Language of document : ECLI:EU:T:2023:374

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 juillet 2023 (*)

« Environnement et protection de la santé humaine – Règlement (CE) no 1272/2008 – Classification, étiquetage et emballage des substances et des mélanges – Règlement délégué (UE) 2020/1182 – Classification du dilaurate de dioctylétain ; [1] dérivés stannane, dioctyl-, bis(coco acyloxy) [2] – Références croisées – Charge de la preuve – Erreur manifeste d’appréciation – Analyse d’impact »

Dans l’affaire T‑639/20,

TIB Chemicals AG, établie à Mannheim (Allemagne), représentée par Me K. Fischer, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. R. Lindenthal, Mme S. Delaude et M. A. Dawes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République d’Autriche, représentée par Mme J. Schmoll, en qualité d’agent,

par

Royaume de Suède, représenté par M. O. Simonsson, Mmes C. Meyer-Seitz, A. Runeskjöld, H. Shev, M. Salborn Hodgson, H. Eklinder et R. Shahsavan Eriksson, en qualité d’agents,

et par

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä, M. J.-P. Trnka et Mme A. Deloff-Bialek, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et J. Schwarcz (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, TIB Chemicals AG, demande l’annulation partielle du règlement délégué (UE) 2020/1182 de la Commission, du 19 mai 2020, modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique et scientifique, l’annexe VI, partie 3, du règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (JO 2020, L 261, p. 2, ci-après le « règlement attaqué »), dans la mesure où il concerne la substance dilaurate de dioctylétain ; [1] dérivés stannane, dioctyl-, bis(coco acyloxy) [2] (CE no 222-883-3 [1] 293-901-5 [2] et CAS no 3648-18-8 [1] 91648-39-4 [2]) (ci-après le « DOTL »).

 Cadre juridique

2        Conformément à son article 1er, paragraphe 1, le règlement no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1), a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la libre circulation des substances chimiques, des mélanges et de certains articles spécifiques sur le marché de l’Union européenne. À cette fin, conformément à son article 1er, paragraphe 1, sous a), ledit règlement vise notamment à harmoniser les critères de classification des substances et des mélanges, ainsi que les règles relatives à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges dangereux.

3        En ce qui concerne la classification des substances et des mélanges dangereux, l’article 3 du règlement no 1272/2008 prévoit qu’une substance ou un mélange qui répond aux critères relatifs aux dangers physiques, aux dangers pour la santé ou aux dangers pour l’environnement, tels qu’ils sont énoncés à l’annexe I, parties 2 à 5, est dangereux et est classé dans l’une des classes de danger prévues à cette annexe.

4        À cet égard, d’une part, le règlement no°1272/2008 prévoit, à son titre V, une procédure d’harmonisation, dans toute l’Union, de la classification et de l’étiquetage des substances, laquelle a pour objet les substances qui satisfont aux critères visés à l’annexe I pour les dangers indiqués à l’article 36, paragraphe 1, de ce règlement. Au paragraphe 3 de ce même article, d’autres cas de figure sont prévus, notamment « lorsqu’une substance satisfait aux critères pour d’autres classes de danger ou différenciations que celles visées au paragraphe 1 ». D’autre part, le règlement no 1272/2008, en particulier ses articles 9 et 13, impose aux fabricants, importateurs et utilisateurs en aval de classifier les substances et les mélanges.

5        Tout d’abord, la procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances prévue au titre V du règlement no 1272/2008, telle que pertinente en l’espèce s’agissant de la substance DOTL (voir point 14 ci-dessous), est déclenchée, par les fabricants, importateurs et utilisateurs en aval d’une substance ou par l’autorité compétente d’un État membre, par la soumission d’une proposition auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), conformément à l’article 37, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1272/2008. Une « autorité compétente » est définie, à l’article 2, point 24, dudit règlement, comme étant « l’autorité ou les autorités ou organismes mis en place par les États membres en vue d’exécuter les obligations résultant du présent règlement ».

6        Ensuite, le comité d’évaluation des risques de l’ECHA (ci-après le « CER ») adopte un avis sur la proposition soumise, en donnant aux parties concernées l’occasion de formuler des observations, et l’ECHA transmet cet avis et toutes les observations à la Commission européenne, conformément à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008.

7        Enfin, lorsque la Commission estime que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la substance concernée est appropriée, elle adopte un acte délégué, conformément à l’article 37, paragraphe 5, et à l’article 53 bis du règlement no 1272/2008, afin d’inclure le nom de la substance en cause et les éléments de classification et d’étiquetage pertinents dans l’annexe VI, partie 3, tableau 3.1, dudit règlement.

8        Lesdits classification et étiquetage harmonisés des substances, en application du titre V du règlement no°1272/2008, visent à déterminer les propriétés intrinsèques des substances (et des mélanges les contenant) qui doivent conduire à leur classification comme produits dangereux, afin que leurs dangers puissent être correctement identifiés et communiqués.

9        S’agissant de la classe de danger « Toxicité pour la reproduction », celle-ci couvre les effets néfastes sur la fonction sexuelle et la fertilité des hommes et des femmes adultes ainsi que les effets indésirables sur le développement de leurs descendants. L’article 36, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1272/2008 prévoit que, si une substance satisfait aux critères visés à l’annexe I de ce règlement pour le danger de la toxicité pour la reproduction, elle fait généralement l’objet d’une harmonisation de la classification et de l’étiquetage. Ces critères sont définis à l’annexe I, partie 3, point 3.7, et plus particulièrement au point 3.7.1.1, dudit règlement.

10      S’agissant de la classe de danger « Toxicité spécifique pour certains organes cibles (exposition répétée) », celle-ci couvre les effets toxiques spécifiques sur les organes cibles, résultant d’expositions répétées à une substance ou à un mélange. Les critères devant être satisfaits au sens de l’article 36, paragraphe 3, du règlement no 1272/2008 afin qu’une substance fasse l’objet d’une harmonisation de la classification et de l’étiquetage sont définis à l’annexe I, partie 3, point 3.9, et plus particulièrement au point 3.9.1.1, du règlement no 1272/2008.

 Antécédents du litige

11      La requérante fabrique et vend dans l’Union le DOTL, qui est utilisé notamment en contact avec les aliments et dans les conduites d’eau potable.

12      En 2013, la requérante, agissant en tant que déclarant principal, a soumis une demande d’enregistrement de la substance DOTL à l’ECHA (ci-après le « dossier d’enregistrement REACH du DOTL »), dans le cadre d’une soumission conjointe présentée conformément à l’article 11 du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, ci-après le « règlement REACH »).

13      Le dossier d’enregistrement REACH du DOTL ne contient aucune donnée sur les essais effectués pour les critères de « toxicité pour la reproduction » et de « toxicité par administration répétée ». Ces critères ont été évalués en recourant à des références croisées avec l’oxyde de dioctylétain (CE no 212‑791‑1  et CAS no 870‑08‑6, ci‑après le « DOTO ») ainsi qu’avec l’acide laurique.

14      Le 18 septembre 2015, la Kemikalieinspektionen (agence des produits chimiques, Suède) (ci‑après la « KEMI ») a notifié à l’ECHA son intention de soumettre une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés du DOTL comme substance toxique pour la reproduction. Cette intention initiale a d’abord été retirée par la KEMI, pour ensuite être réactivée le 14 août 2017. Le dossier de la KEMI portant sur la classification et l’étiquetage harmonisés des substances conformément aux articles 36 et 37 du règlement no 1272/2008 (ci-après le « dossier CLH ») contenait une proposition visant la classification « Repr. 1B » (substances présumées toxiques pour la reproduction humaine, catégorie 1B) et « STOT RE 1 » (toxicité spécifique pour certains organes cibles – exposition répétée, catégorie 1), accompagnée des codes des mentions de danger « H360D » et « H372 » (système immunitaire) et des exigences d’étiquetage correspondantes, ainsi qu’une justification et des informations générales figurant dans le rapport établi en vue de la constitution de ce dossier (ci-après le « rapport CLH »).

15      Le rapport CLH a été publié sur le site Internet de l’ECHA le 17 octobre 2017 et les parties intéressées ainsi que les autorités compétentes des États membres ont eu la possibilité de formuler des observations jusqu’au 1er décembre 2017. La requérante et plusieurs autres entités privées, ainsi que des autorités publiques, ont soumis des observations.

16      Après avoir appris, en septembre 2018, que le CER avait rendu son avis sur une classification et un étiquetage harmonisés du DOTL en se basant sur des références croisées avec le dichlorure de dioctylétain (CE no 222‑583‑2 et CAS no 3542‑36‑7, ci‑après le « DOTC »), la requérante a soumis une proposition d’essais à l’ECHA afin de fournir des preuves supplémentaires visant à démontrer que l’évaluation du CER était erronée. Cette proposition d’essais avait pour objet la réalisation d’une étude de toxicité sur le développement prénatal (OCDE TG 414) chez le rat, afin de démontrer qu’il n’existait aucun effet ou indication de toxicité pour la reproduction à propos du DOTL. Par conséquent, le dossier d’enregistrement REACH du DOTL contenant cette proposition d’essais a été mis à jour le 11 septembre 2018.

17      Le CER a adopté son avis sur la proposition de classification et d’étiquetage harmonisés du DOTL le 14 septembre 2018. L’ECHA a transmis l’avis du CER à la Commission, accompagné d’une proposition de classification inchangée.

18      La requérante a expliqué dans deux lettres adressées au Médiateur européen, le 6 mars 2019, et à la direction générale (DG) « Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME » de la Commission, le 14 juin 2019, que l’avis du CER visant à classer le DOTL en tant que substance toxique pour la reproduction, cancérigène ou mutagène était erroné, du fait qu’il serait contredit par les données scientifiques qu’elle avait fournies et par la littérature scientifique à laquelle elle renvoyait. Le Médiateur a rejeté les arguments de la requérante dans sa lettre du 4 avril 2019 et la DG « Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME » les a rejetés dans sa lettre du 24 juillet 2019. En outre, la requérante a contacté l’autorité allemande compétente, la Bundesanstalt für Arbeitsschutz und Arbeitsmedizin (institut fédéral de santé et de sécurité au travail, Allemagne).

19      Le 17 octobre 2019, l’ECHA a envoyé à la requérante une communication portant sur l’identité du DOTL ainsi que sur la question d’une nouvelle dénomination de ladite substance.

20      Le 19 mai 2020, la Commission a adopté le règlement attaqué, dont le considérant 1 dispose ce qui suit :

« Le tableau 3 figurant à l’annexe VI, partie 3, du règlement (CE) no 1272/2008, contient la liste des classifications et étiquetages harmonisés des substances dangereuses fondés sur les critères définis à l’annexe I, parties 2 à 5, dudit règlement. »

21      Le considérant 2 du règlement attaqué est libellé comme suit :

« Des propositions visant à instaurer une classification et un étiquetage harmonisés de certaines substances et à actualiser ou supprimer la classification et l’étiquetage harmonisés de certaines autres substances ont été soumises à l’[ECHA], conformément à l’article 37 du règlement no 1272/2008. À la lumière des avis […] formulés par le [CER] sur ces propositions, ainsi que des observations transmises par les parties concernées, il convient d’instaurer, d’actualiser ou de supprimer la classification et l’étiquetage harmonisés de certaines substances. Lesdits avis du CER sont les suivants :

[…]

–        avis du 14 septembre 2018 concernant le [DOTL]

[…] »

22      Par le règlement attaqué, le DOTL a été introduit à l’annexe VI, partie 3, du règlement no 1272/2008, avec la classification harmonisée suivante : classe de danger « Repr. 1B » (substances présumées toxiques pour la reproduction humaine, catégorie 1B) et « STOT RE 1 » (toxicité spécifique pour certains organes cibles – exposition répétée, catégorie 1), accompagnés des codes des mentions de danger respectifs « H360D » et « H372 » (système immunitaire), et l’étiquetage correspondant.

 Conclusions des parties

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement le règlement attaqué, dans la mesure où il concerne le DOTL ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      La République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA soutiennent la position de la Commission et concluent au rejet du recours. L’ECHA demande également au Tribunal de condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours en ce que la requérante conteste la légalité de la classification du DOTL comme substance toxique spécifique pour certains organes cibles, exposition répétée, catégorie 1 (STOT RE 1)

26      La Commission soutient que, même si la requérante demande l’annulation partielle de l’acte attaqué dans la mesure où il concerne le DOTL ainsi que des éléments de classification et d’étiquetage pertinents, elle ne justifierait pas sa contestation de la légalité de la classification du DOTL comme substance toxique spécifique pour certains organes cibles, exposition répétée, catégorie 1 (STOT RE 1).

27      En réponse aux questions posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la requérante soutient avoir justifié également sa contestation de la légalité de la classification du DOTL en tant que substance désignée « STOT RE 1 ». Elle tire cette conclusion du fait qu’elle a critiqué la Commission, le CER et la KEMI, pour s’être fondés sur des références croisées avec le DOTC, classé « STOT RE 1 », lors de la classification du DOTL en tant que substance de cette même classe. Il ressortirait plutôt de ses références croisées avec le DOTO, classé « STOT SE 2 » et « H371 », correspondant à une toxicité spécifique pour certains organes cibles, exposition unique, qu’elle soutenait que cette dernière classification, portant sur des effets aigus, mais réversibles, devait s’appliquer au DOTL.

28      En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal, conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations (voir ordonnance du 13 mai 2020, Lucaccioni/Commission, T‑308/19, non publiée, EU:T:2020:207, point 34 et jurisprudence citée).

29      Contrairement aux exigences de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, les éléments tels qu’ils ressortent directement de la requête ne sont pas suffisamment clairs en ce qu’ils critiquent la légalité de la classification du DOTL comme substance toxique spécifique pour certains organes cibles, exposition répétée, catégorie 1 (STOT RE 1). Le fait que la requérante ait renvoyé à la proposition de classification du DOTL en tant que substance « STOT SE 2 » et « H371 », en raison des risques d’effets nocifs sur le système immunitaire, n’est pas suffisant pour modifier cette conclusion. Les éléments explicatifs apportés ultérieurement par la requérante, en réponse aux questions du Tribunal, ne permettent pas non plus de remettre en cause cette conclusion. Partant, le chef de conclusions de la requérante relatif à la légalité de la classification du DOTL en tant que substance toxique spécifique pour certains organes cibles, exposition répétée, catégorie 1 (STOT RE 1) doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur l’étendue du contrôle juridictionnel

30      S’agissant de l’intensité du contrôle du Tribunal, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, afin de pouvoir procéder à la classification d’une substance au titre du règlement no 1272/2008, et en considération des évaluations scientifiques et techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission (voir arrêt du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a., C‑691/15 P, EU:C:2017:882, point 34 et jurisprudence citée).

