Language of document : ECLI:EU:T:2013:342

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 juillet 2013(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative LIBERTE american blend – Marque communautaire verbale antérieure La LIBERTAD – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑206/12,

GRE Grand River Enterprises Deutschland GmbH, établie à Kloster Lehnin (Allemagne), représentée par Mes I. Memmler et S. Schulz, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Villiger Söhne GmbH, établie à Waldshut‑Tiengen (Allemagne), représentée par Mes B. Pikolin et H. McKenzie, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 1er mars 2012 (affaire R 411/2011‑1), relative à une procédure d’opposition entre Villiger Söhne GmbH et GRE Grand River Enterprises Deutschland GmbH,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mai 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 12 septembre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 17 septembre 2012,

vu l’ordonnance du 19 mars 2013 portant jonction des affaires T‑205/12 et T‑206/12 aux fins de la procédure orale,

à la suite de l’audience du 9 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 décembre 2008, la requérante, GRE Grand River Enterprises Deutschland GmbH, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif reproduit ci‑après :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandée relèvent de la classe 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Tabac brut, tabac et produits de tabac traités, compris dans la classe 34, en particulier, cigares, cigarettes, cigarillos, tabac fine mouture, tabac à pipe, tabac à mâcher, tabac à priser, succédanés du tabac (non à usage médical) ; articles pour fumeurs, en particulier boîtes à tabac, étuis de cigarettes, fume‑cigarettes, cendriers (tous les produits précités non en métaux précieux ou en plaqué), papier à cigarettes, douilles à cigarettes, filtres pour cigarettes, pipes, appareils de poche pour rouler des cigarettes, briquets, compris dans la classe 34 ; allumettes. »

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 7/2009, du 20 février 2009.

5        Le 7 mai 2009, l’intervenante, Villiger Söhne GmbH, a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009 à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque communautaire verbale La LIBERTAD n° 1 456 664, enregistrée le 9 avril 2001, désignant les produits relevant, notamment, de la classe 34 et correspondant à la description suivante : « Produits du tabac ; papier à cigarettes, tubes de cigarettes avec ou sans filtre, filtres à cigarettes ; articles pour fumeurs, à savoir cendriers (non en métaux précieux, ni en leurs alliages ni en plaqué), briquets, machines à rouler et tasser les cigarettes ; allumettes ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

8        La requérante a demandé à l’intervenante de produire la preuve de l’usage de la marque antérieure sur laquelle l’opposition a été fondée à l’égard de tous les produits à l’exception des cigares. L’intervenante a produit des documents en vue d’établir l’usage de la marque antérieure.

9        Le 5 janvier 2011, la division d’opposition de l’OHMI a fait droit à l’opposition dans son entièreté.

10      Le 15 février 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 1er mars 2012 (ci‑après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Pour des raisons d’économie de procédure, elle a examiné l’opposition fondée sur la marque communautaire verbale antérieure. Elle a également apprécié l’existence du risque de confusion entre les produits couverts par la marque demandée et les cigares couverts par la marque antérieure, produits pour lesquels la requérante n’a pas exigé une preuve de l’usage. La chambre de recours a considéré, en substance, qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause. Plus particulièrement, elle a considéré que les produits couverts par les marques en cause étaient en partie identiques, en partie hautement similaires et en partie similaires. S’agissant des signes en conflit, elle a estimé que les éléments verbaux « liberté » et « libertad » constituaient les éléments les plus distinctifs et les plus fortement dominants. Les signes présentaient, dès lors, un degré de similitude moyen sur le plan visuel et un degré élevé sur le plan phonétique. Il existait également, pour une partie du public pouvant comprendre leur signification, une identité conceptuelle des signes. Étant donné le mode de commercialisation des produits couverts par les marques, la similitude visuelle aussi bien que phonétique des signes était importante pour affirmer l’existence d’un risque de confusion.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

16      La requérante fait valoir, en substance, qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit. Elle conteste, en particulier, l’appréciation de la chambre de recours relative à la comparaison des produits, à la similitude des signes ainsi que du caractère distinctif de la marque antérieure.

17      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

20      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

21      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

22      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent recours.

23      S’agissant du public pertinent, celui‑ci, comme l’a constaté la chambre de recours, aux points 19 et 20 de la décision attaquée, est constitué par les consommateurs de tabac, des produits de tabac ainsi que des produits relevant de la classe 34 s’y rapportant de l’Union européenne. Ainsi que l’a considéré, à juste titre, la chambre de recours, ces consommateurs ont un degré élevé d’attention en raison de leur fidélité élevée à la marque. Cette constatation est également soutenue par la requérante.

