Language of document : ECLI:EU:T:2007:37

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 février 2007 (*)

« Fonctionnaires – Réaffectation d’un directeur en qualité de conseiller principal – Intérêt du service – Équivalence des emplois – Réorganisation d’Eurostat – Nomination à un poste de directeur – Avis de vacance – Obligation de motivation – Évaluation des mérites des candidats – Recours en annulation – Recours en indemnité »

Dans les affaires jointes T‑118/04 et T‑134/04,

Giuseppe Caló, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.‑N. Louis et E. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Krämer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 9 juillet 2003 de réaffecter le requérant d’un poste de directeur à un poste de conseiller principal, de la décision de la Commission du 1er octobre 2003 portant réorganisation d’Eurostat, en ce qu’elle confirme la réaffectation du requérant, et une demande en réparation du préjudice moral prétendument subi par le requérant et, d’autre part, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 30 mars 2004 portant nomination de M. N. au poste de directeur de la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement » à Eurostat et portant rejet de la candidature du requérant à ce poste,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 février 2006,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du recours

1        Le requérant est entré au service de l’Office statistique des Communautés européennes (devenu Eurostat) le 1er mars 1971. Il a été nommé fonctionnaire de grade A 7 avec effet au 1er septembre 1971. Il a été promu au grade A 6 avec effet au 1er janvier 1975, au grade A 5 avec effet au 1er novembre 1980, et au grade A 4 avec effet au 1er janvier 1985. Il a été promu au grade A 3 et nommé chef d’unité de l’unité « Gestion des ressources » avec effet au 1er août 1987. À la suite d’une réorganisation des services, il a été affecté, avec effet au 1er janvier 1988, en tant que chef d’unité, à l’unité « Comptes de l’agriculture et structures agricoles », devenue « Statistiques économiques et structurelles de l’agriculture (y compris les forêts) ».

2        Le requérant a été promu à l’emploi de directeur, avec classement au grade A 2, de la direction « Statistiques de l’agriculture, de l’environnement et de l’énergie » d’Eurostat, avec effet au 16 septembre 2001. Le 1er mars 2002, l’intitulé de cette direction a été modifié en « Statistiques sur l’agriculture, l’environnement, l’alimentation et les régions », et le requérant a été confirmé en tant que directeur de cette direction.

3        Sur la base de deux rapports sur la gestion financière et le contrôle d’Eurostat, établis par les services internes de la Commission, cette dernière disposait, à partir du mois de juillet 2003, d’informations démontrant prima facie qu’auraient été commises au sein d’Eurostat une série d’infractions sérieuses au règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), d’application à compter du 1er janvier 2003.

4        Lors d’une réunion du 9 juillet 2003, la Commission a décidé d’établir une équipe opérationnelle multidisciplinaire, dite « task-force », ayant pour mission de conduire une enquête administrative (ci-après la « task-force »). Il a également été décidé de réaffecter, avec mention de leur grade, les six directeurs d’Eurostat, y compris le requérant, à des fonctions de « conseiller principal » créées à cet effet au sein d’Eurostat (ci-après la « décision de réaffectation du 9 juillet 2003 »). Le procès-verbal de cette réunion (ci-après le « procès-verbal du 9 juillet 2003 ») indique :

« [L]es mesures [à prendre] impliquent notamment :

–        l’ouverture immédiate de trois procédures disciplinaires par M. Kinnock en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination ;

–        en accord avec l’[Office européen de lutte antifraude], la création d’une task-force multidisciplinaire pour prendre en charge les aspects internes et externes des enquêtes actuellement gérées par l’[Office européen de lutte antifraude] seul. La task-force sera également chargée de conduire une enquête administrative complète dans le but d’évaluer les responsabilités du personnel impliqué dans toute possible irrégularité financière à Eurostat ;

–        […]

–        provisoirement et dans une première étape, le déplacement des directeurs d’Eurostat ;

–        […]

La Commission :

–        approuve le plan d’action décrit dans le document SEC (2003) 832 ;

–        décide la mutation avec son emploi dans l’intérêt du service, au titre de l’article 7 du statut, de M. V. A. et sa confirmation comme directeur général d’Eurostat […]

–        décide la mutation avec leur emploi dans l’intérêt du service, au titre de l’article 7 du statut, de tous les directeurs actuels d’Eurostat sur des fonctions de conseillers principaux créées au sein d’Eurostat.

Ces décisions prennent effet immédiatement. Comme suite aux observations de M. Solbes et dans le souci du bon fonctionnement du service, la Commission demande que des clarifications soient rapidement apportées concernant la situation de ces directeurs de façon à permettre leur éventuelle reprise de fonction dès que possible. »

5        Le procès-verbal du 9 juillet 2003 se réfère à une communication à la Commission de M. Kinnock, vice-président de la Commission, ayant pour objet les « Investigations Eurostat » [document SEC (2003) 832 ; ci-après la « communication de M. Kinnock »], et qui a été envoyée au personnel d’Eurostat le même jour. Dans cette communication, il est préconisé ce qui suit :

« […] la Commission doit maintenant agir de manière décisive et adopter un paquet intégré de mesures profondes pour faire face à la situation. Il est, dès lors, proposé que les mesures suivantes soient prises :

[…]

Une première analyse des éléments disponibles amène à la conclusion que, dans les circonstances actuelles, il est de l’intérêt de la Commission en tant qu’institution de déplacer un certain nombre de fonctionnaires d’Eurostat qui occupent actuellement des fonctions de management vers des fonctions de conseillers. Provisoirement et dans une première étape, cette mesure concerne tous les directeurs actuels […] Durant le déroulement de l’enquête, la Commission pourra décider de changements ou de compléments nécessaires ou appropriés à ces mesures […] »

6        Dans un communiqué de presse du 9 juillet 2003, la Commission a indiqué :

« […]

La Commission a ouvert des procédures disciplinaires contre trois fonctionnaires de la Commission. À titre conservatoire, un certain nombre de dirigeants d’Eurostat seront mutés et il leur sera confié des fonctions de conseillers.

S’il se révèle qu’un membre faisant ou ayant fait partie du personnel d’Eurostat a commis une infraction au règlement financier et au statut du personnel, il fera l’objet d’une procédure disciplinaire. La Commission tient à souligner que les décisions d’ouverture d’une procédure disciplinaire ou de mutation de fonctionnaires sont prises sans préjudice du principe de la présomption d’innocence.

[…] »

7        Le 15 juillet 2003, le requérant a été entendu par la task-force.

8        Le 16 juillet 2003, la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen s’est réunie et a procédé à un échange de vues sur le dossier Eurostat avec, notamment, M. Kinnock et M. Solbes, membre de la Commission. Il ressort du rapport de cette réunion que M. Kinnock a rappelé que « tous les directeurs d’Eurostat [avaient] été placés à des postes de conseil n’impliquant pas de fonction managériale et [qu’]un ‘screening’ [avait] été entrepris afin de permettre à la Commission d’évaluer leur ‘réinstallation’ pour autant qu’elle soit justifiée. Après avoir indiqué que « [l]es analyses nécessaires [étaient] attendues pour le 23 juillet », il a également constaté « qu’il fallait respecter la présomption d’innocence et l’ensemble des procédures garantissant les droits de la défense ».

9        Le 23 juillet 2003, la Commission a décidé de maintenir dans leurs fonctions à Eurostat les conseillers principaux, en attendant les rapports de la task-force et du service d’audit interne, prévus pour le 29 septembre 2003.

10      En outre, selon le procès-verbal de la réunion du 23 juillet 2003, la Commission a pris note des informations communiquées par M. Solbes oralement et dans la note d’information SEC (2003) 892 concernant les mesures prises ou en voie d’être prises en vue d’assurer la continuité des activités d’Eurostat, d’une part, et la mise en œuvre et le suivi des conclusions des différents rapports d’audit sur la gestion financière du service, d’autre part (ci-après la « note d’information de M. Solbes »). Aux termes dudit procès-verbal, la Commission souligne la « nécessité de préparer dès à présent un plan de contingence afin d’être en mesure de faire face à toute conséquence en termes de management d’Eurostat qui pourrait être tirée de la conclusion des travaux en cours ».

11      La décision de réaffectation du 9 juillet 2003 a été notifiée au requérant, par une lettre non datée, le 4 septembre 2003 (ci-après la « décision notifiée »). Le 24 novembre 2003, le requérant a reçu une nouvelle expédition de la décision notifiée, datée du 29 juillet 2003 et portant le cachet « à verser au dossier personnel […] le 28/8 ». La décision notifiée est libellée comme suit :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination

[...]

considérant le [procès-verbal du 9 juillet 2003], qui a décidé la mutation avec leur emploi dans l’intérêt du service de tous les directeurs actuels d’Eurostat sur des fonctions de conseillers principaux créées à cet effet au sein de l’Eurostat,

décide :

Dans l’intérêt du service, l’affectation [du requérant], fonctionnaire de grade A 2, est modifiée comme suit :

ancienne affectation :  directeur à la direction générale ‘Eurostat’, direction F ‘Statistiques sur l’agriculture, l’environnement, l’alimentation et les régions’ ;

nouvelle affectation :  conseiller principal à la direction générale ‘Eurostat’, auprès du directeur général.

Cette décision prend effet le 9 juillet 2003. »

12      Le 1er octobre 2003, la Commission a adopté une décision portant réorganisation d’Eurostat, avec effet au 1er novembre 2003 (ci-après la « décision de réorganisation »).

13      À cette occasion, la création de six fonctions de conseillers principaux de grade A 2, lesquelles étaient « appelées à disparaître à terme », a été « confirmée ». En outre, il a été décidé de supprimer une direction et une fonction de directeur ainsi que de publier en interne et en externe tous les postes de directeur de la nouvelle structure, à l’exception du poste de directeur de la direction « Ressources », lequel avait été entre-temps pourvu par mutation. Dans ce cadre, l’ancienne direction « Statistiques sur l’agriculture, l’environnement, l’alimentation et les régions » est devenue la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement ».

14      Selon la communication concernant le nouvel organigramme d’Eurostat présentée par M. Kinnock le 30 septembre 2003 (ci-après la « communication sur le nouvel organigramme ») :

« Suite aux décisions prises par la Commission le 9 juillet 2003 puis le 23 juillet concernant Eurostat et comme annoncé dans la [note d’information] de M. Solbes [...], il apparaît nécessaire d’adapter l’organigramme d’Eurostat.

Comme expliqué dans la [note d’information de M. Solbes], Eurostat est confronté à un double défi :

–        assurer la continuité de ses activités, conformément à sa lettre de mission et à son programme de travail ;

–        assurer la mise en œuvre et le suivi de certaines mesures contenues dans divers rapports d’audit concernant la gestion financière d’Eurostat.

La présente proposition de modification de l’organigramme est une des mesures envisagées pour faire face à ces défis […]

[…] cette organisation est motivée par la nécessité de :

–        recentrer Eurostat sur ses activités de base pour la Commission et les États membres […]

–        simplifier la structure organisationnelle, en la rendant plus transparente et cohérente avec les activités principales du service […]

–        répondre aux défis de l’élargissement […]

La traduction de ces objectifs dans la nouvelle organisation s’articule autour de deux axes majeurs :

–        la reconstitution des directions autour des activités et politiques principales de l’Union européenne ;

–        le renforcement de la capacité de gestion financière et de contrôle d’Eurostat, en particulier au niveau du directeur général.

[…]

S’agissant de l’encadrement supérieur, il est proposé – étant donné les exigences qu’impliquent les nouvelles tâches et responsabilités des différentes directions – de publier tous les postes de directeur de la nouvelle structure. Afin d’offrir un panel de candidatures disposant de hautes qualifications et en provenance d’horizons variés, les postes seraient publiés simultanément en interne (au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a) et c), du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes]) et en externe (article 29, paragraphe 2), à l’exception du poste de directeur A ‘Ressources’, qui sera – sur proposition ultérieure du directeur général – publié en interne ou pourvu par mutation.

Les conseillers principaux sont confirmés dans leur fonction. Ils pourront, le cas échéant – sur proposition du directeur général en accord avec le directeur général de la [direction générale ‘Personnel et administration’] et les commissaires de tutelle – être désignés comme directeur faisant fonction en attendant le pourvoi des postes publiés.

Le bilan en terme de fonction d’encadrement est le suivant :

–        le nombre d’unités reste le même (34 unités) ;

–        suppression d’une fonction de directeur A 2 (passage de 7 à 6 directions) ;

–        confirmation de la création provisoire de 6 fonctions A 2 de conseillers principaux, qui sont appelées à disparaître à terme.

Il est ainsi proposé à la Commission de donner son accord sur :

–        cette réorganisation qui entrera en vigueur le 1er novembre 2003 ;

–        la suppression d’une direction et d’une fonction de directeur de grade A 2 ;

–        la décision de publication des emplois de directeurs de grade A 2 et le texte des avis de vacance figurant en annexe III […] »

15      En vertu du procès-verbal de la réunion de la Commission du 1er octobre 2003 :

« La Commission prend note des informations communiquées par M. Kinnock et M. Solbes concernant les modifications proposées à l’organigramme d’Eurostat. S’appuyant sur les enseignements tirés des problèmes rencontrés dans la gestion financière passée d’Eurostat ainsi que sur la nécessité d’assurer la production statistique, le nouvel organigramme s’articule autour de deux axes majeurs portant sur la reconstitution des directions autour des activités et politiques principales de l’Union européenne, d’une part, et le renforcement de la capacité de gestion financière et de contrôle d’Eurostat, en particulier au niveau du directeur général, d’autre part.

[…] la Commission :

–        approuve, avec date d’effet au 1er novembre 2003, la modification de l’organigramme d’Eurostat telle que [décrite dans la communication sur le nouvel organigramme] […] ;

–        approuve la suppression d’une direction et d’une fonction de directeur de grade A 2 avec effet immédiat ;

–        approuve, avec effet immédiat, la publication des avis de vacance pour les postes de directeurs des directions [‘Méthodologie et outils statistiques’, ‘Statistiques économiques et monétaires’, ‘Statistiques du marché intérieur’, ‘Statistiques agriculture, pêche, fonds structurels, environnement’, ‘Statistiques des relations extérieures’] simultanément au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a) et c), et paragraphe 2, du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes]. »

16      Le 6 octobre 2003, M. V. A., directeur général d’Eurostat, a adressé au requérant une note, selon laquelle :

« 1. La Commission, en sa séance du 1er octobre, a confirmé la décision qu’elle a prise le 9 juillet dernier, vous désignant comme conseiller principal auprès d’Eurostat.

2. Depuis le 9 juillet, date à laquelle j’ai été confirmé dans ma nomination comme directeur général d’Eurostat, vous m’avez apporté un appui efficace et loyal à la mission qui m’a été confiée et je tiens à vous en remercier.

[…]

3. Dans les circonstances actuelles, je vous demande de continuer à m’appuyer dans ma mission en m’apportant toute la collaboration et les conseils que l’on peut attendre d’un fonctionnaire de votre grade, disposant de votre expérience au sein d’Eurostat et de la Commission.

[…] »

17      Le 16 octobre 2003, la Commission a publié les avis de vacance d’emplois COM/173/03, COM/174/03, COM/175/03, COM/176/03 et COM/177/03 portant respectivement sur les postes de grade A 2 de directeurs des directions « Méthodologie et outils statistiques », « Statistiques économiques et monétaires », « Statistiques du marché intérieur », « Statistiques agriculture, pêche, fonds structurels, environnement » et « Statistiques des relations extérieures » d’Eurostat.

18      Dans la rubrique « Qualifications minimales requises pour postuler en vue d’une mutation/promotion », située dans le sommaire des avis de vacance au nombre desquels figuraient ces avis de vacance, les conditions suivantes étaient prévues :

–        « appartenir à la même catégorie/cadre/carrière(s) du COM (mutation) » ;

–        « appartenir à la carrière inférieure à celle du COM (promotion, selon l’article 45 du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes]) » ;

–        « connaissances et expérience/aptitudes en relation avec les tâches à exercer » ;

–        « pour les emplois nécessitant des qualifications particulières : connaissances et expérience approfondies dans/en relation avec le secteur d’activité ».

19      Concernant l’emploi de directeur de la direction « Statistiques agriculture, pêche, fonds structurels et environnement », l’avis de vacance COM/176/03 était rédigé comme suit :

« […]

Description de nature de la fonction

Ce directeur sera chargé de diriger et gérer la direction [...] ‘Statistiques [agriculture, pêche, fonds structurels et environnement]’ dont les unités exercent des tâches de production statistique concernant les produits agricoles, la pêche, le développement rural et les forêts, les comptes régionaux et l’environnement.

Il devra, en coordination avec le directeur général, participer au développement d’Eurostat et du Système statistique européen, définir le programme de travail de sa direction sur la base d’une approche de qualité totale du management et participer à l’élaboration d’un programme statistique cohérent pour la Commission.

Il aura la responsabilité du contrôle des opérations financières organisées par les unités qui dépendent de lui.

Qualifications requises

Les candidats devront posséder :

–        une aptitude reconnue à diriger une entité administrative importante sur le plan stratégique et sur le plan de la gestion interne ;

–        une capacité reconnue de s’exprimer en public et d’instaurer de bonnes relations de travail ;

–        une capacité prouvée en matière de management, notamment dans le domaine de la gestion du personnel ;

–        des compétences avérées en matière de représentation et de négociation. Le candidat retenu sera également appelé à représenter la Commission devant le Parlement et le Conseil, ainsi que dans les discussions avec les organismes officiels compétents en matière de statistiques.

Qualification souhaitable

Une bonne expérience dans le domaine de la production ou de l’utilisation de statistiques sera considérée comme un atout.

[…] »

20      Le requérant a posé sa candidature aux cinq emplois de directeur, dont celui de la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement », au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »). M. N., fonctionnaire de grade A 5 de la Commission, occupant, au moment des faits à l’origine du présent recours, la fonction, classée au grade A 2, de chef de cabinet de M. Bolkestein, membre de la Commission, a présenté sa candidature au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut.

