Language of document : ECLI:EU:T:2023:649

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

6 décembre 2023 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Aide accordée par les autorités espagnoles en faveur de certains groupements d’intérêt économique (GIE) et de leurs investisseurs – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement pour l’acquisition de navires (régime espagnol de leasing fiscal) – Décision déclarant l’aide pour partie incompatible avec le marché intérieur et ordonnant partiellement sa récupération – Disparition partielle de l’objet du litige – Non-lieu à statuer partiel – Recours en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans les affaires jointes T‑488/14 et T‑489/14,

Mdr Inversiones, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me M. Linares Gil, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑488/14,

Espacio Activos Financieros, SL, établie à Madrid, représentée par Me A. Zunzunegui Ruano, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑489/14,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Carpi Badía et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,

greffier : M. T. Henze, greffier adjoint,

vu la phase écrite de la procédure, notamment,

–        la décision du 1er octobre 2014 portant jonction des affaires T‑488/14 et T‑489/14 aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de la décision mettant fin à l’instance,

–        la décision du 2 mars 2016 de suspendre la procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591),

–        la décision du 20 novembre 2018 de suspendre la procédure jusqu’à ce que les décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV soient passées en force de chose jugée,

–        la mesure d’organisation de la procédure du 23 février 2023 invitant les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), pour le traitement des affaires,

–        la réponse de la requérante dans l’affaire T-488/14 du 15 mars 2023 invitant le Tribunal à constater d’office que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer en application de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal,

–        la réponse de la Commission du 16 mars 2023, selon laquelle l’ensemble des questions soulevées dans le cadre des présents recours ont été tranchées dans les recours concernés par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60),

–        la mesure d’organisation de la procédure du 25 mai 2023 invitant les requérantes, d’une part, à se conformer aux exigences de l’article 130, paragraphe 2, si elles entendent demander au Tribunal de déclarer qu’il n’y a plus lieu de statuer dans les présentes affaires et, d’autre part, à préciser si, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait qu’il y a lieu de statuer, ladite demande devrait être comprise comme  étant une demande de désistement,

–        la demande de non-lieu à statuer déposée par la requérante dans l’affaire T-488/14 le 9 juin 2023,

–        les observations de la Commission sur la demande de non-lieu à statuer déposées le 27 juin 2023,

–        l’ordonnance de jonction de la demande de non-lieu à statuer au fond du 21 septembre 2023,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Mdr Inversiones, SL et Espacio Activos Financieros, SL, demandent l’annulation de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (JO 2014, L 114, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

 Décision attaquée

2        À la suite de plaintes dénonçant le fait que le régime espagnol de leasing fiscal tel qu’il est appliqué à certains accords de location‑financement pour l’acquisition de navires (ci-après le « RELF ») permettait aux compagnies maritimes d’acquérir des navires construits par des chantiers navals espagnols en bénéficiant de prix réduits de 20 à 30 %, la Commission européenne a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE par la décision C(2011) 4494 final, du 29 juin 2011 (JO 2011, C 276, p. 5).

3        Au cours de la procédure formelle d’examen, la Commission a constaté que le RELF avait été utilisé, jusqu’à la date d’adoption de cette décision, pour des transactions consistant dans la construction de navires par les chantiers navals et leur acquisition par des compagnies maritimes ainsi que dans le financement de ces transactions par l’intermédiaire d’une structure juridique et financière ad hoc montée par une banque. Le RELF impliquait, pour chaque commande de navire, une compagnie maritime, un chantier naval, une banque, une société de location-vente et un groupement d’intérêt économique (GIE) constitué par cette banque et des investisseurs acquérant des participations dans ce GIE. Ce dernier prenait à bail le navire d’une société de location-vente dès le début de la construction de ce navire, puis louait celui-ci à une compagnie maritime sous couvert d’un contrat d’affrètement coque nue. Ledit GIE s’engageait à acheter ledit navire à la fin du contrat de location-vente tandis que la compagnie maritime s’engageait à l’acheter à la fin du contrat d’affrètement coque nue. Selon la décision attaquée, il s’agissait d’un montage fiscal destiné à générer des avantages fiscaux en faveur d’investisseurs regroupés au sein d’un GIE « fiscalement transparent » et à transférer une partie de ces avantages à une compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix du même navire.

4        La Commission a constaté que les opérations réalisées au titre du RELF combinaient cinq mesures prévues dans plusieurs dispositions du Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret royal législatif 4/2004, par lequel est approuvé le texte refondu de la loi sur les impôts sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci‑après la « loi sur l’impôt des sociétés »), et du Real Decreto 1777/2004, por el que se aprueba el Reglamento del Impuesto sobre Sociedades (décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement de l’impôt sur les sociétés), du 30 juillet 2004 (BOE no 189, du 6 août 2004, p. 28377, ci-après le « règlement sur l’impôt des sociétés »). Ces cinq mesures étaient l’amortissement accéléré des actifs pris à bail prévu à l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, l’application discrétionnaire de l’amortissement anticipé résultant de l’article 48, paragraphe 4, et de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés ainsi que de l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés, les dispositions relatives aux GIE, le régime de la taxation au tonnage prévu aux articles 124 à 128 de la loi sur l’impôt des sociétés et les dispositions de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés.

