Language of document : ECLI:EU:T:2009:467

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

25 novembre 2009 (*)

« Aides d’État – Aides en faveur des petites et moyennes entreprises – Décision portant injonction de fournir des informations relatives à deux régimes d’aides d’État – Pouvoirs de contrôle de la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement (CE) n° 70/2001 »

Dans l’affaire T‑376/07,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. M. Lumma, J. Möller et B. Klein, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. K. Gross et B. Martenczuk, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2007) 3226 de la Commission, du 18 juillet 2007, portant injonction de fournir des informations relatives à deux régimes d’aides d’État relevant du règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles [87 CE] et [88 CE] aux aides d’État en faveur des petites et moyennes entreprises (JO L 10, p. 33),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek (rapporteur) et V. M. Ciucă, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 juin 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 3 du règlement (CE) nº 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles [87 CE] et [88 CE] à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO L 142, p. 1, ci-après le « règlement de base »), intitulé « Transparence et contrôle », est rédigé de la manière suivante : 

« 1.  Lorsqu’elle arrête des règlements en application de l’article 1er, la Commission impose des règles précises aux États membres pour assurer la transparence et le contrôle des aides exemptées de l’obligation de notification en conformité avec lesdits règlements. Ces règles consistent en particulier dans les obligations définies aux paragraphes 2, 3 et 4.

2.       Dès la mise en œuvre de régimes d’aides ou d’aides individuelles accordées en dehors d’un régime, exemptés en application desdits règlements, les États membres transmettent à la Commission, en vue de leur publication au Journal officiel des Communautés européennes, un résumé des informations relatives à ces régimes d’aides ou cas d’aides individuelles ne relevant pas d’un régime d’aide exempté.

3.       Les États membres enregistrent et compilent toutes les informations concernant l’application des exemptions par catégorie. Si la Commission dispose d’éléments qui soulèvent des doutes sur la bonne application d’un règlement d’exemption, les États membres lui communiquent toute information qu’elle estime nécessaire pour apprécier la conformité d’une aide avec ledit règlement.

4.       Les États membres communiquent au moins une fois par an à la Commission un rapport sur l’application des exemptions par catégorie, conformément aux exigences spécifiques de la Commission, de préférence sous forme électronique. La Commission rend ces rapports accessibles à tous les États membres. Une fois par an, ces rapports font l’objet d’un examen et d’une évaluation par le comité consultatif visé à l’article 7. »

2        Le considérant 20 du règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles [87 CE] et [88 CE] aux aides d’État en faveur des petites et moyennes entreprises (JO L 10, p. 33), dans sa version alors en vigueur (ci-après le « règlement d’exemption PME »), adopté sur le fondement de l’article 1er du règlement de base, est rédigé de la manière suivante :

« Afin d’assurer la transparence et le contrôle efficace des aides, conformément à l’article 3 du règlement [de base], il convient d’établir un formulaire type au moyen duquel les États membres doivent fournir à la Commission un certain nombre d’informations succinctes à chaque fois qu’un régime d’aides est mis en œuvre ou qu’une aide individuelle est accordée en dehors d’un tel régime, en application du présent règlement, en vue d’une publication au Journal officiel des Communautés européennes. Pour les mêmes raisons, il convient d’établir des règles concernant les dossiers que les États membres doivent conserver sur les aides exemptées par le présent règlement. Il convient que la Commission définisse des obligations précises en ce qui concerne le rapport annuel que les États membres doivent lui transmettre, y compris, compte tenu de la large diffusion des technologies nécessaires, pour ce qui est des informations à fournir sous forme électronique. »

3        L’article 9 du règlement d’exemption PME, intitulé « Transparence et contrôle », dispose dans son paragraphe 2 :

