Language of document : ECLI:EU:T:2007:47

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

13 février 2007 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale CURON – Opposition du titulaire de la marque communautaire verbale EURON – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑353/04,

Ontex NV, établie à Buggenhout (Belgique), représentée par Me M. Du Tré, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard‑Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Curon Medical, Inc., établie à Sunnyvale, Californie (États‑Unis), représentée par Mme C. Algar, MM. J. Cohen, solicitors, et T. Ludbrook, barrister,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 5 juillet 2004 (affaire R 22/2004-2), relative à une procédure d’opposition entre Ontex NV et Curon Medical, Inc.,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, F. Dehousse et D. Šváby, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 août 2004,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2004,

vu le mémoire en réponse de la partie intervenante déposé au greffe du Tribunal le 4 janvier 2005,

à la suite de l’audience du 24 janvier 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 novembre 2000, Curon Medical, Inc., établie à Sunnyvale, Californie, États‑Unis (ci-après la « partie intervenante »), a déposé une demande d’enregistrement d’une marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’« OHMI »), conformément au règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque pour laquelle l’enregistrement a été demandé était la marque verbale CURON (ci-après la « marque demandée »).

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement de la marque avait été initialement demandé relevaient des classes 10, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que modifié et révisé. Le 4 septembre 2003, la partie intervenante a procédé à une limitation de la spécification, dans sa demande d’enregistrement, des produits visés relevant de la classe 10. Ces produits relevant de la classe 10 correspondent à la description suivante :

« Appareils, instruments et dispositifs chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, à l’exception des appareils de radiographie ainsi que leurs pièces à usage médical, en particulier écrans et tubes à rayons X, films radiographiques impressionnés ou non, cartouches et autres récipients pour le transport de films radiographiques impressionnés ou non et appareils et dispositifs pour le développement de films radiographiques impressionnés ; à l’exclusion des appareils et instruments orthopédiques, prothèses, appareils et instruments pour la fixation et l’agrafage externes de prothèses, appareils électriques utilisés en chirurgie, pièces et parties constitutives des produits précités, ciment réparateur d’os ; et à l’exclusion des articles et produits jetables, autres que ceux utilisés avec des cathéters, en électrochirurgie à fréquence radio, dans la maladie du reflux gastroésophagien, dans le traitement chirurgical de l’incontinence fécale et des troubles gastroentérologiques ».

4        Le 25 juin 2001, la demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 56/01.

5        Le 12 septembre 2001, Ontex NV, établie à Buggenhout (Belgique), a formé une opposition à l’enregistrement de la marque demandée. Pour justifier l’opposition, elle invoquait l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94. Cette opposition était fondée sur la marque communautaire antérieure EURON, enregistrée le 29 août 2000 sous le numéro 762 351, pour des produits relevant des classes 5, 10, 16, 24 et 25 au sens de l’arrangement de Nice (ci‑après la « marque antérieure »). L’opposition était fondée sur le fait que certains des produits concernés étaient protégés par l’enregistrement de la marque antérieure, à savoir :

« Appareils et instruments chirurgicaux et médicaux », relevant de la classe 10.

6        L’opposition visait l’ensemble des produits de la classe 10 spécifiés dans la demande d’enregistrement, tels qu’énumérés au point 3 ci‑dessus.

7        Par décision du 31 octobre 2003, la division d’opposition de l’OHMI a rejeté l’opposition au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, et a fait droit à l’opposition dans son intégralité au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement (ci-après la « décision de la division d’opposition »), au motif qu’il existait un risque de confusion, incluant un risque d’association.

8        Le 22 décembre 2003, la partie intervenante a formé un recours devant la chambre de recours de l’OHMI contre cette décision.

9        Par décision du 5 juillet 2004 (ci‑après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI (ci‑après la « chambre de recours ») a fait droit au recours et annulé la décision de la division d’opposition, au motif qu’il n’était pas démontré que l’enregistrement de la marque demandée entraînerait un risque de confusion ou d’association.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      La partie intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Selon elle, pour ce qui concerne la comparaison des marques, la chambre de recours a eu tort de considérer que les signes en question étaient différents du point de vue visuel, phonétique et conceptuel et qu’il n’existait aucun risque de confusion entre ces signes dans l’esprit du public pertinent.

 Appréciation liminaire

14      La requérante prétend, dans sa requête, que la motivation sur laquelle les conclusions de la chambre de recours sont fondées est lacunaire et insuffisante.

15      Il y a lieu de relever, à cet égard, que la requérante a précisé, à l’audience, ne pas soulever de grief tiré de l’insuffisance de motivation. Ses allégations porteraient sur le fond du litige. Dès lors, ces allégations doivent être examinées simultanément avec les autres arguments concernant le fond de l’affaire.

 Arguments des parties

 Sur le public pertinent

16      La requérante fait valoir que la chambre de recours a omis de tenir compte du fait que la comparaison entre les marques devait être effectuée du point de vue d’un consommateur moyennement attentif qui, normalement, aperçoit les marques l’une après l’autre plutôt que simultanément et qui n’a pas tendance à soumettre les différences entre les marques à un examen attentif.

17      À l’audience, la requérante a évalué à « tout au plus 20 % » le pourcentage des produits en cause en l’espèce qui peuvent être achetés par un public moyen non spécialisé.

18      L’OHMI estime que, en raison des produits visés par les marques en cause, le public ciblé se compose essentiellement de médecins et de chirurgiens. Il s’agirait d’un public censé être spécialisé, bien informé, attentif et avisé. Il aurait un degré d’attention plus élevé en raison de la spécificité et du caractère technique des produits en question. L’allégation de la requérante selon laquelle la comparaison des signes devait être effectuée en prenant en considération le regard d’un consommateur moyennement attentif serait incorrecte.

