paragraphe 1, des DGE 43 dispose que, « par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, [des DGE 43], l’évaluation du fonctionnaire [au titre de l’exercice de transition] sera effectuée […] nonobstant l’absence d’une fixation préalable des objectifs ».

7        Le guide de transition, sous l’intitulé « Comment [est] évalué le rendement […] » (p. 3, paragraphe 1), se lit comme suit :

« Étant donné que l’évaluateur et l’évalué n’ont pas fixé à l’avance les objectifs, l’évaluateur portera un jugement d’ensemble sur les tâches effectivement accomplies par le fonctionnaire durant [l’exercice de transition]. »

8        L’article 6, paragraphe 1, des DGE 45 prévoit, notamment, ce qui suit :

« [L]es directions générales dont le score moyen, en termes de points de mérite, pour un grade déterminé, dépasse de plus d’un point la moyenne visée par la Commission voient leur contingent de points de priorité réduit d’un montant correspondant exactement à l’excédent. Toutefois, lorsque les directions générales justifient valablement l’excédent, elles ont la faculté de saisir les comités de promotion, lesquels peuvent décider, à titre exceptionnel, d’annuler tout ou partie de la réduction opérée. »

9        Le point 4.4, troisième et quatrième alinéas, du guide d’évaluation, intitulé « Évaluation des prestations », est rédigé comme suit :

« L’évaluateur se réfère aux lignes directrices fournies par la [direction générale ‘Personnel et administration’] sur les fourchettes de référence et à la moyenne cible pour la Commission en termes de points de mérite ainsi qu’aux standards définis au niveau de la [direction générale]. La moyenne cible pour 2003 est 14.

Les fourchettes de référence, qui correspondent aux pourcentages indicatifs des effectifs, autorisent différents rythmes de progression de carrière, avec 17-20 points (carrière rapide) pour un maximum de 15 % [du personnel], 12-16 points (carrière normale) pour environ 75 % [du personnel] et 10-11 points (carrière lente) pour un maximum de 10 % [du personnel]. 

[…]

Toute [direction générale] ayant attribué un nombre de points de mérite pour un grade donné qui dépasse l’objectif de la Commission de plus d’un point subira une réduction correspondante de son enveloppe de points de priorité. »

10      Par ailleurs, le point intitulé « Moyenne cible et autres guides d’octroi de points de mérite » du guide de transition se lit comme suit :

« Les directions générales sont invitées à évaluer leur personnel en respectant la moyenne de 14 sur 20 (appelée ‘moyenne cible’). Cette moyenne de 14 doit être respectée dans chaque grade, au niveau de chaque direction générale.

Les directions générales qui, pour un grade donné, obtiennent une moyenne supérieure à 15 sont pénalisées. La pénalisation consiste en une réduction du contingent de points de priorité dont la direction générale dispose, pour ce grade, pour l’exercice de promotion.

[…]

Outre respecter la moyenne cible de 14, il est recommandé aux directions générales de réserver une note de 12 à 16 [points] aux fonctionnaires méritant une promotion normale, de 17 à 20 [points] à ceux méritant une promotion rapide et de 10 à 11 points [à ceux relevant d’une] promotion lente […]

Si nous regardons comment les promotions ont été faites dans le passé, nous observons globalement une distribution des promotions correspondant à approximativement 15 % [de] promotions rapides, 75 % de [promotions] normales et 10 % de [promotions] lentes. Il en découle qu’une note de 17 à 20 sera donnée à approximativement 15 % [des] fonctionnaires, une note de 12 à 16 à approximativement 75 % [d’entre eux] et une note de 10 à 11 à approximativement 10 % [d’entre eux]. »

11      Enfin, l’article 6, paragraphe 4, des DGE 45, dispose :

« Afin d’opérer une différentiation du personnel, les règles suivantes sont d’application :

a)      50 % des points de priorité faisant partie du contingent mis à la disposition de la direction générale sont répartis entre les fonctionnaires les plus performants, qui ont fourni la preuve de leur mérite exceptionnel en répondant aux critères visés [à l’article 6,] paragraphe 3, [sous] i) et ii). Ces fonctionnaires représentent approximativement 15 % des effectifs de la direction générale par grade. Chaque fonctionnaire se voit attribuer de 6 à 10 points.

b)      Les 50 % de points restants sont répartis entre les autres fonctionnaires qui sont jugés méritants à la lumière des critères visés [à l’article 6,] paragraphe 3, [sous] i) et ii), et qui se voient attribuer de 0 à 4 points par individu […] »

 Faits

12      La requérante est fonctionnaire de la Commission européenne. À l’époque des faits, elle était affectée à l’Office infrastructures et logistique (OIB), basé à Bruxelles, au sein de l’unité « Projets, gestion d’espace, maintenance » (ci-après l’« unité OIB.2 »).