« Les États membres tiennent des dossiers détaillés sur les régimes d’aides exemptés par le présent règlement, les aides individuelles accordées au titre de ces régimes ainsi que les aides individuelles exemptées en vertu du présent règlement qui sont accordées en dehors de tout régime d’aides existant. Ces dossiers contiennent toutes les informations nécessaires pour établir si les conditions d’exemption définies dans le présent règlement sont remplies, y compris des informations relatives au statut de PME de l’entreprise. Les États membres conservent ces dossiers, en ce qui concerne les aides individuelles, pendant une période de dix ans à compter de la date à laquelle l’aide a été octroyée et, pour ce qui est des régimes d’aides, pendant une période de dix ans à compter de la date d’octroi de la dernière aide individuelle au titre du régime en question. Sur demande écrite de la Commission, les États membres concernés lui communiquent, dans un délai de vingt jours ouvrables ou tout autre délai plus long fixé dans cette demande, toutes les informations que la Commission considère comme nécessaires pour lui permettre de déterminer si les conditions du présent règlement ont été respectées. »

 Antécédents du litige

4        Par deux courriers en date du 26 juillet 2006, la Commission des Communautés européennes a demandé à la République fédérale d’Allemagne de lui communiquer des renseignements relatifs, respectivement, aux régimes d’aides XS 24/2002 et XS 29/2002, aux fins de vérifier si ces régimes étaient conformes au règlement d’exemption PME. Il était, notamment, demandé que soit communiquée à la Commission la liste des bénéficiaires ayant obtenu une aide supérieure à 200 000 euros en 2005 au titre de ces régimes, ainsi que des informations se rapportant auxdits bénéficiaires. La République fédérale d’Allemagne a accédé à ces demandes le 24 août 2006, s’agissant du régime d’aides XS 24/2002 et les 1er septembre et 25 octobre 2006, s’agissant du régime d’aides XS 29/2002.

5        Dans deux courriers en date du 30 octobre 2006 relatifs, respectivement, aux régimes d’aides XS 24/2002 et XS 29/2002, la Commission a souligné que les dispositions du règlement d’exemption PME semblaient respectées par ces régimes. Après avoir rappelé son intention exprimée dans ses courriers du 26 juillet 2006 de vérifier le respect dudit règlement s’agissant d’un nombre limité d’aides, la Commission a demandé pour les régimes d’aides XS 24/2002 et XS 29/2002 la fourniture d’informations relatives aux cinq bénéficiaires ayant perçu les aides les plus importantes en 2005.

6        S’agissant du régime d’aides XS 24/2002, par un courrier reçu par la Commission le 10 novembre 2006, la République fédérale d’Allemagne a refusé de fournir de nouvelles informations sur les projets en cause. La Commission a, de nouveau, adressé le 21 décembre 2006 une demande de renseignements à la République fédérale d’Allemagne puis, le 9 février 2007, une lettre de rappel. Le 18 avril 2007, la République fédérale d’Allemagne a confirmé son refus de communiquer les renseignements demandés.

7        S’agissant du régime d’aides XS 29/2002, en l’absence de réponse écrite de la République fédérale d’Allemagne à son courrier du 30 octobre 2006, la Commission lui a adressé une lettre de rappel le 19 décembre 2006. Le 29 janvier 2007, la République fédérale d’Allemagne a refusé de fournir les informations demandées. Ce refus a été confirmé le 18 avril 2007.

8        Le 18 juillet 2007, la Commission a adopté la décision C (2007) 3226 enjoignant à la République fédérale d’Allemagne de fournir certaines informations relatives aux régimes d’aides XS 24/2002 et XS 29/2002 (ci-après la « décision attaquée »).

9        Par lettre du 30 août 2007, la République fédérale d’Allemagne a communiqué à la Commission les renseignements demandés, tout en maintenant sa position quant à l’absence de pouvoir de la Commission de lui ordonner la communication de ces informations en l’absence de doute de sa part quant au respect des obligations précisées dans le règlement d’exemption PME.

 Décision attaquée

10      Il est précisé aux points 14 à 25 de la décision attaquée, sous le titre « Remarques d’ordre général » :

« 14      Les informations transmises par la République fédérale d’Allemagne en réponse à [la] demande de renseignements [du 26 juillet 2006] sont incomplètes et ne permettent pas à la Commission d’apprécier la compatibilité des régimes d’aides précités avec le [règlement d’exemption PME].

