Language of document : ECLI:EU:T:2022:652

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

19 octobre 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Délai de réclamation – Recevabilité – Harcèlement moral – Article 12 bis du statut – Demande d’assistance – Article 24 du statut – Rejet de la demande – Absence de commencement de preuve – Devoir de sollicitude – Responsabilité  »

Dans l’affaire T‑271/20,

JS, représenté par Mes L. Levi et A. Champetier, avocates,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par M. L. Forestier et Mme H. Ehlers, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,


LE TRIBUNAL (septième chambre),

Composé, lors des délibérations, de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius (rapporteur) et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 23 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, JS, demande, d’une part, l’annulation de la décision du Conseil de résolution unique (CRU) du 14 juin 2019 rejetant sa demande d’assistance introduite le 2 mai 2019 et, en tant que de besoin, de la décision du CRU du 23 janvier 2020 rejetant sa réclamation dirigée contre la décision du 14 juin 2019 ainsi que, d’autre part, la réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de ces décisions.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est entré en fonction en tant que [confidentiel] de grade [confidentiel], auprès de [confidentiel] le [confidentiel].

3        Le requérant est entré en fonction en tant que [confidentiel] de grade [confidentiel], auprès du CRU le [confidentiel].

4        Pour la période allant du [confidentiel] au [confidentiel], le requérant a exercé ses fonctions sous l’autorité d’une cheffe d’unité qui était également son évaluatrice (ci-après l’« ancienne cheffe d’unité »).

5        Le 14 janvier 2019, le CRU a lancé l’exercice d’évaluation 2018 couvrant la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 (ci-après la « période d’évaluation »). Le requérant a soumis son auto-évaluation le même jour.

6        Dans le cadre de la procédure d’évaluation, l’ancienne cheffe d’unité a demandé des contributions concernant les prestations du requérant à d’autres membres de son unité. L’un de ces membres était chargé de coordonner les travaux de l’unité pendant le congé de maternité de l’ancienne cheffe d’unité, entre le mois d’août et la fin de l’année 2018.

7        Le 11 mars 2019, l’entretien d’évaluation entre le requérant et l’ancienne cheffe d’unité a eu lieu en présence d’un observateur indépendant, membre du comité du personnel du CRU, et ce, à la demande du requérant, qui a souhaité qu’une tierce personne soit présente au cours de l’entretien d’évaluation.

8        Le 14 mars 2019, l’ancienne cheffe d’unité a signé le rapport d’évaluation du requérant pour l’année 2018, lequel concluait que sa prestation avait été insatisfaisante au cours de la période d’évaluation (ci-après le « rapport d’évaluation initial »).

9        Le 21 mars 2019, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la décision du CRU du 25 mars 2015 relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), et aux modalités d’application de l’article 44, premier alinéa, du statut aux agents temporaires, le rapport d’évaluation initial a été confirmé par le supérieur hiérarchique direct de l’ancienne cheffe d’unité, en sa qualité de validateur.

10      Le 2 mai 2019, le requérant, s’estimant victime d’un harcèlement moral continu de la part de son ancienne cheffe d’unité, a introduit une demande d’assistance, au titre de l’article 24 du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 11 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), et a demandé sa réaffectation d’urgence (ci-après la « demande d’assistance »).

11      Le [confidentiel], une réunion s’est tenue entre le requérant, un membre du CRU chargé des ressources humaines, l’équipe de conformité du CRU et la personne de confiance, au cours de laquelle le requérant a présenté oralement ses allégations de harcèlement de la part de l’ancienne cheffe d’unité.

12      Le [confidentiel], le CRU a décidé de réaffecter le requérant, à partir du [confidentiel], dans une autre unité.

13      Le [confidentiel], l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») a informé le requérant que, pour que sa demande d’assistance soit examinée, il devait fournir un commencement de preuve au soutien de ses allégations et l’a, en conséquence, invité à fournir à l’équipe de conformité du CRU, dans un délai de deux semaines, toute information susceptible d’étayer les allégations contenues dans sa demande d’assistance.

14      Le 5 juin 2019, à la suite du refus du requérant d’accepter le rapport d’évaluation initial, l’évaluateur d’appel a confirmé ce rapport, tel qu’établi par l’ancienne cheffe d’unité et le validateur pour la période d’évaluation, lequel est devenu définitif (ci-après le « rapport d’évaluation 2018 »).

15      Après avoir accordé au requérant à deux reprises un délai supplémentaire pour étayer ses allégations de harcèlement moral de la part de son ancienne cheffe d’unité au soutien de sa demande d’assistance, une première fois à la demande du requérant, en date du [confidentiel], pour un délai supplémentaire de deux semaines et une seconde fois d’office, le [confidentiel], pour un délai supplémentaire d’une semaine, l’AHCC a, par décision du 14 juin 2019, rejeté la demande d’assistance du requérant au motif que ce dernier n’avait pas apporté de commencement de preuve de ses allégations (ci-après la « décision de rejet de la demande d’assistance » ou la « première décision attaquée »).

16      Le [confidentiel], le requérant a démissionné de ses fonctions avec effet au [confidentiel] en invoquant des motifs de santé.

17      Le 12 septembre 2019, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 46 du RAA, dirigée contre le rapport d’évaluation 2018, laquelle a été rejetée par décision du 28 janvier 2020.

18      Le samedi 14 septembre 2019, à 23 h 59, le requérant a, par courriel, adressé au CRU une réclamation contre la décision de rejet de la demande d’assistance visant à étayer ses allégations de harcèlement (ci-après la « réclamation »).

19      Par décision du 23 janvier 2020, le CRU a rejeté la réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation » ou la « seconde décision attaquée »).

20      Le requérant a introduit un recours devant le Tribunal, enregistré sous le numéro T‑270/20, tendant à l’annulation du rapport d’évaluation 2018 et à la réparation des préjudices qu’il aurait subis de ce fait.

 Conclusions des parties

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la première décision attaquée ;

–        annuler, en tant que de besoin, la seconde décision attaquée ;

–        condamner le CRU à lui verser, à titre de réparation, la somme de 20 000 euros, pour le préjudice moral subi, et la somme de 77 408 euros, pour le préjudice matériel subi ;

–        condamner le CRU aux dépens.

22      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

23      Dans la requête, le requérant demande l’annulation de la première décision attaquée, par laquelle sa demande d’assistance a été rejetée, ainsi que, en tant que de besoin, de la seconde décision attaquée, par laquelle la réclamation, introduite contre la première décision attaquée, a été rejetée.

24      Selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse selon laquelle le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 70 et jurisprudence citée).

25      En effet, une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de l’intéressé, en fonction d’éléments de droit et de faits nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 71 et jurisprudence citée).