21      Le 3 novembre 2003, M. V. A. a de nouveau adressé une note au requérant, selon laquelle :

« 1. Suite à la décision de la Commission […] vous désignant comme conseiller principal et en tenant compte de la mise en œuvre de la réorganisation qui devient effective au 1er novembre en ce qui concerne la nomination des chefs d’unité, il me revient de définir les missions que vous aurez à remplir dans le cadre des activités d’Eurostat.

2. […]

Je souhaiterais continuer à bénéficier de votre expérience en la matière afin de définir une stratégie cohérente pour le développement futur du Système statistique européen.

[…]

4. Dans le cadre de ces missions, il est évident que vous aurez un accès direct à moi-même afin que nous définissions, de commun accord, les modalités pratiques de votre coopération. Je sais que je peux compter sur votre collaboration active et je tiens d’ores et déjà à vous en remercier sincèrement. »

22      Le 1er décembre 2003, le requérant a répondu à la note du directeur général du 3 novembre 2003.

23      Le 4 décembre 2003, le requérant a introduit une réclamation sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 et contre la décision de réorganisation.

24      Le 5 janvier 2004, le secrétaire des panels de présélection a adressé au requérant une note précisant la procédure de présélection et les jours, heures et lieu de ses interviews.

25      À l’issue des travaux des panels de présélection, M. V. A., après vérification des candidatures, a soumis son rapport d’évaluation au comité consultatif des nominations (ci-après le « CCN »), organe consultatif chargé d’émettre un avis destiné aux membres de la Commission exerçant, en l’espèce, les pouvoirs dévolus par le statut à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »).

26      Dans un avis préalable du 24 février 2004, concernant l’emploi de directeur de la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement », le CCN a constaté qu’il avait pris connaissance des appréciations portées sur les candidatures présentées par M. V. A. et que, compte tenu de cet avis, il avait examiné l’ensemble des candidatures et était parvenu à la conclusion que le requérant, M. N. et trois autres candidats devaient être retenus à l’issue de la première phase de sélection et convoqués à un entretien approfondi avec le CCN élargi, comprenant des experts indépendants (ci-après le « CCN élargi »). En revanche, la candidature du requérant pour les emplois de directeur des directions « Méthodologie et outils statistiques », « Statistiques économiques et monétaires », « Statistiques du marché intérieur » et « Statistiques des relations extérieures » n’a pas été retenue.

27      Le CCN élargi a interviewé, le 4 mars 2004, le requérant pour l’emploi de directeur de la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement ».

28      Par note du 5 mars 2004, le CCN a informé le requérant qu’il avait émis un avis selon lequel sa candidature « ne devrait pas être prise en considération à cette occasion ». Selon l’avis qu’il a émis le 5 mars 2004, le CCN a constaté ce qui suit :

« […]

3. À l’issue de ces auditions et au regard du rapport de l’expert externe en ressources humaines […] le [CCN] constate que les candidatures de MM. X, N. et Y, citées par ordre alphabétique, réunissent les qualifications requises pour l’emploi en cause et pourraient être prises en considération. Il considère néanmoins que la candidature de M. N. pourrait plus particulièrement être prise en considération, de par l’éventail plus accentué des qualités affichées par l’intéressé. Les fiches d’évaluation et les curricula vitae des candidats sélectionnés se trouvent en annexe. »

29      Par note du 9 mars 2004, M. V. A. a informé le requérant que sa candidature n’avait finalement pas été retenue pour le poste de directeur.

30      Le 29 mars 2004, les chefs de cabinet des membres de la Commission ont examiné le pourvoi des cinq postes vacants à Eurostat et ont marqué leur accord sur la proposition présentée en séance par le chef de cabinet de M. Kinnock. Toutefois, selon le procès-verbal de la réunion des chefs de cabinet du 29 mars 2004 [SEC (2004) 1652], « un chef de cabinet, dans le cadre de ces cinq nominations et sans s’opposer nullement aux propositions concrètes, [a] appel[é] l’attention sur l’importance d’une gestion rigoureuse des carrières, en particulier en fin de mandat de la Commission, et d’éviter toute impression de recours aux exceptions ».

31      Par décision du 30 mars 2004, la Commission a décidé de nommer M. N. au poste, de grade A 2, de directeur de la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement » et de ne pas retenir la candidature du requérant à ce poste (ci-après la « décision du 30 mars 2004 »). Le projet de procès-verbal de la réunion de la Commission du 30 mars 2004 fait état de ce qui suit :

« [Eurostat, direction ‘Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement’] – Pourvoi du poste de grade A 2 de directeur [PERS (2003) 155 A/6]

La Commission est saisie des candidatures présentées pour le pourvoi du poste de grade A 2 de directeur à la direction générale ‘Eurostat’ au titre de l’article 29 [, paragraphe 1, sous a) et c), et paragraphe] 2, du statut [...]

La Commission prend note des avis du [CCN], rendus les 24 février et 5 mars 2004 [...]

La Commission procède à un examen comparatif des mérites des candidats en fonction des caractéristiques du poste. Ayant considéré la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chacun des candidats, la Commission, sur proposition de M. Kinnock, en accord avec M. le Président et M. Solbes, décide de nommer M. [N.] au poste vacant en cause.

La date de prise d’effet de cette décision sera fixée ultérieurement. »

32      Le même jour, le directeur général d’Eurostat a adressé une note à l’ensemble du personnel d’Eurostat en l’informant de la nomination des directeurs à Eurostat. Selon cette note :

« […]

Ces nominations interviennent à l’issue d’un processus de sélection basé sur des critères sévères et impartiaux, processus qui a été rendu délicat du fait du nombre et de la qualité des candidats.

[…]

Je profite de cette occasion pour remercier les collègues qui assurent les tâches difficiles de directeur faisant fonction pendant cette période de transition. Grâce à leur loyauté et à leur professionnalisme les activités d’Eurostat se sont poursuivies sans interruption permettant ainsi à Eurostat de jouer le rôle essentiel qui est le sien dans le Système statistique européen.

[…] »

33      Le 8 avril 2004, le requérant a introduit une réclamation sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de la Commission du 30 mars 2004 de nommer M. N. au poste de directeur de la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement » et de rejeter la candidature du requérant.

 Procédure et conclusions des parties

34      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mars 2004, le requérant a introduit un recours tendant, notamment, à l’annulation de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 et de la décision de réorganisation (affaire T‑118/04).

35      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande visant notamment à obtenir le sursis à exécution de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 et de la décision de réorganisation. Cette demande a été radiée par ordonnance du président du Tribunal du 10 septembre 2004, Caló/Commission (T‑118/04 R, non publiée au Recueil).

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 avril 2004, le requérant a introduit un recours tendant, notamment, à l’annulation de la décision du 30 mars 2004 (affaire T‑134/04).

37      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande visant notamment à obtenir le sursis à l’exécution de la décision du 30 mars 2004. Cette demande a été radiée par ordonnance du président du Tribunal du 10 septembre 2004, Caló/Commission (T‑134/04 R, non publiée au Recueil).

38      Par décision du 23 août 2004, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant dans le cadre de l’affaire T‑134/04.

39      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, invité les parties à produire certains documents et à répondre à certaines questions écrites du Tribunal. Elles ont déféré à ces demandes.

40      Par ordonnance du président de la troisième chambre en date du 12 janvier 2006, les affaires T‑118/04 et T‑134/04 ont été jointes aux fins de la procédure orale.

41      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 février 2006.

42      À cette occasion, elles ont déclaré n’avoir aucune objection à ce que les affaires soient jointes aux fins de l’arrêt.

43      La Commission ayant été priée, lors de l’audience, de produire certains documents et le requérant ayant été invité à présenter ses observations sur lesdits documents, le président de la troisième chambre a clos la procédure orale par décision du 5 avril 2006.

44      Dans l’affaire T‑118/04, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision notifiée ;

–        annuler la décision de réorganisation, en ce qu’elle confirme la réaffectation du requérant (ci-après la « décision du 1er octobre 2003 ») ;

–        annuler la décision de réorganisation, en ce qu’elle ouvre la procédure de pourvoi des emplois de directeurs à Eurostat, approuve les avis de vacance de ces emplois et fait procéder à leur publication ;

–        condamner la Commission à lui payer, à titre de réparation du préjudice moral subi, la somme de 1 euro ;

–        condamner la Commission aux dépens.

45      Lors de l’audience, le requérant a renoncé à son quatrième chef de conclusions dans l’affaire T‑118/04, ce dont le Tribunal a pris acte.

46      Dans l’affaire T‑134/04, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 30 mars 2004 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

47      Dans les deux affaires, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur les conclusions en annulation dans l’affaire T‑118/04

1.     Sur la demande visant à l’annulation de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003

 Observation préliminaire

48      Il y a lieu de relever que le changement de situation du requérant a été qualifié dans certaines pièces du dossier, notamment dans le procès-verbal du 9 juillet 2003 et dans la décision notifiée, de mutation. Tandis que, dans ses écritures, le requérant a utilisé indifféremment les termes « mutation » et « réaffectation », la Commission a, quant à elle, fait référence à la réaffectation du requérant.

49      À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte du système du statut qu’il n’y a lieu à mutation, au sens propre du terme, qu’en cas de transfert d’un fonctionnaire à un emploi vacant. Il en découle que toute mutation proprement dite est soumise aux formalités prévues aux articles 4 et 29 du statut. En revanche, ces formalités ne sont pas applicables en cas de réaffectation du fonctionnaire, en raison du fait qu’un tel transfert ne donne pas lieu à une vacance d’emploi (arrêt de la Cour du 9 août 1994, Rasmussen/Commission, C‑398/93 P, Rec. p. I‑4043, point 11 ; arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, De Persio/Commission, T‑23/96, RecFP p. I‑A‑483 et II‑1413, point 79, et du 6 mars 2001, Campoli/Commission, T‑100/00, RecFP p. I‑A‑71 et II‑347, point 29).

50      Or, il ressort du dossier que le requérant a été transféré avec son emploi en vue d’exercer une fonction de conseiller principal nouvellement créée, ce qui n’a pas donné lieu à l’ouverture d’une vacance d’emploi et ne constitue donc pas une mutation au sens du statut, mais une réaffectation.

51      La qualification erronée de la modification des fonctions du requérant qui figure tant dans le procès-verbal du 9 juillet 2003 que dans la décision notifiée ne saurait toutefois, en soi, affecter la légalité de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, ce que le requérant ne prétend d’ailleurs pas.

52      Cette qualification n’a pas non plus d’incidence sur la portée de l’argumentation développée par le requérant. En effet, il convient de relever que, dans le cadre des moyens invoqués par celui-ci à l’appui de sa demande en annulation de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, les droits et obligations de l’administration sont semblables en ce qui concerne tant une mutation qu’une réaffectation (voir, en ce sens, arrêt Campoli/Commission, précité, point 31).

53      En effet, bien que le statut ne connaisse pas le terme « réaffectation », il ressort de la jurisprudence que les décisions de réaffectation sont soumises, au même titre que les mutations, en ce qui concerne la sauvegarde des droits et intérêts légitimes des fonctionnaires concernés, aux règles de l’article 7, paragraphe 1, du statut, en ce sens notamment que la réaffectation des fonctionnaires ne peut se faire que dans l’intérêt du service et dans le respect de l’équivalence des emplois. Quelle que soit donc la qualification des actes litigieux, c’est à la lumière des principes de l’article 7, paragraphe 1, du statut que doivent être examinés les moyens soulevés par le requérant (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 février 1981, Carbognani et Coda Zabetta/Commission, 161/80 et 162/80, Rec. p. 543, point 21).

54      Par ailleurs, le Tribunal constate, que lors de sa réunion du 9 juillet 2003, la Commission a adopté un faisceau de décisions individuelles concernant la réaffectation des anciens directeurs d’Eurostat, ces décisions leur ayant été notifiées à une date ultérieure. Dans le cas du requérant, la décision de réaffectation lui a été notifiée le 4 septembre 2003. La référence globale faite à la « décision de réaffectation du 9 juillet 2003 » vise ainsi également cette dernière décision.

 Sur le fond

55      Les arguments invoqués par le requérant à l’appui de son recours en annulation de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 peuvent être regroupés, en substance, en quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 7 du statut, de la décision de la Commission du 21 janvier 1998 concernant l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN et ceux dévolus par le régime applicable aux autres agents (ci-après la « décision du 21 janvier 1998 ») et de la décision de la Commission du 9 novembre 2001 relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN et par le régime applicable aux autres agents à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement pour le personnel rémunéré sur le budget de fonctionnement et le personnel rémunéré sur le budget de recherche et de développement technologique affecté dans les directions générales « Entreprises » et « Société de l’information » (ci-après la « décision du 9 novembre 2001 »). Le deuxième moyen est tiré de la communication tardive de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, le troisième moyen, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du statut, d’un détournement de procédure ainsi que de la violation du droit d’être entendu et le quatrième moyen, de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7 du statut, de la décision du 21 janvier 1998 et de la décision du 9 novembre 2001

–       Arguments des parties

56      Le requérant relève que, en vertu de la table des AIPN annexée à la décision du 9 novembre 2001, les pouvoirs de l’AIPN concernant la réaffectation dans l’intérêt du service à l’intérieur d’une direction générale d’un fonctionnaire autre que de grade A 1 incombent au directeur général de la direction générale d’affectation.

57      Par conséquent, selon le requérant, le collège des membres de la Commission ne disposait pas des pouvoirs de l’AIPN pour adopter la décision de réaffectation du 9 juillet 2003. De même, le président de la Commission n’aurait pas disposé des pouvoirs de l’AIPN pour signer la décision notifiée.

58      Cette décision aurait donc été adoptée par une autorité incompétente, en violation des règles de transparence et d’équité et en méconnaissance de celles visant à rapprocher l’autorité compétente des « niveaux de responsabilités plus directement concernés par la gestion des besoins ».

59      La Commission fait valoir qu’une dérogation aux critères qu’elle a elle-même déterminés dans une décision prise en vertu de l’article 2 du statut ne peut entraîner la nullité d’un acte accompli par l’administration que dans l’hypothèse où cette dérogation risque de porter atteinte à l’une des garanties accordées aux fonctionnaires par le statut ou aux règles d’une bonne administration en matière de gestion du personnel. En effet, une décision de la Commission prise en vertu de l’article 2 du statut aurait pour objet la répartition des attributions à l’intérieur des services de la Commission et ne tendrait pas à instaurer une répartition rigide des compétences, dont l’inobservation serait sanctionnée par la nullité des actes accomplis en dehors du cadre défini par ladite décision. Le caractère purement administratif de cette dernière serait confirmé par le fait que ce type de décision est publié non pas au Journal officiel, mais dans un bulletin d’information destiné au personnel (arrêt De Persio/Commission, précité, point 111). Au surplus, en l’espèce, l’instance ayant adopté la décision se situerait à un niveau supérieur à celui de l’instance désignée en vertu de l’article 2 du statut.

60      En outre, le requérant n’aurait pas indiqué à quelle garantie il aurait été porté atteinte en l’espèce. Au contraire, la Commission souligne que le fait qu’une telle décision fasse l’objet d’une délibération collégiale au plus haut niveau politique et que, ainsi, la décision en cause se trouve dans une plus grande mesure exposée à l’attention et aux éventuelles critiques de la part de l’opinion publique que ne le serait une décision adoptée par le seul directeur général de la direction générale d’affectation de l’intéressé est en lui-même de nature à conférer une protection accrue au fonctionnaire en faisant l’objet.

61      Par ailleurs, la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, adoptée par le collège des membres de la Commission, n’aurait pas non plus été contraire aux règles de bonne administration en matière de gestion du personnel. En effet, cette décision aurait été prise dans une situation spécifique qui aurait imposé d’adopter certaines mesures administratives concernant Eurostat au niveau politique. Dès lors, selon la Commission, les exigences relatives à une bonne administration en matière de gestion du personnel impliquaient que les mesures à l’égard de certains fonctionnaires d’Eurostat découlant desdites mesures administratives soient adoptées au même niveau.

62      Enfin, pour autant que le requérant fasse valoir que l’adoption de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 par le collège des membres de la Commission allait à l’encontre de l’objectif de la décision du 9 novembre 2001, celui-ci étant de favoriser « un rapprochement vers les niveaux de responsabilités plus directement concernés par la gestion des besoins », la Commission observe que ces arguments sont irrecevables. En effet, le requérant ne soulèverait aucun grief lui étant personnel, mais critiquerait une mesure adoptée par la Commission dans le cadre de sa politique de recrutement.

–       Appréciation du Tribunal

63      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du statut, chaque institution détermine les autorités qui exercent en son sein les pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN.

64      En application de la table des AIPN annexée à la décision de la Commission du 9 novembre 2001, en cas de mutation ou de réaffectation dans l’intérêt du service à l’intérieur d’une direction générale, pour le grade A 2, l’AIPN compétente est, comme le fait valoir le requérant, le directeur général concerné.

65      À cet égard, il convient de rappeler que les compétences dont est investie une institution comportent la faculté de déléguer, dans le respect des exigences du traité, un certain nombre de pouvoirs qui relèvent desdites compétences dans les conditions qu’elle détermine (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité, 9/56, Rec. p. 9, 42 et 43, et du 26 mai 2005, Tralli/BCE, C‑301/02 P, Rec. p. I‑4071, point 41). Par les décisions susmentionnées, la Commission a ainsi délégué le pouvoir de réaffecter les fonctionnaires de grade A 2 dans l’intérêt du service aux directeurs généraux concernés.

66      Il s’ensuit que, conformément à la décision du 9 novembre 2001, la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 relevait, en principe, de la compétence du directeur général du requérant, cette compétence lui ayant été déléguée par la Commission.

67      Cette circonstance n’est toutefois pas de nature à entraîner la nullité de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003. En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions portant détermination de la répartition des pouvoirs dévolus à l’AIPN constituent des règles d’organisation interne de l’institution (arrêts de la Cour du 30 mai 1973, De Greef/Commission, 46/72, Rec. p. 543, point 18, et Drescig/Commission, 49/72, Rec. p. 565, point 10 ; arrêt De Persio/Commission, précité, point 111).