5        Conformément à l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, l’amortissement accéléré commençait à la date à laquelle l’actif pris à bail était en état de fonctionner, c’est-à-dire pas avant que cet actif ne fût remis au preneur et que celui-ci commençât à l’utiliser. Néanmoins, l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés prévoyait que le ministère de l’Économie et des Finances espagnol pouvait, sur la demande formelle du preneur, fixer une date antérieure pour le début de l’amortissement concerné. L’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés imposait deux conditions générales pour l’amortissement anticipé. Les conditions spécifiques applicables aux GIE figuraient à l’article 48, paragraphe 4, de la loi sur l’impôt des sociétés. La procédure d’autorisation prévue à l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés était détaillée à l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés.

6        Le régime de la taxation au tonnage a été autorisé en tant qu’aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime du 5 juillet 1997 (JO 1997, C 205, p. 5), telles que modifiées par la communication C(2004) 43 de la Commission (JO 2004, C 13, p. 3) (ci-après les « orientations maritimes »), par la décision C(2002) 582 final de la Commission, du 27 février 2002, concernant l’aide d’État N 736/2001 mise à exécution par l’Espagne – Régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2004, C 38, p. 4), modifiée par la décision C(2004) 1931 final de la Commission, du 2 juin 2004, concernant l’aide d’État N 528/2003 mise à exécution par l’Espagne – Modification du régime pour la taxation des sociétés de transport maritimes en fonction du tonnage (JO 2005, C 77, p. 29). Dans le cadre de ce régime, les entreprises inscrites à l’un des registres des compagnies maritimes et qui ont obtenu une autorisation de l’administration fiscale à cette fin sont imposées non pas en fonction de leurs gains et de leurs pertes, mais sur la base de leur tonnage. La législation espagnole permet aux GIE de s’inscrire à l’un de ces registres, bien qu’ils ne soient pas des compagnies maritimes.

7        L’article 125, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt des sociétés prévoyait une procédure spéciale pour les navires déjà acquis au moment du passage au régime de la taxation au tonnage et pour les navires usagés acquis lorsque l’entreprise bénéficiait déjà de ce régime. En appliquant normalement ledit régime, les plus-values éventuelles étaient imposées en passant sous le même régime et il était supposé que la taxation des plus-values, quoique retardée, avait lieu lorsque le navire était vendu ou démoli. Toutefois, par dérogation à cette disposition, l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés disposait que, lorsque les navires étaient achetés par l’intermédiaire d’une option d’achat dans le cadre d’un contrat de location-vente préalablement approuvé par les autorités fiscales, ils étaient considérés comme étant des navires neufs et non usagés, au sens de l’article 125, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt des sociétés, sans tenir compte du fait qu’ils étaient déjà amortis, de telle sorte que les plus-values éventuelles n’étaient pas taxées. Cette dérogation, qui n’avait pas été notifiée à la Commission, n’a été appliquée qu’aux contrats de location-vente spécifiques approuvés par les autorités fiscales dans le cadre de demandes d’application de l’amortissement anticipé en vertu de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés, c’est-à-dire pour des navires récemment construits et donnés à bail, achetés au moyen d’opérations relevant du RELF et, à une seule exception près, sortis de chantiers navals espagnols.

8        En appliquant l’ensemble de ces mesures, le GIE recueillait les avantages fiscaux en deux temps. Dans un premier temps, un amortissement anticipé et accéléré du coût du navire pris en location‑vente était appliqué au titre du régime normal de l’impôt sur les sociétés, qui se traduisait par des pertes importantes pour ce GIE, lesquelles, en raison de la transparence fiscale des GIE, pouvaient être déduites des recettes propres des investisseurs au prorata de leur participation dans ledit GIE. Alors que cet amortissement anticipé et accéléré est normalement compensé, par la suite, par l’augmentation des impôts à acquitter lorsque ce navire est entièrement amorti ou lorsque ce dernier est vendu en générant une plus-value, l’économie fiscale résultant du transfert des pertes initiales aux investisseurs était conservée, dans un second temps, grâce au fait que le même GIE passait sous le régime de la taxation au tonnage, qui permettait l’exonération totale des bénéfices résultant de la vente dudit navire à la compagnie maritime.

9        Tout en considérant que le RELF devait être décrit comme un « système », la Commission a analysé également chacune des mesures en cause individuellement. Par la décision attaquée, elle a décidé que, parmi ces mesures, celles résultant de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés relatives à l’amortissement anticipé, de l’application du régime de la taxation au tonnage à des entreprises, à des navires ou à des activités non éligibles et de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés, constituaient une aide d’État aux GIE et à leurs investisseurs mise illégalement à exécution par le Royaume d’Espagne depuis le 1er janvier 2002, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Elle a déclaré que les mesures fiscales en cause étaient incompatibles avec le marché intérieur, hormis dans la mesure où l’aide correspondait à une rémunération conforme au marché pour l’intervention d’investisseurs financiers et où elle était transférée à des entreprises de transport maritime pouvant bénéficier des dispositions des orientations maritimes. Elle a décidé que le Royaume d’Espagne devait mettre un terme à l’application de ce régime d’aide dans la mesure où il était incompatible avec le marché intérieur et devait récupérer l’aide incompatible auprès des investisseurs des GIE qui en avaient bénéficié, sans que ces bénéficiaires puissent transférer la charge de la récupération de cette aide à d’autres personnes.