31      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 76 et jurisprudence citée).

32      En particulier, lorsqu’une partie invoque une erreur manifeste d’appréciation qui aurait été commise par l’institution compétente, le juge de l’Union doit contrôler si cette institution a examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce sur lesquels cette appréciation est fondée. Cette obligation de diligence est en effet inhérente au principe de bonne administration et s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union (voir arrêt du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a., C‑691/15 P, EU:C:2017:882, point 35 et jurisprudence citée).

33      En outre, la limitation du contrôle du juge de l’Union n’affecte pas le devoir de celui-ci de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P, EU:C:2008:613, point 55 et jurisprudence citée).

34      Par ailleurs, s’agissant de l’évaluation d’études scientifiques, le Tribunal a déjà relevé qu’il y a lieu de reconnaître une large marge d’appréciation à la Commission en ce qui concerne cette évaluation, ainsi que le choix des études qui doivent primer sur les autres, et ce indépendamment de leur chronologie (voir arrêt du 24 octobre 2018, Deza/Commission, T‑400/17, non publié, EU:T:2018:712, point 95).

35      Il y a lieu d’ajouter que, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans l’acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de l’acte (voir arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 94 et jurisprudence citée).

36      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens de la requérante.

 Sur le fond

37      La requérante prétend que le règlement attaqué est illégal dans la mesure où le DOTL est classé comme « Repr. 1B » et « STOT RE 1 », accompagné des codes des mentions de danger respectifs « H360D » et « H372 » (système immunitaire) et des exigences d’étiquetage correspondantes.

38      La requérante soulève, en substance, sept moyens à l’appui de ses allégations, tirés, respectivement, d’une violation :

–        de l’article 37, paragraphes 1 et 5, et de l’annexe VI, partie 2, du règlement no 1272/2008, en ce que la KEMI, le CER et la Commission auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant la proposition de procéder à des références croisées entre le DOTO et le DOTL ;

–        des articles 5, 9 et 36 ainsi que de l’annexe I, parties 1 et 3, du règlement no 1272/2008, en ce que la Commission et les autres autorités compétentes n’auraient pas tenu compte de certaines informations dans une approche fondée sur « la force probante » et auraient ainsi commis une erreur manifeste d’appréciation ;

–        du règlement no 1272/2008, en ce que les références croisées entre le DOTC et le DOTL auxquelles la KEMI et le CER ont procédé ne seraient pas fondées sur des données scientifiques ;

–        des exigences de fond du règlement no 1272/2008 en matière de classification, en ce que la Commission et les autres autorités compétentes auraient commis une erreur en classant le DOTL en tant que substance toxique pour la reproduction, « catégorie 1B » (substances présumées toxiques pour la reproduction humaine) ;

–        du principe de proportionnalité, en ce que la classification du DOTL comme « Repr. 1B » ne serait ni nécessaire ni appropriée ;

–        de l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, du droit d’être entendu et du principe de bonne administration ;

–        de l’obligation pour la Commission de procéder à une analyse d’impact avant l’adoption de l’acte attaqué.

 Sur la recevabilité des quatre premiers moyens de la requérante

39      La Commission soutient que les quatre premiers moyens sont irrecevables, étant donné que la requête n’expose pas les éléments de droit et de fait essentiels sur lesquels lesdits moyens sont fondés.

40      La requérante soutient que ses quatre premiers moyens sont recevables. Alors même que les moyens auraient été énoncés dans le corps de la requête, ils auraient été complétés par les annexes A.20 et A.21, à l’aide d’informations scientifiques probantes.

41      Force est de constater, contrairement aux allégations de la Commission, que la requête est conforme aux exigences de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, à l’exception des allégations de la requérante portant sur la légalité de la classification du DOTL comme substance relevant d’un classement « STOT RE 1 » (voir points 26 à 29 ci-dessus) et sous réserve des renvois aux annexes A.20 et A.21 (voir points 42 à 45 ci-dessous). Par conséquent, et sous ces réserves, les quatre premiers moyens sont suffisamment clairs pour pouvoir être considérés comme recevables.

 Sur la recevabilité du renvoi aux différentes annexes par la requérante

42      En ce qui concerne le renvoi aux annexes A.20 et A.21 de la requête (voir point 40 ci-dessus), critiqué par la Commission, il convient de rappeler que, si le corps de la requête peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76 du règlement de procédure, doivent figurer dans la requête (arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94).

43      En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94).

44      Ainsi, une annexe à la requête ne peut être prise en considération que dans la mesure où elle étaye ou complète des arguments expressément invoqués par la partie requérante dans le corps de la requête et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments que l’annexe contient qui étayent ou complètent lesdits arguments (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 99).

45      Au regard de cette jurisprudence, ce n’est que dans la mesure où les annexes A.20 et A.21 étayent ou complètent des arguments expressément invoqués dans le corps de la requête, et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits arguments, qu’elles seront prises en compte.

 Sur le premier moyen, portant sur une violation de l’article 37, paragraphes 1 et 5, et de l’annexe VI, partie 2, du règlement no 1272/2008, en ce que la KEMI, le CER et la Commission auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant la proposition de procéder à des références croisées entre le DOTO et le DOTL

–       Arguments des parties

46      La requérante soutient que, en vertu de l’annexe VI, partie 2, du règlement no 1272/2008, à laquelle renvoie l’article 37, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit règlement, un des principes généraux régissant la préparation des dossiers qui ont pour objet de proposer et de justifier la classification et l’étiquetage harmonisés d’une substance est que « les informations pertinentes provenant des dossiers d’enregistrement sont prises en considération et d’autres informations disponibles peuvent être utilisées ». Du fait que l’enregistrement obligatoire au titre du règlement REACH entraîne une collecte exhaustive de données spécifiques à la substance, les informations figurant dans le dossier d’enregistrement seraient expressément désignées comme un outil essentiel pour la collecte d’informations relatives à la classification et à l’étiquetage harmonisés.

47      La requérante prétend que le rapport CLH mentionne le dossier d’enregistrement REACH du DOTL à titre de source des données. Le fait que, en tant que déclarant principal du DOTL, elle ait proposé de procéder à la classification sur la base de références croisées avec le DOTO à titre de substance source n’aurait, cependant, été ni mentionné ni considéré comme une option. L’avis du CER n’aurait pas non plus examiné cette possibilité. La requérante soutient avoir apporté des éléments visant à justifier l’utilisation de références croisées entre le DOTO et le DOTL, incluant une référence à une étude de type OCDE TG 422.

48      Selon la requérante, qui est également le déclarant principal du DOTO au titre du règlement REACH, cette substance n’est pas classifiée pour les critères de « toxicité pour la reproduction » et de « toxicité par administration répétée », comme l’aurait déjà démontré l’étude de type OCDE TG 422 relative à la toxicité par administration répétée par voie orale combinée avec le test de dépistage de la toxicité pour la reproduction/le développement chez les rats, élaborée en 2004 et figurant, également, dans le dossier d’enregistrement REACH du DOTL (ci-après l’« étude Waalkens-Berendsen de 2004 »). Bien que ladite étude n’ait pas démontré de toxicité pour la reproduction à propos du DOTO, l’ECHA aurait néanmoins exigé des essais supplémentaires dans le cadre d’un contrôle de conformité (décision de l’ECHA du 18 août 2016). Les essais produits à la suite de cette demande de l’ECHA, à savoir l’étude de toxicité sur le développement prénatal (OCDE TG 414) (ci-après l’« étude PDTS ») et l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération (OCDE TG 443) (ci-après l’« étude EOGRTS ») auraient confirmé que le DOTO n’avait aucun effet toxique pour la reproduction. Le dossier d’enregistrement REACH du DOTL fait référence à ces études supplémentaires, qui auraient été finalisées depuis.

49      La Commission ainsi que les autres autorités compétentes se seraient appuyées sur des références croisées manifestement erronées entre le DOTC et le DOTL, fondées sur des études in vitro, telles que les études Nasshan de 2015 et de 2016, portant sur l’évaluation in vitro du métabolisme de ces deux substances (ci-après, respectivement, l’« étude Nasshan de 2015 », l’« étude Nasshan de 2016 », et, ensemble, les « études Nasshan »), qui seraient de simples expériences sur des solutions accompagnées d’une analyse chimique ultérieure, qui n’auraient pas été réalisées dans des conditions conformes aux bonnes pratiques de laboratoire (ci-après les « BPL ») et ne répondraient pas non plus aux exigences prévues par le règlement REACH et le règlement no°1272/2008. La requérante a énuméré ce qui serait des erreurs graves dans l’avis du CER. En s’appuyant uniquement sur l’avis du CER, sans évaluation adaptée et en omettant les informations pertinentes, à savoir, les informations disponibles contenues dans le dossier d’enregistrement REACH du DOTL, la Commission et les autres autorités compétentes auraient violé les dispositions visées au point 46 ci-dessus et commis une erreur manifeste d’appréciation. La Commission aurait, en outre, violé son devoir de prudence à cet égard.

50      Dans la réplique, premièrement, la requérante soutient que la Commission reconnaît qu’elle a soumis, dans le cadre du dossier d’enregistrement REACH du DOTL, une étude de type OCDE TG 422 sur le DOTO pour les critères « toxicité pour la reproduction » et « toxicité par administration répétée ». L’ECHA et ses organes d’expertise, tels que le CER, pouvaient donc constater que les données relatives au DOTO étaient citées, ce qui n’était possible et admissible que dans le cas de références croisées. Par conséquent, il n’était pas déterminant de présenter une justification formelle des références croisées, mais il convenait que ces références croisées soient réalisées de manière reconnaissable. Selon la requérante, lorsque la KEMI a soumis sa proposition relative à la classification et à l’étiquetage harmonisés en août 2017, le dossier d’enregistrement REACH du DOTL contenait déjà, au point 7.8.1 (toxicité pour la reproduction), des informations explicites sur les références croisées avec le DOTO dans le format informatique obligatoire aux fins des dossiers d’enregistrement REACH (IUCLID). Il aurait, en outre, été clairement indiqué que la source des données de l’étude Waalkens-Berendsen de 2004 avait été utilisée dans le cadre de références croisées avec le DOTO, alors que le rapport CLH ne citait qu’une étude de type OCDE TG 408, d’Appel, M.J., et de Waalkens-Berendsen, D.H, portant sur l’analyse de la toxicité orale subchronique (13 semaines) chez le rat, comprenant un dépistage de la toxicité pour la reproduction et le développement, de 2004, concernant le DOTC. Dès lors qu’il était « évident » que le déclarant considérait que les références croisées avec le DOTO, et non avec le DOTC, constituaient l’approche appropriée d’un point de vue scientifique, il n’aurait pas été possible pour le CER et la Commission de négliger ces informations.

51      Deuxièmement, le retard dans l’obtention des deux études sur la toxicité pour la reproduction (EOGRTS et PDTS), demandées à la requérante par l’ECHA dans le cadre de la procédure d’enregistrement du DOTL au titre du règlement REACH, indiquait, selon elle, que l’on pouvait s’attendre à des conclusions importantes en matière de toxicité pour la reproduction. Pourtant, alors que les études n’étaient pas encore achevées en 2017, le CER n’aurait pas attendu ces résultats, qui se seraient avérés négatifs et qui auraient constitué des preuves scientifiques en faveur de l’absence de classification du DOTO.

52      En réponse aux mémoires en intervention, la requérante a réagi aux allégations du Royaume de Suède en soulignant que celui-ci avait admis que le dossier d’enregistrement REACH du DOTL faisait référence aux études concernant le DOTO. En outre, il reconnaîtrait que le DOTO était le principal produit de l’hydrolyse du DOTL, bien qu’il ait estimé que les références croisées avec le DOTO à des valeurs de pH faibles n’étaient pas justifiées. La requérante conteste qu’il existerait un motif légitime permettant d’écarter des références croisées avec le DOTO à une valeur de pH faible. À tous les niveaux de pH, incluant des conditions gastriques, le DOTO serait le principal produit de dégradation du DOTL (selon l’étude Nasshan de 2015). L’application correcte des références croisées entre le DOTO et le DOTL aurait mené à une constatation des seuls effets aigus et réversibles (STOT SE 2).

53      S’agissant des allégations de la République d’Autriche, la requérante fait valoir que, en appliquant les références croisées entre le DOTO et le DOTL, elle a suivi les recommandations de l’ECHA. Il ne serait pas déterminant de savoir si, dans son dossier, la requérante a justifié de manière suffisamment détaillée les références croisées proposées.

54      La Commission, soutenue par la République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste les allégations de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

55      S’agissant des références proposées par la requérante aux données relevant du dossier d’enregistrement REACH du DOTL (voir points 46 et 47 ci-dessus), tout d’abord, il convient de constater qu’elle admet que ce dernier « ne contient aucune donnée sur les essais effectués pour les critères de “toxicité pour la reproduction” et de “toxicité par administration répétée” » pour cette substance. Ces critères ont été traités en recourant à des références croisées avec le DOTO. Ainsi, il ne saurait être considéré que ledit dossier contenait, comme semble le prétendre la requérante, « une collecte exhaustive de données spécifiques à la substance », s’agissant du DOTL.

56      Ensuite, alors que la requérante avait présenté, dans la procédure d’enregistrement du DOTL au titre du règlement REACH, certains éléments au soutien des références croisées entre le DOTO et le DOTL, la Commission, la République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA allèguent que ces éléments étaient insuffisants et ne constituaient pas une justification détaillée de l’approche proposée. En particulier, selon eux, l’allégation de la requérante selon laquelle ces références croisées ont été réalisées « de manière reconnaissable » est insuffisante pour satisfaire aux exigences prévues au point 1.5 de l’annexe XI du règlement REACH.

57      À cet égard, premièrement, étant donné que le DOTL a été enregistré en tant que substance fabriquée ou importée en quantités égales ou supérieures à 100 tonnes par an et par fabriquant ou par importateur, ainsi que cela ressort de l’annexe A.5 de la requête, des exigences en matière d’information pour un dossier d’enregistrement étaient notamment énoncées à l’article 12, paragraphe 1, sous d), du règlement REACH, qui prévoyait, notamment, que le dossier d’enregistrement devait contenir des propositions d’essais pour la production d’informations visées à l’annexe IX du règlement REACH. Toutefois, dès lors que le dossier d’enregistrement REACH du DOTL ne contenait aucune étude sur le critère de la toxicité pour la reproduction quant à cette substance, ni aucune proposition d’essais pour une telle étude (voir point 55 ci-dessus), les exigences prévues notamment aux points 8.6.2 (« Étude de toxicité subchronique ») et 8.7.2 (« Étude de toxicité sur le développement prénatal ») de l’annexe IX du règlement REACH n’étaient pas remplies.

