Language of document : ECLI:EU:T:2023:27

DOCUMENT DE TRAVAIL


ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

1er février 2023 (*) 

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative fino Cyprus Halloumi Cheese – Marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI – Motif relatif de refus – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑558/21,

Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, établie à Nicosie (Chypre), représentée par Me C. Milbradt, avocate, et M. S. Malynicz, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Papouis Dairies Ltd, établie à Nicosie (Chypre), représentée par Mes A. Pomares Caballero et M. Pomares Caballero, avocats,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová‑Pelzl, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 21 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi,  demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 avril 2021 (affaire R 578/2019‑2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 12 septembre 2012, l’intervenante, Papouis Dairies Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Fromage élaboré à partir de lait de vache et/ou de lait de brebis et/ou de lait de chèvre (dans des proportions et des combinaisons de laits quelconques), présure ».

5        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 223/2012, du 22 novembre 2012.

6        Le 22 février 2013, la requérante a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 4 ci-dessus.

7        L’opposition était fondée sur la marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI, enregistrée le 14 juillet 2000 sous le numéro 1082965, désignant les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Fromages ».

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

9        Le 9 septembre 2014, la division d’opposition a rejeté l’opposition et condamné la requérante aux dépens.

10      Le 28 octobre 2014, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 20 avril 2017 (affaire R 2759/2014‑4), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et condamné la requérante à supporter les frais des procédures d’opposition et de recours.

12      La quatrième chambre de recours a, notamment estimé, que, selon la jurisprudence, il existait à l’égard des marques en conflit un seuil absolu de similitude en dessous duquel, dès lors qu’elles étaient dissemblables, il était possible d’écarter l’existence d’un risque de confusion sans égard aux autres facteurs.

13      Or, selon la quatrième chambre de recours, les signes en conflit devaient être considérés comme n’étant pas similaires, même à un certain degré comme l’avait considéré la division d’opposition, car il n’y avait pas lieu de tenir compte d’un seul élément isolé du signe demandé, à savoir le terme « halloumi », afin de le comparer au signe antérieur. En l’absence de similitude des signes en conflit, l’une des conditions requises par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 n’aurait pas été remplie, de sorte que l’opposition présentée au titre de cette disposition n’aurait pas été fondée.

14      La quatrième chambre de recours a également considéré que, s’agissant de l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, elle devait être rejetée, puisque la condition tenant au fait que les marques en conflit aient été identiques ou similaires n’était pas remplie.

15      Saisi d’un recours en annulation formé le 3 juillet 2017 par la requérante, le Tribunal, par arrêt du 23 novembre 2018, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – Papouis Dairies (fino Cyprus Halloumi Cheese) (T‑416/17, non publié, EU:T:2018:834), a annulé la décision de la quatrième chambre de recours du 20 avril 2017.

16      En substance, le Tribunal a estimé que, contrairement à la conclusion tirée par la quatrième chambre de recours, il y avait lieu de considérer que les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Ainsi, la conclusion tenant à leur absence de similitude, qui aurait rendu inutile de mener à son terme la comparaison globale desdits signes en tenant compte de l’interdépendance de l’ensemble des facteurs pertinents, était erronée.

17      À la suite de l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours du 20 avril 2017, le recours auprès de l’EUIPO a été réattribué à la deuxième chambre de recours, qui a adopté la décision attaquée.

18      Par la décision attaquée, la deuxième chambre de recours a rejeté le recours. Après avoir relevé que la décision de la quatrième chambre de recours du 20 avril 2017 était devenue définitive en ce qu’elle avait rejeté le recours sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, la deuxième chambre de recours a relevé que la portée du recours désormais porté devant elle se limitait à l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

19      À cet égard, en se référant, notamment, aux motifs de l’arrêt du 23 novembre 2018, fino Cyprus Halloumi Cheese (T‑416/17, non publié, EU:T:2018:834), tout d’abord, elle a conclu que, sur le territoire pertinent constitué de l’ensemble de l’Union européenne, les produits désignés par les marques en conflit étaient en substance identiques et destinés au consommateur moyen appartenant au grand public qui, lors de leur acquisition, faisait preuve d’un niveau d’attention moyen. Ensuite, elle a estimé, en substance, que tous les éléments composant la marque demandée présentaient un faible caractère distinctif et que, parmi ces derniers, l’élément verbal « fino » devait être considéré comme l’élément dominant, sans, pour autant, rendre négligeables les autres éléments. Enfin, elle a conclu que les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel et que la marque antérieure présentait un caractère distinctif intrinsèque faible, voire très faible, et que l’existence d’un caractère distinctif accru, acquis par l’usage, n’était pas démontrée.

