Language of document : ECLI:EU:T:2007:39

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 février 2007 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque tridimensionnelle – Forme d’une guitare – Motif absolu de refus – Violation des droits de la défense – Motivation – Article 73 du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑317/05,

Kustom Musical Amplification, Inc., établie à Cincinnati, Ohio (États-Unis), représentée par MM. M. Edenborough, barrister, et T. Bamford, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 7 juin 2005 (affaire R 1035/2004‑2), concernant une demande d’enregistrement d’une marque tridimensionnelle se présentant sous la forme d’une guitare comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 août 2005,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 11 novembre 2005,

à la suite de l’audience du 10 juillet 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 mai 2003, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marque, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, concernant une marque tridimensionnelle représentant la forme du corps d’une guitare, reproduite ci-après :

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2        La marque demandée représente le corps du modèle de guitare dénommé « BEAST » de la ligne de production BC Rich de la requérante.

3        La demande d’enregistrement précise ce qui suit :

« [L]a marque désigne la forme fantaisiste d’un corps de guitare. Le manche, la tête, les frettes, les micros et autres éléments de la guitare sont dessinés en pointillés et ne font pas partie de la marque. »

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 15 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Instruments à cordes, en particulier guitares ».

5        Par décision du 7 septembre 2004, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (ci-après la « décision de l’examinateur »).

6        Le 4 novembre 2004, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur.

7        Le recours a été rejeté par décision du 7 juin 2005 de la deuxième chambre de recours (ci-après la « décision attaquée »). Celle-ci a essentiellement considéré que l’amateur moyen de guitares est habitué à voir un grand nombre de modèles de guitares électriques, aux formes variées et extravagantes, et en particulier de nombreuses formes de guitares pointues, de sorte qu’il ne verra pas dans une forme qui ne se distingue pas de manière significative de celle d’autres guitares électriques une indication d’origine, mais percevra la forme en question comme une ornementation.

 Conclusions des parties

8        Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée, ou, subsidiairement, l’annuler partiellement en limitant la liste des produits visés dans la demande d’enregistrement aux « instruments à cordes, à savoir [aux] guitares électriques, professionnelles » relevant de la classe 15 au sens de l’arrangement de Nice ;

–        renvoyer la demande d’enregistrement à l’OHMI aux fins de procéder aux formalités de publication ;

–        condamner l’OHMI aux dépens y compris ceux qu’elle a encourus au cours de la procédure devant la chambre de recours et devant l’examinateur.

9        Lors de l’audience, la requérante a modifié sa demande subsidiaire en annulation partielle, en précisant qu’elle entendait limiter la liste des produits aux « instruments à cordes, à savoir [aux] guitares électriques ». En outre, elle a renoncé à sa demande visant à condamner l’OHMI à supporter les frais exposés durant la procédure devant l’examinateur.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter comme irrecevables les chefs de conclusions de la requérante en ce qu’ils visent à ce que : a) le Tribunal condamne l’OHMI à publier la demande de marque communautaire ; b) le Tribunal annule en partie la décision attaquée sur la base de la nouvelle liste de produits ; c) le Tribunal condamne l’OHMI à supporter les frais exposés par la requérante durant la procédure devant l’examinateur ;

–        dans le cas où le Tribunal considérerait que la requête s’étend à une prétendue violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, déclarer ce « moyen » irrecevable ;

–        rejeter le recours comme non fondé pour le surplus ou pour tous les chefs de conclusions si le Tribunal les juge recevables ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité

11      En ce qui concerne le troisième chef de conclusions visant à ce que le Tribunal enjoigne à l’OHMI de publier la demande de marque communautaire, la requérante a précisé, à l’audience, qu’elle ne demandait pas la publication de la marque demandée, mais que le Tribunal enjoigne à l’OHMI de procéder à un nouvel examen de la marque demandée à la lumière de l’arrêt du Tribunal.

12      Conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser une injonction à l’OHMI. Il incombe, en effet, à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge communautaire [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33 ; du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 12 ; du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec. p. II‑1401, point 24, et du 5 avril 2006, Madaus/OHMI – Optima Healthcare (ECHINAID), T‑202/04, non encore publié au Recueil, point 14].

13      Le troisième chef de conclusions de la requérante est donc irrecevable.

14      S’agissant de la recevabilité de la demande subsidiaire figurant dans le deuxième chef de conclusions, celle-ci ne sera examinée que dans l’hypothèse où la demande principale sera rejetée.