58      Deuxièmement, il ressort de la partie introductive de l’annexe IX, troisième alinéa, du règlement REACH que le déclarant peut proposer d’adapter les informations standard exigées, mentionnées à la colonne 1 de l’annexe susvisée, selon les dispositions générales énoncées à l’annexe XI. Dans ce cas, « il indique clairement les raisons de toute décision de proposer des adaptations aux informations standard sous les rubriques appropriées dans le dossier d’enregistrement en se référant aux règles spécifiques appropriées de la colonne 2 ou de l’annexe XI ».

59      À cet égard, l’annexe XI, point 1.5, premier alinéa, du règlement REACH, tel qu’applicable le 14 août 2017 (voir point 14 ci-dessus), prévoyait ce qui suit :

« Les substances dont les propriétés physicochimiques, toxicologiques et écotoxicologiques sont probablement similaires ou suivent un schéma régulier en raison de leur similarité structurelle peuvent être considérées comme un groupe ou une “catégorie” de substances. L’application du concept de groupe exige que les propriétés physicochimiques, les effets sur la santé humaine et l’environnement, ainsi que le devenir dans l’environnement puissent être prédits sur la base de données relatives à une ou des substances de référence appartenant au même groupe, par interpolation vers d’autres substances du groupe (méthode des références croisées). Cette méthode permet d’éviter de tester chaque substance pour chaque effet […] »

60      Ensuite, l’annexe XI, point 1.5, quatrième alinéa, du règlement REACH, tel qu’applicable le 14 août 2017, prévoyait ce qui suit :

« […]

Dans tous les cas, les résultats devraient :

–        être appropriés aux fins de la classification et de l’étiquetage et/ou de l’évaluation des risques,

–        les paramètres clés pris en considération par la méthode d’essai correspondante visée à l’article 13, paragraphe 3, sont couverts de manière suffisante et fiable,

–        la durée de l’exposition est comparable ou supérieure à celle prévue par la méthode d’essai correspondante visée à l’article 13, paragraphe 3, si cette durée constitue un paramètre à prendre en considération, et

–        il y a lieu de fournir une description suffisante et fiable de la méthode utilisée. »

61      L’ECHA a également publié, en 2008, un « Guide des exigences d’information et évaluation de la sécurité chimique », dont le chapitre R.6, « QSAR et regroupement de substances chimiques » (point R.6.2.6.1), indique qu’une justification des références croisées est requise, y compris dans une hypothèse fondée sur la reconnaissance des similarités structurelles. Une explication du raisonnement sous-tendant la prévision des propriétés et des résumés d’études solides concernant les études sources sont également nécessaires. Ces conditions sont encore développées dans les orientations d’avril 2013 sur les conditions énoncées à l’annexe XI, point 1.5, du règlement REACH, portant, notamment, sur le regroupement des substances et sur la méthode de références croisées, notamment sous le point 3.1, sous d).

62      Enfin, la date pertinente, s’agissant de la proposition de classification incluse dans le dossier CLH, était le 14 août 2017 (voir point 14 ci-dessus). Or, à cette date, comme l’admet elle-même la requérante, le guide de l’ECHA portant sur les références croisées (Read-Across Assessment Framework, ci-après le « RAAF »), daté de mars 2017, qui portait sur des exigences encore plus avancées, était également en vigueur.

63      Le RAAF prévoit que « [e]n vertu du règlement REACH, les déclarants sont tenus de soumettre un dossier complet contenant des informations spécifiques conformes aux exigences du règlement REACH en matière d’informations », que, « [p]our chaque exigence en matière d’adaptation, les déclarants doivent indiquer expressément s’ils procèdent à une adaptation par références croisées » et qu’« [i]ls sont alors tenus de fournir une justification complète concernant l’utilisation de la méthode des références croisées ». Le RAAF prévoit également que les documents justificatifs concernant l’utilisation des références croisées fournis dans le dossier feront l’objet d’une évaluation. Par ailleurs, il est prévu que « l’ECHA évalue les documents fournis dans le dossier et n’entrepren[ne] pas d’analyses ou de recherches supplémentaires aux fins d’étoffer la justification scientifique, au cas où elle serait insuffisante, ou les documents justificatifs, s’ils s’avèrent incomplets » (RAAF, page 8).

64      En l’espèce, la question est de savoir si les éléments portant sur les références croisées entre le DOTO et le DOTL, présentés par la requérante dans la procédure d’enregistrement du DOTL au titre du règlement REACH, satisfont aux conditions requises.

65      À cet égard, ainsi que le soutiennent, à juste titre, la Commission, la République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA, et comme cela ressort également des réponses de la requérante aux questions posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le point en cause dans le dossier d’enregistrement REACH du DOTL ne renvoyait qu’à des considérations générales sur l’absorption orale du DOTL et au fait que cette substance était considérée comme étant immédiatement hydrolysée en DOTO et en acide laurique dans l’intestin, largement distribuée dans l’organisme, peu métabolisée et excrétée principalement sous forme de DOTO inchangé. Alors que des éléments portant sur l’hydrolyse du DOTL, ainsi que du DOTO, dans des conditions gastriques, ont été présentés par la requérante, il n’en ressort pas pour autant que le dossier d’enregistrement REACH du DOTL contenait des explications sur les similitudes des propriétés toxicologiques entre les deux substances en cause. Or, comme il est indiqué au point 59 ci-dessus, il convenait de démontrer l’existence de certaines similarités structurelles permettant de déterminer pour quelles raisons les propriétés du DOTL pouvaient être prédites à partir de celles du DOTO, dans le contexte de la proposition de références croisées. De même, les éléments auxquels s’est référée la requérante ne contenaient pas une description suffisante et fiable de la méthode de références croisées utilisée, comme cela est requis par l’annexe XI, point 1.5, quatrième alinéa, du règlement REACH (voir point 60 ci-dessus).

66      Certes, la requérante a encore relevé, dans ses écritures devant le Tribunal et dans sa réponse aux questions posées par celui-ci dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, des éléments additionnels portant sur les références croisées entre le DOTO et le DOTL. Force est cependant de constater que ces éléments ne constituent ni une justification détaillée de l’approche proposée, ni une description suffisante et fiable de la méthode utilisée qui remplirait les exigences posées au point 1.5 de l’annexe XI du règlement REACH. Le fait que ces éléments permettent de constater, comme le soutient la requérante, que lesdites références croisées ont été proposées « de manière reconnaissable » ou, en d’autres termes, de manière telle que le fait qu’elles ont été proposées constituerait une évidence pour tout expert scientifique, n’est pas décisif au regard des exigences rappelées aux points 57 à 63 ci-dessus. 

67      S’agissant du caractère reconnaissable des références croisées effectuées avec le DOTO, premièrement, la requérante soutient que le dossier d’enregistrement REACH du DOTL datait de 2013, qu’il avait été actualisé en juillet 2014 et qu’il remplissait à l’époque les exigences applicables, notamment lors de l’utilisation de l’application « IUCLID 5 », laquelle ne prévoyait pas d’explication spécifique des références croisées. À cet égard, il convient de constater qu’une description adéquate et fiable de la méthode utilisée de références croisées entre le DOTO et le DOTL devait, en tout état de cause, être donnée, conformément aux exigences posées au point 1.5, quatrième alinéa, de l’annexe XI du règlement REACH, de sorte à permettre de prévoir, en raison de la similarité structurelle éventuelle entre ces substances, la pertinence de cette méthode pour l’évaluation du DOTL. Outre le fait que, en ce qu’il prévoit précisément les informations à indiquer à cet égard (voir points 59 et 60 ci-dessus) et compte tenu de son objectif qui est d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, conformément à son premier considérant, le règlement REACH doit être interprété comme exigeant que les références croisées soient justifiées, il ressort, de surcroît, des guides de l’ECHA, comme cela est rappelé aux points 61 à 63 ci-dessus, qu’une justification des références croisées était requise, y compris dans une hypothèse fondée sur la reconnaissance des similarités structurelles.

68      Deuxièmement, la requérante renvoie au fait que, le 17 janvier 2017, l’étude Waalkens-Berendsen de 2004 a été ajoutée au dossier d’enregistrement REACH du DOTL, indiquant clairement les références croisées avec le DOTO (voir points 48 et 50 ci-dessus). Elle se réfère encore à d’autres études, qui indiqueraient clairement les références croisées entre le DOTO et le DOTL. Alors que la requérante indique, à chaque échéance, que ces références croisées étaient « clairement reconnaissables », il ne ressort pas des renvois effectués qu’elle aurait apporté des informations conformes à ce qui était exigé par le règlement REACH, et en particulier le point 1.5 de son annexe XI (voir points 57 à 63 ci-dessus).

69      S’agissant de l’étude Waalkens-Berendsen de 2004, force est de constater qu’elle est invoquée en ce qu’elle porte sur le DOTO et ses caractéristiques, la requérante soutenant qu’il en ressortait que cette substance n’était pas toxique pour la reproduction. Comme l’avance la Commission, et en l’absence de références concrètes faites à cet égard par la requérante, il n’était pas possible d’en tirer des conclusions sur la « probabilité d’une toxicologie similaire » entre le DOTO et le DOTL ou encore de prédire les propriétés du DOTL, en l’absence d’étude transmise pour cette dernière substance.

70      Par ailleurs, sur cette même question, en ce qui concerne la mise à jour du dossier d’enregistrement REACH du DOTL en septembre 2017, contenant certains éléments fondés sur le processus d’hydrolyse visant à justifier la proposition de références croisées entre le DOTO et le DOTL, celle-ci a été réfutée dans le dossier CLH, sur la base des études disponibles, dont il ressortait que des produits de dégradation autres que le DOTO avaient été révélés dans des conditions gastriques simulées, à savoir à faible pH.

71      Ainsi que le souligne le Royaume de Suède, tant la KEMI que le CER ont répondu à l’information contenue dans le dossier d’enregistrement REACH du DOTL, selon laquelle le DOTL était immédiatement hydrolysé en DOTO et en acide laurique dans l’eau, en constatant que c’est le produit de la dégradation formé dans des conditions acides qui était pertinent aux fins de l’évaluation des effets toxiques du DOTL par voie orale et que les références croisées avec le DOTO à faible pH n’étaient pas justifiées (la KEMI ayant souligné les différences par rapport au pH neutre, en citant les études Nasshan).

72      En revanche, la requérante a indiqué, dans ses observations sur le mémoire en intervention du Royaume de Suède, que celui-ci avait admis, d’une part, que l’approche consistant à considérer que le DOTO était un produit de dégradation du DOTL était correcte à un pH neutre et, d’autre part, s’agissant des conditions gastriques à une valeur de pH faible, que rien n’indiquait un problème de nature toxicologique à cet égard (selon l’étude Nasshan de 2015, voir point 52 ci-dessus). Un désaccord fondamental existe ainsi quant à la question de savoir si le DOTO est un produit principal de l’hydrolyse du DOTL également dans les conditions gastriques. Bien que ces arguments ne suffisent pas, à eux seuls, pour établir la pertinence de références croisées entre le DOTO et le DOTL, en l’absence d’autres informations requises (voir points 59 et 60 ci-dessus) et en tenant compte de la présence d’autres produits de l’hydrolyse du DOTL dans les conditions gastriques (voir points 75 à 78 ci-dessous), il convient de considérer, en tout état de cause, que c’est à la requérante qu’il appartenait de démontrer que, même à une valeur de pH faible, le DOTL aurait été hydrolysé en DOTO en volumes pertinents, contrairement aux estimations de la KEMI.

73      À cet égard, tout d’abord, la requérante présente devant le Tribunal une position ambiguë quant au fait de savoir si les études Nasshan citées par la KEMI remplissaient les conditions conformes aux BPL et répondaient aux exigences prévues par le règlement REACH et le règlement no 1272/2008 (voir point 49 ci-dessus). En effet, en s’éloignant de ses critiques initiales, la requérante a répondu aux questions du Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, en substance, que lesdites études pouvaient être considérées comme assimilables à des études effectuées conformément aux BPL, en raison des diverses précautions prises, dans la mesure où elles concernaient les propriétés physicochimiques du DOTL et identifiaient les produits de l’hydrolyse de cette substance, en particulier le DOTO. En revanche, les études Nasshan ne seraient pas pertinentes pour une classification des dangers d’une substance pour les humains et pour l’environnement. Étant donné que la position de la requérante, présentée en réponse aux questions du Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure quant à la pertinence des études Nasshan sur le plan de l’évaluation de l’hydrolyse du DOTL, rejoint la position présentée par la Commission et par l’ECHA, la requérante ne reprenant plus ses critiques avancées à cet égard dans la requête, il sera tenu compte de ces études par la suite dans la mesure où elles identifient les produits de l’hydrolyse dans des conditions gastriques simulées.

74      Ensuite, dans le cadre du présent moyen, les renvois aux études Nasshan sont pertinents dans la mesure où, selon la requérante, les références croisées entre le DOTO et le DOTL étaient liées aux considérations sur l’absorption orale du DOTL et notamment au fait que cette substance était considérée comme étant immédiatement hydrolysée en DOTO et en acide laurique dans l’intestin (voir point 65 ci-dessus et point 75 ci-dessous).

75      Outre leur pertinence au regard de l’allégation de la requérante visée au point 74 ci-dessus, les études Nasshan ont permis d’évaluer l’identité des produits de dégradation de l’hydrolyse, respectivement, du DOTC et du DOTL, sous un faible pH (pH 1.2, conditions gastriques simulées, acide), dans le contexte des références croisées effectuées par la KEMI entre ces deux substances. Les produits identifiés de la décomposition du DOTC et du DOTL dépendent des conditions de l’expérience. Selon le dossier CLH, dans un pH neutre et légèrement acide, tant le DOTL que le DOTC s’hydrolysent en DOTO insoluble et en leur ligand respectif (acide laurique/chlorure). En revanche, dans des conditions gastriques simulées, le dossier CLH décrit la décomposition comme suit :

–        pour le DOTC : distannoxane ClOct2SnOSnOct2Cl (> 90 % après 4 heures), DOTC non hydrolysé (< 10 %) ;

–        pour le DOTL : distannoxane ClOct2SnOSnOct2Cl (14-16 %), dioctylétain mono-chloro laurate (ci-après le « DOTLC ») (43-47 %) et un composé de l’étain non affecté (38-43 %).