15      La République fédérale d’Allemagne refuse de transmettre des informations concernant les cas d’application individuels des régimes d’aides en cause, au motif que, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, du règlement [de base], la Commission devait avoir des doutes concrets quant à la bonne application du règlement d’exemption [PME] pour pouvoir adresser à un État membre une demande d’information.

16      Les autorités allemandes soutiennent que les dispositions relatives au contrôle et à la transparence figurant à l’article 9 du règlement d’exemption [PME], qui autorisent la Commission à exiger toutes les informations qu’elle juge nécessaires pour apprécier si les conditions de l’exemption sont remplies, ne confèrent pas à la Commission un droit général de contrôle, mais limitent ce droit aux cas où des doutes existent.

17      Les autorités allemandes sont d’avis que l’article 9 du règlement d’exemption [PME] ne donne à la Commission aucune compétence autre que celles résultant de l’article 3, paragraphe 3, du règlement [de base]. C’est pourquoi l’élément du doute doit être considéré comme venant restreindre les pouvoirs de contrôle de la Commission.

18      La Commission a répondu à cela que le contrôle ne pourrait être considéré comme parvenu à son terme qu’une fois que plusieurs aides individuelles accordées sur la base du régime d’aides choisi auront été examinées.

19      La Commission ajoute que l’article 3, paragraphe 3, du règlement [de base] ne fait que définir les exigences minimales générales en matière de transparence et de contrôle, et n’a pas pour effet de limiter les pouvoirs de contrôle de la Commission aux seuls cas de suspicion.

20      L’obligation pour la Commission d’arrêter des règles pour assurer le contrôle conformément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement [de base] doit se comprendre à la lumière du considérant 10 de ce règlement, en vertu duquel il est fait ‘obligation à la Commission de procéder avec les États membres à l’examen permanent de tous les régimes d’aides existants’, ainsi que l’exige l’article 88, paragraphe 1, CE.

21      C’est pourquoi l’article 9 du règlement d’exemption [PME] ne peut pas être considéré comme contraire au règlement [de base].

22      Il en découle que, en refusant de communiquer les informations exigées, la République fédérale d’Allemagne ne respecte pas l’obligation qui lui est faite à l’article 9 du règlement [d’exemption PME], qui se fonde sur l’article 3 du règlement [de base] et l’article 88, paragraphe 1, CE.

23      Il convient d’indiquer que la Cour a jugé que la Commission est en droit de prendre des mesures conservatoires en vue de préserver le statu quo, la pratique de certains États membres aboutissant à ce que le système prévu par les articles [87 CE] et [88 CE] soit faussé ou contourné.

24      Le respect des dispositions du règlement d’exemption [PME] relatives à la transparence et au contrôle est la condition indispensable pour que l’aide soit exemptée de l’obligation de notification conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE. C’est pourquoi la Commission n’est, dans ces conditions, pas toujours en mesure de décider si chaque aide susceptible d’être accordée au titre de ce régime d’aides remplit l’intégralité des conditions du règlement d’exemption [PME] ainsi que l’exige l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement.

25      La Commission a donc décidé d’adresser à la République fédérale d’Allemagne une injonction, afin d’obtenir les informations qu’elle a déjà demandées sur la base de l’article 9 du règlement d’exemption [PME]. Les informations exigées devront être transmises à la Commission dans un délai de 20 jours. »

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 septembre 2007, la République fédérale d’Allemagne a introduit le présent recours.

12      La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la République fédérale d’Allemagne invoque deux moyens tirés, respectivement, de l’incompétence de la Commission pour adopter la décision attaquée et de la violation du « principe ‘non venire contra factum proprium’ ».