26      Toutefois, conformément au principe d’économie de la procédure, le juge peut décider qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions dirigées contre la décision portant rejet de la réclamation lorsqu’il constate que celles-ci sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre la décision contre laquelle la réclamation a été présentée (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 72 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, il n’y a pas lieu de constater que la décision de rejet de la réclamation a, sur le fond, un contenu autonome de celui de la décision de rejet de la demande d’assistance, dès lors que le CRU y rejette la demande d’assistance du requérant, présentée dans la réclamation, sans réexaminer la situation de l’intéressé en fonction d’éléments de droit et de faits nouveaux, ni modifier ou compléter la première décision attaquée.

28      En effet, par la seconde décision attaquée, le CRU a rejeté la réclamation du requérant pour un seul motif, tiré du caractère tardif de son introduction, sans aucunement modifier ou compléter, sur le fond, la première décision attaquée.

29      Dès lors, en l’espèce, la seconde décision attaquée, portant rejet de la réclamation, est purement confirmative de la première décision attaquée, de sorte que l’annulation de la seconde décision attaquée ne produirait sur la situation juridique du requérant aucun effet distinct de celui découlant de l’annulation de la première décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 33).

30      Partant, la seconde décision attaquée, ayant rejeté la réclamation, n’a aucune portée autonome sur le fond.

31      Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions dirigées contre la seconde décision attaquée.

 Sur la recevabilité

32      Le CRU conclut à ce que le recours soit rejeté dans son intégralité comme irrecevable, dès lors que la réclamation a été introduite tardivement.

33      Le requérant conteste cette argumentation.

34      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 91, paragraphe 2, du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 46 du RAA, un recours à l’encontre d’un acte faisant grief n’est recevable que si l’institution a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dans le délai y prévu, et si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet.

35      En application de l’article 90, paragraphe 2, du statut, la réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois, ce délai commençant à courir le jour de la notification de la décision au destinataire et en tous cas au plus tard le jour où l’intéressé en a connaissance s’il s’agit d’une mesure de caractère individuel.

36      Selon le CRU, la décision de rejet de la demande d’assistance a été notifiée au requérant le 14 juin 2019, de sorte qu’il lui incombait d’introduire la réclamation le samedi 14 septembre 2019 au plus tard, alors qu’il l’aurait introduite le 15 septembre 2019, soit tardivement.

37      Pour sa part, le requérant soutient qu’il n’a pu prendre connaissance de la décision de rejet de la demande d’assistance que le 17 juin 2019, de sorte qu’il lui incombait d’introduire la réclamation le 17 septembre 2019 au plus tard, et qu’il l’aurait introduite le 14 septembre 2019, soit dans le délai imparti.

38      En l’espèce, en l’absence de règles spécifiques, il convient, contrairement à ce qu’a soutenu le CRU dans ses écritures et lors de l’audience, de se référer au règlement (CEE, Euratom) no 1182/71 du Conseil, du 3 juin 1971, portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes (JO 1971, L 124, p. 1) (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T‑197/00, EU:T:2002:135, points 46 à 49 et jurisprudence citée).

39      Or, l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 1182/71 prévoit que, « [s]i le dernier jour d’un délai exprimé autrement qu’en heures est un jour férié, un dimanche ou un samedi, le délai prend fin à l’expiration de la dernière heure du jour ouvrable suivant ».

40      Dès lors, à supposer même que, comme le soutient le CRU, le point de départ du délai de trois mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut fut le 14 juin 2019, il résulte de l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 1182/71 que ce délai a expiré non pas le 14 septembre 2019, qui était un samedi, mais à la dernière heure du jour ouvrable suivant, à savoir lundi 16 septembre 2019.

41      La réclamation contre la décision de rejet de la demande d’assistance étant parvenue au plus tard le 15 septembre 2019, ainsi que le prétend le CRU, celle-ci a été introduite dans le délai imparti.

42      Partant, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir du CRU.

 Sur le fond

43      Par le présent recours, le requérant conclut à l’annulation des décisions attaquées et à la réparation de préjudices prétendument subis.

 Sur les conclusions en annulation

44      Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, et du point 2.1 des règles portant sur la politique du CRU en matière de protection de la dignité de la personne et de prévention du harcèlement moral et sexuel adoptées par la décision du CRU du 29 novembre 2017 (CRU/PS/2017/11) (ci-après les « règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement »), le deuxième, d’une violation de l’article 24 du statut et du point 7.3 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement et le troisième, d’une violation du devoir de sollicitude.

–       Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut et du point 2.1 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement

45      Par le premier moyen invoqué au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant allègue une violation de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut et du point 2.1 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement.

46      Au soutien du premier moyen, le requérant invoque plusieurs griefs aux fins d’établir que c’est à tort que le CRU a refusé, dans les décisions attaquées, de constater qu’il était victime d’un harcèlement moral.

47      Selon le requérant, c’est dès son recrutement et jusqu’à sa démission qu’il a été victime de pratiques de harcèlement moral de la part de son ancienne cheffe d’unité, constituées de graves et fausses accusations, de propos diffamatoires, de la négation de ses droits statutaires fondamentaux, d’intimidations, d’insultes et de menaces.

48      Ainsi, son ancienne cheffe d’unité n’aurait remis son rapport d’évaluation pour l’année 2017 (ci-après le « rapport d’évaluation 2017 ») qu’en février 2019.

49      Malgré de nombreuses demandes à cet effet, le requérant ne se serait jamais vu communiquer d’objectifs professionnels clairs et aurait été affecté à un poste différent de celui auquel il avait postulé et pour lequel il avait signé son contrat de travail, sans recevoir aucune description de poste.

50      Des congés lui auraient été refusés, aux motifs combinés d’un arrêt maladie et de tâches auxquelles il était associé.

51      Alors que des tâches impossibles à accomplir lui avaient été attribuées, la computation de ses heures de travail lui aurait été refusée par son ancienne cheffe d’unité, tout en lui faisant grief de ne pas avoir accompli ces tâches alors qu’il était en arrêt maladie.

52      Le requérant aurait, à tort, été accusé d’absences injustifiées, alors qu’il était en arrêt maladie ou en congé, et de retards. Plus largement, son ancienne cheffe d’unité aurait régulièrement porté de fausses accusations auprès de ses collègues sur ses capacités de travail et sur sa conduite. Elle l’aurait notamment accusé, d’une part, d’avoir révélé au public des informations sensibles relatives à une réunion partiellement publique et, en particulier, dans le cadre de son rapport d’évaluation 2018, concernant des ateliers avec une autorité nationale, et, d’autre part, de prétendus retards dans l’exécution de ses tâches. Son ancienne cheffe d’unité aurait ainsi constamment tenu des propos déstabilisants et injurieux à son égard.