19      Selon l’intervenante, la chambre de recours a dûment pris en compte le point de vue du consommateur moyen des produits couverts par les marques dont il s’agit. Elle soutient, en substance, que en raison du fait que les produits en cause sont uniquement utilisés par une catégorie étroitement définie du public, c’est‑à‑dire par des professionnels médicaux et leur équipe de soutien, ce sont ces derniers qui constituent en l’occurrence les consommateurs moyens pour les besoins de l’appréciation du risque de confusion.

 Sur la comparaison visuelle

20      La requérante conteste la thèse de la chambre de recours, selon laquelle l’impression générale donnée par les signes en conflit est sensiblement différente en raison de la première lettre de chaque signe.

21      Selon la requérante, la chambre de recours a omis de procéder à l’appréciation visuelle globale des deux signes en cause, sur le fondement de toutes les lettres perceptibles.

22      La requérante relève que, en l’espèce, les deux marques consistent en un signe verbal comportant un nombre identique de syllabes (deux) et de lettres (cinq). Le fait que les quatre dernières lettres des marques en question sont identiques et disposées dans le même ordre et dans la même position importerait plus que le fait que ces marques diffèrent en leur première lettre respective. La requérante en conclut, en se référant à plusieurs décisions rendues par l’OHMI et à l’arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS) (T‑388/00, Rec. p. II‑4301), qu’il y a similarité sur le plan visuel des marques considérées.

23      La chambre de recours aurait commis une erreur de droit en omettant de tenir compte, lors de l’appréciation visuelle des marques en cause, de l’argument selon lequel les marques respectives sont très similaires lorsqu’elles sont écrites à la main en lettres minuscules et/ou présentées en cursive. Tel est, selon la requérante, souvent le cas dans le domaine médical ainsi que, en ce qui concerne la présentation en cursive, sur les emballages. L’appréciation de la chambre de recours serait en conséquence lacunaire et insuffisante.

24      La requérante conteste la thèse de la chambre de recours selon laquelle la différence entre les signes est probablement accentuée par le fait que les consommateurs sont habitués à voir la séquence de lettres « e‑u‑r‑o », mais pas la séquence « c‑u‑r‑o ». Selon ses dires, même à supposer qu’un tel conditionnement existe, le raisonnement de la chambre de recours ne pourrait avoir de fondement que si la séquence « e‑u‑r‑o » était le préfixe d’une marque perçue comme une combinaison de deux éléments significatifs, ce qui n’est pas le cas de la marque en question.

25      La requérante fait valoir que la chambre de recours s’est engagée dans des spéculations concernant la signification conceptuelle que les consommateurs reconnaissent aux marques en cause afin de démontrer, les concernant, l’existence d’une différence au niveau visuel. La chambre de recours aurait omis de prendre en compte le fait que le consommateur moyennement attentif ne s’engagerait probablement pas dans une analyse conceptuelle des marques. En l’espèce, il ne discernerait pas de référence, s’agissant de la marque antérieure, à l’Europe ou de sens accentuant une quelconque différence entre les marques en cause.

26      L’OHMI approuve la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours quant aux différences entre les marques en cause sur le plan visuel. Quant à l’argument concernant l’omission de prise en considération des marques manuscrites ou présentées en minuscules, l’OHMI soutient qu’il n’est pas pertinent, notamment en raison du fait que les produits couverts par les marques en cause ne sont pas vendus sur ordonnance.

27      La partie intervenante conteste l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas procédé à une appréciation globale de la similitude visuelle des marques. Elle fait valoir qu’en raison de cette appréciation globale, qui n’est pas abstraite, l’argument de la requérante quant à la nécessité de prendre en compte l’usage des lettres minuscules pour reproduire les marques en cause est erroné. Cet argument de la requérante ne serait pas pertinent, dès lors que les produits en cause ne font pas partie de ceux qui sont habituellement vendus sur ordonnance.

 Sur la comparaison phonétique

28      La requérante conteste la thèse de la chambre de recours, selon laquelle, en raison du fait que la première lettre des marques en question, à savoir, respectivement, le « c » et le « e », se prononce de façon manifestement différente, il y a une différence perceptible dans la prononciation globale des marques, qu’un consommateur raisonnablement perspicace n’aura aucune difficulté à constater. La chambre de recours aurait omis de tenir compte de la structure des syllabes et de la prononciation des mots pris dans leur ensemble dans différentes langues.

29      La requérante soutient que la comparaison phonétique isolée des lettres dont sont constituées les marques concernées ne saurait mener à une conclusion quant à la prononciation de ces marques dans leur ensemble. La prononciation de la première lettre d’un mot ne déterminerait pas à elle seule celle du mot. Cette prononciation de la première lettre dépendrait tant du mot pris dans son ensemble que de la langue dans laquelle il est exprimé.

30      Selon la requérante, lorsque la prononciation des marques en question dans leur ensemble est comparée dans la langue anglaise, la sonorité de « eu » dans le mot « euron » et de « u » dans le mot « curon » est la même. La requérante soutient qu’en anglais seule la présence ou l’absence de la consonne « c » influence l’impression auditive des marques en question prises dans leur ensemble, et non la première lettre de chacune de ces marques, respectivement le « c » et le « e ». Elle soutient que la comparaison qu’il conviendrait de faire au niveau sonore entre les marques en cause en anglais aurait dû être celle portant sur les mots « uron » et « curon », qui sont très proches du point de vue phonétique. En anglais, la sonorité de la marque antérieure serait entièrement comprise dans la sonorité de la marque demandée. La requérante fait observer que, lorsque l’on prend en compte de façon combinée la similitude entre les premières syllabes et l’identité des secondes syllabes « –ron », il en résulte une impression de similitude phonétique.

