Language of document : ECLI:EU:T:2004:291

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
6 octobre 2004 (1)

« Exécution d'un arrêt du Tribunal – Décision portant promotion – Ancienneté dans le grade – Date de prise d'effet »

Dans l'affaire T-294/02,

Miguel Vicente-Nuñez, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Kraainem (Belgique), représenté par Me M.-A. Lucas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes C. Berardis-Kayser et L. Lozano Palacios, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de la Commission de promouvoir le requérant au grade A 5/3 au titre de l'exercice 1998, prise en exécution de l'arrêt rendu par le Tribunal le 9 mars 2000, dans l'affaire T-10/99, en ce qu'elle limite son effet au 1er avril 2000, et, d'autre part, une demande de dommages et intérêts,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),



composé de MM. J. Azizi, président, M. Jaeger et F. Dehousse, juges,

greffier : M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 1er avril 2004,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
L’article 233, premier alinéa, CE énonce :

« L’institution ou les institutions dont émane l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire au présent traité, sont tenues de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice. »

2
L’article 3 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, en vigueur au moment des faits (ci-après le « statut »), dispose :

« L’acte de nomination du fonctionnaire précise la date à laquelle cette nomination prend effet ; en aucun cas, cette date ne peut être antérieure à celle de l’entrée en fonctions de l’intéressé. »

3
L’article 4, premier et deuxième alinéas, du statut précise :

« Toute nomination ou promotion ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d’un emploi dans les conditions prévues au présent statut.

Toute vacance d’emploi dans une institution est portée à la connaissance du personnel de cette institution dès que l’autorité investie du pouvoir de nomination décide qu’il y a lieu de pourvoir à cet emploi. »

4
L’article 5, paragraphe 1, du statut classe les emplois en plusieurs catégories :

« Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C, D.

La catégorie A comporte huit grades regroupés en carrières généralement étalées sur deux grades et correspondant à des fonctions de direction, de conception et d’étude, nécessitant des connaissances de niveau universitaire ou une expérience professionnelle d’un niveau équivalent [...] »

5
L’article 5, paragraphe 4, du statut ajoute :

« La correspondance entre les emplois types et les carrières est établie au tableau figurant à l’annexe I.

Sur la base de ce tableau, chaque institution arrête, après avis du comité du statut visé à l’article 10, la description des fonctions et attributions que comporte chaque emploi type. »

6
L’annexe I du statut est rédigée comme suit :

« A. Correspondance entre les emplois types et les carrières dans chacune des catégories et dans le cadre linguistique, prévue à l’article 5, paragraphe 4, du statut

Catégorie A

A 1     Directeur général

A 2     Directeur

A 3     Chef de division

A 4 - A 5 Administrateur principal

A 6 - A 7 Administrateur

A 8     Administrateur adjoint

[…] »

7
D’après l’article 45, paragraphe 1, du statut, tel qu’applicable avant le 1er mai 2004 :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet [...] »


Faits à l’origine du litige

8
Le requérant est entré au service de la défenderesse le 1er octobre 1986 en qualité de fonctionnaire de catégorie B. Il est devenu fonctionnaire de grade A 7 le 1er juin 1991, au sein de la direction générale (DG) V « Emploi, relations industrielles et affaires sociales ». Il a été promu au grade A 6 le 1er janvier 1994.

9
Le 19 septembre 1997, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a publié la liste des fonctionnaires susceptibles d’être promus au grade A 5 au titre de l’exercice de promotion 1998, parmi lesquels figurait le requérant, alors rattaché à la direction E « Gestion du service extérieur » de la DG IA « Relations extérieures : Europe et nouveaux États indépendants, politique étrangère et de sécurité commune, service extérieur ».

10
Conformément à la procédure prévue, au sein de chaque direction générale, les directeurs ont présenté leurs propositions de promotion au directeur général.

11
Le nom du requérant a été inscrit en deuxième position sur la liste des propositions établie par la direction E « Gestion du service extérieur » de la DG IA.

12
La DG IA a établi sa liste de propositions de promotion le 8 décembre 1997, sans y faire figurer le nom du requérant.

13
Le 22 janvier 1998, le requérant a intenté un recours devant le comité de promotion pour la catégorie A (ci-après le « comité de promotion ») à l’encontre de cette liste, qui a été rejeté le 5 mars 1998.

14
Le comité de promotion a établi, le 5 mars 1998, un projet de liste des fonctionnaires de grade A 6 jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade A 5. La défenderesse a publié aux Informations administratives, le 16 mars 1998, la liste définitive, qui ne comprenait pas le nom du requérant.

15
Elle a également publié aux Informations administratives, le 20 mars 1998, sous la référence « COM/P », une liste d’emplois vacants, notamment d’administrateurs principaux de grade A 5, que l’AIPN avait décidé de pourvoir par voie de promotion.

16
Le 6 avril 1998, la défenderesse a publié aux Informations administratives la liste des fonctionnaires promus par l’AIPN. Le nom du requérant n’y figurait pas non plus.

17
Le 16 juin 1998, le requérant a saisi l’AIPN d’une réclamation, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre, d’une part, de la liste des fonctionnaires promus au grade A 5, des avis de vacance des postes réservés à la promotion à ce grade, de la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants établie par le comité de promotion ainsi que de la liste des fonctionnaires proposés pour une telle promotion établie par la DG IA en décembre 1997 et, d’autre part, de la décision du comité de promotion du 5 mars 1998, portant rejet du recours du 22 janvier 1998. Le requérant demandait à la défenderesse l’annulation de ces décisions ainsi que le paiement de dommages et intérêts.

18
La réclamation du requérant a été implicitement rejetée le 16 octobre 1998.

19
C’est dans ces conditions que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 16 janvier 1999 sous le numéro T‑10/99, le requérant a introduit un premier recours devant le Tribunal.

