Language of document : ECLI:EU:T:2021:524

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

1er septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale Vita – Usage sérieux de la marque –Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Usage pour les produits pour lesquels la marque a été enregistrée »

Dans l’affaire T‑561/20,

Sony Interactive Entertainment Europe Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par M. S. Malynicz, QC, et Me P. Ruess, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. H. O’Neill et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Vieta Audio, SA, établie à Barcelone (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 22 juin 2020 (affaire R 425/2020‑2), relative à une procédure de déchéance entre Vieta Audio et Sony Interactive Entertainment Europe,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins (rapporteur), président, Z. Csehi et G. De Baere, juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 septembre 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 14 décembre 2020,

à la suite de l’audience du 10 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 juillet 2001, Vitakraft-Werke Wührmann & Sohn GmbH & Co. KG a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Vita.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Supports de données avec programmes enregistrés, logiciels informatiques ; supports audio et/ou d’images (non en papier) ; bandes et cassettes magnétiques ; bandes audio ; disques compacts audio ; cassettes DAT (bande audionumérique) ; vidéos disques, bandes vidéo ; pellicules impressionnées ; lithographies ; thermomètres pour aquariums et terrariums d’intérieur ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 56/2002, du 15 juillet 2002.

5        La marque de l’Union européenne verbale Vita a été enregistrée le 27 septembre 2005 sous le numéro 2290385.

6        Par un contrat de cession signé le 16 mars 2011 et inscrit au registre de l’EUIPO le 11 mai 2011, la marque de l’Union européenne verbale Vita a été partiellement transférée à Forrester Ketley Ltd. Par un contrat de cession signé le 15 septembre 2011 et inscrit au registre de l’EUIPO le 29 septembre 2011, ladite marque a ensuite été transférée à Sony Computer Entertainment Europe Ltd, prédécesseur en titre de la requérante, Sony Interactive Entertainment Europe Ltd. La marque qui a fait l’objet de cette cession partielle et de ce transfert a été enregistrée sous le numéro 9993361. Les produits pour lesquels cette marque a été enregistrée relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice et correspondent à la description suivante : « Supports de données avec programmes enregistrés, logiciels informatiques ; supports audio et/ou d’images (non en papier) ; bandes et cassettes magnétiques ; bandes audio ; disques compacts audio ; cassettes DAT (bande audionumérique) ; vidéos disques, bandes vidéo ; pellicules impressionnées ; lithographies ».

7        Le 14 octobre 2011, Vieta Audio, SA a présenté, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], une demande en déchéance de la marque mentionnée au point 6 ci-dessus pour tous les produits couverts par celle-ci. Dans cette demande, elle soutenait que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pendant la période pertinente de cinq ans, laquelle s’était étendue du 14 octobre 2006 au 13 octobre 2011, et qu’il n’existait pas de justes motifs pour le non-usage.

8        En réponse à la demande en déchéance de la marque contestée, le 4 mai 2012, Sony Computer Entertainment Europe a affirmé que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pendant la période pertinente pour les produits concernés. Elle a exposé qu’elle avait utilisé cette marque pour sa console de jeux vidéo portable, dénommée PlayStation Vita ainsi que pour des jeux et des accessoires se rapportant à celle-ci. Elle a précisé que le nom de cette nouvelle console avait été officiellement annoncé en juin 2011 et avait ensuite fait l’objet d’une vaste campagne de promotion jusqu’en octobre 2011. Elle a rajouté qu’elle avait procédé au lancement européen officiel de la console PlayStation Vita lors de la conférence Gamescom qui s’était tenue à Cologne (Allemagne) en août 2011 et que cette console avait été mise sur le marché de l’Union le 22 février 2012.

9        Au soutien de ses allégations, Sony Computer Entertainment Europe a présenté une déclaration écrite, datée du 4 mai 2012, faite par l’un de ses directeurs (ci‑après la « déclaration écrite du 4 mai 2012 »), à laquelle étaient joints les éléments suivants :

–        un communiqué de presse daté du 7 juin 2011 annonçant le nom de sa nouvelle console de jeux portable, à savoir PlayStation Vita ;

–        une capture d’écran, datée du 7 juin 2011, du site Internet « www.pcmag.com », faisant état de cette annonce ;

–        une copie d’une brochure promotionnelle qui aurait été distribuée aux visiteurs et aux journalistes lors de la conférence Gamescom et contenant notamment des informations sur la console PlayStation Vita ainsi que sur des jeux vidéo destinés à être utilisés sur celle-ci (ci-après la « brochure de la conférence Gamescom ») ;

–        une copie de la couverture de cette brochure, sur laquelle apparaît la console PlayStation Vita ;

–        une disquette contenant des vidéos promotionnelles pour la console PlayStation Vita qui auraient été diffusées lors de la conférence Gamescom ;

–        divers articles de presse relatifs à la console PlayStation Vita ainsi qu’à des jeux destinés à être utilisés sur celle-ci, publiés sur le site Internet officiel PlayStation au Royaume-Uni et datés du 7 juin au 22 septembre 2011 ;

–        une capture d’écran d’une vidéo mise en ligne sur le site d’hébergement de vidéos YouTube ;

–        un communiqué de presse daté du 28 février 2012 relatif aux ventes mondiales de la console PlayStation Vita ;

–        des captures d’écran, datées de l’année 2012, du site Internet officiel PlayStation au Royaume-Uni, relatives aux accessoires – dont des cartes à mémoire – et aux périphériques pour la console PlayStation Vita.