31      La requérante en conclut que c’est sur le fondement d’une prémisse erronée que la chambre de recours a affirmé que les consommateurs pertinents dans l’Union européenne étaient, indépendamment de leur langue, capables de distinguer le son de la consonne « c » de celui de la voyelle « e », et a estimé, de manière implicite, que, par conséquent, ils étaient également capables d’effectuer une distinction entre la sonorité des marques en question prises dans leur ensemble.

32      La requérante soutient que les motifs retenus par la chambre de recours pour considérer que les marques en question étaient différentes sur le plan phonétique sont insuffisants et lacunaires.

33      L’OHMI met en exergue le fait que le public ciblé est familiarisé au vocabulaire anglais et aux règles anglaises de prononciation, attendu qu’il est établi que la majeure partie de la littérature scientifique est rédigée en anglais. Il fait observer que la requérante n’a pas produit de preuve montrant que la comparaison phonétique dans une autre langue officielle de l’Union européenne que l’anglais aurait abouti à une conclusion différente de celle adoptée par la chambre de recours.

34      La partie intervenante fait valoir que, en l’espèce, l’analyse correcte de la prononciation des deux premières lettres de chaque marque mène à conclure qu’il y a entre elles une importante différence, « eu » étant prononcé par les locuteurs d’une langue communautaire comme « you », « yur », « yoo », ou « oo », et « cu » comme « coo », « cur », ou « q ». Il ne serait pas correct de prétendre que la prononciation relative, en anglais, de la lettre « u » est identique dans les deux marques en question et que la différence de l’impression orale est due à la seule présence de la lettre « c ». La sonorité de la juxtaposition « e‑u‑r‑o » serait distinctement différente de celle de la juxtaposition « c‑u‑r‑e » (en tant que syllabes), suggérée par la juxtaposition des lettres « c‑u‑r », quelle que soit la langue officielle de l’Union européenne concernée.

 Sur la comparaison conceptuelle

35      Selon la requérante, la chambre de recours a eu tort d’affirmer qu’il n’y avait pas de similitude conceptuelle entre les marques en cause du fait que le mot « curon », lorsqu’il est appliqué aux produits en question (appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires, vétérinaires et autres) renvoie à la notion de traitement curatif et de guérison, alors que le mot « euron » fait référence à l’Europe.

36      La requérante soutient que le mot « curon » est inventé. Selon elle, les observations de la chambre de recours concernant la signification de la marque CURON pourraient éventuellement être faites du point de vue de certains consommateurs anglophones, mais ne tiennent pas compte de l’ensemble de ces consommateurs, ni des consommateurs moyens des États membres. La marque CURON n’a, selon la requérante, aucune signification apparente pour le public non anglophone, et ce dans aucune des langues officielles de l’Union européenne incluant les langues des États membres ayant adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004. La requérante mentionne, dans ce contexte, que toutes les marques communautaires enregistrées ou ayant fait l’objet d’une demande en ce sens avant la date de l’élargissement seront automatiquement étendues au territoire de chaque nouvel État membre. La chambre de recours aurait omis de prendre en compte toute autre langue parlée sur le territoire pertinent que l’anglais. Son appréciation des aspects conceptuels des marques en cause serait manifestement lacunaire et insuffisante.

37      La requérante soutient que la marque EURON ne se réfère pas à l’Europe, mais qu’il s’agit d’un mot inventé. Il ne saurait être perçu comme une combinaison de deux éléments significatifs dont l’un serait « euro ». Les consommateurs ne s’engagent pas, selon elle, dans une analyse conceptuelle des marques qu’ils rencontrent en vue d’y lire des significations. En conséquence, un lien entre les produits en question et l’Europe ne saurait être établi.

38      L’OHMI cite la jurisprudence du Tribunal, selon laquelle « la similitude conceptuelle doit être appréciée sur la base de la force évocatrice que l’on peut reconnaître à chacune [des marques] prise dans son ensemble » [arrêt du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 90]. L’OHMI soutient que la chambre de recours avait pertinemment conclu que les mots en question avaient une « force évocatrice » différente, et ce bien qu’ils n’eussent pas, pris dans leur ensemble, de sens concret par rapport aux produits en cause.

39      La partie intervenante se rallie à la conclusion de la chambre de recours concernant les différences conceptuelles entre les marques en cause. Ces dernières seraient conceptuellement assez dissemblables.

 Sur le risque de confusion

40      La requérante prétend que la chambre de recours a omis d’appliquer le principe d’interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, entre la similitude des marques et celle des produits désignés, selon lequel un faible degré de similitude entre les produits désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement (arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 19).

41      En conséquence du principe susvisé d’interdépendance, l’identité entre les signes ou entre les produits constituerait généralement une indication du risque de confusion, à moins qu’il n’y ait des différences claires sur d’autres points permettant aux consommateurs de les distinguer.

42      La requérante soutient, tout en estimant qu’en l’espèce les marques sont très similaires, que, dès lors que les produits couverts par ces marques sont identiques, même un faible degré de similitude entre les marques serait suffisant pour établir un risque de confusion. Elle conteste la thèse de la chambre de recours selon laquelle l’absence de tout « degré élevé » de similitude entre les marques dans le cas d’espèce l’emporte sur l’identité des produits. Cette thèse suggérerait que la similitude entre les marques doit être « élevée » même en vue de compenser l’« identité » entre les produits.