13      Le 28 février 2003, le chef d’unité faisant fonction de l’unité OIB.2, évaluateur de la requérante, a établi le REC de cette dernière au titre de l’exercice de transition visé au point 3 ci-dessus. Le REC a abouti à une note globale de 13 points de mérite sur 20, dont 6 points sur 10 (« bien ») au titre du rendement.

14      Le 3 mars 2003, le directeur faisant fonction de l’OIB a contresigné le REC en tant que validateur.

15      La requérante a demandé auprès du validateur la révision de son évaluation. En particulier, elle faisait valoir que les 6 points obtenus au titre du rendement ne reflétaient pas l’intégralité du travail effectué. Elle demandait, en conséquence, le relèvement d’un point de sa note globale. Le 21 mars 2003, à la suite d’un entretien qu’il a eu avec la requérante le 14 mars 2003, le validateur a modifié la rubrique 6.6 du REC en complétant la liste des tâches effectuées par cette dernière au cours de l’exercice en cause. Toutefois, il a confirmé les appréciations chiffrées du REC.

16      Le 31 mars 2003, la requérante a demandé la saisine du comité paritaire d’évaluation (ci-après le « CPE »). Dans son avis du 7 avril 2003, le CPE a conclu « qu’il n’y [avait] pas lieu de rectifier le [REC] ».

17      Le 9 avril 2003, le directeur général de la DG « Personnel et administration », en sa qualité d’évaluateur d’appel, suivant l’avis du CPE, a clos sans le modifier le REC de la requérante.

18      Le 8 juillet 2003, la requérante a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, visant à l’annulation de son REC.

19      Par décision du 11 décembre 2003, notifiée à la requérante le 14 janvier 2004, l’autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté sa réclamation (R/353/03).

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 avril 2004, la requérante a introduit le présent recours.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, il a posé des questions écrites à la Commission et lui a demandé de produire certains documents. Dans un premier temps, la Commission s’est abstenue de produire l’un d’eux. À la suite d’une nouvelle demande du Tribunal, elle a déposé le document manquant.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales lors de l’audience du 20 septembre 2006.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 9 avril 2003 de l’évaluateur d’appel portant établissement définitif du REC de la requérante pour la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 ;

–        annuler la décision de la Commission du 11 décembre 2003 rejetant la réclamation du 8 juillet 2003 de la requérante ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur l’objet du litige

25      Il est de jurisprudence constante que des conclusions dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée et sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8). Il convient donc de considérer que le chef de conclusions visant à l’annulation de la décision du 11 décembre 2003 rejetant la réclamation de la requérante du 8 juillet 2003, et celui visant l’annulation de la décision du 9 avril 2003 portant établissement définitif du REC de la requérante pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 ont le même objet (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T-310/02, RecFP p. I-A-95 et II-427, point 19, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T-309/03, non encore publié au recueil, point 43).

26      Il en résulte que le présent recours en annulation doit être considéré comme dirigé contre la seule décision du 9 avril 2003 (ci-après le « REC attaqué »).

 Arguments des parties

27      À l’appui de son recours en annulation, la requérante invoque trois moyens tirés, premièrement, d’une violation de l’article 43 du statut et d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de son rendement, deuxièmement, d’une atteinte au principe d’égalité de traitement et, troisièmement, d’une violation de l’obligation de motivation.

28      Le Tribunal considère opportun d’examiner d’abord le moyen tiré d’une violation de l’article 43 du statut et d’une erreur manifeste d’appréciation du rendement de la requérante.

29      S’agissant du premier grief invoqué au soutien du premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le REC attaqué, en ce qu’il a été établi en application de « consignes d’évaluation illégales » au regard de l’esprit et de la lettre de l’article 43 du statut (point 67 de la requête), est lui-même illégal et doit être annulé.

30      La requérante soutient, en substance, que la moyenne cible de 14 points sur 20 et les fourchettes de référence correspondant à autant de rythmes de carrière (lente, normale et rapide), au respect desquelles les évaluateurs sont tenus, constituent une limite à leur appréciation souveraine des mérites des fonctionnaires qu’ils ont la charge de noter.