20      Aux termes de l’analyse globale du risque de confusion, la deuxième chambre de recours a considéré que, au regard du faible degré de similitude des marques en conflit, du faible, voire très faible, degré de caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, de l’absence de démonstration d’un caractère distinctif accru de ladite marque, acquis par l’usage, et de l’identité des produits désignés par lesdites marques, à l’égard desquels le public pertinent ferait preuve d’un niveau moyen d’attention, il y avait lieu de conclure à l’absence de risque de confusion.

 Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

22      L’EUIPO et l’intervenante concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

23      Au soutien du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Ce moyen se divise en quatre branches. Selon la requérante, premièrement, la deuxième chambre de recours a commis une erreur en analysant la marque antérieure comme s’il s’agissait d’une marque individuelle, deuxièmement, elle a surestimé l’importance du critère tiré du caractère distinctif de la marque antérieure, ce qui a dénaturé la comparaison entre les marques en conflit, troisièmement, elle a fait peser à tort la charge de la preuve du caractère distinctif de la marque antérieure sur le titulaire de ladite marque et, quatrièmement, elle a estimé à tort que le régime de protection découlant des règles d’appellation d’origine protégée, lesquelles sont destinées à protéger les indications géographiques, était susceptible d’amoindrir la protection conférée par le régime des marques de l’Union européenne.

24      Par ailleurs, la requérante explique que la décision attaquée lui a été notifiée tardivement, en l’occurrence le 28 juin 2021, et elle fait valoir qu’il conviendrait que l’EUIPO s’explique par écrit, ou lors de l’audience, sur le retard de signification de la décision attaquée.

25      Invité, lors de l’audience, à fournir par écrit des explications sur les conditions de signification de la décision attaquée, l’EUIPO, par courrier du 5 octobre 2022, a exposé, en substance, que le délai de signification était conforme à celui d’affaires similaires. La requérante et l’intervenante n’ont pas déposé d’observations sur les explications de l’EUIPO.

26      L’EUIPO et l’intervenante sollicitent le rejet du moyen unique soulevé par la requérante.

27      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 12 septembre 2012, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

28      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’instance à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

 Sur la première branche, tirée d’une erreur lors de l’analyse de la marque antérieure en tant que marque collective de l’Union européenne

29      La requérante fait valoir que la deuxième chambre de recours a commis une erreur en ne tenant pas compte de la nature de marque collective de la marque antérieure. Or, la fonction d’une telle marque serait non seulement d’indiquer une origine commerciale, mais également de distinguer l’un des multiples membres de l’association qui en est le titulaire, ces derniers utilisant généralement ladite marque parallèlement à leur propre marque. Ainsi, le caractère collectif d’une marque antérieure pourrait entraîner l’ajout de critères supplémentaires par rapport à ceux applicables aux marques individuelles, sans déroger à ceux-ci ou sans qu’il en résulte une appréciation factuelle globale différente par rapport aux mêmes critères juridiques. Cette erreur de la deuxième chambre de recours aurait entraîné une appréciation erronée du risque de confusion, dans la mesure où les modalités concrètes d’utilisation de la marque antérieure n’auraient pas été prises en considération.

30      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

31      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

32      Conformément à l’article 66, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 74, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), la fonction essentielle d’une marque collective est de distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est le titulaire de ceux d’autres entreprises (arrêts du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO, C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 63, et du 12 décembre 2019, Der Grüne Punkt/EUIPO, C‑143/19 P, EU:C:2019:1076, point 52).

33      En cas d’opposition fondée sur une marque collective, la Cour a rappelé que le risque de confusion devait s’entendre comme étant le risque que le public pût croire que les produits ou les services visés par la marque antérieure et ceux visés par la marque demandée provenaient tous de membres de l’association qui était le titulaire de la marque antérieure ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association (arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 64).

34      S’il y a lieu de tenir compte de la fonction essentielle d’une marque collective, telle qu’énoncée à l’article 66, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, afin d’appréhender ce qu’il convient d’entendre par risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence établissant les critères au regard desquels il y a lieu d’apprécier concrètement si un tel risque existe est transposable aux affaires concernant une marque collective antérieure (arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 65).