10      Néanmoins, la Commission a décidé qu’il ne serait pas procédé à la récupération de l’aide octroyée dans le cadre d’opérations de financement pour lesquelles les autorités nationales compétentes s’étaient engagées à concéder le bénéfice des mesures par un acte juridiquement contraignant adopté avant le 30 avril 2007, date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de sa décision 2007/256/CE, du 20 décembre 2006, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France au titre de l’article 39 CA du code général des impôts – Aide d’État C 46/04 (ex NN 65/04) (JO 2007, L 112, p. 41, ci‑après la « décision sur les GIE fiscaux français »).

 Autres recours introduits contre la décision attaquée

11      Par arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), le Tribunal a accueilli deux autres recours introduits, contre la décision attaquée, par le Royaume d’Espagne et par Lico Leasing, SA et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión, SA (ci-après « PYMAR »), sur le fondement du moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 296 TFUE, et il a annulé la décision attaquée.

12      Par arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), la Cour a annulé l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), et renvoyé les affaires T‑515/13 et T‑719/13 devant le Tribunal.

13      Par arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), le Tribunal a rejeté les recours.

14      Par arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a partiellement annulé l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), et, statuant de manière définitive dans les deux recours concernés, elle a partiellement annulé la décision attaquée.

15      Dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a, d’abord, rejeté les pourvois s’agissant de l’argumentation des parties requérantes concernant la prétendue absence de sélectivité du RELF. Elle a également rejeté les pourvois s’agissant des moyens portant sur l’application des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, tout en relevant une erreur de droit commise par le Tribunal, mais demeurant sans incidence sur son appréciation. Enfin, elle a accueilli le moyen du Royaume d’Espagne tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), en ce qui concerne la récupération de l’aide en cause. Elle a considéré que, en se limitant à constater que les parties requérantes n’avaient pas contesté la désignation des bénéficiaires effectuée dans la décision attaquée et en se référant à la logique ainsi qu’au contenu de cette décision, alors qu’il se déduisait du moyen soulevé que ces parties faisaient valoir, implicitement, mais nécessairement, qu’elles n’avaient pas été les seules bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes, le Tribunal n’avait pas répondu à ce moyen. Elle a conclu que le Tribunal avait commis une violation de l’obligation de motivation, et elle a annulé ledit arrêt du Tribunal à cet égard.

16      Statuant définitivement sur le litige, la Cour a accueilli le moyen soulevé par Lico Leasing et PYMAR par lequel ces parties faisaient valoir que les investisseurs n’avaient pas été les seuls bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes. Elle a, partant, annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la même décision en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui ont bénéficié de celle-ci.

 Conclusions des parties

17      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle qualifie l’ensemble des mesures composant le RELF d’aide d’État nouvelle et incompatible avec le marché intérieur ;

–        à titre subsidiaire, annuler les articles 1er et 4 de ladite décision, en ce qu’ils identifient les investisseurs des GIE comme étant les bénéficiaires du RELF et les seuls destinataires de l’injonction de récupération ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 4 de ladite décision, en ce qu’il ordonne la récupération de l’aide en violation du principe de sécurité juridique ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      Dans sa demande de non-lieu à statuer, la requérante dans l’affaire T-488/14 conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

20      Dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, la Commission soutient que les recours doivent être rejetés comme étant non fondés, sauf en ce qui concerne les troisièmes moyens, sur lesquels il n’y aura plus lieu de statuer lorsqu’elle aura adopté les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

 En droit

 Sur la disparition partielle de l’objet du litige

21      En l’espèce, la requérante dans l’affaire T-488/14 demande qu’il soit constaté que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

22      En vertu de l’article 130, paragraphes 2 et 7, du règlement de procédure, à la suite d’une demande présentée par une partie, le Tribunal peut constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

23      En outre, conformément à l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, si le Tribunal constate que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer, il peut, à tout moment, d’office, sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

24      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de se prononcer sur le non-lieu à statuer sans poursuivre la procédure.

25      Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, l’objet du litige, tel qu’il a été déterminé par la requête introductive d’instance, doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée, et ordonnance du 14 janvier 2014, Miettinen/Conseil, T‑303/13, non publiée, EU:T:2014:48, point 16 et jurisprudence citée).

26      Ainsi, dans le cadre d’un recours introduit en vertu de l’article 263 TFUE, il a été jugé que l’annulation de la décision attaquée en cours d’instance privait de son objet le recours en ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 37, et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission, T‑324/00, EU:T:2005:364, points 116 et 117).

27      En effet, par l’annulation de l’acte attaqué, la partie requérante a obtenu le seul résultat que son recours aurait pu lui procurer et il n’y a, dès lors, plus matière à décision du juge de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 8 mars 1993, Lezzi Pietro/Commission, C‑123/92, EU:C:1993:87, point 10).

28      Par ailleurs, l’autorité absolue dont jouit un arrêt d’annulation d’une juridiction de l’Union s’attache tant au dispositif de l’arrêt qu’aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 36 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, il convient de constater que, dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour n’a annulé la décision attaquée que partiellement. Comme il a été relevé au point 16 ci-dessus, elle a annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui ont bénéficié de celle-ci.

30      Aux points 138 et 139 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a précisé que la Commission avait commis une erreur de droit en ce qui concerne l’identification des bénéficiaires, dès lors que les GIE étaient tenus, en vertu de contrats juridiquement contraignants conclus avec les compagnies maritimes et soumis à l’administration fiscale, de transférer aux compagnies maritimes une partie de l’avantage fiscal obtenu.