53      De tels comportements constitueraient manifestement un harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut et du point 2.1 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement, d’autant plus qu’il s’agissait de comportements intentionnels, dès lors que son ancienne cheffe d’unité avait pleinement connaissance des nombreux arrêts maladie du requérant.

54      Lors de l’audience et en réponse à une question posée par le Tribunal à cet effet, le requérant a précisé que, en ce qu’il se référait dans ses écrits à des pratiques discriminatoires en relation avec les griefs rapportés ci-dessus, il y avait lieu de comprendre que lesdites pratiques se rattachaient pleinement à la notion plus large de harcèlement moral et qu’elles ne faisaient pas l’objet de griefs autonomes dans le présent recours, le premier moyen étant en tout état de cause tiré de pratiques de harcèlement moral.

55      Le CRU conclut au rejet du premier moyen.

56      Aux fins de statuer sur le premier moyen, il importe de constater que, dans la première décision attaquée, l’AHCC a conclu que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve de la réalité du harcèlement moral dont il affirme avoir été la victime. Par conséquent, bien que le premier moyen soit formellement tiré d’une violation de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut et du point 2.1 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement commise par l’AHCC, en ce qu’elle aurait conclu à tort à l’absence d’un harcèlement moral, il convient de comprendre que le requérant conteste la conclusion selon laquelle il n’aurait pas apporté de commencement de preuve de la réalité dudit harcèlement (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 67). Le contrôle de légalité du Tribunal se limite donc à examiner le bien-fondé de la décision de rejet de la demande d’assistance pour défaut de commencement de preuve des allégations et non d’apprécier, dans la présente affaire, l’existence d’un harcèlement moral de la part de l’ancienne cheffe d’unité du requérant.

57      À titre liminaire, il convient de rappeler, tout d’abord, que, aux termes de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 11 du RAA, « [p]ar harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne ».

58      Dans le contexte de la présente affaire, il convient encore de relever que le point 2.1 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement, dont la violation est également invoquée par le requérant, a, en substance, la même teneur que l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, tel qu’interprété par la jurisprudence, en ce qu’il dispose ce qui suit :

« En vertu du statut, par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

Le harcèlement moral peut se manifester sous diverses formes, notamment par :

–        des commentaires offensants ou dégradants, notamment en public, des brimades, de l’antagonisme, des pressions, des comportements offensants, voire un refus de communiquer ;

–        des insultes se rapportant à la compétence personnelle ou professionnelle d’une personne ;

–        des propos insultants ou menaçants, tant oraux qu’écrits ;

–        le rabaissement des contributions et des réalisations de quelqu’un ;

–        le fait d’être isolé, mis à part, exclu, rejeté, ignoré, dénigré ou humilié par les collègues ;

–        l’altération des relations sociales ;

–        la fixation d’objectifs de travail irréalistes ;

le fait de ne pas donner de travail à quelqu’un, ou de lui donner systématiquement un travail qui ne correspond pas au profil de son emploi et/ou de sa fonction […] »

59      Selon une jurisprudence constante, la notion de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, se définit comme une « conduite abusive » qui, premièrement, se matérialise par des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus, qui sont « intentionnels » et non « accidentels ». Deuxièmement, pour relever de cette notion, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (voir arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 101 et jurisprudence citée).

60      En outre, l’agissement en cause devant, en vertu de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, présenter un caractère abusif, il s’ensuit que la qualification de harcèlement est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 78 et jurisprudence citée).

61      De plus, lorsque les allégations figurant dans une demande d’assistance concernent un harcèlement moral, il appartient au demandeur d’assistance d’apporter un commencement de preuve de celui-ci au regard de la définition figurant à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut (arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 59).

62      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier le premier moyen, en examinant la légalité de la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté la demande d’assistance du requérant au motif qu’il n’avait pas apporté de commencement de preuve d’un harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut et du point 2.1 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement.

63      En l’espèce, le requérant prétend avoir été victime de pratiques et agissements de son ancienne cheffe d’unité à cet effet, constitutifs, selon lui, d’un harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut et du point 2.1 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement. Il considère que, en raison de ces pratiques et agissements, une enquête aurait dû être ouverte.

64      En premier lieu, le requérant se prévaut de l’approbation tardive, par son ancienne cheffe d’unité, de son rapport d’évaluation 2017, retard qu’il impute à un refus d’approbation de cette dernière.

65      À cet égard, il est vrai que le rapport d’évaluation 2017 aurait dû en principe être approuvé en 2018, alors qu’il ne l’a été qu’en février 2019, ce que ne conteste pas le CRU.

66      Un tel retard dans l’approbation d’un rapport d’évaluation n’est pas exempt de toute critique.

67      Il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, ce retard ne saurait être constitutif d’un commencement de preuve d’un harcèlement moral de la part de l’ancienne cheffe d’unité.

68      En effet, d’une part, le recrutement du requérant au CRU en novembre 2017 impliquait, pour la préparation de son rapport d’évaluation 2017, de disposer de l’évaluation de son ancien employeur pour les dix premiers mois de l’année 2017, ce qu’a reconnu le requérant dans un courriel interne du [confidentiel].

69      Or, son ancien employeur n’a communiqué cette évaluation au CRU que le [confidentiel], ce que ne conteste pas le requérant.

70      D’autre part, il est constant que l’évaluatrice du requérant se trouvait en congé de maternité durant l’intégralité du second semestre de l’année 2018, ce qui a justifié son absence.

71      Ainsi, quand bien même l’ancienne cheffe d’unité a pu disposer d’environ [confidentiel], entre le [confidentiel] et le début de son congé de maternité, pour approuver le rapport d’évaluation 2017, un tel retard ne saurait en soi être qualifié de commencement de preuve d’une pratique ou d’un agissement constitutif d’un harcèlement moral de la part de l’ancienne cheffe d’unité du requérant.

72      À titre surabondant, force est de constater que, au soutien de son argumentation, le requérant se contente de produire un courriel interne, daté du 12 décembre 2018, concernant ses objectifs professionnels, dans lequel il signale ne pas avoir reçu son rapport d’évaluation 2017.

73      Partant, l’argumentation du requérant relative à l’approbation tardive de son rapport d’évaluation 2017 ne saurait nullement prospérer aux fins d’établir un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

74      En deuxième lieu, le requérant invoque une absence d’objectifs professionnels clairs, après qu’il a été affecté à un poste différent de celui auquel il avait postulé au sein du CRU.

