Language of document : ECLI:EU:T:2021:323

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 juin 2021 (*) (1)

« Régime linguistique – Concours EPSO/AD/293/14 pour le recrutement d’administrateurs dans les domaines du droit de la concurrence, de la finance d’entreprise, de l’économie financière, de l’économie de l’industrie et de la macroéconomie (AD 7) – Non‑inscription sur la liste de réserve – Exception d’illégalité – Limitation du choix de la seconde langue du concours à l’allemand, à l’anglais ou au français – Règlement no 1 – Article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut – Discrimination fondée sur la langue – Justification – Intérêt du service »

Dans l’affaire T‑202/17,

Ana Calhau Correia de Paiva, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes V. Villante, G. Pandey et D. Rovetta, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes L. Radu Bouyon, I. Melo Sampaio et M. L. Vernier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la décision du jury du concours EPSO/AD/293/14 – Administrateurs (AD 7) dans les domaines du droit de la concurrence, de la finance d’entreprise, de l’économie financière, de l’économie de l’industrie et de la macroéconomie du 9 novembre 2015 de ne pas inscrire le nom de la requérante sur la liste de réserve constituée au terme de la procédure de sélection, deuxièmement, de la décision du 23 juin 2016 portant réexamen de cette première décision, troisièmement, de la décision du 22 décembre 2016 portant rejet de la réclamation introduite par la requérante à l’encontre de la première décision et, quatrièmement, de la liste de réserve constituée au terme de la procédure de sélection susmentionnée en tant qu’elle concerne le domaine du droit de la concurrence,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes O. Porchia (rapporteure) et M. Stancu, juges,

greffier : M. B. Lefebvre, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 23 octobre 2014, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AD/293/14, en vue de la constitution de listes de réserve pour le recrutement, au sein de la Commission européenne, d’administrateurs de grade AD 7 dans les domaines du droit de la concurrence, de la finance d’entreprise, de l’économie financière, de l’économie de l’industrie et de la macroéconomie (JO 2014, C 376 A, p. 1, rectificatif JO 2014, C 425 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »). Ce concours était organisé sous la forme d’un concours sur titres et épreuves.

2        L’avis de concours prévoyait, à son titre IV, trois tests d’accès sur ordinateur fondés sur des questions à choix multiple et, à son titre VI, des épreuves devant se dérouler dans un centre d’évaluation et consistant en une étude de cas, un exercice de groupe et un entretien structuré.

3        En outre, l’avis de concours précisait que l’examen des conditions générales et spécifiques d’admission énoncées sous son titre III et la sélection sur titres prévue sous son titre V seraient effectués dans un premier temps sur la base des déclarations faites dans l’acte de candidature et que le jury attribuerait à chaque critère de sélection un facteur de pondération (de 1 à 3) et à chaque réponse des candidats une note de 0 à 4, l’addition des notes pondérées permettant d’obtenir une note globale.

4        Au titre des conditions spécifiques d’admission, l’avis de concours exigeait, à son point III.2.3, intitulé « Connaissances linguistiques », d’une part, s’agissant de la langue principale (langue 1), une connaissance approfondie, correspondant au niveau C1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) au minimum, d’une des langues officielles de l’Union européenne et, d’autre part, s’agissant de la seconde langue (langue 2), une connaissance satisfaisante, correspondant au niveau B2 du CECR au minimum, de l’allemand, de l’anglais ou du français, cette seconde langue devant obligatoirement être différente de la langue principale. Au même point, il était notamment indiqué que les secondes langues retenues dans l’avis de concours avaient été définies conformément à l’intérêt des services, qui exigeait que les nouveaux recrutés fussent immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien. Par ailleurs, l’annexe II des dispositions générales applicables aux concours généraux (JO 2014, C 60 A, p. 1, ci-après les « dispositions générales »), auxquelles renvoyait l’avis de concours et qui, aux termes de cet avis, faisaient partie intégrante de ce dernier, précisait que la limitation du choix de la seconde langue se justifiait également par la nature des épreuves.

5        Le point 3 du titre IV de l’avis de concours précisait que les tests d’accès seraient effectués dans la langue principale du concours et le point 3 du titre VI indiquait que les épreuves du centre d’évaluation seraient réalisées dans la seconde langue du concours.

6        Le 25 novembre 2014, la requérante, Mme Ana Calhau Correia de Paiva, de nationalité portugaise, s’est portée candidate au concours EPSO/AD/293/14 dans le domaine du droit de la concurrence (ci-après le « concours en cause »). Il ressort de l’acte de candidature que la requérante a choisi comme langue principale le portugais, qui est sa langue maternelle, et comme seconde langue le français.

7        Par lettre du 19 mars 2015, transmise à la requérante le même jour par le biais de son compte EPSO, celle-ci a été informée de sa réussite aux épreuves de présélection sur ordinateur.

8        À l’issue de l’examen des conditions générales et spécifiques d’admission ainsi que de la sélection sur titres par le jury du concours, conformément au titre V de l’avis de concours, la requérante a été invitée, par lettre du 15 avril 2015, à l’étape suivante du concours, à savoir aux épreuves du centre d’évaluation.

9        Par lettre du 16 avril 2015, la requérante a été convoquée à l’épreuve d’étude de cas, devant se dérouler le 13 mai 2015. Dans cette lettre, l’EPSO a proposé à la requérante d’utiliser, dans le cadre de cette épreuve, un clavier de type Azerty FR, tout en lui accordant la possibilité de choisir alternativement un clavier de type Qwerty UK, Azerty FR/BE ou Qwertz DE. La requérante a demandé un changement de clavier afin de participer à ladite épreuve avec un clavier de type Qwerty UK.

10      La requérante a participé aux épreuves qui se sont déroulées au centre d’évaluation de Bruxelles (Belgique) le 13 mai 2015, en ce qui concerne l’étude de cas, et le 11 juin 2015, en ce qui concerne l’entretien structuré visant à évaluer les compétences générales, l’entretien structuré dans le domaine du concours en cause et l’exercice de groupe.

11      Par lettre du 9 novembre 2015, transmise à la requérante le même jour par le biais de son compte EPSO, celle-ci a été informée de la décision du jury du concours de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve du concours en cause au motif qu’elle « ne [faisait] pas partie des candidats ayant obtenu les meilleures notes globales au centre d’évaluation (au moins 68,59 points) » (ci-après la « décision de non-inscription sur la liste de réserve »). Ainsi qu’il résultait d’un document intitulé « Passeport de compétences » annexé à cette lettre, la requérante avait obtenu un score total de 61,13 points sur 100.

12      Après avoir sollicité, par lettre du 19 novembre 2015, le réexamen de la décision de non-inscription sur la liste de réserve, la requérante a été informée, par lettre du 23 juin 2016, que le jury du concours avait décidé de confirmer ladite décision (ci-après la « décision de réexamen »).

13      Le 24 août 2016, la requérante a introduit une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), contre la décision de non-inscription sur la liste de réserve. Dans cette réclamation, elle soutenait que la limitation du choix du type de clavier pour la réalisation de l’étude de cas était constitutive d’une inégalité de traitement et elle alléguait un défaut de motivation quant aux limitations relatives aux types de claviers mis à la disposition des candidats ainsi qu’au choix de la seconde langue du concours en cause. En outre, la requérante contestait la durée de la procédure de réexamen.

14      Par décision du 22 décembre 2016, l’EPSO, agissant en qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination, a rejeté ladite réclamation comme étant à la fois non fondée et irrecevable pour cause de tardiveté (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

II.    Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mars 2017, la requérante a introduit le présent recours.

16      À la date d’introduction de ce recours était pendant, devant la Cour, un pourvoi introduit par la Commission le 25 novembre 2016 et enregistré sous le numéro d’affaire C‑621/16 P à l’encontre de l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). Par ce dernier arrêt, le Tribunal avait annulé les avis des concours généraux EPSO/AD/276/14, en vue de la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (JO 2014, C 74 A, p. 1), et EPSO/AD/294/14, en vue de la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs dans le domaine de la protection des données (JO 2014, C 391 A, p. 1).

17      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2017, la Commission a sollicité, sur la base de l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la suspension de la procédure dans la présente affaire jusqu’au prononcé de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑621/16 P.

18      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 juillet 2017, la requérante s’est opposée à la suspension de la procédure.