35      En effet, aucune des caractéristiques que présentent les marques collectives de l’Union européenne ne justifie qu’il soit dérogé, en cas d’opposition fondée sur une telle marque, aux critères d’appréciation du risque de confusion qui ressortent de cette jurisprudence (arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 66).

36      En l’espèce, aux points 43 à 45 de la décision attaquée, la deuxième chambre de recours a rappelé les principes jurisprudentiels qui ont été dégagés s’agissant de la prise en compte de la nature d’une marque collective de l’Union européenne lorsqu’elle est invoquée à l’appui d’une procédure d’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

37      Or, ces principes sont identiques à ceux rappelés aux points 32 à 35 ci-dessus et, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’y a pas lieu de procéder à l’ajout de critères supplémentaires par rapport à ceux applicables aux marques individuelles. Au contraire, la Cour a expressément rappelé, d’une part, que la jurisprudence établissant les critères au regard desquels il devait concrètement être apprécié si un tel risque existait étaient transposables aux affaires concernant une marque collective antérieure (voir point 34 ci-dessus) et, d’autre part, que, lors de l’évaluation du caractère distinctif de la marque collective de l’Union européenne verbale HALLOUMI, qui était la même que celle qui fondait l’opposition en l’espèce, ledit caractère ne devait pas être apprécié de façon particulière au motif qu’il s’agissait d’une marque collective (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 71).

38      Or, en l’espèce, la requérante n’a ni allégué ni démontré que la deuxième chambre de recours s’était affranchie des critères habituels lors de l’évaluation du risque de confusion entre les marques en conflit, puisqu’elle soutient, à tort, que, outre ces critères, il appartenait à la deuxième chambre de recours d’appliquer des critères supplémentaires par rapport à ceux applicables aux marques individuelles, sans déroger à ces derniers.

39      Par conséquent, il apparaît que, dans le cadre de la procédure d’opposition à l’enregistrement de la marque demandée, contrairement à ce que soutient la requérante, d’une part, la deuxième chambre de recours n’a pas méconnu la nature de la marque antérieure en tant que marque collective de l’Union européenne et, d’autre part, ainsi qu’il résulte des développements qui suivent consacrés à l’examen des deuxième et troisième branches du moyen unique soulevé par la requérante, elle n’a pas commis d’erreur concernant la nature de marque collective de la marque antérieure lors de la détermination des facteurs mis en balance dans le cadre de l’évaluation globale du risque de confusion.

40      La première branche doit donc être rejetée comme étant non fondée.

 Sur les deuxième et troisième branches, tirées d’une surestimation de l’importance du critère tenant au caractère distinctif de la marque antérieure, d’une dénaturation de la comparaison entre les marques en conflit et d’une violation de la charge de la preuve s’agissant de la démonstration du caractère distinctif de la marque antérieure

41      La requérante expose que la deuxième chambre de recours a accordé une importance démesurée au critère tenant au caractère distinctif de la marque antérieure, tout d’abord, en l’analysant de manière autonome, ensuite, en le prenant à nouveau en considération lors de la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel et, enfin, lors de l’appréciation globale du risque de confusion. Or, cette approche ne serait pas conforme aux principes dégagés par la jurisprudence. En outre, contrairement aux termes de la décision attaquée, il n’existerait aucun élément de preuve indiquant que le terme « halloumi » serait uniquement le nom d’un fromage ou un terme générique.

42      Par ailleurs, selon la requérante, la chambre de recours a commis une erreur en imposant au titulaire de la marque antérieure la charge de la preuve du caractère distinctif de cette dernière alors qu’elle jouit d’une présomption de validité, en raison de son enregistrement, et d’une présomption d’un certain degré de caractère distinctif intrinsèque. La charge de la preuve pèserait au contraire sur les parties qui, devant l’EUIPO, entendraient remettre en cause les droits conférés par la marque antérieure.

43      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

44      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, par l’arrêt du 23 novembre 2018, fino Cyprus Halloumi Cheese (T‑416/17, non publié, EU:T:2018:834), le Tribunal a déjà été amené à se prononcer sur les facteurs pertinents devant être mis en balance dans le cadre de l’analyse globale du risque de confusion, le Tribunal n’ayant censuré la démarche de la quatrième chambre de recours que dans la mesure où elle s’était finalement abstenue de procéder à cette analyse globale. Cet arrêt étant devenu définitif, il y a lieu, à l’instar de la deuxième chambre de recours, de se référer à ses motifs dans le cadre de l’examen des deuxième et troisième branches, s’agissant, en particulier, de la définition du public pertinent et de la comparaison des signes en conflit au regard, notamment, des éléments distinctifs et dominants qui les composent.