43      La requérante fait valoir que la chambre de recours a omis de tenir compte du caractère distinctif de la marque antérieure dans son appréciation du risque de confusion. Par conséquent, cette appréciation serait lacunaire et insuffisante, la chambre de recours n’ayant pas pris en considération tous les éléments pertinents. Selon la requérante, le caractère distinctif doit toujours être pris en compte lors d’une telle appréciation, en tant qu’argument en faveur de la constatation de l’existence d’un risque de confusion, ce risque étant d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 24).

44      La requérante soutient, en se fondant sur la jurisprudence Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 40 supra (point 29), que la marque antérieure serait certainement considérée comme fortement distinctive, étant donné qu’elle ne contient aucun élément descriptif des produits pour lesquels elle a été enregistrée et qu’elle ne fournit pas non plus au consommateur une quelconque information ou allusion à la fonction que les produits sont supposés remplir. La requérante prétend que le caractère fortement distinctif de la marque antérieure combiné avec l’identité entre les produits et avec la forte similitude entre les signes permet de conclure que le risque de confusion avec la marque demandée sera certainement important.

45      L’OHMI a admis, quant à la conclusion de la chambre de recours selon laquelle « [l]’absence de tout degré élevé de similitude entre les marques l’emport[ait] sur l’identité des produits », qu’il s’agissait d’une formulation imprécise qui avait conduit la requérante à une interprétation erronée. Selon l’OHMI, ce que la chambre de recours cherchait manifestement à exprimer était que les différences entre les signes (différences visuelles et conceptuelles, faible degré de similitude phonétique) étaient substantielles, empêchant ainsi le risque de confusion de naître, indépendamment de l’identité des produits. Cette interprétation serait confirmée par les points 20 à 22 de la décision attaquée. Il n’y aurait donc pas eu d’erreur de droit dans l’évaluation du risque de confusion.

46      La partie intervenante met en exergue les éléments qui réduiraient en l’espèce le risque de confusion. Il s’agirait, notamment, du public pertinent, de la nature des produits en cause et de l’allusion, distinctive au niveau conceptuel, faite par la marque demandée aux « choses curatives ».

 Appréciation du Tribunal

47      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement « lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée » ; il y est également précisé que « le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ». Par ailleurs, l’article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 40/94 dispose que figurent au nombre des marques antérieures les marques communautaires dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

48      Il convient de rappeler, à cet égard, que constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [arrêts Canon, point 40 supra, point 29, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 40 supra, point 17 ; arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 25].

49      Selon une jurisprudence constante, le risque de confusion quant à l’origine commerciale des produits ou des services doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause et en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 29 à 33, et la jurisprudence citée]. Le risque de confusion présuppose que, cumulativement, le degré de similitude des marques en cause et le degré de similitude des produits ou des services désignés par ces marques sont suffisamment élevés [arrêt du Tribunal du 22 octobre 2003, Éditions Albert René/OHMI – Trucco (Starix), T‑311/01, Rec. p. II‑4625, point 59].

50      Il importe, en outre, de préciser que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles‑ci (arrêts SABEL, point 43 supra, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 40 supra, point 25).

51      Le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêts SABEL, point 43 supra, point 24, et Canon, point 40 supra, point 18), celui-ci devant être constaté soit au regard des qualités intrinsèques de la marque, soit en raison de la notoriété qui lui est attachée [arrêt Canon, point 40 supra, point 18, et arrêt du Tribunal du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY), T‑99/01, Rec. p. II‑43, point 34].

52      Étant donné que l’analyse de la similitude entre les signes en cause constitue un élément essentiel de l’appréciation globale du risque de confusion, elle doit être opérée, à l’instar de cette dernière, par rapport à la perception du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, point 53].

53      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner, eu égard aux allégations des parties, si le degré de similitude entre les marques en cause est suffisamment élevé pour pouvoir considérer qu’il existe un risque de confusion entre celles‑ci.

 Sur l’identité des produits et le territoire pertinent

54      Il est constant que les produits couverts par la marque demandée, visés dans l’opposition de la requérante, sont identiques aux produits couverts par la marque antérieure sur lesquels l’opposition était fondée. Il est également constant que le territoire pertinent en l’espèce est celui de l’Union européenne. Partant, il convient de tenir compte de ces prémisses aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion. Il y a toutefois lieu de préciser que l’enregistrement de la marque demandée doit également être refusé, même si le motif relatif de refus n’existe que dans une partie de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 mars 2004, Mühlens/OHMI – Zirh International (ZIRH), T‑355/02, Rec. p. II‑791, points 34 à 36].

 Sur le public pertinent

55      La requérante fait valoir que la chambre de recours a omis de tenir compte du fait que la comparaison des marques en conflit devait se faire du point de vue d’un consommateur moyen.

56      Le Tribunal relève à cet égard, premièrement, qu’il a été affirmé dans la décision de la division d’opposition que les produits en cause pouvaient inclure tant des appareils et instruments sophistiqués utilisés en chirurgie et dans la pratique médicale, exigeant un savoir spécialisé, que ceux d’usage quotidien, achetés en masse. Il s’ensuit que la division d’opposition considérait que le public pertinent en l’espèce était composé, d’une part, de consommateurs spécialisés et, d’autre part, de consommateurs moyens.

57      Deuxièmement, le Tribunal constate que s’il est, certes, vrai que la référence faite par la chambre de recours, au point 21 de la décision attaquée, à un « consommateur raisonnablement perspicace », met en avant l’une des caractéristiques prêtées au consommateur moyen, lequel est « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 35, et la jurisprudence citée), il n’en reste pas moins que cette simple référence ne saurait être interprétée comme remettant en cause l’appréciation de la division d’opposition quant à la composition mixte du public pertinent en l’espèce.