 Sur le fond

15      La requérante avance un moyen unique, subdivisé en substance en deux branches, tiré, d’une part, d’une insuffisance de motivation et d’une violation du droit à être entendu et, d’autre part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

16      La requérante reproche à l’OHMI d’avoir utilisé dans la décision de l’examinateur et dans la décision attaquée de très nombreuses références aux pages internet, sans communiquer le contenu exact de ces pages sous la forme d’une copie imprimée.

17      À cet égard, elle fait observer que deux des sites internet cités par l’examinateur n’étaient pas consultables lorsqu’elle a cherché à y accéder. Elle considère que la communication des seules références aux sites internet n’établit pas la preuve des pages originales du site en question, mais seulement un témoignage de l’examinateur quant au contenu de ce site.

18      Quant aux références aux cinq sites internet que la requérante a réussi à consulter, celle-ci considère qu’il n’existe aucune certitude que le contenu de leurs pages est le même que celui sur lequel l’examinateur a fondé ses conclusions, étant donné que les pages internet sont régulièrement mises à jour.

19      La requérante soutient que l’explication que la chambre de recours a fournie concernant l’inaccessibilité et le changement possible du contenu desdites pages internet, à savoir que « l’examinateur a renvoyé clairement à des sites internet qui ne sont pas éphémères mais qui sont ceux de fabricants de guitares renommés », n’ôte pas l’incertitude quant à l’information qui était disponible lors de la consultation des sites internet par l’examinateur, étant donné qu’il est à présumer qu’une page internet est modifiée de temps en temps, indépendamment de la réputation de la société qui la gère.

20      La requérante estime qu’il est inacceptable que la chambre de recours fasse référence à, et se fonde sur, des documents qu’elle n’a pas été en mesure de commenter et qui n’ont pas été produits, et n’ont donc pas été admis dans la procédure.

21      L’OHMI considère, quant à l’allégation de la requérante selon laquelle son droit à être entendue aurait été violé, que, même si tel était le cas, une telle violation ne justifierait pas l’annulation de la décision attaquée si la décision était effectivement correcte [arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec. p. I‑10107, point 60, et arrêt du Tribunal du 13 juillet 2005, Sunrider/OHMI (TOP), T‑242/02, Rec. p. II‑2793, point 65].

22      L’OHMI ajoute que, la requérante étant une professionnelle du secteur concerné, elle devait connaître les formes des guitares évoquées par la chambre de recours. En outre, l’existence d’une grande diversité de formes de guitares, y compris de « guitares pointues », serait un fait notoire qui peut être connu par des sources généralement accessibles [arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, point 29]. La référence de la chambre de recours à une variété de formes de guitares n’aurait alors pas porté préjudice aux droits de la défense de la requérante.

23      De plus, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le signe demandé est l’une des nombreuses formes « pointues » de guitares sur le marché aurait pu être étayée par les preuves documentaires produites par la requérante dans sa lettre du 13 août 2004.

 Appréciation du Tribunal

24      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 73, seconde phrase, du règlement n° 40/94, les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position.

25      Conformément à cette disposition, une chambre de recours de l’OHMI ne peut fonder sa décision que sur des éléments de fait ou de droit sur lesquels les parties ont pu présenter leurs observations. Par conséquent, dans le cas où la chambre de recours recueille d’office des éléments de fait destinés à servir de fondement à sa décision, elle doit obligatoirement les communiquer aux parties afin que celles-ci puissent faire connaître leurs observations (arrêts KWS Saat/OHMI, point 21 supra, points 42 et 43, et TOP, point 21 supra, point 59).

26      Ladite disposition consacre, dans le cadre du droit des marques communautaires, le principe général de protection des droits de la défense [arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 21]. En vertu de ce principe général du droit communautaire, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêt de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 15 ; arrêts EUROCOOL, point 12 supra, point 21, et LIVE RICHLY, précité, point 22).

27      Le droit à être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel et non à la position finale que l’administration entend adopter [arrêt du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, point 75].

28      S’agissant du cas d’espèce, d’une part, l’OHMI a communiqué des liens internet, sans avoir fourni à la requérante de copies imprimées de leur contenu, dans deux lettres datant respectivement du 23 février 2004 et du 13 mai 2004, informant la requérante, au sens de la règle 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), que la forme demandée n’était pas éligible à l’enregistrement (ci-après respectivement la « première communication des motifs de refus » et la « seconde communication des motifs de refus »). D’autre part, la chambre de recours a communiqué, sans transmettre non plus à la requérante de copies imprimées, vingt adresses de liens internet, dont une adresse était identique à celle citée dans la seconde communication des motifs de refus.