31      Or, dans le cadre de leurs recours, les requérantes, qui sont deux entreprises ayant effectué des investissements dans des GIE dans le cadre du RELF, soutiennent, par leurs troisièmes moyens, que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit ou à tout le moins d’un défaut de motivation, en ce que la Commission a omis d’identifier le bénéficiaire ultime et réel de l’aide, à savoir les compagnies maritimes.

32      Ainsi, par ces moyens, les requérantes demandent, en substance, que le Tribunal annule l’article 1er ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, en ce qu’ils désignent les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires du RELF et en ce qu’ils enjoignent au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès desdits investisseurs.

33      Or, comme il a été relevé aux points 16 et 29 ci-dessus, ces articles de la décision attaquée ont été annulés partiellement, dans cette mesure, par la Cour.

34      Il s’ensuit que l’annulation partielle de la décision attaquée prononcée par la Cour a donné aux requérantes le résultat qu’elles visaient par une partie de leurs recours, à savoir la disparition de cet aspect de la décision de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2014, Justice & Environment/Commission, T‑405/10, non publiée, EU:T:2014:821, point 20 et jurisprudence citée).

35      Dès lors, les présents recours sont devenus sans objet dans cette mesure.

36      Le Tribunal constate qu’il y a, en revanche, toujours lieu de statuer sur les chefs de conclusions des requérantes en ce qu’ils visent l’annulation de parties de la décision attaquée n’ayant pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

37      Comme il a été relevé au point 16 ci-dessus, dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision, ainsi que l’article 4, paragraphe 1, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui ont bénéficié de celle-ci. Or, par leurs recours, les requérantes ont demandé que le Tribunal annule la décision attaquée dans la mesure où elle qualifie l’ensemble des mesures composant le RELF d’aide d’État nouvelle et incompatible avec le marché intérieur.

38      Ainsi, il y a toujours lieu de statuer sur les présents recours en ce que les requérantes invoquent, dans le cadre de leurs premiers moyens, une violation de l’article 107 TFUE, en ce que la Commission aurait erronément considéré qu’un ensemble de mesures privées et publiques, distinctes et autonomes, pouvait constituer un régime fiscal imputable au Royaume d’Espagne, dans le cadre de leurs deuxièmes moyens, une violation de l’obligation de motivation ainsi que de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que les mesures individuelles composant le RELF ne répondraient pas aux conditions d’une aide d’État et, dans le cadre de leurs quatrièmes moyens, une violation du principe de sécurité juridique.

39      En effet, si ces moyens étaient accueillis, ils seraient susceptibles d’entraîner l’annulation de parties de la décision attaquée qui n’ont pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

40      À cet égard, l’argument de la requérante dans l’affaire T-488/14 selon lequel, en substance, l’ordre de récupération contenu dans la décision attaquée aurait été entièrement annulé par la Cour, ce qui entraînerait la disparition de l’objet du recours, doit être rejeté.

41      En effet, celui-ci procède d’une interprétation erronée de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

42      Par son arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), comme cela a été relevé au point 16 ci-dessus, la Cour n’a annulé que partiellement la décision attaquée, à savoir uniquement son article 1er « en ce qu’il désigne les [GIE] et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision » (point 3 du dispositif de cet arrêt) et son article 4, paragraphe 1, « en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visé dans cette décision auprès des investisseurs des [GIE] qui en ont bénéficié » (point 4 du dispositif dudit arrêt).

43      En revanche, l’obligation à charge du Royaume d’Espagne de récupérer l’aide, ou une partie de celle-ci, au moins à l’égard des investisseurs des GIE n’a pas été annulée par la Cour.

44      En effet, la conséquence logique de la constatation de l’illégalité d’une aide est sa suppression par voie de récupération afin de rétablir la situation antérieure (voir arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, point 33 et jurisprudence citée).

45      Or, dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 46), la Cour a jugé que la Commission avait considéré à bon droit que les GIE avaient la qualité de bénéficiaires du RELF. En outre, dans les recours ayant donné lieu à l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), les arguments des parties requérantes dans ces affaires visant à démontrer que le RELF ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au bénéfice des GIE et des investisseurs ont été rejetés. Par ailleurs, les arguments de ces parties visant à démontrer que la récupération auprès des investisseurs des GIE était contraire aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique n’ont pas non plus été accueillis par la Cour.

46      Ainsi, à la suite de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la décision attaquée demeure valide en ce qu’elle déclare illégale et incompatible avec le marché intérieur l’aide qui bénéficie à tout le moins aux GIE et aux investisseurs, et oblige le Royaume d’Espagne à récupérer ladite aide, ou une partie de celle-ci, auprès de ces derniers.

47      L’argument de la requérante dans l’affaire T-488/14 concernant la prétendue annulation de l’ordre de récupération contenu dans la décision attaquée doit ainsi être rejeté.

48      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les recours pour autant qu’ils tendent à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision et de l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des GIE qui en ont bénéficié, et que la demande de non-lieu à statuer présentée par la requérante dans l’affaire T-488/14 doit être rejetée pour le surplus.

 Sur le fond

49      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

50      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sur les premiers, deuxièmes et quatrièmes moyens sans poursuivre la procédure.

