Language of document : ECLI:EU:T:2022:359

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

15 juin 2022 (*)

  « Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire représentant un radiateur de chauffage – Dessins ou modèles antérieurs – Motifs de nullité – Absence de caractère individuel – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Liberté du créateur – Saturation de l’état de l’art – Impression globale »

Dans l’affaire T‑380/20,

Tubes Radiatori Srl, établie à Resana (Italie), représentée par Mes S. Verea, K. Muraro, M. Balestriero et P. Menapace, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Antrax It Srl, établie à Resana, représentée par Mes L. Gazzola et G. Lugato, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 25 mars 2020 (affaire R 1275/2017‑3), relative à une procédure de nullité entre Antrax It et Tubes Radiatori,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. G. De Baere, président, Mme G. Steinfatt et M. K. Kecsmár (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 22 octobre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 31 octobre 2020,

vu la mesure d’organisation de la procédure du 26 juillet 2021 et les réponses de la requérante et de l’intervenante déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 11 août et le 6 août 2021,

à la suite de l’audience du 24 février 2022,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Tubes Radiatori Srl, est titulaire du dessin ou modèle communautaire no 000169370-0002, déposé le 13 avril 2004 auprès du Deutsches Patent- und Markenamt (Office des brevets et des marques allemand), conformément à l’article 35, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), transmis le 26 avril 2004 à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 2004/069 le 24 août 2004 et renouvelé dernièrement le 10 mai 2019.

2        Le dessin ou modèle contesté s’applique, selon les termes de la demande de dessin ou modèle, à un radiateur de chauffage et est représenté comme suit :

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3        Le 3 novembre 2009, l’intervenante, Antrax It Srl, a présenté devant l’EUIPO une demande de nullité du dessin ou modèle contesté. Cette demande en nullité était fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), et les articles 4 à 9 du règlement no 6/2002. L’intervenante a fait valoir que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

4        Au soutien de sa demande en nullité, l’intervenante a invoqué, à l’encontre du dessin ou modèle contesté, l’enregistrement multiple allemand portant la référence DE 40110481.8, effectué au nom de la société The Heating Company BVBA, étendu à la France, à l’Italie et au Benelux en tant qu’enregistrement international multiple sous la référence DM/060899 et publié au Bulletin de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) le 30 septembre 2002.

5        L’intervenante a joint à sa demande en nullité les vues suivantes :

–        vues 1.1 et 1.2 (y inclus une version agrandie de 1.2), correspondant au dessin ou modèle antérieur D 060899-0001 ou « D 1 » :

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–        vues 4.1 et 4.2 (y inclus une version agrandie de 4.2), correspondant au dessin ou modèle antérieur D 060899-0004 ou « D 4 » (une nouvelle image du modèle D 4 ayant été déposée par l’intervenante à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure et ayant été acté au procès-verbal de l’audience que les autres parties ont été en mesure de donner leurs observations à cet égard) :

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6        Par décision du 7 mars 2011, la division d’annulation a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté, pour absence de caractère individuel au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

7        Cette décision a fait l’objet d’un recours de la requérante formé le 4 mai 2011.

8        Par décision du 3 avril 2012 (affaire R 953/2011-3), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

9        Cette décision du 3 avril 2012 a fait l’objet d’un recours de la requérante formé le 13 juillet 2012 devant le Tribunal.

10      Par arrêt du 12 mars 2014, Tubes Radiatori/OHMI – Antrax It (Radiateur) (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), le Tribunal a estimé que, dans la mesure où, premièrement, la saturation de l’état de l’art avait été invoquée par la requérante devant la division d’annulation, où, deuxièmement, la division d’annulation avait procédé à certaines considérations susceptibles de suggérer qu’elle convenait de l’existence d’une certaine saturation, où, troisièmement, l’argument avait été réitéré par la requérante devant la troisième chambre de recours et où, quatrièmement, une décision antérieure du 17 avril 2008 (affaire R 976/2007-3) de la troisième chambre de recours avait indiqué le caractère « notoirement encombré » de ce secteur, c’était à tort que la chambre de recours, dans la décision du 3 avril 2012, avait conclu à l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté sans faire aucune référence à cette question de la saturation de l’état de l’art, fût-ce pour se démarquer des appréciations portées antérieurement. Dans ce contexte, duquel il ressortait que la chambre de recours n’avait pas motivé la décision du 3 avril 2012 eu égard à la question de la saturation de l’état de l’art, pertinente pour l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, le Tribunal a annulé cette décision (arrêt du 12 mars 2014, Radiateur, T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115, points 87, 100 et 101).