68      Une subdélégation ou une dérogation aux critères de répartition des pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN ne pourrait entraîner la nullité d’un acte accompli par l’administration que si une telle subdélégation ou dérogation risquait de porter atteinte à l’une des garanties accordées aux fonctionnaires par le statut ou aux règles d’une bonne administration en matière de gestion du personnel (arrêts De Greef/Commission, précité, point 21 ; Drescig/Commission, précité, point 13, et De Persio/Commission, précité, points 110 à 112).

69      Or, le requérant reste en défaut de démontrer que l’adoption de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 par le collège des membres de la Commission, plutôt que par le directeur général d’Eurostat, comportait de tels risques.

70      Au contraire, dans le contexte particulier des graves irrégularités présumées au sein d’Eurostat, la circonstance que la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 a été adoptée par ledit collège, lequel, en tant qu’autorité délégante, dispose originellement de ce pouvoir, doit être considérée comme protégeant de manière accrue les intérêts du requérant. En outre, ainsi que le fait valoir la Commission, il était conforme au principe de bonne administration qu’une seule et même autorité adopte tant les mesures administratives nécessaires en vue de répondre à la gravité de la situation que les décisions en matière de gestion du personnel qui, selon elle, s’imposaient.

71      Il s’ensuit que, si, ainsi que le fait valoir le requérant, et sans même qu’il soit besoin de s’interroger quant à la recevabilité de ce grief en ce qu’il ne lui serait pas personnel, il ressort du huitième considérant de la décision du 9 novembre 2001 que l’un des objectifs poursuivi par cette décision consiste à favoriser « un rapprochement vers les niveaux de responsabilités plus directement concernés par la gestion des besoins », les circonstances particulières de l’espèce justifiaient pleinement qu’il soit, de manière exceptionnelle, dérogé à cet objectif de bonne gestion administrative et de rationalisation de l’utilisation des ressources humaines. À cet égard, il convient d’ailleurs de rappeler que, selon la jurisprudence, une décision de la Commission prise en vertu de l’article 2 du statut implique une répartition d’affaires à l’intérieur des services de la Commission, plus qu’une répartition rigide dont la non-observation serait sanctionnée par la nullité des actes accomplis en dehors du cadre tracé (arrêt De Persio/Commission, précité, point 111).

72      Enfin, il ressort du dossier que le procès-verbal approuvé a été authentifié par les signatures du président et du secrétaire général de la Commission, comme le prévoit l’article 11 du règlement intérieur de la Commission [C (2000) 3614 ; JO 2000, L 308, p. 26]. La décision de réaffectation du 9 juillet 2003 a donc été régulièrement adoptée par le collège des membres de la Commission.

73      Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen du requérant.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la communication tardive de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003

–       Arguments des parties

74      Le requérant fait valoir que la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 ne lui a été communiquée que plusieurs mois après son adoption, ce en violation de l’article 25, deuxième alinéa, première phrase, du statut, selon lequel toute décision individuelle doit être communiquée par écrit et sans délai au fonctionnaire concerné.

75      Le requérant rappelle, en effet, que la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 ne lui a été notifiée que le 4 septembre 2003, par une lettre non datée, et que ce n’est que le 24 novembre 2003 qu’une copie régularisée de cette décision lui a été notifiée, alors qu’un cachet indique qu’elle aurait été versée, avant de lui être notifiée, à son dossier personnel dès le 28 août 2003.

76      La Commission rappelle que des irrégularités dans la procédure de notification d’une décision sont extérieures à celle-ci et ne peuvent donc pas la vicier (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 39, et du Tribunal du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, RecFP p. I‑A‑239 et II‑745, point 183).

–       Appréciation du Tribunal

77      L’article 25, deuxième alinéa, première phrase, du statut, dispose que toute décision individuelle prise en application du statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé.

78      En l’espèce, la décision de réaffecter le requérant a été adoptée le 9 juillet 2003. Or, force est de constater que, ainsi que le fait observer le requérant, la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 ne lui a été notifiée, par une lettre non datée, que le 4 septembre 2003 et que ce n’est que le 24 novembre 2003 qu’une copie régularisée de cette décision lui a été notifiée, alors qu’un cachet indique qu’elle a été versée, avant de lui être notifiée, à son dossier personnel, dès le 28 août 2003.

79      Il y a ainsi lieu de relever que la notification de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 est intervenue avec un retard significatif, ce qui est regrettable. Toutefois, selon une jurisprudence constante, un retard dans la communication d’une décision individuelle à l’intéressé ne saurait entraîner l’annulation de celle-ci, étant donné que la communication est un acte postérieur à la décision et, partant, n’exerce aucune influence sur le contenu de celle-ci (arrêts de la Cour du 29 octobre 1981, Arning/Commission, 125/80, Rec. p. 2539, point 9, et du 30 mai 1984, Picciolo/Parlement, 111/83, Rec. p. 2323, point 25 ; arrêt du Tribunal du 18 mars 1997, Picciolo et Caló/Comité des régions, T‑178/95 et T‑179/95, RecFP p. I‑A‑51 et II‑155, point 29). En outre, ce retard dans la communication de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 n’a pas porté atteinte aux droits du requérant, qui a pu régulièrement introduire une réclamation ainsi que le présent recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 novembre 1998, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, T‑131/97, RecFP p. I‑A‑613 et II‑1855, point 69).

80      Par conséquent, la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 n’est pas entachée d’illégalité du fait du retard avec lequel la Commission l’a communiquée au requérant. Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du statut, d’un détournement de procédure et de la violation du droit d’être entendu

–       Arguments des parties

81      Le requérant fait valoir que la référence à l’intérêt du service, figurant tant dans le procès-verbal du 9 juillet 2003 que dans la décision notifiée et constituant la seule motivation de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, est non seulement erronée, mais également abusive.

82      En outre, le requérant n’aurait pas été entendu par le président de la Commission avant que celui-ci ne décide de le réaffecter dans l’intérêt du service. Or, le 15 juillet 2003, avant que le président de la Commission n’ait signé la décision notifiée, le requérant aurait été entendu par la task-force. Le compte rendu de son audition établirait clairement qu’aucun manquement n’a pu être retenu à sa charge dans l’exercice tant de ses responsabilités de directeur que de celles de chef d’unité. Après cette audition, le requérant n’aurait plus été entendu dans le cadre des différentes enquêtes.

83      De plus, il apparaîtrait qu’aucun manquement n’a été retenu à sa charge par le service d’audit interne, qui aurait déposé son rapport le 20 octobre 2003. Le requérant aurait établi, le 11 juillet 2003, de même que tous les autres directeurs et chefs d’unités d’Eurostat, une déclaration attestant qu’il n’a pas été impliqué dans les affaires faisant l’objet des enquêtes au sein d’Eurostat.

84      Dès lors, selon le requérant, la décision de la Commission de le réaffecter à un emploi de conseiller principal ne peut trouver sa justification dans une suspicion d’implication dans les irrégularités qui auraient été commises dans la gestion d’Eurostat.

85      Dès le mois de juillet 2003, la Commission aurait disposé des premiers éléments des enquêtes menées respectivement par la task-force et le service d’audit interne. Ces éléments lui auraient permis de constater non seulement que le requérant n’aurait pas été impliqué dans les irrégularités, mais aussi qu’il aurait œuvré directement et indirectement depuis de nombreuses années à les dénoncer. Or, la Commission n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles elle a estimé ne pas devoir permettre au requérant de reprendre ses fonctions sans délai.

86      En outre, la médiatisation des décisions de réaffectation voulue par la Commission aurait accrédité l’idée que le requérant et les autres directeurs réaffectés à des emplois de conseillers principaux étaient suspectés ou même coupables de malversations faisant l’objet des enquêtes relatives à la gestion des programmes relevant de la compétence d’Eurostat. Cette suspicion aurait été renforcée par la précipitation avec laquelle la Commission aurait adopté la décision de réaffecter le requérant d’office et dans l’intérêt du service à des fonctions de conseiller principal créées à cette seule fin et à titre provisoire.

87      Par ailleurs, le requérant aurait été informé de sa réaffectation par la presse et par les courriers électroniques envoyés à tous les membres du personnel de la Commission.

88      En outre, le requérant souligne que le nouveau directeur général, M. V. A., lui a donné instruction de continuer à exercer jusqu’à nouvel ordre toutes les responsabilités qu’il exerçait dans son « ancien » emploi de directeur. Ces instructions établiraient à suffisance de droit que le nouveau directeur général n’avait aucun soupçon ou doute quant aux compétences du requérant, à son honnêteté et à son intégrité. En effet, il apparaîtrait que M. V. A. a reconnu l’appui efficace et loyal que le requérant lui avait apporté dans la mission qui lui avait été confiée par la Commission et qu’il l’en a remercié.

89      Le requérant conclut que, en adoptant la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, la Commission n’a pas agi dans l’intérêt du service mais dans son intérêt propre et, plus particulièrement, dans l’intérêt de certains de ses membres coupables de ne pas avoir pris, en temps utile, les mesures qui s’imposaient après avoir été informés de graves soupçons d’irrégularités pesant sur la gestion des programmes mis en œuvre par Eurostat.

90      La Commission rappelle que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et dans le respect de l’équivalence des emplois (arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. I‑5863, point 40, et arrêt W/Commission, précité, point 87).

91      L’intérêt du service justifierait la réaffectation d’un fonctionnaire, notamment lorsque le maintien de la situation préexistante serait préjudiciable au bon fonctionnement du service (arrêt W/Commission, précité, point 88). Selon la Commission, cette appréciation ne vaut pas seulement lorsque la situation préexistante est caractérisée par des tensions résultant de difficultés relationnelles internes, mais également dans toute autre situation préjudiciable ou exceptionnelle.

92      En l’espèce, la Commission serait parvenue à la conclusion que l’intérêt du service nécessitait la mise en place d’une task-force ayant comme mission d’établir un rapport qui devait lui permettre de prendre les mesures de gestion et d’organisation qui s’imposaient en vue d’assurer le respect de la réglementation financière et des règles afférentes à la bonne administration. Dans ces circonstances, elle aurait légitimement pu considérer que la sérénité et le bon déroulement de ces opérations et, notamment, que les auditions des membres du personnel d’Eurostat seraient mieux assurés si les directeurs en place à Eurostat avant l’adoption de ces mesures ne conservaient pas leurs fonctions de management pendant la durée de ces enquêtes. La Commission fait valoir, en effet, que, à la suite de leur réaffectation, les anciens directeurs ne faisaient plus directement partie de la chaîne hiérarchique de ce service, leur fonction consistant à conseiller le directeur général. C’est uniquement dans ce cadre et sur la base d’instructions ad hoc données par ce dernier que les conseillers principaux auraient pu recourir au soutien de la direction d’Eurostat à laquelle ils avaient antérieurement été affectés en tant que directeur. L’objectif de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 n’aurait donc aucunement été de « mettre fin aux malversations recherchées à Eurostat », mais seulement de rendre possible la conduite efficace et rapide de l’enquête administrative conduite par la task-force au sein d’Eurostat.

93      Selon la Commission, si l’intérêt du service justifie que l’on déplace un fonctionnaire afin de mettre fin à un conflit purement interne qui perturbe la sérénité du service, et cela sans que la responsabilité du fonctionnaire réaffecté ne soit démontrée, il est évident qu’un tel intérêt justifie également l’adoption d’une mesure qui vise à permettre qu’une enquête se déroule dans la sérénité, et cela toujours sans qu’aucune responsabilité ne soit attribuée au fonctionnaire réaffecté, relativement aux questions faisant l’objet de l’enquête. La Commission soutient que, dès lors que la situation préexistante pouvait s’avérer préjudiciable au bon déroulement des investigations qu’elle avait décidées, elle était en droit d’estimer, en vertu de son large pouvoir d’appréciation, que l’intérêt du service justifiait la réaffectation du requérant en tant que conseiller principal.

94      Selon la Commission, le fait qu’il n’existait au moment de l’adoption de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 – ni n’existe, par ailleurs, en ce moment précis – aucune suspicion à l’égard du requérant concernant une éventuelle responsabilité d’une quelconque irrégularité financière est donc dépourvu de pertinence.

95      En outre, la Commission observe que la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 a été prise dans le respect du principe de l’équivalence des grades et des emplois et, plus particulièrement, de la correspondance entre le grade et la fonction. En effet, les instructions de M. V. A. démontreraient que le requérant s’est effectivement vu confier des tâches correspondant à la fonction d’un conseiller principal.

96      Par ailleurs, la Commission relève qu’elle a pleinement respecté ses obligations de sollicitude vis-à-vis du requérant, dans la mesure où, dans ses déclarations adressées au public, elle a établi une distinction très nette entre, d’une part, la réaffectation de certains fonctionnaires d’Eurostat et, d’autre part, l’ouverture de procédures disciplinaires contre certains autres fonctionnaires, comme il ressort du communiqué de presse du 9 juillet 2003. De plus, dans son intervention devant la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen le 16 juillet 2003, M. Kinnock aurait expressément déclaré, concernant le déplacement de certains fonctionnaires d’Eurostat, qu’il fallait respecter la présomption d’innocence ainsi que l’ensemble des procédures garantissant les droits de la défense.

97      Dès lors, la Commission conteste l’argument du requérant, selon lequel « la médiatisation des décisions attaquées voulue par la Commission » aurait « accrédité l’idée que le requérant […] étai[t] suspect[é] ou même coupabl[e] de malversations ». Le seul fait que ces deux séries de mesures soient mentionnées dans un seul document, voire dans une seule intervention orale, ne signifierait pas pour autant que ces déclarations aient pour objet ou même pour effet d’établir, dans l’esprit du public, un quelconque lien intrinsèque entre ces différentes mesures. Au contraire, une nette distinction serait faite entre ce qui est disciplinaire et ce qui ne l’est pas.

98      Enfin, la Commission souligne que la légalité de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 ne peut pas être mise en cause par l’omission d’affecter le requérant à nouveau à un poste de directeur à Eurostat. En effet, la légalité d’un acte communautaire devrait être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté. Dès lors, les instructions adressées au requérant par M. V. A. postérieurement à la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 seraient sans pertinence. En tout état de cause, ces faits ne seraient pas de nature à démontrer une quelconque illégalité de cette décision, laquelle visait à permettre que l’enquête menée par la task-force se déroule en toute sérénité, étant ainsi justifiée par l’intérêt du service.

–       Appréciation du Tribunal

99      À titre liminaire, il convient de rappeler que, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires en considération de leurs aptitudes et de leurs préférences personnelles, il ne saurait être reconnu pour autant aux fonctionnaires le droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques (arrêt Campoli/Commission, précité, point 71). Dès lors, même si le statut, en particulier son article 7, ne prévoit pas explicitement la possibilité de « réaffecter » un fonctionnaire, il ressort d’une jurisprudence constante que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, d’une part, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et, d’autre part, qu’elle respecte l’équivalence des emplois (arrêts de la Cour du 23 mars 1988, Hecq/Commission, 19/87, Rec. p. 1681, point 6, et du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, Rec. p. I‑599, point 11 ; arrêts du Tribunal du 22 janvier 1998, Costacurta/Commission, T‑98/96, RecFP p. I‑A‑21 et II‑49, point 36, et du 26 novembre 2002, Cwik/Commission, RecFP p. I‑A‑229 et II‑1137, point 30).

100    En l’espèce, le requérant n’ayant pas prétendu que la décision de réaffectation avait été adoptée en violation du principe de l’équivalence des emplois, il convient uniquement d’examiner la condition relative à l’intérêt du service.

101    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de l’étendue du pouvoir d’appréciation des institutions dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’AIPN s’est tenue dans des limites raisonnables, non critiquables, et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêts du Tribunal du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, RecFP p. I‑A‑277 et II‑1267, point 53, et du 21 septembre 2004, Soubies/Commission, T‑325/02, RecFP p. I‑A‑241 et II‑1067, point 50).

102    C’est à la lumière de ces principes et dans le cadre du contrôle restreint qu’ils assignent au Tribunal qu’il convient d’examiner la légalité de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 au regard de l’intérêt du service.

103    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la décision notifiée expose qu’il est dans l’intérêt du service de réaffecter le requérant en tant que conseiller principal auprès du directeur général d’Eurostat. Le procès-verbal du 9 juillet 2003, auquel se réfère cette décision, fait état de l’existence de carences et d’irrégularités au sein d’Eurostat appelant des mesures immédiates impliquant, notamment, l’ouverture de trois procédures disciplinaires, la création de la task-force et, « provisoirement et dans une première étape, le déplacement des directeurs d’Eurostat ».

104    Par ailleurs, ce même procès-verbal fait état de la décision de la Commission, en accord avec l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), de créer « une task-force multidisciplinaire pour prendre en charge les aspects internes et externes des enquêtes actuellement gérées par l’OLAF seul ». La task-force devait être « également chargée de conduire une enquête administrative complète dans le but d’évaluer les responsabilités du personnel impliqué dans toute possible irrégularité financière à Eurostat ».

105    S’agissant de la décision de réaffecter les directeurs en place à des postes de conseillers principaux, ce document ajoute que, « comme suite aux observations de M. Solbes et dans le souci du bon fonctionnement du service, la Commission demande que des clarifications soient rapidement apportées concernant la situation de ces directeurs de façon à permettre leur éventuelle reprise de fonction dès que possible ».