10      Le 2 janvier 2013, Sony Computer Entertainment Europe a répondu à des observations présentées par Vieta Audio le 31 juillet 2012 et a fourni, en vue de prouver l’usage sérieux de la marque contestée pour l’ensemble des produits concernés, les éléments de preuvesupplémentaires suivants :

–        des captures d’écran, datées du 12 décembre 2012, du site Internet officiel PlayStation au Royaume-Uni, détaillant les caractéristiques techniques et les spécifications de la console PlayStation Vita ;

–        des captures d’écran, datées du 12 décembre 2012, du site Internet officiel PlayStation au Royaume-Uni, contenant des informations relatives à une mise à jour du logiciel système de la console PlayStation Vita ;

–        des captures d’écran, datées du 2 janvier 2013, du site Internet Wikipédia, relatives à sa société mère et à Naughty Dog, Inc., une société des États-Unis de développement de jeux vidéo entièrement contrôlée par cette société mère ;

–        des captures d’écran, datées du 12 décembre 2012, du site Internet officiel PlayStation au Royaume-Uni, donnant des exemples d’offres groupées composées de consoles PlayStation Vita, de jeux, d’accessoires et d’autres produits.

11      Dans des observations complémentaires du 24 avril 2013, Sony Computer Entertainment Europe a ajouté que, le 25 octobre 2007, elle avait lancé sur le marché de l’Union, sous le nom Aqua Vita, un jeu vidéo interactif consistant en un aquarium virtuel. Elle a précisé que ce jeu vidéo était disponible à la vente depuis cette dernière date sur ses boutiques en ligne présentes sur le marché de l’Union et a indiqué le chiffre d’affaires qui y était réalisé avec les ventes dudit jeu, pour chaque année depuis son lancement jusqu’en 2013. Elle a annexé à ses observations, d’une part, des captures d’écran, datées du 24 avril 2013, du site Internet officiel PlayStation en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni, montrant que ce jeu était disponible dans ses boutiques en ligne, et, d’autre part, des copies de différents articles concernant ledit jeu.

12      Par décision du 30 juin 2014, la division d’annulation a déclaré la déchéance de la marque contestée pour tous les produits pour lesquels elle avait été enregistrée, avec effet à compter de la date de la demande en déchéance.

13      Le 28 août 2014, Sony Computer Entertainment Europe a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation.

14      Le 29 octobre 2014, Sony Computer Entertainment Europe a déposé le mémoire exposant les motifs du recours, en y joignant des éléments de preuve supplémentaires, dont des photographies de boîtiers de jeux vidéo sur lesquels apparaissait, outre le nom du jeu vidéo concerné, la marque PSVita (qui est une version abrégée de PlayStation Vita).

15      Par décision du 12 novembre 2015 (affaire R 2232/2014‑5), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a entériné la décision de la division d’annulation et a rejeté le recours.

16      Le 21 janvier 2016, Sony Computer Entertainment Europe a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de la cinquième chambre de recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑35/16, en invoquant un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

17      Par arrêt du 12 décembre 2017, Sony Computer Entertainment Europe/EUIPO – Vieta Audio (Vita) (T‑35/16, non publié, EU:T:2017:886), le Tribunal a annulé la décision de la cinquième chambre de recours sur le fondement d’un moyen d’ordre public, soulevé d’office, à savoir l’insuffisance de motivation. En particulier, au point 43 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que la décision de la cinquième chambre de recours ne permettait pas de déterminer avec suffisamment de clarté les motifs pour lesquels la cinquième chambre de recours avait estimé que Sony Computer Entertainment Europe n’avait pas prouvé l’usage sérieux de la marque contestée pour certaines catégories des produits concernés.

18      À la suite de l’arrêt du 12 décembre 2017, Vita (T‑35/16, non publié, EU:T:2017:886), le présidium des chambres de recours a renvoyé le recours devant la quatrième chambre de recours, sous la référence R 695/2018‑4.

19      Par décision du 10 septembre 2018, la quatrième chambre de recours a rejeté le recours. Elle a examiné et réévalué si les éléments de preuve fournis par Sony Computer Entertainment Europe permettaient d’attester l’usage sérieux de la marque contestée. Elle a toutefois observé à plusieurs reprises que, dans l’arrêt du 12 décembre 2017, Vita (T‑35/16, non publié, EU:T:2017:886), le Tribunal avait entériné certaines conclusions de la cinquième chambre de recours.

20      Le 22 novembre 2018, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de la quatrième chambre de recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑690/18, en invoquant deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001) et de l’obligation de motivation et, le second, d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

21      Par son arrêt du 19 décembre 2019, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO – Vieta Audio (Vita) (T‑690/18, EU:T:2019:894), le Tribunal a annulé la décision de la quatrième chambre de recours. Il a déclaré que, dans l’arrêt du 12 décembre 2017, Vita (T‑35/16, non publié, EU:T:2017:886), il ne s’était pas prononcé sur la légalité au fond de la décision de la cinquième chambre de recours et que la quatrième chambre de recours avait donc eu tort de considérer que les conclusions de la cinquième chambre de recours concernant l’application de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 avaient été entérinées par le Tribunal. La quatrième chambre de recours avait donc manqué à son obligation, découlant de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009, de prendre les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2017, Vita (T‑35/16, EU:T:2017:886), à savoir de statuer à nouveau sur toutes les questions pertinentes pour l’application de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

22      À la suite de l’arrêt du 19 décembre 2019, Vita (T‑690/18, EU:T:2019:894), le présidium des chambres de recours a renvoyé le recours devant la deuxième chambre de recours, sous la référence R 425/2020‑2.

23      Par décision du 22 juin 2020, la deuxième chambre de recours a rejeté le recours (ci-après la « décision attaquée »).