20
Par un arrêt du 9 mars 2000, Vicente-Nuñez/Commission (T‑10/99, RecFP p. I‑A‑47 et II‑203), le Tribunal a annulé, pour défaut de motivation, la décision de la Commission de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste des fonctionnaires promus au grade A 5 au titre de l’exercice 1998.

21
Indépendamment de cet arrêt, lors de l’exercice 2000 de promotion de carrière à carrière, le requérant a été promu au grade A 5 en date du 1er avril 2000.

22
Le rapport de notation définitif du requérant concernant l’exercice de promotion 1998 a été établi le 24 juin 2001.

23
Par la suite, le comité de promotion, réuni le 13 juillet 2001, a réexaminé les mérites du requérant dans le cadre de l’exercice de promotion 1998, dans la perspective d’une promotion éventuelle au grade A 5. Ce comité a recommandé l’ajout du nom du requérant sur la liste des fonctionnaires les plus méritants, ainsi que sa promotion au titre du même exercice. Il a toutefois indiqué dans le compte rendu de sa réunion daté du 26 juillet 2001 :

« S’agissant d’une promotion de carrière à carrière, qui demande la publication d’une vacance d’emploi, la décision de promotion ne pourra prendre effet que le 1er du mois qui suit la date d’expiration du délai du COM/P qui devra être publié après l’addendum à la liste des plus méritants et l’addendum à la liste des promus. L’ancienneté de grade sera par conséquent de 2001.

Néanmoins, compte tenu du fait que [le requérant] a été promu en A 5 en 2000, l’AIPN pourra décider que la décision de promotion au titre de l’exercice 1998 prenne effet à la même date (1er avril 2000) que la décision de promotion au titre de l’exercice 2000, qui sera annulée et remplacée par cette nouvelle décision.

Il sera versé [au requérant] une somme équivalente à la différence entre ce qu’il perçoit à titre de rémunération jusqu’au jour de sa promotion et ce qu’il aurait dû percevoir s’il avait été promu avec effet au 1er avril 1998. »

24
En vue de l’exécution de l’arrêt Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra, et suivant la recommandation du comité de promotion du 26 juillet 2001, l’AIPN a adopté une nouvelle décision, le 17 octobre 2001. Elle a promu le requérant à l’emploi d’administrateur principal, avec classement au grade A 5, échelon 3, à partir du 1er avril 2000, l’ancienneté d’échelon prenant effet le 1er mars 2000. L’AIPN a également octroyé au requérant une somme équivalente à la différence entre ce qu’il avait perçu à titre de rémunération jusqu’au jour de sa promotion et ce qu’il aurait dû percevoir s’il avait été promu avec effet au 1er avril 1998. Finalement, la décision de l’AIPN indiquait que, à ce titre, le requérant bénéficierait du traitement de base afférent au grade A 5, échelon 2, à partir du 1er avril 1998, et au grade A 5, échelon 3, à partir du 1er octobre 1999.

25
Le 30 janvier 2002, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de cette décision. Il considérait, d’une part, que celle-ci était illégale en ce qu’elle limitait son effet rétroactif pour l’ancienneté de grade et d’échelon au 1er mars 2000, laissant ainsi subsister, pour la période comprise entre le 1er avril 1998 et le 1er avril 2000, les effets illégaux de la décision annulée par le Tribunal. Le requérant s’estimait, d’autre part, discriminé par rapport aux autres lauréats de l’exercice de promotion 1998. Dans sa réclamation, il demandait, en outre, la réparation d’un préjudice moral et matériel ainsi que le remboursement de ses frais d’avocat concernant la procédure précontentieuse.

26
Par décision du 11 juin 2002, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant, en ce qu’elle portait sur l’annulation de la décision du 17 octobre 2001. En revanche, elle a décidé de lui accorder une « indemnité pour préjudice moral à concurrence de 1 000 [euros] pour sa perte d’ancienneté dans le grade A 5, retardant ainsi sa vocation à la promotion de deux ans, et pour l’état d’incertitude qui en résultait pour lui pendant cette période quant à son avenir professionnel ».


Procédure et conclusions des parties

27
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2002, le requérant a introduit le présent recours.

28
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le requérant et la défenderesse ont répondu à une question écrite posée par le Tribunal.

29
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 1er avril 2004.

30
Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal :

annuler la décision du 17 octobre 2001 de l’AIPN de le promouvoir au grade « A 5/3+1 » avec effet au 1er avril 2000 et non au grade « A 5/2+6 » au 1er avril 1998,

annuler la décision du 11 juin 2002 de l’AIPN confirmant sur ce point la précédente et rejetant la réclamation administrative du 30 janvier 2002,

condamner la défenderesse à lui payer, en réparation du préjudice de carrière ayant résulté pour lui des décisions attaquées, une somme correspondant à la différence entre, d’une part, la rémunération totale dont il aura bénéficié depuis le 1er avril 2000 jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt à intervenir et, d’autre part, la rémunération totale dont il aurait dû bénéficier durant la même période s’il avait été reclassé au grade « A 5/2+6 » au 1er avril 1998, diminuée, le cas échéant, de l’indemnité déjà versée au requérant pour la même cause,

condamner la défenderesse à lui payer des intérêts de retard au taux de 8 % l’an sur cette somme, à partir de la date à laquelle ces rémunérations auraient dû lui être payées et jusqu’à complet paiement ;

à titre subsidiaire :

annuler la décision du 1l juin 2002 de l’AIPN faisant suite à la réclamation administrative du 30 janvier 2002, en ce qu’elle alloue au requérant une indemnité de 1 000 euros en raison du préjudice moral et du préjudice de carrière que laisse subsister la décision du 17 octobre 2001 de le promouvoir au grade « A 5/3+1 » au 1er avril 2000 et non au grade « A 5/2+6 » au 1er avril 1998,

condamner la défenderesse à lui payer, en réparation du préjudice matériel résultant des décisions attaquées, une somme correspondant à la différence entre, d’une part, le total des sommes dont il aura bénéficié ou bénéficiera depuis le 1er avril 2000 au titre de sa rémunération, puis de sa pension de retraite, compte tenu de son classement au grade « A 5/3+1 » au 1er avril 2000, et, d’autre part, le total des sommes dont il aurait dû bénéficier, aux mêmes titres et pendant la même période, s’il avait été reclassé au grade « A 5/2+6 » au 1er avril 1998, diminuée, le cas échéant, de l’indemnité déjà versée au requérant pour la même cause,

condamner la défenderesse à lui payer des intérêts de retard au taux de 8 % l’an sur ces sommes, à partir de la date à laquelle elles auraient dû lui être payées et jusqu’à complet paiement ;

en toute hypothèse :

condamner la défenderesse à lui payer la somme de 5 000 euros, en réparation du préjudice moral ayant résulté pour lui de l’illégalité des décisions attaquées,

condamner la défenderesse aux dépens.