75      S’agissant de ce grief, il est vrai que le poste pour lequel le requérant a été recruté n’était pas celui pour lequel il avait initialement postulé. Néanmoins, il suffit, pour écarter ce grief, de constater que le requérant a reçu le 23 juillet 2017 une offre d’emploi et une description du poste de [confidentiel] au sein de l’unité dans laquelle il a finalement pris ses fonctions et qu’il a accepté cette offre le 24 juillet 2017. Partant, le requérant a pris connaissance, à cette occasion, des objectifs assignés aux membres de l’unité qu’il a intégrée tels que décrits dans la fiche de poste. D’ailleurs, il y a lieu de relever que, dans son courriel du 24 juillet 2017, le requérant a confirmé que les tâches décrites dans le courriel du 23 juillet 2017 lui convenaient et qu’il était heureux de se les voir confier. De ce fait, ce deuxième grief n’est pas susceptible de prospérer.

76      S’agissant de la définition des objectifs du requérant pour l’année 2018, il ressort d’un courriel [confidentiel] envoyé par la cheffe d’unité à tous les membres de son unité, y compris au requérant, qu’elle avait établi des objectifs pour chacun de ses collaborateurs et qu’elle les avait diffusés en leur indiquant dans le même courriel que ces objectifs feraient l’objet d’une discussion lors de la prochaine réunion de l’unité. Il y a lieu de constater que, au cours de cette réunion, qui s’est tenue le lendemain, le [confidentiel], tous les membres de l’unité ont pu discuter de leurs objectifs professionnels. En outre, par un courriel [confidentiel], envoyé par la cheffe d’unité, les membres de l’unité ont été invités à revoir leurs objectifs professionnels et à envoyer d’éventuels objectifs supplémentaires pour le [confidentiel], ce dont le requérant s’est acquitté [confidentiel].

77      Ainsi, force est de constater que le requérant disposait d’objectifs professionnels pour l’année 2018 dont il avait pu discuter avec son ancienne cheffe d’unité aux fins de clarification si besoin.

78      Pour l’année 2019, il ressort également clairement des pièces du dossier que le requérant s’est vu communiquer des objectifs professionnels dont il a pu discuter avec son ancienne cheffe d’unité.

79      En effet, au cours de l’entretien d’évaluation pour l’année 2018, qui s’est tenu le 11 mars 2019, le requérant a reçu de la part de son ancienne cheffe d’unité un projet d’objectifs professionnels pour l’année 2019, dont il a été invité à prendre connaissance et sur lequel il a été invité à faire part de ses observations dans un délai de deux jours. Le 13 mars 2019, son ancienne cheffe d’unité lui a rappelé de lui faire part de ses commentaires sur ledit projet.

80      Le 14 mars 2019, le requérant lui a répondu qu’il approuvait, en principe, les objectifs professionnels proposés, tout en recommandant l’intégration de quelques modifications aux objectifs professionnels finaux. Par courriel daté du même jour, son ancienne cheffe d’unité lui a communiqué ses objectifs professionnels finaux, en reprenant certaines de ses suggestions, lesquels ont été saisis le même jour dans le système informatique adéquat.

81      Certes, il ressort des pièces du dossier, ainsi que de ses réponses à des questions posées lors de l’audience par le Tribunal à cet effet, que le requérant a fait valoir, ce même 14 mars 2019, après que l’ancienne cheffe d’unité lui a fait part du prochain départ d’une collègue dotée des mêmes compétences linguistiques que lui, ce qui impliquait une charge de travail accrue également pour lui, que de tels objectifs étaient irréalistes.

82      Il n’en reste pas moins que, ainsi que l’a fait valoir le CRU, sans être contredit sur ce point par le requérant, cette surcharge de travail momentanée a été répartie entre tous les membres de l’unité de l’ancienne cheffe d’unité, de sorte que l’attribution temporaire de tâches supplémentaires au requérant et une réorganisation des priorités ne sauraient être considérées comme un commencement de preuve d’une pratique de harcèlement moral à l’encontre du requérant.

83      Dans le même contexte, le requérant a soutenu lors de l’audience que, si, dans un courriel du 24 juillet 2017 en réponse à un courriel du CRU du 23 juillet 2017, il avait effectivement affirmé que « la description des tâches [lui convenait parfaitement] et qu’[il était] ravi de contribuer à la réalisation des objectifs de l’équipe de [son ancienne cheffe d’unité] », ledit courriel du CRU du 23 juillet 2017 ne mentionnait que des tâches, non des objectifs, la notion d’objectifs se distinguant de celle de tâches.

84      À cet égard, le CRU a soutenu que ces deux notions sont similaires et que le requérant pouvait comprendre que les tâches énumérées dans le courriel du CRU du 23 juillet 2017 correspondaient aux objectifs qui lui seraient assignés.

85      Certes et ainsi que l’a fait valoir le requérant durant l’audience, il a déjà été jugé que la connaissance de ses tâches par un fonctionnaire n’implique nullement que des objectifs en relation avec celles-ci lui ont été dûment fixés, alors que l’administration a, en tout état de cause, l’obligation de fixer des objectifs dans les conditions requises. Par ailleurs, le juge de l’Union européenne accorde une importance particulière à la fixation formelle des objectifs, une fiche de description de poste ne pouvant, en tant que telle, être considérée comme un document fixant les objectifs d’un fonctionnaire, ces deux catégories de documents ayant des objets et des caractéristiques différents (voir arrêt du 12 mai 2011, AQ/Commission, F‑66/10, EU:F:2011:56, point 88 et jurisprudence citée).

86      Il n’en demeure pas moins que ces considérations, certes pertinentes dans le contexte de la contestation d’un rapport d’évaluation, ne sauraient dans le présent contexte fonder l’identification d’un commencement de preuve d’une pratique de harcèlement moral à l’encontre du requérant. En effet, par ledit courriel du CRU du 23 juillet 2017, le requérant a pris connaissance, à cette occasion, des objectifs assignés aux membres de l’unité en cause, tels que décrits dans la fiche de poste, et, même à considérer qu’il énonçait non des objectifs, mais seulement des tâches, ledit courriel ne constituerait pas un tel commencement de preuve.

87      Partant, l’argumentation du requérant relative à l’absence d’objectifs professionnels clairs, après qu’il a été affecté à un poste différent de celui auquel il avait initialement postulé, ne saurait nullement prospérer aux fins d’établir un commencement de preuve d’un harcèlement moral de la part de l’ancienne cheffe d’unité.

88      En troisième lieu, le requérant prétend que son ancienne cheffe d’unité a refusé de l’autoriser à prendre des congés et de valider des heures de travail, et lui a attribué des tâches irréalisables.