58      Le Tribunal considère, à cet égard, que la définition du public pertinent par la division d’opposition, implicitement retenue par la chambre de recours, est exacte. En effet, tenant compte de la spécification relativement large des produits en cause en l’espèce, il convient de souligner que le public pertinent est bien composé, outre des consommateurs spécialisés, de consommateurs moyens.

59      Cependant, il y a lieu de relever que, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la requérante a évalué la proportion des produits en cause pouvant être achetés par des consommateurs moyens à un pourcentage ne pouvant excéder 20 % de l’ensemble desdits produits. Ainsi, la requérante elle-même admet par ses propos que la grande majorité du public pertinent est un public spécialisé, et que seule une partie limitée de celui-ci est constituée d’un public de consommateurs moyens.

60      Le Tribunal constate également que les produits en cause, par leur nature (voir points 3 et 5 ci-dessus), sont destinés notamment aux spécialistes travaillant dans le domaine de la chirurgie et de la médecine. Il s’ensuit que la partie essentielle du public pertinent est composée par un public spécialisé, qui est susceptible de manifester un degré d’attention plus élevé que la moyenne lors du choix des produits en cause [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 2005, Faber Chimica/OHMI – Nabersa (Faber), T‑211/03, Rec. p. II‑1297, point 24].

61      En conséquence, s’il y a lieu de comprendre l’argument de la requérante concernant l’omission de la chambre de recours de prendre en compte le point de vue des consommateurs moyens comme signifiant que le public pertinent est constitué seulement desdits consommateurs, cette argumentation doit être écartée comme étant fondée sur une prémisse erronée.

62      Si l’argument de la requérante doit être compris en ce sens que la chambre de recours n’a pas pris en compte, à due proportion, le point de vue du consommateur moyen, alors cette argumentation doit être écartée comme manquant en fait.

 Sur la comparaison visuelle

63      Concernant la comparaison visuelle des marques en conflit, la chambre de recours a affirmé ce qui suit (point 20 de la décision attaquée) :

« En dépit de l’identité des produits couverts par les signes, les marques peuvent être clairement distinguées l’une de l’autre. L’impression générale donnée par les signes est sensiblement différente en raison de la première lettre de chaque signe. La consonne ‘c’ et la voyelle ‘e’ sont assez éloignées, bien que la décision [de la division d’opposition] semble indiquer que ces lettres ne sont pas, d’un point de vue visuel, aisées à distinguer. La différence entre les signes est probablement accentuée par le fait que les consommateurs sont [habitués] à voir la séquence des lettres ‘e‑u‑r‑o’, mais pas la séquence ‘c‑u‑r‑o’. La division d’opposition n’a pas, comme la demanderesse le souligne, apprécié l’impression donnée par les signes dans leur ensemble, mais les a plutôt disséqués et est arrivée à la conclusion erronée que les signes doivent être similaires, parce que quatre des cinq lettres sont placées dans le même ordre. »

64      Il y a lieu de constater, à titre liminaire, que les deux marques en conflit sont composées chacune de deux syllabes. Elles contiennent chacune cinq lettres, dont les quatre dernières sont identiques, et sont disposées dans le même ordre et en même position. Cela donne aux signes en question un certain degré de similitude visuelle.

65      Néanmoins, pour apprécier l’impression visuelle générale donnée par les deux signes, il y a lieu de prendre aussi en compte le fait qu’ils diffèrent en leur première lettre respective.

66      La chambre de recours n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en constatant, à ce sujet, que la voyelle « e » était assez éloignée, du point de vue visuel, de la consonne « c ». Il convient à cet égard de souligner que, à la différence de la consonne « c », la voyelle « e » contient une ligne centrale horizontale, ce qui rend sa graphie relativement plus complexe.

67      Les consommateurs noteront la différence entre les lettres initiales respectives d’autant plus aisément qu’ils attachent normalement plus d’importance à la partie initiale des mots (arrêt MUNDICOR, point 38 supra, point 81). La partie initiale de la marque antérieure se distingue de surcroît par le fait qu’elle est constituée de la juxtaposition des deux lettres « e » et « u », ce qui attire l’attention des consommateurs, habitués à voir le sigle « eu » faisant généralement référence à l’Union européenne.

68      Il convient de souligner que, si, au sens strict, l’impression visuelle d’un signe consiste en l’impression d’ensemble produite par ce dernier, il n’est pas pour autant exclu que certaines de ses composantes produisent un impact visuel plus ou moins accentué. Cela est également vrai dans un cas comme celui de l’espèce, où le signe consiste en un seul mot. La séquence « e‑u‑r‑o » de la marque antérieure attire immédiatement l’attention visuelle des consommateurs. Cela est dû à la multiple répétition, dans la vie quotidienne des consommateurs, de situations dans lesquelles ces derniers sont amenés à apercevoir divers termes constitués de cette séquence linguistique, dont, notamment, le terme « euro » relatif à la monnaie unique, ou encore les termes « Europe », « européen ». L’attraction visuelle de la séquence en question est de l’ordre du réflexe. Elle n’est donc pas fonction d’une analyse conceptuelle de la marque antérieure par les consommateurs ou du fait que ceux-ci attribuent à la marque une signification concrète.

69      La séquence « e‑u‑r‑o » est par conséquent visuellement dominante dans la marque antérieure, d’autant plus que cette dernière ne s’en distingue que par la lettre finale « n ». Cela a pour corollaire que la séquence « u-r-o-n », commune aux deux marques, n’est pas l’élément le plus attractif de la marque antérieure.