 Sur le premier moyen, tiré d’une prétendue incompétence de la Commission

 Arguments des parties

15      La République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission était incompétente pour adopter la décision attaquée, dès lors que l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME, interprété à la lumière de l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de base, ne lui conférait pas le pouvoir de demander la communication de renseignements relatifs à des régimes d’aides relevant du règlement d’exemption PME, en l’absence d’éléments soulevant des doutes quant au respect des conditions dudit règlement.

16      Il serait nécessaire d’interpréter l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME à la lumière de l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de base, en raison de l’imprécision de cette disposition. La République fédérale d’Allemagne fait observer qu’il est seulement précisé à l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME que la Commission peut demander à l’État membre concerné des informations pour contrôler le respect des conditions d’exemption. Partant, cette disposition, prise isolément, ne permettrait pas de savoir si une demande d’information n’est possible qu’en présence d’une cause la justifiant ou indépendamment de tout motif.

17      Or, la République fédérale d’Allemagne considère que l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de base ne permet à la Commission de ne demander à un État membre la communication d’informations que dans la seule éventualité où elle dispose d’éléments permettant de douter du respect des conditions fixées dans un règlement d’exemption.

18      Par conséquent, au vu du libellé de l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de base, le pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission par l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, ne vaudrait qu’à l’égard du volume des informations à communiquer et non à l’égard des motifs justifiant cette demande d’information.

19      En outre, la République fédérale d’Allemagne soutient, en se référant notamment au considérant 20 du règlement d’exemption PME que la finalité de l’article 9 dudit règlement n’est pas de faciliter, d’une manière générale, la réalisation d’un contrôle efficace, mais plutôt la réalisation d’un contrôle efficace au sens de l’article 3 du règlement de base. Elle en déduit que l’étendue des pouvoirs de contrôle de la Commission doit être appréciée à l’aune du seul véritable critère que constitue l’article 3 dudit règlement.

20      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

21      Il y a lieu de constater, de manière liminaire, que les développements de la République fédérale d’Allemagne relatifs à la prétendue incompétence de la Commission pour adopter la décision attaquée ne contiennent, explicitement ou implicitement, aucune exception d’illégalité de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME, tiré de ce que celui-ci serait contraire à l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de base, ce que la République fédérale d’Allemagne a reconnu lors de l’audience et ce dont le Tribunal a pris acte. Ainsi, l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne est uniquement fondée sur le caractère prétendument ambigu de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME et la nécessité qui en résulterait de l’interpréter à la lumière du règlement de base.

22      Certes, selon une jurisprudence constante, lorsqu’un texte de droit communautaire dérivé exige une interprétation, il doit être interprété, dans la mesure du possible, dans le sens de sa conformité avec les dispositions du traité. Un règlement d’exécution doit également faire l’objet, si possible, d’une interprétation conforme aux dispositions du règlement de base (arrêts de la Cour du 10 septembre 1996, Commission/Allemagne, C‑61/94, Rec. p. I‑3989, point 52, et du 24 juin 1993, Dr. Tretter, C‑90/92, Rec. p. I‑3569, point 11). Toutefois, cette jurisprudence ne trouve pas à s’appliquer s’agissant d’une disposition d’un règlement d’exécution dont le sens est clair et dépourvu d’ambiguïté et qui n’exige donc aucune interprétation.

23      Or, force est de constater que le libellé de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME ne contient aucune ambiguïté quant à son sens exact. Il en ressort clairement que la Commission est en droit de demander aux États membres la communication de toutes les informations qu’elle considère comme nécessaires pour lui permettre de déterminer si les conditions du règlement d’exemption PME ont été respectées.

24      Dès lors, il résulte nécessairement du libellé clair et non équivoque de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME, que, au titre de cette disposition, la Commission est en droit de demander la communication d’informations à un État membre en toutes circonstances.

25      Quant au renvoi, opéré par la République fédérale d’Allemagne, au considérant 20 du règlement d’exemption PME, il n’est pas de nature à infirmer cette conclusion. En effet, il ne ressort de la lecture de celui-ci aucune contrariété avec l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME, de nature à créer une ambiguïté quant au sens de cette disposition. À cet égard, il importe de relever que ledit considérant ne contient aucune référence aux circonstances dans lesquelles la Commission serait en droit de demander à un État membre la communication d’informations relatives à des régimes d’aides bénéficiant d’une exemption.