19      Par une décision du 11 juillet 2017, adoptée sur le fondement de l’article 69, sous d), du règlement de procédure, le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé de suspendre la procédure.

20      À la suite du prononcé de l’arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251), sur proposition du juge rapporteur, le 4 avril 2019, le Tribunal (cinquième chambre) a adopté une mesure d’organisation de la procédure consistant à interroger les parties sur les conséquences à tirer dudit arrêt et de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), pour la présente affaire. Les parties ont fait valoir leurs observations à cet égard dans le délai imparti.

21      Le 5 juillet 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense.

22      La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 23 septembre et le 11 novembre 2019. Le 20 novembre 2019, la procédure écrite a été close.

23      Le 22 octobre 2019, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, par décision motivée et après consultation des juges concernés, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, une nouvelle juge rapporteure, siégeant dans la première chambre du Tribunal.

24      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2019, la requérante a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, conformément à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

25      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a présenté de nouvelles offres de preuve, en se prévalant de l’article 85, paragraphes 3 et 4, du règlement de procédure. La Commission a présenté ses observations sur lesdites offres de preuves dans le délai imparti et a contesté, à cette occasion, leur recevabilité.

26      Le 21 juillet 2020, sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé par écrit des questions à la Commission. Celle-ci a déféré à ces mesures dans le délai imparti.

27      Le 21 septembre 2020, sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (première chambre), dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience.

28      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 6 octobre 2020.

29      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, le cas échéant en constatant au préalable que l’avis de concours et le régime linguistique qu’il établit sont illégaux et qu’ils lui sont inapplicables en vertu de l’article 277 TFUE :

–        la décision de non-inscription sur la liste de réserve,

–        la décision de réexamen,

–        la décision de rejet de la réclamation,

–        la liste de réserve du concours en cause ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      Par ailleurs, la requérante demande au Tribunal d’ordonner des mesures d’organisation de la procédure en enjoignant à la Commission de produire l’intégralité des dossiers de l’EPSO relatifs à l’adoption des décisions dont l’annulation est demandée.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’objet du recours

32      Dans la requête, la requérante conclut à l’annulation de la décision de non-inscription sur la liste de réserve, de la décision de réexamen ainsi que de la décision de rejet de la réclamation. La liste de réserve du concours fait également l’objet d’un chef de conclusions en annulation, lequel sera examiné de manière autonome (voir points 128 à 138 ci-après).

33      S’agissant du chef de conclusions visant à l’annulation de la décision de non-inscription sur la liste de réserve, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une personne dont la demande d’admission à un concours a été rejetée sollicite le réexamen de cette décision sur la base d’une disposition précise liant l’administration, c’est la décision prise par le jury, après réexamen, qui constitue l’acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, ou, le cas échéant, de l’article 91, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, ordonnance du 3 mars 2017, GX/Commission, T‑556/16, non publiée, EU:T:2017:139, point 21 et jurisprudence citée). La décision prise après réexamen se substitue, ce faisant, à la décision initiale du jury (voir arrêt du 5 septembre 2018, Villeneuve/Commission, T‑671/16, EU:T:2018:519, point 24 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, ainsi que la Commission le fait observer, c’est la décision de réexamen qui constitue l’acte faisant grief en l’espèce. Dès lors, il y a lieu de considérer que les deux premiers chefs de conclusions tendent à l’annulation de la décision de réexamen.

34      Dans ce contexte, il convient de relever que, par son troisième chef de conclusions, la requérante demande également l’annulation de la décision de rejet de la réclamation. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante applicable en matière de droit de la fonction publique de l’Union, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 27 octobre 2016, CW/Parlement, T‑309/15 P, non publié, EU:T:2016:632, point 27 et jurisprudence citée).

35      En l’occurrence, la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision de non-inscription sur la liste de réserve et, partant, la décision de réexamen. La circonstance que l’autorité habilitée à statuer sur la réclamation de la requérante ait été amenée, en réponse à la réclamation, à compléter ou à modifier les motifs de la décision de réexamen ne saurait justifier que le rejet de cette réclamation soit considéré comme un acte autonome faisant grief à la requérante, la motivation dudit rejet étant censée s’incorporer dans la décision attaquée contre laquelle cette réclamation a été dirigée (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, point 55).

36      Partant, en application de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, il convient de considérer que l’acte faisant grief à la requérante est la décision de réexamen (ci-après la « décision attaquée »), dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation.

B.      Sur le fond

37      À l’appui du recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés :

–        le premier, d’une part, d’une violation de l’article 1er du statut et des principes de non-discrimination, de proportionnalité et de l’égalité des chances en ce que l’EPSO aurait imposé l’utilisation d’un clavier Qwerty UK, Azerty FR/BE ou Qwertz DE pour la réalisation de l’étude de cas et, d’autre part, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié (ci-après le « règlement no 1) ;

–        le deuxième, d’une violation du règlement no 1 en ce qui concerne le régime linguistique retenu dans l’avis de concours ainsi que d’une exception d’illégalité de cet avis de concours ;

–        le troisième, d’une violation de l’article 1er du statut et des principes de non-discrimination et de proportionnalité en ce que l’EPSO et le jury auraient limité le choix de la seconde langue des candidats au concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français ;

–        le quatrième, d’une violation du principe de l’égalité des chances en ce qui concerne la procédure de sélection mise en œuvre pour le concours en cause ;

–        le cinquième, d’une violation de l’article 296, paragraphe 2, TFUE et de l’article 25 du statut en ce que l’EPSO n’aurait pas motivé sa décision d’approuver et de promouvoir un régime linguistique déterminé, d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation de l’avis de concours en ce que l’EPSO aurait exercé des fonctions attribuées au jury ainsi que d’une violation de l’article 41 de la charte de droits fondamentaux de l’Union européenne.

38      Il convient d’analyser d’abord les deuxième, troisième et quatrième moyens, lesquels, étant tous tirés, en substance, de l’illégalité de l’avis de concours en raison de la limitation du choix de la seconde langue du concours à l’allemand, à l’anglais ou au français, peuvent être examinés conjointement.

1.      Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, tirés de  l’illégalité de l’avis de concours  en raison de la limitation du choix de la seconde langue du concours à l’allemand, à l’anglais ou au français

39      Dans le cadre des deuxième, troisième et quatrième moyens du recours, la requérante soulève, en substance, une exception d’illégalité de l’avis de concours en raison du régime linguistique qu’il établit. En particulier, ainsi que la requérante l’a précisé lors de l’audience, ladite exception d’illégalité vise la seule partie de l’avis de concours concernant le domaine du droit de la concurrence et, partant, la seule liste de réserve concernant ledit domaine.

40      La Commission conteste la recevabilité de cette exception d’illégalité ainsi que son bien-fondé.

a)      Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité

41      Au soutien de la fin de non-recevoir, la Commission fait valoir qu’il découle de la jurisprudence que, dans le cadre d’une réclamation contestant une décision d’un jury, un candidat ne saurait se fonder sur la prétendue irrégularité de l’avis de concours s’il n’a pas contesté en temps utile les dispositions dudit avis qui, de son point de vue, lui font grief. Ce ne serait que si l’existence d’un lien étroit entre la motivation de la décision attaquée et l’exception d’illégalité de l’avis de concours était établie qu’un requérant pourrait contester la légalité de l’avis. En l’espèce, selon la Commission, il n’y a pas de lien entre les motifs de la non-inscription du nom de la requérante sur la liste de réserve et la limitation du choix de la seconde langue du concours en cause à l’allemand, à l’anglais ou au français. En particulier, un tel lien ne saurait être déduit des commentaires formulés dans le passeport de compétences de la requérante au sujet de la compétence générale « communication ». En effet, selon la Commission, la performance de la requérante à cet égard a été considérée comme « satisfaisante », ce qui prouverait que le fait d’avoir passé les épreuves du centre d’évaluation en français n’est pas la cause de la non-inscription de son nom sur la liste de réserve.

42      La requérante conteste les arguments de la Commission.

43      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, en application de l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE pour invoquer devant la Cour l’inapplicabilité de cet acte (arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 66).

44      Cette disposition constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui lui est adressée, la validité des actes de portée générale qui forment la base d’une telle décision (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 67 et jurisprudence citée).