31      Outre qu’il serait contraire à l’arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Tatti/Commission (T‑296/01, RecFP p I‑A-225 et II‑1093, points 39 à 51), un tel système conduirait à un « classement forcé » des fonctionnaires et à une situation, que la requérante qualifie de « dérive », dans laquelle certains fonctionnaires ne pourraient pas être évalués à leur juste valeur.

32      En effet, les évaluateurs souhaitant attribuer à certains fonctionnaires une note supérieure à la moyenne cible seraient contraints, mécaniquement, d’octroyer une note inférieure à ladite moyenne cible à d’autres fonctionnaires du même grade dans la même direction générale. À cet égard, la requérante rapporte les propos non contredits de son évaluateur selon lesquels « des collègues nécessiteux avaient besoin de points pour obtenir une promotion » (point 64 de la requête, point 38 de la réplique, reflétés au point 29 du rapport d’audience) et en déduit que ce dernier, afin de respecter les consignes d’évaluation, n’a pas été en mesure de statuer équitablement et en toute indépendance sur ses mérites réels et, partant, a été contraint de lui attribuer une note de mérite inférieure à la moyenne cible.

33      À la Commission qui répond que ces consignes d’évaluation constituent de simples indications et non des instructions ou éléments réduisant de quelque manière que ce soit le pouvoir d’appréciation et l’indépendance des évaluateurs, la requérante rétorque que, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution communautaire communiquée à l’ensemble des fonctionnaires constitue, même si elle ne peut être regardée comme une disposition générale d’exécution au sens de l’article 110 du statut, une directive interne et doit, en tant que telle, être considérée comme une règle de conduite indicative que l’administration s’impose à elle-même et dont elle ne peut s’écarter sans préciser les raisons qui l’y ont amenée, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement (arrêt Tatti/Commission, précité, point 43).

34      S’agissant plus spécifiquement de la moyenne cible, la requérante indique que son caractère contraignant a pour origine la règle, prévue à l’article 6, paragraphe 1, des DGE 45, selon laquelle les directions générales dépassant de plus d’un point la moyenne cible dans un grade donné voient leur contingent de points de priorité réduit d’autant.

35      À la Commission qui se prévaut, pour réfuter l’argument visé au point 34 ci-dessus, de la possibilité qu’ont les comités de promotion d’annuler la réduction des points de priorité en cas de justification valable, la requérante répond que le retrait de la sanction n’est pas automatique et qu’il est laissé à l’appréciation du comité de promotion. Elle souligne, en outre, que, selon les termes mêmes de l’article 6, paragraphe 1, des DGE 45, la levée, en « tout ou partie », de la sanction ne pourrait être accordée qu’à « titre exceptionnel », ce qui la rendrait aléatoire.

36      En ce qui concerne le second grief invoqué au soutien du premier moyen, la requérante fait valoir que, en lui octroyant, au titre de la rubrique « rendement » de son REC, la note de 6 points sur 10 (« bien ») en lieu et place de 7 points sur 10 (« très bien »), la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de son rendement et que cette erreur constitue une cause d’annulation du REC attaqué.

37      Elle fait valoir, dans la requête, que cette erreur manifeste d’appréciation est la conséquence directe du nouveau système d’évaluation mis en place par la Commission.

38      La requérante fait observer que, en vertu du libellé du formulaire type du REC, repris en annexe des DGE 43, la note de 6 points sur 10, qu’elle a obtenue au titre de la rubrique rendement du REC attaqué, correspond à : « Bon niveau de performance. A atteint la totalité ou la majorité des objectifs. » Elle relève qu’une note de 7 ou 8 points sur 10 correspond à : « Très bon niveau de performance. A dépassé certains objectifs, ou en a atteint un grand nombre (y compris les objectifs prioritaires) malgré les difficultés particulières sur le lieu de travail. »

39      À ce propos, la requérante soutient avoir dépassé les objectifs implicites qui lui avaient été initialement assignés au début de la période de référence, à savoir la seule fonction de gestionnaire du centre d’appel des déménagements. Elle ajoute que, à supposer même que lesdits objectifs implicites aient été seulement atteints et non dépassés, comme la Commission le concevrait implicitement dans son mémoire en défense, l’évaluation de son rendement aurait néanmoins dû aboutir à la mention « très bien » dans la mesure où les objectifs qu’elle a atteints l’ont été dans des conditions difficiles, marquées par une surcharge de travail et, parfois, une absence de formation spécifique.

40      À cet effet, la requérante fait valoir que, en plus de la fonction de gestionnaire du centre d’appel susmentionné (point 39 ci-dessus), il lui a été progressivement demandé, au cours de la période de référence, d’assurer de façon impromptue de nombreuses autres tâches et responsabilités.