51      En effet, le Tribunal constate que plusieurs arguments soulevés par les requérantes à l’appui des premiers, deuxièmes et quatrièmes moyens doivent être rejetés conformément à ce qu’il a jugé dans l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), et à ce qu’a jugé la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), et que les autres arguments soulevés sont manifestement non fondés.

 Sur les premiers moyens, tirés de la violation de l’article 107 TFUE

52      Les requérantes contestent, en substance, que le RELF, pris dans son ensemble, puisse être qualifié d’aide d’État au sens de l’article 107 TFUE imputable au Royaume d’Espagne, puisqu’il consiste en une association de mesures privées et publiques, distinctes et autonomes, dans le cadre de laquelle les particuliers combinent des règles fiscales et en tirent un avantage fiscal supérieur à celui qu’ils obtiendraient de l’application individuelle des mesures en cause.

53      La Commission conteste cette argumentation.

54      À cet égard, il convient de relever que la Commission ne saurait être privée de la possibilité de se fonder sur un ensemble de circonstances de nature à déceler l’existence, en fait, d’un régime d’aide. En effet, dans le cadre de l’examen d’un régime d’aide et, en l’absence d’une base légale instituant un tel régime d’aide, la Commission peut se fonder sur une série d’éléments de nature normative, administrative, financière ou économique (voir, en ce sens, arrêts du 13 avril 1994, Allemagne et Pleuger Worthington/Commission, C‑324/90 et C‑342/90, EU:C:1994:129, points 15 et 23, et du 16 septembre 2021, Commission/Belgique, et Magnetrol International, C‑337/19 P, EU:C:2021:741, point 80).

55      Dès lors qu’il n’est pas exigé qu’un régime d’aide soit prévu dans un seul acte juridique, même s’il s’agit de l’hypothèse la plus habituelle, rien ne s’oppose à ce qu’un régime puisse découler d’une série de mesures liées entre elles par des circonstances juridiques et factuelles.

56      En l’espèce, la Commission soutient à juste titre que les mesures constituant le RELF sont liées en droit et en fait. Comme elle l’a indiqué au considérant 116 de la décision attaquée, lesdites mesures sont liées en droit, en substance, parce que l’amortissement anticipé était soumis à l’obtention d’une autorisation par les autorités fiscales, dont dépendait par ailleurs l’application de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés établissant une exception au régime ordinaire de la taxation au tonnage. Elles étaient, par ailleurs, liées en fait, parce que l’autorisation administrative pour l’amortissement anticipé était accordée uniquement dans le contexte de contrats de location-vente de navires éligibles au régime de la taxation au tonnage, qui ont pu dès lors bénéficier de la règle prévue à l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés.

57      C’est en raison de l’existence d’un tel lien entre lesdites mesures que le Tribunal a jugé, au point 101 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), que, étant donné qu’une des mesures permettant de bénéficier du RELF dans son ensemble était sélective, à savoir l’autorisation de l’amortissement anticipé, c’était sans commettre d’erreur que la Commission avait considéré, dans la décision attaquée, que le système était sélectif dans son ensemble, cette conclusion ayant été confirmée par la Cour aux points 71 et 72 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

58      Bien que ces considérations suffisent pour conclure que le RELF constitue un régime d’aide qui pouvait être apprécié par la Commission dans son ensemble, il peut être relevé que la nécessité d’apprécier le RELF dans son ensemble comme un régime d’aide a été implicitement confirmée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60). En effet, au point 137 de cet arrêt, la Cour, pour conclure que la Commission avait commis une erreur de droit quant à la désignation des bénéficiaires de l’aide en cause et, par voie de conséquence, quant à la récupération de celle-ci, s’est notamment appuyée sur le fait que la Commission avait considéré que le RELF constituait, dans son ensemble, un régime d’aide découlant de l’application de la législation fiscale espagnole et des autorisations accordées par l’administration fiscale espagnole, et destiné, peu important les procédés juridiques utilisés, à générer un avantage au profit des GIE et des compagnies maritimes.

59      Partant, il convient de rejeter les premiers moyens comme étant manifestement non fondés.

 Sur les deuxièmes moyens, tirés de la violation de l’obligation de motivation et de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

60      Les deuxièmes moyens sont divisés en quatre branches.

–       Sur la première branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation concernant la condition liée à l’existence d’un avantage

61      Les requérantes soutiennent, premièrement, que les informations fournies par le Royaume d’Espagne, sur lesquelles la Commission s’est fondée pour déterminer le montant de l’avantage fiscal que les investisseurs auraient obtenu, sont insuffisantes, partiales et non représentatives. Deuxièmement, elles font valoir que la Commission ne précise pas quelle hypothèse contrefactuelle a été utilisée afin d’établir le montant de l’avantage. Troisièmement, les requérantes affirment que l’hypothèse contrefactuelle ne prendrait pas en considération le fait que l’imputation de bases d’imposition négatives doit être comptabilisée comme un instrument financier de l’investisseur, l’investissement dans un navire n’étant pas exempt de risques et la rentabilité attendue n’étant pas toujours obtenue. Pour ces raisons, la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation qui empêcherait les requérantes de se défendre.

62      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

63      À cet égard, il convient de relever que la motivation des actes des institutions de l’Union exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 4 juin 2020, Hongrie/Commission, C‑456/18 P, EU:C:2020:421, point 57).