45      L’article 277 TFUE n’ayant pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de portée générale que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, l’acte dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 68 et jurisprudence citée).

46      C’est ainsi que, à l’occasion de recours en annulation intentés contre des décisions individuelles, la Cour a admis que peuvent valablement faire l’objet d’une exception d’illégalité les dispositions d’un acte de portée générale qui constituent la base desdites décisions ou qui entretiennent un lien juridique direct avec de telles décisions (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 69 et jurisprudence citée).

47      S’agissant notamment des avis de concours, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’une procédure de recrutement, qui est une opération administrative complexe composée d’une succession de décisions, un candidat à un concours peut, à l’occasion d’un recours dirigé contre un acte ultérieur, faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés (voir, en ce sens, arrêt du 11 août 1995, Commission/Noonan, C‑448/93 P, EU:C:1995:264, point 17 et jurisprudence citée) et se prévaloir, en particulier, de l’illégalité de l’avis de concours en application duquel l’acte en cause a été pris (voir arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission, T‑609/16, EU:T:2017:910, point 26 et jurisprudence citée).

48      Le fait de ne pas avoir attaqué l’avis de concours dans les délais n’empêche pas une partie requérante de se prévaloir d’irrégularités intervenues lors du déroulement du concours, même si l’origine de telles irrégularités peut être trouvée dans le texte de l’avis de concours (voir arrêt du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, point 40 et jurisprudence citée).

49      Plus précisément, lorsque le moyen tiré de l’irrégularité de l’avis de concours, non contesté en temps utile, concerne les motifs de la décision individuelle attaquée, la recevabilité du recours est admise par la jurisprudence. En effet, un candidat à un concours ne saurait être privé du droit de contester en tous ces éléments, y compris ceux qui ont été définis dans l’avis de concours, le bien-fondé de la décision individuelle adoptée à son égard en exécution des conditions définies dans cet avis, dans la mesure où seule cette décision d’application individualise sa situation juridique et lui permet de savoir avec certitude comment et dans quelle mesure ses intérêts particuliers sont affectés (voir arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission, T‑609/16, EU:T:2017:910, point 28 et jurisprudence citée).

50      En revanche, à défaut de lien étroit entre les motifs mêmes de la décision attaquée et le moyen tiré de l’illégalité de l’avis de concours non contesté en temps utile, ce dernier doit être déclaré irrecevable, en application des règles d’ordre public relatives aux délais de recours, auxquelles il ne saurait être dérogé, dans une hypothèse de ce type, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique (voir arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission, T‑609/16, EU:T:2017:910, point 29 et jurisprudence citée).

51      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l’encontre de l’exception d’illégalité de l’avis de concours.

52      Premièrement, il convient de rappeler que, par son exception d’illégalité, la requérante conteste, en substance, les dispositions de l’avis de concours concernant le régime linguistique, à savoir la limitation du choix de la seconde langue à l’allemand, à l’anglais et au français. Cette seconde langue a été utilisée, notamment, pour les épreuves visant à apprécier les compétences générales et spécifiques des candidats qui se sont déroulées au centre d’évaluation.

53      Deuxièmement, s’agissant de la motivation de la décision attaquée, il convient de rappeler que, par courrier du 9 novembre 2015, la requérante a été informée que son nom n’avait pas été inscrit sur la liste de réserve au motif qu’elle n’avait pas obtenu les points les plus élevés pour les épreuves du centre d’évaluation. En outre, dans la décision attaquée, il est indiqué que le jury a attentivement réexaminé les notes qui avaient été attribuées à la requérante pour les épreuves du centre d’évaluation, qu’il a revu l’évaluation de ses compétences générales et spécifiques et qu’il a conclu que ses résultats reflétaient ses performances au centre d’évaluation.

54      Troisièmement, il ressort du « passeport de compétences » délivré à la requérante que, pour la compétence générale « communication », elle a obtenu 5,5 points sur 10, ce qui compte parmi les appréciations et les notes les plus basses qu’elle ait obtenues en ce qui concerne l’évaluation de ses compétences générales qui s’est tenue au centre d’évaluation. La mesure de ces compétences visait, selon le point 1.2 des dispositions générales, auquel renvoyait la note en bas de page no 7 de l’avis de concours, à évaluer la capacité du candidat à « [p]ouvoir communiquer de façon claire et précise, tant oralement que par écrit ». Il s’en déduit, implicitement, mais nécessairement, un constat du jury à l’égard de la requérante quant à sa connaissance de la langue française ou, à tout le moins, quant à la maîtrise d’une compétence fortement conditionnée par la connaissance qu’avait celle-ci de cette langue.

55      Quatrièmement, si, certes, l’avis de concours ne prévoyait pas d’épreuve liée aux connaissances spécifiques de la requérante, en termes de vocabulaire ou de grammaire, de la langue allemande, anglaise ou française, il ne saurait être nié qu’il existe un lien étroit entre les connaissances de la requérante de la langue française, qu’elle a choisie en tant que seconde langue, et les épreuves qu’elle a dû passer dans cette langue. En effet, les connaissances que la requérante a de la langue française se reflètent inévitablement et nécessairement dans les épreuves visant à tester les compétences générales et spécifiques telles que prévues par le concours en cause.

56      À cet égard, il est établi que la chance d’obtenir de meilleures notes aux épreuves est plus élevée si ces épreuves sont présentées dans la langue maternelle du candidat ou dans la langue que ce dernier maîtriserait tout aussi bien (arrêt du 2 juillet 2014, Da Cunha Almeida/Commission, F‑5/13, EU:F:2014:176, point 38), cela d’autant plus dans le cadre d’une épreuve technique, telle que l’étude de cas.

57      Or, d’une part, il est constant que le portugais est la langue maternelle de la requérante. D’autre part, bien que, comme le souligne la Commission, la requérante ait déclaré, dans son acte de candidature, disposer d’un niveau en français équivalent au niveau C2 du CECR, à l’instar du portugais, et avoir effectué une partie de ses études en Belgique et en France, il n’en demeure pas moins qu’elle affirme devant le Tribunal, sans être contredite à cet égard par la Commission, maîtriser mieux sa langue maternelle que le français. Cette circonstance est au demeurant particulièrement vraisemblable, compte tenu du parcours académique et professionnel de la requérante, tel que renseigné par celle-ci dans son acte de candidature, dont il ressort que tant ses études que sa carrière professionnelle ont été menées, pour l’essentiel, au Portugal.

58      Cinquièmement, il convient de souligner que la limitation du choix de la seconde langue du concours aux trois langues en cause n’affecte pas uniquement la capacité des candidats à s’exprimer à l’oral ou par écrit, mais qu’elle détermine également le type de clavier que les candidats peuvent utiliser pour la réalisation de l’étude de cas, la fourniture aux candidats de claviers étant, selon la pratique de l’EPSO, confirmée par la Commission devant le Tribunal, limitée à la langue (et, le cas échéant, aux langues) dans laquelle les épreuves doivent être réalisées. Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que la requérante a été contrainte d’utiliser un type de clavier qu’elle n’était pas habituée à utiliser en raison de sa langue maternelle. Il y a lieu de constater que cette circonstance a une incidence sur la réalisation et, donc, potentiellement, sur le résultat d’une épreuve, lors de laquelle il est exigé d’écrire, au moyen d’un clavier, un texte d’une certaine longueur dans un temps limité.

59      Sixièmement, s’agissant de l’argument avancé par la Commission lors de l’audience selon lequel un lien étroit ne pourrait exister que si les résultats des épreuves d’évaluation des compétences générales des candidats s’avéraient négatifs ou catastrophiques, force est de constater qu’un tel argument revient à prôner, sans justification, une application plus stricte de la condition de l’existence d’un lien étroit lorsque l’illégalité dont il est excipé se rattache au régime linguistique du concours.

60      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater qu’il existe un lien étroit entre la motivation de la décision attaquée et les dispositions de l’avis de concours relatives au régime linguistique du concours en cause dont la légalité est contestée.

61      Partant, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission et de déclarer recevable l’exception d’illégalité de l’avis de concours soulevée par la requérante.

b)      Sur le bien-fondé de l’exception d’illégalité

62      À l’appui de l’exception d’illégalité, la requérante fait en substance valoir que la limitation du choix de la seconde langue à l’allemand, à l’anglais et au français imposée par l’avis de concours comporte une violation non justifiée du principe de non-discrimination et de l’égalité des chances.