106    Ledit procès-verbal renvoie, en outre, à la communication de M. Kinnock, aux termes de laquelle :

« […] la Commission doit maintenant agir de manière décisive et adopter un paquet intégré de mesures profondes pour faire face à la situation. Il est, dès lors, proposé que les mesures suivantes soient prises :

[…]

Une première analyse des éléments disponibles amène à la conclusion que, dans les circonstances actuelles, il est de l’intérêt de la Commission en tant qu’institution de déplacer un certain nombre de fonctionnaires d’Eurostat qui occupent actuellement des fonctions de management vers des fonctions de conseillers. Provisoirement et dans une première étape, cette mesure concerne tous les directeurs actuels […] Durant le déroulement de l’enquête, la Commission pourra décider de changements ou de compléments nécessaires ou appropriés à ces mesures […] »

107    En outre, M. Kinnock a déclaré à la commission du contrôle budgétaire le 16 juillet 2003 ce qui suit :

« [...] tous les directeurs d’Eurostat ont été placés à des postes de conseils n’impliquant pas de fonction managériale et un ‘screening’ a été entrepris afin de permettre à la Commission d’évaluer leur ‘réinstallation’ pour autant qu’elle soit justifiée […] Cette tâche est menée par la nouvelle task-force qui travaille avec le support de l’OLAF. Les analyses nécessaires sont attendues pour le 23 juillet et la Commission prendra ses décisions en tenant compte de l’implication des gestionnaires dans les transactions, leur responsabilité fonctionnelle et les conflits d’intérêt potentiels, mais aussi sur la base des réponses fournies à un questionnaire détaillé envoyé par le nouveau directeur général [...] »

108    Or, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt du service justifiant qu’il soit procédé à une réorganisation de ses services. Dans ces circonstances, le Tribunal considère que la Commission, en estimant que le bon déroulement des enquêtes requérait la réaffectation des directeurs, parmi lesquels le requérant, s’est tenue dans des limites raisonnables, non critiquables, et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée. En effet, la Commission a pu, à bon droit, estimer nécessaire, eu égard à la gravité et à l’urgence de la situation, de retirer auxdits directeurs les fonctions de management qu’ils occupaient en les réaffectant à des postes de conseillers principaux en vue de permettre à la task-force de procéder à ses enquêtes, et notamment à la détermination de l’éventuelle implication des directeurs dans les irrégularités identifiées dans les rapports établis par la direction générale (DG) « Budget » et par le service d’audit interne dont elle disposait au 9 juillet 2003.

109    À cet égard, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, des difficultés relationnelles internes ou externes, lorsqu’elles causent des tensions préjudiciables au bon fonctionnement du service, peuvent justifier la réaffectation d’un fonctionnaire dans l’intérêt du service. Une telle mesure peut même être prise indépendamment de la question de la responsabilité des incidents en cause (arrêts de la Cour du 12 juillet 1979, List/Commission, 124/78, Rec. p. 2499, point 13, et Ojha/Commission, précité, point 42 ; arrêt W/Commission, précité, point 88). Or, comme le fait observer la Commission, il y a lieu de considérer que, si l’intérêt du service justifie que l’on déplace un fonctionnaire afin de mettre fin à un conflit purement interne perturbant le bon fonctionnement du service, et cela sans qu’aucune responsabilité incombant au fonctionnaire réaffecté ne soit démontrée, ce même intérêt justifie également l’adoption d’une mesure visant à permettre qu’une enquête se déroule dans la sérénité, et cela toujours sans qu’aucune responsabilité ne soit attribuée au fonctionnaire réaffecté, relativement aux questions faisant l’objet de l’enquête.

110    En outre, compte tenu de ce que l’objectif poursuivi par les décisions de réaffectation n’était pas de sanctionner les directeurs impliqués dans lesdites irrégularités, mais de permettre le bon déroulement des enquêtes, notamment des investigations destinées à mettre en évidence une éventuelle responsabilité des directeurs (screening), la circonstance, invoquée par le requérant, que les enquêtes menées par la task-force ont mis en évidence qu’aucun manquement ne pouvait être retenu à sa charge concernant les irrégularités financières découvertes au sein d’Eurostat ne modifie aucunement cette appréciation.

111    En tout état de cause, compte tenu de ce que la légalité d’un acte individuel doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existants à la date à laquelle l’acte a été pris (arrêt du Tribunal du 4 juin 2003, Del Vaglio/Commission, T‑124/01 et T‑320/01, RecFP p. I‑A‑157 et II‑767, point 77), le requérant ne saurait utilement invoquer, en vue de démontrer l’illégalité de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, ni le compte-rendu de l’entretien qu’il a eu avec la task-force le 15 juillet 2003, ni la circonstance qu’il n’a plus fait l’objet, après cette date, d’autres entretiens dans le cadre des différentes enquêtes en cours, ni même les instructions que le directeur général lui a données.

112    À cet égard, il y a lieu de relever que le requérant fait observer qu’il a été entendu par la task-force le 15 juillet 2003, soit antérieurement à l’adoption, par le président de la Commission, de la décision notifiée. Or, le compte-rendu de cet entretien établirait clairement qu’il n’était aucunement impliqué dans les irrégularités en cause. Pour autant qu’il faut comprendre de l’argumentation du requérant comme reprochant à la décision notifiée de ne pas comporter de motivation au regard dudit compte-rendu, il y a lieu de constater, ainsi qu’il a été exposé précédemment, que la décision notifiée datée du 29 juillet 2003 ne constitue que l’exécution matérielle, à l’égard du requérant, du faisceau de décisions individuelles adoptées lors de la réunion de la Commission du 9 juillet 2003, ainsi qu’il ressort du considérant même de ladite décision notifiée et de sa date de prise d’effet fixée au 9 juillet 2003. Ne constituant donc pas une décision distincte de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, sa légalité ne saurait être contestée sur la base d’éléments intervenus postérieurement à cette dernière décision.

113    Il résulte de ce qui précède que, dès lors que la Commission avait constaté que la situation préexistante pouvait s’avérer préjudiciable au bon déroulement des investigations qu’elle avait décidées, elle était en droit d’estimer, en application de son large pouvoir d’appréciation, que l’intérêt du service justifiait une mesure de réaffectation du requérant (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 avril 2002, Fronia/Commission, T‑51/01, RecFP p. I‑A‑43 et II‑187, point 55).

114    Le Tribunal considère que la Commission n’a pas dépassé les limites du large pouvoir d’appréciation dont elle jouit en la matière en considérant que la sérénité et le bon déroulement des enquêtes et, notamment, des auditions des membres du personnel d’Eurostat seraient mieux assurés si les directeurs en place à Eurostat avant l’adoption de ces mesures ne conservaient pas leurs fonctions de management pendant la durée desdites enquêtes. Ainsi, la Commission a pu estimer, sans entacher son appréciation d’une erreur manifeste, que le maintien en place des directeurs aurait constitué une situation préjudiciable au bon fonctionnement du service. En effet, ainsi que le fait observer la Commission, la réaffectation a eu pour conséquence que les anciens directeurs ne faisaient plus directement partie de la chaîne hiérarchique des services, leur fonction consistant à conseiller le directeur général. C’est ainsi uniquement dans ce cadre et sur la base d’instructions ad hoc données par ce dernier que les conseillers principaux pouvaient recourir au soutien de la direction d’Eurostat à laquelle ils avaient antérieurement été affectés en tant que directeur.

115    Cette appréciation ne saurait être mise en cause par l’affirmation du requérant selon laquelle, en adoptant la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, la Commission n’a pas agi dans l’intérêt du service, mais dans son intérêt propre et, plus particulièrement, dans l’intérêt de certains de ses membres, lesquels auraient été coupables de ne pas avoir adopté en temps utile les mesures qui s’imposaient après avoir été informés de graves soupçons d’irrégularités pesant sur la gestion des programmes mis en œuvre par Eurostat. En effet, à supposer que le requérant entende de la sorte invoquer un moyen tiré d’un détournement de pouvoir, force est de constater, d’une part, qu’il s’agit d’une pure allégation dépourvue du moindre élément de preuve et, d’autre part, que, selon la jurisprudence, dès lors qu’une décision n’a pas été jugée contraire à l’intérêt du service, il ne saurait être question de détournement de pouvoir (arrêts du Tribunal du 10 juillet 1992, Eppe/Commission, T‑59/91 et T‑79/91, Rec. p. II‑2061, point 57 ; du 19 juin 1997, Forcat Icardo/Commission, T‑73/96, RecFP p. I‑A‑159 et II‑485, point 39, et Campoli/Commission, précité, point 63).

116    Or, il a été exposé précédemment que la décision de la réaffectation du 9 juillet 2003 du requérant devait être considérée comme conforme à l’intérêt du service. Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus, le grief tiré d’un détournement de pouvoir doit être rejeté.

117    Enfin, en réponse à l’argument du requérant selon lequel la communication au public des décisions de réaffectation a accrédité l’idée que celui-ci était suspecté ou même coupable des malversations en cause, la Commission fait valoir qu’elle a respecté ses obligations de sollicitude à l’égard de ce dernier, dans la mesure où, dans ses déclarations adressées au public, elle a établi une distinction très nette entre, d’une part, la réaffectation de certains fonctionnaires d’Eurostat et, d’autre part, l’ouverture de procédures disciplinaires contre certains autres fonctionnaires de cette direction générale. En effet, selon la Commission, le seul fait que ces deux séries de mesures soient mentionnées dans un seul document, voire dans l’intervention orale de M. Kinnock devant la commission du contrôle budgétaire, ne signifie pas pour autant que ces déclarations aient pour objet ou même pour effet d’établir, dans l’esprit du public, un quelconque lien intrinsèque entre ces différentes mesures.

118    À cet égard, le Tribunal constate que le communiqué de presse du 9 juillet 2003, cité au point 6 ci-dessus, n’opère aucune distinction nette entre la réaffectation de certains directeurs et l’ouverture de procédures disciplinaires. La Commission y constate, tout d’abord, qu’elle « a ouvert des procédures disciplinaires contre trois fonctionnaires de la Commission ». Dans la phrase suivante, elle constate que, « à titre conservatoire, un certain nombre de dirigeants d’Eurostat seront mutés et il leur sera confié des fonctions de conseillers ». Enfin, elle ajoute que, « s’il se révèle qu’un membre faisant ou ayant fait partie du personnel d’Eurostat a commis une infraction au règlement financier et au statut du personnel, il fera l’objet d’une procédure disciplinaire ».

119    Or, il convient de relever qu’un lien peut apparaître entre l’expression « à titre conservatoire » et le membre de phrase « s’il se révèle », donnant ainsi l’impression que les directeurs réaffectés feront l’objet d’une procédure disciplinaire. Cette impression est soutenue par un paragraphe ainsi rédigé :

« Par mesure de prévention, toutes les archives locales et centrales d’Eurostat ont été mises en lieu sûr […] Le directeur général faisant fonction a demandé à tout le personnel d’encadrement de répondre à une série de questions concernant les allégations d’irrégularités. »

120    Dès lors, la communication au public de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 a pu accréditer l’idée que le requérant et les autres directeurs réaffectés à des emplois de conseillers principaux pouvaient être coupables ou, à tout le moins, suspectés des malversations faisant l’objet des enquêtes relatives à la gestion des programmes relevant de la compétence d’Eurostat. Cette impression n’est pas levée par l’indication selon laquelle la « Commission tient à souligner que les décisions d’ouverture d’une procédure disciplinaire ou de mutation de fonctionnaires sont prises sans préjudice du principe de la présomption d’innocence ». Au contraire, cette phrase tend à placer sur un même plan l’ouverture des procédures disciplinaires et la réaffectation des anciens directeurs. Bien que la Commission admette elle-même, devant le Tribunal, que le requérant n’a jamais été suspecté d’avoir pris part aux irrégularités, il y a lieu de constater que le communiqué de presse du 9 juillet 2003 a nécessairement laissé une impression fort différente à l’égard du public.

121    Cette circonstance ne saurait, en soi, affecter la légalité de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, dont il a été constaté qu’elle était conforme à l’intérêt du service. Elle constitue néanmoins un élément pertinent dans le cadre de l’examen de la demande en indemnité.

122    Enfin, en ce qui concerne la prétendue violation du droit d’être entendu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si une simple mesure d’organisation interne, prise dans l’intérêt du service, ne porte pas atteinte à la position statutaire du fonctionnaire ou au respect du principe de correspondance entre le grade et l’emploi, l’administration n’est pas tenue d’entendre préalablement l’intéressé à ce sujet (arrêt du 7 mars 1990, Hecq/Commission, précité, point 14, et arrêt Cwik/Commission, précité, point 62). Dès lors, compte tenu de ce que la décision de réaffectation a été prise dans l’intérêt du service et, ce que ne conteste pas le requérant dans le cadre du présent recours, dans le respect du principe de correspondance entre le grade et l’emploi, ni la Commission ni son président n’étaient tenus d’entendre le requérant préalablement à l’adoption de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003.

123    Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

124    Le requérant fait valoir que la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 a été prise en violation de l’obligation de motivation. En effet, la Commission n’aurait fourni au requérant aucune explication justifiant sa réaffectation à un poste de conseiller principal. Cette irrégularité n’aurait pas non plus été couverte en réponse à la réclamation, car aucune décision n’aurait été prise à cet égard. À aucun moment, la Commission n’aurait expliqué les raisons pour lesquelles le requérant ne pouvait pas reprendre ses fonctions de directeur, étant donné que déjà les premiers éléments des enquêtes auraient permis d’établir que le requérant n’était aucunement impliqué dans les irrégularités.

125    La Commission relève que la décision notifiée ne vise pas seulement expressément l’article 7 du statut, mais se réfère également au procès-verbal du 9 juillet 2003, dont le requérant avait connaissance. Or, ce procès-verbal se référerait à la communication de M. Kinnock, dans laquelle la finalité des mesures adoptées lors de la réunion du 9 juillet 2003 serait amplement exposée.

–       Appréciation du Tribunal

126    En réponse au présent moyen du requérant, il suffit de rappeler que, si une simple mesure d’organisation interne, prise dans l’intérêt du service, ne porte pas atteinte à la position statutaire du fonctionnaire ou au principe de correspondance entre le grade et l’emploi, l’administration n’est pas tenue de la motiver (arrêt du 7 mars 1990, Hecq/Commission, précité, point 14, et arrêt Cwik/Commission, précité, point 62). La décision de réaffectation du 9 juillet 2003 constituant une simple mesure d’organisation interne prise dans l’intérêt du service respectant les conditions mentionnées ci-dessus, force est de constater que la Commission n’était aucunement tenue de la motiver à l’égard du requérant. Le moyen est donc inopérant.

127    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑135/00, RecFP p. I‑A‑265 et II‑1313, point 28).

128    Selon une jurisprudence constante, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts W/Commission, précité, point 141 ; Campoli/Commission, précité, point 50, et Cwik/Commission, précité, point 63).

129    En l’espèce, la lettre de notification se réfère au procès-verbal du 9 juillet 2003, qui, à son tour, se réfère à la communication de M. Kinnock, envoyée au personnel d’Eurostat le 9 juillet 2003. Or, il y a lieu de relever que la finalité des mesures adoptées lors de la réunion du 9 juillet 2003 est exposée dans cette communication.

130    Le requérant n’est donc pas fondé à prétendre qu’il n’a pas eu connaissance, ni personnellement ni fonctionnellement, du contexte justifiant la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, étant donné que, ainsi que le fait valoir la Commission, non contestée par le requérant sur ce point, il a eu connaissance de tous ces documents.

131    Dès lors, compte tenu du contexte dans lequel la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 est intervenue, ledit contexte étant connu du requérant, il y a lieu de considérer que celui-ci a été en mesure d’en apprécier la légalité ainsi que l’opportunité de la soumettre à un contrôle juridictionnel. Le moyen est donc, en tout état de cause, dépourvu de fondement.

132    Par conséquent, le quatrième moyen doit être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003.

2.     Sur la demande visant à l’annulation de la décision du 1er octobre 2003

133    Il y a lieu de relever que, dans ses écritures, le requérant ne soulève aucun moyen spécifique à l’appui de son chef de conclusions visant à l’annulation de la décision du 1er octobre 2003. Dans le cadre des moyens relatifs à la demande visant à l’annulation de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003, il soutient néanmoins brièvement, en substance, d’une part, que les décisions attaquées, au nombre desquelles figure la décision du 1er octobre 2003, sont entachées d’un détournement de pouvoir en ce qu’elles auraient été adoptées non dans l’intérêt du service, mais dans l’intérêt particulier de certains membres de la Commission et, d’autre part, que la décision du 1er octobre 2003 est entachée d’une absence de motivation.

134    Premièrement, en ce qui concerne l’existence de l’intérêt du service, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 101 ci-dessus, compte tenu de l’étendue du pouvoir d’appréciation des institutions dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’AIPN s’est tenue dans des limites raisonnables, non critiquables, et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée.

135    En l’espèce, il ressort du procès-verbal de la réunion de la Commission du 1er octobre 2003, cité au point 15 ci-dessus, que la Commission a approuvé la modification de l’organigramme d’Eurostat telle que reprise dans la communication sur le nouvel organigramme, comprenant la suppression d’une direction et d’un poste de directeur de grade A 2 ainsi que la publication des avis de vacance pour les postes de directeurs. Dans la communication sur le nouvel organigramme, on constate la « confirmation de la création provisoire de 6 fonctions A 2 de conseillers principaux, qui sont appelées à disparaître à terme ».

136    En outre, il ressort de la communication sur le nouvel organigramme que la réorganisation des services d’Eurostat était motivée par la nécessité de recentrer Eurostat sur ses activités de base, de simplifier sa structure organisationnelle et de répondre aux défis de l’élargissement. S’agissant de l’encadrement supérieur, cette communication ajoute qu’« il est proposé – étant donné les exigences qu’impliquent les nouvelles tâches et responsabilités des différentes directions – de publier tous les postes de directeur de la nouvelle structure ».

137    Le requérant ne démontre aucunement que la Commission a fait usage de ses pouvoirs de manière manifestement erronée en considérant que la nouvelle organisation d’Eurostat entraînait la nécessité de pourvoir les postes de directeur par voie d’avis de vacance et, par voie de conséquence, de maintenir les conseillers principaux en place. En effet, la seule circonstance, invoquée par le requérant dans ses écritures, que celui-ci ait fait l’objet d’appréciations élogieuses et de remerciements de la part du directeur général pour le travail accompli en tant que conseiller principal ne saurait remettre en cause la décision de la Commission selon laquelle les exigences résultant des nouvelles tâches et responsabilités attribuées aux directeurs dans le cadre de la réorganisation des services d’Eurostat nécessitaient de pourvoir à ces postes par voie d’avis de vacance. L’argument du requérant, présenté à l’audience, selon lequel la direction dont il était directeur n’a fait l’objet d’aucune modification organisationnelle doit être rejeté pour les mêmes motifs, à supposer même que cette circonstance soit établie.