11      À la suite de l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), l’affaire R 953/2011-3 a été à nouveau attribuée à la troisième chambre de recours, sous la référence R 1643/2014-3.

12      Par décision du 9 décembre 2014, la troisième chambre de recours de l’EUIPO a à nouveau rejeté le recours.

13      Ladite décision du 9 décembre 2014 a fait l’objet d’un recours de la requérante formé le 25 février 2015 devant le Tribunal.

14      Par arrêt du 16 février 2017, Tubes Radiatori/EUIPO – Antrax It (Radiateurs) (T‑98/15, non publié, EU:T:2017:91), le Tribunal a annulé la décision de la troisième chambre de recours du 9 décembre 2014. Il a estimé que la chambre de recours, en n’invitant pas la requérante à présenter des observations et des preuves sur la question soulevée par l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), relative à l’existence ou à l’absence d’une saturation de l’état de l’art dans le secteur concerné, avait méconnu le principe du contradictoire, c’est-à-dire le droit d’être entendue de la requérante.

15      À la suite de l’arrêt du 16 février 2017, Radiateurs (T‑98/15, non publié, EU:T:2017:91), l’affaire R 1643/2014-3 a été à nouveau attribuée à la troisième chambre de recours, sous la référence R 1275/2017-3.

16      Le 6 février 2018, le membre rapporteur de la troisième chambre de recours a adressé une communication à la requérante l’invitant à présenter, dans un délai de deux mois, ses mémoires et ses éléments de preuve à l’appui de l’argument selon lequel le secteur en question serait saturé.

17      Le 6 avril 2018, la requérante a produit les annexes 1 à 18.

18      Par décision du 25 mars 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

19      La chambre de recours a estimé que le degré de liberté du créateur du dessin ou modèle contesté était élevé. Elle a ensuite examiné les preuves produites par la requérante et considéré qu’elles ne démontraient pas une saturation de l’état de l’art au moment où le dessin ou modèle contesté avait été déposé.

20      La chambre de recours a commencé par la comparaison entre le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur D 4. Ayant estimé, sur cette base, que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel, elle a considéré qu’il était inutile de vérifier l’existence de la cause de nullité eu égard au dessin ou modèle antérieur D 1.

21      La chambre de recours a estimé que le dessin ou modèle contesté ne produisait pas une impression sensiblement différente, parce qu’il possédait les mêmes caractéristiques que le dessin ou modèle antérieur D 4.

22      En l’absence d’éléments de preuve suffisants pour établir une saturation de l’état de l’art, et compte tenu du degré de créativité élevé du créateur des produits auxquels les dessins ou modèles en cause se réfèrent, la chambre de recours a estimé que les éléments communs des dessins ou modèles en cause déterminaient, dans une plus large mesure, l’impression générée par ces dessins ou modèles lors de l’utilisation normale des produits en cause. Elle a conclu que les deux dessins ou modèles de radiateurs, vus sous les angles indiqués, à savoir de face, de côté, de dessus et depuis les angles de vue intermédiaires, produisaient chez l’utilisateur averti, en raison de leurs caractéristiques communes, une impression globale qui ne variait pas significativement.

 Conclusions des parties

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

24      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal : 

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens. 

25      Lors de l’audience du 24 février 2022, la requérante s’est désistée d’un deuxième chef de conclusions, tendant à faire constater et déclarer la validité du dessin ou modèle contesté en ce qu’il satisfait aux exigences de nouveauté et de caractère individuel, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal d’audience.

 En droit

26      La requérante fait valoir, en substance, deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 6 du règlement no 6/2002 et, le second, d’une violation de l’article 63 du règlement no 6/2002 et des principes de protection de la confiance légitime, d’équité, de bonne foi, de diligence et d’impartialité.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002

27      Par son premier moyen, la requérante remet en cause l’appréciation par la chambre de recours de l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté, au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002. Son moyen se divise, en substance, en trois branches, tirées, premièrement, de l’appréciation erronée de la notion de liberté du créateur, deuxièmement, de l’appréciation erronée de la saturation de l’état de l’art dans le secteur pertinent et, troisièmement, d’erreurs dans la comparaison de l’impression globale des dessins ou modèles en conflit.

28      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’ensemble de cette argumentation.