41      La requérante indique ainsi avoir été conduite à assurer des tâches de secrétariat pour son chef d’unité.

42      Elle ajoute avoir dû assurer la fonction de formatrice des gestionnaires des biens inventoriés (ci-après les « GBI »). À la Commission qui soutient (point 58 ci-après), afin de minimiser les difficultés rencontrées par la requérante dans l’exécution de ces tâches, que cette dernière a été associée à la nouvelle procédure de formation des GBI dès la conception de celle-ci et a bénéficié d’une formation à l’utilisation de l’outil informatique correspondant, la requérante rétorque qu’une telle présentation des faits par la Commission est matériellement inexacte. Elle soutient avoir assuré ces fonctions à temps plein et de façon impromptue, dès le 16 mars 2001, en remplacement d’une collègue sur le départ, Mme M., qui n’a pas eu le temps de la former. Elle fournit une attestation de Mme L. en ce sens. La requérante produit une autre attestation, établie par M. D., à l’époque administrateur à l’unité OIB.2, selon laquelle sa formation à l’outil informatique Sicmob n’a pas pu avoir lieu en raison des nombreuses nouvelles autres tâches que la requérante a dû reprendre de façon impromptue. La requérante ajoute que l’outil Sicmob a été créé en janvier 1997, soit deux ans et demi avant son arrivée dans l’unité, et qu’elle n’a donc pas été associée à la nouvelle procédure de formation des GBI dès la conception de celle-ci.

43      La requérante poursuit en indiquant avoir au surplus été nommée relais de la coordinatrice des formations (ci-après la « COFO ») pour son unité.

44      À la Commission qui conteste l’existence de conditions de travail difficiles pour la requérante, au motif, notamment, qu’elle aurait bénéficié de formations identiques à celles suivies par les autres COFO de la Commission (point 57 ci-après), la requérante rétorque n’avoir jamais reçu de telle formation au préalable et fournit plusieurs attestations de collègues en ce sens.

45      Ainsi, Mme M., COFO à l’OIB, déclare, notamment, dans une attestation du 25 août 2004, ce qui suit :

« J’insiste sur le fait que [la requérante] n’a jamais reçu de formation préalable étant donné que celle-ci n’était dispensée qu’aux COFO et non aux relais [des] COFO.

Elle a été désignée d’office le matin même de la réunion d’information COFO de l’OIB. À mon grand étonnement, elle est arrivée à la réunion en ne sachant même pas ce que le terme COFO signifiait […]

En dépit de cela, elle a été très active dans ses actions malgré les difficultés rencontrées au sein du groupe […]

À de nombreuses occasions, j’ai passé plusieurs heures en dehors des heures de travail à lui expliquer tout le fonctionnement et les impératifs liés à la fonction.

[La requérante] était parmi les meilleurs éléments de l’équipe. »

46      De la même façon, M. D., à l’époque administrateur à l’unité OIB.2, indique dans une attestation du 20 septembre 2004 :

« En novembre 2001, [la requérante] a été désignée relais COFO de l’unité, le jour même où se tenait la réunion mensuelle des COFO. Elle a repris au pied levé cette nouvelle fonction, sans aucune formation préalable, si ce n’est de l’autoformation et [d]es contacts directs avec la COFO de la direction générale. »

47      La requérante souligne également que son évaluateur lui-même a indiqué au point 6 du REC attaqué que, « [s]ans connaissances particulières dans le domaine, [la requérante] a dû prendre la fonction de coordinatrice des formations COFO ».

48      Enfin, la requérante soutient avoir également assuré la suppléance de son collègue responsable à titre principal du centre d’appel des déménagements.

49      La requérante souligne que son évaluateur a expressément reconnu dans le REC attaqué sa capacité d’adaptation permanente et sa régularité dans l’exécution des différentes tâches qui lui ont été confiées, pour lesquelles elle a dû se former par l’exercice même de sa fonction. Elle soutient que son très bon rendement pendant la période de référence a conduit sa hiérarchie, début 2003, à lui confier, en plus de toutes ses autres tâches, la fonction de gestionnaire principal du centre d’appel des déménagements.

50      À la Commission qui souligne que la requérante n’a pas mentionné explicitement dans son auto-évaluation l’existence de conditions de travail difficiles, la requérante répond que, par définition, l’auto-évaluation intervient avant la prise de connaissance par le fonctionnaire noté de son REC et qu’elle avait été mise en confiance par les propos élogieux de sa hiérarchie.

