Language of document : ECLI:EU:T:2021:329

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

9 juin 2021 (*)

« Dumping – Importations de chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam – Exécution de l’arrêt de la Cour dans les affaires jointes C‑659/13 et C‑34/14 – Réinstitution d’un droit antidumping définitif et perception définitive du droit provisoire – Reprise de la procédure ayant précédé les règlements déclarés invalides – Statut d’entreprise évoluant en économie de marché – Traitement individuel – Analyse documentaire – Absence de demande de complément d’information et de visite de vérification – Non-remboursement des droits antidumping – Base juridique – Sécurité juridique – Confiance légitime – Non-rétroactivité – Proportionnalité – Non-discrimination – Article 1er du règlement (CE) no 384/96 [devenu article 1er du règlement (UE) 2016/1036] – Pratique décisionnelle antérieure – Compétence des autorités et juridictions nationales »

Dans l’affaire T‑132/18,

Roland SE, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes S. De Knop, A. Willems et B. Natens, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Armati et M. T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2017/2232 de la Commission, du 4 décembre 2017, réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam et produites par certains producteurs-exportateurs de la République populaire de Chine et du Viêt Nam, et exécutant l’arrêt rendu par la Cour de justice dans les affaires jointes C‑659/13 et C‑34/14 (JO 2017, L 319, p. 30),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz (rapporteur) et G. De Baere, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Sur la requérante

1        La requérante, Roland SE, est une détaillante et importatrice de chaussures entièrement contrôlée par Deichmann SE. Elle importe de grandes quantités de chaussures en cuir dans l’Union européenne à partir de pays tiers, dont la Chine et le Viêt Nam.

 Sur les règlements instituant un droit antidumping initiaux

2        Le 23 mars 2006, la Commission des Communautés européennes a adopté le règlement (CE) no 553/2006 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO 2006, L 98, p. 3).

3        Le 5 octobre 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 1472/2006 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO 2006, L 275, p. 1).

4        L’article 1er, paragraphe 3, du règlement no 1472/2006 a fixé le taux de ce droit à 16,5 % pour les chaussures à dessus en cuir (ci-après les « produits en cause ») fabriquées par toutes les sociétés établies en Chine, à l’exception de celles fabriquées par Golden Step, pour lesquelles le taux était de 9,7 %, et à 10 % pour celles fabriquées par toutes les sociétés établies au Viêt Nam. L’article 3 du même règlement a prévu que celui-ci entrerait en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, qui est intervenue le 6 octobre 2006, et qu’il serait applicable pendant une période de deux ans, soit du 7 octobre 2006 au 6 octobre 2008.

5        Le 29 avril 2008, le Conseil a étendu ce droit antidumping aux importations expédiées de la région administrative spéciale (RAS) de Macao, en adoptant le règlement (CE) no 388/2008 portant extension des mesures antidumping définitives instituées par le règlement no 1472/2006 sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine aux importations du même produit expédié de la RAS de Macao, qu’il ait ou non été déclaré originaire de la RAS de Macao (JO 2008, L 117, p. 1).

6        Le 22 décembre 2009, un règlement de prolongation a été adopté, à savoir le règlement d’exécution (UE) no 1294/2009 du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir, originaires du Viêt Nam et de la République populaire de Chine, étendu aux importations de certaines chaussures à dessus en cuir expédiées de la RAS de Macao, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de la RAS de Macao, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures mené conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 384/96 du Conseil (JO 2009, L 352, p. 1).

7        L’article 1er, paragraphes 3 et 4, du règlement d’exécution no 1294/2009 a fixé le taux de ce droit à 16,5 % pour les produits en cause fabriqués par toutes les sociétés établies en Chine, à l’exception de Golden Step, ainsi que pour ceux expédiés de la RAS de Macao, à 9,7 % pour les produits en cause fabriqués par Golden Step et à 10 % pour ceux fabriqués par toutes les sociétés établies au Viêt Nam. L’article 2 du même règlement a prévu que ce dernier entrerait en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, laquelle est intervenue le 30 décembre 2009, et qu’il serait applicable pendant une période de quinze mois.

8        Le droit antidumping a expiré le 31 mars 2011, comme cela est indiqué dans l’avis de la Commission publié au Journal officiel de l’Union européenne le 16 mars 2011 (JO 2011, C 82, p. 4).

 Sur les contentieux subséquents

 Sur la première série d’affaires dont les juridictions de l’Union ont été saisies

9        Le règlement no 1472/2006 a fait l’objet d’une procédure devant le Tribunal dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 4 mars 2010, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (T‑401/06, EU:T:2010:67), et du 4 mars 2010, Zhejiang Aokang Shoes et Wenzhou Taima Shoes/Conseil (T‑407/06 et T‑408/06, EU:T:2010:68), dans lesquelles le Tribunal a rejeté les recours introduits par certaines sociétés productrices et exportatrices des produits en cause et établies en Chine.

10      Saisi d’un pourvoi contre ces arrêts, la Cour a, par arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, non publié, EU:C:2012:710), d’une part, annulé lesdits arrêts du Tribunal et, d’autre part, annulé le règlement no 1472/2006 en tant qu’il concernait lesdites sociétés productrices et exportatrices.

11      Plus précisément, la Cour a jugé que le règlement no 1472/2006 était entaché d’une violation de l’obligation faite à la Commission d’examiner les demandes de producteurs qui avaient souhaité obtenir le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « SEM ») et de se prononcer sur chacune de ces demandes dans un délai de trois mois à compter de l’ouverture de son enquête, conformément au règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 461/2004 du Conseil, du 8 mars 2004 (JO 2004, L 77, p. 12) [remplacé par le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51), lui-même remplacé par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »)], et, notamment à l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement no 384/96 (devenu article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base), y compris dans le cas où, d’une part, cette institution avait décidé de recourir à la méthode de l’échantillonnage prévue à l’article 17 du règlement no 384/96 (devenu article 17 du règlement de base) pour calculer les marges de dumping et où, d’autre part, les producteurs ayant présenté lesdites demandes ne faisaient pas partie de l’échantillon retenu [voir, en ce sens, arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, EU:C:2012:53, points 36 à 40, et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil, C‑247/10 P, non publié, EU:C:2012:710, points 29 à 34].

12      Par suite, la Commission a adopté, le 19 février 2014, une proposition de règlement d’exécution du Conseil réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et produites par [lesdites entreprises] (COM/2014/087 final). Par la décision d’exécution 2014/149/UE, du 18 mars 2014, rejetant la proposition de règlement d’exécution réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et produites par Brosmann Footwear (HK) Ltd, Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd, Risen Footwear (HK) Co. Ltd et Zhejiang Aokang Shoes Co. Ltd (JO 2014, L 82, p. 27), le Conseil a décidé de rejeter la proposition de la Commission au motif que les opérateurs concernés avaient acquis une confiance légitime que leur dette serait prescrite et, par conséquent, « éteinte » (voir considérant 5 de cette décision).

 Sur la seconde série d’affaires dont les juridictions de l’Union ont été saisies

13      Les arrêts de la Cour cités au point 11 ci-dessus ont été invoqués par trois importateurs des produits en cause, à savoir Puma SE, C & J Clark International Ltd (ci-après « Clark »), et Timberland Europe BV, pour contester les mesures antidumping pertinentes devant les juridictions nationales compétentes, qui ont, par la suite, saisi la Cour de questions préjudicielles en interprétation et en validité au titre de l’article 267 TFUE.

14      Ainsi, le 13 décembre 2013, le 24 janvier et le 10 décembre 2014, le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité), Royaume-Uni], le Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich, Allemagne) et le rechtbank Noord-Holland (tribunal Noord-Holland, Pays-Bas) ont, respectivement, introduit des demandes de décision préjudicielle devant la Cour, au titre de l’article 267 TFUE portant sur la validité et l’interprétation du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution no 1294/2009, ainsi que, en ce qui concerne les demandes du First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité)], et du Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich), sur l’interprétation de l’article 236 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013 (JO 2013, L 269, p. 1) (ci-après le « code des douanes »).