29      Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.

30      L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise en outre que, pour apprécier ce caractère individuel, il doit être tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

31      Lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève (considérant 14 du règlement no 6/2002), du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, d’une éventuelle saturation de l’état de l’art, laquelle peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés, ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion [voir arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 31 et jurisprudence citée].

 Sur l’utilisateur averti

32      Il convient de relever que le règlement no 6/2002 ne définit pas la notion d’utilisateur averti. Elle doit toutefois être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53).

33      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’utilisateur averti est une personne dotée d’une vigilance particulière et qui dispose d’une certaine connaissance de l’état de l’art antérieur, c’est-à-dire du patrimoine des dessins ou modèles relatifs au produit en cause qui ont été divulgués à la date du dépôt du dessin ou modèle contesté ou, le cas échéant, à la date de la priorité revendiquée [arrêts du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 62, et du 9 septembre 2011, Kwang Yang Motor/OHMI – Honda Giken Kogyo (Moteur à combustion interne), T‑11/08, non publié, EU:T:2011:447, point 23].

34      En l’espèce, l’utilisateur averti a été défini par la chambre de recours comme une personne qui achète des radiateurs de chauffage pour les installer à son domicile. Elle a souligné que l’utilisateur doit être averti, en ce sens qu’il doit avoir eu la possibilité de voir et de comparer des dessins ou modèles de radiateurs en consultant des revues de design et d’ameublement, en visitant des magasins spécialisés et en naviguant sur l’internet. En d’autres termes, selon la chambre de recours, cette personne, sans être un expert en dessin industriel comme le serait un architecte ou un décorateur d’intérieur, est au courant de ce qu’offre le marché, des tendances de la mode et des caractéristiques de base du produit. Il importe de souligner que cette définition a déjà été confirmée par le Tribunal (arrêt du 12 mars 2014, Radiateur, T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115, points 63 et 64) et qu’elle n’est d’ailleurs pas contestée par les parties.

 Sur la première branche, relative à la liberté du créateur

35      À titre liminaire, la requérante souligne que la motivation de la décision attaquée est péremptoire et purement affirmative, se contentant, du point 31 au point 49, de faire des renvois jurisprudentiels qui seraient neutres du point de vue de la motivation.

36      À titre principal, dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante critique, en substance, les points 49 et 50 de la décision attaquée et la définition du secteur pertinent aux fins d’apprécier la liberté du créateur.

37      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’ensemble de cette argumentation.

38      Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. Le degré de liberté du créateur d’un dessin ou modèle est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit ou encore des prescriptions légales applicables au produit auquel le dessin ou modèle est appliqué. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes aux dessins ou modèles appliqués au produit concerné. Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles comparés ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti [voir arrêt du 13 novembre 2012, Antrax It/OHMI – THC (Radiateurs de chauffage), T‑83/11 et T‑84/11, EU:T:2012:592, points 44 et 45 et jurisprudence citée].

39      La chambre de recours a indiqué, au point 50 de la décision attaquée, qu’il existait une grande étendue de possibilités ouvertes, en termes de design, dans le domaine des radiateurs de chauffage, à savoir « [tubes radiants…] verticaux, horizontaux, inclinés, convexes, orthogonaux par rapport au collecteur etc. ; [tubes radiants] carrés, rectangulaires, en D, etc.; densité des [tubes radiants] ; […] caractéristiques de forme et de […] section [des collecteurs] ; position relative du collecteur par rapport aux tubes [radiants] ; dimension du collecteur par rapport à la profondeur des tubes [radiants] ». Elle s’est référée à cet égard au point 76 de l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115).

40      Elle a ensuite relevé, au point 51 de la décision attaquée, que la circonstance qu’un radiateur doit disposer, à tout le moins, d’un faisceau de tubes dans lesquels circule un fluide qui se refroidit en libérant de la chaleur dans l’air ambiant n’avait pas d’influence significative sur sa forme et son aspect général et que, pour ce qui est, en particulier, de la forme des tubes radiants, il était possible d’imaginer des configurations différentes au niveau de la section. Elle a fait référence, à cet égard, au point 69 de l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), et a ajouté que cette affirmation était d’ailleurs étayée par les preuves déposées par l’intervenante devant la chambre de recours, qui montrent des radiateurs dont les tubes radiants ont des formes et des lignes diverses.