51      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

52      S’agissant du premier grief au soutien du premier moyen, la Commission considère, en substance, que la moyenne cible et les fourchettes de référence constituent de simples consignes d’évaluation, et non des instructions contraignantes. Dès lors, les évaluateurs n’ayant pas été privés de leur liberté d’appréciation, lesdites consignes ne seraient pas illégales. À l’appui de sa thèse, la Commission, au cours de l’audience, a invoqué l’arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission (T‑43/04, non encore publié au Recueil).

53      S’agissant du grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, la Commission rappelle, à titre liminaire, que les notateurs jouissent d’un très large pouvoir d’appréciation du travail des personnes qu’ils ont la charge de noter.

54      La Commission soutient, ensuite, que la requérante n’a avancé aucun élément permettant de conclure qu’une erreur manifeste d’appréciation a été commise et qu’elle n’a pas dépassé le cadre normal du travail qu’il est légitime d’attendre de la part d’un fonctionnaire normalement diligent.

55      Elle fait, en outre, observer que, en l’absence d’objectifs préalablement fixés pour la période de référence, et conformément aux dispositions du guide de transition citées au point 7 ci-dessus, ce sont les tâches effectivement accomplies par la requérante qui ont fait l’objet d’une appréciation d’ensemble de la part de l’évaluateur au titre de l’évaluation de son rendement.

56      S’agissant des tâches décrites par la requérante dans son auto-évaluation, qui auraient nécessairement été correctement prises en compte par l’évaluateur, la Commission invoque les arguments qui suivent.

57      D’abord, les tâches de relais des COFO auraient été créées à la Commission durant la période de référence en cause et la requérante aurait été choisie pour les remplir en raison du fait que, contrairement à la plupart de ses collègues de l’unité, elle était sans formation technique poussée. La requérante aurait reçu la même formation (sous forme de conférences d’information dispensées par la DG « Personnel et administration ») que les autres relais des COFO de la Commission. Elle ajoute que la requérante a également reçu une formation par le COFO, « même si ce fut en dehors de l’horaire de travail ». Cette formation relèverait de la formation informelle qu’est le tutorat, prévue par la décision de la Commission du 7 mai 2002 relative à la formation du personnel. Une telle situation ne serait pas exceptionnelle et aurait été officialisée dans le document « Cadre stratégique de formation de la Commission pour 2003 », applicable à l’exercice d’évaluation suivant.

58      S’agissant, ensuite, des tâches de formatrice des GBI exercées par la requérante, la Commission fait valoir que leur accomplissement a été facilité par la participation de la requérante à la nouvelle procédure de formation des GBI dès la conception de celle-ci et du bénéfice qu’elle a tiré de la formation à l’utilisation de l’outil informatique correspondant. En réponse à la requérante qui maintient, dans sa réplique, l’absence de formation reçue à cet égard, la Commission répond que la requérante s’est autoformée avec des documents explicatifs, ainsi que cela ressort de l’attestation fournie par M. D, et qu’une telle autoformation, bien que demandant une « participation très active » de la part du fonctionnaire concerné, a, elle aussi, été officialisée l’année suivante dans le « Cadre stratégique de formation de la Commission pour 2003 ».

59      Pour ce qui a trait à la suppléance du collègue chargé de centraliser les demandes de déménagement, la Commission fait valoir qu’il s’agissait pour elle d’effectuer des tâches qu’elle assurait auparavant à titre principal.

60      La Commission fait, par ailleurs, observer que la requérante elle-même, dans son auto-évaluation, n’a pas décrit son environnement de travail comme présentant des difficultés particulières.

61      La Commission ajoute que suivre le raisonnement de la requérante, selon lequel elle mérite une évaluation meilleure au titre de son rendement au motif que, dans des conditions de travail difficiles, elle a atteint, voire dépassé, les objectifs fixés, reviendrait à évaluer comme très bon le rendement de tout fonctionnaire atteignant ses objectifs après que le nombre de ses tâches a été augmenté. Or, l’accroissement des tâches d’un fonctionnaire au cours de sa carrière serait un phénomène normal, qui ne pourrait conduire à affirmer systématiquement que le fonctionnaire a des mérites particuliers ou qu’il a dépassé ses objectifs. À supposer, quod non, que les indications relatives aux objectifs et aux difficultés sur le lieu de travail figurant sur le formulaire type des REC soient applicables, il n’apparaîtrait pas que la requérante a dépassé le cadre normal du travail qu’il est légitime d’attendre de la part d’un fonctionnaire normalement diligent.