76      Or, aucun des éléments apportés par la requérante n’invalide les appréciations susvisées, dont il ressort que le produit de l’hydrolyse du DOTL est composé de trois substances différentes du DOTO. En particulier, ainsi qu’il est indiqué dans le sommaire et à la page 12 de l’étude Nasshan de 2015, en ce qui concerne l’hydrolyse du DOTL, le produit consiste, outre en du DOTLC et du distannoxane, en du « complexe DOTO », et pas simplement en du DOTO. À cet égard, il ressort de la page 13 de l’étude Nasshan de 2015 que l’expression « complexe DOTO » décrit « une solution de DOTO extractible à l’hexane dans du DOTLC ou du DOTL » (à la différence du DOTO, qui n’est pas soluble dans l’hexane). Le dossier CLH indique encore que le composé de l’étain non affecté (complexe DOTO) peut être associé à des structures polymériques différentes du DOTO. Cette même considération ressort du document d’information accompagnant l’avis du CER.

77      Il ressort de ladite étude que, alors même que des quantités égales de DOTLC et de complexe DOTO sont présentes après 30 minutes (pouvant se recouper à 43 % chacun), des quantités encore plus faibles sont indiquées pour le complexe DOTO à la suite d’une longue incubation, après 4 heures (38 % pour le complexe DOTO contre 47 % pour le DOTLC).

78      Ainsi, les études Nasshan ne renforcent pas l’approche relative aux références croisées entre le DOTO et le DOTL. En particulier, la requérante n’a pas démontré que, alors même que plusieurs produits de dégradation d’une substance sont formés, il serait possible de conclure qu’aucune classification ne se justifie sur la base de références croisées à partir d’un seul de ces produits de dégradation. D’ailleurs, dans les réponses aux questions du Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la requérante se fonde sur certaines « probabilités » à cet égard.

79      Il convient également de relever que c’est à juste titre que la Commission soutient que les informations contenues dans la contribution de la requérante à la consultation publique sur le dossier CLH contredisaient la proposition de références croisées entre le DOTO et le DOTL, ou, à tout le moins, affaiblissaient la pertinence de celle-ci. Alors même que la requérante soutient qu’elle n’avait pas retiré sa proposition de références croisées, force est de constater qu’elle a affirmé, dans ladite consultation publique, que « la production de nouvelles données sur la substance elle-même sembl[ait] être le seul moyen de caractériser avec précision le potentiel reprotoxique et la toxicité spécifique de certains organes du DOTL et de remédier de manière adéquate à l’incertitude de la qualification des substances ».

80      S’agissant du retard dans l’obtention des études EOGRTS et PDTS (voir point 48 ci-dessus) et de l’argument de la requérante, selon lequel, alors que ces études n’étaient pas encore achevées en 2017, le CER n’a pas attendu leurs résultats (voir point 51 ci-dessus), d’une part, force est de constater qu’il n’existait aucune raison conduisant à interpréter le retard dans l’exécution de certaines études comme indiquant qu’il était possible de « s’attendre à des conclusions importantes en matière de toxicité pour la reproduction ». D’autre part, dans la mesure où ces études concernaient l’absence d’effet toxique pour la reproduction du DOTO, elles ne sont pas directement pertinentes dans l’appréciation portant sur le DOTL ou quant aux possibilités de démontrer que les références croisées entre ces substances étaient justifiées.

81      Il convient également de relever, s’agissant des renvois généraux vers les annexes A.20 et A.21 afin de démontrer que l’ECHA a ignoré des informations pertinentes et importantes, que, au regard de la jurisprudence citée aux points 42 à 44 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours. En particulier, le simple fait d’énoncer, sans plus de précision, une allégation dans la requête, en renvoyant aux annexes pour d’éventuelles explications des arguments appuyant concrètement cette allégation, n’est pas une approche conforme à la jurisprudence susvisée.

82      Dans ces circonstances, et au regard de la jurisprudence citée aux points 30 à 35 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission pouvait considérer que les éléments présentés par la requérante quant aux références croisées entre le DOTO et le DOTL, en particulier dans le dossier d’enregistrement REACH du DOTL, n’étaient pas suffisamment pertinents pour l’évaluation dans le cadre du dossier CLH.

83      Enfin, et en tout état de cause, indépendamment de la prétendue pertinence des références croisées entre le DOTL et le DOTO, il n’en demeure pas moins que ce n’est que dans le cas où l’analyse de la Commission quant aux références croisées entre le DOTL et le DOTC aurait également été erronée qu’il aurait été possible de conclure qu’il y avait eu une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de l’étiquetage harmonisé portant sur le DOTL. Cet élément est évalué dans le cadre des moyens suivants.

84      Partant, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des articles 5, 9 et 36, et de l’annexe I, parties 1 et 3, du règlement no 1272/2008, en ce que la Commission et les autres autorités compétentes n’auraient pas tenu compte de certaines informations dans une approche fondée sur « la force probante » et auraient ainsi commis une erreur manifeste d’appréciation

–       Arguments des parties

85      La requérante avance avoir expliqué, dans les annexes A.20 et A.21 de la requête, que la Commission et les autres autorités compétentes ont commis de graves erreurs à propos de l’évaluation scientifique. Premièrement, la Commission aurait ignoré des informations pertinentes provenant de la littérature scientifique, de conclusions scientifiques essentielles ou des observations de la requérante. Deuxièmement, la Commission aurait appliqué de manière incorrecte, contradictoire ou illogique la littérature scientifique ou les conclusions scientifiques essentielles.

86      La Commission aurait donc violé le point 1.1.1.3 de l’annexe I, partie 1, du règlement no 1272/2008, qui déclare que toutes les informations disponibles ayant une incidence sur la détermination du danger d’une substance sont prises en considération conjointement. Elle aurait également violé les points 3.7.2.2 et 3.7.2.3 de l’annexe I, partie 3, du règlement susvisé, en particulier le point 3.7.2.3.1, qui exige que la classification repose « sur l’évaluation de la force probante de l’ensemble des données » et qui indique que le poids attribué aux données disponibles est influencé par des facteurs tels que la qualité des études, la cohérence des résultats, ou l’absence de biais, et que la détermination de la force probante des données se fonde sur les résultats tant positifs que négatifs.

87      La Commission aurait également violé l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1272/2008, qui énonce les principes de base d’une évaluation scientifique solide, à savoir l’adéquation, la fiabilité et la validité scientifique des informations. Ces principes seraient particulièrement importants lorsqu’une classification n’est pas proposée sur le fondement des résultats d’une étude sur les animaux, mais par analogie et par références croisées.

88      La requérante fait ainsi valoir que, la Commission et les autres autorités compétentes en cause n’ayant pas correctement examiné, évalué, pris en compte et pesé les informations pertinentes disponibles, elles auraient violé l’article 5 (intitulé « Identification et examen des informations disponibles sur les substances »), l’article 9 (intitulé « Évaluation des informations sur les dangers pour les substances et les mélanges ») ainsi que l’article 36 et l’article 37, paragraphe 5 (intitulés, respectivement, « Harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances » et « Procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances »), du règlement no 1272/2008, lus conjointement avec l’annexe I, parties 1 et 3, de ce règlement (intitulées, respectivement, « Principes généraux de classification et d’étiquetage » et « Dangers pour la santé »). De plus, en raison du fait que la Commission se serait simplement fondée sur l’avis du CER sans procéder à une évaluation suffisante et sans tenir compte de l’ensemble des informations pertinentes, elle aurait exercé sa marge d’appréciation de manière incorrecte et aurait violé son devoir de prudence.

89      La requérante considère que le DOTL n’a pas de propriétés nocives pour la reproduction et que seul un effet nocif aigu sur le système immunitaire doit être pris en compte. Le déclarant a donc choisi pour le DOTL la classification suivante : « STOT SE 2 H371 ». Dans le cadre de l’évaluation normale de l’enregistrement que réalise l’ECHA, cette dernière aurait pu contacter la requérante, en tant que déclarant principal du DOTL, si un point semblait peu concluant ou elle aurait pu demander des données supplémentaires. Le dossier du DOTL n’aurait, jusqu’à la date du présent recours, fait l’objet d’aucun contact de l’ECHA à propos de la classification de cette substance. La requérante avance également que l’ECHA n’a pas réagi à certaines de ses propositions d’essais et a entamé des échanges sur l’identité de la substance DOTL (voir également point 19 ci-dessus).

90      Entre-temps, une filiale de la requérante, la société TIB Chemicals Corp. (établie à Houston, Texas, États‑Unis) avait commandé, selon la requérante, une étude sur la toxicité du DOTL pour le développement prénatal (OCDE TG 414) afin de satisfaire aux exigences réglementaires américaines et sud-coréennes. Or, le projet de rapport d’octobre 2020 relatif à l’étude no 8416027 de l’institution indépendante Covance, et les évaluations de deux institutions indépendantes, à savoir, d’une part, celle de Covance du 15 octobre 2020 et, d’autre part, celle d’Exponent du 15 octobre 2020, prouveraient que le DOTL ne devait pas être classé « Repr. 1B », mais tout au plus « Repr. 2 ».

91      Dans la réplique, la requérante soutient que, dans le dossier CLH, la KEMI a classé le DOTL comme substance suffisamment similaire au DOTC en matière d’effets toxicologiques, en basant cette évaluation essentiellement sur des produits de dégradation partiellement similaires et en tenant compte de leurs effets quant à la toxicité pour la reproduction. La requérante soutient avoir fait réaliser des études visant à analyser les distannoxanes formés à partir du DOTL, dans lesquelles il est constaté que ceux-ci se présentent uniquement sous forme dimère, dans une molécule d’une masse de 1 400 daltons (Da), ne pouvant pénétrer la membrane cellulaire et, donc, ne pouvant avoir d’effet toxique sur la reproduction.

92      Alors même qu’elle aurait présenté cette constatation dans ses observations sur la proposition de classification et d’étiquetage harmonisés du DOTL, la Commission et le CER n’auraient pas reconnu cette constatation de manière adéquate. Dans ses observations sur le mémoire en intervention de la République d’Autriche, elle ajoute qu’il était erroné de comparer le dichlorure de dibutylétain (ci-après le « DBTC ») et le dilaurate de dibutylétain (ci-après le « DBTL »), ceux-ci ayant des modes d’actions différents.

93      La Commission, soutenue par la République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste les allégations de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

94      La requérante soutient que la Commission et les autres autorités compétentes n’ont pas pris en compte toutes les informations disponibles ayant une incidence sur la détermination du danger du DOTL ou qu’elles les auraient appliquées de manière incorrecte.

95      À cet égard, premièrement, la liste des références du dossier CLH montre que la KEMI a pris en considération un ensemble étendu de preuves scientifiques, incluant des analyses in vitro ou in vivo d’éléments tels que la toxicité de la substance en cause, les produits de l’hydrolyse de certaines substances dans le cadre de l’approche fondée sur des références croisées ou encore le comportement des distannoxanes (produits de transformation du DOTL et du DOTC). Tant le dossier CLH que l’avis du CER fournissaient également des descriptions détaillées des éléments de preuve disponibles, ainsi que des observations exhaustives concernant les aspects pertinents de la classification du DOTL en tant que substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B. S’agissant du fait que les autorités compétentes n’ont pas pris en considération la proposition de références croisées entre le DOTO et le DOTL comme une information pertinente, il a déjà été constaté, dans le cadre du premier moyen, que cette approche était dépourvue d’erreur manifeste d’appréciation.

96      Deuxièmement, s’agissant des critiques de la requérante concernant la comparaison des études in vitro et in vivo, il convient de relever qu’il ressort de l’annexe A.13, comportant la proposition du CER, que la classification dans la catégorie 1B n’était pas uniquement liée à des études in vitro, mais tenait également compte de certaines analyses in vivo, comme le soutient, à juste titre, la Commission, en renvoyant à trois études sur les animaux, à savoir, une étude combinée d’essais de dépistage pour la reproduction (OCDE TG 421), une étude de type EOGRTS (OCDE TG 443) de 2011, et une étude de type PDTS (OCDE TG 414) de 2014. Deux de ces études démontraient clairement un effet néfaste sur le développement, qui n’a pas été considéré comme une conséquence secondaire non spécifique à d’autres effets toxiques.

97      Troisièmement, s’agissant de l’allégation de la requérante visant à constater que la Commission a appliqué de manière incorrecte, contradictoire ou illogique la littérature scientifique ou les conclusions scientifiques essentielles, il convient de relever que le CER a détaillé les raisons pour lesquelles il a pris en considération des références croisées entre le DOTC et le DOTL. Outre le fait qu’il a souligné qu’il n’existait pas de données spécifiques relatives au DOTL en ce qui concernait la toxicité pour la reproduction, le CER a indiqué que les références croisées avec le DOTC tenaient compte des similarités structurelles entre la substance source et la substance cible. Le CER a particulièrement mis en exergue le fait que les deux substances avaient des intermédiaires communs à la suite de l’hydrolyse, dans des conditions similaires à celles présentes dans l’estomac. Sur la base des études Nasshan, effectuées in vitro, le CER a précisé quels étaient lesdits intermédiaires communs de l’hydrolyse, visant spécifiquement le distannoxane (voir point 75 ci-dessus), ce qui lui a permis de fonder l’examen de la toxicité du DOTL sur la base de références croisées avec le DOTC. Le CER a souligné que la composition indiquée reflétait la situation après 4 heures, mais que, si seules 30 minutes étaient prises en compte, apparaissaient uniquement des différences mineures. Par ailleurs, il a constaté que si l’hydrolyse tant du DOTC que du DOTL pouvait mener au DOTO dans des conditions pH neutres, une telle formation n’était pas favorisée dans le contexte d’un pH faible.

98      Contrairement aux allégations de la requérante, il ne peut être considéré qu’il était nécessaire d’effectuer des références uniquement aux études in vivo, ni qu’il conviendrait de donner toujours la préférence à de telles études par rapport à celles effectuées in vitro. Par ailleurs, s’agissant des allégations de la requérante portant sur les lectures communes des études Nasshan et de l’étude de Penninks, A. H., e.a., intitulée « L’absorption, la distribution dans les tissus et l’excrétion du dichlorure de di-n-octylétain chez les rats » (Toxicologie, no 44, 1987, p. 107-120, ed. « Elsevier Scientific Publishers Ireland Ltd », ci-après l’« étude Penninks »), ainsi que sur l’étude de Meyer, A., e.a., intitulée « Différences propres à chaque espèce dans l’inhibition de la 11β-hydroxy-stéroïde déshydrogénase 2 par le thirame et les composés organostanniques chez l’humain et le poisson-zèbre » (Toxicologie, no 301, 2012, p. 72-78, ed. « Elsevier Ireland Ltd », ci-après l’« étude Meyer »), visant à critiquer les conclusions tirées de ces études par le CER et la Commission, elles seront évaluées dans le cadre du troisième moyen.