41      Au point 52 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que la requérante n’avait pas produit d’éléments aptes à étayer son affirmation selon laquelle les contraintes techniques ou fonctionnelles limitaient considérablement le degré de liberté du créateur et s’est référée à nouveau, à cet égard, au point 76 de l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115). Au point 53 de la décision attaquée, il a été conclu, en faisant référence au point 86 de l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), que, en l’espèce, le degré de liberté du créateur du dessin ou modèle contesté était élevé.

42      En premier lieu, la requérante critique le point 49 de la décision attaquée, au motif que la chambre n’expliquerait pas en quoi l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), s’applique au cas d’espèce.

43      Il y a lieu de considérer que, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé une jurisprudence constante aux fins de rejeter les propos de la requérante selon lesquels la liberté du créateur pourrait être limitée par le souci de se conformer à une tendance générale en matière de design [voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, EU:T:2010:248, point 58, et du 13 juin 2019, Visi/one/EUIPO – EasyFix (Porte-affichette pour véhicules), T‑74/18, EU:T:2019:417, point 75]. Dès lors, la motivation est claire et, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne s’agit pas de considérations spécifiques aux affaires dans lesquelles elles ont été formulées.

44      En deuxième lieu, s’agissant du point 50 de la décision attaquée, rappelé au point 39 ci-dessus, la requérante reproche à la chambre de recours de s’être référée au point 76 de l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), annulant la décision du 3 avril 2012 de la chambre de recours, sans expliquer en quoi ce passage s’appliquait au cas d’espèce, qui ne concernerait que la comparaison de deux dessins ou modèles avec des tubes verticaux. En outre, ledit point 50 ne serait pas cohérent avec le point 59 de la décision attaquée.  

45      Il y a lieu de relever que, en se référant au point 76 de l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), à la fin de son constat selon lequel il existe une grande étendue de possibilités en termes de design dans le domaine des radiateurs de chauffage, la chambre de recours a, en substance, maintenu le constat de liberté élevée du créateur contenu dans sa décision du 3 avril 2012, constat qui a été confirmé aux points 75 à 86 dudit arrêt, et en particulier à son point 76 , au motif que la requérante n’avait pas prouvé l’existence de contraintes techniques et légales de nature à limiter la liberté du créateur. Aucune insuffisance de motivation ne peut donc lui être reprochée. Il y a lieu d’observer, à cet égard, que l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), a annulé la décision du 3 avril 2012 de la chambre de recours non pas au motif que cette dernière aurait commis une erreur de droit dans le cadre de son appréciation relative à la liberté du créateur, mais en raison du fait que cette décision était entachée d’une violation de l’obligation de motivation s’agissant de la question de la saturation de l’état de l’art. En outre, il s’agissait, dans cette affaire devant le Tribunal, des mêmes parties et des mêmes dessins ou modèles en cause qu’en l’espèce. Dès lors, les constatations effectuées dans l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), relatives à la liberté du créateur restent valides dans la présente affaire.

46      S’agissant de l’argument selon lequel le point 50 de la décision attaquée ne serait pas cohérent avec son point 59, ce dernier considérant que, « en l’espèce, les dessins ou modèles utiles pour déterminer l’existence d’une saturation dans le secteur pertinent sont ceux qui se réfèrent à des radiateurs constitués d’éléments radiants verticaux plats, de section quadrangulaire, lesquels sont reliés par des collecteurs placés près de leurs extrémités », il convient de le rejeter, car il provient d’une confusion entre deux notions distinctes, à savoir celle de liberté du créateur d’une part et celle de saturation de l’état de l’art d’autre part.

47      Or, une saturation de l’état de l’art ne saurait être considérée comme limitant la liberté du créateur [arrêt du 16 février 2017, Antrax It/EUIPO – Vasco Group (Thermosiphons pour radiateurs), T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, point 55]. En effet, une telle saturation, qui découle de l’existence de dessins ou modèles présentant les mêmes caractéristiques d’ensemble que les dessins ou modèles en cause (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2012, Radiateurs de chauffage, T‑83/11, EU:T:2012:592, point 81), ne saurait constituer une contrainte liée aux caractéristiques imposées par la fonction technique d’un produit ou d’un élément d’un produit et ne répond pas à des prescriptions légales applicables au produit (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2014, Radiateur, T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115, point 85).