 Appréciation du Tribunal

62      S’agissant du grief tiré de la violation de l’article 43 du statut, la requérante n’ayant pas contesté avoir été évaluée en application des dispositions en vigueur relatives à la moyenne cible et aux fourchettes de référence, ledit grief doit donc s’analyser comme une exception d’illégalité au titre de l’article 241 CE soulevée à l’encontre des consignes d’évaluation correspondantes, contenues dans les DGE 43 et les DGE 45 ainsi que dans les guides d’évaluation et de transition pris pour leur application.

63      À cet égard, il convient de rappeler que le fait, pour les évaluateurs, de devoir tenir compte d’une moyenne cible n’est nullement contraire à l’article 43 du statut. Au contraire, le système de la moyenne cible, tel que mis en œuvre dans les DGE, est de nature à favoriser la liberté des notateurs dans l’évaluation des fonctionnaires notés et de promouvoir l’expression d’une notation représentative des mérites de ces fonctionnaires. De surcroît, ce système ne limite pas la possibilité offerte aux évaluateurs de différencier les appréciations portées individuellement sur les prestations de chaque fonctionnaire selon le degré dont ses prestations s’écartent, vers le haut ou vers le bas, de cette moyenne et la moyenne cible n’empêche pas les évaluateurs d’épuiser pleinement l’échelle des points allant de 0 à 20 (arrêt Fardoom et Reinard/Commission, précité, points 52 et 53). Il y a lieu, également, de rejeter l’argument selon lequel, pour respecter la moyenne cible, les notateurs sont obligés de compenser des notations supérieures à cette moyenne par des notations inférieures (arrêt Fardoom et Reinard/Commission, précité, point 56). S’agissant, enfin, des trois fourchettes de référence, il résulte du même arrêt qu’elles ne violent pas non plus l’article 43 du statut (arrêt Fardoom et Reinard/Commission, précité, points 58 à 62).

64      Dans ces conditions il convient de rejeter l’exception d’illégalité soulevée par la requérante

65      S’agissant, ensuite, du grief tiré de l’erreur manifeste, la requérante soutient, en substance, avoir dépassé ou tout au moins largement atteint, à la satisfaction de sa hiérarchie, les objectifs implicites que cette dernière lui avait assignés au cours de la période de référence, et ce dans des conditions difficiles, marquées par une surcharge de travail et l’absence de formation à de nombreuses tâches auxquelles elle a dû s’atteler de façon impromptue. Dans ces conditions, elle estime que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne lui attribuant pas, au titre de l’évaluation de son rendement, une note, supérieure d’un point à celle obtenue, correspondant, dans le formulaire type des REC, à la situation dans laquelle les objectifs ont été atteints voire dépassés dans des conditions de travail difficiles. Cette erreur manifeste d’appréciation découlerait, en outre, directement du nouveau système d’évaluation de la Commission.

66      La Commission estime qu’aucune erreur manifeste d’appréciation n’a été commise. Elle rappelle le large pouvoir d’appréciation des notateurs et conteste l’application à l’exercice transitoire de la méthode prévue à l’article 7, paragraphe 1, des DGE 43, consistant à apprécier le rendement de la requérante au regard d’objectifs préalablement fixés. Elle indique que, conformément au guide de transition, le rendement de la requérante a été apprécié dans son ensemble sur la base des tâches qu’elle a effectuées. À supposer, toutefois, l’article 7, paragraphe 1, des DGE 43 applicable, la Commission soutient que les conditions de travail de la requérante étaient normales.

67      Il y a lieu, d’emblée, de rappeler que, selon la jurisprudence, les notateurs ou évaluateurs jouissent du plus large pouvoir d’appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu’ils ont la charge de noter ou d’évaluer et qu’il n’appartient pas au juge d’intervenir dans cette appréciation, sauf en cas d’erreur ou d’excès manifeste (arrêt de la Cour du 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, Rec. p. 1789, point 23, et ordonnance du Tribunal du 5 mars 2004, Liakoura/Conseil, T‑281/03, RecFP p. I‑A‑61 et II‑249, point 40).

68      Il convient, ensuite, d’examiner le point de savoir si l’article 7, paragraphe 1, des DGE 43 est ou non applicable.

69      Force est de constater que l’article 4, paragraphe 1, des DGE 43 et le guide de transition se fondent sur l’absence d’une fixation préalable des objectifs pour écarter, au titre de l’exercice de transition, la procédure d’évaluation du rendement visée à l’article 7, paragraphe 1, des DGE 43.

70      Or, il ressort du dossier que la requérante s’est vu, préalablement à leur accomplissement, fixer des tâches au cours de la période couverte par le REC attaqué. Si une telle situation factuelle avait eu lieu au cours de l’exercice d’évaluation 2003, lesdites tâches auraient été dénommées « objectifs » et transcrites dans la rubrique correspondante du REC de la requérante.