89      Tout d’abord, pour ce qui est des refus de congé, il importe de souligner qu’il ressort de la jurisprudence qu’un refus de congé en vue d’assurer le bon fonctionnement du service ne peut pas être considéré, en principe, comme une manifestation de harcèlement et que ce refus s’impose d’autant plus lorsque le fonctionnaire omet l’accomplissement des formalités administratives requises (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 107 et jurisprudence citée). Pour les mêmes motifs, le fonctionnaire ne saurait valablement prétendre que la non-régularisation ultérieure de sa demande de congé est un élément de comportement susceptible d’être qualifié de harcèlement moral (voir arrêt du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T 154/05, EU:T:2007:322, points 107 et 108).

90      Or, en l’espèce, ainsi que l’a fait valoir le CRU dans le mémoire en défense, un refus de congé n’a été opposé au requérant par son ancienne cheffe d’unité qu’à deux reprises sur une période de près de deux ans. Le requérant a admis cette assertion lors de l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal.

91      En outre, ces deux refus ne sont pas susceptibles de constituer un commencement de preuve d’un harcèlement moral de la part de l’ancienne cheffe d’unité dans la mesure où ils étaient justifiés par la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du service.

92      En effet, dans son premier refus, opposé en janvier 2019, l’ancienne cheffe d’unité du requérant lui a précisé, en des termes assez directs, que la période n’était pas opportune pour un congé « compte tenu de plusieurs travaux auxquels [il] particip[ait] et, en particulier, au vu de l’épisode de crise susceptible de survenir autour de cette période ».

93      De même, en avril 2019, l’ancienne cheffe d’unité a refusé d’approuver une demande de congé du requérant au motif que ce dernier avait été en arrêt maladie au cours des deux semaines précédentes et qu’un certain nombre de tâches importantes lui incombant étaient en attente.

94      De tels refus de congé, isolés et justifiés, qui ne sauraient donc être qualifiés de systématiques ou d’arbitraires, comme le prétend le requérant, ne constituent pas des commencements de preuve d’agissements constitutifs d’un harcèlement moral.

95      Ensuite, concernant le prétendu refus de validation d’heures de travail supplémentaires qui aurait illégalement forcé le requérant à travailler des heures et des jours non payés, force est de constater que le requérant ne rapporte aucun élément à même d’étayer cette allégation, d’une part, puisqu’il se contente de produire un courriel du 9 juillet 2019, émanant de sa propre personne et postérieur à la première décision attaquée, de sorte que sa force probante est limitée.

96      D’autre part, le requérant produit un formulaire de décompte des heures supplémentaires de janvier à septembre 2019.

97      Toutefois, ainsi que l’a fait valoir le CRU dans ses écrits devant le Tribunal et dans sa réponse à une question posée lors de l’audience par le Tribunal, sans être contredit sur ce point par le requérant, les heures supplémentaires prestées dans le cadre du système Flexitime ne permettent aux membres de son personnel que d’adapter leurs horaires de travail ou de demander une récupération de l’excédent d’heures travaillées, sous forme de jours de congé, mais ne sauraient donner lieu à un supplément de rémunération.

98      En tout état de cause, on ne saurait déduire de ce relevé d’heures, non matériellement contesté par le CRU, un commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral de la part de l’ancienne cheffe d’unité.

99      Enfin, les mêmes considérations valent pour ce qui est de la prétendue attribution de tâches irréalisables, en ce que le requérant ne rapporte aucun élément à même d’étayer cette allégation.

100    En effet, d’une part, le requérant se contente de produire un courriel émanant d’une collègue, daté du 20 février 2019, dont il ressort que l’ancienne cheffe d’unité lui confiait une tâche à exécuter pour la seconde moitié du mois de mars. D’autre part, le requérant produit deux courriels du 2 mai 2019, l’un de son ancienne cheffe d’unité, rédigé de manière certes concise et impérative, mais respectueuse et sans agressivité, et l’autre émanant de l’une de ses collègues, lui rappelant la nécessité d’accomplir la tâche en cause.

101    Aussi, ces trois courriels, dont il ne ressort pas que les tâches confiées au requérant étaient irréalisables, ne sauraient suffire à établir un commencement de preuve d’un harcèlement moral de la part de son ancienne cheffe d’unité.

102    Au demeurant, les allégations du requérant selon lesquelles son ancienne cheffe d’unité aurait interdit toute aide de la part de ses collègues dans l’exécution de ces tâches sont clairement démenties par le courriel de l’une de ses collègues du 2 mai 2019, de même que par un autre courriel d’une autre de ses collègues daté du même jour, lequel reflète un travail en équipe des membres de l’unité, le requérant inclus, sur l’un des projets en cours.

103    Partant, l’argumentation du requérant relative aux refus de congé et de validation d’heures de travail ainsi qu’à l’attribution de tâches irréalisables ne saurait prospérer aux fins d’établir un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

104    En quatrième lieu, le requérant invoque une série de fausses accusations, menaces et insultes de la part de son ancienne cheffe d’unité.

105    Premièrement, le requérant prétend que cette dernière l’a accusé, à tort, d’une absence non justifiée par un certificat médical, alors qu’un tel certificat n’était pas requis, et il produit à ce titre un courriel de son ancienne cheffe d’unité du 7 mai 2018.

106    Toutefois, force est de constater qu’il ressort de ce courriel, qui faisait suite à un courriel adressé au requérant provenant de l’unité des ressources humaines du CRU lui indiquant, en réponse à sa demande, qu’un certificat médical serait requis au-delà de trois jours d’absence, qu’un certificat médical serait préférable, dès lors que le requérant avait prévu un congé après son arrêt maladie. En outre, dans son courriel, l’ancienne cheffe d’unité ne formule aucune critique ou reproche à l’encontre du requérant, mais, à l’inverse, lui souhaite un prompt rétablissement.

107    Ce courriel, dont le requérant donne une interprétation erronée, ne saurait dès lors être utilement invoqué aux fins de rapporter un commencement de preuve de harcèlement moral.

108    Deuxièmement, le requérant prétend que son ancienne cheffe d’unité l’a appelé un jour pour lequel il avait sollicité un congé qu’elle n’a approuvé que le même jour, de sorte qu’il aurait dû être présent sur son lieu de travail. Il produit à cet effet un courriel de son ancienne cheffe d’unité du 21 février 2019.

109    Toutefois, force est de constater qu’il ressort de ce courriel que, en réponse à un courriel du requérant de la veille, envoyé à 19 h 14, dans lequel il demande la validation d’un congé pour le lendemain, son ancienne cheffe d’unité a demandé, à 10 h 49 à une troisième personne de prendre en charge la demande.

110    Il ne ressort aucunement de ce courriel que celui-ci aurait été précédé d’un échange téléphonique ou que le requérant aurait dû être présent sur son lieu de travail ce jour-là. En outre, selon le CRU, ce congé a été approuvé, ce qu’admet au demeurant le requérant dans la requête.