138    Il s’ensuit que la Commission n’a pas dépassé les limites du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose dans l’évaluation de l’intérêt du service justifiant que le requérant soit maintenu dans ses fonctions de conseiller principal le 1er octobre 2003.

139    Il en découle également que, conformément à la jurisprudence selon laquelle, dès lors qu’une décision n’a pas été jugée contraire à l’intérêt du service, il ne saurait être question de détournement de pouvoir (arrêts Eppe/Commission, précité, point 57 ; Forcat Icardo/Commission, précité, point 39, et Campoli/Commission, précité, point 63), le moyen du requérant tiré de ce que la décision du 1er octobre 2003 serait entachée d’un détournement de pouvoir doit être rejeté.

140    Enfin, lors de l’audience, le requérant a formulé certains griefs tendant à contester la légalité non pas uniquement de la décision du 1er octobre 2003 mais, plus généralement, de la décision de réorganisation dans son ensemble, en ce que celle-ci ne répondrait pas aux objectifs qu’elle prétend poursuivre et qu’elle aurait été adoptée alors que les rapports relatifs aux différentes enquêtes sur lesquels elle était censée reposer n’avaient pas encore été établis.

141    Or, il y a lieu de relever que, dans ses écritures, le requérant n’a formulé aucun chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision de réorganisation dans son ensemble et qu’il n’a pas non plus soulevé de moyen visant à contester la légalité de la décision du 1er octobre 2003 en ce que celle-ci serait fondée sur la décision de réorganisation, motif pris de ce que cette dernière serait elle-même illégale. Il s’ensuit que ces griefs doivent être rejetés comme irrecevables, conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), et à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

142    Deuxièmement, en ce qui concerne la motivation de la décision du 1er octobre 2003, il convient de rappeler que, si une mesure d’organisation interne, prise dans l’intérêt du service, ne porte pas atteinte à la position statutaire du fonctionnaire ou au principe de correspondance entre le grade et l’emploi, l’administration n’est pas tenue de la motiver (arrêt du 7 mars 1990, Hecq/Commission, précité, point 14, et arrêt Cwik/Commission, précité, point 62). La décision du 1er octobre 2003 remplissant ces conditions, la Commission n’était donc pas tenue de la motiver à l’égard du requérant.

143    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt Morello/Commission, précité, point 28).

144    En outre, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts W/Commission, précité, point 141 ; Campoli/Commission, précité, point 50, et Cwik/Commission, précité, point 63).

145    En l’espèce, aux termes du procès-verbal de la réunion du 1er octobre 2003 que le requérant a lui-même produit en annexe à son recours dans l’affaire T-118/04, la Commission a approuvé la modification de l’organigramme d’Eurostat telle que reprise à la communication sur le nouvel organigramme. Cette communication présente des explications détaillées relatives à la réorganisation ainsi que les motifs qui la justifient. Référence y est également faite à la note d’information de M. Solbes du 23 juillet 2003, dans laquelle celui-ci explique les raisons pour lesquelles il est nécessaire d’adapter l’organigramme d’Eurostat.

146    Dès lors, compte tenu du contexte dans lequel la décision du 1er octobre 2003 est intervenue, et qui était connu du requérant, il y a lieu de considérer que ce dernier a été en mesure d’en apprécier la légalité ainsi que l’opportunité de la soumettre à un contrôle juridictionnel.

147    Il résulte de ce qui précède que la demande en annulation de la décision du 1er octobre 2003 doit être rejetée.

 Sur la demande en indemnité dans l’affaire T‑118/04

1.     Arguments des parties

148    Le requérant fait valoir que, en adoptant la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 ainsi que la décision du 1er octobre 2003, la Commission n’a pas agi dans l’intérêt du service et a, dès lors, commis une faute de service qui engage sa responsabilité.

149    Cette faute serait aggravée par la situation du requérant qui exerce, outre ses fonctions au sein d’Eurostat, des responsabilités de représentant du personnel d’un niveau élevé.

150    La Commission aurait donc porté gravement atteinte à la réputation professionnelle et à la dignité du requérant. Par conséquent, le requérant demande le paiement d’un euro symbolique en indemnisation du dommage moral grave subi.

151    Premièrement, la Commission fait valoir que le requérant n’a pu apporter la preuve de l’illégalité d’actes commis par la Commission.

152    Deuxièmement, dans la mesure où la décision du 1er octobre 2003 ne ferait pas grief au requérant, aucun préjudice ne pourrait en résulter.

153    Troisièmement, l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constituerait, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que ce dernier pourrait avoir subi, sauf lorsque l’acte illégal de l’administration comporte une appréciation des capacités ou du comportement du fonctionnaire susceptible de le blesser (arrêts de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, Rec. p. I‑225, points 25 à 29, et du Tribunal du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, point 98). Or, en l’espèce, ni la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 ni la décision du 1er octobre 2003 ne comporteraient la moindre appréciation de cette nature qui pourrait être considérée comme blessante pour le requérant. En effet, ces décisions auraient été prises dans le seul intérêt du service et sans considération d’un quelconque comportement individuel du requérant. Le requérant n’aurait produit aucun élément dont il découlerait que l’annulation de ces décisions pourrait être insuffisante pour réparer le prétendu préjudice moral qu’elle aurait subi. Partant, à supposer même que les décisions attaquées soient illégales, la demande en indemnité ne serait pas fondée, dès lors que l’annulation de ces décisions suffirait à réparer le prétendu préjudice moral du requérant.

2.     Appréciation du Tribunal

154    La responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions tenant à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Ainsi, doit être rejetée la demande introduite par un fonctionnaire visant à obtenir réparation du préjudice moral et matériel qui lui aurait été causé par l’illégalité du comportement de l’organe communautaire, dès lors que cette illégalité n’est pas établie (arrêts W/Commission, précité, point 165, et Cwik/Commission, précité, point 72).

155    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a considéré, dans le cadre de l’examen du troisième moyen, que les formes données à la médiatisation de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 avaient nécessairement produit, à l’égard du public, ou à tout le moins d’une partie de celui-ci, l’impression que le requérant était mêlé aux irrégularités commises au sein d’Eurostat.

156    Ainsi, si les décisions attaquées ne sauraient, en soi, être entachées d’illégalité, il n’en reste pas moins que, en agissant de la sorte, la Commission a commis une faute de service de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la requérante, dès lors que ladite faute est étroitement liée à la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 faisant l’objet de la demande en annulation.

157    Or, il ne saurait être nié que, en donnant l’impression, par la voie d’un communiqué de presse librement accessible au public, que le requérant était, ne serait-ce que de manière éloignée ou indirecte, associé aux malversations en cause ou, à tout le moins, qu’une telle suspicion pesait sur lui, une telle faute a causé un préjudice moral au requérant, dès lors qu’elle l’a placé dans la situation de devoir continuellement se justifier tant vis-à-vis de ses collègues que des personnes extérieures à Eurostat.

158    Dans ces circonstances, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’accueillir la demande du requérant visant à la réparation du dommage moral qu’il a subi du fait de la faute de service de la Commission et de condamner cette dernière à lui verser un euro à ce titre.

 Sur les conclusions en annulation dans l’affaire T‑134/04

159    Le requérant invoque cinq moyens à l’appui de ses conclusions en annulation de la décision du 30 mars 2004. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 4 du statut, le deuxième, de l’illégalité de l’avis de vacance COM/176/03, le troisième, de la violation de l’avis de vacance COM/176/03, le quatrième, de la violation des droits de la défense et des principes d’impartialité, d’équité et de transparence et le cinquième, de la violation de l’obligation de motivation et de l’article 26 du statut.

1.     Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4 du statut

 Arguments des parties

160    Le requérant fait valoir, en substance, que la décision du 30 mars 2004 viole l’article 4 du statut en ce qu’elle ne visait pas à pourvoir un emploi vacant. En effet, la décision de réaffectation du 9 juillet 2003 ayant été adoptée en violation de la décision du 9 novembre 2001, le requérant devrait toujours être considéré comme occupant son emploi de directeur de la direction « Statistiques sur l’agriculture, l’environnement, l’alimentation et les régions » à Eurostat.

161    Le requérant conclut que, à défaut d’emploi vacant, la Commission ne pouvait légalement nommer M. N. à l’emploi de directeur à Eurostat, emploi occupé légalement par le requérant.

162    La Commission conteste la prétendue illégalité de la décision de réaffectation du 9 juillet 2003.

 Appréciation du Tribunal

163    Le Tribunal ayant rejeté, dans le cadre de l’affaire T‑118/04, le moyen tiré de la violation de la décision du 9 novembre 2001 comme dépourvu de fondement, le présent moyen est fondé sur une prémisse erronée et doit donc également être rejeté.

2.     Sur le deuxième moyen, tiré de l’illégalité de l’avis de vacance COM/176/03

 Arguments des parties

164    Le requérant considère, en se référant à l’arrêt du Tribunal du 9 juillet 2002, Tilgenkamp/Commission (T‑158/01, RecFP p. I‑A‑111 et II‑595, points 50, 51, 54 et 55), que tout avis de vacance d’emploi doit informer les intéressés, d’une façon aussi exacte que possible, des conditions et des qualifications requises pour occuper les postes vacants et fixer le cadre de légalité au regard duquel l’institution entend procéder à l’examen comparatif des mérites respectifs des candidats.

165    Or, en l’espèce, dans les avis de vacance publiés le 16 octobre 2003, les qualifications requises et la qualification souhaitable seraient identiques pour tous les cinq emplois, bien que la nature des fonctions soit totalement différente.

166    S’inspirant du livre blanc sur la réforme de la Commission [(COM 2000) 200 final/2], la Commission aurait pris des mesures pour améliorer les procédures de sélection, de nomination et de mobilité des membres du personnel pour les grades A 1 et A 2 et aurait procédé à une réforme complète de l’organisation du CCN. S’agissant des avis de vacance, le livre blanc aurait prévu ce qui suit :

« Les tâches de gestion principales et les exigences en matière de connaissances et/ou d’expérience dans les domaines d’activités et les procédures de l’U[nion européenne] devraient être décrites en se fondant sur les descriptions d’emplois normalisées […] »

167    En l’espèce, les avis de vacance des cinq emplois de directeur, notamment celui de directeur de la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement », ne préciseraient ni la nature, ni le niveau des connaissances et/ou d’expérience dans le domaine d’activités spécifique de chaque direction et, plus particulièrement dans le domaine des statistiques de l’agriculture, de la pêche, des fonds structurels et de l’environnement.

168    La Commission conteste la recevabilité de ce moyen en faisant valoir que le requérant ne prétend ni ne démontre que les conditions relatives à l’accès aux emplois de directeurs à Eurostat définis par les avis de vacance avaient pour effet d’exclure sa candidature à ces emplois. Au contraire, il se limiterait à faire valoir, en substance, que ces avis ne sont pas rédigés de manière suffisamment spécifique en ce qui concerne les connaissances et l’expérience dans les domaines respectifs couverts par les différents emplois à pourvoir. Dès lors, le requérant ne soulèverait aucun grief qui lui soit personnel, mais critiquerait une mesure adoptée par la Commission dans le cadre de sa politique de recrutement.

169    Quant au fond, la Commission se prévaut de son large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne les conditions requises pour occuper l’emploi vacant. Le requérant n’apporterait pas le moindre élément dont il ressortirait que, en fixant dans les avis de vacance litigieux, les conditions requises pour occuper les emplois vacants, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation. En outre, elle rappelle qu’un avis de vacance se rapportant à un emploi de grade A 2 peut, en fixant des conditions, laisser une certaine marge d’appréciation à l’AIPN, compte tenu de l’importance de la fonction à pourvoir.

 Appréciation du Tribunal

170    Il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre d’une procédure de recrutement, le requérant peut, à l’occasion d’un recours dirigé contre des actes ultérieurs, faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui leur sont étroitement liés (arrêt du Tribunal du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, point 48).

171    Par ailleurs, il n’y a lieu d’examiner les irrégularités alléguées de l’avis de vacance que dans la mesure où ces irrégularités affectent la légalité de la décision de rejet de la candidature du requérant (voir, en ce sens, arrêt Theodorakis/Conseil, précité, point 49).

172    Pour qu’un moyen tiré d’une irrégularité de l’avis de vacance puisse entraîner l’annulation de la décision incriminée, il faut qu’il soit établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait pu avoir un contenu différent (arrêt du Tribunal du 13 juillet 2000, Hendrickx/Cedefop, T‑87/99, RecFP p. I‑A‑147 et II‑679, point 64).

173    En l’espèce, le requérant soutient, en substance, que l’avis de vacance a été rédigé en des termes tellement généraux et imprécis qu’il n’a pas permis à l’AIPN de procéder à un examen comparatif des mérites des différents candidats et de justifier le rejet de sa candidature.

174    Il convient de rappeler tout d’abord que, selon une jurisprudence constante, le rôle essentiel de l’avis de vacance est d’informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper l’emploi dont il s’agit, afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu de faire acte de candidature (arrêt de la Cour du 7 février 1990, Müllers/CES, C‑81/88, Rec. p. I‑249, publication sommaire, point 20 ; arrêts du Tribunal du 11 décembre 1991, Frederiksen/Parlement, T‑169/89, Rec. p. II‑1403, point 67 ; du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T‑6/96, RecFP p. I‑A‑119 et II‑357, point 97, et Morello/Commission, précité, point 62).

175    En l’espèce, il y a lieu de constater que l’avis de vacance a rempli cette fonction essentielle, puisqu’il a permis au requérant de faire acte de candidature pour le poste en question (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 mai 1995, Benecos/Commission, T‑16/94, RecFP p. I‑A‑103 et II‑335, point 19, et Morello/Commission, précité, point 63).

176    L’avis de vacance, ensuite, a également pour fonction de fixer le cadre de légalité au regard duquel l’institution entend procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats (arrêts Contargyris/Conseil, précité, point 97, et Morello/Commission, précité, point 64).

177    Ainsi, il convient d’examiner si, ainsi que le prétend le requérant, l’avis de vacance était rédigé en des termes tellement généraux et imprécis qu’il n’a pas permis à l’AIPN de procéder à un examen comparatif des mérites des différents candidats et de justifier le rejet de la candidature du requérant.

178    À cet égard, il convient de rappeler que l’AIPN ne respecte pas le cadre de la légalité si elle ne s’avise des conditions particulières requises pour occuper l’emploi à pourvoir qu’après la publication de l’avis de vacance, au vu des candidats qui se sont présentés, et si elle prend en considération, lors de l’examen des candidatures, d’autres conditions que celles qui figurent dans l’avis de vacance, une telle démarche privant, en effet, l’avis de vacance du rôle essentiel qu’il doit assumer dans la procédure de recrutement (arrêts Contargyris/Conseil, précité, point 98, et Morello/Commission, précité, point 67).

179    Toutefois, en l’espèce, le requérant ne soutient pas que l’AIPN ait écarté sa candidature ou fondé le choix du candidat retenu sur la base de conditions ne figurant pas dans l’avis de vacance. Le grief tiré du défaut de précision de l’avis de vacance, à le supposer fondé, est, dès lors, dépourvu de pertinence (voir, en ce sens, arrêt Morello/Commission, précité, point 67).

180    En outre, il ressort de la jurisprudence que, si un avis de vacance doit informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper l’emploi dont il s’agit, l’avis de vacance se rapportant à un emploi de grade A 2 peut, en fixant des conditions, laisser une certaine marge d’appréciation à l’AIPN, compte tenu de l’importance de la fonction à pourvoir (arrêt du Tribunal du 20 septembre 2001, Coget e.a./Cour des comptes, T‑95/01, RecFP p. I‑A‑191 et II‑879, point 67 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal Picciolo et Caló/Comité des régions, précité, point 87).

181    En l’espèce, il convient de relever que, eu égard à la nature du poste en question, l’avis de vacance en cause énonçait des exigences suffisamment précises – à savoir, une aptitude reconnue à diriger une entité administrative importante sur le plan stratégique et sur le plan de la gestion interne, une capacité reconnue de s’exprimer en public et d’instaurer de bonnes relations de travail, une capacité prouvée en matière de management, notamment dans le domaine de la gestion du personnel, et des compétences avérées en matière de représentation et de négociation, le candidat retenu étant également appelé à représenter la Commission devant le Parlement et le Conseil, ainsi que dans les discussions avec les organismes officiels compétents en matière de statistiques – pour permettre à l’AIPN de procéder à un examen comparatif des mérites des différents candidats.

182    En outre, dans les conditions générales indiquées dans le sommaire des avis de vacance, sous la rubrique « Qualifications minimales requises pour postuler en vue d’une mutation/promotion », il était précisé que le candidat devait « appartenir à la même catégorie/cadre/carrière (mutation) ou à la carrière inférieure (promotion) », « avoir des connaissances et expérience/aptitude en relation avec les tâches à exercer », et pour les emplois nécessitant des qualifications particulières, « avoir des connaissances et expérience approfondies dans/en relation avec le secteur d’activité ».

183    Par ailleurs, le fait que l’avis de vacance était rédigé en des termes identiques à ceux des autres avis publiés le même jour pour d’autres directions d’Eurostat, dont les compétences différaient de celles de la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement », ne constitue pas un élément susceptible de l’entacher d’illégalité. En effet, à la lumière des considérations exposées ci-dessus, cette pratique ne saurait être considérée comme critiquable eu égard aux caractéristiques du poste concerné et aux responsabilités qu’un directeur est appelé à assumer (voir, en ce sens, arrêt Contargyris/Conseil, précité, point 102).

184    Dans ces circonstances, le requérant n’a pas établi l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de l’AIPN dans la fixation des qualifications minimales requises pour l’emploi à pourvoir.

185    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen du requérant.