31
La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

statuer sur les dépens comme de droit.


En droit

Sur les conclusions à titre principal

Arguments des parties

32
Dans ses conclusions à titre principal, le requérant demande l’annulation des décisions de l’AIPN du 17 octobre 2001 et du 11 juin 2002, ainsi que la réparation d’un préjudice matériel.

33
À l’appui de ses demandes, il remet en cause le fait que l’effet rétroactif de la décision remplaçant celle annulée est limité au 1er mars 2000.

34
Selon le requérant, aux termes de l’article 231 CE, l’acte annulé est déclaré nul et non avenu, de telle sorte qu’il est censé n’avoir jamais existé. L’institution concernée devrait alors, conformément au dispositif et aux motifs de l’arrêt d’annulation, ainsi qu’aux autres dispositions de droit communautaire, remplacer l’acte annulé par un acte légal, qui rétroagirait à la date du premier. Le requérant soutient que cette rétroactivité est également dictée, en matière de promotion, par l’application des principes d’égalité de traitement et de vocation à la carrière.

35
Dans le cas d’espèce, la défenderesse aurait dû, à la suite de l’arrêt Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra, faire rétroagir à la date du 1er avril 1998 la décision du 17 octobre 2001 de le promouvoir au grade A 5.

36
Le requérant considère que l’exécution de l’arrêt Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra, ne présentait aucune difficulté particulière. Selon lui, si une première décision de nomination d’un fonctionnaire, c’est-à-dire une décision de recrutement, ne peut comporter un effet rétroactif, l’article 3 du statut ne prévoit rien de tel pour une décision de promotion. Le requérant fait encore remarquer que l’article 3 du statut, même à le supposer applicable en l’espèce, n’interdit pas toute forme de rétroactivité mais seulement que la décision de nomination prenne effet avant l’entrée en fonctions de l’intéressé. À l’appui de sa thèse, il invoque l’arrêt du Tribunal du 26 juin 1996, De Nil et Impens/Conseil (T‑91/95, RecFP p. I‑A‑327 et II‑959), qui, selon lui, se référerait à une situation comparable à la sienne.

37
Le requérant reconnaît que l’adoption de la décision de l’AIPN du 17 octobre 2001 le promouvant au grade A 5 devait, en vertu de l’article 4 du statut, être précédée de la publication d’un nouvel avis de vacance d’un poste correspondant au grade A 5 réservé à des fonctionnaires promus. Le requérant rappelle que tous les postes initialement réservés à la promotion lors de l’exercice 1998, pour lesquels une publication est intervenue, ont été pourvus et que les décisions de promotion n’ont pas été annulées. Pour autant, selon le requérant, la prise d’effet de cette nouvelle décision ne devait pas nécessairement être postérieure à la date de la publication de la vacance du poste en question.

38
Quant au préjudice matériel, qui résulterait de l’absence d’effet rétroactif de la décision remplaçant celle annulée, le requérant estime qu’il a subi un préjudice de carrière et s’appuie, à ce titre, sur des estimations chiffrées. Sur cette base, le requérant considère que ce préjudice de carrière peut être évalué provisoirement à 12 472 euros au 1er octobre 2002.

39
Le requérant ajoute que ce préjudice est susceptible de s’aggraver à l’avenir et conclut dès lors à la condamnation de la défenderesse au paiement de la différence entre, d’une part, la rémunération totale dont il aura bénéficié depuis le 1er avril 2000 jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt à intervenir et, d’autre part, la rémunération totale dont il aurait dû bénéficier durant la même période s’il avait été reclassé au grade « A 5/2+6 » au 1er avril 1998, diminuée, le cas échéant, de l’indemnité déjà versée pour la même cause.

40
La défenderesse fait valoir, quant à elle, qu’elle a effectué toutes les démarches pour se mettre en conformité avec l’arrêt Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra. Pour ce faire, elle aurait soumis le cas du requérant au comité de promotion dès l’établissement définitif de son rapport de notation. Conformément à l’avis de ce comité, le requérant a été promu au grade A 5 avec effet au 1er avril 2000, c’est-à-dire seulement trois semaines après le prononcé de l’arrêt.

41
Toutefois, la défenderesse soutient s’être trouvée dans l’impossibilité de faire rétroagir cette nouvelle décision à la date du 1er avril 1998. En effet, elle devait respecter non seulement le dispositif et les motifs de l’arrêt Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra, mais aussi les autres dispositions du droit communautaire et, en particulier, le statut.

42
Or, le statut et, notamment, son article 3 et son article 4, deuxième alinéa, interdirait à l’AIPN de procéder à des nominations par voie de promotion avec effet rétroactif. Le requérant se joindrait même à l’argument de la défenderesse en précisant, dans son mémoire en réplique, qu’il « ne peut qu’admettre que la position de la [défenderesse] en ce qui concerne l’interdiction de rétroactivité des décisions de promotion était sérieuse ».