48      Il n’y a donc aucune contradiction entre les points 50 et 59 de la décision attaquée, en ce qu’ils se réfèrent chacun à un concept spécifique. Le point 50 souligne la grande variété dans le secteur des radiateurs de chauffage en matière de configuration, de forme, de densité des tubes radiants, mais aussi de forme et de section des collecteurs, de position du collecteur par rapport aux tubes et de dimension du collecteur par rapport à la profondeur des tubes, soulignant ainsi la grande liberté de choix du créateur. En revanche, le point 59 souligne qu’une saturation de l’état de l’art, pour être établie, doit répertorier des dessins ou modèles présentant les mêmes caractéristiques d’ensemble que les dessins ou modèles en cause, à savoir des dessins ou modèles de radiateurs avec des éléments radiants verticaux plats, de section quadrangulaire, lesquels sont reliés par des collecteurs placés près de leurs extrémités.

49      En troisième lieu, la requérante conteste le bien-fondé du point 50 de la décision attaquée en mentionnant l’existence de nombreuses contraintes techniques et réglementaires susceptibles de réduire la liberté du créateur, qui auraient été négligées par la chambre de recours.

50      En réponse à une question posée par le Tribunal à l’occasion d’une mesure d’organisation de la procédure, la requérante fait également valoir que, si elle a fait référence à des normes particulières harmonisées et reconnues au niveau supranational seulement dans le cadre du présent recours, c’est en raison du fait que la troisième chambre de recours, dans la décision attaquée, pour la première fois depuis l'ouverture de la procédure d'annulation, a énuméré l’ensemble des contraintes techniques auxquelles les radiateurs de chauffage seraient soumis. La requérante aurait alors pris position dans le cadre du présent recours en précisant les normes à respecter dans le domaine des radiateurs de chauffage.

51      Tout d’abord, force est de constater que le point 50 de la décision attaquée ne contient aucune erreur de fond concernant la liste des nombreuses possibilités ouvertes en termes de design des radiateurs de chauffage, dans la mesure où il ressort du point 80 de l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115), que cette liste résulte des termes du point 40 de la requête, que la requérante avait elle-même déposée devant le Tribunal dans ladite affaire. Audit point, la requérante avait dressé une liste des différents facteurs qu’il convenait, selon elle, de prendre en considération pour la détermination du caractère individuel d’un radiateur de chauffage. Le Tribunal avait ajouté que « les termes mêmes – non limitatifs – de cette liste ne laiss[ai]ent absolument aucun doute quant à la grande étendue des possibilités ouvertes, en termes de design, dans le domaine des radiateurs de chauffage : “[tubes radiants…] verticaux, horizontaux, inclinés, convexes, orthogonaux par rapport au collecteur etc. ; [tubes radiants] carrés, rectangulaires, en D, etc. ; densité des [tubes radiants] ; […] caractéristiques de forme et de […] section [des collecteurs] ; position relative du collecteur par rapport aux tubes [radiants] ; dimension du collecteur par rapport à la profondeur des tubes [radiants]” » (arrêt du 12 mars 2014, Radiateur, T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115, point 81). Cette analyse selon laquelle le degré de liberté du créateur n’est pas restreint doit être confirmée, à la lumière de la jurisprudence du Tribunal relative à d’autres affaires concernant le même secteur (voir arrêt du 16 février 2017, Thermosiphons pour radiateurs, T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, point 58 et jurisprudence citée).

52      Il convient également de rappeler que la requérante n’a pas contesté, dans le cadre de son recours dans l’affaire T‑98/15, le degré de liberté élevé du créateur pourtant constaté dans la décision du 9 décembre 2014 de la chambre de recours, adoptée à la suite de l’arrêt du 12 mars 2014, Radiateur (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115).

53      En outre, ainsi que le soulignent l’EUIPO et l’intervenante, la requérante n’a pas, au cours des procédures administratives successives, apporté d’éléments attestant de contraintes techniques ou légales susceptibles de restreindre la liberté du créateur, y compris dans son mémoire du 6 avril 2018.

54      À cet égard, la requérante n’explique pas en quoi le fait que le radiateur est connecté au système de chauffage ou le fait qu’il est généralement accroché au mur constitueraient des contraintes limitant la liberté du créateur.