111    Dans ces circonstances, ce courriel ne saurait être utilement invoqué aux fins de rapporter un commencement de preuve de harcèlement moral.

112    Troisièmement, le requérant prétend que son ancienne cheffe d’unité l’a accusé d’enfreindre les plages horaires fixes du CRU et il produit à cet effet un courriel de son ancienne cheffe d’unité du 21 février 2019.

113    Toutefois, force est de constater qu’il ressort de ce courriel que son ancienne cheffe d’unité a seulement déploré son départ du bureau à 16 heures sans l’en avoir informée au préalable, en lui rappelant les plages horaires fixes du CRU, à savoir jusqu’à 16 h 30, et l’urgence de certains dossiers à traiter.

114    Ce courriel, justifié par un manquement du requérant, ne saurait être utilement invoqué aux fins de rapporter un commencement de preuve de harcèlement moral, car l’avertissement à un membre d’une unité concernant le respect des horaires de travail fait partie de l’exercice d’un poste d’encadrement.

115    Quatrièmement, le requérant prétend que son ancienne cheffe d’unité a « systématiquement propagé de fausses accusations » concernant ses capacités de travail et sa conduite, et il produit à cet effet un courriel de son ancienne cheffe d’unité du 31 janvier 2019, relatif à un séminaire conjoint du CRU et de l’ABE tenu le même jour, dans le cadre duquel son ancienne cheffe d’unité l’aurait accusé de divulguer indûment des informations confidentielles aux participants.

116    Toutefois, force est de constater qu’il ressort de ce courriel que son ancienne cheffe d’unité a seulement attiré son attention sur le cadre de son intervention et sur la sensibilité de certains sujets sur lesquels le CRU n’avait pas encore pris position de manière officielle.

117    Ce courriel ne saurait être utilement invoqué aux fins de rapporter un commencement de preuve de harcèlement moral, car cet avertissement à un membre d’une unité fait partie, de nouveau, de l’exercice d’un poste d’encadrement.

118    Cinquièmement, le requérant prétend que son ancienne cheffe d’unité le menaçait et l’insultait régulièrement et fait valoir à cet effet des commentaires formulés oralement par elle, dont la matérialité est contestée par le CRU.

119    À défaut de témoignages ou d’autres éléments de preuve attestant de tels commentaires, l’argumentation du requérant relative à une série de fausses accusations, menaces et insultes ne saurait prospérer aux fins d’établir un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

120    En cinquième et dernier lieu, le requérant conteste des appréciations de son ancienne cheffe d’unité, en tant qu’évaluatrice, dans son rapport d’évaluation 2018.

121    À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’une évaluation des prestations du fonctionnaire noté par un supérieur hiérarchique, fût-elle critique, ne saurait en tant que telle être qualifiée de harcèlement (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 2009, Giannini/Commission, F‑49/08, EU:F:2009:76, point 136 et jurisprudence citée).

122    En outre, il a été jugé que, si des observations négatives, faites dans des rapports de stage, portent nécessairement atteinte à la réputation professionnelle de la personne concernée, elles ne portent pas pour autant atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité physique ou psychique, dans la mesure où elles sont formulées en des termes mesurés et où il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elles reposeraient sur des accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 78 et jurisprudence citée).

123    À cet égard, il a encore été jugé que la circonstance que le rapport de notation contienne des commentaires négatifs à l’égard du fonctionnaire ne saurait révéler un harcèlement moral lorsque ces commentaires restent dans les limites du large pouvoir d’appréciation du notateur, et en particulier ne franchissent pas la frontière de la critique désobligeante ou blessante envers la personne intéressée (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2010, N/Parlement, F‑26/09, EU:F:2010:17, point 86).

124    En l’espèce, il apparaît que, dans le rapport d’évaluation 2018, l’ancienne cheffe d’unité du requérant est, en tant qu’évaluatrice, restée dans les limites de son large pouvoir d’appréciation et qu’elle n’a pas, en particulier, franchi ladite frontière de la critique désobligeante ou blessante envers le requérant, le recours formé par ce dernier contre le rapport d’évaluation 2018 ayant en tout état de cause été rejeté par arrêt de ce jour, JS/CRU (T‑270/20, non publié).

125    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argumentation que le requérant a fait valoir lors de l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal. Après avoir admis qu’un rapport d’évaluation contenant des commentaires négatifs ne saurait, en soi, constituer une pratique de harcèlement moral, le requérant a invoqué qu’il en irait différemment à défaut d’objectifs professionnels clairement définis. Or, il a été jugé plus haut que, en l’espèce, le grief tiré d’un tel défaut de définition des objectifs manque en fait.

126    Partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation du requérant tirée du rapport d’évaluation 2018 aux fins de rapporter un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

127    Après avoir examiné isolément les pratiques et agissements mis en avant par le requérant et avoir conclu qu’ils ne peuvent pas être considérés comme un commencement de preuve d’un harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut et du point 2.1 des règles du CRU portant sur la prévention du harcèlement, il convient encore de les examiner conjointement.

128    À cet égard, il y a encore lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec des collègues ou des supérieurs hiérarchiques ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 78 et jurisprudence citée).

129    Dans les circonstances de l’espèce, prises dans leur globalité, les évènements mis en avant révèlent certes une relation possiblement conflictuelle et, pour le moins, une certaine tension ressentie par le requérant vis-à-vis de son ancienne cheffe d’unité, mais ne révèlent pas un commencement de preuve d’une conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique de la part de cette dernière à son égard.

130    En effet, les pratiques et agissements dont le requérant se prévaut, pris conjointement et de manière contextuelle, indépendamment de leur très relative accumulation dans le temps, ne sauraient constituer, du point de vue d’un observateur impartial et raisonnable, un commencement de preuve d’actes pouvant avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique du requérant, résultant de l’intention malveillante de son ancienne cheffe d’unité.

131    Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

–       Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 24 du statut et du point 7.3 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement

132    Par le deuxième moyen invoqué au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant invoque une violation de l’article 24 du statut et du point 7.3 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement.

133    Selon le requérant, le CRU avait pleinement connaissance des pratiques de harcèlement moral à son encontre par son ancienne cheffe d’unité, en ce qu’il les avait signalées au service des ressources humaines et avait fourni à ce service, dès février 2019, plusieurs preuves en ce sens ainsi que des certificats médicaux. Ces signalements auraient provoqué l’intervention du responsable du respect de la déontologie et du conseiller-confident du service des ressources humaines. À la suite de l’introduction de sa demande d’assistance, des auditions auraient eu lieu et, trois jours après sa demande d’assistance, le requérant aurait été réaffecté dans une autre unité, à titre de mesure d’urgence.