43
La défenderesse fait remarquer également que la Cour a annulé, sur pourvoi, l’arrêt du Tribunal De Nil et Impens/Conseil, point 36 supra (arrêt de la Cour du 14 mai 1998, Conseil/De Nil et Impens, C‑259/96 P, Rec. p. I‑2915). Selon la défenderesse, l’article 45, paragraphe 1, du statut, confirmé par l’article 46, établit clairement que la promotion entraîne la nomination du fonctionnaire dans son nouveau grade. Elle aurait donc été contrainte, dans le cas d’espèce, de respecter l’interdiction de rétroactivité posée par l’article 3 du statut.

44
À supposer même que l’article 3 du statut ne soit applicable qu’au recrutement, comme l’affirme le requérant, la défenderesse considère que cela n’aurait aucune influence sur l’interdiction de rétroactivité des promotions de carrière à carrière. En effet, celle-ci découle du système de carrières prévu par l’article 4 du statut, qui impose la publication de toute vacance d’un nouvel emploi.

45
La défenderesse estime enfin, s’agissant du préjudice invoqué, que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus. La promotion ne serait qu’une vocation.

Appréciation du Tribunal

46
Pour se conformer à l’obligation prévue par l’article 233, premier alinéa, CE, il appartient à l’institution concernée de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation en exerçant, sous le contrôle du juge communautaire, le pouvoir d’appréciation dont elle dispose à cet effet, dans le respect aussi bien du dispositif et des motifs de l’arrêt qu’elle est tenue d’exécuter que des dispositions du droit communautaire (arrêt du Tribunal du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, Rec. p. II‑2319, point 42).

47
Afin de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra, la défenderesse devait donc respecter les dispositions du statut.

48
La défenderesse a estimé que le respect de l’article 4 du statut ne lui permettait pas de promouvoir le requérant avec effet au 1er avril 1998. Cette motivation ressort notamment du compte rendu des travaux du comité de promotion du 26 juillet 2001 et de la décision de l’AIPN du 11 juin 2002 statuant sur la réclamation introduite par le requérant.

49
L’article 4, paragraphes 1 et 2, du statut prévoit clairement que toute promotion ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d’un emploi, cette dernière devant être portée à la connaissance du personnel.

50
Il est constant que la présente affaire concerne une procédure de promotion, au sens de l’article 4, paragraphes 1 et 2, et de l’article 45, paragraphe 1, du statut et que la promotion du requérant du grade A 6 au grade A 5 impliquait un changement de carrière, au sens de l’annexe I du statut.

51
Dès lors, il faut en conclure que la défenderesse était tenue, dans le cas d’espèce, de publier une vacance d’emploi afin de pouvoir procéder à la promotion du requérant du grade A 6 au grade A 5.

52
Le requérant reconnaît d’ailleurs, au point 30 de sa requête, l’obligation qui pesait sur la défenderesse à cet égard.

53
Contrairement à ce que soutient le requérant, l’obligation pour la défenderesse de publier une vacance d’emploi rendait impossible toute promotion rétroactive dans le cas d’espèce. En effet, si la défenderesse avait adopté une telle mesure rétroactive, elle aurait inéluctablement violé le statut, notamment son article 4, paragraphes 1 et 2.

54
La Cour a déjà eu l’occasion de préciser, s’agissant d’une mesure de réintégration, que la règle fondamentale de l’article 4 du statut, selon lequel il ne peut être pourvu à un emploi qu’en cas de vacance de celui-ci, s’oppose à ce que la décision de réintégration opère avec effet rétroactif (arrêt du 1er juillet 1976, Sergy/Commission, 58/75, Rec. p. 1139, point 17).

55
La même conclusion doit être retenue en l’espèce, s’agissant d’une décision de promotion impliquant un changement de carrière et de l’obligation de publication de la vacance d’emploi afférente.

56
C’est donc à bon droit que la défenderesse a estimé que le respect de l’article 4 du statut ne lui permettait pas de promouvoir le requérant avec effet au 1er avril 1998.

57
Il convient de noter au surplus que l’AIPN a décidé, sur proposition du comité de promotion, d’adopter une décision de promotion prenant effet à la même date que la décision de promotion dont le requérant avait bénéficié au titre de l’exercice 2000. L’AIPN a estimé pouvoir faire l’économie d’une nouvelle procédure de publication d’une vacance d’emploi, puisque le requérant occupait déjà un emploi type d’« administrateur principal » dans la carrière A 4-A 5, et ce depuis le 1er avril 2000. Cette motivation ressort de la décision de l’AIPN du 17 octobre 2001, qui contient une référence expresse à l’avis de vacance COM/P/1103/2000 et à la décision de promouvoir au grade A 5 pour l’exercice 2000 les fonctionnaires dont le nom a été publié aux Informations administratives nº 31 du 6 avril 2000, y compris le requérant.

58
Cette décision de l’AIPN correspondait à l’intérêt du requérant et trouvait une justification juridique. En effet, dès lors que le requérant occupait déjà le poste faisant l’objet de la décision du 17 octobre 2001, publier une nouvelle vacance d’emploi pour le même poste ne s’imposait pas. La Commission pouvait dès lors s’appuyer utilement sur la vacance d’emploi ayant donné lieu à la promotion du requérant au grade A 5 pour l’exercice 2000.

59
Pour l’ensemble de ces raisons, il convient de conclure que la défenderesse, en décidant d’adopter une décision de promotion prenant effet à la même date que la décision de promotion au titre de l’exercice 2000, n’a pas manqué à ses obligations, en particulier celles découlant de l’application de l’article 4 du statut.

60
Les principes d’égalité de traitement et de vocation à la carrière, invoqués par le requérant, ne sauraient infirmer cette conclusion.

61
À cet égard, le requérant se fonde exclusivement sur l’arrêt du Tribunal De Nil et Impens/Conseil, point 36 supra. Il cite notamment les points 38 et 39 dudit arrêt mettant en œuvre les deux principes susmentionnés.

62
Or, l’arrêt du Tribunal a été annulé par la Cour (arrêt Conseil/De Nil et Impens, point 43 supra, points 18 et 19), notamment s’agissant des points 38 et 39 dudit arrêt, au motif que l’article 45, paragraphe 2, du statut excluait le reclassement des parties requérantes en l’espèce à une date antérieure à celle du concours qu’elles avaient réussi.