24      En premier lieu, elle a constaté que, la marque contestée ayant été enregistrée le 27 septembre 2005 et la demande en déchéance ayant été déposée le 14 octobre 2011, la requérante devait prouver l’usage sérieux de cette marque dans l’Union pendant les cinq années précédant cette date, c’est-à-dire du 14 octobre 2006 au 13 octobre 2011 inclus, pour les « supports de données avec programmes enregistrés ; logiciels informatiques ; supports audio et/ou d’images (non en papier) ; bandes et cassettes magnétiques ; bandes audio ; disques compacts audio ; cassettes DAT (bande audionumérique) ; vidéos disques ; bandes vidéo ; pellicules impressionnées ; lithographies » compris dans la classe 9 (points 42 et 43 de la décision attaquée).

25      En deuxième lieu, concernant la déclaration écrite du 4 mai 2012, la deuxième chambre de recours a considéré que sa valeur probante était faible et qu’elle devait être étayée, dans le cadre d’une appréciation globale des éléments de preuve, par des éléments de preuve indépendants (points 44 à 48 de la décision attaquée).

26      En troisième lieu, elle a considéré que les éléments de preuve présentés par la requérante pour démontrer l’usage de la marque contestée faisaient référence, d’une part, à l’usage allégué de la marque PlayStation Vita (ou PSVita) pour une console de jeux portable, des jeux et des périphériques connexes, dont notamment des cartes à mémoire, et, d’autre part, à l’usage allégué de la marque Aqua Vita pour un jeu informatique. Elle a donc examiné si un usage sérieux de la marque contestée avait été prouvé sur la base de l’usage revendiqué de chacune de ces marques, apprécié séparément (points 49 et 51 de la décision attaquée).

27      En ce qui concerne la commercialisation de la console PlayStation Vita (ou PSVita) en tant que « support de données avec programmes enregistrés » et « support audio et/ou d’images (non en papier) », la deuxième chambre de recours a considéré, d’une part, que ces produits étaient des dispositifs dont la fonction était le stockage de données (programmes, données audio et images), comme c’était le cas de dispositifs tels que des cartes à mémoire, des clés USB, des CD‑ROM ou des disques durs. Elle a considéré, d’autre part, que tous les éléments de preuve faisaient référence à la promotion et à la commercialisation de la console PlayStation Vita en tant que console de jeux portable et non en tant que « support de données avec programmes enregistrés ». Selon la deuxième chambre de recours, si la fonction de support de données était mentionnée dans les éléments de preuve présentés, elle revêtait un caractère secondaire dans la mesure où elle servait uniquement au stockage du logiciel d’exploitation. Du point de vue du consommateur, la deuxième chambre de recours a souligné que la capacité de stockage était une fonction nécessaire au fonctionnement de la console PlayStation Vita plutôt que la finalité exclusive ou l’une des finalités principales de celle-ci. Selon elle, ces arguments s’appliquaient également aux « supports audio et/ou d’images (non en papier) ». Par conséquent, la deuxième chambre de recours en a conclu que l’usage allégué de la console PlayStation Vita ne constituait pas un usage des catégories de produits correspondant aux « supports de données avec programmes enregistrés » et aux « supports audio et/ou d’images (non en papier) » (points 61 à 64 de la décision attaquée).

28      S’agissant des « bandes et cassettes magnétiques ; bandes audio ; disques compacts audio ; cassettes DAT (bande audionumérique) ; vidéos disques ; bandes vidéo ; pellicules impressionnées ; lithographies », la deuxième chambre de recours a observé que la requérante n’avait pas revendiqué l’usage de la marque contestée pour ces produits (point 65 de la décision attaquée).

29      Concernant l’utilisation de la marque PSVita pour des cartes à mémoire, la deuxième chambre de recours a considéré qu’il était constant qu’une carte à mémoire constituait un support de données. Les reproductions de cartes à mémoire présentées par la requérante et portant cette marque pouvaient donc être considérées comme étant des « supports de données avec programmes enregistrés » pour autant qu’elles contenaient des programmes. Toutefois, la deuxième chambre de recours a observé que la carte à mémoire PSVita était une carte permettant d’améliorer la mémoire de la console de jeux et que son objectif était dès lors d’accroître la capacité de stockage. Comme il s’agissait d’une carte vide pouvant contenir des données, ainsi que de l’audio et des images, elle a conclu que l’usage revendiqué pour des « supports de données avec programmes enregistrés » n’avait pas été démontré. Elle a ajouté que les éléments de preuve pertinents étaient par ailleurs insuffisants pour démontrer la durée et l’importance de l’usage. Elle a par conséquent rejeté l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux pour des « cartes à mémoire » pendant la période pertinente (points 71 à 76 de la décision attaquée).

30      Concernant l’utilisation de la marque PSVita sur une cartouche de jeux portant les mentions PSVita et LittleBIG Planet, la deuxième chambre de recours a considéré que, même en supposant qu’une cartouche de jeux fût couverte par l’expression « supports de données avec programmes enregistrés », la pièce du dossier en cause n’était pas datée. Il n’était par conséquent pas possible de déduire avec certitude que cette cartouche avait effectivement été commercialisée dans l’Union au cours de la période en cause ni dans quelle mesure elle l’avait été (point 77 de la décision attaquée).

31      La deuxième chambre de recours a donc conclu que les éléments de preuve présentés par la requérante n’établissaient pas que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux pour les « supports de données avec programmes enregistrés ; supports audio et/ou d’images (non en papier) ; bandes et cassettes magnétiques, bandes audio, disques compacts audio, cassettes DAT (bande audionumérique), vidéos disques, bandes vidéo, pellicules impressionnées, lithographies » (point 79 de la décision attaquée).