3.     Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’avis de vacance COM/176/03

 Arguments des parties

186    Le requérant fait valoir que M. N. ne remplit pas certaines des conditions requises pour occuper l’emploi litigieux, à savoir, premièrement, une aptitude reconnue à diriger une entité administrative importante sur le plan stratégique et sur le plan de la gestion interne, deuxièmement, une capacité prouvée en matière de management, notamment dans le domaine de la gestion du personnel et, troisièmement, une bonne expérience dans le domaine de la production ou de l’utilisation des statistiques.

187    L’intéressé ne possédant pas toutes les qualifications requises pour l’emploi, sa candidature aurait donc dû être écartée (arrêt du Tribunal du 18 septembre 2003, Pappas/Comité des régions, T‑73/01, RecFP p. I‑A‑207 et II‑1011, point 54).

188    Dans son mémoire en réplique, le requérant fait valoir que M. N., qui était fonctionnaire de la carrière A 7/6 avant d’être nommé au cabinet de Mme Bjerregaard, membre de la Commission en charge de la DG « Environnement » pour la période comprise entre le 23 janvier 1995 et le 15 septembre 1999 et, ensuite, auprès de M. Bolkenstein, membre de la Commission chargé des DG « Marché intérieur » et « Fiscalité et union douanière » à partir du 16 septembre 1999, n’a exercé, dans une des directions opérationnelles de la Commission, aucune responsabilité d’administrateur principal, de chef d’unité relevant de l’encadrement intermédiaire ou de membre de l’encadrement supérieur. Ce serait en vain que la Commission se réfère aux responsabilités qu’il a exercées en tant que chef de cabinet adjoint et chef de cabinet des membres de la Commission.

189    En outre, le requérant soutient que les tâches assignées aux membres de la Commission ne consistent pas en la gestion des directions générales placées sous leur autorité, mais que cette compétence relève du management supérieur de la direction générale concernée composée du directeur général, des directeurs généraux adjoints et des directeurs. Dès lors, le simple fait d’être associé à l’exercice de la faculté, prévue, au profit du membre de la Commission exerçant la tutelle, par l’article 3, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission, de donner des instructions aux services concernés ne permettrait pas de conclure que le candidat retenu possédait une aptitude reconnue à diriger une entité administrative importante sur le plan stratégique et sur le plan de la gestion interne ainsi qu’une capacité prouvée en management, notamment dans le domaine de la gestion du personnel.

190    Le requérant s’interroge sur les raisons pour lesquelles l’AIPN, en fixant le cadre de légalité que constitue l’avis de vacance, n’a pas imposé aux candidats de posséder une expérience approfondie dans le domaine de la production ou de l’utilisation des statistiques, car une telle expérience serait indispensable pour exercer l’un des emplois de directeur à Eurostat.

191    Dans son mémoire en réplique, le requérant fait valoir qu’un candidat qui ne possède aucune formation ni expérience professionnelle en matière de statistique et, plus précisément, en matière de production de statistiques concernant les produits agricoles, la pêche, le développement rural et les forêts, les comptes régionaux et l’environnement ne possède pas les qualifications requises pour représenter la Commission dans cette matière particulièrement technique devant les plus hautes instances communautaires ou d’autres organismes officiels compétents en matière de statistique.

192    Or, contrairement au candidat nommé à l’emploi litigieux, le requérant posséderait une expérience approfondie dans tous les domaines visés par l’avis de vacance et, notamment, l’aptitude reconnue à diriger une entité administrative importante sur le plan stratégique et sur le plan de la gestion interne, une capacité reconnue à s’exprimer en public et à instaurer de bonnes relations de travail, une capacité prouvée en matière de management, notamment, dans le domaine de la gestion du personnel, des compétences avérées en matière de représentation et de négociation et une expérience de près de 40 ans dans le domaine de la production et de l’utilisation de statistiques, notamment, dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, des fonds structurels et de l’environnement. Dans son mémoire en réplique, le requérant observe que les notes de M. V. A. des 6 octobre et 3 novembre 2003 mettent en évidence qu’il possédait toutes ces qualifications. Dès lors, il y aurait lieu de constater l’illégalité de la décision de nommer M. N. à l’emploi de directeur de la direction « Statistiques sur l’griculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement » d’Eurostat et de rejeter la candidature du requérant à cet emploi.

193    La Commission rappelle que l’AIPN dispose, en particulier lorsque le poste à pourvoir est de grade A 1 ou A 2, d’un large pouvoir d’appréciation dans la comparaison des mérites des candidats à un tel poste. En vue de contrôler si l’AIPN n’a pas dépassé les limites du cadre légal que constitue l’avis de vacance et a ainsi agi dans le seul intérêt du service au sens de l’article 7 du statut, il appartiendrait au Tribunal de prendre d’abord connaissance des conditions requises pour qu’il soit pourvu au poste vacant, puis de vérifier si le candidat choisi par l’AIPN pour occuper l’emploi vacant satisfait effectivement à ces conditions. Le Tribunal devrait se limiter à la question de savoir si, eu égard aux considérations que l’administration a pu prendre en considération dans son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. L’appréciation de l’AIPN ne saurait donc être mise en cause qu’en cas d’erreur manifeste (voir arrêt Tilgenkamp/Commission, précité, points 52 et suivants, et la jurisprudence citée).

194    En premier lieu, la Commission souligne, en l’espèce, que la détention par les candidats d’une bonne expérience dans le domaine de la production ou de l’utilisation des statistiques ne figure pas, dans l’avis de vacance COM/176/03, parmi les qualifications requises, mais seulement parmi les qualifications souhaitables, considérées comme un atout. Dès lors, le grief du requérant selon lequel M. N. ne possède pas une telle expérience serait inopérant. En outre, cela montrerait que les auteurs de cet avis de vacance ont clairement distingué entre, d’une part, cette qualification et, d’autre part, celle consistant en la capacité de représenter la Commission devant le Parlement et le Conseil. Il ne serait donc pas admissible de déduire, de la prétendue absence d’une bonne expérience dans le domaine de la production ou de l’utilisation des statistiques, l’absence de capacité de représenter la Commission devant lesdites institutions.

195    En tout état de cause, le grief relatif à l’incapacité à représenter la Commission devant ces institutions serait irrecevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

196    En deuxième lieu, s’agissant de l’aptitude reconnue à diriger une entité administrative importante sur le plan stratégique et sur le plan de la gestion interne, la Commission est d’avis qu’il lui est loisible de préciser, dans un avis de vacance, au titre des critères spécifiques de sélection à un emploi, tant le niveau des qualifications requises que le degré de leur pertinence matérielle ou fonctionnelle au regard des tâches à exercer (arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Wieme/Commission, T‑174/02, RecFP p. I‑A‑241 et II‑1165, point 40).

197    Par ailleurs, la Commission souligne que l’avis de vacance COM/176/03 n’exige pas une expérience professionnelle à cet égard, mais seulement une « aptitude reconnue ». Or, M. N. aurait exercé, entre le 23 janvier 1995 et le 15 septembre 1999, la fonction de chef de cabinet auprès de Mme Bjerregaard, membre de la Commission. Ensuite, il aurait exercé, auprès de M. Bolkestein, la fonction de chef de cabinet adjoint du 16 septembre 1999 jusqu’au 31 décembre 2001 et, à partir du 1er janvier 2002, celle de chef de cabinet.

198    La Commission souligne que, pendant la période passée en tant que chef de cabinet, soit pendant plus de sept ans, M. N. a été amené à diriger lui-même une entité administrative, à savoir le cabinet d’un membre de la Commission, comprenant une douzaine de personnes dont six relevant de la catégorie A. À supposer même qu’une telle entité administrative ne puisse pas être considérée sur le plan quantitatif comme « importante », M. N., de par ses fonctions de chef de cabinet, aurait néanmoins été étroitement associé à la tâche consistant à diriger une entité administrative importante, à savoir la direction générale placée sous l’autorité du membre de la Commission exerçant la tutelle. En effet, en vertu de l’article 16, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission, les cabinets seraient chargés d’assister les membres de la Commission dans l’accomplissement de leurs tâches et, en vertu du deuxième alinéa, le membre de la Commission aurait la faculté, pour l’exécution des tâches qui lui sont assignées en vertu de l’article 3, premier alinéa, dudit règlement intérieur, de donner des instructions aux services concernés.

199    La Commission rappelle que M. Bolkestein était en charge de deux services de la Commission, à savoir la DG « Marché intérieur » et la DG « Fiscalité et union douanière ». Mme Bjerregaard aurait été en charge de la DG « Environnement ».

200    Au vu du fait que M. N. a exercé, pendant plus de neuf ans, les fonctions de chef de cabinet et de chef de cabinet adjoint, l’AIPN n’aurait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il possédait une aptitude reconnue à diriger une entité administrative importante, au sens de l’avis de vacance COM/176/03.

201    En troisième lieu, concernant la capacité prouvée en matière de management, il ressortirait du rapport de notation de M. N. pour la période comprise entre le 1er juillet 1999 et le 30 juin 2001 que celui-ci a exercé, en tant que chef de cabinet adjoint, dans une mesure importante des responsabilités de direction et d’administration du cabinet. En outre, la mention selon laquelle M. N. « est incontestablement un chef tout à fait apte aux responsabilités de direction » figurerait dans ce rapport. Dans le rapport d’évolution de carrière pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003, il serait indiqué que M. N. a dirigé le cabinet de manière efficace, en motivant ses membres à développer au mieux leur potentiel.

202    Dès lors, l’AIPN n’aurait pas non plus commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que M. N. possédait une capacité prouvée en matière de management, au sens de l’avis de vacance COM/176/03.

 Appréciation du Tribunal

203    Le requérant fait valoir, en substance, que, alors qu’il satisfaisait pleinement à l’ensemble des conditions posées par l’avis de vacance COM/176/03, le profil professionnel de M. N. présentait une série de lacunes manifestes au regard desdites conditions, de sorte qu’il y a lieu de considérer que la décision du 30 mars 2004 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

204    Ainsi qu’il a été exposé précédemment, il ressort de la jurisprudence rendue en matière de nomination ou de promotion que l’avis de vacance constitue le cadre de la légalité que l’AIPN s’impose à elle-même et qu’elle doit, dès lors, respecter scrupuleusement. L’exercice du pouvoir d’appréciation dont dispose l’AIPN lorsqu’il y a lieu de pourvoir à un poste suppose donc un examen scrupuleux des dossiers de candidature et une observation consciencieuse des exigences énoncées dans l’avis de vacance, de sorte que celle-ci est tenue d’écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences (arrêts de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec. p. 1099, points 26, 38 et 41, et du 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C‑35/92 P, Rec. p. I‑991, points 13, 15 et 16 ; arrêts du Tribunal Picciolo et Caló/Comité des régions, précité, point 85 ; Tilgenkamp/Commission, précité, point 51, et du 5 novembre 2003, Cougnon/Cour de justice, T‑240/01, RecFP p. I‑A‑263 et II‑1283, point 96).

205    Or, pour ce qui est de l’appréciation d’une éventuelle erreur dans le choix d’un fonctionnaire pour un poste de grade A 2, impliquant de grandes responsabilités, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une telle erreur doit être manifeste et dépasser le large pouvoir d’appréciation dont l’AIPN dispose dans la comparaison des mérites des candidats et dans l’évaluation de l’intérêt du service. Le contrôle du Tribunal se limite à la question de savoir si, eu égard aux éléments sur lesquels s’est fondée ladite autorité pour établir son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée ou à des fins autres que celles pour lesquelles il lui avait été conféré (arrêt Picciolo et Caló/Comité des régions, précité, point 85). Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des mérites et qualifications des candidats à celle de l’AIPN alors qu’aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que, en appréciant les mérites et qualifications des candidats, l’AIPN aurait commis une erreur manifeste (arrêts Contargyris/Conseil, précité, point 120, et Cougnon/Cour de justice, précité, point 97).

206    Ces principes sont notamment applicables lorsque le Tribunal est appelé, comme en l’espèce, à vérifier si le candidat choisi par l’AIPN pour occuper le poste vacant satisfait effectivement aux conditions requises par l’avis de vacance et, en particulier, lorsqu’il s’agit d’apprécier si l’expérience professionnelle présentée par chaque candidat correspond au niveau requis par l’avis de vacance (voir arrêt Cougnon/Cour de justice, précité, point 98, et la jurisprudence citée).

207    Il convient de rappeler que tant les conditions générales indiquées dans le sommaire des avis de vacance, sous la rubrique « Qualifications minimales requises pour postuler en vue d’une mutation/promotion », que les conditions spécifiques indiquées en relation avec le poste concerné constituent les conditions requises au titre de l’avis de vacance (arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, E/Commission, T‑152/00, RecFP p. I‑A‑179 et II‑813, point 30, et Tilgenkamp/Commission, précité, point 54).

208    Par ailleurs, les différentes conditions spécifiques doivent se lire de manière cumulative, de sorte que le non-respect de l’une ou l’autre d’entre elles doit nécessairement conduire à conclure à l’absence de conformité de la candidature concernée aux critères retenus pour l’emploi à pourvoir (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 2 octobre 1996, Vecchi/Commission, T‑356/94, RecFP p. I‑A‑437 et II‑1251, points 50 à 58). Toute autre lecture des conditions de l’avis de vacance reviendrait en effet à nier à celui-ci le rôle essentiel qu’il doit jouer dans la procédure de recrutement et à s’écarter du cadre de légalité que l’AIPN s’est elle-même imposé aux fins du recrutement à l’emploi concerné (arrêt Tilgenkamp/Commission, précité, point 58).

209    Il convient donc de vérifier si le candidat nommé en l’espèce par l’AIPN satisfaisait effectivement à l’ensemble des conditions requises par l’avis de vacance, étant entendu que le fait que le requérant y répondait pour sa part ne prouve pas en soi que l’AIPN ait commis une erreur manifeste d’appréciation en nommant M. N. au poste concerné. Ne constitue pas non plus une telle preuve la circonstance que l’expérience professionnelle du requérant était supérieure à celle du candidat retenu (voir, en ce sens, arrêt Tilgenkamp/Commission, précité, point 59).

210    En l’espèce, l’avis de vacance exigeait, outre les conditions générales, les conditions spécifiques suivantes : une aptitude reconnue à diriger une entité administrative importante sur le plan stratégique et sur le plan de la gestion interne (première condition) ; une capacité reconnue de s’exprimer en public et d’instaurer de bonnes relations de travail (deuxième condition) ; une capacité prouvée en matière de management, notamment dans le domaine de la gestion du personnel (troisième condition) ; des compétences avérées en matière de représentation et de négociation, le candidat retenu étant également appelé à représenter la Commission devant le Parlement et le Conseil, ainsi que dans les discussions avec les organismes officiels compétents en matière de statistiques (quatrième condition). L’avis de vacance mentionnait également une qualification souhaitable, en précisant qu’une bonne expérience dans le domaine de la production ou de l’utilisation de statistiques serait considérée comme un atout (qualification souhaitable).

211    Dans sa requête, le requérant soutient que le candidat retenu ne remplissait pas les première et troisième conditions ainsi que la qualification souhaitée. Dans son mémoire en réplique, il ajoute que ledit candidat ne remplissait pas non plus la quatrième condition.

212    Il y a lieu de souligner que la première condition fait référence non pas à la direction effective d’une entité administrative importante, mais à l’aptitude reconnue à diriger une telle entité, laquelle peut résulter d’expériences et de données qui ne consistent pas nécessairement à avoir dirigé un nombre important d’agents (voir, en ce sens, arrêt Coget e.a./Cour des comptes, précité, points 92 et 124).

213    Or, en l’espèce, il est constant que M. N. a assumé la fonction de chef de cabinet de deux membres de la Commission pendant presque sept ans (du 23 janvier 1995 au 15 septembre 1999 et à partir du 1er janvier 2002) et de chef de cabinet adjoint pendant plus de deux ans (du 16 septembre 1999 au 31 décembre 2001). Compte tenu de ce qu’un cabinet est une entité administrative comportant une dizaine de personnes, l’AIPN a pu considérer, sans dépasser le large pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière, que, du fait de cette expérience, M. N. disposait d’une aptitude reconnue à diriger une entité administrative d’une taille supérieure.

214    Le requérant fait néanmoins référence à la fiche d’évaluation annexée à l’avis préalable du CCN du 24 février 2004, selon laquelle M. N. « n’a pas l’expérience d’un management de grande entité, mais ceci est compensé par une vision assez claire du futur, de la fonction, des paramètres du management ». Dans cet avis, le CCN reconnaît par ailleurs au candidat « un leadership aidé par la capacité d’apprentissage rapide, la vivacité, la persuasion ». Toutefois, il a obtenu une note de 30/35 en ce qui concerne l’« aptitude au management/capacité à mener une équipe ».

215    Or, il importe de souligner que, précisément, ce document démontre que, dans le respect de l’avis de vacance exigeant une aptitude reconnue à diriger une entité administrative importante et non une expérience en la matière, il a été considéré que, bien que ne possédant pas d’expérience de management d’une grande entité, les qualités intrinsèques de management de M. N. compensaient son manque d’expérience en matière de direction d’une entité administrative d’une taille plus importante et permettaient de conclure à son aptitude à diriger une telle entité. Cette interprétation de l’avis préalable en cause est d’ailleurs confirmée dans la fiche d’évaluation annexée à l’avis définitif du CCN du 5 mars 2004, le CCN a d’abord constaté que M. N. « faisait preuve d’expérience du management dans divers contextes », qu’il « démontrait une capacité à se remettre en question, à l’écoute et à l’ouverture sur les questions de management des hommes » puis, il a conclu que « ce qui précède, s’ajoutant à un engagement fort et à un intérêt particulier pour les gens, semble lui permettre d’inspirer et de diriger une équipe plus nombreuse ».

216    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que M. N. remplissait la première condition, à savoir l’aptitude à diriger une entité administrative importante sur le plan stratégique et sur le plan de la gestion interne.