99      S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle elle a fait réaliser des études visant à analyser les distannoxanes (produits communs de transformation du DOTL et du DOTC), dans lesquelles il est constaté que ceux-ci se présentaient uniquement sous forme dimère, ne pouvant pénétrer la membrane cellulaire et, donc, ne pouvant avoir d’effet toxique sur la reproduction (n’étant, ainsi, pas biodisponibles), il convient de constater que cet élément n’a pas été démontré, au regard des études contraires apportées par la Commission, la République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA. Plus précisément, la conclusion du document envoyé par la requérante à l’ECHA, en réponse à la proposition de la KEMI, présentée dans l’annexe A.12, fait uniquement mention de la masse moléculaire (1 554 Da) des distannoxanes dimères en cause et indique que cette masse dépasserait fortement celle qui permettrait encore de passer par les membranes, de sorte que ces distannoxanes ne seraient pas biodisponibles. Toutefois, aucune source n’est présentée pour étayer ces informations. En effet, alors qu’une liste de sept articles est indiquée à la fin du document, aucun de ceux-ci ne traite concrètement de cette question. Il en est de même quant à la référence à l’étude Harris, R.K., Sebalt, A. (Journal of Organometallic Chemistry, 331, 1987, C9-C12), mentionnée à la page 136 de l’annexe A.12, qui est précédée par l’indication que la structure dimère y est décrite. En tout état de cause, les graphiques utilisés et les conclusions qui en sont tirées concernent la taille et la structure des substances en cause, mais ne portent pas sur d’autres éléments qui peuvent éventuellement s’avérer pertinents pour évaluer la biodisponibilité des distannoxanes (produits de transformation du DOTL et du DOTC) (voir point 103 ci-dessous).

100    La Commission soutient, en substance, que les distannoxanes présents à la suite de l’hydrolyse du DOTL et du DOTC pouvaient être biodisponibles, nonobstant leur taille. En outre, elle prétend que, alors que la forme dimère desdits distannoxanes se serait avérée prédominante dans les conditions utilisées, l’étude Davies, A.G., intitulée « Distannoxanes difonctionnels XR2SnOSnR2X » (Journal of Chemical Reasearch, 2004, p. 309-314) (ci-après l’« étude Davies ») indiquait que le distannoxane monomère, également désigné par la KEMI comme « le dimère ayant la moitié du poids moléculaire », pouvait être présent en concentrations significatives à l’équilibre en solution.

101    À cet égard, c’est à tort que la requérante prétend qu’une approche scientifique solide ne permettait pas, dans le cadre de références croisées, de classer des distannoxanes comme étant biodisponibles, dès lors qu’il relèverait des « connaissances scientifiques notoires » qu’il existe une corrélation entre la taille d’une substance et sa capacité à traverser une membrane biologique, de même que le fait que la substance ne possède généralement pas cette capacité lorsque sa masse dépasse 1 000 Da.

102    En effet, c’est à juste titre que la Commission affirme qu’il ressort du guide de l’ECHA sur la réglementation relative aux biocides, dans la version 4.0 de 2017, que « bien que les particules et les grosses molécules (dont le poids moléculaire est de l’ordre du millier) soient normalement considérées comme trop grosses pour traverser les membranes biologiques, de petites quantités de ces substances peuvent être transportées dans les cellules épithéliales par pinocytose ou persorption (passage à travers les jonctions communicantes des membranes lorsque les extrémités des villosités sont éliminées) (Aungst et Shen, 1986) ».

103    Dans ce même sens, ainsi qu’il ressort d’éléments avancés par la Commission dans la duplique et dans ses réponses aux questions du Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la taille n’est qu’un des facteurs qui influencent la biodisponibilité des molécules dans l’intestin, le processus étant complexe et la biodisponibilité difficile à prévoir ou à exclure, dès lors qu’il convient également de tenir compte des modifications chimiques résultant du métabolisme. Les exemples donnés par la Commission à cet égard portent sur des molécules de masse importante, qui présentent cependant une biodisponibilité significative (ciclosporine : 1 200 Da, biodisponibilité de 29 % ; somatostatine : 1 600 Da, biodisponibilité de 10 %). Des éléments de preuve confirmatifs ont également été présentés, sur cette question, par la République d’Autriche dans son mémoire en intervention. Parmi les éléments cités, la République d’Autriche renvoie, à juste titre, au fait que même l’expert en toxicologie de la requérante, Mme Claudia Fruijtier-Pölloth, admet une certaine biodisponibilité des distannoxanes dimères.

104    En ce qui concerne les rapports d’études plus récents de l’Umweltbundesamt (agence fédérale de l’environnement, Autriche) auxquels la requérante a fait référence en soulignant qu’ils excluaient des effets néfastes des « distannoxanes dimères », force est de constater qu’ils n’ont pas été présentés devant le Tribunal et ne peuvent, ainsi, être pris en considération.

105    Ainsi, il ne saurait être exclu qu’il puisse y avoir une certaine biodisponibilité des distannoxanes dimères. Force est de rappeler que le CER a bien noté, dans son avis du 14 septembre 2018, que le « dimère était à tout le moins partiellement biodisponible ». De surcroît, ainsi qu’il ressort de l’avis du CER, celui-ci fait état, en l’espèce, d’un distannoxane monomère, en raison de sa taille. Des éléments concrets à cet égard ont également été apportés dans les réponses du CER aux observations de la requérante du 18 septembre 2018. Il a été souligné, en référence à l’étude Davies, qu’il existait des preuves de dissociation en solution illustrant que le distannoxane monomère pouvait être présent en concentrations significatives à l’équilibre en solution.

106    Quatrièmement, quant aux allégations de la requérante critiquant la prise en compte, par le CER, d’éléments comparatifs relevant d’une évaluation du DBTC et du DBTL, ou le caractère erroné de ses appréciations, tout d’abord, il convient de constater qu’il ne ressort pas de l’opinion du CER que la comparaison effectuée par celui-ci visait à établir des références croisées entre ces substances. Le CER a uniquement pris en considération, en réaction aux commentaires d’autorités compétentes d’États membres, certaines analogies entre ces substances dans le cadre de l’appréciation des références croisées entre le DOTC et le DOTL.

107    Ensuite, la KEMI a reconnu que, selon le rapport Arcadis, intitulé « Analyse de l’approche centrée sur l’évaluation s’agissant des composés organostanniques dans le cadre de REACH » [rapport effectué pour le Ministerie van Infrastructuur en Milieu (ministère des Infrastructures et de l’Environnement, Pays-Bas), 2016], le regroupement des substances organostanniques devait davantage prendre en considération la nature des ligands labiles et la chimie associée aux substances organostanniques concernées. Par conséquent, au lieu d’adopter une approche plus globale tenant compte des données toxicologiques de tous les composés du dioctylétain avec différents ligands, la KEMI a choisi une approche spécifique des références croisées entre le DOTL et le DOTC reposant sur la similarité du comportement hydrolytique.

108    En outre, dans la mesure où il conviendrait de comprendre les allégations de la requérante comme critiquant l’analyse scientifique portant sur l’analogie avec le DBTL et le DBTC, fondée sur l’étude Milton e.a. (Front. Pharmacol., no 8, p. 507, 2017), il y a lieu de les rejeter, la requérante ne faisant ressortir aucune erreur manifeste d’appréciation du CER. En particulier, il ne ressort pas de ses allégations qu’une lecture erronée de l’étude susvisée aurait été effectuée par le CER, ayant pour conséquence une évaluation incorrecte en ce qu’il s’est fondé sur le fait que les relations structurelles entre le DBTC et le DBTL étaient analogues à celles entre le DOTC et le DOTL, tenant également compte de la circonstance qu’elles appartiennent à deux familles de substances organostanniques de structure similaire. À cet égard, aux fins d’expliquer les effets toxicologiques analogues entre, d’une part, les éléments contenant la fraction chlorure (à savoir, le DOTC et le DBTC) et, d’autre part, ceux incluant la fraction laurate (à savoir, le DOTL et le DBTL), le CER a souligné que la substitution de la première fraction par la seconde, dans les composés organiques de l’étain, n’était généralement pas pertinente pour en déterminer les propriétés toxicologiques.

109    De surcroît, le CER a indiqué que ce n’était qu’aux fins de « renforcer » les références croisées entre le DOTL et le DOTC que des informations additionnelles concernant le DBTL et le DBTC ont été prises en considération, en raison des propriétés toxicologiques similaires. Ainsi, la requérante se méprend sur le raisonnement du CER, dans la mesure où celui-ci n’a pas préconisé des références croisées entre le composé butyle et le composé octyle.

110    Enfin, il n’y a pas lieu d’analyser les études finalisées et soumises par la requérante en 2020 afin de satisfaire aux exigences réglementaires américaines et sud-coréennes, dans la mesure où elles n’ont pas été présentées en temps utile dans la procédure administrative en cause, ou encore les propositions d’essais qui n’auraient prétendument pas été prises en considération par l’ECHA en raison des échanges sur le nom de la substance concernée (voir points 89 et 90 ci-dessus). À ce dernier égard, il ressort uniquement des éléments de preuve que l’ECHA a rejeté comme incomplète une mise à jour de la requérante du 25 juillet 2017 et qu’il avait pour objectif de s’assurer de la dénomination correcte de la substance (voir point 19 ci-dessus). De même, à l’instar de ce qui a été constaté dans le cadre du premier moyen (voir point 81 ci-dessus), il convient de relever, s’agissant des renvois généraux aux annexes A.20 et A.21 de la requête, que, au regard de la jurisprudence citée aux points 42 à 44 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans ces annexes, les moyens et les arguments supplémentaires qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours.

111    Force est encore de constater que la requérante ne justifie pas ses allégations portant sur une violation de l’article 9 du règlement no 1272/2008. En l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal, conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, doivent figurer dans la requête, ces allégations sont irrecevables (voir ordonnance du 13 mai 2020, Lucaccioni/Commission, T‑308/19, non publiée, EU:T:2020:207, point 34 et jurisprudence citée).

112    Il convient de constater que la requérante n’a pas réussi à démontrer que la Commission, en approuvant l’analyse de la KEMI et du CER, aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et aurait violé les articles 5, 9, 36 et l’article 37, paragraphe 5, du règlement no 1272/2008, lus conjointement avec l’annexe I, parties 1 et 3, de ce règlement, dans le cadre d’une approche fondée sur la force probante, ou qu’elle n’aurait pas tenu compte de toutes les informations pertinentes et disponibles en ce qui concerne la détermination du danger du DOTL.

113    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du règlement no 1272/2008 par l’application de références croisées incorrectes

–       Arguments des parties

114    Selon la requérante, indifféremment du fait que les références croisées soient appliquées au titre du régime REACH ou du règlement no 1272/2008, elles requièrent toujours une base scientifique solide, ce qui n’aurait pas été le cas lorsque les autorités ont appliqué les références croisées en utilisant le DOTC à titre de substance source. En effet, les autorités auraient ignoré les normes scientifiques de base suivantes :

–        il serait incontesté d’un point de vue scientifique, premièrement, que seule la toxicité des produits de dégradation est pertinente ; deuxièmement, que le produit de dégradation pertinent de l’hydrolyse est le distannoxane dimère et, troisièmement, que le distannoxane dimère, en raison de sa taille, n’est pas actif sur le plan toxicologique, car il n’est pas biodisponible ;

–        la question serait donc de savoir si du distannoxane monomère est généré au cours de l’hydrolyse et si le distannoxane monomère est biodisponible jusqu’à 20 %, et non si le DOTC pourrait être la substance biodisponible à ce pourcentage ; or contrairement à ce qu’ont présumé les autorités, selon l’étude Davies, le distannoxane dimère est stable en solution, alors que le distannoxane monomère ne l’est pas ; le DOTC est biodisponible et existe toujours en quantité supérieure à 20 % après une heure, ce que le CER n’aurait pas pris en compte, ni la Commission ;

–        des preuves supplémentaires, apportées par l’avis d’expert de Mme Fruijtier-Pölloth, démontreraient que les références croisées avec le DOTC sont erronées et que la qualité scientifique de l’avis du CER concerné est donc insuffisante.

115    La requérante soutient que les références croisées ne constituaient que la deuxième méthode de détermination des propriétés toxicologiques, après la réalisation d’essais sur la substance dans le cadre d’une étude in vivo ou in vitro. Les références croisées ne seraient considérées comme égales à une étude in vivo que pour éviter les études sur les animaux et si elles tiennent compte des normes scientifiques générales et de la littérature scientifique pertinente. En cas de doute scientifique, les références croisées devraient être rejetées ou des études devraient être réalisées sur les animaux.

116    Étant donné que les références croisées effectuées par la KEMI et le CER n’auraient pas été appliquées sur une base scientifique solide et auraient évalué de manière incorrecte le poids des preuves disponibles, les autorités concernées et la Commission auraient violé les articles 36 et 37 du règlement no 1272/2008, lus conjointement avec le point 1.1.1.3 de la partie 1 et les points 3.7.2.2 et 3.7.2.3 de la partie 3 de l’annexe I de ce règlement ainsi que l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement, qui contient les principes de base d’une évaluation scientifique solide.

117    Dans la réplique, premièrement, la requérante détaille les raisons pour lesquelles les références croisées entre le DOTC et le DOTL n’étaient pas justifiées, en se basant en particulier sur les produits de l’hydrolyse de ces substances, ainsi que sur le temps de dégradation de celles-ci.

118    Deuxièmement, elle relève quelles étaient les conséquences de l’étude Nasshan concernant l’hydrolyse du DOTL et du DOTC, en se référant à la rapidité de l’hydrolyse complète du DOTL, qui prendrait moins de 30 minutes, sans aucune production de DOTC.

119    Troisièmement, la requérante critique ce qui constitue, selon elle, des citations incorrectes, par la Commission, au point 34 du mémoire en défense, ainsi que dans le dossier CLH et dans l’avis du CER, de l’étude Nasshan, en particulier s’agissant de la référence à un « composé de l’étain non affecté (38-43 %) », alors même que l’étude mentionnait un « composé du DOTO ».

120    Quatrièmement, elle invoque ce qui serait des conclusions erronées tirées de l’étude Davies quant à l’hypothèse de l’existence et de la pertinence de distannoxanes monomères, également désignés par l’expression « dimères ayant la moitié du poids moléculaire », par rapport « au dimère des dimères ». Les distannoxanes seraient généralement présents sous forme dimérique et une forme monomérique n’apparaîtrait que dans des conditions particulières, ce qui ne permettrait pas d’affirmer, en l’espèce, qu’ils étaient déterminants pour la toxicité sur la reproduction.