 Sur la comparaison des produits

24      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

25      En l’espèce, pour des raisons d’économie de procédure, la chambre de recours a d’abord comparé les cigares relevant de la classe 34 couverts par la marque antérieure, produits pour lesquels la requérante n’a pas demandé la preuve de l’usage, avec les produits couverts par la marque demandée. Elle a constaté que ces produits étaient en partie identiques, en partie hautement similaires et en partie similaires.

26      La requérante conteste ces conclusions de la chambre de recours. Selon elle, le degré de similitude des produits aurait été surestimé. Les produits couverts par la marque demandée ne seraient que similaires, voire faiblement analogues aux cigares couverts par la marque antérieure. Ainsi, la similitude entre les cigares et les cigarettes couvertes par la marque demandée ne serait que faible parce que les fumeurs de cigares ne fumeraient pas de cigarettes et inversement. De même, seule une faible similitude existerait entre les cigares et le « tabac fine mouture, tabac à pipe, tabac à mâcher, tabac à priser, succédanés du tabac (non à usage médical) », car les fumeurs ne formeraient pas un groupe homogène et distingueraient très précisément les différentes formes de présentation du tabac. Enfin, il existerait également une similitude faible entre les cigares et les différents articles pour fumeurs, étant donné que le consommateur averti ne s’attendrait pas à ce qu’un fabricant produise également des boîtes à tabac et autres accessoires.

27      À cet égard il y a lieu de préciser, à l’instar de l’OHMI, que les produits à comparer sont, d’une part, les cigares couverts par la marque antérieure et, d’autre part, le tabac brut, le tabac et les produits de tabac traités compris dans la classe 34, les articles pour fumeurs compris dans la classe 34 et les allumettes couverts par la marque demandée. S’agissant des autres produits qui figurent dans la liste des produits couverts par la marque demandée tels que les cigarettes ou les différents types du tabac traité ainsi que les boîtes à tabac, il doit être considéré que, en raison de l’utilisation du terme « en particulier » pour la désignation desdits produits, ceux‑ci y figurent uniquement à titre d’exemple des produits relevant des catégories « produits de tabac traités, compris dans la classe 34 » et « accessoires pour fumeurs compris dans la classe 34 » [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 45]. En conséquence, il n’y a pas lieu d’examiner le degré de similitude concrète des cigares avec ces exemples de produits, mais avec la catégorie des produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé.

28      Les cigares, comme l’a constaté la chambre de recours, se composent de feuilles de tabac roulées qui sont consommées en étant fumées et entrent dans les produits « tabac et produits de tabac traités compris dans la classe 34 » couverts par la marque demandée. Il y a donc une identité entre ces produits.

29      Quant au tabac brut, il s’agit de feuilles non traitées de tabac, utilisées, notamment, pour la fabrication de cigares. Il s’agit d’un composant indispensable de leur fabrication. En raison d’un lien étroit entre ces produits, il y a une similitude élevée entre eux.

30      Enfin, les articles pour fumeurs comprennent également les accessoires spécifiques pour les fumeurs de cigares tels que les coupe‑cigares, les cendriers ou les étuis. Ces produits et les cigares sont donc complémentaires. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a constaté une similitude entre les articles pour fumeurs et les cigares.

31      Il s’ensuit de ce qui précède qu’il y a lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits couverts par la marque demandée et les cigares couverts par la marque antérieure sont en partie identiques, en partie hautement similaires et en partie similaires. Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans son appréciation.

 Sur la comparaison des signes

32      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

33      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

34      À l’instar de la chambre de recours, il convient de comparer, en l’espèce, le signe demandé avec le signe verbal antérieur. Le signe demandé est constitué d’un rectangle rouge, au milieu duquel est placé l’élément verbal « liberté » écrit en caractères majuscules bleu clair. En caractères nettement plus petits, en dessous de cet élément, se trouvent l’élément verbal « american blend » ainsi qu’un élément figuratif composé d’une série de cinq rectangles de tailles différentes de couleurs bleue, rouge et blanche.

35      Le signe antérieur, quant à lui, est constitué de l’élément verbal « la libertad ».

36      La chambre de recours a estimé, au point 32 de la décision attaquée, que les éléments figuratifs contenus dans le signe demandé avaient un caractère distinctif faible et seraient considérés par les consommateurs plutôt comme une décoration. De même, de l’avis de la chambre de recours, les éléments verbaux « american blend » et « la » sont d’une importance secondaire. Ainsi, les termes « liberté » et « libertad » constituent les éléments les plus distinctifs et les plus fortement dominants dans les deux signes. Selon la chambre de recours, chacun de ces éléments est à lui seul de nature à marquer l’image d’ensemble du signe.