217    En ce qui concerne la troisième condition, à savoir la capacité prouvée en matière de management, notamment dans le domaine de la gestion du personnel, le requérant avance les mêmes arguments que pour la première condition. La Commission se réfère aux rapports de notation et d’évolution de carrière de M. N.

218    À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément au rapport de notation le concernant établi pour la période 1999/2001, les fonctions de M. N. incluent « des responsabilités étendues en matière d’administration et de management au sein du cabinet ». Dans la partie concernant les perspectives de développement professionnel (aptitudes, mobilité, formation), pour les aptitudes particulières, il est indiqué qu’il « a du talent » et qu’il est « un fonctionnaire d’une loyauté exceptionnelle ». Il est également indiqué qu’il « sait prendre des responsabilités chaque fois que cela s’avère nécessaire, montre de la compréhension pour les positions des autres et est un excellent négociateur ». Par ailleurs, M. N. est décrit comme étant « incontestablement un chef tout à fait apte aux responsabilités de direction » et comme « doté d’un sens politique particulier, rendant ses prises de position équilibrées et utiles ». Selon l’avis du notateur, il « devrait atteindre le plus haut niveau de la hiérarchie de la Commission » et « ses talents devraient être conservés au profit de cette institution ».

219    En vertu de son rapport d’évolution de carrière pour la période allant du 1er janvier jusqu’au 31 décembre 2003, « il tient son cabinet bien en main, tout en parvenant cependant à encourager ses membres à donner le meilleur d’eux-mêmes au travail ». Le rapport observe qu’« il en résulte que le cabinet a atteint un haut degré de performance et qu’il est bien considéré par ses collègues », que « les relations entre les personnes au sein du cabinet sont stables et dépourvues de toutes frictions non souhaitables ». Aux termes de l’évaluateur, « le mérite de tout cela, ainsi que celui des relations harmonieuses entre le cabinet et les services revient à [M. N.] » qui s’avère, en outre, « un fonctionnaire extrêmement capable et efficace qui n’est pas pour peu dans les succès remportés par le membre de la Commission pour lequel il travaille ». Partant, M. N. « mérite une promotion rapide et importante ». Au total, M. N. a « le potentiel d’un directeur général très efficace » et « devrait être promu aussi rapidement que possible ».

220    Dès lors, sur la base de ses rapports, il ne saurait être reproché à l’AIPN d’avoir considéré que M. N. possédait une capacité prouvée en matière de management, notamment dans le domaine de la gestion du personnel. Partant, l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il remplissait la troisième condition.

221    S’agissant de l’argument relatif à la quatrième condition, dont la Commission conteste la recevabilité, il suffit de rappeler qu’un moyen présenté en cours d’instance qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance, et qui présente un lien étroit avec celui-ci ne constitue pas un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure et doit donc être déclaré recevable (arrêt du Tribunal du 12 mai 1998, Wenk/Commission, T‑159/96, RecFP p. I‑A‑193 et II‑593, point 97). En l’espèce, l’argument en cause constitue bien une ampliation du moyen tiré de la violation de l’avis de vacance, donc d’un moyen énoncé dans la requête, et présente un lien étroit avec celui-ci. L’argument est ainsi recevable.

222    Le requérant fait valoir qu’un candidat, qui ne possède aucune formation et expérience professionnelle en matière de statistiques et, plus précisément, en matière de production statistique concernant les produits agricoles, la pêche, le développement rural et les forêts, les comptes régionaux et l’environnement, ne possède pas les qualifications requises pour représenter la Commission dans cette matière particulièrement technique devant les plus hautes instances communautaires ou d’autres organismes officiels compétents en matière de statistiques.

223    À cet égard, il suffit de rappeler que la quatrième condition est libellée comme suit : « des compétences avérées en matière de représentation et de négociation ». Il est également précisé que « le candidat retenu sera également appelé à représenter la Commission devant le Parlement et le Conseil, ainsi que dans les discussions avec les organismes officiels compétents en matière de statistiques ». Cette condition est formulée en des termes généraux, n’exigeant aucune expérience dans le domaine de la production ou de l’utilisation des statistiques. Il ressort de la fiche d’évaluation de M. N. annexée à l’avis préalable du CCN du 24 février 2004, que la « capacité de représentation et de négociation constitue sûrement un point fort ». En outre, le requérant ne conteste pas les compétences en général du candidat en matière de représentation et de négociation. Dès lors, il convient de rejeter cet argument du requérant.

224    En ce qui concerne la qualification souhaitable, à savoir une bonne expérience dans le domaine de la production ou de l’utilisation de statistiques, il y a lieu de constater que le fait, à le supposer avéré, que le candidat retenu ne possède pas une telle expérience ne saurait, en soi, affecter la légalité de la décision attaquée, compte tenu de ce qu’il ne s’agit pas d’une condition requise, mais seulement d’une qualification considérée comme un atout supplémentaire.

225    Enfin, s’agissant de la prétendue erreur manifeste dans l’appréciation comparative des mérites des candidatures, le requérant fait valoir que, contrairement au candidat nommé à l’emploi litigieux, il possède une expérience approfondie dans tous les domaines visés par l’avis de vacance et, notamment, l’aptitude reconnue à diriger une entité administrative importante sur le plan stratégique et sur le plan de la gestion interne, la capacité reconnue de s’exprimer en public et d’instaurer de bonnes relations de travail, une capacité prouvée en matière de management, notamment, dans le domaine de la gestion du personnel, des compétences avérées en matière de représentation et de négociation et une expérience de près de 40 ans dans le domaine de la production et de l’utilisation de statistiques, notamment, dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, des fonds structurels et de l’environnement. Dans son mémoire en réplique, le requérant observe que les notes de M. V. A. des 6 octobre 2003 et 3 novembre 2003 mettraient en évidence qu’il possédait toutes ces qualifications.

226    Il ne saurait être nié que le requérant, qui est affecté à l’Office statistique, devenu Eurostat, depuis son entrée au service de la Commission en 1971, possède une longue expérience dans le domaine des statistiques. De même, la circonstance selon laquelle il a exercé, à partir du 1er août 1987, les fonctions de chef d’unité et, à partir du 16 septembre 2001, les fonctions de directeur de grade A 2 à la direction dont les services ont été regroupés dans la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement » à l’occasion de la réorganisation d’Eurostat est un élément d’une pertinence certaine en vue de démontrer ses mérites au regard des exigences du poste à pourvoir.

227    À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’appréciation d’ordre général du rapport de notation du requérant portant sur la période 1997/1999, qui a été reconduite pour la période 1999/2001, et qui se trouve dans son dossier individuel, que le requérant « possède un talent particulier pour la résolution des problèmes d’administration », qu’il a « des idées fortes sur le service public et la manière dont celui-ci doit être organisé » et qu’il est « plus un chef qu’un équipier ». Concernant les perspectives de développement professionnel, le notateur a indiqué qu’il était « relativement meilleur comme chef de service que lorsqu’il était administrateur » et que « son expérience en matière de représentation du personnel le qualifierait pour un poste de management du niveau de directeur ».

228    Toutefois, le fait qu’un fonctionnaire ait des mérites évidents et reconnus n’exclut pas, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites des candidats, que d’autres fonctionnaires aient des mérites supérieurs (arrêt Morello/Commission, précité, point 122).

229    En outre, les notes de M. V. A. des 6 octobre 2003 et 3 novembre 2003, invoquées par le requérant, démontrent simplement que celui-ci, en tant que directeur général, semblait satisfait du travail effectué par le requérant en tant que conseiller principal. Ces notes ne démontrent toutefois pas que le requérant possédait toutes les qualifications requises pour être nommé directeur ni qu’il possédait des mérites supérieurs à ceux du candidat retenu.

230    Il convient, par ailleurs, de relever qu’il ressort de l’avis définitif du CCN du 5 mars 2004 que, si ce comité a effectivement noté que le requérant avait été parmi les candidats les plus aptes par rapport aux qualifications exigées par l’emploi à pourvoir, il ne l’a pas retenu parmi les trois personnes disposant de toutes les qualifications requises par l’avis de vacance. Cette nuance indique vraisemblablement que, selon le CCN, les qualifications du requérant et celles du candidat retenu n’étaient pas équivalentes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 juillet 2001, Brumter/Commission, T‑351/99, RecFP p. I‑A‑165 et II‑757, point 79).

231    En effet, il ressort de la fiche d’évaluation concernant le requérant, annexée à l’avis définitif du CCN du 5 mars 2004, que celui-ci n’a pas évalué le requérant en termes aussi positifs que le candidat retenu. Il y est indiqué, par exemple, que « la motivation pour le poste aurait pu être mieux expliquée et défendue dans le contexte des nouveaux défis à relever », que le requérant a acquis « une longue expérience à Eurostat et une bonne connaissance générale des principales orientations politiques », que ses « réponses, sur le fond, sont cependant assez générales, trop longues et manquent de concision », qu’il « semble s’appuyer la plupart du temps sur son expérience et ne montre pas qu’il a réellement une vision personnelle ou stratégique des problèmes ». Le requérant, selon le CCN, « a fait preuve d’une expérience de management en tant que directeur », mais, « en dépit d’une expertise technique et d’une connaissance du management des ressources, il paraît être moins tourné vers l’avenir et moins capable de diriger et d’inspirer une équipe ».

232    À cet égard, le CCN se réfère également à un rapport de l’expert externe en ressources humaines. Selon les conclusions de ce rapport, « nous pouvons avancer que M. Caló est un homme qui fait montre de beaucoup de métier et de savoir-faire en même temps que d’un certain engagement social. L’écoute comme le respect des procédures institutionnelles nous paraît plus en retrait ». Or, pour M. N., les conclusions étaient plus positives :

« [Il] se présente à nous comme un manager enthousiaste, désireux de se montrer le plus transparent et humain possible dans son approche. Il a un sens relationnel développé, une approche analytique et rationnelle. Il peut sans doute encore aiguiser son sens des priorités et doit faire attention à ne pas surestimer sa capacité, même si celle-ci est bien réelle, à convaincre. Conclusion : un bon candidat pour une fonction de directeur, même s’il n’a pas encore de réelle expérience dans la gestion de grandes équipes. »

233    En outre, dans la fiche d’évaluation concernant le requérant, annexée à l’avis préalable du CCN du 24 février 2004, il est constaté, en ce qui concerne l’« aptitude au management/capacité à mener une équipe » que le « candidat peut en imposer par ses bonnes connaissances et son expérience dans les statistiques agricoles, mais il n’a pas intégré les nouvelles exigences de la fonction de directeur, ne rénove pas son approche et vit sur ses acquis ». Comme constaté ci-dessus, M. N. a obtenu une note de 30/35 points en ce qui concerne l’« aptitude au management/capacité à mener une équipe » tandis que le requérant n’a obtenu que 20/35.

234    Il résulte de tout ce qui précède que, eu égard aux limites du pouvoir de contrôle du Tribunal sur l’appréciation par l’AIPN de l’intérêt du service ainsi que des aptitudes des candidats pour l’emploi en cause, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et qu’elle s’est tenue dans des limites raisonnables.

235    Dès lors, il convient de rejeter le troisième moyen.

4.     Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et des principes d’impartialité, d’équité et de transparence

 Arguments des parties

236    Le requérant fait valoir, en substance, que la décision du 30 mars 2004 a été prise en méconnaissance de l’article 14 du statut et des principes de transparence, d’équité, d’objectivité et de « bonne administration du personnel », car elle a été préparée par les chefs de cabinet des membres de la Commission, dont fait partie M. N.

237    En tant que candidat à l’emploi litigieux, il aurait eu l’obligation d’informer l’AIPN qu’il avait un intérêt personnel dans la procédure de recrutement des emplois de directeur à Eurostat. Dans l’hypothèse où il n’aurait pas informé l’AIPN de cette situation de conflit d’intérêts, il aurait commis un manquement grave de nature à mettre en cause la légalité de l’accord donné par les chefs de cabinet sur la proposition du chef de cabinet de M. Kinnock de le nommer à l’emploi litigieux.

238    Selon le requérant, c’est en vain qu’il pourrait être soutenu que M. N. se serait abstenu de participer aux travaux des chefs de cabinet sur le point spécifique du pourvoi de l’emploi litigieux. En effet, s’il avait été remplacé sur ce point spécifique, son remplaçant ne serait intervenu dans l’examen de la proposition du chef de cabinet de M. Kinnock qu’en tant que suppléant, agissant donc en son nom et pour son compte. Dans son mémoire en réplique, le requérant précise que Mme B., fonctionnaire de grade A* 11, remplaçant M. N., travaillait sous la direction et l’autorité hiérarchique de ce dernier et que, de plus, elle ne disposait pas du grade requis pour participer à l’adoption d’un avis portant sur la nomination d’un fonctionnaire à un grade A 2.

239    En outre, le requérant conteste que l’intervention des chefs de cabinet se soit limitée à la préparation de la réunion du 30 mars 2004 de la Commission. En effet, en application de la jurisprudence selon laquelle l’avis exprimé par un comité paritaire de promotion doit faire partie des éléments que l’AIPN est tenue de prendre en considération pour fonder sa propre appréciation des candidats, même si elle estime devoir s’en écarter (arrêt du Tribunal du 30 janvier 1992, Schönherr/CES, T‑25/90, Rec. p. II‑63, points 27 et 28), la Commission aurait été tenue de prendre en considération l’avis des chefs de cabinet de ses membres pour prendre la décision de pourvoi de l’emploi litigieux.

240    La Commission rappelle que l’article 14 du statut n’impose pas au fonctionnaire concerné de s’abstenir de se prononcer sur l’affaire au traitement ou à la solution de laquelle il a un intérêt personnel, mais l’oblige seulement à en informer l’AIPN. Partant, même une décision à l’adoption de laquelle aurait participé un fonctionnaire ayant omis d’agir conformément à l’article 14 du statut ne serait pas illégale de ce seul fait.

241    En tout état de cause, l’argument manquerait en fait, car, en l’espèce, M. N., au-delà des obligations lui incombant en vertu de l’article 14 du statut, se serait effectivement abstenu de se prononcer au sujet du pourvoi de l’emploi litigieux. En effet, il n’aurait pas participé à la réunion des chefs de cabinet des membres de la Commission du 29 mars 2004, le cabinet de M. Bolkestein étant représenté à cette occasion par Mme B.

242    À cet égard, la Commission souligne que ni l’article 14 du statut ni aucune autre règle de droit n’imposent que, lorsqu’un fonctionnaire s’abstient de se prononcer sur une affaire au traitement ou à la solution de laquelle il a un intérêt personnel, tous les fonctionnaires placés sous l’autorité hiérarchique de ce fonctionnaire s’en abstiennent également. Une telle conception excessive serait inconciliable avec la rédaction de l’article 14 du statut et ferait abstraction de toute notion de suppléance.

243    En outre, la seule circonstance que M. N. faisait partie d’une instance impliquée dans la préparation de la décision du 30 mars 2004, à savoir du groupe des chefs de cabinet des membres de la Commission, serait sans pertinence et ne permettrait pas de considérer qu’il aurait été « amené », au sens de l’article 14 du statut, à se prononcer au sujet de l’adoption de cette décision, alors qu’il n’aurait pas participé à la préparation de celle-ci. La Commission aurait eu connaissance du fait qu’il occupait la fonction de chef de cabinet de M. Bolkestein. De plus, la recommandation des chefs de cabinet au sujet de l’emploi litigieux aurait été adoptée à l’unanimité et, partant, la participation de la représentante du cabinet de M. Bolkestein à la réunion des chefs de cabinet des membres de la Commission du 29 mars 2004 serait restée sans influence décisive sur le contenu de la décision du 30 mars 2004. À cet égard, la Commission rappelle qu’il est admis que le membre d’une institution ayant pris, en tant qu’AIPN, une décision faisant grief à un agent n’est pas tenu de s’abstenir de participer à la délibération du collège des membres de cette institution sur la réclamation introduite par l’agent contre la décision en cause (arrêt du Tribunal du 18 octobre 2001, X/BCE, T‑333/99, Rec. p. II‑3021, point 138).

244    En outre, l’intervention des chefs de cabinet dans la préparation des réunions correspondrait à une pratique procédurale ancienne, fondée sur un intérêt évident à atteindre un consensus préalable provisoire entre les cabinets respectifs, qui ne compromettrait pas la légitimité des décisions finales éventuellement prises par la Commission ni ne léserait la liberté décisionnelle du collège de la Commission.

 Appréciation du Tribunal

245    En vertu de l’article 14 du statut, tout fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, est amené à se prononcer sur une affaire au traitement ou à la solution de laquelle il a un intérêt personnel, de nature à compromettre son indépendance, doit en informer l’AIPN.

246    Or, il y a lieu de constater que, en l’espèce, M. N. n’a pas participé à la réunion des chefs de cabinet des membres de la Commission du 29 mars 2004, le cabinet de M. Bolkestein étant représenté à cette occasion par Mme B., de sorte qu’il n’a pas été amené à se prononcer sur une affaire au traitement ou à la solution de laquelle il a un intérêt personnel, au sens de l’article 14 du statut.

247    En outre, ainsi que le fait valoir la Commission, ni l’article 14 du statut ni aucune autre règle de droit n’impose que, lorsqu’un fonctionnaire s’abstient de se prononcer sur une affaire au traitement ou à la solution de laquelle il a un intérêt personnel, tous les fonctionnaires placés sous l’autorité hiérarchique de ce fonctionnaire s’en abstiennent également.

248    De plus, la Commission constate à bon droit que la seule circonstance que M. N. faisait partie d’une instance impliquée dans la préparation de la décision attaquée, à savoir le groupe des chefs de cabinet des membres de la Commission, est sans pertinence et ne permet pas de considérer qu’il aurait été « amené », au sens de l’article 14 du statut, à se prononcer au sujet de l’adoption de cette décision, alors qu’il n’a pas participé à la préparation de celle-ci. En tout état de cause, la décision définitive de nomination des directeurs d’Eurostat a été adoptée par le collège de la Commission et non par les chefs de cabinet.