29      Dans la première communication des motifs de refus, l’examinateur a estimé que la forme demandée était courante dans la catégorie des instruments généralement connus comme « guitares pointues » et, dès lors, ne constituait pas une indication d’origine. Il a ajouté qu’« une brève recherche sur internet a[vait] démontré qu’un grand nombre de fabricants majeurs produis[aient] tous des guitares ayant des formes similaires ». À cet égard, l’examinateur mentionne le site internet de la requérante, et aussi deux pages internet appartenant à d’autres fabricants. Il en conclut que, « [à] la lumière de la preuve acquise, la marque est considérée comme dépourvue de tout caractère distinctif ».

30      Dans la seconde communication des motifs de refus, l’examinateur indique que « les résultats de la recherche internet communiqués à la requérante ont servi de fondement au refus de la marque par l’OHMI ». Il évoque ensuite des liens vers cinq pages internet de fabricants de guitares et conclut que ces preuves « indiquent […] que des formes très semblables à la forme demandée sont utilisées par les tiers dans le secteur pertinent ».

31      Dans la décision de l’examinateur, celui-ci a rectifié sa position quant au rôle et à l’importance des éléments de preuve que sont des adresses de liens internet et qui constitueraient la recherche internet mentionnée dans les communications des motifs de refus. Il indique :

« [L]es références internet […] ne peuvent jamais former la seule base pour soulever une objection. Après avoir pris en compte tous les faits de l’affaire, l’OHMI a décidé que l’enregistrement de la marque demandée contredirait l’article 7, paragraphe 1, sous b) [du règlement n° 40/94] et a fourni des raisons justifiant cette décision. Ces raisons sont appuyées par quelques références internet trouvées par l’OHMI, mais ne sont pas uniquement fondées sur elles. »

32      Le Tribunal constate, cependant, que la décision de l’examinateur ne mentionne aucune preuve nouvelle qui constituerait le fondement factuel de l’analyse et qui se substituerait à la recherche internet communiquée à la requérante sous la forme desdits liens.

33      La chambre de recours affirme au point 20 de la décision attaquée ce qui suit :

« [L]es formes de guitares actuellement offertes sur le marché sont pratiquement illimitées […] Premièrement, […] il semble que l’on trouve couramment ce style [pointu] dans les [formes] de différentes autres guitares électriques sur le marché, généralement appelées ‘guitares pointues’ […] Deuxièmement, il semble que les guitares électriques heavy metal et hard-rock sont habituellement commercialisées dans une grande variété de formes […] et avec des détails de design extravagants ». La chambre de recours donne ensuite « quelques exemples à partir des sites auxquels l’examinateur a fait référence » et énumère sept liens internet.

34      Selon le point 21 de la décision attaquée, « les sites internet cités par l’examinateur ont présenté un assortiment de modèles de guitares, avec une grande variété de designs pointus […] plus ou moins semblables à la forme demandée, qui sont mis sur le marché par divers fabricants de guitares ». Pour « donner seulement quelques exemples à partir des sites internet cités par l’examinateur », la décision attaquée spécifie huit liens internet.

35      Au point 22 de la décision attaquée, la chambre de recours ajoute que « les sites internet déjà cités par l’examinateur contiennent plusieurs modèles de ‘guitares pointues’ […] très semblables, voire identiques, à la forme demandée » et mentionne encore cinq liens internet.

36      Le premier grief de la requérante relatif au droit à être entendu concerne les sept adresses des liens internet appartenant aux autres producteurs de guitares transmises, avant l’adoption de la décision attaquée, dans les communications des motifs de refus. Dans ce contexte, la requérante critique l’absence de copies imprimées des pages auxquelles ces liens menaient au moment de leur prise en compte par l’examinateur et la chambre de recours. Par son second grief relatif au droit à être entendu, qui concerne les dix-neuf liens qui lui ont été communiqués pour la première fois dans la décision attaquée, elle reproche non seulement l’absence de copies imprimées, mais aussi la prise en compte par la chambre de recours de ces liens internet alors que ceux-ci constitueraient des éléments de fait sur lesquels elle ne pouvait pas prendre position avant l’adoption de la décision attaquée.