37      Le Tribunal estime que les éléments figuratifs contenus dans le signe demandé sont d’une importance secondaire et n’ont qu’un caractère distinctif faible. S’agissant des éléments verbaux, les termes « liberté » et « libertad » sont manifestement plus dominants que les éléments additionnels, à savoir, respectivement, « american blend » et « la ». De même, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les termes « american blend » désignent un type de tabac, à savoir un mélange américain de tabacs, et, par conséquent, sont descriptifs pour les produits visés. Quant à « la », il s’agit d’un article dans les langues d’origine latine. C’est donc à juste titre qu’en l’espèce la chambre de recours a considéré que les éléments verbaux principaux étaient de nature à dominer l’impression globale des signes.

38      Sur le plan visuel, la chambre de recours a estimé, au point 39 de la décision attaquée, que les signes présentaient un degré de similitude moyen. Les éléments verbaux dominants coïncident par leurs six premières lettres. Quant aux autres éléments, à savoir les éléments figuratifs et les éléments verbaux secondaires, respectivement « american blend » et « la », ils ne jouent pas un rôle déterminant dans la comparaison visuelle.

39      La requérante estime que les signes sont dissemblables en raison des différences de leurs éléments verbaux, l’élément « american blend » ne figurant pas dans le signe antérieur.

40      Ainsi qu’il a été constaté au point 37 ci‑dessus, le signe demandé est dominé par l’élément verbal « liberté ». Par conséquent, aux yeux du consommateur pertinent, même ayant un degré d’attention élevé, les éléments figuratifs vont apparaître clairement comme étant décoratifs et non susceptibles d’être mémorisés. Il s’ensuit que les éléments figuratifs et verbaux différents ne sont pas en mesure de contrebalancer la similitude visuelle des signes induite par la quasi-identité des éléments dominants « liberté » et « libertad ». C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré les signes comme étant visuellement similaires.

41      Sur le plan phonétique, les signes ont été considérés comme présentant une similitude élevée par la chambre de recours. Au point 41 de la décision attaquée, elle a fait valoir que les deux termes dominants différaient uniquement par leurs dernières lettres et que le consommateur ne prononcerait vraisemblablement pas les éléments secondaires des deux marques, à savoir « american blend » et « la ».

42      La requérante fait valoir que, sur le plan phonétique, il n’existe qu’une faible similitude des signes, car les deux signes seront prononcés dans leur totalité.

43      À cet égard, il convient de rappeler que seuls les éléments verbaux des signes sont susceptibles d’être prononcés. Ainsi, les éléments pouvant être prononcés dans le signe demandé sont « liberté american blend » alors que, dans le signe antérieur, il s’agit de « la libertad ». Toutefois, ainsi que l’a considéré la chambre de recours, les termes « american blend » désignent un type de tabac et, de ce fait, ont un caractère distinctif faible pour les produits visés. En conséquence, il peut ne pas être prononcé. Quant à l’article « la », il se peut qu’une partie du public pertinent ne le prononce pas. Enfin, il ne peut pas être exclu que les consommateurs maîtrisant les langues d’origine latine, s’adressant, dans une de ces langues, oralement à un vendeur, ajoutent également un article, comme « la », lors de la prononciation du signe demandé.

44      De surcroît, le Tribunal a déjà jugé qu’il était probable que, lors d’une conversation entre le consommateur et un vendeur des produits en cause ou dans le cas où un autre consommateur recommande un de ces produits, l’ensemble des signes en conflit, le plus souvent, ne sera pas prononcé, mais seule la partie dominante le sera [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 novembre 2011, SE-Blusen Stenau/OHMI – Sport Eybl & Sports Experts (SE© SPORTS EQUIPMENT), T‑477/10, non publié au Recueil, point 55].

45      Les signes présentent donc un niveau élevé de similitude phonétique en raison de la présence identique des six lettres composant leur élément dominant « libert ».

46      Sur le plan conceptuel, selon la chambre de recours, les termes « liberté » et « libertad » présentent une identité conceptuelle pour une partie des consommateurs susceptibles de comprendre ces termes dans le sens de liberté.

47      La requérante estime qu’il existe, tout au plus, une certaine similitude conceptuelle des signes. Elle rappelle que, conformément à la pratique décisionnelle de l’OHMI, la similitude conceptuelle de deux mots dans des langues différentes n’est pas suffisante pour créer un risque de confusion. Par ailleurs, le consommateur des produits du tabac n’aurait pas tendance à traduire les marques désignant ces produits.

48      Il y a lieu de considérer que les deux éléments dominants ont la même signification, respectivement en français et en espagnol, à savoir la « liberté ». Il est certes vrai, comme l’affirme la requérante, que le consommateur pertinent n’a pas tendance à traduire les marques. Toutefois, pour les consommateurs ayant au moins des connaissances de base, à la fois du français et de l’espagnol, une forte similitude conceptuelle existera, étant donné la signification identique des termes « liberté » et « libertad ». Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’identité de signification sera en tout cas facilement décelable par une partie substantielle du public pertinent, eu égard à l’existence de termes fort similaires et possédant aussi la même signification dans les autres langues d’origine latine. S’agissant des éléments secondaires « american blend » et « la », il convient de noter, comme il a été déjà constaté, que le premier n’a qu’un caractère distinctif faible tandis que le second est un article féminin en espagnol ainsi que dans d’autres langues d’origine latine et, de ce fait, n’est pas en mesure d’avoir un quelconque impact sur le message conceptuel du signe antérieur. Par ailleurs, il y a lieu d’observer également que « la » est l’article qui accompagne normalement le terme « liberté » en français ainsi qu’en espagnol.