32      Quant à l’utilisation de la marque PSVita pour les « logiciels informatiques », la deuxième chambre de recours a considéré que les éléments de preuve concernant les jeux vidéo ne prouvaient pas l’usage sérieux de la marque contestée. En effet, ces jeux étaient distingués et désignés par leur propre marque verbale ou figurative et la référence, le cas échéant, à PlayStation Vita ou à PS 3, ne faisait qu’indiquer que l’on pouvait jouer à ces jeux sur ces consoles. En outre, elle a observé que d’autres éléments de preuve ne portaient pas sur la période pertinente ou n’étaient pas datés. Elle a donc conclu que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les « logiciels informatiques » pendant la période pertinente (points 82 à 86 de la décision attaquée).

33      Quant à l’utilisation de la marque Aqua Vita pour des « logiciels informatiques », la deuxième chambre de recours a considéré que les éléments de preuve relatifs au jeu portant ce nom ne démontraient pas l’importance de l’usage qui en avait été fait pendant la période pertinente. D’une part, les chiffres de vente fournis par la requérante n’étaient corroborés par aucun autre élément de preuve et, d’autre part, les deux exemples de courriers électroniques ne constituaient pas une preuve de l’usage sérieux, étant donné que l’importance des ventes attestées dans ces courriers était insignifiante. Bien que la requérante ait affirmé devant les instances de l’EUIPO que des factures au sens traditionnel du terme n’avaient pas été établies et que les courriers électroniques de confirmation d’achats en ligne n’avaient pas été conservés, la deuxième chambre de recours a considéré que la requérante aurait pu apporter d’autres preuves pertinentes pour corroborer les chiffres de ventes, comme, par exemple, des rapports annuels ou des comptes certifiés. La deuxième chambre de recours a donc conclu que les éléments de preuve produits ne suffisaient pas à prouver l’usage de la marque Aqua Vita pour les « logiciels informatiques » (points 90 à 93 de la décision attaquée). Elle a considéré que la question de savoir si l’utilisation de la marque Aqua Vita constituait un usage sérieux de la marque contestée, ou en modifiait le caractère distinctif, pouvait être laissée de côté (point 89 de la décision attaquée).

34      Partant, la deuxième chambre de recours a conclu que, considérés dans leur ensemble, les divers éléments de preuve produits par la requérante ne suffisaient pas à prouver que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pendant la période pertinente pour les produits pour lesquels elle avait été enregistrée (point 94 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

35      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et Vieta Audio aux dépens.

36      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

37      Compte tenu de la date d’introduction de la demande en déchéance en cause, en l’occurrence le 14 octobre 2011, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 6 et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3).

38      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée, par la requérante dans l’argumentation soulevée et par l’EUIPO dans ses écritures à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

39      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. Ce moyen se divise en quatre branches.

40      Par la première branche, la requérante affirme que la deuxième chambre de recours a interprété de façon erronée la signification des expressions « supports de données avec programmes enregistrés » et « supports audio et/ou d’images (non en papier) ». Par la deuxième branche, elle fait valoir que la deuxième chambre de recours a conclu à tort que les preuves d’usage concernant la commercialisation de la console PlayStation Vita étaient insuffisantes en ce qui concerne la durée et le lieu de l’usage de la marque contestée. Par la troisième branche, elle allègue que la deuxième chambre de recours a conclu à tort que l’utilisation de la marque PSVita sur des jeux vidéo ne constituait pas un usage pour des « logiciels informatiques ». Par la quatrième branche, elle argue, d’une part, que la deuxième chambre de recours a estimé à tort que les preuves étaient insuffisantes en ce qui concerne le jeu Aqua Vita, et, d’autre part, que la chambre de recours n’avait pas non plus examiné si la marque Aqua Vita représentait un usage de la marque contestée se rapportant à un « logiciel informatique ».

 Sur la première branche, tirée d’une interprétation erronée des expressions « supports de données avec programmes enregistrés » et « supports audio et/ou d’images (non en papier) »

41      La requérante prétend que la deuxième chambre de recours n’a pas correctement interprété les expressions « supports de données avec programmes enregistrés » et « supports audio et/ou d’images (non en papier) » et, partant, a erronément conclu que l’usage de la marque contestée pour la commercialisation de la console PlayStation Vita ne constituait pas un usage de la marque contestée pour ces catégories de produits.

42      En premier lieu, la requérante affirme que, au vu de leur signification claire et naturelle, les termes « supports de données avec programmes enregistrés » couvrent tout dispositif qui transporte des données et qui contient un logiciel informatique, sans limitation quant à la destination du dispositif. L’interprétation de la deuxième chambre de recours, selon laquelle il s’agit de dispositifs dont la fonction est le stockage de données (programmes, données audio et images), comme par exemple des cartes à mémoire, des clés USB, des CD-ROM ou des disques durs, serait indûment restrictive.

43      Selon la requérante, la notion de « support » a une portée plus large que celle de dispositif de stockage de données, outre le fait d’être entièrement neutre sur le plan fonctionnel. En effet, un tel dispositif pourrait non seulement stocker des données ou des programmes, mais il pourrait également utiliser ceux-ci afin d’exécuter certaines fonctions. À titre d’exemple, la requérante fait référence à un lecteur de musique électronique, capable de stocker une bibliothèque de chansons et de les diffuser par le biais d’enceintes propres. Outre le fait que la deuxième chambre de recours ne se serait pas rendu compte que la gamme des produits compris dans la classe 9 était très large, elle n’aurait pas pris en compte le fait que la description des produits visés incluait les termes « programmes enregistrés », ce qui indique, selon la requérante, que le dispositif a une fonction autre que celle de stockage de données. La console PlayStation Vita serait donc clairement un « support de données » et les éléments de preuve démontreraient qu’elle contient des programmes.