26      Par conséquent, il résulte des termes clairs de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME, d’une part, qu’il n’y a pas lieu d’interpréter cette disposition à la lumière de l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de base, et, d’autre part, que la Commission n’a pas excédé les pouvoirs que lui confère cette disposition en adoptant la décision attaquée.

27      Le premier moyen doit donc être rejeté, sans qu’il soit nécessaire d’analyser l’étendue des pouvoirs conférés à la Commission par l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de base.

 Sur le second moyen, tiré d’une prétendue violation du « principe ‘non venire contra factum proprium’ »

 Arguments des parties

28      La République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission a publié dans le cadre de la réforme du droit des aides d’État plusieurs propositions de modification dont il peut être déduit qu’elle n’avait pas le pouvoir de procéder à des contrôles en l’absence de motif les justifiant.

29      Premièrement, il ressortirait des points 52 et 54 du plan d’action dans le domaine des aides d’État, auquel la Commission s’est référée dans ses courriers du 26 juillet 2006, que son objet est de permettre à « la Commission de vérifier la compatibilité des aides en cas de doutes ou de plainte ».

30      Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne se réfère à une proposition de modification du règlement de base, dont l’objectif serait de reconnaître à la Commission la possibilité de réaliser des contrôles de manière aléatoire, sans disposer d’éléments qui soulèvent des doutes sur la bonne application d’un règlement. Il en résulterait nécessairement qu’une telle possibilité n’est pas offerte par le droit positif.

31      Troisièmement, la même conclusion devrait être déduite du projet de règlement général d’exemption par catégorie dans le domaine des aides d’État présenté par la Commission en 2007 (JO C 210, p. 14). La République fédérale d’Allemagne fait observer, en effet, que la Commission se propose d’introduire un nouveau paragraphe 7 dans l’article 9, précisant qu’elle « contrôlera régulièrement les aides portées à sa connaissance conformément au paragraphe 1 ».

32      La République fédérale d’Allemagne déduit de ce qui précède que la Commission a violé le « principe ‘non venire contra factum proprium’ ». Dans la réplique, elle ajoute que la Commission porterait atteinte au principe de protection de la confiance légitime en s’écartant de cette position antérieure. Lors de l’audience, elle s’est également référée à une pratique de la Commission consistant à ne procéder à des contrôles qu’en cas de doute quant au respect des conditions du règlement d’exemption PME.

33      En réponse à l’allégation de la Commission selon laquelle le principe « non venire contra factum proprium » ne constituerait pas un principe de droit communautaire, la République fédérale d’Allemagne soutient que les juridictions communautaires se sont référées à plusieurs reprises à ce « principe ». Elle rappelle également qu’il est matériellement proche non seulement du principe de protection de la confiance légitime, mais également du principe de sécurité juridique.

34      Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne réfute l’analyse de la Commission, selon laquelle le présent moyen ne serait pas étayé par une argumentation permettant de démontrer l’existence d’une confiance légitime.

35      S’agissant de l’argument de la Commission tiré de ce qu’il ne saurait y avoir de violation du principe de protection de la confiance légitime dès lors que l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME permet des contrôles en l’absence de doute, la République fédérale d’Allemagne rappelle son argumentation, développée dans le cadre du premier moyen, relative au sens qu’il convient d’attribuer à cette disposition. Elle en déduit que la modification de la pratique de la Commission constitue bien une violation du principe de protection de la confiance légitime.

36      En ce qui concerne l’affirmation de la Commission tirée de ce que l’objectif de son projet de modification du règlement de base aurait uniquement été de préciser qu’elle est en droit de procéder à des contrôles indépendamment de tout doute, la République fédérale d’Allemagne estime qu’elle n’est pas convaincante. En substance, elle soutient que le besoin d’une telle précision implique que la Commission ne considérait pas que l’article 3 du règlement de base lui permette de recourir à de tels contrôles.