45      À cet égard, il convient de constater que, aux points 30 à 32 de l’arrêt du 23 novembre 2018, fino Cyprus Halloumi Cheese (T‑416/17, non publié, EU:T:2018:834), auxquels la chambre de recours s’est référée aux points 23 et 24 de la décision attaquée, le Tribunal a jugé que tant la marque demandée que la marque antérieure désignaient des produits alimentaires d’usage courant, en substance du « fromage », qui s’adressaient au grand public dans l’ensemble de l’Union et lors de l’achat desquels le niveau d’attention de ce dernier était généralement moyen.

46      En ce qui concerne l’identification des éléments distinctifs et dominants des marques en conflit, aux points 51 à 56 de l’arrêt du 23 novembre 2018, fino Cyprus Halloumi Cheese (T‑416/17, non publié, EU:T:2018:834), auxquels la chambre de recours s’est référée aux points 32 à 37 de la décision attaquée, en premier lieu, tout d’abord, le Tribunal a jugé que les éléments figuratifs composant la marque demandée étaient peu originaux et que, parmi les éléments verbaux qui la composaient, le mot « fino » disposait certes d’un caractère distinctif, mais qui ne pouvait être que faible, voire très faible.

47      Ensuite, le Tribunal a considéré que la suite des trois autres mots composant la marque demandée, en l’occurrence « cyprus halloumi cheese », était très faiblement distinctive et qu’il ne pouvait pas être exclu que chacun des mots en cause fût considéré individuellement par une partie du public pertinent.

48      Enfin, le Tribunal a considéré que, pris séparément, tous les éléments composant la marque demandée présentaient une distinctivité faible, voire très faible, et que la marque demandée, prise dans son ensemble, disposait également d’un caractère distinctif faible, voire très faible.

49      En second lieu, le Tribunal a jugé que le terme « fino » devait être considéré comme l’élément dominant de la marque demandée, mais que la suite de termes « cyprus halloumi cheese » n’était pas pour autant négligeable et devait être prise en compte dans la comparaison de l’impression d’ensemble produite par la marque demandée.

50      Il apparaît que, contrairement à ce que soutient la requérante, la démarche suivie par la deuxième chambre de recours, en s’appuyant sur les motifs de l’arrêt du 23 novembre 2018, fino Cyprus Halloumi Cheese (T‑416/17, non publié, EU:T:2018:834), est parfaitement conforme à la jurisprudence selon laquelle, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, le risque de confusion entre deux marques en conflit ne doit pas être apprécié sur la base d’une comparaison, dans l’abstrait, des signes en conflit et des produits ou des services qu’ils désignent, mais plutôt sur la perception que le public pertinent aura desdits signes, produits et services [voir arrêt du 2 octobre 2015, The Tea Board/OHMI – Delta Lingerie (Darjeeling), T‑624/13, EU:T:2015:743, point 24 et jurisprudence citée].

51      Cette démarche vise à permettre, dans un second temps, une analyse comparative des marques en conflit en tenant compte de l’importance relative des éléments composant ces dernières, mais elle ne revient pas, contrairement à ce que soutient la requérante, à effectuer, dans un premier temps, une évaluation globale et autonome du caractère distinctif de la marque antérieure, qui serait déterminante lors de la comparaison des marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Il y a donc lieu de rejeter, comme étant non fondé, le grief de la requérante tiré, en substance, du fait que le caractère distinctif de la marque antérieure aurait été érigé en « superfacteur » déterminant la comparaison des marques en conflit, et ce dès le stade de l’analyse individuelle des marques en conflit.

 Sur la comparaison des marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel

52      La requérante remet en cause le résultat de la comparaison des marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, tel qu’il figure dans la décision attaquée, mais uniquement dans la mesure où, en substance, le facteur tenant au caractère distinctif des éléments composant la marque demandée aurait été pris en compte de façon erronée. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque, ainsi qu’il résulte des développements qui précèdent, le facteur tenant au caractère distinctif des éléments composant la marque antérieure a été valablement évalué par la deuxième chambre de recours, de sorte qu’il y avait lieu de le prendre en considération lors de la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

53      Dans ces conditions, il n’existe aucun motif permettant de considérer que les conclusions auxquelles la deuxième chambre de recours est parvenue, s’agissant de la comparaison des marques en conflit, seraient erronées, ces conclusions étant, au demeurant, similaires à celles auxquelles le Tribunal est déjà parvenu aux points 60 à 67 de l’arrêt du 23 novembre 2018, fino Cyprus Halloumi Cheese (T‑416/17, non publié, EU:T:2018:834).