64      S’il est vrai que la Commission n’est pas obligée de prendre position sur tous les éléments et arguments invoqués devant elle, y compris ceux clairement secondaires pour l’appréciation à livrer, il n’en demeure pas moins qu’elle doit exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En outre, la motivation doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169).

65      Dans la décision attaquée, la Commission a décrit les avantages octroyés aux GIE et aux investisseurs qui en étaient membres comme consistant en :

–        le fait que l’amortissement accéléré pouvait commencer avant le début de l’exploitation de l’actif, conformément à l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés (considérant 132 de la décision attaquée) ;

–        l’application du régime de la taxation au tonnage au GIE (considérant 142 de la décision attaquée) ;

–        la dérogation à l’application ordinaire de l’article 125, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt des sociétés, en vertu de laquelle certains navires de mer qui seraient normalement considérés comme étant usagés ou d’occasion, sont considérés comme étant neufs au moment de leur transfert au régime de la taxation au tonnage, avec pour conséquence que le paiement des obligations fiscales implicites est définitivement annulé (considérant 145 de la décision attaquée).

66      Au considérant 155 de la décision attaquée, la Commission a précisé le montant de l’avantage économique résultant du RELF dans son ensemble comme correspondant à l’avantage que le GIE n’aurait pas obtenu de la même opération financière s’il avait uniquement appliqué des mesures générales et indiqué que, en pratique, cet avantage correspondait à la somme des avantages suivants :

–        les intérêts épargnés sur les montants des paiements d’impôts reportés grâce à l’amortissement anticipé (article 115, paragraphe 11, et article 48, paragraphe 4, de la loi sur l’impôt des sociétés et article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés) ;

–        le montant des impôts évités ou des intérêts épargnés sur les impôts reportés en vertu du régime de la taxation au tonnage (article 128 de la loi sur l’impôt des sociétés), étant donné que le GIE ne pouvait pas bénéficier du régime de la taxation au tonnage ;

–        le montant des impôts évités sur la plus-value réalisée au moment de la vente du navire en vertu de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés.

67      À cet égard, il convient de relever, premièrement, que les requérantes n’apportent aucun élément de preuve étayant leur affirmation selon laquelle les exemples que la Commission a mentionnés dans la note de bas de page figurant au considérant 19 de la décision attaquée, dans lequel elle analyse l’avantage fiscal que les GIE et les investisseurs ont obtenu en raison de l’effet conjoint des mesures fiscales utilisées dans le RELF, seraient partiaux ou ne seraient pas représentatifs de l’application du RELF. Le grief des requérantes soulevé à cet égard doit donc être rejeté comme étant manifestement non fondé.

68      Deuxièmement, s’agissant de la prétendue absence d’hypothèse contrefactuelle pour déterminer le montant de l’avantage, il convient de relever que, comme le soutient à bon droit la Commission, la comparaison est à effectuer entre, d’une part, une situation dans laquelle une opération de financement ne bénéficie pas d’une aide d’État et, d’autre part, une situation dans laquelle la même opération bénéficie des mesures d’aide.

69      En particulier, s’agissant d’une mesure fiscale, l’existence d’un avantage économique, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale » (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 68 et jurisprudence citée).

70      En l’espèce, il ressort du considérant 155 de la décision attaquée, mentionné au point 66 ci-dessus, que l’avantage est identifié de façon claire et non équivoque comme correspondant à l’avantage que le GIE n’aurait pas obtenu de la même opération financière s’il avait uniquement appliqué des mesures générales.

71      Les considérants 263 à 269 de la décision attaquée précisent, à cet égard, la méthode en quatre étapes que la Commission estime devoir être appliquée afin de déterminer, dans chaque cas, quels sont les bénéficiaires de l’aide et le montant de l’aide incompatible à récupérer auprès de ceux-ci, dont les trois premières étapes qui concernent le calcul de l’avantage sont pertinentes pour répondre au grief des requérantes.

72      Au vu de ces éléments, et indépendamment de la question de savoir si la méthode visée au point 71 ci-dessus est devenue obsolète à la suite de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), il convient de relever, en tout état de cause, qu’il ne peut être reproché à la Commission d’avoir omis d’indiquer, dans la décision attaquée, l’hypothèse contrefactuelle qu’elle a utilisée pour déterminer l’avantage obtenu par le GIE et ses investisseurs découlant du RELF. Partant, le grief des requérantes soulevé à cet égard doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

73      S’agissant enfin du troisième grief, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas que les GIE dans lesquels elles ont investi ont été autorisés par les autorités fiscales espagnoles à bénéficier des mesures constituant le RELF et que ceux-ci ont fait application du RELF, ce qui s’est traduit, selon le mécanisme décrit au considérant 16 de la décision attaquée, par des pertes fiscales pouvant être déduites des recettes propres des requérantes au prorata de leur participation dans les GIE.

74      De même, il n’est pas contesté par les requérantes que les GIE dans lesquels elles ont investi ont bénéficié du passage sous le régime de la taxation au tonnage et de l’exonération totale des bénéfices du capital résultant de la vente du navire à la compagnie maritime, selon le mécanisme expliqué au considérant 18 de la décision attaquée.