15      Les deux premières de ces affaires ont donné lieu à l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), par lequel la Cour a invalidé le règlement no 1472/2006 et le règlement d’exécution no 1294/2009 (ci-après, pris ensemble, « le règlement no 1472/2006 et le règlement d’exécution no 1294/2009 » ou les « règlements invalidés ») en tant qu’ils violaient l’article 2, paragraphe 7, sous b), et l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96, tel que modifié par le règlement no 461/2004 [devenu l’article 2, paragraphe 7, sous b), et l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base].

16      Plus précisément, la Cour a constaté que les règlements invalidés avaient été adoptés sans que le Conseil et la Commission aient examiné au préalable les demandes d’obtention du SEM et les demandes de traitement individuel (ci-après le « TI ») qui leur avaient été présentées par les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans l’échantillon établi dans le cadre de l’enquête ayant conduit à l’adoption de ces règlements (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, points 112 et 135).

17      À la lumière de cet arrêt, le rechtbank Noord-Holland (tribunal Noord-Holland) a informé la Cour qu’il n’entendait pas maintenir sa demande de décision préjudicielle dans la troisième affaire, qui a, par conséquent, été radiée du registre de la Cour (ordonnance du 11 avril 2016, Timberland Europe, C‑571/14, non publiée, EU:C:2016:274, points 2 et 3).

 Sur l’exécution de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C659/13 et C34/14)

18      À la suite de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/223, du 17 février 2016, établissant une procédure d’examen de certaines demandes de [SEM] et de [TI] introduites par des producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens, et exécutant l’arrêt rendu par la Cour de justice dans les affaires jointes C‑659/13 et C‑34/14 (JO 2016, L 41, p. 3).

19      Il ressort du considérant 16 du règlement d’exécution 2016/223 que la Commission a décidé de reprendre la procédure antidumping au point auquel l’illégalité constatée dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), était intervenue et d’examiner si les conditions d’une économie de marché prévalaient pour les producteurs-exportateurs concernés au cours de la période s’étendant du 1er avril 2004 au 31 mars 2005. Selon le considérant 17 dudit règlement, la Commission envisageait d’examiner, pour les importations de Clark et de Puma, toutes les demandes de SEM et de TI soumises. En outre, ainsi qu’il est exposé au considérant 18 de ce même règlement, elle a décidé de donner consigne aux autorités douanières nationales « de [provisoirement] ne pas rembourser les droits [antidumping perçus] ». En revanche, pour les importations d’autres importateurs qui n’étaient pas en mesure d’introduire eux-mêmes un recours en annulation et qui, dès lors, pouvaient se fonder sur l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), pour leur demande de remboursement des droits antidumping conformément à l’article 236 du code des douanes, la Commission a, dans un souci d’utilisation efficace des ressources, décidé d’analyser uniquement les demandes de SEM et de TI des producteurs-exportateurs concernés par des demandes de remboursement déposées dans les temps et dans les formes auprès des autorités douanières nationales (considérant 19 du règlement d’exécution 2016/223).

20      L’article 1er du règlement d’exécution 2016/223 prévoit ce qui suit :

« 1. Les autorités douanières nationales qui ont reçu une demande de remboursement, au titre de l’article 236 du code des douanes […], des droits antidumping institués par [les règlements invalidés] et perçus par les autorités douanières nationales, fondée sur le fait qu’un producteur-exportateur ne figurant pas dans l’échantillon avait introduit une demande de SEM ou de TI, transmettent cette demande ainsi que toutes les pièces justificatives éventuelles à la Commission.

2. Dans un délai de huit mois à compter de la réception de la demande et des pièces justificatives éventuelles, la Commission vérifie si le producteur-exportateur avait effectivement introduit une demande de SEM et de TI. Dans l’affirmative, la Commission examine cette demande et réinstitue le droit approprié par la voie d’un règlement d’exécution de la Commission, après information des parties [...]

3. Les autorités douanières nationales attendent la publication dudit règlement d’exécution de la Commission réinstituant les droits avant de se prononcer sur la demande de remboursement et de remise des droits antidumping. »

21      Dans le cadre d’un contentieux relatif à une demande de remboursement de droits antidumping acquittés, porté devant le Finanzgericht Düsseldorf (tribunal des finances de Düsseldorf, Allemagne), celui-ci a, par décision du 20 avril 2016, saisi la Cour d’une question préjudicielle au titre de l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE remettant en cause la validité du règlement d’exécution 2016/223. Dans son arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), la Cour est parvenue à la conclusion que l’examen de cette question n’avait révélé aucun élément de nature à affecter la validité dudit règlement.

 Sur le règlement attaqué

22      Le 4 décembre 2017, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/2232 réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam et produites par certains producteurs-exportateurs de la République populaire de Chine et du Viêt Nam, et exécutant l’arrêt rendu par la Cour de justice dans les affaires jointes C‑659/13 et C‑34/14 (JO 2017, L 319, p. 30, ci-après le « règlement attaqué »).

23      Le règlement attaqué a réinstitué, selon son article 1er, paragraphes 1 et 3, ainsi que son annexe II, un droit antidumping définitif à un taux de, respectivement, 16,5 % et 10 % pour les importations des produits en cause fabriqués par 70 producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens pendant la période d’application des règlements invalidés.

24      Il ressort du considérant 37 du règlement attaqué que ces 70 producteurs-exportateurs chinois ou vietnamiens, figurant à l’annexe II, avaient présenté des demandes de SEM ou de TI, mais n’avaient pas été retenus dans l’échantillon dans le cadre de l’enquête à l’origine des règlements invalidés.

25      À l’annexe III du règlement attaqué sont énumérés les producteurs-exportateurs de la part desquels la Commission n’a pas reçu de demande de SEM ou de TI au cours de l’enquête ayant précédé l’adoption des règlements invalidés. Aux termes du considérant 157 du règlement attaqué, les demandes de remboursement concernant des importations de ces producteurs-exportateurs ne devraient donc pas être acceptées.

 Faits postérieurs à l’introduction du recours

26      Dans le cadre d’un contentieux relatif à une demande de remboursement de droits antidumping acquittés, porté devant le First-tier Tribunal  (Tax chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité)], celui-ci a, par décision du 14 novembre 2016, saisi la Cour d’une question préjudicielle au titre de l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE remettant en cause la validité de deux règlements d’exécution de la Commission réinstituant, de manière analogue au règlement attaqué, des droits antidumping imposés par les règlements invalidés.

27      Il s’agit, d’une part, du règlement d’exécution (UE) 2016/1395 de la Commission, du 18 août 2016, réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et produites par Buckinghan Shoe Mfg. Co., Ltd, Buildyet Shoes Mfg., DongGuan Elegant Top Shoes Co. Ltd, Dongguan Stella Footwear Co. Ltd, Dongguan Taiway Sports Goods Ltd, Foshan City Nanhai Qun Rui Footwear Co., Jianle Footwear Industrial, Sihui Kingo Rubber Shoes Factory, Synfort Shoes Co. Ltd, Taicang Kotoni Shoes Co. Ltd, Wei Hao Shoe Co. Ltd, Wei Hua Shoe Co. Ltd et Win Profile Industries Ltd, et exécutant l’arrêt rendu par la Cour de justice dans les affaires jointes C‑659/13 et C‑34/14 (JO 2016, L 225, p. 52) et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) 2016/1647 de la Commission, du 13 septembre 2016, réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires du Viêt Nam et produites par Best Royal Co. Ltd, Lac Cuong Footwear Co. Ltd, Lac Ty Co. Ltd, Saoviet Joint Stock Company (Megastar Joint Stock Company), VMC Royal Co. Ltd, Freetrend Industrial Ltd et sa société liée Freetrend Industrial A (Vietnam) Co. Ltd, Fulgent Sun Footwear Co. Ltd, General Shoes Ltd, Golden Star Co. Ltd, Golden Top Company Co. Ltd, Kingmaker Footwear Co. Ltd, Tripos Enterprise Inc. et Vietnam Shoe Majesty Co. Ltd, et exécutant l’arrêt rendu par la Cour de justice dans les affaires jointes C‑659/13 et C‑34/14 (JO 2016, L 245, p. 16).

28      Dans son arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), la Cour est parvenue à la conclusion que l’examen de cette question n’avait révélé aucun élément de nature à affecter la validité des deux règlements d’exécution mentionnés au point 27 ci-dessus.

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2018, la requérante a introduit le présent recours.