1)      Sur l’existence d’une discrimination

63      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée devrait être annulée en raison de l’illégalité de l’avis de concours au regard du règlement no 1. En effet, selon elle, l’avis de concours est nul et illégal et il viole le règlement no 1 en ce qu’il limite le choix de la seconde langue à l’allemand, à l’anglais et au français. En outre, la requérante observe que cet avis tenterait indûment de justifier l’injustifiable en se fondant à tort sur l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752).

64      À cet égard, premièrement, la requérante avance qu’un simple avis de concours de l’EPSO ne saurait avoir une incidence sur les droits et les obligations des citoyens et des institutions de l’Union tels que prévus dans le règlement no 1. L’EPSO et la Commission auraient dû proposer et adopter des règlements de procédure appropriés et probablement mettre en œuvre un règlement spécifique en matière de concours généraux. Deuxièmement, elle soutient que la justification avancée par l’EPSO dans l’avis de concours n’explique aucunement les raisons pour lesquelles, dans le domaine spécifique du droit de la concurrence, l’allemand, l’anglais et le français seraient immédiatement requis comme seconde langue plutôt que, par exemple, l’espagnol ou l’italien. Cette justification serait une justification standardisée que l’EPSO invoquerait dans des termes identiques ou très similaires dans la majorité des avis de concours généraux.

65      Dans le cadre du troisième moyen, premièrement, la requérante fait valoir que la limitation du choix de la seconde langue des candidats au concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français constitue une violation de l’article 1er du statut et des principes de non-discrimination et de proportionnalité. En particulier, elle fait valoir que la pratique de l’EPSO est potentiellement discriminatoire, car celui-ci traite les trois langues qu’il a sélectionnées de manière très différente des autres langues officielles des États membres de l’Union. Deuxièmement, la requérante soutient, en substance, que cette limitation n’est pas justifiée. D’une part, il serait presque impossible de justifier une telle limitation en l’absence de dispositions en la matière dans les règlements intérieurs des institutions concernées. Cette obligation ne saurait être compensée par le contenu d’un avis de concours, qui ne concerne qu’un concours précis. D’autre part, l’EPSO n’aurait eu aucune raison objective de limiter le choix de la seconde langue des participants au concours. Troisièmement, la requérante fait valoir que le choix obligatoire entre l’allemand, l’anglais et le français apparaît être un moyen disproportionné afin d’atteindre l’objectif consistant à sélectionner les meilleurs candidats possible.

66      Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante fait, en substance, valoir que le libellé de l’avis de concours a pour effet de permettre certaines pratiques qui désavantagent les personnes, telles que la requérante, dont la langue maternelle n’est pas l’une des trois langues favorisées par l’EPSO. En revanche, l’avis en question avantagerait injustement les personnes dont la langue maternelle est l’une de ces trois langues, en ce qu’il leur permettrait de choisir leur propre langue maternelle comme seconde langue.

67      Dans le cadre du mémoire en défense, déposé après le prononcé de l’arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251), la Commission  fait valoir que, même si le choix de la seconde langue était discriminatoire, ce choix repose sur des facteurs objectifs et est, en tout état de cause, justifié par l’intérêt du service.

68      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 1er du règlement no 1 prévoit ce qui suit :

« Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le bulgare, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque. »

69      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il est rappelé au point 67 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), si l’article 1er du règlement no 1 énonce explicitement quelles sont les langues de travail des institutions de l’Union, l’article 6 de ce règlement prévoit que celles-ci peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs respectifs. Dans le même point de cet arrêt, la Cour a d’ailleurs constaté que les institutions concernées par les avis de concours en cause dans cette affaire n’avaient pas déterminé, sur le fondement de l’article 6 du règlement no 1, les modalités du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs.

70      En outre, il y a lieu de constater, d’emblée, que, ainsi que cela a été confirmé par la Commission, elle n’a pas adopté de dispositions dans son règlement intérieur visant à définir les modalités d’application du régime linguistique général fixé par le règlement no 1, conformément à l’article 6 de ce dernier (voir, notamment, points 103 à 108 ci-après).

71      Par ailleurs, l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut dispose que, dans l’application de ce dernier, est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée sur la langue. Conformément à l’article 1er quinquies, paragraphe 6, première phrase, du statut, « [d]ans le respect du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité, toute limitation de ces principes doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel ».

72      Il en découle que la limitation du choix de la seconde langue par les candidats à un concours à un nombre restreint de langues, à l’exclusion des autres langues officielles, constitue une discrimination en raison de la langue, en principe interdite en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut. Il est, en effet, évident que, par une telle limitation, certains candidats potentiels, à savoir ceux qui possèdent une connaissance satisfaisante d’au moins une des langues désignées, sont favorisés, en ce qu’ils peuvent participer au concours et être, ainsi, recrutés en tant que fonctionnaires ou agents de l’Union, alors que les autres, qui ne possèdent pas une telle connaissance, sont exclus [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 91 (non publié) et jurisprudence citée ; ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 57].

73      Néanmoins, selon la jurisprudence, il ressort de l’ensemble des dispositions susmentionnées que l’intérêt du service peut constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89).

74      Ainsi, le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union en ce qui concerne l’organisation de leurs services, de même que l’EPSO, lorsque ce dernier exerce, comme en l’espèce, des pouvoirs qui lui sont dévolus par lesdites institutions, se trouve impérativement encadré par l’article 1er quinquies du statut, de telle sorte que les différences de traitement fondées sur la langue résultant d’une limitation du régime linguistique d’un concours à un nombre restreint de langues officielles ne peuvent être admises que si une telle limitation est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 90 et jurisprudence citée).

75      Au vu de tout ce qui précède, dès lors que la limitation du choix de la seconde langue pour le concours en cause par l’avis de concours constitue une discrimination en raison de la langue, il y a lieu d’examiner si cette discrimination est justifiée et proportionnée aux besoins réels du service.

2)      Sur la justification de la discrimination

76      S’agissant de la justification de la discrimination en cause, la Commission précise que les dispositions de l’avis (y compris les dispositions générales applicables) relatives au choix de la seconde langue répondent à deux objectifs légitimes relevant de l’intérêt du service, à savoir la nécessité de disposer de fonctionnaires immédiatement opérationnels et la nature des épreuves réalisées au centre d’évaluation.

77      En premier lieu, en ce qui concerne la nécessité de sélectionner des candidats immédiatement opérationnels, deux raisons expliquent, selon la Commission, le choix de l’allemand, de l’anglais et du français en tant que seconde langue du concours. La première raison relèverait de facteurs objectifs découlant des règles internes adoptées par la Commission concernant l’utilisation des langues, tandis que la seconde raison résiderait dans le fait que ces trois langues sont utilisées comme langues véhiculaires par les services dans lesquels les candidats seraient recrutés.

78      En particulier, s’agissant de la première raison, la Commission souligne que le point 2.2 de la communication SEC(2000) 2071/6 du président de la Commission, du 29 novembre 2000, relative à la simplification du processus décisionnel, limite le nombre de langues de travail à trois afin de simplifier les procédures de travail internes de la Commission. Cette communication aurait été approuvée par le collège des membres de la Commission lors de sa séance du 29 novembre 2000. En outre, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » indiquerait que tout projet de décision devant être soumis au collège selon la procédure orale ou selon la procédure écrite doit être rédigé en allemand, en anglais et en français. Selon la Commission, la limitation à ces trois langues aurait été adoptée par le président de la Commission sur la base des modalités d’exécution du règlement intérieur de la Commission, afin de tenir compte des besoins minimaux de communication des membres du collège.

79      S’agissant de la seconde raison, la Commission avance que le recrutement de fonctionnaires capables de s’exprimer dans l’une des trois langues répond à un objectif d’intérêt général « dans le cadre de la politique du personnel ». Compte tenu de l’augmentation constante du nombre de langues officielles, il serait essentiel d’assurer une communication interne efficace, en veillant à ce que chaque fonctionnaire possède une connaissance suffisante d’une ou de plusieurs langues particulièrement bien connues, qui servent de langues véhiculaires au sein de la Commission. En outre, selon la Commission, la capacité des services d’une institution à communiquer entre eux est une condition impérieuse de leur fonctionnement. En l’espèce, les données qu’elle joint au mémoire en défense montreraient que, en ce qui concerne la direction générale (DG) « Concurrence », qui serait le principal service de destination des lauréats de ce concours, sur un total de 1 032 fonctionnaires, les trois langues véhiculaires les plus utilisées seraient l’allemand, l’anglais et le français. Il serait donc dans l’intérêt du service, au sens de l’article 1er quinquies, paragraphe 6, du statut, de disposer de fonctionnaires capables de s’adapter rapidement et de travailler dans les services existants de l’administration en interagissant avec le personnel déjà en place dans ses langues de travail, à savoir l’allemand, l’anglais et le français.

