Language of document : ECLI:EU:T:2010:424

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

5 octobre 2010 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale STRATEGI – Marque nationale verbale antérieure Stratégies – Motif relatif de refus – Preuve de l’usage de la marque antérieure – Article 43, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 42, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 207/2009] et règle 22 du règlement (CE) n° 2868/95 »

Dans l’affaire T‑92/09,

Strategi Group Ltd, établie à Manchester (Royaume-Uni), représentée par M. N. Saunders, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Reed Business Information (RBI), établie à Issy-les-Moulineaux (France), représentée par Me A. Messas, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 18 décembre 2008 (affaire R 1581/2007‑2), relative à une procédure d’opposition entre Reed Business Information (RBI) et Strategi Group Ltd,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. K. O’Higgins, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mars 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 14 juillet 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 4 juillet 2009,

à la suite de l’audience du 28 avril 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 18 juin 2004, la requérante, Strategi Group Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal STRATEGI.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Recrutement de personnel ; services d’information, d’assistance et de conseil relatifs aux services précités ».

4        La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 17/2005, du 25 avril 2005.

5        Le 22 juillet 2005, l’intervenante, Reed Business Information (RBI), a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque verbale française Stratégies, déposée et enregistrée le 6 juin 1983 sous le numéro 1240001, pour des produits et des services relevant des classes 9, 16, 28, 35, 41 et 42. L’opposition était fondée sur une partie des services couverts par la marque antérieure, à savoir l’« aide aux entreprises industrielles ou commerciales dans la conduite de leurs affaires », les « conseils, information ou renseignement d’affaires », ainsi que l’« organisation d’expositions et autres manifestations », relevant des classes 35 et 41.

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 3 mars 2006, la requérante a demandé la preuve de l’usage de la marque antérieure sur laquelle l’opposition a été fondée. Le 18 avril 2006, l’intervenante a produit divers documents afin de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure en France, à savoir des extraits de 23 numéros du magazine Stratégies, datés de février 1998 à janvier 2006, des extraits du site Internet Stratégies, le programme d’une conférence intitulée « Les journées du management » ayant eu lieu les 13 et 14 décembre 2005, des copies des deux catalogues des formations « Communication et Marketing », organisées de septembre 2005 à septembre 2006 et de juin 2004 à juillet 2005, des procès-verbaux de l’Association pour le contrôle de la diffusion des médias (OJD) concernant les années 1999 à 2005, une affiche « 30 ans de communication », reproduisant les couvertures du magazine Stratégies de 1971 à 2001.

9        Le 7 août 2007, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif que les pièces produites par l’intervenante ne permettaient pas de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure.

10      Le 4 octobre 2007, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 18 décembre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition et a renvoyé l’affaire devant la division d’opposition pour suite à donner. Elle a considéré que l’appréciation des preuves par la division d’opposition était entachée d’erreurs de droit et d’irrégularités de procédure qui justifiaient l’annulation de la décision de la division d’opposition. En substance, la chambre de recours a constaté, contrairement à la division d’opposition, que les éléments de preuve apportés par l’intervenante, à savoir les extraits du magazine Stratégies, ceux du site Internet Stratégies et l’affiche « 30 ans de communication » reproduisant les couvertures du magazine Stratégies de 1971 à 2001, étaient datés. Elle a également précisé que rien ne s’opposait, en principe, à ce que le titre d’un magazine puisse être protégé en tant que marque pour des services offerts à travers des publications si la teneur de ces dernières confirmait l’usage sérieux du signe pour les services concernés. Enfin, concernant l’organisation d’expositions et d’autres manifestations, relevant de la classe 41, la chambre de recours a estimé que la division d’opposition n’aurait pas dû écarter les catalogues produits par l’intervenante afin d’apprécier l’importance et la nature de l’usage.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par l’OHMI.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, par la décision attaquée, la chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition au motif que c’était sur la base d’un examen partiel et erroné des pièces du dossier que celle-ci avait conclu que l’intervenante n’avait pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

16      En vertu de l’article 62, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 64, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 207/2009), la chambre de recours peut, en statuant sur un recours, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision qui est contestée devant elle, soit renvoyer l’affaire à ladite instance pour suite à donner. Si la chambre de recours renvoie l’affaire pour suite à donner à l’instance qui a pris la décision qui est contestée devant elle, cette instance est liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours pour autant que les faits de la cause sont les mêmes.