134    Nonobstant cette mesure, le CRU a décidé de ne pas ouvrir d’enquête administrative au motif d’un défaut de preuves suffisantes au soutien de la demande d’assistance. Ce rejet de la demande d’assistance serait, selon le requérant, manifestement illégal dans de telles circonstances et le CRU aurait dû, à tout le moins, ouvrir une enquête, indépendamment de sa réaffectation dans une autre unité.

135    Au surplus, même après sa réaffectation, le requérant aurait continué à subir le harcèlement de son ancienne cheffe d’unité, notamment dans le cadre de l’exercice d’évaluation portant sur l’année 2018 et même après sa démission dans son rapport d’évaluation 2019.

136    Le CRU conclut au rejet du deuxième moyen.

137    Aux fins de statuer sur le deuxième moyen, il convient de vérifier si, en rejetant la demande d’assistance sans ouvrir d’enquête, le CRU a enfreint l’article 24 du statut et le point 7.3 des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement.

138    À titre liminaire, il convient de rappeler, tout d’abord, que, aux termes de l’article 24 du statut :

139    « L’Union assiste le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

140    Elle répare solidairement les dommages subis de ce fait par le fonctionnaire dans la mesure où celui-ci ne se trouve pas, intentionnellement ou par négligence grave, à l’origine de ces dommages et n’a pu obtenir réparation de leur auteur. »

141    Il est de jurisprudence constante que l’article 24 du statut a été conçu en vue de protéger les fonctionnaires de l’Union contre un traitement dégradant quel qu’il soit, émanant non seulement de tiers à l’institution, mais également de personnes travaillant pour l’institution, qu’il s’agisse de tout autre fonctionnaire ou agent, indépendamment de la position hiérarchique de celui-ci, ou de membres de l’institution (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 54 et jurisprudence citée).

142    On retrouve une règle de preuve équivalente au point 7.3, quatrième alinéa, des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement, lequel dispose :

« Les demandes d’assistance doivent être introduites auprès de l’entité du CRU chargée des ressources humaines, l’autorité investie du pouvoir de nomination ou l’entité chargée de la conformité […] L’autorité investie du pouvoir de nomination peut ensuite mandater l’entité chargée de la conformité afin que, le cas échéant, une enquête administrative soit menée, dans le but de déterminer la réalité des faits et les éventuelles responsabilités. Il appartient à la personne qui s’estime victime d’un harcèlement sexuel de fournir tous les éléments utiles à l’appui de ses allégations. Dans le cas de harcèlement moral, un certain degré de preuves doit être fourni par le plaignant. »

143    En outre, ainsi que cela a été rappelé au point 61 ci-dessus, lorsque les allégations figurant dans une demande d’assistance concernent un harcèlement moral, il appartient au demandeur d’assistance d’apporter un commencement de preuve de celui-ci au regard de la définition figurant à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

144    Il en résulte, s’agissant de l’exigence selon laquelle le demandeur d’assistance doit apporter un commencement de preuve de la réalité de la conduite abusive dont il affirme être victime, que l’institution en cause ne saurait être tenue de mener une enquête administrative sur la base de simples allégations dénuées de preuve, étant entendu que, dans la définition des mesures qu’elle estime appropriées en vue d’établir la réalité et la portée des faits allégués, l’institution doit également veiller à protéger les droits des personnes mises en cause dans une demande d’assistance et susceptibles d’être visées par une enquête (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 58 et jurisprudence citée ; ordonnance du 14 juillet 2021, AI/ECDC, T‑79/20, non publiée, EU:T:2021:478, point 63).

145    Dans le cadre du deuxième moyen invoqué au soutien de ses conclusions en annulation, force est de constater que le requérant se contente de reproduire des arguments qu’il a fait valoir dans le cadre du premier moyen, à l’exception d’un argument relatif à la prétendue connaissance, par le CRU, de pratiques de harcèlement moral dès février 2019.

146    Or, hormis ce dernier argument, tous les arguments du requérant ont été rejetés dans le cadre de l’appréciation du premier moyen, en ce que les pratiques et agissements de son ancienne cheffe d’unité qu’il avait invoqués n’ont pas permis de considérer qu’il avait rapporté un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

147    Dans le cadre de l’appréciation du deuxième moyen, les mêmes considérations doivent prévaloir au titre de l’article 24 du statut et du point 7.3, quatrième alinéa, des règles portant sur la politique du CRU en matière de prévention du harcèlement.

148    Ainsi, il ne saurait être fait grief au CRU de ne pas avoir ouvert d’enquête, au titre de l’obligation d’assistance, en application de ses dispositions, à défaut de commencement ou de début de preuve d’un harcèlement moral.

149    Dès lors, il reste à vérifier si le CRU disposait d’éléments qui auraient dû le conduire à ouvrir une enquête administrative, dès février 2019, après la réaffectation du requérant en mai 2019 et même après sa démission, indépendamment de la question de la pertinence de ces éléments aux fins d’apprécier la légalité des décisions attaquée.

150    Premièrement, la demande du requérant de présence d’un tiers lors de l’entretien d’évaluation, au demeurant acceptée par l’ancienne cheffe d’unité, ne saurait par elle-même constituer un commencement de preuve de pratiques de harcèlement moral justifiant l’ouverture d’une enquête, pas plus que son état de santé. Il en va de même pour sa réaffectation, demandée par le requérant et acceptée par le CRU. Cette mesure provisoire ne démontre pas que le CRU disposait d’un commencement de preuve de harcèlement, dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’urgence, prise par précaution, sans préjuger de la véracité des allégations du requérant.

151    Deuxièmement, il ne saurait non plus être reproché au CRU d’avoir manqué à son devoir d’assistance en ce qu’il a maintenu, pour l’exercice d’évaluation de l’année 2019, l’ancienne cheffe d’unité en tant qu’évaluatrice du requérant pour la période antérieure à sa réaffectation, à savoir jusqu’au [confidentiel]. En outre, la fonction d’évaluateur a été confiée pour le reste de l’année 2019 à une autre personne, ainsi que l’a fait valoir le CRU lors de l’audience, sans être contredit sur ce point par le requérant.

152    Troisièmement, le requérant ne saurait utilement se prévaloir du fait que sa candidature à un reclassement n’aurait pas été retenue, dès lors que l’ancienne cheffe d’unité s’est déportée de l’évaluation de la candidature du requérant, ainsi que l’a fait valoir le CRU, sans être contredit sur ce point par le requérant.

153    Quatrièmement, le défaut de prise en compte d’heures supplémentaires dans le cadre de l’aménagement flexible des heures de travail ne saurait être imputé à l’ancienne cheffe d’unité, ni, plus largement, au CRU, en ce que ce dernier a fait valoir, sans être contredit sur ce point par le requérant, que ce défaut de prise en compte résultait d’un retard du requérant dans la saisie de ces heures dans le système informatique prévu à cet effet.