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 mars 2018, la requérante a demandé, en vertu de l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, de suspendre la procédure jusqu’à les décisions de la Cour mettant fin à l’instance dans les affaires C‑612/16, C & J Clark International, et C‑631/16, X. La Commission a présenté des observations sur cette demande dans le délai imparti.

31      Par décision du président de la troisième chambre du Tribunal (ancienne formation) du 10 avril 2018, la procédure a été suspendue jusqu’à les décisions de la Cour mettant fin à l’instance dans les affaires C‑612/16, C & J Clark International, et C‑631/16, X.

32      À la suite de l’ordonnance du 17 avril 2018, X (C‑631/16, non publiée, EU:C:2018:312), et de l’arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), la procédure dans la présente affaire a repris le 19 juin 2019.

33      Le 12 juillet 2019, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure au titre de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, invité les parties à se prononcer sur les éventuelles incidences des arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), sur le recours formé dans la présente affaire. Les parties ont soumis leurs observations dans les délais impartis.

34      Par décision du président de la troisième chambre du Tribunal (ancienne formation) du 19 août 2019, les affaires T‑790/16 et T‑861/16, C & J Clark International/Commission, T‑154/17, Deichmann/Commission, T‑155/17, Van Haren Schoenen/Commission, T‑347/17, FLA Europe/Commission, T‑360/17, Jana shoes e.a./Commission, T‑124/18, Wendel e.a./Commission, T‑126/18, Van Haren Schoenen/Commission, T‑127/18, Cortina et FLA Europe/Commission, T‑131/18, Deichmann/Commission, T‑141/18, Deichmann/Commission, T‑142/18, Buffalo – Boots/Commission, et T‑157/18, Caprice Schuhproduktion/Commission, ont été suspendues jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans la présente affaire qui a été désignée comme « affaire pilote ».

35      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée le 4 octobre 2019, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre (nouvelle formation), à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

36      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

37      L’audience, initialement fixée pour le 2 octobre 2020, ayant été reportée, le 9 octobre 2020, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, interrogé la requérante sur la question de savoir si, au regard du contexte sanitaire lié à la pandémie de COVID-19, elle souhaitait malgré tout être entendue dans le cadre d’une audience. La requérante a soumis ses observations dans les délais impartis et a indiqué vouloir maintenir sa demande de tenue d’une audience.

38      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 novembre 2020.

39      Lors de l’audience, la requérante a renoncé à certains griefs invoqués dans le cadre des trois premiers moyens ainsi qu’au quatrième moyen dans son intégralité, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

40      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le présent recours recevable ;

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

41      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

42      La requérante soutient justifier de la qualité pour agir, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième branche, TFUE, dès lors qu’elle est directement et individuellement concernée par le règlement attaqué. La Commission conteste cette appréciation en estimant que le recours est recevable en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, troisième branche, TFUE.

43      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité d’un recours fixées par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE relèvent des fins de non-recevoir d’ordre public et qu’il appartient donc au Tribunal de les examiner d’office (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2019, Pebagua/Commission, C‑204/18 P, non publié, EU:C:2019:425, point 28 et jurisprudence citée).

44      En vertu de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième branche, TFUE, une personne physique ou morale peut former un recours contre un acte qui la concerne directement et individuellement.

45      En premier lieu, s’agissant de l’affectation directe, il convient de relever que cette condition requiert que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation incriminée, sans application d’autres règles intermédiaires (voir, en ce sens, arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, EU:C:1998:193, point 43 et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 45, et ordonnance du 9 juillet 2013, Regione Puglia/Commission, C‑586/11 P, non publiée, EU:C:2013:459, point 31).

46      En l’espèce, d’une part, le règlement attaqué produit directement des effets sur la situation juridique de la requérante dans la mesure où il détermine le droit antidumping que celle-ci, en sa qualité d’importatrice, devra payer. D’autre part, ledit règlement oblige les États membres, notamment leurs autorités douanières, à percevoir ledit droit sans leur laisser une quelconque marge d’appréciation. Partant, la requérante est directement concernée par le règlement attaqué (voir, en ce sens, ordonnance du 7 mars 2014, FESI/Conseil, T‑134/10, non publiée, EU:T:2014:143, point 26 et jurisprudence citée).

47      En second lieu, s’agissant de l’affectation individuelle de la requérante, il convient de rappeler que, si les règlements instituant des droits antidumping ont une portée générale en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n’est pas exclu pour autant que certaines dispositions de ces règlements puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques [voir arrêts du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 25 et jurisprudence citée, et du 3 mai 2018, Distillerie Bonollo e.a./Conseil, T‑431/12, EU:T:2018:251, point 75 et jurisprudence citée].

48      Il en résulte que les actes portant institution de droits antidumping peuvent, sans perdre leur caractère de portée générale, concerner individuellement, dans certaines circonstances, certains opérateurs économiques, qui ont, dès lors, qualité pour introduire un recours en annulation de ces actes (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, point 14).

49      Selon la jurisprudence, cela peut être le cas d’un importateur indépendant ayant établi l’existence d’un ensemble d’éléments constitutifs d’une situation particulière le caractérisant, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique [voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, point 17 ; du 28 février 2002, BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, T‑598/97, EU:T:2002:52, point 50, et du 19 avril 2012, Würth et Fasteners (Shenyang)/Conseil, T‑162/09, non publié, EU:T:2012:187, point 28].

50      Dans ce contexte, il importe également de rappeler que, lorsqu’un acte affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par ledit acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques et qu’il peut en être notamment ainsi lorsque l’acte modifie les droits acquis par le particulier antérieurement à son adoption [voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 59, et du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 36].

51      En l’espèce, le règlement attaqué a été adopté aux fins de l’exécution de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74). Par cet arrêt, la Cour a invalidé le règlement no 1472/2006 et le règlement d’exécution no 1294/2009 en ce qu’ils avaient été adoptés sans que le Conseil et la Commission aient examiné au préalable les demandes de SEM et de TI qui leur avaient été présentées par les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans l’échantillon établi dans le cadre de l’enquête ayant conduit à l’adoption de ces règlements (voir points 15 et 16 ci-dessus).

52      Ainsi, la Commission a décidé de reprendre la procédure antidumping au point auquel elle estimait que l’illégalité constatée par la Cour était intervenue en examinant si ces producteurs-exportateurs opéraient dans les conditions d’une économie de marché ou pouvaient prétendre au TI (voir point 19 ci-dessus). Toutefois, dans un souci d’utilisation efficace de ses ressources, la Commission a prévu de limiter cet examen, sauf pour les fournisseurs de Clark et de Puma, aux producteurs-exportateurs qui étaient concernés par les demandes de remboursement déposées par les importateurs auprès des autorités douanières nationales (voir considérants 17 et 19 du règlement d’exécution 2016/223).

53      À cet égard, il importe de relever qu’il n’est pas contesté entre les parties que la requérante avait introduit de telles demandes auprès des autorités douanières allemandes.

54      Les demandes de remboursement déposées par les importateurs auprès des autorités douanières nationales, dont celles de la requérante, ont, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2016/223, été transférées à la Commission (voir considérants 30 et 31 du règlement attaqué). Sur leur base, la Commission a identifié les 70 producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens figurant à l’annexe II du règlement attaqué, dont les importations étaient soumises à un droit antidumping définitif par le règlement attaqué, qui n’avaient pas fait partie de l’échantillon dans le cadre de l’enquête ayant conduit à l’adoption des règlements invalidés et qui avaient présenté une demande de SEM ou de TI (voir considérants 32 et 37 du règlement attaqué).

55      Il s’ensuit que, d’une part, ce sont les demandes de remboursement déposées par les importateurs, tels que la requérante, auprès des autorités nationales et ayant été transférées à la Commission qui ont conditionné l’adoption du règlement attaqué. Autrement dit, ce règlement ne visait aucun producteur-exportateur chinois ou vietnamien qui n’était pas un fournisseur d’un importateur ayant présenté une telle demande. D’autre part, lors de l’adoption dudit règlement, le nombre des demandes de remboursement était déterminé et, par conséquent, les importateurs susceptibles d’être affectés par celui-ci étaient identifiés ou identifiables. En effet, le cercle des importateurs concernés par le règlement attaqué ne pouvait plus être élargi en ce qu’il se composait de tous les importateurs ayant importé les produits en cause pendant la période d’application initiale des règlements invalidés, laquelle était déjà écoulée, et ayant introduit des demandes de remboursement auprès des autorités douanières nationales. Dès lors, la requérante appartient à un cercle restreint d’importateurs se distinguant de tout autre importateur des produits en cause.