70      Il importe encore de noter que la brièveté des marques en conflit permet aux consommateurs de mieux appréhender les variations dans leur orthographe.

71      Eu égard à l’ensemble des considérations susmentionnées, il y a lieu de juger que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en concluant, sur le plan visuel, que l’impression générale donnée par les signes en question était sensiblement différente en raison de la première lettre de chaque signe.

72      En effet, les différences liées à la première lettre respective des signes en conflit, accentuées par le fait que les consommateurs sont habitués à voir la séquence « e‑u‑r‑o », sont telles qu’elles l’emportent sur la similitude créée par les quatre dernières lettres de chacun des deux signes.

73      Cette conclusion n’est pas infirmée par les autres allégations de la requérante.

74      S’agissant, en premier lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait dû prendre en considération le fait que les marques en conflit sont très similaires lorsqu’elles sont écrites à la main en lettres minuscules et/ou présentées en cursive, il y a lieu de noter que les deux marques en cause sont des marques communautaires verbales. Or, une marque verbale est une marque constituée exclusivement de lettres, de mots ou d’associations de mots, écrits en caractères d’imprimerie dans une police normale, sans élément graphique spécifique (arrêt Faber, point 60 supra, point 33). La protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir. En conséquence, l’allégation de la requérante n’est pas fondée.

75      Il convient ensuite de relever que la requérante n’a apporté aucun élément de preuve, que ce soit devant la chambre de recours ou au cours de la présente procédure, quant au fait que les marques en question seraient souvent écrites à la main en lettres minuscules et/ou présentées en cursive.

76      En tout état de cause, en l’espèce, le consommateur n’aura aucune difficulté à discerner les différences visuelles entre les marques en conflit, qu’elles lui soient présentées en caractères d’imprimerie majuscules, minuscules ou en cursive.

77      S’agissant, en deuxième lieu, des allégations de la requérante selon lesquelles la décision attaquée ne concorde pas avec la pratique décisionnelle de la division d’opposition et des chambres de recours de l’OHMI, il y a lieu de rappeler que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement nº 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI [voir arrêt du Tribunal du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI – Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT), T‑117/02, Rec. p. II‑2073, point 57, et la jurisprudence citée]. En conséquence, l’argument tiré d’une éventuelle discordance de la décision attaquée avec la pratique décisionnelle de l’OHMI ne saurait être retenu.

78      S’agissant, en troisième lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle la décision attaquée méconnaît l’arrêt ELS, point 22 supra, il y a lieu de constater que, dans cet arrêt, la comparaison concernait deux sigles, « ils » et « els », dont la seule dissemblance consistait en leur première lettre respective : « i » dans l’un, « e » dans l’autre. À la différence de la présente affaire, aucun de ces sigles ne présentait d’élément ayant un attrait visuel spécifique susceptible de détourner l’attention des consommateurs de la partie qu’ils avaient en commun.

79      Il ne saurait non plus être méconnu que chacune des marques EURON et CURON a l’apparence d’un mot et non d’un sigle, ce qui rend leur mémorisation plus facile et simplifie également leur reconnaissance visuelle. En conséquence, la différence dans les lettres initiales respectives joue, en l’espèce, un rôle plus important que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ELS, point 22 supra.

80      En dernier lieu, quant à l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours n’a pas procédé à une appréciation globale de la similitude visuelle des signes en cause, le Tribunal considère que cette allégation manque en fait. En effet, il ressort de la décision attaquée, d’abord, que la chambre de recours a reproché à la division d’opposition de ne pas avoir « apprécié l’impression donnée par les signes dans leur ensemble, mais [de les avoir] plutôt disséqués […] » (point 20 de la décision attaquée) et ensuite, qu’elle s’est référée explicitement à l’impression générale donnée par les signes en conflit.

 Sur la comparaison phonétique

81      Quant à la comparaison phonétique, la chambre de recours a affirmé ce qui suit (point 21 de la décision attaquée) :

« Les quatre lettres que les signes ont en commun dans la même séquence leur donnent naturellement un degré de similitude phonétique. Cependant, les premières lettres, le ‘c’ et le ‘e’ respectivement, se prononcent de façon manifestement différente. Cela signifie qu’il y a une différence visible dans la prononciation globale des marques, qu’un consommateur raisonnablement perspicace n’aura aucune difficulté à distinguer. Ce serait sous-estimer les consommateurs pertinents concernés, quelle que soit la langue de l’Union européenne utilisée, que de conclure qu’ils ne sont pas capables de faire la distinction entre le son de la consonne ‘c’ et le son de la voyelle ‘e’ ».

82      À titre liminaire, il convient de rejeter l’allégation de la requérante, selon laquelle la chambre de recours a omis de tenir compte de la prononciation des mots pris dans leur ensemble. La formulation « […] [c]ela signifie qu’il y a une différence visible dans la prononciation globale des marques […] » (point 21 de la décision attaquée) permet de constater qu’il n’y a pas eu d’omission à cet égard.

83      Ensuite, il convient de relever que la requérante n’a avancé aucune preuve à l’appui de son allégation selon laquelle, lorsque les marques en question sont prononcées dans certaines des langues européennes, elles sont phonétiquement similaires, et qu’elle n’a pas non plus démontré cette allégation. Cette allégation ne permet notamment pas de déterminer quelle langue européenne était spécifiquement visée par la requérante.