37      S’agissant du premier grief de la requérante déjà avancé par celle-ci dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours, selon lequel elle ne pouvait consulter plusieurs des liens communiqués par l’examinateur en raison de leur inaccessibilité et selon lequel, même dans le cas où des liens étaient accessibles, elle n’avait pas la certitude de retrouver les formes de guitares sur lesquelles l’examinateur avait fondé sa décision, la chambre de recours affirme au point 39 de la décision attaquée ce qui suit :

« [I]l est vrai que, s’il y a des références aux pages internet éphémères, une copie imprimée doit être accessible pour le demandeur [de marque communautaire], s’il la sollicite. Néanmoins, dans le cas d’espèce, l’examinateur a renvoyé clairement à des sites internet qui ne sont pas éphémères mais qui sont ceux de fabricants de guitares renommés. »

38      Or, il convient de relever que, à l’audience, l’OHMI a affirmé que le contenu des liens internet en question avait changé entre-temps et que certaines pages internet, auxquelles les liens menaient, avaient disparu. Il a également indiqué qu’il ne disposait pas de copies imprimées qu’il pourrait fournir au Tribunal.

39      Il s’ensuit que les arguments avancés par l’OHMI au point 39 de la décision attaquée ne répondent aucunement au premier grief de la requérante, relatif au droit à être entendu.

40      S’agissant de l’argument de l’OHMI selon lequel la requérante, étant une professionnelle du secteur en cause, devait connaître les formes de guitares évoquées par l’examinateur et la chambre de recours, il y a lieu de relever que l’OHMI a admis à l’audience que la seule façon d’identifier les formes de guitares auxquelles l’examinateur et la chambre de recours s’étaient référés aurait été d’ouvrir le lien en cause.

41      Il est cependant clair que cette manière d’identifier la forme en question est inopérante dans le cas où le lien en cause est inaccessible et n’exclut pas la possibilité que le lien donné mène, à un moment ultérieur, à une guitare autre que celle prise en compte par l’examinateur ou par la chambre de recours.

42      Quant à certains liens accessibles qui mènent à plusieurs formes de guitares, l’OHMI a affirmé, à l’audience, que l’identification de la forme spécifique qui a été prise en compte par la chambre de recours n’a été possible qu’en prenant contact avec le rapporteur au sein de la chambre de recours.

43      Dès lors, s’agissant du premier grief de la requérante relatif au droit à être entendu, le Tribunal constate que la seule communication des adresses de liens internet dans les deux communications des motifs de refus, sans la fourniture des copies imprimées des pages auxquelles lesdits liens menaient, n’a pas permis à la requérante d’identifier, avant l’adoption de la décision attaquée, les formes de guitares prises en compte par la chambre de recours.

44      En ce qui concerne le second grief de la requérante, il y a lieu également de relever qu’elle ne pouvait pas, même théoriquement, accéder avant l’adoption de la décision attaquée aux 19 liens qui lui ont été communiqués pour la première fois seulement dans la décision attaquée (voir points 33 à 35 ci-dessus).

45      Par conséquent, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a pris en compte, lors de l’adoption de la décision attaquée, des éléments de fait qui n’ont pas été communiqués à la requérante préalablement à l’adoption de ladite décision.

46      Ce faisant, elle a violé l’article 73, seconde phrase, du règlement n° 40/94.

47      Il convient, dès lors, d’examiner si cette violation du droit à être entendu concerne les éléments de fait qui constituent le fondement de la décision attaquée.

48      À cet égard, l’OHMI fait valoir que la conclusion de rejet de la demande a été fondée sur une analyse indépendante de la recherche internet en cause. À cet égard, il fait valoir que l’existence d’une grande diversité de formes de guitares, y compris de « guitares pointues », serait un fait notoire et que la conclusion selon laquelle le signe demandé est l’une des nombreuses formes « pointues » sur le marché est étayée par les preuves documentaires produites par la requérante. À l’audience, l’OHMI a précisé que les points 15, 24, 25 et 29 de la décision attaquée, sur lesquels la décision de rejet repose, ne sont pas liés à la recherche internet effectuée par l’examinateur et la chambre de recours.

49      Il y a lieu de relever que les points susmentionnés contiennent, en substance, deux affirmations : premièrement, il existerait une grande diversité de formes de guitares sur le marché, qui empêcherait alors les consommateurs de considérer la forme des guitares comme une indication d’origine. Deuxièmement, la forme demandée ne différerait pas significativement des autres formes qu’ont les guitares heavy metal sur le marché, et ne permettrait donc pas aux consommateurs de la considérer comme une identification d’origine.

50      Il convient de constater, à cet égard, que l’OHMI se borne à faire valoir que la grande diversité des formes de guitares sur le marché serait un fait notoire, et que, selon lui, le fait que la forme demandée appartient à la catégorie des guitares pointues ressort des documents soumis par la requérante au cours de la procédure administrative. En revanche, il ne prétend nullement que son allégation concernant la similitude entre la forme demandée et les autres formes de guitares sur le marché constitue un tel fait notoire.