54      Par conséquent, il y a lieu de constater, à l’instar de la deuxième chambre de recours au point 42 de la décision attaquée, que les signes en conflit présentent un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

55      Il est de jurisprudence constante que le degré du caractère distinctif de la marque antérieure détermine l’étendue de la protection conférée par celle-ci. Lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est important, une telle circonstance est de nature à augmenter le risque de confusion. Cela étant, l’existence d’un risque de confusion n’est pas exclue lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est faible (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 70 et jurisprudence citée).

56      En ce qui concerne les marques collectives de l’Union européenne, la Cour a rappelé, d’une part, qu’elles devaient posséder un caractère distinctif, que ce soit intrinsèquement ou par l’usage, et, d’autre part, que l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 74, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) ne constituait pas une exception à cette exigence de caractère distinctif. Si cette disposition autorisait, par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], l’enregistrement en tant que marques collectives de l’Union européenne de signes pouvant servir à désigner la provenance géographique de produits ou de services, elle ne permettait, en revanche, pas que les signes ainsi enregistrés fussent dépourvus de caractère distinctif. Ainsi, lorsqu’une association demande l’enregistrement, en tant que marque collective de l’Union européenne, d’un signe pouvant désigner une provenance géographique, il lui incombe de s’assurer que ce signe est pourvu d’éléments qui permettent au consommateur de distinguer les produits ou les services de ses membres de ceux d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, points 72 et 73 et jurisprudence citée).

57      En outre, le Tribunal a déjà jugé que l’enregistrement d’un signe en tant que marque collective ne saurait, en lui-même, être constitutif d’une présomption d’existence d’un caractère distinctif moyen [arrêt du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM), T‑534/10, EU:T:2012:292, point 52].

58      Il y a également lieu de rappeler que, par analogie avec la solution retenue dans l’arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 43 à 47), à l’égard des marques nationales valablement enregistrées, un certain degré de caractère distinctif doit être reconnu à une marque de l’Union européenne, y compris une marque collective, dont l’enregistrement ne s’est pas heurté à un motif absolu de refus [voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2021, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – Filotas Bellas & Yios (Halloumi), T‑282/19, non publié, EU:T:2021:154, point 50].

59      En l’espèce, s’agissant du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, la deuxième chambre de recours a estimé, au point 46 de la décision attaquée, qu’il était constant que ladite marque était constituée exclusivement du terme « halloumi » et que ce terme correspondait au nom générique d’un type de fromage produit à Chypre, de sorte que, compte tenu du caractère descriptif de l’unique terme dont elle était composée, elle présentait un caractère distinctif intrinsèque qui devait être considéré comme étant faible, voire très faible.

60      S’agissant d’un éventuel caractère distinctif accru acquis par l’usage, aux points 49 à 51 de la décision attaquée, la deuxième chambre de recours a relevé que les éléments de preuve produits par la requérante étaient les mêmes que ceux qui avaient été produits dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 mars 2021, Halloumi (T‑282/19, non publié, EU:T:2021:154), et que, parmi ces derniers, un seul renvoyait à la marque antérieure en tant que marque collective, sans d’ailleurs mentionner la requérante ou l’un de ses membres, alors que les autres comportaient presque uniquement des références au terme « halloumi » comme spécialité fromagère de Chypre, de sorte qu’ils ne permettaient pas de constater que les consommateurs, mis en présence de la marque antérieure, l’associeraient à autre chose qu’au fromage halloumi, eu égard au fait qu’elle renvoyait au nom générique de ce type de fromage, plutôt qu’à l’origine commerciale des produits, en ce qu’ils seraient provenus des membres de l’association titulaire de ladite marque ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association.