49      À l’appui de son argumentation, la requérante invoque l’arrêt du Tribunal du 9 mars 2005, Osotspa/OHMI – Distribution & Marketing (Hai) (T‑33/03, Rec. p. II‑763), dans lequel il aurait été considéré que les signes « shark » et « hai » n’étaient pas identiques sur le plan conceptuel, mais étaient seulement similaires et qu’il était également nécessaire de disposer d’une traduction afin d’établir une telle similitude. Elle ajoute que, dans cette affaire, le Tribunal a conclu à l’absence de risque de confusion malgré une signification identique.

50      Au point 51 de l’arrêt Hai, précité, il a été effectivement considéré qu’il existait une similitude conceptuelle des signes comportant les éléments verbaux « shark » et « hai », signifiant requin respectivement en anglais, et en allemand ainsi qu’en finnois, qui, toutefois, nécessitait une traduction préalable. Cependant, aucun risque de confusion n’a été constaté entre les marques en question. À cet égard, il convient de relever que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hai, précité, l’absence de risque de confusion entre les marques a été constatée, car les signes étaient manifestement différents sur les plans visuel et phonétique et présentaient uniquement une similitude conceptuelle subordonnée à une traduction préalable des termes. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Les éléments dominants « liberté » et « libertad » sont très similaires visuellement et phonétiquement. Par ailleurs, ainsi qu’il a été constaté au point 39 de la décision attaquée, l’identité conceptuelle des signes n’existe que pour la partie du public comprenant leur signification. Il s’ensuit que la chambre de recours, en l’espèce, ne s’est pas écartée de la solution retenue dans l’arrêt Hai, précité.

51      En outre, comme l’a constaté la chambre de recours, au point 44 de la décision attaquée, en raison du mode de commercialisation des produits visés, c’est la similitude des signes sur les plans visuel et phonétique qui revêt une importance primordiale dans l’appréciation du risque de confusion.

52      Il s’ensuit qu’une identité des signes sur le plan conceptuel existe pour une partie du public pertinent.

 Sur le risque de confusion

53      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

54      Au point 46 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause.

55      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des considérations ci‑dessus (voir points 27 à 31 ci‑dessus), les produits couverts par les deux marques sont en partie identiques, en partie hautement similaires et en partie similaires. Les signes présentent une similitude sur le plan visuel, une similitude élevée sur le plan phonétique ainsi qu’une identité conceptuelle pour les consommateurs comprenant la signification de leurs éléments verbaux. Par conséquent, il existe un risque de confusion entre les marques en conflit, même pour les produits uniquement similaires et malgré l’attention élevée du consommateur. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion.

56      La requérante soutient que le terme « libertad » n’a qu’un caractère distinctif faible pour les produits en cause. En particulier, elle fait valoir que le caractère distinctif de la marque antérieure est affaibli par l’existence d’autres marques, enregistrées par des tiers pour des produits relevant de la classe 34 et contenant également l’élément verbal « libert » ou « liber ». De surcroît, le terme « libertad » ferait partie du vocabulaire courant en espagnol susceptible d’être facilement reconnu.

57      À cet égard, il y a lieu de relever que l’existence, en soi, d’autres marques supposées analogues à la marque antérieure ne saurait prouver un caractère distinctif faible de celle‑ci. Ainsi que l’a fait valoir l’OHMI, l’existence de la marque dans le registre des marques communautaires ne démontre rien quant à sa présence sur le marché, une condition indispensable afin d’apprécier le caractère distinctif de cette marque.

58      S’agissant de l’argument tiré du fait que le terme « libertad » ferait partie du vocabulaire élémentaire en espagnol et de ce fait présente un caractère distinctif faible, il y a lieu de constater que le caractère distinctif faible d’une marque doit être apprécié par rapport aux produits couverts par cette marque. En l’espèce, le terme « liberté » n’est pas descriptif pour les produits en cause et n’a pas de lien direct avec ceux‑ci, comme l’a également constaté la chambre de recours, au point 28 de la décision attaquée. Il s’ensuit que cet argument n’est pas fondé.

59      En tout état de cause, la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion en l’espèce. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits [voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 70, et la jurisprudence citée].

60      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      GRE Grand River Enterprises Deutschland GmbH est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.