75      Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission ne préciserait pas, dans la décision attaquée, avoir tenu compte du fait que l’investissement dans un navire n’apporterait pas toujours la rentabilité attendue. La requérante dans l’affaire T‑489/14 ajoute, à cet égard, n’avoir d’ailleurs pas pu bénéficier de l’avantage escompté en raison de sa situation.

76      À cet égard, il convient de relever que, comme la Commission le fait valoir à bon droit, selon la jurisprudence, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier, dans les motifs de la décision, si, en raison des modalités que ce régime prévoit, celui-ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres. Ainsi, la Commission, dans une décision qui porte sur un tel régime, n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 63).

77      Or, indépendamment de la question de savoir si la méthode visée au point 71 ci-dessus est devenue obsolète à la suite de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), il convient de relever, en tout état de cause, que, dans le cadre de la vérification de la situation individuelle de chaque bénéficiaire aux fins de la récupération, il ressort de la première étape de la méthodologie de récupération décrite au considérant 264 de la décision attaquée, que le calcul de la VAN des avantages fiscaux retirés par un bénéficiaire tient compte des avantages fiscaux dont celui-ci a concrètement bénéficié. En outre, au considérant 263 de la décision attaquée, la Commission a précisé que la méthode exposée dans cette section pouvait faire l’objet d’un ajustement important avec les autorités espagnoles, notamment en vue de déterminer le montant réel de l’avantage fiscal dont ont bénéficié les investisseurs, compte tenu de leur situation fiscale individuelle.

78      Partant, le grief doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

79      Il en résulte que la première branche des deuxièmes moyens doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

–       Sur la deuxième branche, tirée de l’absence d’aide nouvelle

80      Les requérantes affirment que l’application de l’amortissement anticipé ne génère aucun avantage en faveur des investisseurs des GIE, car l’économie fiscale octroyée est compensée ultérieurement par l’augmentation des impôts à acquitter, soit une fois que le bien est entièrement amorti, soit lorsqu’il est vendu. Selon les requérantes, la Commission a admis, dans la décision attaquée, que le prétendu avantage identifié ne résultait pas de l’application de l’amortissement anticipé, mais qu’il existait uniquement si le GIE passait au régime de la taxation sur le tonnage. Or, ce régime aurait déjà été déclaré compatible avec le marché intérieur. Les requérantes en déduisent que la Commission aurait dû avoir recours à la procédure prévue aux articles 17 à 19 du règlement no 659/1999 relatif à l’examen des régimes d’aides existants.

81      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

82      À cet égard, il convient de relever que, si la Commission a relevé, au considérant 238 de la décision attaquée, que, « prises isolément, les mesures constitu[ai]ent une aide d’État (à l’exception de l’amortissement accéléré d’actifs achetés à bail) », il n’en demeure pas moins que le RELF a été analysé conjointement avec le régime de la taxation sur le tonnage et que c’est l’opération du RELF dans son ensemble qui a été considérée comme étant une aide d’État illégale et partiellement incompatible avec le marché intérieur.

83      Comme cela a été indiqué au point 58 ci-dessus dans le cadre de la réponse au premier moyen, la Cour a, en substance, confirmé cette approche, en constatant, au point 72 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), que le Tribunal avait pu conclure à bon droit que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que l’amortissement anticipé rendait le RELF sélectif dans son ensemble et, en s’appuyant, par ailleurs, au point 137 dudit arrêt, sur les constatations de la Commission selon lesquelles le RELF constituait, dans son ensemble, un régime d’aide découlant de l’application de la législation fiscale espagnole et des autorisations accordées par l’administration fiscale espagnole.

84      Comme cela est indiqué au point 66 ci-dessus, la Commission a précisé, en ce sens, au considérant 155 de la décision attaquée, que le montant de l’avantage économique obtenu correspondait à la somme des avantages résultant du RELF dans son ensemble, que le GIE n’aurait pas obtenu de la même opération financière s’il avait uniquement appliqué des mesures générales.

85      Dans ces circonstances, dans la mesure où les requérantes font valoir qu’une seule composante du RELF, à savoir le régime de la taxation au tonnage, aurait été déclarée compatible avec le marché intérieur par la Commission et constituerait, par conséquent, une aide existante, leur argumentation doit être considérée comme étant manifestement non fondée.

86      En effet, il n’est pas contesté par les requérantes que le RELF en tant que système n’a pas été autorisé par la Commission dans une décision antérieure et que ledit régime, apprécié dans son ensemble, ne saurait ainsi constituer une aide existante. Il en résulte que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission ne devait pas recourir à la procédure applicable aux régimes d’aides existants lorsqu’elle a examiné le RELF dans la décision attaquée.

87      Partant, la deuxième branche doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

–       Sur la troisième branche, tirée de l’absence de sélectivité du RELF

88      Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que l’application du régime d’amortissement anticipé était soumise à un contrôle administratif préalable qui serait exercé de manière discrétionnaire. Les critères d’octroi de l’autorisation seraient objectifs et clairs et soumis à des contrôles tant administratifs que jurisprudentiels. En outre, l’application de l’amortissement anticipé aurait été ouverte à tous les secteurs de l’économie en ce que tout contribuable espagnol aurait pu investir dans les GIE qui ont pris part aux opérations visées par la décision attaquée. Les requérantes soutiennent par ailleurs que l’avantage prétendument octroyé par l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés ne serait pas non plus sélectif.