56      En outre, il ressort du considérant 43 du règlement attaqué que la détermination du SEM ou du TI des 70 producteurs-exportateurs figurant à l’annexe II du règlement attaqué visait à établir dans quelle mesure les importateurs concernés, tels que la requérante, pouvaient prétendre à un remboursement des droits antidumping qu’ils avaient acquittés sur les exportations desdits producteurs-exportateurs. Dans le cadre de son examen, la Commission est arrivée à la conclusion que le SEM et le TI devaient être refusés et que les droits antidumping imposés par les règlements invalidés devaient être réinstitués (considérants 48, 58, 70 et 154 du règlement attaqué). Cela impliquait, selon le considérant 46 du règlement attaqué, qu’aucun remboursement de droits antidumping ne pouvait être accordé aux importateurs concernés.

57      Dès lors, en adoptant le règlement attaqué, la Commission a implicitement décidé de la suite à donner aux demandes de remboursement déposées auprès des autorités douanières nationales, dont celles de la requérante.

58      Partant, pour les motifs qui précèdent et eu égard aux particularités de la réinstitution des droits antidumping en l’espèce, la requérante doit être considérée comme étant directement et individuellement concernée par le règlement attaqué. Dès lors, son recours doit être déclaré recevable, sans qu’il soit besoin d’examiner si le règlement attaqué constitue un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité des documents supplémentaires produits par la requérante le 23 juillet 2020 à l’appui de la recevabilité du recours, y compris leurs annexes F.1 et F.2.

 Sur le fond

59      À l’appui de son recours, la requérante a initialement invoqué cinq moyens. Au cours de l’audience, elle a renoncé à certains griefs invoqués dans le cadre des trois premiers moyens ainsi qu’au quatrième moyen dans son intégralité (voir point 39 ci-dessus).

60      La requérante fait valoir, par son premier moyen, que la compétence pour l’adoption du règlement attaqué relevait du Conseil et que la Commission ne disposait pas d’une base juridique pour empêcher les autorités douanières nationales de procéder au remboursement des droits antidumping qui n’étaient pas légalement dus. Par son deuxième moyen, elle soutient que la Commission a violé l’article 266 TFUE en s’abstenant d’adopter les mesures nécessaires que comportait l’exécution de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74). Par son troisième moyen, elle avance que le règlement attaqué viole les principes généraux de sécurité juridique et de non-rétroactivité. Par son cinquième moyen, la requérante fait valoir que le règlement attaqué va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’il poursuit et viole donc le principe de proportionnalité au sens de l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence de base juridique et de l’incompétence

61      Par le premier moyen, la requérante soutient, d’une part, que la Commission ne disposait pas d’une base juridique pour empêcher les autorités douanières nationales de procéder, conformément à l’article 236 du code des douanes, au remboursement des droits antidumping imposés par les règlements invalidés. D’autre part, les modifications décisionnelles apportées par le règlement (UE) no 37/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2014, modifiant certains règlements relatifs à la politique commerciale commune en ce qui concerne les procédures d’adoption de certaines mesures (JO 2014, L 18, p. 1), et transférant la compétence d’adopter des mesures antidumping définitives à la Commission, ne seraient, compte tenu du régime transitoire prévu à l’article 3 de ce règlement, pas applicables et la compétence pour l’adoption du règlement attaqué relèverait dès lors du Conseil.

62      La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Sur le grief tiré de l’absence de base juridique pour empêcher le remboursement des droits antidumping

63      En ce que la requérante estime que le règlement attaqué empêche les autorités douanières nationales de procéder au remboursement des droits antidumping imposé par les règlements invalidés, force est de constater que le dispositif du règlement attaqué ne comporte aucun élément comportant une interdiction à cet effet.

64      Certes, dans les considérants du règlement attaqué, la Commission a précisé les conséquences sur les demandes de remboursement déposées auprès des autorités douanières nationales. En effet, il ressort, notamment, des considérants 43 à 46 du règlement attaqué que l’examen des demandes de SEM et de TI a pour objectif de déterminer si un taux de droit individuel doit être accordé aux producteurs-exportateurs ayant soumis une telle demande et, par voie de conséquence, dans quelle mesure les importateurs ayant importé les produits en cause ont droit à un remboursement des droits antidumping qu’ils avaient acquittés sur leurs exportations.

65      Or, ces considérations doivent être lues à la lumière des motifs exposés dans l’arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187, point 69), selon lesquels ce n’est que la différence éventuelle entre le taux fixé par les règlements invalidés et le taux déterminé correctement en fonction de cet examen qui avait été imposée à tort et qui devait, à ce titre, être remboursée aux intéressés.

66      Ces considérations ne sont donc que la conséquence logique et inéluctable du rejet des demandes de SEM et de TI dans le cas où, à l’issue de l’examen de ces demandes, la Commission devait constater que ces statuts devaient être refusés aux producteurs-exportateurs concernés. Toutefois, cela ne signifie pas que la Commission statue elle-même sur les demandes de remboursement des requérantes ni, a fortiori, interdit leur remboursement.

67      Dès lors, dans la mesure où le règlement attaqué n’empêche pas, en soi, le remboursement de ces droits, les arguments de la requérante à cet égard sont, comme l’avance la Commission à juste titre, inopérants.

68      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1472/2006 et l’article 1er, paragraphe 5, du règlement d’exécution no 1294/2009, à savoir des dispositions non visées par la constatation d’invalidité prononcée dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), prévoient, notamment, que « les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables ». Partant, et ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, points 81 à 84), il convient d’appliquer le code des douanes aux droits antidumping réinstitués par le règlement attaqué.

69      À cet égard, il importe de noter que l’article 217, paragraphe 1, du code des douanes prévoit que tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière doit être calculé par les autorités douanières nationales dès qu’elles disposent des éléments nécessaires. Conformément à l’article 221, paragraphe 1, dudit code, le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte, c’est-à-dire, établi par les autorités nationales.

70      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces opérations interviennent après la réinstitution aux taux appropriés, par un règlement tel que le règlement attaqué, des droits antidumping antérieurement institués par des règlements invalidés (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, points 83 et 84).

71      Partant, et ainsi que la requérante l’admet elle-même, les demandes de remboursement et de remise des droits relèvent de la compétence des autorités et des juridictions nationales et ce sont ces dernières – et non la Commission – qui sont tenues de se prononcer de manière définitive, en appliquant le code des douanes, sur les demandes de remboursement et de vérifier au cas par cas si un tel remboursement doit être accordé. Cela vaut également dans le cas d’espèce dès lors que la requérante a introduit des demandes de remboursement devant les autorités douanières allemandes (voir point 53 ci-dessus).

72      Par conséquent, il convient de rejeter le grief tiré de l’absence de base juridique pour empêcher le remboursement des droits antidumping.

–       Sur le grief tiré de l’incompétence de la Commission

73      En ce qui concerne l’adoption du règlement attaqué, il y a lieu de rappeler que, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187, point 52), en vertu du principe selon lequel les actes de l’Union doivent être adoptés conformément aux règles de procédure en vigueur à la date de leur adoption, et ce même dans le cadre d’une procédure qui a été engagée avant cette date, mais qui demeure pendante après celle-ci (voir arrêt du 21 septembre 2017, Riva Fire/Commission, C‑89/15 P, EU:C:2017:713, point 28 et jurisprudence citée), les procédures engagées sur le fondement du règlement no 384/96, tel que modifié par le règlement (CE) no 2117/2005 du Conseil, du 21 décembre 2005 (JO 2005, L 340, p. 17), ne pouvaient plus, à compter de son abrogation par le règlement no 1225/2009, tel que modifié par le règlement no 37/2014 et abrogé par le règlement de base, être poursuivies sur ce fondement (voir article 23 du règlement no 1225/2009 et article 24 du règlement de base).

74      Le règlement de base étant, conformément à son article 25, entré en vigueur le 20 juillet 2016, et le règlement attaqué ayant été adopté le 4 décembre 2017, c’était donc, à juste titre, que ce dernier a été fondé sur ce règlement de base, notamment sur l’article 9, paragraphe 4, et l’article 14, paragraphes 1 et 3, comme cela est exposé dans le second visa du règlement attaqué.