71      Par ailleurs, il convient de rappeler que le guide de transition ne saurait prévaloir sur des dispositions générales d’exécution du statut (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2005, Merladet/Commission, T‑198/04, non encore publié au Recueil, points 41 à 43).

72      Il y a lieu d’en conclure que, dans la mesure où la requérante avait connaissance des tâches à accomplir au cours de la période couverte par le REC attaqué, la disposition en cause du guide de transition ne saurait prévaloir sur l’article 7, paragraphe 1, des DGE 43 et, partant, elle ne trouve pas à s’appliquer dans le cadre du présent litige. C’est donc au regard de l’article 7, paragraphe 1, des DGE 43 que le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission en évaluant le rendement de la requérante à 6 points sur 10, alors qu’il aurait dû, selon cette dernière, être évalué à 7 points sur 10, au motif que tous ses objectifs auraient été atteints, et ce dans des conditions de travail difficiles, doit être examiné.

73      À cet égard, il est constant que la requérante a effectué, à l’entière satisfaction de sa hiérarchie, toutes les tâches qu’il lui a été demandé d’accomplir. Non seulement cela n’est pas contesté par la Commission, mais il résulte de nombreux éléments du dossier que la hiérarchie de la requérante lui a confié toujours davantage de responsabilités.

74      Il convient, dès lors, d’examiner le point de savoir si les objectifs atteints par la requérante l’ont été « malgré [d]es difficultés particulières sur le lieu de travail » (voir point 38 ci-dessus).

75      À cet égard, le Tribunal considère que la surcharge de travail invoquée par la requérante est confirmée par de nombreux éléments non contestés du dossier. Il est ainsi établi que la requérante a été amenée à travailler, à de « nombreuses occasions », « plusieurs heures » en dehors de l’horaire habituel de travail (voir point 45 ci-dessus), ce que la Commission elle-même admet (voir point 57 ci-dessus). Du reste, interrogée lors de l’audience par le Tribunal, la requérante a indiqué n’avoir jamais été rémunérée pour les heures supplémentaires effectuées en semaine et le week-end, ce que la Commission n’a pas contesté.

76      De même, il est établi que la requérante a, le plus souvent, été obligée de se former à ses nombreuses nouvelles tâches dans l’urgence, sans réel soutien de la part des services de formation de la Commission. La Commission elle-même, tout en soulignant que la formation par l’exercice même de la fonction ou l’autoformation sont des types de formation qui ont été institutionnalisés l’année suivante, admet qu’elles requièrent des efforts importants de la part des fonctionnaires qui les pratiquent (voir point 58 ci-dessus).

77      L’évaluateur indique que la requérante est « dévouée » et « toujours disponible » (rubrique 6.3 du REC attaqué), très « motivée » (rubriques 6.2 et 6.4 du REC attaqué), « courageuse ». Il fait lui-même implicitement référence, dans la rubrique 6.1 (rendement) du REC attaqué, aux difficultés rencontrées par cette dernière en indiquant qu’elle « sait s’adapter en permanence », qu’elle « a dû » (expression marquant la contrainte, et donc la difficulté) prendre certaines fonctions, qu’elle « fait de son mieux pour rechercher le maximum de formations qui ne sont pas organisées par la [Commission] », alors même que la formation technique au sein de l’unité en question est « très importante ».

78      L’argument de la Commission (point 60 ci-dessus) selon lequel la requérante n’a pas formellement mentionné, dans son auto-évaluation, le caractère difficile de ses conditions de travail n’est pas de nature à contredire cette appréciation.

79      Sans se substituer à l’évaluateur, le Tribunal doit donc constater que, en raison du nombre et de la diversité des tâches (dont certaines étaient auparavant effectuées par des agents de la catégorie B) nouvellement confiées à la requérante au cours de l’exercice en cause, de la surcharge horaire et des conditions de formation liées à ces fonctions, la requérante, fonctionnaire de la catégorie C, a travaillé dans des conditions difficiles. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, ces dernières ne sauraient être considérées comme n’allant pas au-delà du cadre normal du travail pouvant légitimement être attendu de la part d’un fonctionnaire normalement diligent.

80      Dans ces conditions, la seule explication possible de l’obtention par la requérante de la note « bien », et non « très bien », au titre du rendement réside dans le fait que l’évaluateur s’est, à tort, senti contraint dans son appréciation des mérites de la requérante par le respect de la note cible.