55      S’agissant des normes harmonisées et dérivant du droit de l’Union spécifiques invoquées, relatives notamment au rendement thermique, et de la réponse à une question posée à l’occasion d’une mesure d’organisation de la procédure par le Tribunal sur ce point, il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, qu’il y est fait référence pour la première fois devant le Tribunal.  À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. En effet, il appartient au Tribunal, dans le cadre du présent litige, de contrôler la légalité des décisions des chambres de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 6 juin 2013, Kastenholz/OHMI – Qwatchme (Cadrans de montre), T‑68/11, EU:T:2013:298, point 25 et jurisprudence citée]. De même, la partie requérante n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par elle-même et par la partie intervenante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 43). Il y a donc lieu de déclarer cette argumentation irrecevable. Ainsi qu’il a été acté au procès-verbal de l’audience, la requérante a été entendue dans ses observations à cet égard.

56      En tout état de cause, c’est à bon droit que l’intervenante fait valoir que la requérante s’est contentée de décrire en termes généraux les normes en question sans expliquer en quoi et comment elles limiteraient la liberté du créateur.

57      En quatrième lieu, la chambre de recours aurait commis une erreur dans l’appréciation du degré de liberté du créateur en se référant à l’ensemble du secteur des « radiateurs de chauffage », alors qu’elle aurait dû, selon la requérante, l’évaluer en référence au secteur plus limité des « radiateurs tubulaires verticaux de section carrée ou rectangulaire ». La requérante fait également valoir que la possibilité d’élaborer des radiateurs à tubes radiants verticaux, horizontaux, inclinés, convexes, etc., n’est pas pertinente étant donné que la comparaison se concentre sur deux dessins ou modèles à tubes verticaux. Accepter la référence plus large au secteur des radiateurs de chauffage dans l’évaluation de la liberté du créateur équivaudrait à accorder au titulaire du dessin ou modèle antérieur un monopole sur les dessins ou modèles de radiateurs tubulaires à développement vertical de section carrée ou rectangulaire. Or, l’enregistrement d’une forme esthétique particulière ne pourrait aller jusqu’à l’appropriation d’une forme géométrique.

58      Selon le considérant 14 du règlement no 6/2002, il convient, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, de tenir compte, en particulier, de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève.

59      Pour déterminer le produit auquel le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé ou auquel il est destiné à être appliqué, il convient de tenir compte de l’indication qui y est relative dans la demande d’enregistrement dudit dessin ou modèle, mais également, le cas échéant, du dessin ou modèle lui-même, dans la mesure où il précise la nature du produit, sa destination ou sa fonction (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Représentation d’un support promotionnel circulaire, T‑9/07, EU:T:2010:96, point 56).

60      Premièrement, dans la demande d’enregistrement et l’enregistrement du dessin ou modèle contesté, les représentations graphiques sont décrites comme se référant à un « radiateur de chauffage ».

61      Deuxièmement, l’utilisateur averti a été défini comme celui qui achète des radiateurs de chauffage pour les installer dans son habitation, et non comme celui qui achète uniquement des radiateurs tubulaires verticaux de section carrée ou rectangulaire. Or cette définition n’a pas été contestée.

62      Troisièmement, il a été démontré aux points 46 à 48 ci-dessus que cette argumentation révèle en réalité une confusion de la requérante entre différentes notions, à savoir celle de liberté du créateur et celle de saturation de l’état de l’art.

63      Quatrièmement, quant à l’appréciation globale du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, elle requiert par définition, conformément à la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, la comparaison de deux dessins ou modèles à tubes verticaux, ainsi que le souligne la requérante, mais en tenant compte, conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, du degré de liberté du créateur de radiateurs de chauffage, qui est élevé, dans la mesure où, dans le secteur des radiateurs de chauffage, la configuration (verticale, horizontale, ou autre) et la forme (carrés, rectangulaires, ronds, etc.) des tubes radiants, mais aussi la densité des tubes, les formes et les sections des collecteurs, la position et la dimension des collecteurs par rapport aux tubes, ne font pas partie des contraintes limitant la liberté du créateur. Quant aux allégations de monopole sur une forme géométrique de radiateurs, elles doivent être rejetées, dans la mesure où la requérante remet ainsi en question la nature exclusive du droit conféré par un dessin ou modèle communautaire enregistré, dont la protection s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

64      Il ressort de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche, relative à la saturation de l’état de l’art

65      Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, visant l’appréciation de la saturation de l’état de l’art, la requérante soulève, en substance, deux griefs, relatifs, premièrement, à la liste des preuves de saturation de l’état de l’art et, deuxièmement, à l’appréciation des preuves soumises.