63
Il ressort du raisonnement suivi par la Cour dans cet arrêt que les principes d’égalité de traitement et de vocation à carrière ne peuvent justifier l’application rétroactive d’une décision de reclassement, dès lors qu’une disposition statutaire s’y oppose. La même conclusion trouve à s’appliquer pour une décision portant promotion d’un fonctionnaire.

64
Dans le cas d’espèce, et comme déjà indiqué, l’article 4 du statut excluait la promotion du requérant avec effet au 1er avril 1998. C’est uniquement parce que le requérant avait déjà été promu au titre de l’exercice 2000 et qu’un avis de vacance avait été publié à cet égard que l’AIPN pouvait décider d’adopter une décision de promotion avec effet au 1er avril 2000.

65
Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le grief tiré de l’effet rétroactif limité de la décision remplaçant celle annulée doit être rejeté. Pour cette raison, la demande principale du requérant visant à l’annulation des décisions du 17 octobre 2001 et du 11 juin 2002 est non fondée.

66
S’agissant de la demande du requérant visant à obtenir la réparation du préjudice de carrière subi du fait des décisions contestées, il résulte d’une jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, Rec. p. I‑1981, point 42, et arrêt du Tribunal du 26 mai 1998, Bieber/Parlement, T‑205/96, RecFP p. I‑A‑231 et II‑723, point 48).

67
La demande en indemnité du requérant repose sur le grief analysé ci-dessus, tiré de l’effet rétroactif limité des décisions contestées. Ce grief ayant été rejeté dans le cadre de la demande en annulation, la condition liée à l’illégalité du comportement reproché aux institutions n’est pas remplie en l’espèce. Il convient dès lors de rejeter la demande en indemnité du requérant comme non fondée.

68
En tout état de cause, la demande indemnitaire du requérant repose, comme le démontrent les points 37 et 38 de la requête ainsi que le tableau fourni à l’appui des prétentions, sur la prémisse que le requérant possède 100 % de chances de promotion au grade A 4, puis au grade A 3. Il importe de souligner à cet égard que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (arrêt du Tribunal du 22 février 2000, Rose/Commission, T‑22/99, RecFP p. I‑A‑27 et II‑115, point 37). Il n’est dès lors pas possible de déterminer, d’une manière concrète, quelles possibilités d’avancement le requérant pourrait avoir dans sa carrière. Ces possibilités d’avancement sont si incertaines et hypothétiques qu’elles ne suffisent pas, à elles seules, pour constater que le requérant subira un préjudice pécuniaire de ce chef (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 octobre 1977, Giry/Commission, 126/75, 34/76 et 92/76, Rec. p. 1937, points 27 et 28).

69
Il résulte de ce qui précède que les demandes principales du requérant doivent être rejetées, dans leur ensemble, comme étant non fondées.

Sur les conclusions à titre subsidiaire

Arguments des parties

70
Le requérant fait valoir qu’à supposer même que le statut ait interdit de le promouvoir au grade A 5 avec un effet rétroactif au 1er avril 1998, il n’en demeure pas moins que l’indemnité de 1 000 euros, accordée par la décision de l’AIPN du 11 juin 2002 en réparation du préjudice subi, est manifestement inéquitable, compte tenu de sa perte d’ancienneté de deux ans dans le grade A 5.

71
Il soutient que le montant de l’indemnité a manifestement été arrêté de manière arbitraire, alors que le préjudice de carrière était déterminable objectivement. Il s’appuie, à cet égard, sur les calculs fournis évaluant le préjudice de carrière qu’il subira, selon lui, du fait du refus de la défenderesse de fixer son ancienneté dans le grade A 5 au 1er avril 1998. Le requérant considère, en particulier, que l’ancienneté dans le grade fait partie des critères de promotion applicables au titre de l’article 45 du statut.

72
Par ailleurs, le requérant fait valoir un défaut de motivation de la décision de l’AIPN, celle-ci n’ayant pas indiqué les critères sur lesquels elle s’est fondée pour lui accorder l’indemnité de 1 000 euros. Le requérant précise que ce moyen est recevable, bien qu’il n’ait pas été explicitement soulevé dans la requête ; il constituerait un développement de l’argument tiré du caractère arbitraire de la décision attaquée.

73
Le requérant conclut dès lors à l’annulation de la décision du 11 juin 2002 et à la condamnation de la défenderesse au paiement d’une somme correspondant à la différence entre, d’une part, le total des sommes dont il aura bénéficié ou bénéficiera depuis le 1er avril 2000 au titre de sa rémunération, puis de sa pension de retraite, compte tenu de son classement au grade « A 5/3+1 » au 1er avril 2000, et, d’autre part, le total des sommes dont il aurait dû bénéficier, aux mêmes titres et pendant la même période, s’il avait été reclassé au grade « A 5/2+6 » au 1er avril 1998, diminuée, le cas échéant, de l’indemnité déjà versée pour la même cause. Le requérant estime à titre provisoire cette somme à 126 209 euros.

74
La défenderesse rappelle qu’elle a pris les mesures nécessaires pour compenser le préjudice pécuniaire du requérant. Elle lui a versé une somme correspondant à la différence entre son traitement, diminué en raison du retard dans sa promotion, et celui des autres fonctionnaires promus au grade A 5 au titre de l’exercice 1998. Le requérant aurait donc reçu le même salaire que tous les fonctionnaires promus au 1er avril 1998 aux mêmes grade et échelon que lui. Dès lors, la seule inégalité qui subsiste est le fait qu’il n’a été promouvable au grade A 4 qu’en avril 2002, alors que, s’il avait été promu, comme les autres fonctionnaires, au grade A 5 avec effet au 1er avril 1998, il aurait été promouvable au grade A 4 à partir du 1er avril 2000.