80      En second lieu, selon la Commission, la nature même des épreuves de sélection au centre d’évaluation justifie une limitation du choix de la seconde langue du concours en cause. Si les candidats et les membres du jury ne parlaient pas la même langue, ces épreuves ne pourraient tout simplement pas avoir lieu. Dès lors, selon la Commission, il est opportun que les procédures de sélection du personnel puissent être menées dans les trois langues officielles les plus courantes et les plus parlées dans l’Union. Selon la Commission, les éléments de preuve fournis démontrent que, en l’espèce, l’allemand, l’anglais et le français peuvent être considérés comme des langues permettant l’organisation des épreuves du concours, compte tenu du niveau de connaissance de ces langues par les membres du jury et les candidats.

81      En outre, selon la Commission, la limitation aux trois langues véhiculaires en cause reflète raisonnablement les compétences linguistiques qui peuvent être attendues des candidats, en ce sens qu’elle est apte à atteindre les objectifs susmentionnés sans être trop restrictive du point de vue de la diversité linguistique, d’autant plus que les connaissances linguistiques au sens strict (grammaire ou connaissance du vocabulaire) ne sont pas évaluées lors des épreuves qui se déroulent au centre d’évaluation. À cet égard, tout d’abord, la Commission observe que la limitation du choix de la seconde langue a été portée à l’attention des candidats par des critères clairs, objectifs et prévisibles, comme le prouverait la justification concernant la nature des épreuves de sélection figurant en particulier à l’annexe II des dispositions générales. Ensuite, la restriction aux trois langues mentionnées dans l’avis de concours serait proportionnée, en ce qu’elle résulterait d’une juste mise en balance des différents intérêts en jeu. De plus, l’allemand, l’anglais et le français seraient les langues étrangères les plus connues dans les États membres de l’Union, les plus connues en Europe ainsi que celles que les citoyens de l’Union considèrent comme étant les plus utiles d’étudier. Ces indications ressortiraient du rapport d’Eurostat (office statistique de l’Union européenne) publié dans Statistics in Focus no 49/2010 (ci-après le « rapport Eurostat no°49/2010 ») ainsi que de l’Eurobaromètre spécial no 386/2012. Enfin, la Commission souligne que la limitation du choix de la seconde langue du concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français était parfaitement prévisible pour les candidats, étant donné que telle était déjà la règle pour les premiers concours organisés par l’EPSO en 2003. Par conséquent, le choix limité d’une seconde langue ne constitue pas un obstacle disproportionné empêchant les citoyens de l’Union d’accéder au concours, étant donné qu’il répond parfaitement aux habitudes et aux attentes actuelles de ces derniers.

82      Dans le cadre de la réplique, la requérante conteste les arguments de la Commission.

83      À cet égard, il y a lieu de rappeler d’emblée que, dans le cadre d’une procédure de sélection de personnel, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer l’intérêt du service ainsi que les qualifications et les mérites des candidats à prendre en considération. Ainsi, il n’est pas exclu que l’intérêt du service puisse nécessiter que les personnes recrutées disposent de connaissances linguistiques spécifiques. Partant, la nature particulière des tâches à accomplir peut justifier un recrutement fondé, notamment, sur une connaissance approfondie d’une langue spécifique (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, points 67 et 68 et jurisprudence citée).

84      Cependant, il incombe à l’institution ayant limité le régime linguistique d’une procédure de sélection à un nombre restreint de langues officielles de l’Union d’établir qu’une telle limitation est bien apte à répondre à des besoins réels relatifs aux fonctions que les personnes recrutées seront appelées à exercer. En outre, toute condition relative à des connaissances linguistiques spécifiques doit être proportionnée à cet intérêt et reposer sur des critères clairs, objectifs et prévisibles permettant aux candidats de comprendre les motifs de cette condition et aux juridictions de l’Union d’en contrôler la légalité (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 93).

85      Dans ce cadre, il appartient au juge de l’Union d’effectuer un examen in concreto desdites règles et des circonstances particulières en cause. En effet, seul un tel examen est susceptible de permettre d’établir les connaissances linguistiques qui peuvent objectivement être exigées, dans l’intérêt du service, par les institutions dans le cas de fonctions particulières et, partant, si la limitation du choix des langues pouvant être utilisées pour participer à ces concours est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 94).

86      Plus particulièrement, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée).

87      Dès lors, il convient d’examiner les arguments avancés par la Commission afin de justifier la discrimination en cause. À cet égard, il y a lieu de faire une distinction entre les justifications figurant dans l’avis de concours et les éléments de preuve produits par la Commission au soutien de ces justifications.

i)      Sur les justifications figurant dans l’avis de concours

88      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 1 ci-dessus, l’avis de concours indique que le concours en cause a pour objet la constitution des listes de réserve destinées à pourvoir des postes vacants de fonctionnaires de niveau AD 7 au sein de la Commission dans les domaines du droit de la concurrence, de la finance d’entreprise, de l’économie financière, de l’économie de l’industrie et de la macroéconomie. Pour ce qui est de la limitation du choix de la seconde langue du concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français, il y est précisé que celle-ci a été décidée à la lumière des critères définis au point 2.3 du titre III de l’avis de concours (voir point 4 ci‑dessus) ainsi qu’à l’annexe II des dispositions générales, à savoir, premièrement, la nécessité que les nouvelles personnes recrutées soient immédiatement opérationnelles et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien et, deuxièmement, la nature de la procédure de sélection.

89      S’agissant de la nécessité que les nouvelles personnes recrutées soient immédiatement opérationnelles, d’une part, il convient de constater que sa justification se trouve dans les dispositions générales, dont l’annexe II indique que la limitation du choix de la seconde langue se justifie par plusieurs facteurs et, premièrement, par l’intérêt du service, lequel « exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables d’accomplir efficacement les tâches dans le domaine ou la fonction pour lequel/laquelle ils sont recrutés ».

90      D’autre part, il résulte du point 2.3 du titre III de l’avis de concours que, afin de pouvoir être considérés comme étant immédiatement opérationnels, les candidats aux concours en cause doivent être capables « de communiquer efficacement dans leur travail quotidien », étant donné que « [l]e fonctionnement effectif des institutions risquerait autrement d’être gravement entravé ». Ainsi, « [e]u égard à la longue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne, et compte tenu des besoins des services en matière de communication externe et de traitement des dossiers, l’anglais, le français et l’allemand demeurent les langues les plus largement employées […] » Par conséquent, selon l’avis de concours, « dans la mise en balance de l’intérêt et des besoins du service et des aptitudes des candidats, compte tenu du domaine particulier du présent concours, il est justifié d’organiser des épreuves dans ces trois langues afin de garantir que, quelle que soit leur première langue officielle, tous les candidats maîtriseront au moins l’une de ces trois langues officielles au niveau d’une langue de travail ». L’avis de concours précise également que « [l]’appréciation des compétences spécifiques permet ainsi aux institutions de l’Union d’évaluer l’aptitude des candidats à être immédiatement opérationnels dans un environnement proche de celui dans lequel ils seront appelés à travailler ».

91      Or, selon la jurisprudence, ladite nécessité que les nouvelles personnes recrutées soient immédiatement opérationnelles pourrait éventuellement être apte à justifier une limitation à l’allemand, à l’anglais et au français [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 106 (non publié) et jurisprudence citée]. Cependant, il convient de relever que, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 83 et 84 ci-dessus, les considérations exposées au point 90 ci-dessus, bien qu’elles indiquent l’existence d’un intérêt du service à ce que les nouvelles personnes recrutées puissent accomplir leurs tâches et communiquer de manière efficace dès leur prise de fonctions, ne suffisent pas, en elles-mêmes, à établir que les fonctions en cause, à savoir celles de gestionnaire de dossiers à la Commission, et plus spécifiquement à la DG « Concurrence » de cette dernière, nécessitent concrètement la connaissance de l’allemand, de l’anglais ou du français, à l’exclusion des autres langues officielles de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 72).

