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Affaire C-319/07 P

3F, anciennement Specialarbejderforbundet i Danmark (SID)

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Mesures de réduction fiscale concernant les marins travaillant à bord des navires inscrits sur le registre international danois — Décision de la Commission de ne pas soulever d'objections — Recours en annulation — Notion d''intéressé' — Syndicat de travailleurs — Recevabilité du recours»

Sommaire de l'arrêt

1.        Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes les concernant directement et individuellement — Décision de la Commission constatant la compatibilité d'une aide étatique avec le marché commun sans ouverture de la procédure formelle d'examen- Intéressé au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE — Syndicat de travailleurs — Conditions

(Art. 88, § 2 et 3, CE et 230, al. 4, CE)

2.        Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes les concernant directement et individuellement — Décision de la Commission constatant la compatibilité d'une aide étatique avec le marché commun sans ouverture de la procédure formelle d'examen — Intéressé au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE — Recours d'un syndicat de travailleurs constitué pour promouvoir les intérêts collectifs de ses membres invoquant l'affectation de sa position concurrentielle vis-à-vis d'autres syndicats par l'octroi de l'aide

(Art. 88, § 2 et 3, CE, 136, al. 1, CE et 230, al. 4, CE)

3.        Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes les concernant directement et individuellement — Décision de la Commission constatant la compatibilité d'une aide étatique avec le marché commun sans ouverture de la procédure formelle d'examen — Intéressé au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE — Recours d'un syndicat de travailleurs du secteur maritime constitué pour promouvoir les intérêts collectifs de ses membres — Examen des aspects sociaux

(Art. 88, § 2 et 3, CE et 230, al. 4, CE)

1.        Conformément à l'article 230, quatrième alinéa, CE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si cette décision la concerne directement et individuellement. Les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle dont le destinataire d'une telle décision le serait.

S'agissant d'une décision de la Commission en matière d'aides d'État, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d'État prévue à l'article 88 CE, doivent être distinguées, d'une part, la phase préliminaire d'examen des aides instituée au paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l'aide en cause, et, d'autre part, la phase d'examen visée au paragraphe 2 du même article. Ce n'est que dans le cadre de celle-ci, qui est destinée à permettre à la Commission d'avoir une information complète sur l'ensemble des données de l'affaire, que le traité prévoit l'obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations.

Lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu'une aide est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s'ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire cette décision. Pour ces motifs, celui-ci déclare recevable un recours visant à l'annulation d'une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE, lorsque l'auteur de ce recours tend, par l'introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu'il tire de cette dernière disposition. De tels intéressés sont les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l'octroi d'une aide, c'est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles.

Il n'est pas exclu qu'un syndicat de travailleurs soit considéré comme «intéressé» au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE, lorsqu'il démontre que lui-même ou ses affiliés seront éventuellement affectés dans leurs intérêts par l'octroi d'une aide. Il importe cependant que ce syndicat démontre, à suffisance de droit, que l'aide risque d'avoir une incidence concrète sur sa situation ou celle des membres qu'il représente.

(cf. points 28-33)

2.        En ce qui concerne un recours en annulation visant une décision de la Commission constatant la compatibilité d'une aide étatique avec le marché commun sans ouverture de la procédure formelle d'examen, un syndicat de travailleurs, constitué, par nature, pour promouvoir les intérêts collectifs de ses membres, peut essayer de démontrer sa qualité pour agir résultant de l'affectation éventuelle de ses intérêts par l'octroi de l'aide en raison de l'incidence desdites mesures sur sa position concurrentielle vis-à-vis d'autres syndicats.

Il ne saurait être déduit de la circonstance qu'un accord pourrait être soustrait, en raison de sa nature, de son objet et des objectifs de politique sociale qu'il poursuit, au champ d'application des dispositions de l'article 81, paragraphe 1, CE que les négociations collectives ou les parties impliquées dans celles-ci sont également, entièrement et automatiquement, soustraites aux règles du traité en matière d'aides d'État ou qu'un recours en annulation que ces parties pourraient éventuellement introduire serait presque automatiquement considéré comme irrecevable en vertu de leur implication dans ces négociations.

Exclure a priori la possibilité qu'un syndicat puisse démontrer qu'il est une personne intéressée au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE, en se prévalant de son rôle lors de négociations collectives et des effets sur ce rôle de mesures fiscales nationales considérées par la Commission comme étant des aides compatibles avec le marché commun, serait de nature à compromettre les objectifs de politique sociale visés, notamment, par les articles 136, premier alinéa, CE et 138, paragraphe 1, CE. Cette conclusion est confortée par le fait que, la Communauté ayant non seulement une finalité économique, mais également une finalité sociale, les droits résultant des dispositions du traité relatives aux aides d'État et à la concurrence doivent, le cas échéant, être mis en balance avec les objectifs poursuivis par la politique sociale, parmi lesquels figurent, notamment, ainsi qu'il ressort de l'article 136, premier alinéa, CE, l'amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate et le dialogue social.

(cf. points 46, 49, 55, 57-58)

3.        Lors de l'appréciation de la compatibilité d'une aide d'État dans le secteur du transport maritime, les aspects sociaux des orientations communautaires sont susceptibles d'être pris en compte par la Commission dans le cadre d'une appréciation globale qui intègre un grand nombre de considérations de nature diverse, liées notamment à la protection de la concurrence, à la politique maritime de la Communauté, à la promotion des transports maritimes communautaires ou encore à la promotion de l'emploi.

Dès lors qu'il ne peut pas être exclu que des organismes représentant les travailleurs des entreprises bénéficiaires d'une aide peuvent, en tant qu'intéressés au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE, présenter à la Commission leurs observations sur des considérations d'ordre social susceptibles, le cas échéant, d'être prises en compte par celle-ci, le juge communautaire doit, afin d'apprécier si les arguments tirés par le requérant des orientations communautaires étaient suffisants pour établir sa qualité de personne intéressée au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE, examiner les aspects sociaux découlant de la mesure en cause eu égard auxdites orientations communautaires, celles-ci comportant les conditions légales pour l'appréciation de la compatibilité de l'aide d'État litigieuse.

(cf. points 64, 69-70)