75
De plus, la défenderesse rappelle que, selon l’article 45, paragraphe 1, du statut, la promotion se fait, au choix, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires. Même s’il est vrai que le statut impose un minimum d’ancienneté dans le grade pour obtenir une promotion, la plupart des fonctionnaires dépassent largement ce minimum d’ancienneté lors de leurs promotions. Le comité de promotion connaît évidemment la situation de chaque promouvable lorsqu’il procède à la comparaison des mérites. Ainsi, dans le cas du requérant, le comité serait en mesure de tenir compte de sa situation particulière afin qu’il ne soit pas pénalisé par rapport aux autres fonctionnaires.

76
La défenderesse soutient que, d’après une jurisprudence constante, l’appréciation des mérites des fonctionnaires promouvables constitue le critère déterminant de toute promotion, tandis que ce n’est qu’à titre subsidiaire que l’AIPN peut prendre en considération l’âge des candidats et leur ancienneté dans le grade ou dans le service. En conséquence, dans le cas du requérant, le retard dans la date d’effet de sa promotion au grade A 5 ne devrait pas lui porter préjudice lors des promotions au grade A 4, dès lors qu’il est promouvable. La défenderesse précise également que l’article 45 du statut indique le critère de l’ancienneté dans le grade à titre illustratif.

77
Par ailleurs, la défenderesse est d’avis que l’argumentation du requérant tendant à démontrer un prétendu préjudice matériel de 126 209 euros est viciée dès l’origine, dans la mesure où le requérant considère que son préjudice de carrière peut être déterminé objectivement. Elle estime ainsi que le calcul effectué par le requérant ne présente pas un caractère objectif, puisque ce dernier part de simples hypothèses impossibles à vérifier.

78
Enfin, quant à la prétendue absence de motivation de la décision accordant l’indemnité susmentionnée, la défenderesse soutient, tout d’abord, que ce moyen est irrecevable dans la mesure où le requérant ne l’a pas soulevé dans sa requête. Elle fait aussi valoir que, dans sa réponse à la réclamation du requérant, elle a indiqué, de manière explicite, les raisons pour lesquelles il n’était pas possible de lui accorder la réparation d’un supposé préjudice matériel indémontrable. Dès lors, selon la défenderesse, dans la mesure où ladite indemnité ne constitue pas l’indemnisation d’un quelconque préjudice matériel mais du préjudice moral subi par le requérant, celle-ci a été fixée en vertu de son pouvoir d’appréciation, ex aequo et bono, de sorte qu’elle n’était pas tenue de communiquer au requérant les critères utilisés pour la fixation de cette indemnité.

Appréciation du Tribunal

79
Selon la jurisprudence, lorsque l’exécution de l’arrêt d’annulation présente des difficultés particulières, l’institution concernée peut satisfaire à l’obligation découlant de l’article 233 CE en prenant toute décision de nature à compenser équitablement le désavantage résultant pour les intéressés de la décision annulée (voir arrêt du Tribunal du 10 mai 2000, Simon/Commission, T‑177/97, RecFP p. I‑A‑75 et II‑319, point 23, et la jurisprudence citée).

80
Dans le cas d’espèce, l’exécution de l’arrêt d’annulation présentait des difficultés particulières dues à l’application de l’article 4 du statut et à l’impossibilité de faire rétroagir la promotion du requérant à la date du 1er avril 1998, dès lors qu’en exécution de l’arrêt Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de la réunion du comité de promotion visé par la décision de l’AIPN du 17 octobre 2001, la défenderesse a estimé qu’il aurait été opportun de promouvoir le requérant à compter du 1er avril 1998. Il convient donc d’examiner si celle-ci a pris toute décision de nature à compenser équitablement le désavantage résultant, pour le requérant, de la décision annulée.

81
À cet égard, il convient de relever que, par sa décision du 17 octobre 2001, l’AIPN a promu le requérant, à compter du 1er avril 2000, au grade A 5, échelon 3, l’ancienneté dans cet échelon prenant effet le 1er mars 2000.

82
Par ailleurs, dans cette même décision, l’AIPN a décidé d’octroyer au requérant une somme équivalente à la différence entre ce qu’il avait perçu à titre de rémunération jusqu’au jour de sa promotion et ce qu’il aurait dû percevoir s’il avait été promu avec effet au 1er avril 1998. La décision de l’AIPN indiquait, à ce titre, que le requérant bénéficierait du traitement de base afférent au grade A 5, échelon 2, à partir du 1er avril 1998, et au grade A 5, échelon 3, à partir du 1er octobre 1999.

83
Par sa décision du 11 juin 2002, l’AIPN rejetait la réclamation du requérant, en ce qu’elle portait sur l’annulation de la décision du 17 octobre 2001, mais lui accordait, au titre du préjudice moral subi, une indemnité de 1 000 euros.

84
Le requérant estime que la compensation octroyée est inéquitable, car elle ne permet pas de réparer le préjudice qu’il a subi et continuera à subir du fait de la perte d’ancienneté de deux ans dans son grade. Le requérant s’appuie, à cet égard, sur des calculs reposant sur des hypothèses d’évolution de carrière.

85
S’agissant du préjudice matériel subi par le requérant jusqu’au jour du prononcé du présent arrêt, il convient de considérer que la compensation octroyée par la défenderesse est équitable. En effet, il a été alloué au requérant une somme équivalente à la différence entre la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait été promu avec effet au 1er avril 1998 et celle qui lui a effectivement été versée, compte tenu de sa promotion avec effet au 1er avril 2000. Par ailleurs, et s’agissant des hypothèses d’évolution de carrière durant cette période, il convient de rappeler que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus. Enfin, la Commission a apporté des analyses non contestées par le requérant et démontrant que les promotions de fonctionnaires ayant seulement deux ans d’ancienneté dans le grade (ce qui aurait été le cas du requérant en 2000 s’il avait été promu à compter de 1998) étaient extrêmement rares, voire inexistantes pour certains exercices de promotion (comme l’exercice de promotion 2001).