121    Cinquièmement, la requérante met en exergue des conclusions prétendument erronées tirées de l’étude de Penninks, effectuée in vivo sur des rats. Le CER aurait appuyé son hypothèse sur cette étude, qui aurait montré que 20 % du DOTC administré à un vertébré était absorbé par celui-ci. Dans l’expérience d’hydrolyse Nasshan, 10 % du DOTC est dégradé après 4 heures. Le CER en aurait conclu que les composés d’étain autres que le DOTC sont également métabolisés. Or, il y aurait lieu de constater que la substance n’est pas entièrement décomposée dans ces conditions et qu’il reste du DOTC biodisponible, et non, comme l’a fait le CER, que « ses produits métaboliques doivent également être biodisponibles ». Cette hypothèse ne serait correcte que si le vertébré n’absorbe pas la substance testée entre l’administration du DOTC et le délai de 4 heures, et si les composés d’étain formés comme intermédiaires dans les deux expériences d’hydrolyse (avec le DOTC et avec le DOTL) sont identiques. Toutefois, tel n’est pas le cas, selon la requérante, qui critique la supposition selon laquelle les produits métaboliques formés à partir du DOTL pourraient avoir une biodisponibilité et une toxicité comparables à celles du DOTC. Elle soutient que l’étude ne contient qu’une constatation portant sur le DOTC absorbé, mais rien sur la durée de l’absorption ou sur la substance absorbée (DOTC ou distannoxane, produit de dégradation).

122    Sixièmement, elle soutient que la comparaison entre les composés du dibutylétain et du dioctylétain est erronée. En particulier, il aurait été clairement démontré, lors de la consultation publique relative à la classification harmonisée du DBTL, que le dibutylétain et le dioctylétain ont des modes d’action totalement différents. Il aurait également été démontré dans le dossier d’enregistrement REACH du DOTL, ainsi que dans l’étude Meyer, que les composés du dibutylétain et du dioctylétain ont des modes d’action différents et provoquent des modes d’expression génétiques différents.

123    Septièmement, elle soutient que les références croisées entre le DOTO et le DOTL ne sont pas invalidées par de nouvelles études.

124    Huitièmement, la requérante affirme que c’est à juste titre que le Royaume de Suède considère que des références croisées impliquent toujours une certaine flexibilité. Cependant, les références croisées opérées entre le DOTC et le DOTL reposeraient sur un nombre trop élevé d’hypothèses et d’incertitudes pour être justifiées.

125    Enfin, neuvièmement, dans ses observations sur le mémoire en intervention de la République d’Autriche, la requérante souligne que seules quelques structures monomères sont connues et que ces dernières seraient stabilisées par des ligands très encombrants. Par conséquent, les produits de dégradation sont, typiquement, des distannoxanes dimères et non des structures monomères. Cela serait confirmé par les conclusions des études Nasshan. Par ailleurs, il ne relèverait pas d’une approche scientifique solide de classer des distannoxanes comme étant biodisponibles, dès lors qu’il existe une corrélation entre la taille d’une substance et sa capacité à traverser une membrane biologique.

126    La Commission, soutenue par la République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste les allégations de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

127    À titre liminaire, il convient de constater que les allégations de la requérante, présentées dans le cadre du troisième moyen, se recoupent partiellement avec celles relatives au deuxième moyen. Dès lors, les constatations faites dans le cadre du deuxième moyen seront prises en compte dans l’examen du présent moyen. Il y a également lieu de relever qu’il est constant entre les parties qu’il existe toujours un certain degré de flexibilité dans l’application de la méthode des références croisées. Toutefois, le législateur a consenti à cette flexibilité en raison des avantages, pour la société dans son ensemble et pour les déclarants, de ne pas avoir à effectuer des études animales coûteuses pour toutes les substances.

128    S’agissant des références croisées entre le DOTC et le DOTL, l’annexe I, point 3.7.2.3.1, du règlement no°1272/2008 renvoie à des informations découlant de références croisées d’une substance structurellement similaire. Le point susvisé renvoie également à l’annexe I, point 1.1.1, du même règlement, qui mentionne explicitement l’« approche par catégories (regroupement, références croisées) » comme l’un des éléments à prendre en considération dans une approche fondée sur la force probante.

129    Premièrement, en ce qui concerne l’allégation de la requérante portant sur l’application de références croisées incorrectes, le point 9.2 du rapport CLH contient une justification détaillée à propos des références croisées entre le DOTC et le DOTL, conformément aux exigences prévues au point 1.5 de l’annexe XI du règlement REACH (voir points 59 à 63 ci-dessus). Le CER a exposé plusieurs raisons justifiant les références croisées au-delà de la similarité structurelle entre le DOTC et le DOTL, incluant :

–        une comparaison des produits d’hydrolyse générés à partir du DOTL et du DOTC dans des conditions différentes (neutres/acides) ;

–        des propriétés toxicologiques de différents composés du dialkyltine, présentant un lien étroit avec le DOTL et le DOTC.

130    Deuxièmement, il convient de rejeter comme non fondée l’argumentation de la requérante visant les références croisées entre le DOTC et le DOTL en ce qu’elle est fondée sur la critique selon laquelle le DOTC non hydrolysé (produit de décomposition du DOTC, mais non du DOTL), plutôt que le distannoxane (produit commun de décomposition courant du DOTC et du DOTL), était responsable de la toxicité du DOTC pour la reproduction, fondée sur le fait que cet élément était prouvé dans les études Nasshan (voir points 118 à 121 ci-dessus). De même, il a été constaté que des distannoxanes monomères pouvaient être présents en concentration significative à l’équilibre en solution (voir point 105 ci-dessus).

131    D’une part, comme il a été constaté aux points 101 à 105 ci-dessus, il ne saurait être exclu qu’il puisse y avoir certains distannoxanes dimères produits dans l’hydrolyse du DOTC ou du DOTL qui, malgré leur masse, traversent les membranes cellulaires, de sorte qu’ils sont biodisponibles et ont donc des effets toxiques sur la reproduction.

132    En outre, la requérante n’exclut pas la possibilité que, à tout le moins exceptionnellement, des distannoxanes sous forme monomérique puissent apparaître, lesquels sont biodisponibles. Force est de constater que les éléments apportés par la requérante ne permettent pas de priver de plausibilité la position du CER et de la Commission, selon laquelle les formes monomériques se produisent dans des quantités suffisamment importantes et stables dans le milieu gastrique.

133    D’autre part, c’est à juste titre que la Commission a soutenu que la position de la KEMI et du CER ne reflétait pas l’affirmation de la requérante selon laquelle le DOTC non hydrolysé (10 % du DOTC était toujours présent après hydrolyse du DOTC, après 4 heures selon les études Nasshan) était responsable de la composante toxique pour les effets observés avec le DOTC. Ils ont plutôt considéré, sur la base des études Nasshan et Penninks, que les effets toxicologiques étaient attribuables au distannoxane dimère, qui pouvait également se dissocier et dont les caractéristiques ont été analysées dans la réponse intitulée « Document de réponse aux commentaires (RCOM) à l’avis proposant une classification et un étiquetage harmonisés au niveau de [l’Union européenne] du [DOTL] ». Le CER et la KEMI ont, de manière diligente, examiné la question de savoir si les effets toxicologiques observés pour le DOTC in vivo (voir point 121 ci-dessus) pouvaient être attribués au distannoxane dimère ou au DOTC non hydrolysé. La KEMI a été en désaccord avec le fait qu’il existait des preuves permettant d’affirmer que les effets toxicologiques du DOTC in vivo n’étaient pas attribués au distannoxane dimère, mais aux 10 % de DOTC non hydrolysé.

134    Sur ce point, les critiques de la requérante portant sur les études Nasshan et Penninks ne sont pas convaincantes. En effet, elles ne permettent pas d’écarter l’hypothèse selon laquelle, à la suite de l’hydrolyse, les effets toxiques sont à tout le moins partiellement liés au fait que le distannoxane dimère est au moins partiellement biodisponible.

135    À cet égard, l’étude Nasshan sur le DOTC indiquait que 90 % de celui-ci s’hydrolysait en distannoxane dimère en 4 heures (voir point 75 ci-dessus). Il ressort également de cette étude que, après 4 heures, 10 % du DOTC n’était pas hydrolysé. L’étude Nasshan indiquait, s’agissant du taux d’absorption par rapport à la durée, que, déjà après une heure, la concentration du DOTC n’était que de 23 %.

136    Dans l’étude Penninks, qui portait sur l’absorption du DOTC par des rats, il était indiqué, dans son résumé, que, après administration orale du DOTC aux rats, une part de 20 % était absorbée par l’organisme et était systématiquement biodisponible. Certes, l’étude Penninks n’identifiait pas expressément la substance absorbée par l’organisme (DOTC non hydrolysé ou distannoxane, produit de sa dégradation), en raison du fait que la détermination de l’absorption reposait sur de l’étain radiomarqué, qui ne permettait pas de tirer une conclusion sur la nature des molécules absorbées. Il est également constant que cette étude ne faisait pas référence à la durée précise de l’absorption, puisqu’elle n’a porté que sur des périodes journalières.

137    Dans ces circonstances, il n’est pas possible d’exclure, sur la base de l’étude Penninks, que, après administration orale du DOTC à des rats, 20 % ont été absorbés et sont biodisponibles, ce qui est supérieur aux 10 % de DOTC non hydrolysé (et donc biodisponible), après 4 heures, selon l’étude Nasshan, auxquels la requérante attribue l’effet toxique. Dès lors, il ne saurait être exclu que les 20 % du produit de dégradation absorbés, identifiés dans l’étude Penninks, ne correspondent pas uniquement au DOTC non hydrolysé, mais puissent comprendre d’autres produits de dégradation, tels que les distannoxanes. L’hypothèse du CER, selon laquelle un métabolite autre que le DOTC non hydrolysé, à savoir le distannoxane, est à l’origine de l’effet toxique demeure plausible (voir point 136 ci-dessus), de sorte que la requérante n’a pas démontré une erreur manifeste d’appréciation.

138    Il convient d’ailleurs de relever que la requérante admet qu’il ne peut être complètement exclu que, « outre le DOTC », d’autres substances toxiques puissent être formées au cours de l’hydrolyse en question. Contrairement à l’analyse de la requérante, force est de constater qu’il n’a pas été démontré qu’il est possible d’omettre les effets potentiels de ces autres substances et des risques qui en découlent, sur la seule base du fait que, prétendument, le DOTC est formé en quantités importantes ou n’est pas complètement dégradé après l’hydrolyse. En outre, les allégations de la requérante sont soutenues par des suppositions portant sur l’absence de biodisponibilité de molécules de masse importante, ce qui a déjà été écarté auparavant comme n’ayant pas été démontré.

139    Contrairement à ce que soutient la requérante, ni la KEMI ni le CER n’ont supposé que le DOTC était le composé toxique probable, mais se sont fondés sur l’analyse selon laquelle le DOTL et le DOTC partageaient un produit d’hydrolyse commun, à savoir le distannoxane. À cet égard, la KEMI a fourni des détails fondant les références croisées, dans le dossier CLH, y compris des évaluations des similitudes structurelles entre le DOTC et le DOTL et de leurs comportements hydrolytiques dans des conditions neutres (pH neutre) ainsi que dans des conditions acides (pH faible). Des éléments de renforcement ont été tirés des informations portant sur les comparaisons des comportements de ces substances, d’une part, et des comportements du DBTC et du DBTL, d’autre part.

140    La KEMI a également répondu à l’observation formulée par la requérante dans le cadre de la consultation publique, selon laquelle les effets toxiques étaient dus au DOTC non hydrolysé. Elle a été en désaccord avec la requérante sur le fait qu’il existait des preuves permettant d’affirmer que, in vivo, les effets toxicologiques du DOTC n’étaient pas attribués au distannoxane dimère, mais aux 10 % de DOTC non hydrolysé. Le CER a partagé l’évaluation de la KEMI et a relevé que les informations disponibles montraient que le distannoxane dimère était au moins partiellement disponible sur le plan systémique et entraînait donc les effets toxicologiques observés après l’administration orale du DOTC. Or, alors que la requérante a évoqué avoir une opinion différente quant au point de savoir si, in vivo, les effets toxicologiques observés pour le DOTC étaient imputables ou non au distannoxane dimère, elle n’a pas établi une erreur manifeste dans l’appréciation des références croisées réalisées par les autorités concernées.

141    Dans ces circonstances, il convient également de rejeter comme inopérant son argument portant sur le fait que le DOTL ne produit pas de DOTC par hydrolyse (voir point 118 ci-dessus).

142    S’agissant de la prétendue erreur de citation (voir point 119 ci-dessus), il n’a pas été démontré qu’elle aurait des effets sur les conclusions adoptées par la Commission. En ce qui concerne les références de la requérante à l’étude scientifique de Mme Fruijtier-Pölloth, ses analyses n’excluent pas non plus toute possibilité de biodisponibilité de dimères, dès lors qu’elle constate que « les dimères peuvent former des structures micellaires avec un noyau polaire entouré de groupes alkyles lipophiles et peuvent expliquer une certaine biodisponibilité ».

143    Troisièmement, comme il a déjà été indiqué au point 109 ci-dessus, ce n’était qu’aux fins de « renforcer » les références croisées entre le DOTL et le DOTC que des informations additionnelles concernant le DBTL et le DBTC ont été prises en considération, en raison des propriétés toxicologiques similaires.

144    En tout état de cause, il ne ressort pas de manière plausible des éléments présentés par la requérante que les similitudes entre les comportements toxicologiques des composés du dibutylétain et du dioctylétain étaient « considérés comme obsolètes depuis longtemps », de sorte à invalider l’avis du CER. D’une part, les éléments de preuve présentés pour la première fois au stade des réponses aux questions du Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, à savoir le rapport Summer, K. H., Klein, D., Greim, H., intitulé « Aspects écologiques et toxicologiques des composés mono et disubstitués de méthyle, de butyle, d’octyle et de dodécylétain » (2003) et la position du Bundesinstitut für Risikobevertung (Institut fédéral de l’évaluation des risques, Allemagne), sans motivation explicite quant au retard apporté à la présentation de ces éléments, ainsi que l’exige une jurisprudence constante (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, BP/FRA, T‑838/16, non publié, EU:T:2019:494, point 132 et jurisprudence citée), doivent être considérés comme tardifs et, partant, irrecevables au sens de l’article 85 du règlement de procédure. De telles propositions de preuve ne permettent ainsi pas de pallier l’absence d’éléments de preuve dans la requête sur ce point.

145    D’autre part, s’agissant de l’étude Meyer, qui a examiné l’effet inhibiteur de différents composés organostanniques sur l’activité d’une enzyme en particulier (11 β-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2), il convient de souligner que l’argumentation de la requérante selon laquelle les effets toxiques des composés du dibutylétain et du dioctylétain sur la reproduction sur des organismes intacts ne seraient pas similaires (voir, également, point 122 ci-dessus) ne démontre pas une erreur manifeste d’appréciation de la Commission.