66      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’ensemble de cette argumentation. En outre, l’intervenante fait valoir qu’il a été considéré par le Tribunal et par la chambre de recours dans la décision attaquée, en substance, que même la preuve d’un certain état de saturation du secteur ne soustrairait pas le dessin ou modèle contesté à un constat de nullité pour défaut de caractère individuel. Enfin, l’intervenante fait valoir que les preuves de la requérante ne sont pas de nature à prouver une saturation du marché.

67      La saturation de l’état de l’art, si elle ne saurait être considérée comme limitant la liberté du créateur, peut être de nature, lorsqu’elle est avérée, à rendre l’utilisateur plus sensible aux différences de détail des dessins ou modèles en conflit. Par conséquent, un dessin ou modèle, en raison d’une saturation de l’état de l’art, peut avoir un caractère individuel du fait de caractéristiques qui, en l’absence d’une telle saturation, ne seraient pas susceptibles de susciter une différence d’impression globale sur l’utilisateur averti [voir, en ce sens, arrêts du 12 mars 2014, Radiateur, T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115, point 87 et jurisprudence citée, et du 29 octobre 2015, Roca Sanitario/OHMI – Villeroy & Boch (Robinet à commande unique), T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 83].

68      En premier lieu, la requérante conteste le point 57 de la décision attaquée, dont les indications seraient arbitraires ou peu claires.

69      En l’espèce, le point 57 de la décision attaquée se lit comme suit :

« Les preuves doivent être suffisamment claires, précises et cohérentes pour démontrer sans équivoque que le secteur des produits auquel les dessins ou modèles en conflit se réfèrent était saturé au moment du dépôt de la demande du [dessin ou modèle] contesté ([décision du] 10 [octobre] 2014, R 1272/2103-3, Radiatori per riscaldamento, [point] 50). La chambre de recours a jugé qu’un degré élevé de saturation dans un secteur de référence donné peut être prouvé au moyen de catalogues et de preuves documentaires ayant trait aux produits proposés par un grand nombre d’entreprises concurrentes, des déclarations d’experts du secteur, des déclarations émanant d’associations de producteurs et de consommateurs, des catalogues et des barèmes de prix des grands distributeurs opérant dans le secteur de référence et, enfin, des enquêtes et des études de secteur menées par des sociétés tierces ([décision du] 10 [octobre] 2014, R 1272/2103-3, Radiatori per riscaldamento, [point] 47). »

70      Il y a lieu de remarquer que la chambre de recours s’est limitée à relever que la saturation « pouvait » être prouvée au moyen de catalogues, déclarations d’experts du secteur, etc. Dès lors, cette liste n’est pas exhaustive et ne peut être qualifiée d’arbitraire. S’agissant d’une liste indicative, il en ressort clairement, contrairement à ce qu’avance la requérante, que l’absence d’une ou de plusieurs références de la liste de preuves n’entraîne pas ipso facto un constat d’insuffisance de preuves.

71      S’agissant du fait que la chambre de recours ne précise pas ce qu’il est entendu par des produits proposés par « un grand nombre » d’entreprises concurrentes, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours n’a pas fixé un seuil précis, s’agissant d’une appréciation au cas par cas et reposant sur un faisceau d’indices. Quant à l’argument selon lequel la pertinence des barèmes de prix pour apprécier la validité d’un dessin ou modèle ne serait pas claire, il y a lieu de le rejeter étant donné que les barèmes de prix peuvent bien faire partie des critères pertinents pour l’appréciation de la saturation de l’état de l’art du fait des représentations de radiateurs qui y sont jointes, telles que le montrent les pièces fournies par la requérante.  

72      En second lieu, la requérante fait valoir une appréciation incorrecte des preuves qu’elle a soumises le 6 avril 2018 aux fins de démontrer la saturation de l’état de l’art,  notamment des expertises judiciaires, des enregistrements de dessins ou modèles ou de brevets et des catalogues fournis.

73      Au point 58 de la décision attaquée, la chambre de recours a énuméré les preuves produites par la requérante le 6 avril 2018 à la suite de la communication du rapporteur.

74      Au point 61 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué, en ce qui concernait les rapports de l’expert judiciaire dans les procédures en Italie, qu’ils ne se référaient aucunement à un état de saturation dans le secteur des radiateurs de chauffage. Aux points 62 à 64 de la décision attaquée, elle a estimé, en substance, que les divers enregistrements ou modèles et les brevets fournis, outre le fait qu’ils représentaient, en partie, des types de radiateurs différents, par exemple de section horizontale plutôt que verticale, ne permettaient pas de prouver un état de saturation dans le secteur pertinent. Aux points 66 à 73 de la décision attaquée, la chambre de recours a, en substance, déploré que la requérante n’ait produit que quelques extraits de catalogues, qu’elle a considérés insuffisants, notamment parce qu’ils ne démontraient pas l’existence d’un grand nombre d’entreprises productrices.