17      Il y a lieu de constater que, dans la présente affaire, la chambre de recours n’a cherché ni à établir l’usage de la marque antérieure ni à fixer un cadre d’appréciation contraignant à cet égard. À la suite de la décision de la chambre de recours, il appartiendra à la division d’opposition d’examiner la pertinence des preuves présentées par l’intervenante.

18      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009) et, le second, de la violation de la règle 22 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

19      La requérante fait valoir, en premier lieu, que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant, dans les circonstances de la présente affaire, que l’usage d’une marque en tant que titre d’un magazine était susceptible de constituer l’usage de cette marque pour les services offerts dans cette publication. Cette conclusion serait contraire à l’arrêt de la Cour du 11 septembre 2007, Céline (C‑17/06, Rec. p. I‑7041, point 21). En se fondant sur l’arrêt de la Cour du 15 janvier 2009, Silberquelle (C‑495/07, Rec. p. I‑137, point 22), elle conteste également que l’apposition d’une marque sur des objets offerts gratuitement puisse constituer un usage sérieux d’une marque. Selon la requérante, la chambre de recours n’a pas non plus indiqué quelles exigences de preuve étaient appropriées pour établir l’usage sérieux de la marque antérieure dans de telles circonstances, ni tenu compte des preuves présentées sur la base des principes pertinents. Lors de l’audience, la requérante a essentiellement reproché à la chambre de recours d’avoir donné des indications précises à la division d’opposition quant à l’appréciation des preuves sans les avoir examinées en détail. Elle soutient, en second lieu, que la chambre de recours a considéré à tort que le catalogue de formations « Communication et Marketing » organisées de juin 2004 à juillet 2005 suffisait pour établir l’usage de la marque antérieure en ce qui concerne les services « Organisation d’expositions et d’autres manifestations ».

20      L’OHMI et l’intervenante contestent les affirmations de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

21      Il résulte du neuvième considérant du règlement n° 40/94 (devenu considérant 10 du règlement n° 207/2009) que le législateur a considéré que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci était effectivement utilisée. En conformité avec ce considérant, l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 (l’article 43, paragraphe 3, étant devenu l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009) prévoit que le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque ayant fait l’objet d’une opposition [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec. p. II‑5233, point 34 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée].

22      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir arrêt LA MER, précité, point 54, et la jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, précité, point 37).

23      À cet égard, la Cour a précisé, s’agissant de l’article 5, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), qu’une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne n’a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services. En effet, une dénomination sociale a pour objet d’identifier une société, tandis qu’un nom commercial ou une enseigne a pour objet de signaler un fonds de commerce. Dès lors, lorsque l’usage d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’une enseigne se limite à identifier une société ou à signaler un fonds de commerce, il ne saurait être considéré comme étant fait « pour des produits ou des services » (arrêt Céline, précité, point 21).

24      En revanche, il y a usage « pour des produits » lorsqu’un tiers appose le signe constituant sa dénomination sociale, son nom commercial ou son enseigne sur les produits qu’il commercialise. En outre, même en l’absence d’apposition, il y a usage « pour des produits ou des services » au sens de ladite disposition lorsque le tiers utilise ledit signe de telle façon qu’il s’établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l’enseigne du tiers et les produits commercialisés ou les services fournis par le tiers (arrêt Céline, précité, points 22 et 23).

25      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI ? Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, précité, point 43].

26      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du Tribunal VITAFRUIT, précité, point 41, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 35].

27      Pour examiner le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié au Recueil, point 32]. L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du Tribunal du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 28, et LA MER, précité, point 59].

