Language of document : ECLI:EU:T:2004:295

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
12 octobre 2004 (1)

« Marque communautaire – Procédure d'opposition – Demande de marque verbale communautaire CARPO – Marque verbale nationale antérieure HARPO Z – Risque de confusion –  Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 »

Dans l'affaire T-35/03,

Aventis CropScience SA, établie à Lyon (France), représentée par Me E. Armijo Chávarri, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. I. de Medrano Caballero et G. Schneider, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l'OHMI ayant été

BASF Aktiengesellschaft, établie à Ludwigshafen am Rhein (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision R 803/2001-2 de la deuxième chambre de recours de l'OHMI, du 18 novembre 2002, concernant l'opposition introduite par le titulaire de la marque verbale nationale antérieure HARPO Z à l'encontre de l'enregistrement de la marque verbale communautaire CARPO,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),



composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : I. Natsinas, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2003,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 août 2003,

à la suite de l'audience du 6 juillet 2004,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
Le 28 septembre 1999, BASF Aktiengesellschaft a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2
La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CARPO.

3
Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « fongicides, herbicides, insecticides et pesticides ».

4
Le 25 avril 2000, cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 33/00.

5
Le 25 juillet 2000, Aventis CropScience SA, anciennement Rhône-Poulenc Agrochimie SA (ci‑après la « requérante »), a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de la marque demandée pour tous les produits visés par celle‑ci en se fondant sur sa marque verbale espagnole antérieure n° 1 731 865 HARPO Z, enregistrée pour des « préparations pour l’élimination des animaux nuisibles, fongicides, herbicides » relevant de la classe 5.

6
Par décision du 29 juin 2001, la division d’opposition de l’OHMI a rejeté l’opposition.

7
Le 31 août 2001, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre de l’article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

8
Par décision du 18 novembre 2002 (affaire R 803/2001‑2 ; ci‑après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 21 novembre 2002, la deuxième chambre de recours a rejeté le recours au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en cause, malgré l’identité des produits en cause, car les signes en conflit n’étaient pas similaires.


Conclusions des parties

9
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’OHMI aux dépens.

10
L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.


En droit

Arguments des parties

11
La requérante constate, à titre liminaire, que le public pertinent est le consommateur moyen espagnol et que les produits visés par chacune des marques en cause sont identiques.

12
Eu égard à l’interdépendance entre la similitude des produits en cause et celle des signes en conflit et au fait que le consommateur moyen ne garde en mémoire qu’une image imparfaite des marques, les différences minimes entre les signes en conflit ne sauraient écarter un risque de confusion entre les marques en cause.

13
Sur le plan visuel, les deux signes seraient constitués quasiment du même nombre de lettres ordonnées de façon quasi identique autour de l’élément ARPO. La différence entre les initiales passerait inaperçue car elles sont écrites dans les mêmes caractères que l’élément commun. La lettre Z finale de la marque antérieure apparaîtrait comme un élément accessoire et semblerait indiquer un produit particulier dans une famille de produits. La perception de cette similitude serait conforme à l’analyse du Tribunal dans son arrêt du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS) (T‑388/00, Rec. p. II‑4301), à la décision de la division d’opposition n° 2122/2000 (TANDRO/ANDRO) et à la décision de la troisième chambre de recours n° R 109/2000‑3 (ZILA/ILLA).

14
Sur le plan phonétique, puisque la lettre H est muette en espagnol, la marque antérieure figurerait intégralement dans la marque demandée. L’initiale C de la marque demandée passerait pratiquement inaperçue car, au mieux, elle accompagne l’élément ARPO [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359 ; décisions de la division d’opposition n° 151/1999 (FUNK/JUNK) et n° 1221/1999 (UFO/GUFO)].

15
Le plan conceptuel est dénué de toute pertinence car les signes en conflit ne possèdent pas de signification courante. Le public pertinent n’associera en aucun cas le signe CARPO à sa signification médicale, à savoir poignet. L’affirmation à cet égard de la chambre de recours dans la décision attaquée doit donc être rejetée [arrêt du Tribunal du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY), T‑99/01, Rec. p. II‑43].

16
L’OHMI partage l’avis de la requérante quant à la détermination du public pertinent et quant à l’identité des produits en cause, mais conteste l’ensemble des autres arguments de la requérante.

Appréciation du Tribunal

17
Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, une marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.

18
Selon une jurisprudence constante, le risque de confusion quant à l’origine commerciale des produits ou des services doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause et en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 29 à 33, et la jurisprudence citée].

19
Il est constant en l’espèce, d’une part, que le public pertinent est le consommateur moyen espagnol et, d’autre part, que les produits visés par chacune des marques sont identiques.

20
Dès lors, il convient d’examiner si les signes CARPO et HARPO Z sont similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

21
L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux‑ci, en tenant compte, notamment de leurs éléments distinctifs et dominants [arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, non encore publié au Recueil, point 47, et la jurisprudence citée].

22
Au préalable, il doit être précisé que l’élément « Z » de la marque antérieure contribue dans une mesure importante au caractère distinctif de cette marque. En effet, d’une part, à supposer même qu’il soit habituel dans le secteur concerné d’identifier un produit dans une gamme par un code alphanumérique, comme l’avance la requérante, il convient de constater que cette dernière a elle-même jugé utile de demander l’enregistrement de cette marque avec l’élément « Z ». Il en découle qu’elle lui a attribué un certain pouvoir distinctif. Cette démarche est compréhensible en l’espèce dès lors que l’ajout d’un code alphanumérique à l’élément « HARPO » confère à ce dernier une dimension scientifique, réelle ou supposée, au regard des produits visés, à savoir les « fongicides, herbicides, insecticides et pesticides ». D’autre part, la lettre « Z » ajoute au signe verbal une seconde syllabe facilement mémorisable par le public pertinent.