249    Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

5.     Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et de l’article 26 du statut

 Arguments des parties

250    Le requérant fait valoir que la décision du 30 mars 2004 est entachée d’une absence totale de motivation.

251    La Commission n’aurait fourni aucune explication qui lui aurait permis de comprendre les raisons pour lesquelles, alors qu’il possédait toutes les qualifications requises et la qualification souhaitée, sa candidature a été rejetée et celle de M. N. retenue, alors que ce dernier ne possédait pas toutes les qualifications requises ni la qualification souhaitée.

252    Dans son mémoire en réplique, le requérant soutient que, en violation de l’article 26 du statut, M. V. A. a, en adressant ses « appréciations personnelles » sur les candidats à M. Solbes, par lettre du 3 mars 2004, adressé à ce dernier un rapport concernant la compétence, le rendement ou le comportement des candidats à l’emploi litigieux, sur lequel le requérant aurait dû pouvoir se prononcer. Le requérant fait également valoir que l’appréciation de M. Solbes a été influencée par un document qui n’a été transmis ni aux membres du CCN ni aux autres membres du collège de la Commission.

253    La Commission fait valoir que, étant donné que le requérant a fait usage de la faculté prévue à l’article 91, paragraphe 4, du statut de saisir le Tribunal immédiatement après avoir introduit la réclamation, il ne peut pas reprocher à la Commission de ne pas avoir motivé la décision de ne pas retenir sa candidature à l’emploi litigieux. Par ailleurs, dans sa décision du 23 août 2004 portant rejet explicite de la réclamation du requérant, l’AIPN aurait exposé les considérations ayant présidé au choix de procéder à la nomination de M. N. à l’emploi litigieux. Le fait que la décision explicite n’a été notifiée qu’après l’expiration du délai visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut, ne serait pas de nature à affecter la légalité de la décision du 30 mars 2004.

254    S’agissant de la prétendue violation de l’article 26 du statut, il s’agirait d’un grief nouveau produit en cours d’instance, et donc irrecevable.

 Appréciation du Tribunal

255    En ce qui concerne, tout d’abord, l’argumentation du requérant visant à démontrer que, conformément à l’article 26 du statut, la lettre de M. V. A. du 3 mars 2004 aurait dû être enregistrée, numérotée et classée dans son dossier personnel après lui avoir été communiquée et après lui avoir permis de faire valoir ses observations, il convient de constater qu’il s’agit d’un moyen nouveau ne figurant pas dans la requête. Il doit donc être considéré comme irrecevable, conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

256    À titre surabondant, il y a lieu de rappeler que l’article 26 du statut a pour but d’assurer le droit de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions prises par l’AIPN et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non mentionnés dans son dossier personnel (arrêts de la Cour du 28 juin 1972, Brasseur/Parlement, 88/71, Rec. p. 499, point 11 ; du 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/85, Rec. p. 739, point 11, et du 7 octobre 1987, Strack/Commission, 140/86, Rec. p. 3939, point 7).

257    Or, force est de constater que la lettre du 3 mars 2004 non seulement ne fait nullement état de tels faits, mais, de surcroît, ne mentionne aucunement le requérant. L’AIPN n’était donc, en aucune manière, tenue de verser ce document dans le dossier personnel du requérant, ce que celui-ci a d’ailleurs admis à l’audience.

258    En outre, pour autant que le requérant prétend que la procédure de nomination a été viciée en ce que la lettre de M. V. A. du 3 mars 2004 a influencé M. Solbes, lequel a pris part à l’adoption de la décision attaquée, il convient de relever, d’une part, que, en agissant de la sorte, M. V. A. s’est simplement exprimé à titre personnel, et antérieurement à l’adoption de l’avis du CCN, sur la composition de l’équipe qui, selon lui, serait la meilleure. Si cette démarche peut paraître critiquable de la part d’un des membres du CCN, le requérant ne démontre pas à suffisance de droit qu’elle a pu avoir une incidence décisive sur le choix de M. Solbes ni, à plus forte raison, sur celui du collège des membres de la Commission dans son ensemble. D’autre part, force est de constater que la préférence ainsi exprimée pour la nomination de M. N. à la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement » a été réitérée par le CCN dans son avis du 5 mars 2004, purgeant ainsi la procédure du vice dont elle aurait pu être entachée du fait de l’éventuelle influence irrégulière exercée par l’un des membres du CCN sur le choix de l’AIPN.

259    S’agissant de la violation de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, paragraphe 2, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 253 CE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. Il s’ensuit que l’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit communautaire auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; arrêts du Tribunal Picciolo et Caló/Comité des régions, précité, point 33, et du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, RecFP p. I‑A‑203 et II‑903, point 105).

260    L’AIPN n’est toutefois pas tenue de motiver les décisions de promotion à l’égard des candidats non promus, auxquels une telle motivation risquerait d’être préjudiciable (arrêt de la Cour du 13 juillet 1972, Bernardi/Parlement, 90/71, Rec. p. 603, point 15, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑338/00 et T‑376/00, RecFP p. I‑A‑301 et II‑1457, point 48). Il en va de même en ce qui concerne les décisions de l’AIPN de ne pas retenir une candidature (arrêt de la Cour du 13 avril 1978, Ganzini/Commission, 101/77, Rec. p. 915, point 10, et arrêt Contargyris/Conseil, précité, point 147).

261    L’AIPN a, en revanche, l’obligation de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation introduite en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut par le candidat écarté contre la décision rejetant sa candidature et contre celle portant nomination d’un autre candidat (voir, en ce sens, pour un candidat non promu, arrêt Grassi/Conseil, précité, point 13, et, à propos du rejet de la candidature d’un agent temporaire, arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, point 40, à propos du rejet de la candidature d’un agent temporaire), la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée, en sorte que l’examen des motifs de l’une et de l’autre se confond (arrêt du Tribunal du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, non encore publié au Recueil, point 59).

262    En l’espèce, il y a lieu de relever que la Commission ne conteste pas le fait que la décision du 30 mars 2004 était dépourvue de toute motivation à l’égard du requérant. Elle prétend néanmoins que cette décision a fait l’objet d’une motivation suffisante à l’occasion de la décision de rejet de la réclamation du requérant.

263    La Commission affirme ainsi, dans la duplique, que « la circonstance que l’AIPN n’ait exposé les considérations justifiant l’adoption de la décision attaquée que dans sa décision du 23 août 2004 […] et, partant, après l’expiration du délai visé à l’article 90, paragraphe 2, in fine, du statut, n’est pas de nature à affecter la légalité de cette décision ». De même, dans sa décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a implicitement admis que la décision du 30 mars 2004 n’avait, jusque-là, fait l’objet d’aucune motivation à l’égard du requérant lorsque, après avoir rappelé les principes résultant de la jurisprudence citée aux points 260 et 261 ci-dessus, selon laquelle l’AIPN n’est pas tenue de motiver ses décisions de ne pas retenir une candidature, mais doit motiver sa décision portant rejet d’une réclamation à l’égard d’un candidat évincé, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée, elle a indiqué que « l’AIPN s’[apprêtait] précisément à y apporter une motivation en réponse par la présente décision ».

264    Force est de constater, par ailleurs, que l’examen du dossier ne laisse aucunement apparaître que le requérant disposait d’un quelconque début de motivation de la décision du 30 mars 2004 antérieurement à la décision de rejet de la réclamation, intervenue le 23 août 2004.

265    Il s’ensuit que la question litigieuse consiste à déterminer si la décision explicite de rejet de la réclamation peut être prise en considération en tant que motivation de la décision du 30 mars 2004, ce préalablement à tout examen de la question du caractère suffisant de cette motivation.

266    À cet égard, il y a lieu de relever que le requérant a fait usage de la faculté qu’offre aux fonctionnaires l’article 91, paragraphe 4, du statut de saisir le Tribunal, par dérogation au paragraphe 2 de cet article, d’un recours et d’une demande de sursis à l’exécution de l’acte attaqué immédiatement après avoir saisi l’AIPN d’une réclamation. Dans ces circonstances, il a été jugé que le requérant ne doit pas s’attendre à ce que sa réclamation fasse l’objet d’une décision explicite avant l’introduction du recours, l’AIPN disposant d’un délai de quatre mois pour répondre à ladite réclamation (arrêt du Tribunal du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T‑112/96 et T‑115/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑623, point 77).

267    La Commission prétend qu’il convient de conclure de ce qui précède que, dès lors que le présent recours a été introduit sur le fondement de l’article 91, paragraphe 4, du statut, la jurisprudence citée au point 261 ci-dessus ne trouve pas application. Elle considère ainsi que la décision explicite de rejet de la réclamation du requérant, bien que postérieure au délai de quatre mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, dernier alinéa, du statut, doit être considérée comme apportant, en temps utile, une motivation à la décision du 30 mars 2004.

268    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence applicable dans l’hypothèse générale d’un recours introduit sur le fondement de l’article 91, paragraphe 2, du statut, notamment en matière de promotion des fonctionnaires, la motivation doit intervenir, au plus tard, lors du rejet de la réclamation (arrêts du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, Rec. p. II‑201, point 25, et du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, RecFP p. I‑A‑27 et II‑121, point 26). En cas d’absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours, il est de jurisprudence constante que ladite absence ne peut être couverte par des explications fournies par l’AIPN après l’introduction du recours. À ce stade, de telles explications ne rempliraient plus leur fonction. L’introduction d’un recours met donc un terme à la possibilité pour l’AIPN de régulariser sa décision par une réponse portant rejet de la réclamation (arrêts de la Cour Michel/Parlement, précité, point 22 ; du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C‑115/92 P, Rec. p. I‑6549, point 23, et Hectors/Parlement, précité, point 50 ; arrêts Brumter/Commission, précité, point 33, et Huygens/Commission, précité, point 108).

269    En effet, la possibilité de régulariser l’absence totale de motivation après la formation d’un recours porterait atteinte aux droits de la défense, puisque le requérant disposerait uniquement de la réplique pour présenter ses moyens à l’encontre de la motivation dont il ne prendrait connaissance qu’après l’introduction de la requête. Le principe d’égalité des parties devant le juge communautaire s’en trouverait ainsi affecté (arrêts du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T‑52/90, Rec. p. II‑121, point 41, et Huygens/Commission, précité, point 109).

270    Par ailleurs, aux termes de l’article 91, paragraphe 4, du statut, par dérogation au paragraphe 2 de cette disposition, l’intéressé peut, après avoir introduit auprès de l’AIPN une réclamation, saisir immédiatement le Tribunal d’un recours, à la condition que, à ce recours, soit jointe une requête tendant à obtenir le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou des mesures provisoires. Dans ce cas, la procédure au principal devant le Tribunal est suspendue jusqu’au moment où intervient une décision explicite ou implicite de rejet de la réclamation.

271    C’est ainsi dans le but de permettre à l’AIPN de prendre une décision explicite relative à la réclamation du requérant dans le délai de quatre mois dont elle dispose lorsque le fonctionnaire ne fait pas usage de la faculté prévue à l’article 91, paragraphe 4, du statut, que la procédure devant le Tribunal est suspendue jusqu’à l’intervention d’une telle décision, ce en dérogation au principe selon lequel, en cas d’absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours, ladite absence ne peut être couverte par des explications fournies par l’AIPN après l’introduction du recours. L’article 91, paragraphe 4, du statut, ayant toutefois expressément prévu que la procédure est reprise, en l’absence de décision explicite, le jour où intervient la décision implicite de rejet de la réclamation, cette disposition doit être interprétée comme signifiant que la dérogation qu’elle prévoit prend fin le jour de l’intervention de ladite décision implicite.

272    Ainsi, s’il y a lieu de considérer que, dans l’hypothèse d’un recours introduit sur le fondement de l’article 91, paragraphe 4, l’AIPN peut motiver la décision après l’introduction du recours tant que ledit recours est suspendu, en revanche, il convient, une fois la procédure reprise, de revenir aux principes généralement applicables, contrairement aux affirmations de la Commission.

273    En effet, à l’issue du délai de quatre mois à compter de l’introduction de la réclamation marquant l’intervention de la décision implicite de rejet de la réclamation ainsi que la reprise de la procédure, le requérant se trouve, en réalité, dans la situation identique à celle dans laquelle il se trouverait si, sans avoir fait usage de la faculté prévue à l’article 91, paragraphe 4, il avait attaqué cette même décision implicite de rejet le jour où elle est intervenue, à savoir à l’expiration du délai de quatre mois à compter de l’introduction de la réclamation. Or, dans ce dernier cas, conformément à la jurisprudence citée au point 268 ci-dessus, la réponse à la réclamation intervenue postérieurement à l’introduction du recours ne peut pallier l’insuffisance de motivation dont une décision est entachée.

274    Il convient, de surcroît, de relever que, à suivre la thèse soutenue par la Commission, l’administration se trouverait dans une situation plus favorable dans le cadre d’un recours introduit conformément à l’article 91, paragraphe 4, du statut, en ce qu’elle pourrait motiver sa décision non seulement après l’introduction du recours, mais encore après l’expiration du délai de quatre mois, que dans le cadre d’un recours introduit sur le fondement de l’article 91, paragraphe 2. Or, outre que l’article 91, paragraphe 4, du statut ne prévoit aucunement cette faculté, aucune raison objective ne serait susceptible de justifier cette différence. Au contraire, lorsque l’AIPN est informée de ce qu’un fonctionnaire a fait usage de la faculté prévue à l’article 91, paragraphe 4 et qu’ainsi un recours est pendant devant le Tribunal, il y a lieu d’exiger de manière particulièrement stricte qu’elle motive en temps utile la décision attaquée.

275    Il résulte de ce qui précède que la décision de rejet explicite de la réclamation, adoptée le 23 août 2004, soit postérieurement au délai de quatre mois à compter de l’introduction de la réclamation le 8 avril 2004, prévu à l’article 90, paragraphe 2, dernier alinéa, du statut, et à la reprise de la procédure, conformément à l’article 91, paragraphe 4, dernière phrase, du statut, n’est pas susceptible de pallier l’absence totale de motivation dont est entachée la décision du 30 mars 2004. Le moyen tiré de la violation de l’article 25 du statut doit donc être accueilli.

276    Il importe néanmoins de déterminer la sanction appropriée de cette illégalité.

277    En application du principe de proportionnalité, il y a lieu de prendre en considération, à cette fin, non seulement les intérêts du requérant victime de l’illégalité, mais également les intérêts des tiers dont la confiance légitime pourrait être lésée si des conclusions en annulation étaient accueillies (arrêts du Tribunal du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T‑586/93, Rec. p. II‑665, point 107 ; du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T‑562/93, RecFP p. I‑A‑247 et II‑737, point 81, et Wenk/Commission, précité, point 121).

278    En l’espèce, compte tenu de ce que, par ailleurs, les moyens du requérant tendant à contester la légalité au fond de la décision du 30 mars 2004 ont été rejetés, le Tribunal considère que l’annulation, pour défaut de motivation, de la décision portant rejet de la candidature du requérant et, par voie de conséquence, de la décision portant nomination de M. N. comme directeur de la direction « Statistiques sur l’agriculture, la pêche, les fonds structurels et l’environnement », constituerait une sanction excessive de l’irrégularité commise, portant atteinte de manière disproportionnée aux droits de ce dernier, et que l’allocation d’une indemnité constitue la forme de réparation qui correspond le mieux à la fois aux intérêts du requérant et aux exigences du service.

279    Il y a lieu de rappeler, en effet, que, eu égard à sa compétence de pleine juridiction dans les litiges de caractère pécuniaire, le Tribunal peut, même en l’absence de conclusions régulières à cet effet, condamner l’institution défenderesse au paiement d’une indemnité pour le dommage moral causé par sa faute de service (arrêt de la Cour du 5 juin 1980, Oberthür/Commission, 24/79, Rec. p. 1743, point 14). En l’espèce, le Tribunal considère que le versement d’une indemnité constitue la forme de réparation qui correspond le mieux à la fois aux intérêts du requérant et aux exigences du service. Tenant compte de ce que le requérant, en tant qu’ancien directeur de la direction « Statistiques sur l’agriculture, l’environnement, l’alimentation et les régions », a nécessairement subi un préjudice moral particulier du fait de l’absence totale de motivation de la décision du 30 mars 2004, le Tribunal estime qu’il convient d’allouer au requérant une indemnité fixée, ex aequo et bono, à 5 000 euros.

280    Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dans les affaires T‑118/04 et T‑134/04, la demande en indemnité dans le cadre de l’affaire T‑118/04 devant, quant à elle, être accueillie, tandis que, dans le cadre de l’affaire T‑134/04, une indemnité de 5 000 euros doit être accordée au requérant à titre de réparation du dommage subi du fait de la violation, par la Commission, de l’obligation de motivation.

 Sur les dépens

281    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Lorsque les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, le Tribunal peut, en application de l’article 87, paragraphe 3, dudit règlement, répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

282    En outre, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les dépens exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

283    Dans l’affaire T‑118/04, le recours ayant été accueilli en partie, il sera fait une juste appréciation de la cause en décidant que la partie défenderesse supportera, outre ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé devant le Tribunal, le cinquième des dépens exposés par le requérant, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

284    Dans l’affaire T‑134/04, le requérant ayant obtenu satisfaction, il y a lieu de condamner la Commission, conformément aux conclusions du requérant, à supporter l’ensemble des dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé devant le Tribunal.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

déclare et arrête :

1)      Dans l’affaire T‑118/04, la Commission est condamnée à verser au requérant la somme d’un euro à titre de dommages et intérêts pour faute de service.

2)      Dans l’affaire T‑134/04, la Commission est condamnée à verser au requérant la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour faute de service.

3)      Les recours sont rejetés pour le surplus.

4)      Dans l’affaire T‑118/04, la Commission supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé devant le Tribunal, et le cinquième des dépens exposés par le requérant, y compris ceux afférents à la procédure de référé devant le Tribunal.

5)      Dans l’affaire T‑118/04, le requérant supportera quatre cinquièmes de ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé devant le Tribunal.

6)      Dans l’affaire T‑134/04, la Commission supportera l’ensemble des dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé devant le Tribunal.

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.