92      Cette analyse ne saurait être infirmée par la description des fonctions que les lauréats recrutés seront appelés à exercer, telle qu’elle figure dans l’avis de concours.

93      En effet, selon l’annexe I de l’avis de concours, intitulée « Domaine 1. Droit de la concurrence (AD 7), 1. Nature des fonctions », les fonctions principales des administrateurs dans le domaine du droit européen de la concurrence comprennent, notamment, la réalisation des analyses des politiques de l’Union en matière d’ententes, de concentrations et d’aides d’État et l’accomplissement des tâches de conception, d’étude et de contrôle relatives aux activités liées à la politique de concurrence de l’Union.

94      En ce qui concerne les fonctions principales des gestionnaires de dossiers, celles-ci varient selon que ces derniers travaillent dans le domaine des ententes, des concentrations ou des aides d’État et peuvent consister, notamment, à déterminer la manière de définir les marchés en cause conformément aux principes du droit de la concurrence, à déterminer si un comportement particulier ou un accord conclu entre entreprises peut constituer une violation des articles 101 ou 102 TFUE ou si une opération de concentration notifiée entraîne une entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective au sens de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), et si les engagements proposés par les parties sont susceptibles d’écarter les problèmes de concurrence recensés à la suite d’une opération de concentration, à déterminer si une mesure donnée peut être qualifiée d’aide d’État selon la définition figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, à analyser la compatibilité d’une mesure d’aide d’État avec les règles applicables, à effectuer des enquêtes sur le marché, à préparer et à rédiger des notes internes, des décisions de la Commission et d’autres documents procéduraux (tels que des communications des griefs) ainsi qu’à préparer et à rédiger des propositions d’actes législatifs, des communications de la Commission et d’autres documents relatifs aux politiques de l’Union en matière d’ententes, de concentrations et d’aides d’État.

95      Or, il n’est pas possible d’établir, sur la base de cette seule description, que les trois langues auxquelles est limité le choix de la seconde langue du concours en cause permettraient toutes aux lauréats de ce concours d’être immédiatement opérationnels. Par ailleurs, aucun élément de l’avis de concours ne permet de démontrer une utilisation effective de ces trois langues dans l’accomplissement des tâches énumérées dans l’annexe I de celui-ci.

96      En outre, la pluralité des tâches visées par l’annexe I de l’avis de concours, lesquelles comportent l’interaction avec différentes autorités de tous les États membres de l’Union et des entreprises d’origines diverses dans tous les secteurs concernés par le droit de la concurrence, tendrait plutôt à indiquer que, sans exclure l’éventualité que la maîtrise d’une langue particulière s’avère indispensable, le recrutement de personnel aux profils linguistiques variés présenterait un avantage pour le fonctionnement du service.

97      Il s’ensuit que, même compris à l’aune de la description des fonctions figurant dans l’annexe I de l’avis de concours, compte tenu de sa formulation générale et abstraite, le motif tiré de la nécessité que les nouvelles personnes recrutées soient immédiatement opérationnelles ne saurait justifier la limitation du choix de la seconde langue des concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français uniquement.

98      S’agissant de la justification exposée à l’annexe II des dispositions générales, relative à la nature de la procédure de sélection et, plus particulièrement, à la spécificité des épreuves du centre d’évaluation, il convient de relever que la justification en question, du fait de sa formulation générale, serait susceptible de s’appliquer à n’importe quelle procédure de concours. En outre, il ressort de ladite annexe que la procédure de sélection mise en place depuis 2010 et, en particulier, les épreuves du centre d’évaluation ont pour objet de mieux prévoir si les candidats seront en mesure d’exercer leurs fonctions. Il en résulte que cet argument tiré de la nature de la procédure de sélection se rattache en réalité étroitement au motif tiré de la nécessité que les nouvelles personnes recrutées soient immédiatement opérationnelles. Dès lors, si ce dernier motif vient à manquer (voir point 97 ci-dessus), l’argument tiré de la nature de la procédure de sélection ne saurait, à lui seul, justifier la limitation du nombre de langues susceptibles d’être choisies comme seconde langue du concours.

99      De plus, s’agissant de l’argument ressortant de l’annexe II des dispositions générales selon lequel « le recours [au centre d’évaluation] exige, afin de permettre une évaluation homogène des candidats et la communication directe entre ceux-ci, les évaluateurs et les autres candidats également soumis à cet exercice, que l’épreuve organisée au centre d’évaluation se déroule dans une langue véhiculaire », force est de constater qu’il prouve précisément que la limitation du choix de la seconde langue aux trois langues en cause n’est pas imposée par la nature des épreuves.

100    Il en résulte que la justification tirée de la nature des épreuves de sélection au centre d’évaluation telle qu’exposée à l’annexe II des dispositions générales n’est pas susceptible d’étayer la limitation apportée par l’avis de concours au choix, par les candidats, de la seconde langue des concours en cause, dans la mesure où cette justification ne permet pas de démontrer pourquoi ce choix devrait s’effectuer uniquement parmi les trois langues retenues en l’espèce, à savoir l’allemand, l’anglais et le français, à l’exclusion d’autres langues officielles de l’Union.

101    Dans ces conditions, il convient d’examiner si les différents éléments que la Commission a produits sont susceptibles de démontrer que, eu égard aux spécificités fonctionnelles des emplois à pourvoir, la limitation en cause était objectivement justifiée par, d’une part, la nécessité que les lauréats des concours en cause soient immédiatement opérationnels et, d’autre part, la nature des épreuves.

ii)    Sur les éléments produits par la Commission au soutien de la justification portant sur la nécessité de s’assurer que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels

102    S’agissant de la justification portant sur la nécessité de s’assurer que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels, la Commission fournit une série d’éléments par lesquels elle cherche à établir que l’allemand, l’anglais et le français sont les trois langues de travail de la Commission ainsi que les langues véhiculaires les plus utilisées dans la communication interne entre les services de cette institution. Il convient d’examiner la pertinence de ces éléments pour la résolution du présent litige.

–       Sur les éléments relatifs à la pratique interne de la Commission en matière linguistique

103    Afin d’établir que l’allemand, l’anglais et le français sont les trois langues de travail de la Commission, en premier lieu, cette dernière produit la communication SEC(2000) 2071/6 du président de la Commission, du 29 novembre 2000, relative à la simplification du processus décisionnel de cette institution, ainsi qu’un extrait du procès-verbal de la mille cinq cent deuxième réunion de la Commission, du 29 novembre 2000, établi le 1er décembre 2000 sous la référence PV(2000) 1502, et portant approbation, par le collège des membres, de ladite communication. Selon la Commission, la communication en question limite à trois le nombre de langues de travail de l’institution (voir point 78 ci-dessus).

104    En deuxième lieu, en réponse à la mesure d’organisation de la procédure que lui a adressée le Tribunal (voir point 26 ci-dessus), la Commission a également fourni les modalités d’application de son règlement intérieur, annexées à sa décision C(2010) 1200 final, du 24 février 2010, et le règlement intérieur tel que modifié.

105    En troisième lieu, la Commission présente un document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », qui comporte, selon elle, les règles relatives au processus décisionnel de la Commission adoptées par son président. Selon la Commission, il résulte de ces « règles » que « tout projet de décision devant être soumis au collège selon la procédure orale ou selon la procédure écrite doit être rédigé en anglais, en français et en allemand » (voir point 78 ci-dessus).

106    S’agissant des documents visés aux points 103 à 105 ci-dessus, il convient de relever que, ainsi que l’a confirmé la Commission lors de l’audience, il n’existait pas de décision formelle prévoyant une limitation aux trois langues en cause.

107    En outre, l’ensemble des documents produits par la Commission ne permet pas d’établir un lien entre les langues utilisées dans le cadre des différentes procédures décisionnelles de la Commission, notamment celles se déroulant au sein du collège de ses membres, et celles que les lauréats du concours en cause seront susceptibles d’utiliser dans l’exercice des fonctions de gestionnaire de dossiers dans le domaine du droit de la concurrence afin d’être immédiatement opérationnels [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, points 121 et 122 (non publiés), confirmé par l’arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, points 106 et 107].