86
S’agissant de la situation future du requérant, il convient de relever que la défenderesse a clairement précisé, lors de l’audience, qu’elle avait conscience des problèmes d’équité que posait la présente affaire. En outre, dans son mémoire en duplique, la défenderesse reconnaît que « le requérant aurait eu droit à deux points de plus si son ancienneté de grade datait du 1er avril 1998 ».

87
Par ailleurs, l’article 10 de la décision C/2002/1233/3 – PE/2002/536 de la Commission, du 26 avril 2002, relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut, applicable lors de l’adoption de la décision de l’AIPN du 11 juin 2002, précise que, « [d]ans [l]e choix opéré parmi les fonctionnaires ayant un nombre égal de points, les comités tiennent compte en particulier d’éléments tels que l’ancienneté dans le grade et de considérations liées à l’égalité des chances ».

88
Contrairement à ce que soutient la défenderesse, le critère de l’ancienneté dans le grade n’est pas seulement « illustratif ». Certes, la liste des éléments visés par l’article 10 des dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut n’est pas exhaustive (comme le prouve l’emploi du terme « tels que »). Néanmoins, il résulte aussi clairement de cette disposition que l’ancienneté dans le grade fait partie des critères qui permettent de départager les fonctionnaires ayant un même nombre de points.

89
Ainsi, la perte d’ancienneté de deux ans dans le grade place le requérant dans une situation moins favorable que les autres fonctionnaires promus à compter du 1er avril 1998. À ce titre, il convient de conclure que la défenderesse n’a pas pris toute décision de nature à compenser équitablement le désavantage résultant, pour le requérant, de la décision annulée.

90
Dans la mesure où le grief tiré de la compensation inéquitable vient à l’appui des conclusions subsidiaires du requérant visant à l’annulation de la décision de l’AIPN du 11 juin 2002, il convient d’annuler cette seule décision, en tant qu’elle n’a pas pour effet de replacer le requérant dans une situation comparable, du point de vue de son ancienneté dans le grade, à la situation qui aurait été la sienne s’il avait été promu au grade A 5 le 1er avril 1998.

91
Il reviendra à la défenderesse, conformément à l’article 233 CE, de prendre les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt. Il existe, à cet égard, une série de possibilités envisageables.

92
Ainsi, par exemple, le Tribunal relève que la défenderesse a précisé que le comité de promotion pouvait tenir compte de la situation particulière du requérant et lui accorder des points supplémentaires, ce qui aurait pour effet de compenser les deux points dont il se trouve privé en raison de la perte d’ancienneté dans le grade A 5 qu’il subit par rapport à l’ancienneté dont il aurait bénéficié s’il avait pu être promu le 1er avril 1998. Cette possibilité de prendre en compte la situation particulière du requérant a été confirmée lors de l’audience, par la défenderesse, qui a précisé que le requérant pourrait toujours faire valoir son cas auprès du comité de promotion.

93
Le Tribunal note également que la Cour a déjà eu l’occasion de se prononcer sur un cas concernant la réintégration d’un fonctionnaire après l’expiration d’un congé de convenance personnelle (arrêt Sergy/Commission, point 54 supra, point 17), en précisant que, « si la règle fondamentale de l’article 4 du statut, selon lequel il ne peut être pourvu à un emploi qu’en cas de vacance de celui-ci, s’oppose à ce que la décision de réintégration opère avec effet rétroactif, le rétablissement de la légalité pouvait, tout au moins partiellement, être obtenu en reportant la date d’ancienneté dans le grade et l’échelon, non à 11 et 15 mois avant la date où la réintégration a eu lieu, mais avant celle où elle aurait dû avoir lieu ».

94
Pour ce qui est du défaut de motivation avancé par la requérante à l’encontre de la décision de l’AIPN du 11 juin 2002, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’irrecevabilité soulevée par la défenderesse, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation, inscrite à l’article 25 du statut, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra, point 41).

95
Dans le cas d’espèce, l’AIPN a indiqué dans sa décision du 11 juin 2002 que l’indemnité à concurrence de 1 000 euros était allouée « pour préjudice moral […] pour sa perte d’ancienneté dans le grade A 5 retardant ainsi sa vocation à la promotion de deux ans, et pour l’état d’incertitude qui en résultait pour lui pendant cette période quant à son avenir professionnel ». Il en résulte que l’AIPN a clairement précisé les raisons qui l’ont amenée à allouer une indemnité au requérant et les critères utilisés pour évaluer cette indemnité. Il faut en conclure que l’AIPN a respecté, dans le cas d’espèce, l’obligation de motivation qui pesait sur elle.

96
S’agissant, enfin, de l’indemnité réclamée par le requérant dans ses conclusions subsidiaires, elle repose, là encore, sur la prémisse que celui-ci possède 100 % de chances de promotion au grade A 4, puis au grade A 3. Comme il a déjà été précisé à plusieurs reprises, le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus. Dès lors, la demande du requérant à ce titre ne peut être accueillie.

Sur les conclusions relatives à la réparation du préjudice moral

Arguments des parties

97
Le requérant considère, en toute hypothèse, avoir subi un préjudice moral du fait des deux décisions contestées (du 17 octobre 2001 et du 11 juin 2002).

98
Ce préjudice consisterait, tout d’abord, en une inquiétude pour la suite de sa carrière à partir de la date de notification de la décision du 17 octobre 2001. Le requérant souligne que ce préjudice s’est doublé, dans son chef, de sentiments hautement préjudiciables d’arbitraire, voire de harcèlement administratif, d’humiliation par rapport à ses collègues et de découragement à la perspective d’un nouveau recours, et ce tant en raison de la gravité des fautes commises par l’administration que de la situation particulière dans laquelle il se trouvait. À l’appui de sa thèse, le requérant invoque l’absence de rétroactivité de la décision du 17 octobre 2001 au 1er avril 1998 ainsi que l’absence d’indemnisation pour son préjudice de carrière. Par ailleurs, le requérant estime que l’indemnisation accordée par la décision du 11 juin 2002 ne compense les préjudices matériel et moral que de manière « arbitraire et scandaleusement insuffisante ». À cet égard, le requérant renvoie à l’estimation de son préjudice de carrière.