75      À cet égard, il convient de noter que, d’une part, selon l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits que les critères de dumping, de préjudice en résultant et de l’intérêt de l’Union nécessitant une action sont réunis, un droit antidumping définitif est imposé par la Commission. D’autre part, conformément à l’article 14, paragraphe 1, dudit règlement, les droits antidumping sont imposés par voie de règlement. Ainsi que la Cour l’a constaté dans l’arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 42), ces deux dispositions, lues conjointement, habilitent donc la Commission à imposer des droits antidumping par voie de règlement.

76      Selon la Cour, l’article 9, paragraphe 4, et l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base habilitent également la Commission à procéder à une réinstitution des droits antidumping à la suite du prononcé d’un arrêt d’annulation ou d’invalidation après que celle-ci a repris la procédure à l’origine des règlements annulés ou invalidés par le juge de l’Union et remédié, dans ce cadre, conformément aux règles procédurales et matérielles applicables ratione temporis, aux illégalités constatées (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 43).

77      Il s’ensuit que, en tant qu’il vise l’article 9, paragraphe 4, et l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base, le règlement attaqué est fondé sur une base juridique habilitant la Commission à réinstituer les droits antidumping imposés par les règlements invalidés (arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 44).

78      Dès lors, eu égard à cet arrêt de la Cour concernant les règlements d’exécution 2016/1395 et 2016/1647, qui correspondent au règlement attaqué et reposent sur une approche analogue pour exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), les règles transitoires prévues à l’article 3 du règlement no 37/2014, telles qu’invoquées par la requérante, sont dépourvues de pertinence en l’espèce.

79      Partant, il convient d’écarter le grief tiré de l’incompétence de la Commission comme non fondé et, par conséquent, de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE

80      Par le deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 266 TFUE en s’abstenant d’adopter les mesures nécessaires que comportait l’exécution de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74). Elle critique le fait que le règlement attaqué interdit, contrairement aux exigences découlant de cet article, un remboursement des droits antidumping imposés par les règlements invalidés sur les importations provenant tant des producteurs-exportateurs figurant à l’annexe II du règlement attaqué que de ceux figurant à l’annexe III dudit règlement.

81      La Commission conteste les arguments de la requérante.

82      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 266 TFUE prévoit, notamment à son premier alinéa, que l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union dont émane un acte qui a été annulé par la Cour ou par le Tribunal est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de cette juridiction.

83      Cette obligation d’agir est applicable, par analogie, dans le cas où un arrêt de la Cour a invalidé un acte de l’Union, cet arrêt ayant comme conséquence juridique d’imposer à l’institution, à l’organe ou à l’organisme compétent de prendre les mesures nécessaires pour remédier à l’illégalité constatée (voir arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 38 et jurisprudence citée).

84      En l’espèce, l’illégalité constatée par la Cour dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), ne concernait que l’examen des demandes de SEM et de TI, à savoir le fait que le Conseil et la Commission n’avaient pas examiné les demandes qui avaient été présentées par les producteurs-exportateurs non retenus dans l’échantillon établi dans le cadre de l’enquête ayant conduit à l’adoption des règlements invalidés (voir point 16 ci-dessus). En revanche, cet arrêt n’affecte pas les autres conclusions de la procédure antidumping relative aux produits en cause, à savoir celles relatives au dumping, au préjudice, au lien de causalité et à l’intérêt de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, point 67, et du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 80).

85      Dès lors, la Commission pouvait valablement exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), d’une part, en procédant à un examen des demandes de SEM et de TI présentées par les producteurs-exportateurs concernés, tels que les 70 producteurs-exportateurs figurant à l’annexe II du règlement attaqué, lesquels n’avaient pas été retenus dans l’échantillon au cours de l’enquête à l’origine des règlements invalidés, et, d’autre part, en déterminant, sur la base de cet examen, si les taux des droits antidumping applicables aux exportations des produits en cause par ces producteurs-exportateurs devaient être inférieurs à ceux prévus par les règlements invalidés (voir, en ce sens, arrêts du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, point 68, et du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 49).

86      En effet, comme il ressort du point 84 ci-dessus et ainsi que l’avocat général Campos Sánchez-Bordona l’a relevé au point 105 de ses conclusions dans l’affaire Deichmann (C‑256/16, EU:C:2017:580), la seule question encore ouverte en l’espèce consistait à déterminer le taux d’imposition (taux général ou taux réduit) en fonction de la qualité de l’exportateur qui avait demandé le SEM ou le TI.

87      Même si, à cette fin, la Commission avait préalablement, par le règlement d’exécution 2016/223, suspendu le remboursement des droits antidumping imposés par les règlements invalidés immédiatement après l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), la Cour a validé cette approche dans son arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187, points 69 à 71).

88      S’agissant des producteurs-exportateurs figurant dans l’annexe III du règlement attaqué, il est exposé au considérant 33 de ce règlement, en substance, que, d’une part, la Commission n’a pas reçu de leur part de demande de SEM ou de TI au cours de l’enquête ayant conduit à l’adoption des règlements invalidés. D’autre part, il y est indiqué que ces producteurs-exportateurs n’ont pas démontré qu’ils étaient liés à l’un des producteurs-exportateurs chinois ou vietnamiens ayant présenté une telle demande dans le cadre de ladite enquête. Il s’ensuit que lesdits producteurs-exportateurs ne sont pas affectés par l’illégalité constatée dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), de sorte que la Commission n’était pas tenue de déterminer le taux d’imposition pour les importations provenant de ces mêmes producteurs-exportateurs.

89      Quant aux allégations tirées d’une prétendue interdiction de remboursement des droits antidumping imposés par les règlements invalidés, il convient de révéler que ces allégations sont inopérantes dès lors que le règlement attaqué n’interdit pas, en tant que tel, le remboursement des droits antidumping (voir point 67 ci-dessus). En tout état de cause, elles ne sont pas fondées, étant donné que ce n’est que la différence éventuelle entre le taux fixé par lesdits règlements et le taux déterminé correctement, en fonction des demandes de SEM et de TI, qui devrait, le cas échéant, être remboursée aux intéressés (voir point 65 ci-dessus). Or, il ressort des considérants 43 à 48 du règlement attaqué que l’examen de ces demandes n’a pas relevé une telle différence en l’espèce.

90      Partant, ainsi que la Cour l’a constaté dans l’arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 51), s’agissant des règlements d’exécution 2016/1395 et 2016/1647, qui correspondent au règlement attaqué et reposent sur la même approche pour exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), la Commission n’a pas violé l’article 266 TFUE.

91      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes généraux de sécurité juridique et de non-rétroactivité

92      Dans le cadre du troisième moyen, la requérante soutient que le règlement attaqué viole les principes généraux de sécurité juridique et de non-rétroactivité ainsi que l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base, dans la mesure où il produit des effets avant son entrée en vigueur, ce qui n’est pas exigé pour exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), ou par un « intérêt public péremptoire en sens contraire ». En outre, la requérante invoque la pratique antérieure et ultérieure de la Commission ainsi que sa confiance légitime résultant du fait que, à la suite des arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, non publié, EU:C:2012:710), le Conseil a considéré qu’une réinstitution rétroactive de mesures antidumping sur les produits en cause violait le principe de sécurité juridique.

93      La Commission conteste les arguments de la requérante.

94      En premier lieu, s’agissant des principes généraux de sécurité juridique et de non-rétroactivité, il convient d’observer que, dans le domaine des mesures antidumping, ces principes ont été consacrés par la règle initialement énoncée à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 384/96 et ultérieurement reprise, dans les mêmes termes, à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009, puis à l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 53 et jurisprudence citée, et conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Deichmann, C‑256/16, EU:C:2017:580, point 103).

95      En outre, dans les arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187, points 73, 74 et 76), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, points 54 et 55), la Cour a approuvé la reprise de la procédure ayant abouti à l’adoption d’un règlement instituant un droit antidumping invalidé dans le but de réinstituer des droits antidumping expirés, à condition que les règles matérielles en vigueur lors de la survenance des faits visés par ce règlement soient appliquées.