89      La Commission conteste les arguments des requérantes.

90      À cet égard, il suffit de relever que, aux points 57 à 74 l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a jugé que c’était sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal avait considéré que l’existence des aspects discrétionnaires du RELF était de nature à favoriser les bénéficiaires par rapport à d’autres assujettis se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable et qu’il avait ainsi jugé que cette mesure présentait un caractère sélectif. En outre, la Cour a jugé que le Tribunal avait pu conclure à bon droit que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que l’amortissement anticipé rendait le RELF sélectif dans son ensemble.

91      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la troisième branche des deuxièmes moyens comme étant manifestement non fondée.

–       Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de distorsion de la concurrence et d’affectation des échanges entre États membres

92      Les requérantes contestent l’analyse de la distorsion de la concurrence causée par les mesures en cause et de leur effet sur les échanges entre États membres figurant aux considérants 171 à 173 de la décision attaquée. Elles font valoir, notamment, que, dans la mesure où toute entreprise ou personne physique, quels que soient sa nationalité et son secteur d’activité, pouvait faire partie d’un GIE, il n’est pas possible de comprendre quels marchés ou secteurs auraient souffert d’une distorsion de la concurrence. La décision attaquée serait donc entachée d’omissions importantes, notamment à la lumière du fait que la Commission n’a reçu aucune plainte de la part de tiers investisseurs qui auraient été désavantagés par rapport aux bénéficiaires du RELF.

93      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

94      À cet égard, il suffit de relever que, aux points 103 à 107 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), le Tribunal a définitivement jugé que les conditions relatives à l’affectation des échanges entre États membres et au risque de fausser la concurrence étaient remplies.

95      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter comme étant manifestement non fondée la quatrième branche des deuxièmes moyens.

96      En conséquence, les deuxièmes moyens doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés.

 Sur les quatrièmes moyens, tirés de la violation du principe de sécurité juridique

97      Premièrement, les requérantes affirment que la décision sur les GIE fiscaux français n’aurait pas dissipé l’insécurité juridique générée par la décision de la Commission du 8 mai 2001 concernant l’aide d’État mise à exécution par la France en faveur de la société « Bretagne Angleterre Irlande » – Aide d’État C 31/98 (ex NN 64/97 et N 9/98) (JO 2002, L 12, p. 33, ci-après la « décision Brittany Ferries »), et que la situation d’insécurité aurait perduré jusqu’à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de la décision attaquée. Deuxièmement, elles font valoir que le temps excessif consacré par la Commission à l’examen du dossier, et, notamment, le fait que celle-ci a décidé d’engager la procédure formelle plus de cinq ans après avoir enregistré la première plainte, et plus de dix ans après avoir envoyé une première demande d’informations concernant le RELF, aurait contribué à cette situation d’insécurité juridique. Troisièmement, les requérantes font encore valoir qu’une lettre du membre de la Commission responsable de la direction générale (DG) « Concurrence » du 9 mars 2009, envoyée en réponse à une lettre de la ministre du Commerce et de l’Industrie de Norvège suggérant que le RELF constituait un régime d’aides aux chantiers navals espagnols qui faussait la concurrence sur le marché européen, aurait confirmé l’incertitude existant quant à la légalité du RELF. Pour toutes ces raisons, aucun ordre de récupération ne serait justifié.

98      La Commission conclut au rejet du quatrième moyen.

99      À cet égard, il suffit de relever que, au point 199 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), qui a été confirmé par la Cour au point 94 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), il a été définitivement jugé que la décision sur les GIE fiscaux français avait fait cesser toute insécurité juridique en ce qu’elle aurait dû amener un opérateur économique prudent et avisé à considérer qu’un régime similaire au RELF pourrait constituer une aide d’État. En outre, il ressort des points 202 à 205 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’être restée inactive sans justification pendant une période déraisonnable compte tenu des circonstances du cas d’espèce. Enfin, il ressort du point 201 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), lu conjointement avec le point 174 de cet arrêt, que la lettre du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009, invoquée par les requérantes, ne saurait avoir contribué à créer ou à maintenir une situation d’insécurité juridique.

100    Eu égard à ces considérations, il convient de rejeter les quatrièmes moyens comme étant manifestement non fondés.

101    Il convient de conclure que les recours ont partiellement perdu leur objet et qu’ils doivent être considérés comment étant, pour le surplus, manifestement non fondés, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la qualité pour agir des requérantes, qui a été mise en doute par la Commission.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

103    Par ailleurs, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

104    En l’espèce, il a été constaté qu’une partie du litige avait perdu son objet. Or, la disparition partielle de l’objet du litige est la conséquence d’une erreur de droit commise par la Commission qui a également été soulevée par les requérantes dans le cadre des présents recours, laquelle a entraîné l’annulation partielle de la décision attaquée prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

105    En revanche, les requérantes ont succombé pour ce qui concerne la partie du litige pour laquelle il y a toujours lieu de statuer.

106    Dans ces circonstances, le Tribunal décide de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les recours dans la mesure où ils sont dirigés contre l’article 1er de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal »,en ce qu’il désigne les groupements d’intérêt économique et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision, et l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des groupements d’intérêt économique qui en ont bénéficié.

2)      Les recours sont rejetés pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 6 décembre 2023.

Le greffier

 

Le président

T. Henze, greffier adjoint

 

A. Kornezov


*      Langue de procédure : l’espagnol.