154    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

–       Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du devoir de sollicitude

155    Par le troisième moyen invoqué au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant allègue une violation du devoir de sollicitude.

156    Selon le requérant, ayant été pleinement informé, dès février 2019, du comportement de son ancienne cheffe d’unité à son égard et des préjudices causés à sa santé, le CRU, en ayant maintenu cette dernière dans son rôle d’évaluatrice du requérant tout en ayant pris acte de la nécessité d’une réaffectation, était tenu, au titre du devoir de sollicitude, d’accueillir sa demande d’assistance, notamment quant aux modalités de son évaluation.

157    À compter de mars 2019, l’incapacité de travail du requérant aurait été reconnue, en consultation avec le service médical de la Commission européenne. Par ailleurs, la reprise de ses fonctions, avec sa demande d’assistance, le 2 mai 2019, a finalement débouché sur sa démission, alors que le CRU était pleinement informé de son état de santé et des pratiques de son ancienne cheffe d’unité.

158    En mai 2019, lorsque le CRU lui a demandé des preuves supplémentaires, le requérant était en arrêt maladie et dès lors très diminué quant à la possibilité de fournir de tels éléments, ce dont le CRU n’aurait nullement tenu compte.

159    Au titre du devoir de sollicitude, le CRU aurait été tenu d’examiner la demande d’assistance du requérant en prenant en compte l’ensemble de sa situation, en particulier son état de santé.

160    Rejeter la demande d’assistance sans ouvrir d’enquête, malgré le fait que le CRU ait reconnu la nécessité de réaffecter d’urgence le requérant immédiatement après sa demande d’assistance, constituerait une violation évidente du devoir de sollicitude.

161    Le CRU conclut au rejet du troisième moyen.

162    Pour statuer sur le troisième moyen, tiré d’une violation du devoir de sollicitude, il convient de rappeler que cette notion, tout en n’étant pas mentionnée dans le statut et le RAA, reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que ces textes ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents. Ce devoir implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui de l’agent concerné (arrêts du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, EU:C:1980:139, point 22, et du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, EU:C:1994:273, point 38 ; voir, également, arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 105 et jurisprudence citée).

163    Ainsi, il a déjà été jugé que, puisque l’administration, lorsqu’elle prend une décision en vertu de l’article 24 du statut, est tenue de prendre en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision sur une demande d’assistance concernant un prétendu harcèlement, elle ne saurait rejeter une telle demande en considérant que l’agent concerné n’aurait pas apporté un commencement de preuve des allégations formulées lorsqu’il est établi que celle-ci dispose d’autres éléments susceptibles de constituer des indices du prétendu harcèlement (arrêt du 26 mars 2015, CN/Parlement, F‑26/14, EU:F:2015:22, point 52).

164    En outre, les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation d’un agent dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est affectée (voir arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 106 et jurisprudence citée).

165    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier le troisième moyen.

166    En l’espèce, dans le cadre du troisième moyen invoqué au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant allègue une violation du devoir de sollicitude, en ce que le CRU a rejeté sa demande d’assistance sans ouvrir d’enquête.

167    À cet égard, le requérant fait notamment valoir qu’il a demandé, dès février 2019, à être placé sous l’autorité d’un autre chef d’unité, qu’il a demandé à être accompagné lors de l’entretien d’évaluation et qu’il avait saisi des conseillers confidentiels et le comité du personnel.

168    Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants pour pouvoir conclure que le CRU aurait violé le devoir de sollicitude en raison de l’absence d’ouverture d’une enquête administrative pour harcèlement moral, d’autant plus que, ainsi qu’il ressort de l’examen des premier et deuxième moyens, le requérant n’a pas présenté de commencement de preuve tendant à démontrer qu’il avait fait l’objet de harcèlement moral de la part de son ancienne cheffe d’unité et que, de ce fait, le CRU aurait dû accueillir sa demande d’assistance.

169    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par la connaissance qu’avait le CRU de la multiplication des congés de maladie du requérant, en ce que ce dernier n’a pas établi dans le cadre de la présente procédure que le CRU disposait d’éléments laissant supposer que ses absences étaient imputables à d’éventuelles pratiques de harcèlement moral.

170    En tout état de cause, force est de constater que, en l’espèce, le CRU a agi conformément au devoir de sollicitude lui incombant.

171    En effet, d’une part, à la suite de la demande d’assistance du requérant pour des pratiques alléguées de harcèlement moral, le CRU a procédé à la réaffectation immédiate du requérant dans une autre unité.

172    Cette réaffectation immédiate ne saurait être interprétée, contrairement à ce que soutient le requérant, comme la reconnaissance par le CRU du harcèlement moral allégué.

173    Ce faisant, le CRU a purement et simplement exercé de manière pondérée le devoir de sollicitude lui incombant dans l’intérêt du requérant, au titre d’une mesure prise dans l’urgence et par précaution.

174    D’autre part, pour tenir compte de son état de santé et en accueillant favorablement une demande de congé du requérant, le CRU a prolongé à deux reprises le délai accordé au requérant pour rapporter des éléments de preuve du harcèlement moral allégué.

175    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par le maintien de son ancienne cheffe d’unité en tant qu’évaluatrice pour la préparation du rapport d’évaluation 2019.

176    Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, dès lors, les conclusions en annulation dans leur ensemble.

 Sur les conclusions en indemnité

177    Au soutien de ses conclusions en indemnité, le requérant invoque un préjudice d’ordre moral, à hauteur de 20 000 euros, et d’ordre matériel, à hauteur de 77 408 euros.

178    Le CRU conclut au rejet des conclusions en indemnité.

179    À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire ou par un agent, l’engagement de la responsabilité de l’institution suppose la réunion d’un ensemble de conditions concernant l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué. Les trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une de celles-ci n’est pas satisfaite, la responsabilité de l’institution ne peut être engagée (arrêt du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, EU:C:1987:562, point 30).

180    Or, en l’espèce, force est de constater que les préjudices prétendument subis par le requérant, tant d’ordre moral que d’ordre matériel, ne sont allégués, ainsi que le requérant l’a expressément admis lors de l’audience, qu’en ce qu’ils auraient été causés par les décisions attaquées ayant rejeté sa demande d’assistance.

181    Dès lors que ses conclusions en annulation dirigées contre lesdites décisions sont rejetées par le présent arrêt, il y a lieu de rejeter les conclusions en indemnité et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

182    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

183    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens conformément aux conclusions du CRU.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      JS est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Valančius

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.