99
Ensuite, le requérant indique qu’il se trouvait dans un contexte où son moral était fragilisé en raison de nombreuses difficultés déjà rencontrées concernant son classement. Il rappelle que le Tribunal lui a donné raison une première fois dans un arrêt du 21 octobre 1998, Vicente-Nuñez/Commission (T‑100/96, RecFP p. I‑A‑591 et II‑1779), puis une deuxième fois dans l’arrêt du 9 mars 2000, Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra. Il précise ensuite qu’il a dû patienter 21 mois avant d’obtenir une décision exécutant l’arrêt du 9 mars 2000, décision qui fait l’objet du présent recours.

100
Dans ces circonstances, le requérant estime son préjudice moral à 5 000 euros.

101
La défenderesse est d’avis que rien ne justifie la réparation d’un prétendu préjudice moral, estimé à 5 000 euros, en raison de supposés sentiments d’arbitraire, de harcèlement administratif, d’humiliation par rapport à ses collègues et de découragement. Les contraintes statutaires étant la seule raison de l’absence de rétroactivité de sa promotion à la date demandée par lui, ces sentiments n’ont pas lieu d’être. Par ailleurs, elle conteste le fait soutenu par le requérant selon lequel il a dû attendre 21 mois avant l’exécution de l’arrêt du Tribunal du 9 mars 2000, Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra, sa promotion ayant pris effet seulement trois semaines après cette date.

Appréciation du Tribunal

102
Comme rappelé précédemment, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué.

103
À ce titre, une requête visant la réparation de dommages causés par une institution communautaire doit contenir des éléments qui permettent d’identifier, notamment, le caractère et l’étendue du préjudice (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 octobre 1999, Apostolidis e.a./Commission, C‑327/97 P, Rec. p. I‑6709, point 37).

104
De plus, la Cour, dans son arrêt Conseil/De Nil et Impens, point 43 supra (points 32 et 33), a précisé que le Tribunal, lorsqu’il réalise une évaluation ex aequo et bono d’un préjudice, est soumis à une obligation de motivation qui consiste, en particulier, à indiquer les critères pris en compte aux fins de la détermination de ce montant. Il en résulte que le requérant doit, à l’appui de ses prétentions, faire valoir les critères pertinents permettant au Tribunal de réaliser une telle évaluation.

105
En l’espèce, le requérant précise tout d’abord que son préjudice moral repose sur une inquiétude pour la suite de sa carrière. Il n’apporte cependant aucun élément permettant de remettre en cause le montant de 1 000 euros déjà alloué à ce titre par l’AIPN.

106
Le requérant indique par la suite que des circonstances particulières auraient fait en sorte que cet état d’inquiétude s’est doublé de sentiments d’arbitraire, voire de harcèlement administratif, d’humiliation par rapport à ses collègues et de découragement à la perspective d’un nouveau recours.

107
À l’appui de sa thèse, le requérant invoque l’illégalité des décisions contestées due à la non-rétroactivité de sa promotion au 1er avril 1998 ainsi qu’à l’absence d’indemnisation pour son préjudice de carrière. Toutefois, le Tribunal a déjà rejeté le grief tiré de l’absence de rétroactivité de la promotion du requérant et s’est déjà prononcé sur la question du préjudice de carrière, dans le cadre de l’examen des conclusions présentées à titre principal et à titre subsidiaire. Le Tribunal estime que le requérant ne justifie d’aucun préjudice qui ne puisse être réparé de manière adéquate par l’annulation de la décision du 11 juin 2002, en tant qu’elle n’a pas pour effet de replacer le requérant dans une situation comparable, du point de vue de son ancienneté dans le grade, à la situation qui aurait été la sienne s’il avait été promu au grade A 5 le 1er avril 1998.

108
S’agissant des arrêts Vicente-Nuñez/Commission rendus par le Tribunal le 21 octobre 1998 et le 9 mars 2000, respectivement, points 99 et 20 supra, et du fait que le requérant a dû introduire un recours en l’espèce, ces éléments ont trait à l’exercice, par le requérant, de son droit au recours et ne démontrent pas en quoi celui-ci aurait souffert de sentiments d’arbitraire, voire de harcèlement administratif, d’humiliation par rapport à ses collègues ou de découragement à la perspective d’un nouveau recours.

109
Quant au fait que le requérant a dû patienter 21 mois avant d’obtenir une décision exécutant l’arrêt du 9 mars 2000, Vicente-Nuñez/Commission, point 20 supra, il convient de noter qu’il avait déjà été promu, à compter du 1er avril 2000, au grade A 5 lors de l’exercice 2000 de promotion de carrière à carrière. Dès l’instant où le requérant occupait déjà un poste de la nature de ceux auxquels l’arrêt du 9 mars 2000 lui permettait de prétendre, la décision tardive de l’AIPN n’était pas de nature à lui créer un préjudice moral.

110
Pour ces raisons, la demande du requérant visant à la réparation d’un préjudice moral allant au-delà des 1 000 euros déjà alloués doit être rejetée comme étant non fondée.


Sur les dépens

111
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La défenderesse ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter l’ensemble des dépens, conformément aux conclusions en ce sens du requérant.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)
La décision de la Commission du 11 juin 2002 est annulée, en tant qu’elle n’a pas pour effet de replacer M. Vicente-Nuñez dans une situation comparable, du point de vue de son ancienneté dans le grade, à la situation qui aurait été la sienne s’il avait été promu au grade A 5 le 1er avril 1998.

2)
Le recours est rejeté pour le surplus.

3)
La Commission est condamnée aux dépens.

Azizi

Jaeger

Dehousse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Azizi


1
Langue de procédure : le français.