28      Le chiffre d’affaires réalisé, ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque, ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (arrêts VITAFRUIT, précité, point 42, et HIPOVITON, précité, point 36). Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’OHMI ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (arrêt de la Cour du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec. p. I‑4237, point 72).

29      C’est à la lumière de toutes ces considérations qu’il convient d’examiner le présent recours.

30      En premier lieu, la requérante fait valoir, en substance, que le titre d’un magazine ne saurait constituer l’usage d’une marque antérieure.

31      S’agissant, premièrement, de son argument tiré de l’arrêt Céline, précité, il convient de relever que, ainsi que l’OHMI et l’intervenante le font remarquer, la requérante n’a pas établi qu’elle pouvait se prévaloir d’une application de cette jurisprudence. Le cas examiné par la Cour diffère du cas d’espèce, d’une part, parce qu’un titre de magazine ne saurait, d’une façon générale, être assimilé à une enseigne ou à une dénomination sociale et, d’autre part, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Céline, précité, dans le cas d’espèce, il ne s’agit pas uniquement d’un usage en tant que titre de magazine (un usage « en soi » au sens de l’arrêt Céline, précité, point 21), mais d’un usage destiné à distinguer le contenu de celui-ci.

32      L’appréciation de la chambre de recours, au point 33 de la décision attaquée, selon laquelle l’apposition d’une marque sur un magazine, un périodique, une revue, un journal ou un catalogue est en principe susceptible de constituer un « usage valable du signe », en tant que marque, pour les produits et les services désignés par cette marque, si la teneur de ces publications confirme l’usage du signe pour les produits et les services couverts par la marque antérieure, respecte les conditions posées par la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus. En effet, ce faisant, la chambre de recours a bien pris en compte que, afin d’apprécier le caractère sérieux de l’usage de la marque, il y a lieu d’examiner l’ensemble des faits propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des services.

33      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’il ne pouvait pas être exclu que des services, comme ceux couverts par la marque antérieure, puissent être fournis à travers des publications dans un magazine ou un périodique en l’absence de « lien bilatéral et direct » entre le titulaire de la marque et le bénéficiaire des services. Elle n’a cependant en aucun cas indiqué que tel serait le cas dans la présente affaire.

34      C’est à la division d’opposition qu’il conviendra d’examiner si les services sur lesquels l’opposition a été fondée sont effectivement fournis avec comme support un magazine.

35      S’agissant, deuxièmement, de l’argument de la requérante, tiré de l’arrêt Silberquelle, précité, point 22, selon lequel l’usage de la marque antérieure n’est pas établi lorsqu’elle est apposée sur des objets distribués gratuitement, il suffit de constater que le magazine, qui selon l’intervenante sert de support pour les services, n’est pas distribué gratuitement. La chambre de recours a d’ailleurs constaté, au point 36 de la décision attaquée, que le paiement du prix du magazine pourrait constituer la rémunération du service fourni.

36      S’agissant, troisièmement, de l’affirmation de la requérante, selon laquelle la chambre de recours a dispensé l’intervenante de l’obligation de prouver un usage effectif de la marque antérieure, il y a lieu de constater que celle-ci n’est pas fondée. Après avoir constaté que l’usage d’une marque pouvait être prouvé par l’apposition de la marque sur un magazine si le contenu de ce dernier confirmait l’usage du signe pour des produits et des services couverts par celle-ci, la chambre de recours a tout simplement indiqué que tel pourrait être notamment le cas pour des services comme ceux couverts par la marque antérieure.

37      En second lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a considéré à tort qu’un seul élément de preuve, à savoir le catalogue des formations « Communication et Marketing » organisées de juin 2004 à juillet 2005, suffisait pour établir l’usage de la marque antérieure en ce qui concerne les services d’« Organisation d’expositions et d’autres manifestations », il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas fait une telle constatation. Elle a fait valoir que, contrairement aux considérations de la division d’opposition, ledit catalogue contenait des informations précises concernant la fréquence, la nature ainsi que la teneur des conférences et des formations organisées par l’intervenante. Elle ne s’est toutefois pas prononcée sur la valeur probante de ce catalogue.