96      En l’espèce, la prétendue violation des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité par le règlement attaqué doit, compte tenu de la jurisprudence de la Cour relative à la période couverte par les faits visés par les règlements invalidés, être appréciée au regard de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 384/96 (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 55).

97      Selon la Cour, l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 384/96 s’oppose à l’application des droits antidumping à des produits mis en libre pratique avant la date à laquelle les règlements invalidés sont entrés en vigueur (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, point 77).

98      En revanche, l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 384/96 n’exclut pas de procéder à une reprise de la procédure dans le cas où les droits antidumping concernés ont expiré, pour autant que ces droits sont réinstaurés pour leur période d’application initiale (arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, point 78).

99      Dès lors, contrairement à ce qu’estime la requérante, les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité, tels que consacrés par l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 384/96, ne s’opposent pas à ce qu’un acte tel que le règlement attaqué réinstitue des droits antidumping sur des importations ayant eu lieu pendant la période d’application des règlements invalidés (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 57).

100    Plus précisément, comme il a été relevé au point 105 des conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Deichmann (C‑256/16, EU:C:2017:580), la rétroactivité impliquerait qu’une norme postérieure s’applique à une situation juridique déjà consolidée. Or, ainsi que l’avocat général l’a constaté, cela n’est pas le cas en l’espèce, puisque, d’une part, les normes applicables sont précisément celles en vigueur lorsque les faits pertinents se sont produits et, d’autre part, la question de la détermination du taux d’imposition en fonction de la qualité de l’exportateur qui a demandé le SEM ou le TI restait ouverte.

101    Le règlement attaqué ne s’appliquant pas rétroactivement à une situation définitivement acquise antérieurement à son entrée en vigueur, le principe de sécurité juridique ne saurait non plus être violé (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, points 155 et 159).

102    C’est donc à bon droit que, à la suite de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), la Commission a, comme cela est exposé aux considérants 43 à 48 du règlement attaqué, réévalué le taux de droit antidumping applicable en examinant si les producteurs-exportateurs concernés opéraient dans les conditions d’une économie de marché ou pouvaient prétendre au TI (voir aussi point 85 ci-dessus).

103    En outre, compte tenu du fait que l’illégalité relevée par la Cour dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), ne concernait que l’examen des demandes de SEM ou de TI, cet arrêt n’affecte pas les autres conclusions de la procédure antidumping relative aux produits en cause (voir point 84 ci-dessus).

104    Partant, et par analogie à ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187, point 79), les principes de sécurité juridique et de non‑rétroactivité, tels que consacrés à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 384/96, ne s’opposaient pas à la reprise de la procédure antidumping concernant les produits en cause et à l’adoption du règlement attaqué.

105    Il en va de même de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 384/96, au regard duquel le grief tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base doit être apprécié ratione temporis (voir point 96 ci-dessus). En effet, cette disposition n’énonce que des principes de base pour l’imposition d’un droit antidumping et ne contient aucune obligation plus stricte en ce qui concerne les exigences découlant des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité.

106    En tout état de cause, même en supposant que le règlement attaqué s’applique rétroactivement, cela serait, à titre exceptionnel, justifié selon la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2017, JingAo Solar e.a./Conseil, T‑157/14, non publié, EU:T:2017:127, point 156 et jurisprudence citée), étant donné que, d’une part, le principe de protection de la confiance légitime a été dûment respecté (voir points 107 à 112 ci-après), et, d’autre part, l’exécution de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), exigeait l’adoption de ce règlement (voir points 82 à 90 ci-dessus).

107    En second lieu, s’agissant du principe de protection de la confiance légitime, il y a lieu de préciser que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le droit de se prévaloir de ce principe suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les institutions de l’Union (voir arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 97 et jurisprudence citée).

108    En l’espèce, l’illégalité constatée dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), ne concernant que le traitement des demandes d’obtention du SEM et du TI ne saurait faire naître une confiance légitime en ce que les importations ayant eu lieu pendant la période d’application des règlements invalidés ne soient plus assujetties à des droits antidumping (réinstitués) (voir point 84 ci-dessus). Au contraire, cet arrêt supposait que la Commission examine les demandes d’obtention du SEM et du TI présentées par les producteurs-exportateurs concernés par ledit arrêt et détermine le taux d’imposition approprié en fonction de cet examen (voir points 85 et 86 ci-dessus).

109    En outre, le rejet du Conseil, par la décision d’exécution 2014/149, de la proposition de la Commission d’adopter un règlement d’exécution réinstituant le droit antidumping à la suite des arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, non publié, EU:C:2012:710) (voir point 12 ci-dessus), ne saurait non plus faire naître une confiance légitime. En effet, d’une part, ce rejet ne lie pas la Commission, qui a acquis, entre-temps, la compétence pour adopter un tel règlement d’exécution (conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Deichmann, C‑256/16, EU:C:2017:580, point 109), et, d’autre part, l’élément déterminant pour ledit rejet était le remboursement des droits de douane par les autorités douanières compétentes, alors que, en l’espèce, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, du  règlement d’exécution 2016/223, un tel remboursement n’a pas eu lieu (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Deichmann, C‑256/16, EU:C:2017:580, point 109).

110    Par ailleurs, quant à l’allégation de la requérante selon laquelle la pratique administrative de la Commission confirme que l’annulation des règlements instituant des droits antidumping implique le remboursement de ces droits, il convient de souligner que la légalité d’un tel règlement doit s’apprécier au regard des règles de droit et, notamment, des dispositions du règlement de base, et non sur le fondement d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 107].

111    Enfin, il est de jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent, comme dans le domaine des mesures antidumping, d’une marge d’appréciation pour le choix des moyens nécessaires à la réalisation de leur politique, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien du moyen initialement choisi, lequel peut être modifié par ces institutions dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, EU:C:1991:186, point 120 ; du 4 mars 2010, Zhejiang Aokang Shoes et Wenzhou Taima Shoes/Conseil, T‑407/06 et T‑408/06, EU:T:2010:68, point 102 et jurisprudence citée, et du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil, T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, point 120 et jurisprudence citée).

112    Dès lors, ni le principe de protection de la confiance légitime ni la pratique administrative de la Commission ne s’opposaient à l’adoption du règlement attaqué pour réinstituer le taux du droit antidumping approprié.

113    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

114    La requérante estime que le règlement attaqué viole le principe de proportionnalité au sens de l’article 5, paragraphes 1 et 4, TFUE. Plus précisément, en premier lieu, il ne serait pas apte à exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), dès lors qu’une conséquence de cet arrêt serait le remboursement des droits antidumping imposés par les règlements invalidés. En deuxième lieu, la requérante considère que ce règlement dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif visé dans la mesure où, d’une part, il distingue indûment sa situation de celle des importateurs qui ont obtenu le remboursement des mêmes droits antidumping à la suite des arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, non publié, EU:C:2012:710). D’autre part, selon la requérante, la Commission a imposé une charge déraisonnable aux 70 producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens, étant donné que ceux-ci n’étaient plus en mesure de coopérer, douze ans après le dépôt de leurs demandes d’obtention du SEM et du TI, dans le cadre de la procédure de réexamen. Dans ce contexte, la requérante critique notamment le fait que la Commission n’a ni effectué des visites de vérification ni envoyé des demandes de complément d’information. En troisième lieu, le règlement attaqué ne serait pas la mesure la moins contraignante existante dès lors que la Commission aurait pu ordonner le remboursement des droits antidumping imposés par les règlements invalidés. En quatrième lieu, la requérante considère que la perception des droits réinstitués sur les importations de produits en cause n’est plus possible, compte tenu des règles de prescription applicables, notamment en vertu du code des douanes.

115    La Commission conteste les arguments de la requérante.

116    À cet égard, il convient d’observer, à titre liminaire, que seulement un des griefs invoqués par la requérante dans le cadre du cinquième moyen concerne le principe de proportionnalité. Dès lors, le Tribunal examinera, d’abord, si la Commission a respecté ce principe lors de l’adoption du règlement attaqué et, ensuite, les autres griefs soulevés.

–       Sur le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité

117    Il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité énoncé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [voir arrêts du 11 janvier 2017, Espagne/Conseil, C‑128/15, EU:C:2017:3, point 71 et jurisprudence citée ; du 13 mars 2019, Pologne/Parlement et Conseil, C‑128/17, EU:C:2019:194, point 94 et jurisprudence citée, et du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 150 et jurisprudence citée].