44      En deuxième lieu, la requérante reproche à la deuxième chambre de recours de ne pas avoir pris en considération les éléments de preuve qu’elle a présentés concernant la définition de la notion de « supports de données », en l’occurrence des extraits de dictionnaires en ligne portant sur la terminologie informatique, dont il ressortirait que cette notion recouvre tous supports pouvant contenir des données. Elle soutient que cette notion, lorsqu’elle est assortie des termes « avec programmes enregistrés », désigne plus spécifiquement des supports pouvant, à tout le moins, contenir (et aussi, probablement, lire ou enregistrer) des programmes informatiques, tels que des ordinateurs comportant un disque dur, des cartes à mémoire, des clés USB, des consoles informatiques et des consoles de jeux portables.

45      En troisième lieu, la requérante affirme que, lorsque, comme en l’espèce, les produits concernés sont définis par référence à leur nature (supports de données, de musique ou d’images) sans référence à leur fonction, il n’est pas pertinent d’en identifier les fonctions principales ou accessoires et de faire une distinction entre elles. Même si cela était pertinent, la bonne approche pour les produits dont les fonctions sont multiples serait de considérer leur usage comme se rapportant à différents produits. À titre d’exemple, la requérante mentionne le radio‑réveil et le téléphone intelligent. Elle rappelle que les remarques générales de la classification de Nice, dans sa version applicable en l’espèce, indiquent qu’un produit fini à usages multiples peut être classé dans toutes les classes correspondant à l’une quelconque de ses fonctions ou de ses destinations. Les produits multifonctionnels pourraient par conséquent faire l’objet d’un usage sérieux qui se rapporte à deux ou plusieurs classes ou à deux ou plusieurs fonctions. En l’espèce, la console PlayStation Vita aurait été commercialisée non pas comme une simple console de jeux, mais comme un dispositif sur lequel des programmes étaient préenregistrés et d’autres pouvaient être installés ultérieurement. Elle aurait également été commercialisée comme un dispositif multimédia de stockage et de lecture.

46      En quatrième lieu, la requérante fait valoir que les termes « supports audio et/ou d’images (non en papier) » ont également leur signification ordinaire. L’interprétation de la deuxième chambre de recours serait indûment restrictive et contraire à la réalité du marché des lecteurs de musique électroniques. Elle affirme que ces termes sont neutres sur le plan fonctionnel et qu’ils pourraient donc couvrir des dispositifs tels qu’un système de navigation portable qui dispose d’un écran montrant le terrain et d’un guidage vocal, ou encore un iPad Apple. Une console de jeux serait également un moyen de contenir du son et des images.

47      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

48      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

49      En vertu du droit applicable aux demandes de preuve de l’usage déposées, comme en l’espèce, avant le 1er octobre 2017, c’est-à-dire de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], applicable aux procédures de déchéance en vertu de la règle 40, paragraphe 5, du même règlement (devenue article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625), la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 [devenu article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001].

50      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise pas à évaluer la réussite commerciale, à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 32 et jurisprudence citée].

51      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

52      En outre, l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits et des services visés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché ainsi que l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, point 63 et jurisprudence citée].

53      Enfin, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 15 septembre 2011, centrotherm Clean Solutions/OHMI – Centrotherm Systemtechnik (CENTROTHERM), T‑427/09, EU:T:2011:480, point 30 et jurisprudence citée].

54      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le bien‑fondé des griefs de la requérante.

55      Ainsi que la deuxième chambre de recours l’a constaté à juste titre aux points 42 et 43 de la décision attaquée et qu’il est constant entre les parties, la requérante était tenue de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pour des « supports de données avec programmes enregistrés ; logiciels informatiques ; supports audio et/ou d’images (non en papier) ; bandes et cassettes magnétiques ; bandes audio ; disques compacts audio ; cassettes DAT (bande audionumérique) ; vidéos disques ; bandes vidéo ; pellicules impressionnées ; lithographies » compris dans la classe 9, sur le territoire de l’Union, pendant la période de cinq ans s’étant étendue du 14 octobre 2006 au 13 octobre 2011.

56      La requérante ne conteste pas qu’elle n’a pas démontré l’usage sérieux de la marque contestée pour des « bandes et cassettes magnétiques ; bandes audio ; disques compacts audio ; cassettes DAT (bande audionumérique) ; vidéos disques ; bandes vidéo ; pellicules impressionnées ; lithographies » compris dans la classe 9.

57      Les éléments de preuve sont essentiellement constitués de matériel promotionnel et publicitaire relatif à la console PlayStation Vita (ou PSVita), ainsi que de jeux destinés à être utilisés sur cette console, et de la déclaration écrite du 4 mai 2012, à laquelle étaient joints ces éléments de preuve. Pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut avant tout vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable. Cette déclaration écrite ayant été établie par un directeur de la requérante, elle ne saurait présenter la même valeur probante qu’une déclaration provenant d’une personne tierce ou indépendante de celle-ci. Dès lors, ladite déclaration à elle seule n’est pas suffisante et ne constitue qu’un indice nécessitant d’être corroboré par d’autres éléments probants [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Repsol YPF/EUIPO – Basic (BASIC), T‑609/15, EU:T:2017:640, point 64 et jurisprudence citée].