84      La phrase « [c]e serait sous‑estimer les consommateurs pertinents concernés, quelle que soit la langue de l’Union européenne utilisée, que de conclure qu’ils ne sont pas capables de faire la distinction entre le son de la consonne ‘c’ et le son de la voyelle ‘e’ […] » (point 21 de la décision attaquée) permet de constater que la chambre de recours n’a pas omis de prendre en compte les différentes langues européennes.

85      C’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que, nonobstant une certaine similitude phonétique entre les marques, due à la séquence commune « u‑r‑o‑n », la prononciation globale de ces marques différait visiblement. Cela est dû au fait que le début des mots en question se prononce de façon clairement différente. Le début de la marque EURON se prononce généralement, dans les langues européennes considérées, d’une manière souple, ce qui contraste avec la prononciation dure du début de la marque CURON, qui se prononce normalement de manière gutturale. Cette différence dans la prononciation des débuts respectifs des marques en conflit est déterminante pour l’impression phonétique générale qu’en ont les consommateurs ciblés.

86      Contrairement à ce que soutient la requérante, les marques en cause ne sauraient être considérées comme particulièrement proches phonétiquement lors de leur prononciation en anglais. La prononciation probable dans cette langue serait, pour la marque antérieure, « u-ron », voire « oy-ron » ou « e-ron ». Pour la marque demandée, la prononciation serait « q-ron », voire « coo-ron » ou « cu-ron ». Bien qu’il y ait incontestablement, lors de la prononciation en anglais, une certaine ressemblance phonétique entre les marques en conflit, et même à considérer que cette ressemblance soit plus aiguë que dans certaines autres langues analysées, elle ne suffit pas à neutraliser la différenciation phonétique induite par leurs lettres d’attaque.

87      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure qu’il n’y a pas d’élément infirmant la constatation de la chambre de recours selon laquelle, nonobstant une certaine similitude phonétique entre les marques en cause, une différence perceptible existe dans leur prononciation globale.

 Sur la comparaison conceptuelle

88      Quant à la comparaison conceptuelle, la chambre de recours a affirmé ce qui suit (point 22 de la décision attaquée) :

« Les différences phonétiques et visuelles entre les signes sont accentuées par les différences conceptuelles entre les marques. Le signe de la demanderesse, appliqué aux produits visés (appareils chirurgicaux, médicaux, dentaires, […] vétérinaires et autres), renvoie à la notion de traitement curatif et de guérison, tandis que le signe de l’opposante fait référence à l’Europe. »

89      Il y a lieu d’observer, dès à présent, que le sens des termes « euron » et « curon » ne peut être tenu pour similaire. Premièrement, il n’a pas été démontré qu’un de ces termes aurait une signification courante dans l’une des langues officielles de l’Union européenne.

90      Deuxièmement, il y a lieu de noter que la marque antérieure, bien qu’elle ne corresponde, comme telle, à aucun mot dans les langues européennes pertinentes, jouit d’une certaine « force évocatrice », dans la mesure où elle est proche des mots « euro » et « Europe », mots particulièrement bien connus et facilement reconnaissables dans toutes les langues considérées, utilisés habituellement pour se référer à l’Europe ou à l’Union européenne, ou, en ce qui concerne le premier d’entre eux, également à la monnaie unique [voir, quant à la force évocatrice, arrêt MUNDICOR, point 38 supra, points 89 et 90, et, quant au terme « euro », arrêts du Tribunal du 7 juin 2001, DKV/OHMI (EuroHealth), T‑359/99, Rec. p. II‑1645, point 26, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 48]. Les consommateurs se rendront compte de l’effet évocateur de la marque antérieure sans procéder à une analyse conceptuelle de celle-ci, mais simplement en fixant, par réflexe, leur attention sur l’élément reconnaissable dans le signe verbal EURON, à savoir le terme « euro » [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT), T‑186/02, Rec. p. II‑1887, point 57].

91      Cet effet évocateur est indépendant du point de savoir si le signe verbal EURON désigne ou non une caractéristique des produits pour lesquels l’enregistrement de la marque antérieure a été effectué, cette circonstance n’influant pas sur la capacité qu’a le public pertinent de faire une association entre ce signe verbal et les mots « euro » et « Europe » [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 54]. De même, la force évocatrice de la marque antérieure ne saurait être altérée par le caractère prétendument « inventé » de cette marque. En effet, même un mot inventé peut avoir une charge conceptuelle.

92      Troisièmement, il n’a pas été démontré que, dans une ou plusieurs des langues officielles de l’Union européenne, la marque demandée aurait un sens conceptuel ou une force évocatrice qui la rapprocherait conceptuellement de la marque antérieure. La seule force évocatrice de la marque antérieure serait donc déjà, en elle‑même, suffisante pour conclure qu’il y a une certaine différence conceptuelle entre les marques en cause (voir, par analogie, arrêt BASS, point 91 supra, point 54).

93      De surcroît, le Tribunal considère que la marque demandée possède une certaine force évocatrice l’éloignant, conceptuellement, de la marque antérieure. Cela est dû au fait que la marque demandée est proche des mots désignant le traitement curatif ou la guérison dans certaines des langues pertinentes, tel, à titre d’exemple, l’anglais (terme « cure »). Le consommateur concerné, quel qu’il soit, est apte à se rendre compte de cet effet évocateur. En effet, il convient de considérer que ledit consommateur, s’agissant d’un professionnel, possède une connaissance, à tout le moins élémentaire, des termes anglais relevant du domaine médical et chirurgical, dès lors que l’anglais est la langue technique dans ces domaines et, s’agissant du consommateur moyen, que ce dernier se trouve en présence d’un terme de base d’une langue communément usitée dans le commerce, de surcroît présent, parfois avec de légères variantes et des sens voisins, dans plusieurs autres langues de l’Union européenne, telles que, notamment, l’espagnol, le français, l’italien et le portugais. Le consommateur visé se rendra ainsi compte de l’effet évocateur en question à la première vue ou à la première écoute de la marque CURON, sans procéder à une analyse conceptuelle détaillée de celle-ci. Il en est d’autant plus ainsi que l’effet évocateur est en rapport avec les produits désignés par cette marque, c’est-à-dire avec les « appareils, instruments et dispositifs chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires […] »

94      Au vu de ces éléments, il convient de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que les différences phonétiques et visuelles entre les signes étaient accentuées par les différences conceptuelles entre les marques.