118    Selon la jurisprudence, si la constatation de l’invalidité d’un acte de l’Union a comme conséquence juridique d’imposer à l’institution qui a adopté cet acte de prendre les mesures nécessaires pour remédier à l’illégalité constatée, l’obligation énoncée à l’article 266 TFUE en cas d’arrêt d’annulation étant applicable par analogie, cette institution n’en dispose pas moins d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix de ces mesures, étant entendu que celles-ci doivent être compatibles avec le dispositif de l’arrêt en cause ainsi qu’avec les motifs qui en constituent le soutien nécessaire (voir arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, point 87 et jurisprudence citée).

119    Compte tenu de l’existence de ce large pouvoir d’appréciation, seul le caractère manifestement inapproprié desdites mesures, par rapport à l’objectif poursuivi, peut affecter leur légalité (voir arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, point 88 et jurisprudence citée).

120    En l’espèce, l’objectif du règlement attaqué était de corriger les éléments du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution no 1294/2009 qui avaient donné lieu à leur invalidation par l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74) (voir considérant 40 du règlement attaqué).

121    Comme cela est indiqué aux points 84 à 87 ci-dessus, la Cour a confirmé l’approche de la Commission qui consistait à exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), d’abord, en suspendant temporairement, par le règlement d’exécution 2016/223, le remboursement des droits antidumping imposés par les règlements invalidés et, ensuite, en réinstituant, par des actes de substitution tels que le règlement attaqué, ces droits antidumping au taux d’imposition approprié qui résultait de l’examen des demandes de SEM et de TI (voir, en ce sens, arrêts du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, points 68 à 71, et du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, points 48 et 49). Dès lors, le règlement attaqué, qui se fonde sur la même approche, n’est pas manifestement inapproprié pour réaliser cet objectif.

122    Dans la mesure où il se limite à cette réinstitution, telle que confirmée par la Cour, le règlement attaqué ne va pas non plus manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74).

123    Ce constat ne saurait être remis en question par les autres arguments de la requérante.

124    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission a imposé une charge déraisonnable aux 70 producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens figurant à l’annexe II du règlement attaqué, il suffit de relever que, afin de remédier à l’illégalité constatée par la Cour dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), il incombait à la Commission d’apprécier, en vertu des règles matérielles du règlement no 384/96, si leurs demandes de SEM et de TI répondaient aux critères pertinents, à savoir ceux énoncés par l’article 2, paragraphe 7, sous b), et par l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96 [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, EU:C:2012:53, point 32] (voir points 84, 85 et 95 ci-dessus).

125    Lesdites demandes ayant déjà été présentées à la Commission dans le cadre de l’enquête à l’origine des règlements invalidés, cet examen n’impliquait pas une charge administrative supplémentaire pour les opérateurs concernés.

126    Quant à l’absence de visite de vérification et d’envoi des demandes de complément d’information, le Tribunal examinera ce grief séparément aux points 145 à 156 ci-après.

127    En ce que la requérante considère que le remboursement des droits antidumping imposés par les règlements invalidés serait une mesure moins contraignante, il y a lieu de constater qu’un tel remboursement n’est pas aussi apte à réaliser l’objectif d’exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), que l’approche de la Commission consistant à corriger les éléments qui ont donné lieu à l’invalidation de ces règlements (voir point 120 ci-dessus).

128    En effet, ce n’est que la différence éventuelle entre le taux fixé par les règlements invalidés et le taux déterminé correctement, en fonction des demandes de SEM et de TI, qui devrait, le cas échéant, être remboursée aux intéressés (voir point 65 ci-dessus). Un remboursement intégral des droits antidumping, tel qu’il est préconisé par la requérante, n’est donc pas requis et irait même à l’encontre de l’exécution de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), dans la mesure où il ne permettrait plus à la Commission de calculer une telle différence. Il s’ensuivrait que la partie des droits antidumping ayant été correctement imposée serait également remboursée et risquerait donc de créer des attentes légitimes auprès des intéressés que cette partie ne pourrait plus être perçue ou réinstituée à l’avenir (voir aussi point 138 ci-après). Partant, il y a lieu de conclure que, en ce que le règlement attaqué réinstitue le taux de droit applicable, conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, point 69), il ne va pas, manifestement, au-delà de ce qui est nécessaire pour la réalisation dudit objectif.

129    S’agissant du grief tiré d’une distinction effectuée de manière indue entre la requérante et d’autres importateurs de l’Union, ce grief concerne, comme la Commission l’avance à juste titre, une discrimination qui sera examinée séparément aux points 131 à 143 ci-après.

130    Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré que le règlement attaqué était manifestement inapproprié pour exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74). Partant, il convient de rejeter comme non fondé le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité.

–       Sur le grief tiré de la discrimination de la requérante par rapport aux autres importateurs de l’Union

131    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que le respect des principes d’égalité et de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 20 mars 2019, Foshan Lihua Ceramic/Commission, T‑310/16, EU:T:2019:170, point 80 et jurisprudence citée).

132    En outre, les éléments qui distinguent différentes situations, ainsi que leur caractère éventuellement comparable, doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but poursuivi par les dispositions en cause (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2017, RPO, C‑390/15, EU:C:2017:174, point 42 et jurisprudence citée, et du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 67 et jurisprudence citée).

133    C’est à l’aune de ces critères qu’il y a lieu d’examiner si la situation dans laquelle se trouvait la requérante était comparable à celle des importateurs de l’Union qui avaient acheté les produits en cause auprès des cinq producteurs-exportateurs chinois concernés par les arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, non publié, EU:C:2012:710).

134    En l’espèce, l’objectif du règlement attaqué est de corriger les éléments du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution no 1294/2009 qui ont donné lieu à la déclaration de leur invalidité par l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74) (voir point 120 ci-dessus).

135    Comme ces éléments ne concernaient que l’absence d’examen des demandes de SEM ou de TI, l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), n’affectait pas les autres conclusions de la procédure antidumping relative aux produits en cause (voir point 84 ci-dessus).

136    La Commission pouvait donc, après avoir suspendu le remboursement des droits antidumping imposé par les règlements invalidés par le règlement d’exécution 2016/223, valablement exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), en procédant à un examen des demandes présentées par les producteurs-exportateurs concernés et en déterminant, par le règlement attaqué, le taux de droit antidumping applicable à leurs exportations des produits en cause (voir points 85 et 86 ci-dessus). Comme cela est indiqué aux points 104 et 112 ci-dessus, les principes de sécurité juridique, de non‑rétroactivité et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas à l’adoption du règlement attaqué.

137    En revanche, à la suite des arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, non publié, EU:C:2012:710), les droits de douane correspondants avaient été remboursés par les autorités nationales compétentes aux importateurs qui avaient acheté des chaussures auprès des cinq producteurs-exportateurs concernés par lesdits arrêts (voir considérant 5 de la décision d’exécution 2014/149 et considérant 10 du règlement d’exécution 2016/223).

138    Le Conseil a donc estimé que les opérateurs pouvaient légitimement s’attendre que, à l’expiration du délai de trois ans fixé par l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes, applicable en vertu de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1472/2006, toute réinstitution de la dette serait prescrite et que, par conséquent, la dette serait éteinte. En outre, il a considéré, en faisant référence aux arrêts du 23 février 2006, Molenbergnatie (C‑201/04, EU:C:2006:136, point 41), et du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium (C‑264/08, EU:C:2010:43, point 43), qu’une dérogation rétroactive à l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes, telle qu’elle était proposée par la Commission, était exclue, car elle méconnaîtrait la confiance légitime des opérateurs concernés (voir considérant 5 de la décision d’exécution 2014/149).

139    Ainsi, le Conseil a décidé de rejeter la proposition de la Commission d’adopter un règlement d’exécution réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations des produits en cause fabriqués par les cinq producteurs-exportateurs concernés et a clos la procédure à leur égard (voir article 1er de la décision d’exécution 2014/149 ; voir aussi point 12 ci-dessus).

140    Compte tenu de ces différences factuelles et juridiques, il y a lieu de constater que la requérante ne se trouvait pas dans une situation comparable à celle des importateurs qui avaient acheté des produits en cause auprès des cinq producteurs-exportateurs concernés par les arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, non publié, EU:C:2012:710), et ce bien que, tant dans ces arrêts que dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), qui concerne la requérante, la Cour ait constaté une violation de l’obligation d’examiner au préalable les demandes d’obtention du SEM (voir points 11 et 16 ci-dessus).