146    À cet égard, la position du CER, selon laquelle les références croisées entre le DOTC et le DOTL étaient renforcées par les analogies de comportement toxicologique entre le DBTC et le DBTL, ne saurait être considérée comme dépourvue de toute plausibilité au regard de l’étude Meyer. En particulier, le rôle de l’enzyme en cause (11 β-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2) sur la médiation des effets de ces composés du dibutylétain et du dioctylétain ne ressort pas des éléments apportés par la requérante ou de l’étude en question.

147    L’étude Meyer n’apporte pas la preuve que l’inhibition de cette enzyme est le seul ou le principal mécanisme de la toxicité pour le développement observé avec différents composés organostanniques lors d’études sur les animaux. La pertinence de ces résultats concernant la toxicité de différents composés organostanniques pour la reproduction ou la possibilité de les extrapoler à l’égard du DOTL ne ressort pas non plus de cette étude.

148    Enfin, il convient de relever, s’agissant des renvois généraux effectués par la requérante aux annexes A.20 et A.21, que, au regard de la jurisprudence citée aux points 42 à 44 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans ces annexes, les moyens et les arguments supplémentaires qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours.

149    Dans ces circonstances, il convient de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des exigences de fond du règlement no 1272/2008 en matière de classification en ce que la Commission aurait commis une erreur en classant le DOTL en tant que substance toxique pour la reproduction, « catégorie 1B »

–       Arguments des parties

150    Selon la requérante, la classification d’une substance en tant que « Repr. 1B » exige qu’elle remplisse les critères énoncés à l’annexe I, point 3.7, du règlement no 1272/2008 relatifs à la toxicité pour la reproduction, catégorie 1B, conformément à l’article 36, paragraphe 1, sous d), du même règlement. La toxicité pour la reproduction de catégorie 1B désignerait ainsi les « [s]ubstances présumées toxiques pour la reproduction humaine », et le tableau 3.7.1, sous a), de l’annexe I, partie 3, du règlement no 1272/2008 exigerait que cette classification « s’appuie largement sur des données provenant d’études animales », qui « doivent démontrer clairement un effet néfaste ». Toutefois, « s’il existe des informations relatives au mécanisme des effets et mettant en doute la pertinence de l’effet pour l’être humain, une classification dans la catégorie 2 peut être plus appropriée ». Les points 3.7.2.2 et 3.7.2.3 de l’annexe I, partie 3, du règlement no 1272/2008 exigent en outre que la classification repose sur une évaluation de la force probante de l’ensemble des données, qui serait influencée par différents facteurs, tels que la qualité des études, la cohérence des résultats et l’absence de biais.

151    Il incombe, selon elle, à la Commission de prouver que le DOTL remplissait les critères susmentionnés. Or, ni elle ni les autres autorités concernées n’auraient pu fournir une preuve scientifique établissant que le DOTL était une « substance présumée toxique pour la reproduction humaine ». Les autres autorités en cause se seraient appuyées sur de simples présomptions. En outre, la décision de classification ne s’appuierait pas sur les données provenant d’études sur les animaux, bien que de telles données aient été disponibles par le biais des références croisées avec le DOTO. La Commission aurait donc apprécié de manière erronée le poids des preuves disponibles.

152    Le caractère incorrect de la décision de classification de la Commission serait démontré en outre par l’étude PDTS commandée par TIB Chemicals Corp., qui établirait que le DOTL n’a aucun effet toxique pour la reproduction.

153    Étant donné que la Commission n’aurait pas pu fournir de preuves scientifiques claires établissant que le DOTL répondait à la classification en tant que substance toxique pour la reproduction (catégorie 1B) et STOT RE 1, elle aurait violé l’article 36, paragraphe 1, sous d), et l’article 37, paragraphe 5, du règlement no 1272/2008, lus conjointement avec le point 3.7 de l’annexe I, partie 3, de ce règlement.

154    Dans la réplique, la requérante prétend que les preuves et l’évaluation de la KEMI et du CER reposeraient sur des suppositions et des approches erronées, contiendraient des omissions et ne seraient pas exemptes de partialité. Elle soutient également que, alors même que le Royaume de Suède cherche à susciter des doutes en ce qui concerne la nouvelle étude PDTS, qui a été réalisée après la décision de classification, deux experts indépendants seraient parvenus à la conclusion selon laquelle la classification du DOTL comme « Repr. 1B » n’était pas convaincante sur le plan scientifique. Les résultats du « projet d’étude » seraient confirmés par le « rapport d’étude final ».

155    La Commission, soutenue par la République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste les allégations de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

156    À titre liminaire, il y a lieu de relever que les allégations de la requérante, dans le cadre de son quatrième moyen, se recoupent de manière importante avec celles déjà analysées dans le cadre des trois premiers moyens. Dès lors, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre de l’analyse du troisième moyen, celles-ci doivent être rejetées.

157    Ainsi, il a déjà été constaté, tant s’agissant des références croisées entre le DOTC et le DOTL que de l’absence de prise en considération des références croisées entre le DOTL et le DOTO, que la requérante n’avait pas démontré d’erreurs manifestes d’appréciation dans les approches scientifiques de la KEMI et du CER. Il existait, en outre, des études animales disponibles par l’intermédiaire des références croisées avec le DOTC, qui ont été dûment prises en compte, conformément à l’annexe XI du règlement REACH. Tenant compte de ce fait, ainsi que des références croisées effectuées, c’est à juste titre que la Commission soutient devant le Tribunal qu’une obligation d’effectuer des analyses additionnelles sur les animaux n’aurait pas été en accord avec les principes régissant la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés. En particulier, selon l’article 37, paragraphe 5, du règlement no 1272/2008, la Commission adopte dans un bref délai des actes délégués lorsqu’elle estime que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la substance concernée est « appropriée ». Or, en l’espèce, les éléments déjà en sa possession, fondés sur l’approche de références croisées entre le DOTC et le DOTL, permettaient l’adoption du règlement attaqué.

158    Par ailleurs, la requérante ne saurait non plus faire grief au CER et à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’études et de déclarations d’experts qui n’étaient pas disponibles au moment de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés du DOTL. En effet, il ne saurait être érigé en obligation, pour les autorités pertinentes, d’attendre l’achèvement de toutes les études qui sont en cours à un moment donné s’agissant des substances faisant l’objet d’une procédure de classification et d’étiquetage harmonisés en vertu du règlement no 1272/2008, dans la mesure où cela rendrait impossible la classification d’une substance et serait, ainsi, contraire à l’objectif dudit règlement d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement.

159    Dans ces circonstances, il convient de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité en ce que la classification du DOTL comme « Repr. 1B » ne serait ni nécessaire ni appropriée 

–       Arguments des parties

160    La requérante prétend que le règlement attaqué viole le principe de proportionnalité, inscrit à l’article 5, paragraphe 4, du TUE, du fait que la classification du DOTL et la fixation des obligations d’étiquetage ne sont pas appropriées pour atteindre l’objectif visé et qu’il existe des moyens moins contraignants.

161    En l’espèce, la classification du DOTL en tant que « Repr. 1B » n’était, selon elle, ni nécessaire ni appropriée, étant donné que le recours à des références croisées avec le DOTC ne fournit aucune justification scientifique solide à cette classification, qui se fonde uniquement sur des présomptions et des considérations de précaution. Or, lorsqu’il existe des incertitudes scientifiques à la suite de références croisées et qu’elles peuvent être clarifiées et éliminées en réalisant une étude in vivo, la personne concernée devrait avoir la possibilité de réaliser une telle étude.

162    La requérante soutient que, étant donné qu’elle est affectée par la décision de classification, qui est contraignante, elle doit avoir la possibilité d’en être exonérée, puisque cette mesure serait moins contraignante. Pour avoir cette possibilité, elle devrait se voir proposer de réaliser une étude in vivo dans le cadre de la procédure prévue par le règlement REACH. L’objectif légitime d’éviter les études sur les animaux ne peut pas, selon elle, prévaloir en l’espèce. S’appuyer uniquement sur les résultats de références croisées, dont la solidité scientifique est inférieure, et refuser l’expérimentation sur les animaux ne serait en effet pas approprié et violerait le principe de proportionnalité.

163    Dans la réplique, la requérante soutient, en substance, que, bien qu’il existe un intérêt légitime à éviter l’expérimentation sur les animaux, le principe de proportionnalité exige également qu’elle-même dispose « de la possibilité d’être exonérée, même si la décision peut être prouvée dans le cadre du régime du règlement REACH ». La production d’informations sur les substances chimiques et leurs propriétés s’effectuerait principalement dans le cadre du règlement REACH, et non dans celui du règlement no 1272/2008. Il ne serait pas proportionné d’ignorer ce fait. Étant donné qu’elle ne peut réaliser des études et produire des preuves scientifiques que dans le cadre du règlement REACH (ne disposant pas de tels droits dans le cadre du règlement no°1272/2008), ses initiatives devraient également être prises en compte dans le cadre de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés. Elle renvoie, dans ce contexte, au fait que la mise en œuvre de ces deux règlements est confiée à la même agence (l’ECHA). Plus les données sont incertaines, plus il s’avérerait nécessaire que l’ECHA clarifie la situation en demandant des données supplémentaires, même si cela implique des tests sur les animaux (au regard de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1272/2008).

164    Dans ses observations sur le mémoire en intervention de la République d’Autriche, la requérante fait valoir qu’elle soutient l’objectif du règlement REACH, qui est d’assurer un niveau de protection élevé de la santé humaine et de l’environnement, tout en soulignant la nécessité d’évaluer les substances ainsi que leurs propriétés sur la base de données scientifiques solides. Or, une décision de classification violerait le principe de proportionnalité lorsque, comme dans le cas du DOTL, elle est fondée sur des hypothèses et repose sur le principe de précaution, la requérante n’ayant pas la possibilité de s’exonérer en réalisant une étude in vivo conformément au règlement REACH.

165    La Commission, soutenue par la République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste les allégations de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

166    Il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition dudit droit soient propres à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 51 et jurisprudence citée).

167    Conformément à l’article 37, paragraphe 5, du règlement no 1272/2008, la Commission doit agir dans de brefs délais lorsqu’elle estime que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la substance concernée est appropriée, afin de modifier l’annexe VI de ce règlement en y incluant cette substance et les éléments pertinents de classification et d’étiquetage (annexe VI, partie 3, tableau 3.1, du règlement no 1272/2008).

168    Dans les circonstances de l’espèce, contrairement aux prétentions de la requérante (voir point 163, in fine), l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1272/2008 ne saurait être interprété comme exigeant que l’ECHA clarifie la situation en demandant des données supplémentaires à la requérante, en effectuant des examens additionnels sur les animaux. En effet, il a déjà été constaté que de tels essais n’étaient pas nécessaires ni opportuns dans des situations où l’évaluation pouvait être effectuée en particulier sur la base de références croisées (voir point 157 ci-dessus). Une obligation, pour les autorités compétentes, d’attendre l’achèvement de toutes les études qui sont en cours s’agissant des substances faisant l’objet d’une procédure de classification et d’étiquetage harmonisés en vertu du règlement no 1272/2008 rendrait impossible la classification d’une substance, ce qui est en contradiction avec l’objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement (voir point 158 ci-dessus).

169    Contrairement aux allégations de la requérante, la décision de classification en l’espèce ne reposait pas uniquement sur le principe de précaution, en ce sens qu’elle ne serait fondée que sur des hypothèses. Au regard des études concrètes effectuées par les autorités compétentes, la requérante n’a pas démontré de manière plausible que la mesure adoptée, à savoir, la classification du DOTL comme « Repr. 1B », n’aurait pas été nécessaire et appropriée. La requérante n’est dès lors pas fondée à soutenir que le principe de proportionnalité conduirait à lui donner une possibilité de s’exonérer de ses obligations, en réalisant une étude in vivo conformément au règlement REACH. Au contraire, les principes de bases des règlements REACH et no 1272/2008 consistent à éviter, en principe, des études sur les animaux.

170    Partant, il convient de rejeter le cinquième moyen comme non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, du droit d’être entendu et du principe de bonne administration

–       Arguments des parties

171    Selon la requérante, la Commission a violé l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, ainsi que son droit d’être entendue, en vertu de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et son droit à une bonne administration. Elle aurait été privée d’une occasion adéquate de formuler des observations utiles sur l’avis du CER lui‑même.

172    Elle soutient que, étant donné qu’elle était directement et individuellement affectée par la classification et l’étiquetage harmonisés du DOTL, elle a tenté de présenter sa position. Elle aurait eu la possibilité de présenter officiellement des observations sur la proposition de la KEMI, mais ses arguments n’auraient pas été pris en compte dans l’avis du CER. Elle se serait par conséquent tournée vers la Commission, le Médiateur, et l’institut fédéral pour la sécurité et la santé au travail, sans succès.

173    L’ECHA n’aurait pas agi de bonne foi et elle aurait violé son droit à une bonne administration en refusant et en retardant la coopération prévue dans le cadre de la procédure au titre du règlement REACH et aurait, en conséquence, compromis l’intérêt légitime de la requérante à prouver, dans le cadre de la procédure au titre du règlement no 1272/2008, que le DOTL ne soulevait aucune préoccupation.

174    Selon la requérante, l’ECHA a rejeté de manière inadmissible la mise en œuvre de la proposition d’essais qu’elle avait présentée dans le cadre de la procédure d’enregistrement du DOTL au titre du règlement REACH. L’ECHA aurait facilement pu suspendre la procédure au titre du règlement no 1272/2008 et inclure les informations recueillies dans le cadre de la procédure d’enregistrement au titre du règlement REACH.

175    Dans la réplique, la requérante soutient que ses droits formels de participation au titre du règlement no 1272/2008 se limitaient à ceux prévus à l’article 37, paragraphe 4, de ce règlement. Lorsqu’elle a envoyé des lettres au Médiateur et à la Commission, elle aurait utilisé toutes les options dont elle avait connaissance pour se faire entendre. Elle met en avant de prétendues violations du droit à la bonne administration liées, d’une part, au fait qu’elle ne détenait que des droits limités au titre du règlement no 1272/2008 et, d’autre part, à la circonstance que l’ECHA n’aurait pas attendu et incorporé les résultats des procédures au titre du règlement REACH et aurait, d’ailleurs, refusé de coopérer à cet égard ou de retarder sa coopération.

176    La Commission, soutenue par la République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste les allégations de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

177    En premier lieu, il convient de constater que, selon l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, le droit à une bonne administration comporte le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. En effet, le respect du droit d’être entendu dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe exige que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus à leur charge pour fonder l’acte litigieux (voir arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 86 et jurisprudence citée).

178    En revanche, s’agissant des actes de portée générale, ni le processus de leur élaboration ni ces actes eux-mêmes n’exigent, en vertu des principes généraux du droit de l’Union, tels que le droit d’être entendu, consulté ou informé, la participation des personnes affectées. Il en est autrement si une disposition expresse du cadre juridique régissant l’adoption dudit acte confère un tel droit procédural à une personne affectée (voir arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 87 et jurisprudence citée).