61      Les appréciations de la deuxième chambre de recours sont dénuées d’erreurs et doivent être approuvées.

62      Premièrement, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure doit, en effet, être évalué en tenant compte du fait que ladite marque est composée d’un terme unique, à savoir « halloumi », dont il ne saurait sérieusement être contesté qu’il désigne une spécialité fromagère de Chypre. À cet égard, il doit être rappelé que la Cour, au point 76 de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), a, en substance, approuvé l’analyse selon laquelle « le terme ‘halloumi’, seul élément dont [était] constituée [la] marque antérieure, désign[ait] un type particulier de fromage produit selon une recette spéciale et que le caractère distinctif d’une telle marque, qui se limit[ait] à désigner un type de produit, [était] faible ».

63      Le grief formulé par la requérante selon lequel, en substance, la deuxième chambre de recours a commis une erreur en estimant que le terme « halloumi » devait nécessairement s’entendre comme renvoyant à une spécialité fromagère de Chypre et que cela constituait un fait notoire doit donc être rejeté comme étant non fondé.

64      Au demeurant, ainsi que le font valoir l’EUIPO et l’intervenante, d’autres sources accessibles au public, notamment des textes de droit dérivé, permettent également de constater le lien évident entre le terme « halloumi » et un fromage produit à Chypre, comme le règlement d’exécution (UE) 2021/591 de la Commission, du 12 avril 2021, enregistrant une dénomination dans le registre des appellations d’origine protégée et des indications géographiques protégées [«Χαλλούμι» (Halloumi)/« Hellim »] (AOP) (JO 2021, L 125, p. 42).

65      Deuxièmement, il y a lieu de constater qu’aucun élément avancé par la requérante ne permet de remettre en cause l’analyse par la deuxième chambre de recours des éléments qui ont été produits devant elle et qui étaient destinés à démontrer un éventuel caractère distinctif accru, acquis par l’usage, de la marque demandée. Au demeurant, ces éléments ont déjà été analysés en ce sens par le Tribunal, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 mars 2021, Halloumi (T‑282/19, non publié, EU:T:2021:154).

66      En outre, si, ainsi qu’il a été rappelé au point 58 ci-dessus, à l’égard des marques nationales valablement enregistrées, il est certes possible de reconnaître un certain degré de caractère distinctif à une marque collective de l’Union européenne valablement enregistrée, il appartient toutefois au titulaire d’une telle marque de démontrer à quel niveau ledit caractère distinctif se situe, dès lors qu’il entend se fonder sur celui-ci à l’appui d’une procédure d’opposition, voire d’annulation. En effet, il convient également de rappeler que, conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, la charge de la preuve devant l’EUIPO pèse, à cet égard, sur l’opposant concerné [voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2017, Tulliallan Burlington/EUIPO – Burlington Fashion (BURLINGTON), T‑123/16, non publié, EU:T:2017:870, point 60 et jurisprudence citée].

67      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la troisième branche comme étant non fondée, dans la mesure où, contrairement à ce que soutient la requérante, la deuxième chambre de recours n’a pas inversé la charge de la preuve en considérant, premièrement, que la marque antérieure n’était pas dépourvue de caractère distinctif intrinsèque, mais que celui-ci était faible, voire très faible, et qu’aucun élément ne permettait de remettre en cause ce constat, puis, deuxièmement, que la démonstration d’un caractère distinctif accru de la marque antérieure, acquis par l’usage, qui incombait à la requérante en sa qualité de titulaire de ladite marque, n’avait pas été rapportée au regard des éléments de preuve versés aux débats.

68      Il y a d’ailleurs lieu de relever qu’une telle argumentation avait déjà été soulevée par la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 65), et que, au point 76 dudit arrêt, la Cour l’avait, en substance, rejetée.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

69      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés par celles-ci. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