23
S’agissant de la comparaison visuelle des signes en conflit, la chambre de recours a estimé, dans la décision attaquée, que la différence d’initiale entre ces signes ainsi que la présence de la lettre Z de la marque antérieure ont davantage de poids que l’élément récurrent ARPO (décision attaquée, point 16). Cette appréciation doit être confirmée. Les différences relevées par la chambre de recours suffisent pour que les deux signes en conflit puissent être distingués. Quel que soit le graphisme choisi, les lettres C et H ne peuvent pas être confondues. De plus, placées en tête du mot, elles conditionnent assez fortement la perception visuelle du mot. La différenciation entre les deux signes en conflit est accrue par la présence de la lettre Z séparée du mot principal dans la marque antérieure. Le fait que la marque antérieure soit composée de deux éléments alors que la marque demandée n’est composée que d’un seul suffit pour écarter la pertinence en l’espèce de l’arrêt ELS (point 13 supra) et des décisions de l’Office relatives aux signes TANDRO/ANDRO et ZILA/ILLA, invoqués par la requérante.

24
S’agissant de la comparaison phonétique, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient différents du fait du C initial de la marque demandée, le H étant muet en espagnol. Elle a ajouté que le Z final constituait également une différence substantielle (décision attaquée, point 17). Il est généralement admis qu’il convient d’accorder une certaine importance à l’initiale d’un élément verbal (voir, en ce sens, arrêt BASS, point 21 supra, point 50). En l’espèce, le C, consonne sonore, interdit toute confusion possible entre les premières syllabes des deux marques en cause. Il convient, en outre, d’accueillir l’argument de l’OHMI selon lequel la marque demandée se prononce CAR‑PO alors que la marque antérieure se prononce AR‑PO‑CE‑TA. Il en résulte qu’une seule syllabe prononcée sur les quatre est commune.

25
La requérante invoque à tort l’arrêt du Tribunal Fifties (point 14 supra). Dans cet arrêt, la comparaison phonétique, particulièrement délicate du fait du fort élément graphique de la marque antérieure, supposait de dégager un ou des éléments verbaux dominants. Dans cet arrêt, le Tribunal a constaté que le mot entier Fifties, élément dominant, était commun aux deux marques. Or, en l’espèce, seule une partie du terme, quoique importante, est commune et il ne peut être prétendu que cet élément commun est dominant.

26
S’agissant des décisions de l’Office relatives aux signes FUNK/JUNK et UFO/GUFO, avancées par la requérante, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement n° 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non pas sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de celles-ci [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 66, et du 3 juillet 2003, José Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 61, et la jurisprudence citée]. Il convient néanmoins d’observer que des motifs de fait ou de droit figurant dans une décision antérieure peuvent, certes, constituer des arguments à l’appui d’un moyen tiré de la violation d’une disposition du règlement n° 40/94 [voir arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, Rec. p. II‑4881, points 32 et 33]. En l’espèce, les décisions avancées par la requérante ne constituent pas des indices pertinents dans la mesure où, d’une part, les initiales en cause ne présentaient pas de différences aussi prononcées que celles du cas d’espèce (C et H muet) et, d’autre part, la marque antérieure dans la présente espèce possède une lettre finale modifiant substantiellement la prononciation de cette marque par rapport à celle de la marque demandée.

27
S’agissant, enfin, de la comparaison conceptuelle, la chambre de recours a estimé que la marque demandée signifiait poignet ou carpe et que le fait que cette signification soit voulue ou non par le demandeur n’avait pas d’importance (décision attaquée, point 18). Il convient à cet égard de rejeter l’argument de l’OHMI selon lequel la chambre de recours n’aurait tiré aucune conclusion de cette signification de l’élément « CARPO ». En effet, la chambre de recours a expressément écarté la pertinence de deux décisions de l’OHMI invoquées par la requérante au motif que ces décisions concernaient une opposition entre deux marques n’ayant pas de signification conceptuelle. Il en découle obligatoirement qu’elle a considéré en l’espèce que la marque demandée possédait donc une telle signification. Or, en règle générale, le fait qu’un seul des signes en conflit a une signification identifiable conduit à une dissimilitude conceptuelle de ces signes.

28
Il ressort de l’audience que le mot « carpo » (carpe) est peu évocateur du poignet pour le consommateur moyen. Le fait que cet élément ait une signification peu courante réduit considérablement mais n’élimine pas la dissimilitude conceptuelle entre les signes en conflit.

29
En l’espèce, le marché des produits concernés ne fait pas apparaître qu’il faille procéder à une compensation particulière en faveur de l’aspect visuel, auditif ou conceptuel des signes en conflit. Dans le cadre d’une appréciation globale des marques en cause, les différences visuelle, phonétique et, éventuellement, conceptuelle des signes en conflit sont suffisantes pour empêcher que, malgré l’identité des produits visés, les ressemblances entre les signes en conflit entraînent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen.

30
Dès lors, la chambre de recours a considéré à juste titre qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en cause au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.


Sur les dépens

31
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Forwood

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 octobre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung


1
Langue de procédure : l'espagnol.