58      Le grief de la requérante selon lequel la deuxième chambre de recours aurait omis de prendre en considération les éléments de preuve qu’elle avait présentés concernant la définition, dans des dictionnaires en ligne portant sur la terminologie informatique, de la notion de « support de données » ne saurait prospérer. En effet, ainsi que le considère à juste titre l’EUIPO, il est possible de déduire de la définition avancée par la requérante et de celle mentionnée au point 59 de la décision attaquée que l’une et l’autre s’accordent sur le fait que la notion de « support de données » couvre tout dispositif dont la fonction est, en substance, de stocker des données. L’ajout de l’expression « programmes enregistrés » n’a pas d’incidence sur ce constat.

59      Dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans l’examen de la question de savoir si un usage sérieux a été établi pour les produits ou les services pour lesquels la marque contestée a été enregistrée [voir, par analogie, arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 29]. Cela se déduit, en effet, de ce que, selon la jurisprudence, l’usage sérieux doit être conforme à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine d’un produit ou d’un service, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 36). L’importance du critère de finalité est également conforme à la jurisprudence selon laquelle l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir, notamment, la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme étant justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits et des services visés par la marque (voir point 52 ci-dessus).

60      À la lumière de la jurisprudence précitée, la deuxième chambre de recours a valablement pu considérer que la requérante n’avait pas démontré que la commercialisation de la console PlayStation Vita visait à créer ou avait créé une part de marché pour des « supports de données avec programmes enregistrés ». En effet, il ressort des éléments de preuve, comme, par exemple, la brochure de la conférence Gamescom, selon laquelle la console PlayStation Vita est « un puissant système de jeu de nouvelle génération », que c’est l’expérience du jeu qui a fait l’objet d’une promotion et qui incitera le consommateur ou l’utilisateur final à acheter et à associer effectivement la console PlayStation Vita au titulaire de la marque contestée, plutôt que ses capacités de stockage potentielles.

61      Certes, ces consoles de jeux portables intègrent un dispositif de stockage de données. Toutefois, comme l’a considéré à juste titre la deuxième chambre de recours, les capacités de stockage des données sont mentionnées dans les spécifications techniques et ont été décrites comme servant uniquement au stockage du logiciel d’exploitation. Partant, la fonctionnalité de stockage de données a été présentée comme n’étant qu’une composante secondaire de la console PlayStation Vita et elle sera perçue comme telle par le consommateur. Cette fonctionnalité présente un caractère purement accessoire par rapport à la finalité recherchée par le consommateur, à savoir celle de permettre de jouer à des jeux sur un appareil facilement transportable.

62      De la même façon, les preuves d’usage à l’égard d’une console de jeux portable ne sauraient prouver un usage sérieux pour des « supports audio et/ou d’images (non en papier) ». Contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’interprétation de la deuxième chambre de recours n’est pas indûment restrictive ou contraire à la réalité du marché des lecteurs de musique électroniques. Tout d’abord, la requérante n’a pas démontré que la console de jeux en cause avait été commercialisée en tant que lecteur de musique électronique. En outre, ainsi que la deuxième chambre de recours l’a correctement observé au point 63 de la décision attaquée, le fait que la console PlayStation Vita puisse être capable de produire des sons et des images n’en fait pas pour autant un « support audio ou d’images ». Il s’agit là par ailleurs d’une fonctionnalité qui a été présentée comme n’étant qu’une composante secondaire de la console de jeux portable et qui sera perçue comme telle par le consommateur. Cette fonctionnalité présente donc également un caractère purement accessoire par rapport à la finalité du dispositif en cause, à savoir celle de permettre de jouer à des jeux sur un appareil facilement transportable.

63      Il s’ensuit que les arguments de la requérante fondés sur la prétendue multifonctionnalité de la console PlaySation Vita sont également non pertinents, puisque ce dispositif n’est pas un produit fini à usages multiples, comme, par exemple, un radio-réveil. En l’espèce, les fonctionnalités de stockage et de production de sons et d’images ne sont qu’accessoires à la fonction principale, qui est de permettre de jouer à des jeux sur un appareil facilement transportable.

64      La première branche du moyen unique doit donc être écartée comme non fondée.

 Sur la deuxième branche, tirée d’une évaluation erronée des éléments de preuve concernant la durée et le lieu de l’usage de la marque contestée

65      En premier lieu, la requérante affirme que la deuxième chambre de recours avait eu tort de prendre en compte, au point 61 de la décision attaquée, le fait que les éléments de preuve de nature promotionnelle qu’elle avait fournis ne faisaient pas référence à l’expression « supports de données avec programmes enregistrés ». Elle fait valoir que de nombreux produits sont commercialisés sans faire référence aux termes techniques utilisés dans les listes des produits et services.

66      En deuxième lieu, la requérante affirme que la deuxième chambre de recours n’a pas tenu compte d’importants éléments de preuve qu’elle avait produits, qui établissent que la console PlayStation Vita a été commercialisée sur le marché, non pas comme une simple console de jeux, mais également comme un dispositif informatique équipé d’un disque dur, contenant des programmes préenregistrés et offrant la possibilité à l’utilisateur d’installer ultérieurement d’autres programmes ou applications. Elle cite les applications Near, Party, Welcome Park, et t@g, ainsi que les applications Facebook et Twitter, spécialement développées pour être installées sur la console. Le dispositif en cause serait donc un « support de données avec programmes enregistrés ».

67      En troisième lieu, la requérante reproche à la deuxième chambre de recours de ne pas avoir examiné si les éléments de preuve démontraient un usage sérieux de la marque contestée pour les « supports audio et/ou d’images (non en papier) ». Elle affirme qu’il est clair qu’une console de jeux permettant de stocker et de lire des supports audiovisuels relève de cette catégorie de produits. À l’appui de cet argument, elle cite plusieurs références, dans le matériel promotionnel, à la fonctionnalité « multimédia » de la console PlayStation Vita.