70      Il convient de rappeler que la deuxième chambre de recours a conclu, au point 65 de la décision attaquée, à l’absence de risque de confusion. Premièrement, elle a fondé cette conclusion, au point 58 de la décision attaquée, sur le fait que le faible degré de similitude entre les signes en conflit était peu susceptible de contribuer à l’existence d’un risque de confusion, puisque lesdits signes coïncidaient par un élément, le terme « halloumi », qui, en tant que tel, n’était pas dominant dans la marque demandée et était, de plus, intrinsèquement peu distinctif pour le public pertinent qui le comprendrait, tout au plus, comme une référence possible à un type particulier de fromage chypriote. Deuxièmement, aux points 59 et 60 de la décision attaquée, elle a relevé que la marque antérieure était dotée d’un degré de caractère distinctif intrinsèque faible, voire très faible, et que l’existence d’un caractère distinctif accru, acquis par l’usage, n’avait pas été démontrée. Troisièmement, aux points 61 à 64 de la décision attaquée, la deuxième chambre de recours a exposé que les produits désignés par les marques en conflit, bien qu’identiques, étaient des produits de consommation courante, lors de l’achat desquels le public pertinent faisait preuve d’un niveau d’attention moyen, de sorte que, mis en présence de la marque demandée et à supposer qu’il portât également son attention sur l’élément « halloumi » contenu dans celle-ci, ce qui était peu probable compte tenu de sa position secondaire ainsi que du fait que cet élément était peu distinctif et présentait un caractère descriptif au regard des produits commercialisés, le public pertinent n’établirait pas de lien entre cette même marque et la marque antérieure, dans la mesure où, d’une part, il établirait, tout au plus, un lien entre cette dernière et le produit qu’elle désignait, à savoir un type particulier de fromage chypriote, et, d’autre part, les marques en conflit ne présentaient, globalement considérées, qu’un faible degré de similitude.

71      En l’espèce, dans la mesure où les produits visés par la marque demandée doivent être considérés comme étant identiques aux produits désignés par la marque antérieure, l’existence d’un risque de confusion ne saurait d’emblée être exclue. Toutefois, l’appréciation globale de ce risque doit être effectuée au regard de tous les facteurs pertinents.

72      Premièrement, s’agissant du facteur tenant à la similitude des signes en conflit, celle-ci tient, en particulier, à la présence du terme « halloumi » dans la marque demandée, alors que ce terme correspond également à l’unique élément dont est composée la marque antérieure, ce qui est à l’origine d’un faible degré de similitude des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

73      Ces considérations doivent toutefois être mises en perspective avec le fait que, lorsque le public sera mis en présence de l’élément verbal qui compose la marque demandée, son attention sera davantage attirée par l’élément dominant et le plus distinctif de ladite marque, à savoir le terme « fino », bien qu’il soit doté d’un degré de caractère distinctif faible, voire très faible, pour les consommateurs, nombreux dans l’Union, qui en comprennent la signification.

74      Par ailleurs, la configuration générale de la marque demandée, en tant que signe figuratif tirant son caractère distinctif de la mise en valeur des éléments verbaux par les éléments figuratifs, voire du contraste entre les mots « cyprus » et « cheese », issus de l’anglais, et les mots « fino » et « halloumi », qui n’en sont pas directement issus, joue également un rôle différenciateur non négligeable au regard de la marque antérieure, de nature verbale, composée d’un mot unique.

75      Ainsi, le terme « halloumi », élément unique à l’origine de la similitude existant entre les signes en conflit, ne contribue que très peu au caractère distinctif de la marque demandée, puisque l’élément « fino » de ladite marque a été considéré comme étant l’élément qui retiendrait le plus l’attention du public pertinent, en raison de son caractère plus distinctif et dominant, alors que la marque antérieure ne jouissait, quant à elle, que d’un faible degré de caractère distinctif intrinsèque.

76      Or, si la reconnaissance du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas, en elle-même, de constater l’existence d’un risque de confusion (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271, points 42 à 45), il apparaît toutefois que, lorsque les éléments de similitude existant entre deux signes tiennent au fait que, comme en l’espèce, ils partagent un composant présentant un faible caractère distinctif intrinsèque, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui-même faible [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 79].

77      Dans ces conditions, le faible degré de similitude qui existe, en l’espèce, entre les signes en conflit sera peu susceptible de contribuer à l’existence d’un risque de confusion, puisque lesdits signes coïncident par un unique élément, le terme « halloumi », qui n’est pas, en tant que tel, dominant et qui est, de plus, intrinsèquement peu distinctif pour le public pertinent, qui le comprendra, tout au plus, comme étant une référence possible à un type particulier de fromage chypriote.

78      Deuxièmement, s’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, d’une part, celle-ci est dotée d’un degré de caractère distinctif intrinsèque faible, voire très faible, et, d’autre part, la requérante n’a pas démontré l’existence d’un caractère distinctif accru, acquis par l’usage, dans la mesure où les éléments de preuve versés aux débats ne permettent pas de constater que le public pertinent, mis en présence de ladite marque, l’associera à autre chose qu’à un type particulier de fromage chypriote dénommé « halloumi », eu égard au fait qu’elle renvoie au nom générique de ce type de fromage, plutôt qu’à l’origine commerciale des produits désignés par celle-ci, en ce qu’ils proviennent des membres de l’association titulaire de ladite marque ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association.