81      De fait, il convient de relever que, à aucun moment, la Commission n’a contesté l’affirmation de l’évaluateur de la requérante, rapportée par cette dernière et susvisée au point 32 ci-dessus, selon laquelle « des collègues nécessiteux [dans la direction générale et le grade de la requérante] avaient besoin de points pour obtenir une promotion » et que, de ce fait, l’évaluateur de la requérante, pour donner auxdits « collègues nécessiteux » une note supérieure à la moyenne cible, aurait été mécaniquement contraint d’attribuer à d’autres fonctionnaires des notes inférieures à ladite moyenne cible.

82      Il en résulte que les évaluateurs de la requérante se sont sentis liés par la moyenne cible.

83      En outre, il convient de relever que la plupart des évaluateurs de la Commission ont eu le sentiment d’être liés par la moyenne cible, ainsi que cela ressort du « Rapport sur l’évaluation du premier exercice d’évaluation du personnel ‘[REC]’ », établi en décembre 2003 par la DG « Personnel et administration » de la Commission (direction personnel et carrière, unité structure des carrières, évaluation et promotion), et que la Commission a finalement produit à la demande réitérée du Tribunal.

84      Ce rapport indique, en substance, que la très grande majorité des évaluateurs se sont sentis restreints dans leur liberté de notation en raison de l’existence de « pratiques tendant à prédéterminer les notes », et notamment de la moyenne cible. Le rapport se lit notamment comme suit :

–        «Les conditions d’attribution d’une note et l’encadrement de celle-ci par une moyenne forcée assortie de pénalités […] sont considérées comme des éléments négatifs du système. […] Les évaluateurs remettent [...] en cause des pratiques tendant à prédéterminer les notes et réclament surtout plus de marge de manœuvre pour évaluer leur personnel, en élargissant l’échelle de notation, par exemple [Vue d’ensemble des résultats, p. 5] […]

–        Lors des séances ‘Management Matters Live’, une majorité de chefs d’unité a souligné que leur marge de manoeuvre dans l’attribution des notes était très réduite (entre 12 et 15 points, soit 3 points d’échelle utile), alors que, pour les points de priorité, l’échelle utile va de 0 à 10. Ils estiment donc que le poids réel de leur évaluation est réduit, alors qu’ils réalisent [dans une] très large mesure le travail d’évaluation et qu’ils sont en ligne directe pour assumer l’impact éventuellement négatif de l’exercice d’évaluation […]

–        Les réponses des évaluateurs aux questions ouvertes corroborent pleinement ces opinions. Ainsi, 78 % des critiques qu’ils apportent au système REC concernent le manque de marge d’appréciation laissée aux évaluateurs, les notes prédéterminées et, par là, le manque de transparence et d’objectivité [3.2 Évaluateurs, p. 20 et 21] […]

–        La question de l’attribution de notes lors de l’établissement d’un REC n’est abordée par les CPE que par le biais de l’existence d’une moyenne cible. Celle-ci est citée comme source de difficultés par 80 % des rapports des CPE [3.3 Comités paritaires d’évaluation, p. 21] […]

–        Les recommandations des évaluateurs et des membres des CPE vont dans le même sens : il faut rendre plus flexible l’encadrement de l’attribution de la note en élargissant la marge de manœuvre des évaluateurs et en rendant le lien avec la promotion moins direct. Cette dernière suggestion vise essentiellement le lien entre note de mérite au REC et attribution des points de priorité lors de la procédure de promotion [p. 26 et 27, Recommandations ; 4.2. Clarifier le rôle joué par la note et la moyenne forcée]. »

85      Il y a lieu de conclure que, en souhaitant réserver des points de mérite à des « collègues nécessiteux » de même grade que la requérante dans sa direction générale, et en se sentant, à tort, limités par la note cible dans leur liberté d’évaluation des prestations de la requérante, alors que, au contraire, cette dernière favorise, ainsi que l’a jugé le Tribunal dans l’arrêt Fardoom et Reinard/Commission, précité, une telle liberté, les évaluateurs de la requérante ont commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du rendement de la requérante.

86      Il ressort des développements qui précèdent que le premier moyen doit être accueilli. Dès lors, le REC attaqué est entaché d’illégalité et doit être annulé, sans qu’il soit besoin d’examiner les deuxième et troisième moyens.

 Sur les dépens

87      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 9 avril 2003 portant établissement définitif du rapport d’évolution de carrière de la requérante pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 est annulée.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

García-Valdecasas

Cooke

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 février 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. D. Cooke


* Langue de procédure : le français.