38      Il s’ensuit que la chambre de recours a correctement appliqué l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, ainsi que la jurisprudence relative aux preuves d’usage de la marque antérieure. En conséquence, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de la règle 22 du règlement n° 2868/95

 Arguments des parties

39      À titre subsidiaire, la requérante estime que l’appréciation de la chambre de recours résultant des points 33 à 39 de la décision attaquée, selon laquelle il est possible de « supposer » l’usage de la marque antérieure pour les services sur lesquels l’opposition a été fondée, est erronée et viole la règle 22 du règlement n° 2868/95. De même, l’intervenante aurait dû démontrer un usage de la marque antérieure pour toute la gamme de ces services.

40      L’OHMI et l’intervenante contestent les affirmations de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

41      En vertu de la règle 22, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure (arrêt LA MER, précité, point 52).

42      Selon la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, les preuves se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 76, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 40/94 [devenu article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009] [arrêt du Tribunal du 13 mai 2009, Schuhpark Fascies/OHMI – Leder & Schuh (jello SCHUHPARK), T‑183/08, non publié au Recueil, point 25].

43      À cet égard, il y a lieu de relever que les preuves d’usage de la marque antérieure doivent remplir toutes les conditions posées par la règle 22, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95. En revanche, s’agissant de la nature de ces preuves, la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95 ne contient qu’une liste d’exemples de pièces justificatives qui ne constitue donc pas une liste exhaustive. Il ne s’agit ni d’exiger tout type de pièces justificatives afin de prouver l’usage de la marque antérieure, ni de limiter les types de pièces justificatives à ceux énumérés à la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95.

44      Contrairement aux affirmations de la requérante, la chambre de recours n’a pas considéré, au point 36 de la décision attaquée, que l’intervenante devait se voir accorder le « bénéfice du doute » pour une gamme de services très étendue et n’a pas dispensé l’intervenante de son obligation d’apporter la preuve de l’usage de la marque antérieure. En effet, la chambre de recours a uniquement constaté que les services sur lesquels l’opposition a été fondée étaient décrits de manière très générale et très abstraite et ne nécessitaient pas forcément l’existence d’un « lien bilatéral et direct » entre le fournisseur et le client.

45      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’intervenante aurait dû démontrer un usage de la marque antérieure pour toute la gamme des services sur lesquels l’opposition a été fondée, il ressort de la jurisprudence qu’il y a lieu d’interpréter l’article 43, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement nº 40/94, ainsi que l’article 43, paragraphe 3, de ce même règlement, lequel fait application des dispositions de l’article 43, paragraphe 2, au cas des marques nationales antérieures, comme visant à éviter qu’une marque utilisée de manière partielle jouisse d’une protection étendue au seul motif qu’elle a été enregistrée pour une large gamme de services. Ainsi, lors de l’application de ces dispositions, il convient de tenir compte de l’étendue des catégories de produits ou de services pour lesquelles la marque antérieure a été enregistrée, notamment de la généralité des termes employés à cette fin pour décrire lesdites catégories, et ce au regard des produits ou des services dont l’usage sérieux a, par hypothèse, effectivement été établi [arrêt du Tribunal du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI ? Aladin (ALADIN), T‑126/03, Rec. p. II‑2861, point 44].

46      Partant, si l’intervenante a effectivement l’obligation de démontrer l’usage de la marque antérieure pour chacun des services sur lesquels elle a fondé son opposition, il appartiendra à la division d’opposition de vérifier que tel a été le cas en l’espèce. Il y a cependant lieu de relever que la chambre de recours n’a pas fait une application erronée de la règle 22 du règlement n° 2868/95 et donc de rejeter le second moyen comme non fondé.

47      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

48      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Strategi Group Ltd est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.