79      Ainsi, le niveau de protection conféré par la marque antérieure, eu égard à son faible, voire très faible, degré de caractère distinctif intrinsèque, ne peut lui-même qu’être faible.

80      Troisièmement, il y a lieu de prendre en considération le facteur tenant au fait que les produits désignés par la marque demandée peuvent être considérés comme étant identiques à ceux désignés par la marque antérieure.

81      À ce titre, il convient de rappeler que les produits en cause sont des produits de consommation courante, lors de l’achat desquels le public pertinent fera preuve d’un niveau d’attention moyen.

82      Il ne pourrait être conclu à l’existence d’un risque de confusion que si le public pertinent était susceptible d’être induit en erreur sur l’origine commerciale des produits désignés par la marque demandée.

83      Or, en l’espèce, ce risque n’apparaît pas démontré, même en tenant compte du fait que les produits désignés par les marques en conflit peuvent être considérés comme étant identiques

84      En effet, mis en présence de la marque demandée et à supposer qu’il porte également son attention sur l’élément « halloumi » contenu dans celle-ci, ce qui est peu probable compte tenu du fait que cet élément est peu distinctif et qu’il présente un caractère descriptif au regard des produits commercialisés, le public pertinent n’établira pas de lien entre cette même marque et la marque antérieure dans la mesure où, d’une part, il établira, tout au plus, un lien entre cette dernière et le produit qu’elle désigne, à savoir un type particulier de fromage chypriote, et, d’autre part, les marques en conflit ne présentent, globalement considérées, qu’un faible degré de similitude.

85      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, la chambre de recours a, lors de l’évaluation globale du risque de confusion, d’une part, valablement pris en compte le facteur tenant au caractère distinctif, tant intrinsèque qu’acquis par l’usage, de la marque antérieure, et, d’autre part, conclu à bon droit à l’absence de risque de confusion.

86      Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche comme étant non fondée.

 Sur la quatrième branche, tirée d’une appréciation erronée du régime de protection des appellations d’origine protégée destinées à protéger les indications géographiques, susceptible d’amoindrir la protection conférée par le régime des marques de l’Union européenne

87      La requérante expose que la deuxième chambre de recours a méconnu les règles en matière d’appellations d’origine protégée en ne tenant pas compte, en substance, du fait que les droits de propriété intellectuelle relevant de sa compétence dupliquaient souvent des droits différents, tels ceux découlant du régime de protection des appellations d’origine protégée, ou venaient les compléter, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de les séparer nettement.

88      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

89      Selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre les motifs surabondants d’une décision ne sauraient entraîner l’annulation de celle-ci et sont donc inopérants [voir arrêt du 3 juillet 2013, Cytochroma Development/OHMI – Teva Pharmaceutical Industries (ALPHAREN), T‑106/12, non publié, EU:T:2013:340, point 57 et jurisprudence citée].

90      En l’espèce, les développements de la décision attaquée relatifs aux règles en matière d’appellations d’origine protégée figurent au point 52 de la décision attaquée et sont libellés comme suit :

« À titre surabondant, il convient de souligner, à l’instar des conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire ‘BBQLOUMI (fig.)/HALLOUMI’ (05/03/2020, C‑766/18 P, EU:C:2019:881, [point] 86), que le besoin d’une protection plus étendue sur le fondement du droit des marques de l’Union européenne n’existe pas en l’espèce, puisque les dispositions relatives aux appellations d’origine protégée et aux indications géographiques protégées, telles qu’elles résultent du règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1), pourraient assurer une protection suffisante, indépendamment dudit droit (24/03/2021, T‑282/19, Halloumi χαλλούμι Vermion/HALLOUMI, EU:T:2021:154, [point] 58). »

91      Il est indéniable que ces développements, introduits par l’expression « [à] titre surabondant », ont la nature d’un obiter dictum, de sorte que le grief formulé à leur endroit par la requérante, tel qu’exposé au point 87 ci-dessus, à le supposer fondé, n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée.

92      Il y a donc lieu de rejeter la quatrième branche comme étant inopérante.

93      Au vu des considérations qui précèdent, les quatre branches du moyen unique ayant été rejetées comme étant non fondées, il y a lieu de rejeter ledit moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

95      En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Papouis Dairies Ltd.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er février 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.