68      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

69      Premièrement, l’allégation selon laquelle la deuxième chambre de recours avait eu tort de prendre en compte la manière dont les produits étaient décrits dans le matériel promotionnel et publicitaire ne saurait être accueillie. Il doit être rappelé que, comme cela a déjà été indiqué au point 52 ci-dessus, l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée doit reposer sur la réalité de son exploitation commerciale. En outre, il ressort de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus que l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné.

70      Deuxièmement, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, le fait que le dispositif en cause contienne des applications ou des programmes préenregistrés ne démontre pas que sa finalité principale, ou l’une de ses finalités principales, est celle d’un « support de données avec des programmes enregistrés ». En effet, il ressort des éléments de preuve présentés en l’espèce que les applications mentionnées sont liées à l’utilisation de la console pour jouer à des jeux et facilitent cette utilisation en ce qu’elles permettent aux joueurs de communiquer, fournissent un guide d’utilisation de la console ou encore montrent l’emplacement des autres joueurs. Le caractère accessoire de cette fonctionnalité, par rapport à celle consistant à jouer à des jeux, est démontré, par exemple, par le fait que le matériel promotionnel indique que l’inclusion d’applications telles que Party « révolutionne… le jeu en réseau ».

71      Troisièmement, les arguments de la requérante n’invalident pas l’évaluation des éléments de preuve effectuée par la deuxième chambre de recours. En effet, il ressort des éléments cités dans la requête que la fonctionnalité « multimédia » visait à inciter le consommateur à acheter le dispositif en cause en soulignant que cette fonctionnalité améliorerait l’expérience de jeu, dès lors que « les utilisateurs p[ouvai]ent écouter les morceaux de leur bibliothèque de musique tout en jouant à des jeux ». En outre, si les fonctionnalités « musique », « vidéo » et « photo » ont été décrites dans le matériel publicitaire afin de promouvoir la vente de la console, cela ne démontre pas que la marque contestée a été utilisée aux fins d’obtenir des parts de marché pour les « supports de données avec programmes enregistrés » ou les « supports audio et/ou d’images ». Tout comme il a déjà été constaté, aux points 61 et 62 ci-dessus, s’agissant des capacités de stockage et de production de sons et images de la console PlayStation Vita, la fonctionnalité « multimédia » présente un caractère purement accessoire par rapport à la finalité du dispositif en cause, à savoir celle de permettre de jouer à des jeux sur un appareil facilement transportable.

72      La deuxième branche du moyen unique doit donc être écartée comme non fondée.

 Sur la troisième branche, relative à l’évaluation des éléments de preuve concernant les jeux portant l’indicationPSVita

73      La requérante soutient que la deuxième chambre de recours n’a pas tenu compte des éléments de preuve qu’elle a présentés démontrant l’usage sérieux de la marque contestée en relation avec les « logiciels informatiques ».

74      La deuxième chambre de recours aurait erronément omis de prendre en considération le fait qu’un jeu destiné à une console de jeux portait normalement une indication suivant laquelle il était compatible avec un dispositif particulier, en l’occurrence la marque PSVita sur un jeu compatible avec la console PlayStation Vita. Cette indication de compatibilité constituerait l’usage de la marque contestée sous licence avec le consentement du titulaire. La requérante ajoute que le consommateur considère cette indication comme une caractéristique importante de ces jeux, de sorte que cela doit être considéré comme un usage en rapport avec ce produit. Il s’agirait d’une forme de co‑marquage avec les autres marques apparaissant sur ces logiciels.

75      Ainsi, la deuxième chambre de recours aurait omis de prendre en compte le fait que la déclaration écrite du 4 mai 2012 établissait un usage sérieux de la marque contestée pour ces jeux, et donc pour des « logiciels informatiques » tels que Twisted Metal, Resistance 3, Uncharted 3, Tekken, et God of War. Selon la requérante, chaque jeu proposé à la vente informe le consommateur qu’il s’agit d’un jeu PSVita et qu’il est compatible avec ladite console. En outre, tant la console que les jeux destinés à celle-ci contiendraient un logiciel de cryptage permettant la lecture des seconds sur la première. Par ailleurs, ainsi qu’il ressortirait des éléments de preuve consistant en des photographies de boîtiers de jeux, la marque contestée est apposée sur les boîtiers dans lesquels ces jeux sont vendus.

76      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

77      Selon la requérante, les jeux destinés à être utilisés sur la console PlayStation Vita sont des « logiciels informatiques ». Pour démontrer l’usage sérieux de la marque pour cette catégorie de produits, la requérante fait valoir qu’il ressort des éléments de preuve, notamment de la brochure de la conférence Gamescom, que la marque PSVita apparaît sur lesdits jeux. Elle s’appuie également sur la déclaration écrite du 4 mai 2012 et sur la présence de cette marque sur les photographies de boîtiers de jeux.

78      Toutefois, comme l’a constaté à juste titre la deuxième chambre de recours au point 81 de la décision attaquée, la brochure de la conférence Gamescom ne prouve pas l’usage sérieux de la marque contestée pour des jeux destinés à être utilisés sur la console PlayStation Vita. Cette brochure contient uniquement des informations sur ces jeux et indique que leur format est celui de la console PlayStation Vita. Ces jeux sont distingués et désignés par leur propre marque verbale et figurative. La brochure proprement dite ne contient aucune indication concernant l’usage de la marque contestée en tant que marque pour ces jeux. L’indication du format PlayStation Vita ainsi que l’inclusion de la marque PSVita au bas des pages portant description de ces produits ne peuvent être comprises que comme faisant référence à la console de jeux sur laquelle il est possible de jouer à ces jeux, de la même manière que d’autres jeux sont décrits sur d’autres pages de la brochure avec l’indication qu’ils ont le format PS 3, ou bien le format PSP, signifiant que l’on peut y jouer sur la console de jeux portant ce nom.