179    En l’espèce, le règlement attaqué établit des mesures de portée générale, y compris la classification contestée.

180    Dans ce contexte, les droits procéduraux dont jouit la requérante, dans le cadre de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés, sont ceux explicitement prévus au règlement no°1272/2008 (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 89).

181    À cet égard, l’article 37, paragraphe 4, du règlement no°1272/2008 prévoit que le CER adopte un avis sur toute proposition « soumise conformément aux paragraphes 1 et 2 dans un délai de dix-huit mois à compter de la réception de la proposition, en donnant aux parties concernées l’occasion de formuler des observations » et que l’ECHA « transmet cet avis et toutes les observations à la Commission ». Cet article prévoit donc le droit, pour les parties concernées, de formuler des observations sur la proposition de classification et d’étiquetage harmonisés et d’être entendues à cet égard devant le CER, ce qui a été le cas en l’espèce.

182    En effet, la requérante elle-même indique qu’elle a eu la possibilité de présenter officiellement des observations sur la proposition de la KEMI.

183    La contribution de la requérante à la consultation publique sur le dossier CLH a été évaluée par la KEMI et le rapporteur du CER, qui y a répondu.

184    Dans la mesure où il conviendrait de comprendre les critiques de la requérante comme visant, également, le fait qu’elle n’a pas pu présenter des observations sur l’avis du CER, il y a lieu de relever que, si l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008 prévoit la possibilité de présenter des observations sur la proposition de classification et d’étiquetage harmonisés, ledit règlement ne prévoit en revanche pas la possibilité, pour les parties concernées, de présenter des observations sur l’avis du CER.

185    Enfin, il ressort du dossier et de ce qui précède que la Commission a examiné de façon appropriée l’avis du CER.

186    Dans ces circonstances, il s’ensuit que la violation de l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008 et du droit d’être entendu n’est pas démontré en l’espèce.

187    En second lieu, contrairement à ce que la requérante soutient (voir point 173 ci-dessus), il n’y a aucun fondement concret dans le dossier présenté devant le Tribunal permettant de soutenir que l’ECHA n’aurait pas agi de bonne foi, ou encore qu’elle aurait violé son droit à une bonne administration « en refusant et retardant la coopération prévue dans le cadre de la procédure au titre du règlement REACH » ou en entamant délibérément des échanges sur l’identité du DOTL.

188    À cet égard, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, relatif au droit à une bonne administration, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union. Selon la jurisprudence, il appartient à l’administration, en vertu dudit principe, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents d’une affaire et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir arrêt du 28 juin 2016, AF Steelcase/EUIPO, T‑652/14, non publié, EU:T:2016:370, point 57 et jurisprudence citée).

189    D’une part, il a déjà été constaté que l’ECHA avait pris en considération, conformément aux obligations pesant sur elle en vertu du règlement no 1272/2008, l’ensemble des études scientifiques pertinentes, sans qu’il puisse lui être reproché de ne pas avoir attendu la finalisation de certaines autres études encore en cours dans le cadre de la procédure d’enregistrement du DOTL au titre du règlement REACH. D’autre part, les éléments de faits portant sur une évaluation de la dénomination de la substance en cause ne constituaient pas un élément établissant la mauvaise foi, comme semble le prétendre la requérante, mais établissaient bien l’existence d’une analyse détaillée effectuée par l’ECHA.

190    Partant, il convient de rejeter le sixième moyen comme non fondé.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’obligation pour la Commission de procéder à une analyse d’impact avant l’adoption de l’acte attaqué

–       Arguments des parties

191    La requérante prétend, en substance, que, en adoptant le règlement attaqué sans avoir, au préalable, réalisé et présenté une analyse d’impact, la Commission a violé les engagements qu’elle a pris dans le cadre de l’accord interinstitutionnel du 13 avril 2016 entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne « Mieux légiférer » (JO 2016, L 123, p. 1, ci-après l’« accord interinstitutionnel ») et, plus particulièrement, de son point 13.

192    Il convient de remarquer que, selon la requérante, une classification du DOTL comme « Repr. 1B » aurait un impact considérable sur l’utilisation de cette substance dans les conduites d’eau potable dites XPE, c’est‑à‑dire en polyéthylène réticulé, dans lesquelles le DOTL est utilisé depuis des décennies. Une telle classification entraînerait en effet l’élimination progressive de cette utilisation, alors qu’il n’existe probablement aucun substitut à l’heure actuelle. Ces conséquences auraient été prises en compte si une analyse d’impact avait été réalisée.

193    La requérante soutient que la Commission était tenue de procéder à une telle analyse d’impact en vertu de l’article 295, deuxième phrase, TFUE, les accords interinstitutionnels pouvant avoir un effet contraignant. Le point 13 de l’accord interinstitutionnel indiquerait son intention de créer des effets juridiques pour l’avenir lorsqu’il prévoit que la Commission « procèdera » à une analyse d’impact. Contrairement au point 16 de l’accord, qui déclare que la Commission « peut » compléter l’analyse d’impact, elle ne disposerait donc d’aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard. La requérante serait habilitée à invoquer cet effet contraignant de l’accord interinstitutionnel qui, selon son considérant 2, aurait pour objectif de renforcer la transparence et de préserver les droits des citoyens de l’Union et la compétitivité des entreprises. L’obligation de procéder à des analyses d’impact constituerait en outre un principe général de bonne législation, souligné par l’article 191, paragraphe 3, TFUE, qui concerne les réglementations relatives au droit de l’environnement.

194    Dans la réplique, il est soutenu que, premièrement, l’argument de la Commission selon lequel il existerait un conflit entre l’accord interinstitutionnel, tel que présenté par la requérante, et le règlement no 1272/2008 n’est pas convaincant. En effet, le point 13 dudit accord mentionnerait expressément l’incidence environnementale, et pas seulement sociale et économique. De plus, la réduction des incidences environnementales constituerait également l’un des principaux objectifs dudit règlement. Deuxièmement, la mention d’un « bref délai », dans l’article 37, paragraphe 5, dudit règlement, en ce qui concerne l’adoption des actes délégués, n’annulerait pas l’exigence procédurale prévue au point 13 de l’accord interinstitutionnel. Troisièmement, l’utilisation, dans l’accord interinstitutionnel, des verbes au futur (notamment « procèdera ») ne signifierait pas que la Commission n’était pas tenue d’effectuer une analyse d’impact, mais qu’il s’agirait d’une obligation inconditionnelle. Quatrièmement, la Cour aurait seulement déclaré, aux points 82 et 85 de l’arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil (C‑482/17, EU:C:2019:1035), qu’il n’existait pas d’obligation de réaliser une analyse d’impact en toutes circonstances, mais que l’accent avait été mis sur la question de savoir si le législateur de l’Union se trouvait dans une situation particulière et s’il était en mesure d’exercer effectivement son pouvoir d’appréciation. Cinquièmement, les trois institutions européennes parties à l’accord interinstitutionnel ne seraient pas les « bénéficiaires » de l’exigence de procéder à l’analyse d’impact, mais elles seraient liées par cette exigence, dont l’absence pourrait rendre un acte de l’Union invalide.

195    La Commission soutient que le moyen n’est pas fondé.

–       Appréciation du Tribunal

196    À cet égard, il convient de relever que l’accord interinstitutionnel stipule à son point 13 ce qui suit :

« La Commission procèdera à une analyse d’impact de ses initiatives législatives et non législatives, de ses actes délégués et de ses mesures d’exécution qui sont susceptibles d’avoir une incidence économique, environnementale ou sociale importante. Les initiatives figurant dans le programme de travail de la Commission ou dans la déclaration commune seront, en règle générale, accompagnées d’une analyse d’impact.

Dans le cadre de son propre processus d’analyse d’impact, la Commission mènera des consultations aussi larges que possible. Le comité d’examen de la réglementation de la Commission procèdera à un contrôle objectif de la qualité des analyses d’impact de cette institution. Les résultats finals des analyses d’impact seront mis à la disposition du Parlement européen, du Conseil et des parlements nationaux et seront rendus publics parallèlement à l’avis/aux avis du comité d’examen de la réglementation lors de l’adoption de l’initiative de la Commission. »

197    S’agissant du processus législatif, la Cour a déjà jugé qu’une obligation d’effectuer une analyse d’impact en toute circonstance ne résultait pas des termes des points 12 à 15 de l’accord interinstitutionnel (arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 82).

198    Il ressort de ces points que, premièrement, le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission reconnaissent la contribution qu’apportent les analyses d’impact à l’amélioration de la qualité de la législation de l’Union et que ces analyses constituent un outil visant à aider les trois institutions concernées à décider en connaissance de cause. Deuxièmement, lesdits points précisent que les analyses d’impact ne doivent pas conduire à retarder indûment le processus législatif ni à porter atteinte à la faculté des colégislateurs de proposer des modifications, pour lesquelles il est d’ailleurs prévu que des analyses d’impact complémentaires peuvent être effectuées lorsque le Parlement et le Conseil le jugent approprié et nécessaire. Troisièmement, ces mêmes points relèvent que la Commission procèdera à une analyse d’impact de ses initiatives législatives qui sont susceptibles d’avoir une incidence économique, environnementale ou sociale importante. Quatrièmement, il est précisé que le Parlement et le Conseil, lors de l’examen des propositions législatives de la Commission, tiennent pleinement compte des analyses d’impact de la Commission (arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 83).

199    Il en résulte que l’élaboration d’analyses d’impact constitue une étape du processus législatif devant, en règle générale, intervenir dès lors qu’une initiative législative est susceptible d’avoir une telle incidence (arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 84).

200    En outre, la Cour a considéré que l’omission d’une analyse d’impact ne saurait être qualifiée de violation du principe de proportionnalité lorsque le législateur de l’Union se trouve dans une situation particulière nécessitant d’en faire l’économie et dispose de suffisamment d’éléments lui permettant d’apprécier la proportionnalité de la mesure adoptée (arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 85).

201    En l’espèce, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 197 ci-dessus, il ne ressort pas du point 13 de l’accord interinstitutionnel que la Commission est obligée de procéder, en toute circonstance, à une analyse d’impact de ses actes délégués.

202    Or, la requérante se limite à faire valoir, au point 90 de la requête, que la classification du DOTL comme « Repr. 1B » aurait un impact considérable sur l’utilisation de cette substance dans les conduites d’eau potable dites XPE (c’est‑à‑dire les conduites d’eau potable en polyéthylène réticulé), dans lesquelles le DOTL serait utilisé depuis des décennies. Une telle classification entraînerait, selon la requérante, l’élimination progressive de cette utilisation, alors qu’il n’existerait probablement aucun substitut à l’heure actuelle.

203    Force est de constater que la requérante se base sur des éléments non démontrés et visant, d’ailleurs, un point spécifique, relatif à un certain type de conduites d’eau potable, ne permettant pas d’établir, sans autre explication, des conséquences économiques, sociales ou environnementales importantes de nature à obliger la Commission à effectuer une analyse d’impact (voir point 198 ci-dessus).

204    Il convient de relever, de surcroît, qu’une telle obligation ne résulte pas non plus des dispositions de l’article 37 du règlement no°1272/2008, régissant la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés, et que, au contraire, une telle analyse n’est prévue dans aucune des étapes de cette procédure. En effet, selon l’article 37, paragraphe 5, dudit règlement, la Commission adopte dans un bref délai des actes délégués lorsqu’elle estime que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la substance concernée est « appropriée ». À cette fin, elle doit tenir compte, tout d’abord, de la proposition soumise au titre de l’article 37, paragraphes 1 à 3, dudit règlement, ensuite, de l’avis du CER et, enfin, des observations formulées lors des consultations publiques, conformément audit article 37, paragraphes 2 et 4, sans que, pour autant, ces éléments, notamment l’avis du CER, aient un caractère contraignant pour la Commission.

205    Partant, dans le cadre de la procédure en cause et sous réserve des constatations effectuées aux points 196 à 203 ci-dessus, l’exercice du pouvoir délégué de la Commission est fondé, en substance, sur les données scientifiques justifiant une décision de classification et d’étiquetage harmonisés, tant dans le cas où elle suit l’avis du CER que dans le cas où elle adopte une décision différente de celle proposée dans cet avis.

206    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’avait pas l’obligation de faire une analyse d’impact, au titre du point 13 de l’accord interinstitutionnel, dans le cadre de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés qui a conduit à l’adoption du règlement attaqué.

207    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le septième moyen de la requérante, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

208    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission.

209    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement de procédure, le terme « institutions » désigne les institutions de l’Union visées à l’article 13, paragraphe 1, TUE ainsi que les organes ou organismes créés par les traités ou par un acte pris pour leur exécution et qui peuvent être parties devant le Tribunal. Selon l’article 100 du règlement REACH, l’ECHA est un organisme de l’Union. Il s’ensuit que la République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’ECHA supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TIB Chemicals AG supportera ses propres dépens, ainsi que ceux de la Commission européenne.

3)      La République d’Autriche, le Royaume de Suède et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) supporteront leurs propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juillet 2023.

Signatures


Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité du recours en ce que la requérante conteste la légalité de la classification du DOTL comme substance toxique spécifique pour certains organes cibles, exposition répétée, catégorie 1 (STOT RE 1)

Sur l’étendue du contrôle juridictionnel

Sur le fond

Sur la recevabilité des quatre premiers moyens de la requérante

Sur la recevabilité du renvoi aux différentes annexes par les parties

Sur le premier moyen, portant sur une violation de l’article 37, paragraphes 1 et 5, et de l’annexe VI, partie 2, du règlement n o 1272/2008, en ce que la KEMI, le CER et la Commission auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant la proposition de procéder à des références croisées entre le DOTO et le DOTL

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des articles 5, 9 et 36, et de l’annexe I, parties 1 et 3, du règlement n o 1272/2008, en ce que la Commission et les autres autorités compétentes n’auraient pas tenu compte de certaines informations dans une approche fondée sur « la force probante » et auraient ainsi commis une erreur manifeste d’appréciation

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de la violation du règlement n o 1272/2008 par l’application de références croisées incorrectes

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des exigences de fond du règlement n o 1272/2008 en matière de classification en ce que la Commission aurait commis une erreur en classant le DOTL en tant que substance toxique pour la reproduction, « catégorie 1B »

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité en ce que la classification du DOTL comme « Repr. 1B » ne serait ni nécessaire ni appropriée

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 37, paragraphe 4, du règlement n o 1272/2008, du droit d’être entendu et du principe de bonne administration

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’obligation pour la Commission de procéder à une analyse d’impact avant l’adoption de l’acte attaqué

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.