51      À cet égard, le Tribunal estime que l’appréciation de la similitude entre la forme demandée et d’autres formes existantes exige nécessairement l’examen comparatif de la forme demandée avec chacun des autres modèles spécifiques qui y ressembleraient. Dès lors, l’identification des autres modèles servant de référence pour l’appréciation de ladite similitude est, à cet égard, un élément indispensable de l’analyse de la chambre de recours. Or, l’OHMI ne conteste pas que les références internet avaient vocation, dans les communications des motifs de refus et dans la décision attaquée, à identifier les modèles spécifiques des autres fabricants de guitares pris en compte par l’examinateur et la chambre de recours.

52      De surcroît, l’examinateur a expressément affirmé dans la seconde communication des motifs de refus que « les résultats de la recherche internet communiqués à la requérante ont servi de fondement au refus de la marque par l’OHMI ».

53      Il convient de relever également que les points 24, 25 et 29 de la décision attaquée suivent les points 20 à 22, qui évoquent les divers modèles que l’examinateur et la chambre de recours ont pris en compte, et reprennent les conclusions factuelles tirées aux points 20 à 23 de l’examen des modèles présentés sur les sites internet en cause, notamment la constatation que la forme demandée est semblable, voir identique, aux autres formes sur le marché.

54      Dès lors, le Tribunal considère que la recherche internet en cause n’est pas confirmative, ou surabondante, par rapport à l’analyse faite par la chambre de recours, mais constitue son point de départ.

55      En conséquence, le Tribunal constate que la conclusion de rejet de la marque demandée dans la décision attaquée repose sur des éléments de fait qui n’ont pas été communiqués à la requérante préalablement à son adoption. Dès lors, la violation du droit de la requérante à être entendue entache la conclusion même de la décision attaquée.

56      À titre surabondant, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 73, première phrase, du règlement n° 40/94, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 253 CE [arrêt du Tribunal du 28 avril 2004, Sunrider/OHMI – Vitakraft-Werke Wührmann et Friesland Brands (VITATASTE et METABALANCE 44), T‑124/02 et T‑156/02, Rec. p. II‑1149, point 72].

57      À cet égard, il est de jurisprudence constante que l’obligation de motiver les décisions individuelles a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, point 15 ; arrêts du Tribunal du 6 avril 2000, Kuijer/Conseil, T‑188/98, Rec. p. II‑1959, point 36, et du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS), T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 59]. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 29 février 1996, Commission/Conseil, C‑122/94, Rec. p. I‑881, point 29, et arrêt VITATASTE et METABALANCE 44, point 56 supra, point 73).

58      S’agissant du cas d’espèce, il convient de rappeler que l’OHMI a admis à l’audience que plusieurs des liens internet communiqués à la requérante dans les deux communications de motifs de refus, ainsi que dans la décision attaquée, sont devenus inaccessibles, que leur contenu a changé entre-temps, et que dans le cas des liens menant à plusieurs formes de guitares, seule la consultation du rapporteur dans la chambre de recours a permis l’identification de la forme qui a été prise en compte par la chambre de recours. Il importe également de relever que, lors de l’instruction de l’affaire par le Tribunal, celui-ci pouvait accéder seulement à deux des sept liens menant aux sites internet des autres producteurs de guitares, figurant dans les deux communications des motifs de refus, et à seulement huit des dix-neuf liens qui ont été cités pour la première fois dans la décision attaquée.

59      À cet égard, le Tribunal constate que la communication des éléments de fait, qui constituent le fondement d’une décision de la chambre de recours, sous la forme de liens internet inaccessibles au moment de l’instruction de l’affaire par le Tribunal, ou sous la forme de liens accessibles dont le contenu a changé ou pouvait avoir changé depuis l’examen par l’examinateur ou la chambre de recours, ne constitue pas une motivation suffisante au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, puisqu’elle ne permet pas au Tribunal de contrôler la validité de la décision attaquée.

60      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la décision attaquée viole l’article 73 du règlement n° 40/94 en ce qu’elle méconnaît tant l’obligation de motivation que le droit à être entendu visés par cet article et que cette violation affecte le fondement principal de la décision attaquée, portant rejet de la marque demandée.

61      Dès lors, la première branche du moyen unique de la requérante doit être accueillie et il convient d’annuler la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres arguments de la requérante.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, dans la mesure où la décision attaquée est annulée, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 7 juin 2005 (affaire R 1035/2004‑2) est annulée.









2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.