79      Contrairement à ce qu’affirme la requérante, la deuxième chambre de recours n’a pas erronément omis de prendre en considération le fait qu’un jeu informatique portait normalement une marque indiquant qu’il était compatible avec un dispositif particulier. Non seulement cet élément a été pris en compte, mais il a influencé, à juste titre, l’évaluation de la deuxième chambre de recours selon laquelle les éléments de preuve présentés en l’espèce démontraient que cette indication de compatibilité ne correspondait pas à un usage de la marque contestée conformément à la fonction essentielle de celle-ci, qui était de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle avait été enregistrée.

80      La requérante ne conteste pas que les photographies de boîtiers de jeux ne sont pas datées et ne contiennent donc aucune information concernant la durée, le lieu et l’importance de l’usage.

81      Certes, dans la déclaration écrite du 4 mai 2012, il est affirmé qu’il a été fait usage de la marque contestée en rapport non seulement avec la console PlayStation Vita, mais aussi avec des jeux. Toutefois, ainsi que le souligne à juste titre l’EUIPO, dans cette déclaration, aucune précision n’est donnée, notamment, sur l’importance du prétendu usage qui a été fait de la marque contestée par rapport à ces logiciels. En outre et surtout, dans aucun des éléments de preuve joints à cette déclaration, qui émane d’un directeur de la requérante et n’est donc pas suffisante à elle seule (voir point 57 ci-dessus), la marque contestée n’apparaît comme étant utilisée en rapport direct avec lesdits produits. En effet, dans ces éléments de preuve, les logiciels de jeux en cause sont seulement présentés comme étant adaptés à la console PlayStation Vita. Or, il ne saurait être conclu que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux pour lesdits logiciels de jeux du simple fait que ceux-ci ont été commercialisés comme étant compatibles avec cette console.

82      La troisième branche du moyen unique doit donc être écartée comme non fondée.

 Sur la quatrième branche, relative à l’évaluation des éléments de preuve concernant le jeu Aqua Vita

83      La requérante, en se fondant sur les ventes du jeu Aqua Vita, reproche à la deuxième chambre de recours d’avoir conclu à tort au caractère insuffisant des preuves d’un usage sérieux de la marque contestée pour les « logiciels informatiques ». Les chiffres des ventes relatifs à ce jeu, fournis sous la forme d’une déclaration de témoin, attesteraient du nombre d’unités de ce produit vendues dans l’Union et constitueraient une preuve suffisante de l’usage de la marque contestée pour les « logiciels informatiques » pendant la période pertinente.

84      La requérante affirme qu’elle n’a pas pu fournir d’éléments de preuve à l’appui de ce témoignage, dès lors que les chiffres des ventes de ce jeu ne donnent pas lieu à des factures sur papier traditionnelles. L’acheteur téléchargerait le logiciel sur le site Internet de la requérante et effectuerait le paiement grâce à un compte client spécifiquement créé à cet effet. Des confirmations d’achat seraient ensuite envoyées par courrier électronique aux acheteurs, mais elles ne seraient pas archivées.

85      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

86      La décision de la deuxième chambre recours repose essentiellement sur la considération selon laquelle la requérante n’a pas démontré l’importance de l’usage qui a été fait de la marque Aqua Vita pendant la période pertinente. Il convient donc d’examiner la validité de cette considération à la lumière des arguments soulevés par la requérante.

87      Contrairement à ce que prétend la requérante, les chiffres des ventes pour le jeu Aqua Vita n’ont pas été fournis « sous la forme d’une déclaration de témoin ». C’est, en effet, dans le corps même des observations présentées par le représentant de la requérante, le 24 avril 2013, et non dans une déclaration faisant partie des « déclarations écrites faites sous serment ou solennellement ou qui ont un effet équivalent d’après la législation de l’État dans lequel elles sont faites » au sens de l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, que figurent ces chiffres des ventes. En tant que tels, ils nécessitent d’être corroborés par d’autres éléments probants au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus.

88      Ainsi que le souligne à juste titre la deuxième chambre de recours au point 90 de la décision attaquée, lesdits chiffres des ventes ne sont corroborés par aucun autre élément probant. S’il est vrai que la requérante a fourni, le 29 octobre 2014, deux courriers électroniques montrant deux cas de ventes effectives du jeu Aqua Vita, cela ne saurait constituer une preuve de l’usage sérieux, étant donné que l’importance de ces ventes est insignifiante. L’affirmation de la requérante selon laquelle les ventes en cause ne donnent pas lieu à l’établissement d’une facture sur papier traditionnelle et, partant, il est difficile d’obtenir une preuve pertinente pour corroborer les chiffres des ventes n’est guère convaincante. En effet, comme l’a observé la deuxième chambre de recours au point 92 de la décision attaquée, la requérante aurait pu apporter d’autres preuves pertinentes, telles que des rapports annuels ou des comptes certifiés.

89      Partant, c’est à juste titre que la deuxième chambre de recours a conclu que les éléments de preuve relatifs au jeu Aqua Vita que la requérante avait présentés ne suffisaient pas à démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pour les « logiciels informatiques ».

90      La quatrième branche du moyen unique doit donc être écartée comme non fondée. Il s’ensuit que le recours dans son intégralité doit être rejeté.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sony Interactive Entertainment Europe Ltd est condamnée aux dépens.

Collins

Csehi

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.