 Sur le risque de confusion

95      En ce qui concerne le risque de confusion entre les marques en conflit, la chambre de recours a constaté ce qui suit (point 23 de la décision attaquée) :

« L’absence de tout degré élevé de similitude entre les marques dans le cas d’espèce l’emporte sur l’identité des produits. L’opposante n’a donc pas démontré que l’enregistrement du signe de la demanderesse entraînerait un risque de confusion ou d’association. »

96      Il convient d’examiner, au vu des principes découlant de la jurisprudence rappelée aux points 49 à 51 ci‑dessus, si la chambre de recours n’a pas commis d’erreur manifeste dans son appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit.

97      Comme il a été constaté au point 71 ci-dessus, ces marques sont sensiblement différentes sur le plan visuel en raison de leur lettre d’attaque. Sur le plan phonétique, malgré une certaine similitude incontestable, une différence visible dans leur prononciation globale est induite par leur première lettre respective (voir point 87 ci‑dessus). Sur le plan conceptuel, les marques diffèrent (voir point 94 ci-dessus).

98      Bien qu’il ne puisse être exclu, de manière générale, que la seule similitude auditive des marques soit de nature à créer un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, l’existence d’un tel risque doit être constatée dans le cadre d’une appréciation globale en ce qui concerne les similitudes conceptuelle, visuelle et auditive entre les signes en cause. À cet égard, la similitude ou la dissemblance auditive ne constitue que l’un des facteurs pertinents dans le cadre de ladite appréciation globale. Dès lors, il ne saurait être considéré qu’il y a nécessairement risque de confusion chaque fois que la seule similitude auditive entre deux signes est établie.

99      Il convient encore de relever, à ce sujet, que le degré de similitude phonétique entre deux marques est d’une importance réduite dans le cas de produits qui sont commercialisés de telle manière que, habituellement, le public pertinent, lors de l’achat, perçoit la marque les désignant de façon visuelle (arrêt BASS, point 91 supra, point 55). Tel est le cas en l’espèce. En effet, au regard de la nature des produits en cause, il est fort peu probable que les consommateurs puissent les distinguer après avoir uniquement entendu le nom de la marque qui les désigne, sans avoir vu les produits eux-mêmes. D’ailleurs, à l’audience, la requérante n’a pas apporté de démenti à l’affirmation faite par l’OHMI en ce sens.

100    Compte tenu des différences sensibles entre les marques en cause sur les plans visuel et conceptuel, ainsi que du fait que le degré de similitude phonétique entre ces marques ne saurait être considéré comme particulièrement déterminant en raison des différences phonétiques induites par les lettres d’attaque, et au vu du public pertinent en l’espèce, il y a lieu de constater que le degré de similitude entre les marques en question n’est pas suffisamment élevé pour pouvoir estimer qu’il y ait un risque de confusion.

101    Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu qu’il n’était pas démontré que l’enregistrement de la marque demandée entraînerait un risque de confusion ou d’association.

102    Étant donné les différences entre les marques en cause, cette appréciation ne saurait être infirmée par le fait que les produits couverts par la marque demandée, visés dans l’opposition de la requérante, sont identiques aux produits couverts par la marque antérieure sur lesquels l’opposition était fondée [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal BASS, point 91 supra, point 57, et du 28 juin 2005, Canali Ireland/OHMI – Canal Jean (CANAL JEAN CO. NEW YORK), T‑301/03, Rec. p. II‑2479, point 64].

103    Il convient encore de constater, à cet égard, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas omis de tenir compte du principe d’interdépendance entre les différents facteurs pris en compte et, plus spécifiquement, de l’identité entre les produits en cause. En effet, d’une part, elle s’est appuyée sur la jurisprudence relative au principe d’interdépendance dans ses considérations concernant le risque de confusion (point 17 de la décision attaquée). D’autre part, elle a déclaré, au point 20 de la décision attaquée, que, « [e]n dépit de l’identité des produits, […] les marques [pouvaient] être clairement distinguées l’une de l’autre », ce qui indique qu’elle a effectivement appliqué ce principe en l’espèce.

104    Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, le caractère distinctif de la marque antérieure ne saurait être considéré comme étant particulièrement élevé. En effet, il est atténué par la séquence « e‑u‑r‑o », en raison de son utilisation fréquente dans le domaine des marques, ainsi que dans différents noms commerciaux. Par ailleurs, cette séquence comporte un élément évocateur fort quant à l’origine géographique des produits qu’elle désigne. En tout état de cause, les signes en conflit n’ayant pas de similitude déterminante sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, l’aspect éventuellement distinctif de la marque antérieure ne saurait affecter l’évaluation globale du risque de confusion (voir, en ce sens, arrêts Starix, point 49 supra, point 61, et CANAL JEAN CO. NEW YORK, point 102 supra, point 62).

105    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique et le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

106    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par la partie intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Vilaras

Dehousse

Šváby

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 février 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : l’anglais.