141    En effet, c’est notamment le règlement d’exécution 2016/223, empêchant le remboursement immédiat des droits antidumping imposés par les règlements invalidés (voir points 18 à 21 ci-dessus), qui constitue, ainsi qu’il ressort du point 109 des conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Deichmann (C‑256/16, EU:C:2017:580), un élément pertinent qui a donné lieu à la création de ces situations factuelles et juridiques différentes.

142    Or, force est de constater que le règlement d’exécution 2016/223 ne fait pas partie de l’objet du litige de la présente affaire et, en tout état de cause, a été validé par la Cour dans l’arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187).

143    Ces situations factuelles et juridiques différentes ayant déjà existé au moment de l’adoption du règlement attaqué, leur traitement différent par ce règlement ne constitue pas une inégalité de traitement, eu égard à la jurisprudence exposée au point 131 ci-dessus.

144    Partant, il convient de rejeter comme non fondé le grief tiré d’une inégalité de traitement ou d’une discrimination de la requérante par rapport aux importateurs de l’Union ayant acheté les produits en cause auprès des cinq producteurs-exportateurs chinois concernés par les arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C‑249/10 P, EU:C:2012:53), et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, non publié, EU:C:2012:710).

–       Sur le grief tiré de l’absence de visite de vérification et de demande de complément d’information

145    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les institutions de l’Union disposent d’une large marge d’appréciation dans le domaine des mesures antidumping, en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté et de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 29 et jurisprudence citée).

146    Ensuite, il importe de relever que la Commission était, dans le cadre de la reprise de la procédure antidumping, y compris lors de l’examen des demandes de SEM et de TI qui lui avaient été soumises afin de déterminer le taux de droit antidumping applicable, tenue de respecter les règles matérielles du règlement no 384/96 (voir points 95 et 96 ci-dessus).

147    À cet égard, il convient d’observer que, en vertu de l’article 6, paragraphe 8, du règlement no 384/96 (devenu article 6, paragraphe 8, du règlement de base), la Commission doit vérifier, dans la mesure du possible, l’exactitude des informations fournies par une partie intéressée dans le cadre d’une demande de SEM ou de TI. L’article 16, paragraphe 1, du règlement no 384/96 (devenu article 16, paragraphe 1, du règlement de base), autorise la Commission à effectuer une visite dans les locaux d’un producteur-exportateur afin de traiter sa demande de SEM ou de TI et de s’assurer de l’exactitude des renseignements qui y sont fournis, si elle l’estime nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, points 294 et 295).

148    Or, comme il a déjà été jugé, il appartient à la Commission d’évaluer l’opportunité d’une visite de vérification. Ainsi, et contrairement à ce qu’estime la requérante, si une telle visite peut être opportune dans une enquête antidumping, cela ne signifie pas qu’elle sera également nécessaire dans une autre enquête et que la Commission ne peut pas, dans cette dernière, se contenter d’une analyse documentaire (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 298).

149    En outre, il découle de la jurisprudence que la charge de la preuve incombe au producteur-exportateur qui souhaite bénéficier du SEM ou du TI au titre, respectivement, de l’article 2, paragraphe 7, sous b), et de l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96 [voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, EU:C:2012:53, point 32].

150    Eu égard à ce qui précède, en l’espèce, la Commission n’était obligée ni de procéder à une vérification dans les locaux des 70 producteurs-exportateurs concernés ni de leur envoyer des lettres de demande d’informations complémentaires. Dans la mesure où la Commission a évalué, ainsi qu’il ressort des considérants 51 à 56 et 64 à 69 du règlement attaqué, les informations qui lui avaient été soumises à la lumière des critères énumérés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), et à l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96, elle a satisfait à ses obligations et agi dans les limites de sa large marge d’appréciation rappelée au point 145 ci-dessus.

151    En particulier apparaît suffisamment plausible l’appréciation de la Commission exposée aux considérants 51 à 56 et 64 à 69 du règlement attaqué selon laquelle les producteurs-exportateurs concernés n’étaient pas en mesure de démontrer qu’ils remplissaient ces critères. Dès lors, ces considérations ne sont pas entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

152    Ce constat ne saurait pas être infirmé par l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas suivi sa pratique décisionnelle consistant à adresser aux producteurs-exportateurs des demandes de complément d’information. En effet, selon la jurisprudence citée au point 110 ci-dessus, la légalité d’un règlement instituant des droits antidumping doit s’apprécier au regard des règles de droit, notamment, des dispositions du règlement de base, et non sur le fondement d’une telle pratique.

153    Au demeurant, les deux procédures antidumping que la requérante a citées dans ses écritures, à savoir celles ayant conduit à l’adoption, d’une part, du règlement (CE) no 426/2005 de la Commission, du 15 mars 2005, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains tissus finis pour vêtements en filaments de polyester originaires de la République populaire de Chine (JO 2005, L 69, p. 6), et, d’autre part, du règlement (CE) no 1212/2005 du Conseil, du 25 juillet 2005, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines pièces de voirie en fonte originaires de la République populaire de Chine (JO 2005, L 199, p. 1), ne suffisent pas à démontrer une pratique décisionnelle établie.

154    Au contraire, ces deux procédures contredisent même les allégations de la requérante concernant la nécessité d’effectuer des vérifications sur place dans la mesure où, dans le cadre de ces procédures, ainsi qu’il ressort du considérant 19 du règlement no 426/2005 et du considérant 35 du règlement no 1212/2005, des enquêtes sur place n’ont été effectuées que dans les locaux d’un nombre très limité de sociétés en raison du grand nombre de sociétés concernées.

155    Par conséquent, l’affirmation selon laquelle les droits de la défense des producteurs-exportateurs concernés et leur droit à un procès équitable n’ont pas été respectés est inopérante et, à tout le moins, non fondée, dans la mesure où elle se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle une visite de vérification et une demande de complément d’information étaient nécessaires en l’espèce.

156    En tout état de cause, la requérante ne saurait se prévaloir de la violation des droits de la défense des producteurs-exportateurs ayant participé à la procédure d’enquête de dumping. Son grief ne concernant pas sa propre situation, son éventuel bien-fondé ne saurait entraîner l’annulation du règlement attaqué en ce qui concerne la requérante. Elle n’a donc aucun intérêt à le soulever (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 73 ; du 28 février 2017, JingAo Solar e.a./Conseil, T‑157/14, non publié, EU:T:2017:127, points 64 à 72, et du 11 septembre 2018, Foshan Lihua Ceramic/Commission, T‑654/16, EU:T:2018:525, point 35).

157    Partant, il y a lieu de rejeter comme non fondé le grief tiré de l’absence de visite de vérification et de demande de complément d’information.

–       Sur le grief tiré de la perception des droits antidumping réinstitués par le règlement attaqué

158    En ce que la requérante fait valoir que la perception des droits réinstitués sur les importations des produits en cause n’est plus possible, il suffit de renvoyer aux considérations exposées aux points 68 à 71 ci-dessus.

159    Étant donné que, selon ces considérations, ce sont les autorités et les juridictions nationales qui sont tenues de se prononcer de manière définitive, en appliquant les règles du code des douanes, sur les demandes de remboursement et de vérifier au cas par cas si un tel remboursement doit être accordé, le Tribunal n’est pas compétent pour statuer sur le grief tiré de la perception des droits antidumping réinstitués par le règlement attaqué. Dès lors, il doit être rejeté.

160    Partant, il convient de rejeter le cinquième moyen dans son intégralité.

161    Par conséquent, le présent recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de l’annexe D.1 de la réplique et des observations sur la duplique contenues dans la réponse à la question du Tribunal du 9 octobre 2020, y compris leur annexe G.1. En effet, ces documents ayant été produits à l’appui des arguments de la requérante relatifs au traitement des demandes de remboursement et à la communication de la dette, questions qui relèvent de la compétence des autorités douanières nationales (voir points 71 et 159 ci-dessus), ils ne sont pas pertinents pour la solution du présent litige.

 Sur les dépens

162    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Roland SE est condamnée aux dépens.

Collins

Kreuschitz

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.