108    Dès lors, ces documents ne suffisent pas à justifier le choix de l’allemand, de l’anglais et du français en tant que langues utilisées par les services de la Commission dans l’exercice des fonctions visées par l’avis de concours. Partant, il y a lieu de constater que, au regard des spécificités fonctionnelles des emplois visés par ce dernier, les documents en question ne sont pas de nature à démontrer que la limitation du choix de la seconde langue du concours aux trois langues mentionnées soit apte à assurer, en réponse aux besoins réels du service, que les personnes nouvellement recrutées soient immédiatement opérationnelles.

–       Sur les éléments relatifs aux langues utilisées par les membres du personnel de la DG « Concurrence »

109    La Commission produit des données relatives à l’utilisation de l’allemand, de l’anglais et du français par le personnel affecté à la DG « Concurrence ». Dans le cadre des réponses à la mesure d’organisation de la procédure (voir point 26 ci-dessus), la Commission a précisé que ces données avaient été extraites de la base de données interne issue du système informatique de gestion du personnel, appelé Sysper. Elle a également fourni un tableau Excel qui serait la version complète des données extraites de cette base de données interne et qui présenterait toutes les langues déclarées par le personnel de la DG « Concurrence ». Or, selon elle, ces données sont susceptibles de démontrer que l’allemand, l’anglais et le français sont les trois langues véhiculaires les plus utilisées par les agents et les fonctionnaires au sein de la DG « Concurrence », qui représente le service de destination principal des lauréats du concours en cause dans la présente affaire.

110    Les deux documents se composent d’une page dans laquelle figurent trois tableaux, intitulés « langue 1 », « langue 2 » et « langue 3 ».

111    À cet égard, il importe, tout d’abord, d’indiquer que, ainsi que l’a confirmé la Commission dans ses réponses à la mesure d’organisation de la procédure (voir point 26 ci-dessus) et lors de l’audience, les données en cause représentent la situation de ces connaissances linguistiques à une date postérieure à celle de la publication de l’avis de concours, à savoir le 1er juin 2019, si bien qu’elles ne reflètent qu’imparfaitement l’état des connaissances linguistiques à la date de publication de l’avis de concours.

112    En tout état de cause, force est de constater que les données en cause ne font que recenser les connaissances linguistiques du personnel de la DG « Concurrence ». Par conséquent, elles ne permettent pas d’établir quelles sont les langues qui seraient indispensables à l’exercice des fonctions de gestionnaire de dossiers.

113    Enfin, même à considérer que les données concernant les connaissances linguistiques de ces agents et fonctionnaires soient susceptibles de refléter le régime linguistique de l’institution, il y a lieu de relever ce qui suit.

114    D’une part, au vu de la mobilité d’un fonctionnaire et, plus encore, d’un agent des institutions lors de sa carrière, ces données ne fournissent, en définitive, qu’une image instantanée des connaissances linguistiques des fonctionnaires et des agents exerçant les fonctions que seront appelés à exercer les lauréats du concours en cause, image qui ne saurait être considérée comme immuable. D’autre part, le fait que les personnes concernées « parlent » une langue ne signifie pas qu’elles sont capables d’exercer leurs fonctions dans cette langue, et encore moins qu’elles utilisent cette langue dans leur travail. En outre, il ne ressort aucunement des données extraites de la base de données interne issue de Sysper que les personnes concernées disposent d’une connaissance des langues déclarées (à tout le moins en ce qui concerne leur langue 2) équivalente « au niveau B2 » du CECR, conformément à ce qu’exige l’avis de concours.

115    De plus, si les données en question portent sur les connaissances linguistiques des fonctionnaires et des agents concernés, elles n’offrent, pour autant, qu’une image partielle de ces connaissances. En effet, pour connaître le nombre de personnes parmi les fonctionnaires et les agents disposant d’une connaissance au moins satisfaisante, par exemple, de l’anglais, il faudrait prendre également en considération ceux pour lesquels l’anglais constitue une quatrième langue (et non seulement une première, deuxième ou troisième langue), dès lors qu’il ne saurait être exclu qu’un fonctionnaire ou un agent possède une connaissance satisfaisante de plus de trois langues (voir, en ce sens, ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 99).

116    Ces données ne sauraient, dès lors, justifier de limiter le choix de la seconde langue du concours en cause, dans la mesure où elles ne démontrent pas quelles sont les langues que les lauréats du concours seront appelés à utiliser dans l’exercice de leurs fonctions au quotidien et, par conséquent, quelles sont les langues dont une maîtrise satisfaisante ferait de ces lauréats de nouvelles recrues immédiatement opérationnelles.

iii) Sur les éléments produits par la Commission au soutien de la justification portant sur la nature des épreuves de sélection au centre d’évaluation

117    Sans préjudice de ce qui a été relevé aux points 98 à 100 ci-dessus en ce qui concerne la justification tirée de la nature des épreuves de sélection au centre d’évaluation telle qu’exposée à l’annexe II des dispositions générales, il convient de rappeler que, au soutien de l’argument selon lequel la limitation du choix de la seconde langue à l’allemand, à l’anglais et au français serait justifiée par la nature même des épreuves de sélection au centre d’évaluation, la Commission fait valoir, en substance, que les trois langues en cause sont les langues officielles les plus courantes et les plus parlées dans l’Union.

118    En particulier, à l’appui de cet argument, la Commission produit une série de données statistiques ressortant du rapport Eurostat no°49/2010, du rapport spécial Eurobaromètre no 386 de juin 2012 ainsi que d’un extrait des statistiques d’Eurostat concernant les langues étrangères les plus communément étudiées au sein de l’Union en 2016. Par ailleurs, il convient de relever que la Commission se prévaut de ces mêmes données pour prouver le caractère proportionné de la limitation du choix de la seconde langue (voir point 81 ci-dessus).

119    S’agissant des données statistiques d’Eurostat publiées en 2016, force est de constater que ces dernières représentent la situation des connaissances linguistiques à une date postérieure à celle de la publication de l’avis attaqué (voir point 1 ci-dessus).

120    S’agissant des données statistiques ressortant du rapport Eurostat no°49/2010 ainsi que du rapport spécial Eurobaromètre no 386, il convient de relever qu’elles se réfèrent en général aux connaissances linguistiques de l’ensemble des Européens et il ne saurait être présumé qu’elles reflètent les connaissances linguistiques des candidats potentiels au concours en cause. En effet, aucun élément ne permet de considérer que les citoyens de l’Union les plus susceptibles de participer audit concours étaient ceux relevant de la majorité qui semble se dégager de ces éléments ou, à tout le moins, qu’un grand nombre des candidats potentiels au concours en cause relèveraient de ladite majorité. Ainsi, la pertinence de ces données statistiques se trouve réduite. En effet, elles ne sauraient démontrer que le nombre des candidats potentiels dont la situation est affectée par la limitation litigieuse est moins important qu’il ne le serait si ce choix était limité à d’autres langues (voir, en ce sens, ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 102 et jurisprudence citée).

121    En tout état de cause, en ce qui concerne les données statistiques ressortant du rapport Eurostat no°49/2010 ainsi que du rapport spécial Eurobaromètre no 386, il y a lieu de relever qu’elles se rapportent, pour le premier, à l’année de référence 2008 et, pour le second, à l’année 2012.

122    Or, au vu de l’évolution constante des pratiques s’agissant de l’apprentissage des langues étrangères ainsi que de la conception qu’en ont les citoyens de l’Union et du temps qui s’est écoulé entre la collecte de ces données et la publication de l’avis de concours, force est de constater que la Commission n’a pas fourni les éléments et les chiffres susceptibles de fonder son choix au moment de cette publication.

123    Partant, pour l’ensemble des raisons qui viennent d’être exposées, les données statistiques fournies par la Commission ne sont pas susceptibles de prouver que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues les plus courantes et les plus parlées dans l’Union au moment du concours en cause.

124    Tout au plus, ces données seraient éventuellement susceptibles de démontrer le caractère proportionné de la limitation litigieuse s’il était avéré qu’elle répondait à l’intérêt pour les services concernés par l’avis de concours de disposer de lauréats immédiatement opérationnels ou à des exigences liées à la nature de la procédure de sélection (voir, en ce sens, ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 102 et jurisprudence citée). Or, ainsi qu’il a été exposé notamment aux points 95, 97 à 99, 108, 116 et 123 ci-dessus, la Commission est restée en défaut de démontrer que cette limitation était effectivement justifiée par de telles considérations.