37      Enfin, s’agissant des conséquences que la Commission tire de la circonstance que son projet de règlement général d’exemption s’appuie sur le règlement de base, la République fédérale d’Allemagne estime, en substance, qu’elles reposent sur une interprétation erronée de ce dernier règlement.

38      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

39      Dans le cadre de ce moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient, en substance, que la Commission aurait elle-même interprété l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME comme ne l’autorisant pas à procéder à des contrôles en l’absence de doute quant au respect des conditions précisées, ce qui se serait reflété dans sa pratique décisionnelle. Partant, elle ne serait pas en droit de se départir de cette interprétation. C’est, en effet, ce qui peut être déduit de ses allégations tirées de la violation de l’adage « non venire contra factum proprium », puis au stade de la réplique, de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

40      Une telle argumentation n’est pas convaincante. En effet, au regard des termes clairs de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME, la République fédérale d’Allemagne ne pouvait nourrir aucune incertitude sur l’étendue exacte des pouvoirs de la Commission au titre de cette disposition. Elle ne saurait donc invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime aux fins de limiter l’étendue des pouvoirs que la Commission tire de cette disposition.

41      En toute hypothèse, les différents éléments avancés par la République fédérale d’Allemagne ne sont pas susceptibles d’être à l’origine d’une confiance légitime quant à la manière dont la Commission entend utiliser ses pouvoirs au titre de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME.

42      En premier lieu, s’agissant de l’argumentation développée par la République fédérale d’Allemagne lors de l’audience, tenant à l’existence d’une pratique de la Commission, entre l’entrée en vigueur du règlement d’exemption PME et les demandes de renseignements à l’origine de la décision attaquée, consistant à ne procéder à des contrôles qu’en présence d’un doute sur le respect des conditions dudit règlement, il convient de souligner que, selon une jurisprudence constante, il ne saurait y avoir de confiance légitime dans le maintien d’une situation existante pouvant être modifiée par la Commission dans le cadre de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 171, et la jurisprudence citée).

43      En deuxième lieu, la République fédérale d’Allemagne se réfère à la circonstance que la Commission a écrit, au point 52 de son plan d’action dans le domaine des aides d’État, que « [l]es États membres devront veiller plus activement à ce que les conditions d’exemption soient pleinement respectées et les informations nécessaires recueillies […], afin de permettre à la Commission de vérifier la compatibilité des aides en cas de doutes ou de plainte ». Toutefois, ainsi que la République fédérale d’Allemagne le reconnaît elle-même, ce passage doit être lu en liaison avec le point 54 de ce même plan, dans lequel la Commission souligne le renforcement de son contrôle. Par conséquent, il ne ressort de la lecture combinée de ces deux points aucune manifestation précise de la volonté de la Commission de limiter l’exercice de son pouvoir de contrôle du respect des conditions du règlement d’exemption PME aux seules circonstances où existent des doutes.

44      En troisième lieu, le fait que la Commission a, dans son projet d’adoption de règlement général d’exemption par catégorie, envisagé de préciser de manière différente les pouvoirs dont elle dispose s’agissant du contrôle des aides exemptées, ne peut que demeurer sans incidence sur le sens clair de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME, seul applicable aux circonstances de l’espèce.

45      En quatrième lieu, s’agissant de la circonstance que la proposition de la Commission de modification du règlement de base viserait à lui reconnaître le pouvoir, au titre de ce règlement, de réaliser des contrôles de manière aléatoire, il convient d’indiquer qu’elle concerne l’interprétation de l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de base et ne saurait donc être prise en compte. En effet, en l’absence d’exception d’illégalité soulevée à l’égard de l’article 9, paragraphe 2, quatrième phrase, du règlement d’exemption PME, et au regard des termes clairs de celui-ci, le sens de l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, est sans incidence sur l’issue du présent recours.

46      Il y a donc lieu de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République fédérale d’Allemagne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 novembre 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.