125    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que les éléments de preuve produits par la Commission ne sont pas de nature à étayer les motifs avancés dans l’avis de concours pour justifier la nécessité et la proportionnalité de la limitation litigieuse.

126    La Commission n’ayant apporté aucun élément susceptible de justifier la limitation en cause au regard du concours en cause dans la présente affaire et compte tenu de la jurisprudence de la Cour mentionnée ci-dessus, il y a lieu de faire droit à l’exception d’illégalité de l’avis du concours soulevée par la requérante, de déclarer cet avis inapplicable au cas d’espèce et donc d’accueillir les deuxième, troisième et quatrième moyens du recours, dans la mesure où ces moyens constituent le fondement de ladite exception.

127    Par conséquent, il convient d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer ni sur les premier et cinquième moyens du recours, ni sur la demande de mesures d’organisation de la procédure visant à enjoindre à la Commission de produire l’intégralité des dossiers de l’EPSO relatifs à l’adoption de la décision attaquée (voir point 30 ci-dessus), ni sur la recevabilité des nouvelles offres de preuve présentées par la requérante le 12 décembre 2019 (voir point 25 ci-dessus).

2.      Sur la demande d’annulation de la liste de réserve

128    La requérante fait valoir un intérêt à l’annulation de la liste de réserve du concours en cause. Elle soutient, en substance, que, en raison du régime linguistique inadéquat, le concours en cause est probablement fondé sur une évaluation globale incorrecte des candidats, y compris ceux dont le nom a été inscrit sur la liste de réserve. Elle prétend, dès lors, avoir un intérêt à ce que tous les candidats soient réévalués en application d’un arrêt lui donnant potentiellement gain de cause, à ce que la position des candidats dont le nom est inscrit sur la liste de réserve soit réexaminée et à ce que sa position soit également réévaluée à l’aune de ce réexamen. En outre, selon la requérante, avoir une liste de réserve composée de personnes qui ont été évaluées au regard de critères erronés ou illicites va à l’encontre du statut, qui préconise le recrutement des meilleurs fonctionnaires, et, en l’espèce, cela affecte spécifiquement, directement et individuellement sa situation juridique.

129    La Commission conteste les arguments de la requérante.

130    À titre liminaire, il convient de préciser que, lors de l’audience, la requérante, interrogée à cet égard par le Tribunal, a confirmé que sa demande d’annulation de la liste de réserve devait être interprétée comme visant à l’annulation de la liste de réserve concernant uniquement le domaine du droit de la concurrence (voir point 39 ci-dessus).

131    En outre, il convient de rappeler que, en vertu l’article 266 TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union et, notamment, d’adopter, dans le respect du principe de légalité, tout acte de nature à compenser équitablement le désavantage ayant résulté, pour la partie requérante, de l’acte annulé (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, point 98 et jurisprudence citée), sans préjudice de la possibilité pour la partie requérante d’introduire par la suite un recours à l’encontre des mesures adoptées par la Commission en exécution de l’arrêt.

132    De plus, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’une juridiction de l’Union statue sur les conséquences découlant de l’annulation d’une mesure relative aux procédures de sélection du personnel de l’Union, elle doit chercher à concilier les intérêts des candidats désavantagés par une irrégularité commise lors de cette procédure et les intérêts des autres candidats, de telle sorte qu’il lui incombe de prendre en considération non seulement la nécessité de rétablir les candidats lésés dans leurs droits, mais également la confiance légitime des candidats déjà sélectionnés (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 83 et jurisprudence citée).

133    Pour ce faire, cette juridiction doit prendre en considération la nature de l’irrégularité en cause et ses effets, de même que les différentes mesures envisageables en vue de concilier la nécessité de rétablir la partie requérante lésée dans ses droits, la situation des tiers et l’intérêt du service. À cet effet, le nombre de personnes affectées par l’irrégularité de la procédure de sélection et le nombre de lauréats sont des éléments qui peuvent être pertinents pour cette appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Entreprise commune Fusion for Energy/Galocha, C‑243/18 P, EU:C:2019:378, point 47).

134    Il ressort de cette jurisprudence que les conséquences découlant de l’annulation d’une mesure relative aux procédures de sélection du personnel de l’Union doivent être dégagées en tenant compte des circonstances spécifiques à chaque situation particulière (arrêt du 8 mai 2019, Entreprise commune Fusion for Energy/Galocha, C‑243/18 P, EU:C:2019:378, point 48).

135    En l’espèce, d’une part, force est de constater que le concours en cause n’a pas une dimension limitée, 23 lauréats figurant sur la liste de réserve établie pour le domaine du droit de la concurrence, dont, selon les informations fournies par la Commission dans ses réponses à la mesure d’organisation de la procédure (voir point 26 ci-dessus) ainsi que lors de l’audience, 7 n’ont pas encore été recrutés. D’autre part, ainsi que le fait observer à juste titre la Commission, le concours en cause revêt un caractère sélectif impliquant pour les candidats l’accomplissement d’un effort considérable avant d’être retenus.

136    En outre, il convient de relever que, lors de l’audience, la Commission a envisagé d’autres mesures visant à rétablir la requérante lésée dans ses droits, en cas d’annulation de la décision attaquée. En particulier, après avoir insisté sur l’absence de valeur ajoutée de l’annulation de la liste de réserve pour la requérante, elle a envisagé la possibilité que cette dernière soit invitée à repasser l’épreuve. En outre, la Commission s’est déclarée disposée à examiner la possibilité de parvenir à un accord avec la requérante visant à satisfaire les droits de cette dernière sans annuler la liste de réserve, dans l’hypothèse où il s’avérerait difficile d’organiser une nouvelle épreuve pour la seule requérante.

137    Compte tenu de tout ce qui précède et, notamment, de la nécessité de concilier les droits de la requérante avec la confiance légitime des tiers lauréats du concours en cause ainsi que du respect du principe de proportionnalité, il n’y a pas lieu de mettre en cause l’ensemble du résultat du concours, ni d’annuler les nominations intervenues à la suite de celui-ci. Une telle remise en cause ne serait pas justifiée compte tenu du temps particulièrement long écoulé depuis la publication de la liste de réserve du concours en cause en décembre 2015.

138    Partant, il convient de rejeter la demande d’annulation de la liste de réserve, tout en laissant le soin à la Commission, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 131 ci-dessus, de prendre les mesures que l’exécution de l’annulation de la décision attaquée comporte au regard de la requérante.

 Sur les dépens

139    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

140    En l’espèce, la requérante et la Commission ont partiellement succombé en leurs demandes. Il apparaît toutefois justifié de faire supporter à la Commission, outre ses propres dépens, deux tiers des dépens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury du concours général EPSO/AD/293/14 du 23 juin 2016, transmise par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), rejetant la demande de réexamen de Mme Ana Calhau Correia de Paiva, à la suite de son exclusion de la liste de réserve du concours par une décision du 9 novembre 2015, est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Mme Calhau Correia de Paiva supportera un tiers de ses propres dépens.

4)      La Commission européenne supportera ses propres dépens et deux tiers des dépens exposés par Mme Calhau Correia de Paiva.

Kanninen

Porchia

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 2021.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur l’objet du recours

B. Sur le fond

1. Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, tirés de l’illégalité de l’avis de concours en raison de la limitation du choix de la seconde langue du concours à l’allemand, à l’anglais ou au français

a) Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité

b) Sur le bien-fondé de l’exception d’illégalité

1) Sur l’existence d’une discrimination

2) Sur la justification de la discrimination

i) Sur les justifications figurant dans l’avis de concours

ii) Sur les éléments produits par la Commission au soutien de la justification portant sur la nécessité de s’assurer que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels

– Sur les éléments relatifs à la pratique interne de la Commission en matière linguistique

– Sur les éléments relatifs aux langues utilisées par les membres du personnel de la DG « Concurrence »

iii) Sur les éléments produits par la Commission au soutien de la justification portant sur la nature des épreuves de sélection au centre d’évaluation

2. Sur la demande d’annulation de la liste de réserve

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.