75      À titre liminaire, il convient de rappeler que les preuves doivent porter sur une saturation de l’état de l’art existant à la date de dépôt ou de priorité du dessin ou modèle contesté, ainsi que l’a estimé la chambre de recours. Dès lors, la date pertinente est, en l’espèce, le 13 avril 2004. Cela n’est pas contesté.

–       S’agissant des expertises judiciaires en Italie

76      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que, dans les trois rapports d’expert soumis (à savoir les annexes 1 à 3 de ses observations du 6 avril 2018), les experts techniques nommés par le Tribunale di Venezia (tribunal de Venise, Italie) avaient expressément mentionné l’existence d’une saturation du secteur.

77      En l’espèce, il y a lieu de constater qu’une saturation du secteur pertinent est bien mentionnée en page 11 du rapport d’expert définitif du 17 février 2008 dans l’affaire no 7612/2005, opposant la requérante et l’intervenante devant le Tribunale di Venezia (tribunal de Venise), joint en annexe 3 des observations du 6 avril 2018. Il y est fait mention de ce que « le secteur est particulièrement “saturé” de modèles de radiateurs à panneaux ou à éléments chauffants ».

78      Ce constat ressort également des pages 13, 38 et 99 du rapport d’expert du 26 février 2012 dans l’affaire no 6309/2009, opposant la requérante à Cordivari Srl devant le Tribunale di Venezia (tribunal de Venise), en annexe 1 des observations du 6 avril 2018. L’expert judiciaire y affirme notamment que, « compte tenu par ailleurs du fait que, dans un secteur saturé tel que celui des radiateurs de chauffage, comme vu, la liberté du concepteur est assez limitée », ou encore que la « liberté du créateur [est] limitée dans ce secteur très saturé ». Tant dans ce rapport que dans sa synthèse relative à la même affaire, du 26 février 2012 également, fournie en annexe 2 desdites observations, l’expert cite expressément la décision de la chambre de recours du 17 avril 2008 (affaire R 976/2007-3), dans laquelle il est indiqué que le secteur des radiateurs de chauffage est « notoirement saturé » (voir page 13 de l’annexe 1 et page 8 de l’annexe 2).

79      Il y a donc lieu de constater que c’est à tort que la chambre de recours a observé, au point 61 de la décision attaquée, que les rapports d’experts judiciaires dans les procédures devant le Tribunale di Venezia (tribunal de Venise) ne se référaient aucunement à un état de saturation dans le secteur des radiateurs de chauffage.

80      Toutefois, une telle erreur n’est pas de nature à vicier le reste du raisonnement s’agissant du constat selon lequel la saturation de l’état de l’art n’a pas été prouvée par la requérante.

81      En effet, d’une part, ainsi que le souligne l’EUIPO, les déclarations contenues dans ces expertises sont de simples affirmations ni étayées par des preuves ou des explications ni datées. En tout état de cause, il suffit de constater que certaines expertises se limitent à reproduire l’affirmation relative à la saturation notoire contenue dans la décision antérieure de la chambre de recours du 17 avril 2008 (R 976/2007-3), dont il a été jugé qu’elle ne liait pas la chambre de recours (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, Radiateurs, T‑98/15, non publié, EU:T:2017:91, point 51). Cela n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante. En outre, s’agissant de ces deux expertises relatives à l’affaire no 6309/2009, les affirmations relatives à l’existence d’une saturation du secteur visent en réalité à justifier un constat de limitation de la liberté du créateur. Or, ce raisonnement n’est pas convaincant, dans la mesure où il a été rappelé aux points 46 et 47 ci-dessus que les deux questions sont distinctes.

82      En outre, il ressort de la synthèse du 26 février 2012, en annexe 2 des observations du 6 avril 2018, que, d’après les experts des parties, la théorie selon laquelle le secteur des radiateurs de chauffage serait saturé remporte le moins d’adhésions.

83      D’autre part, la requérante fait valoir que la chambre de recours a ignoré les représentations graphiques, dans les rapports d’experts, d’autres radiateurs antérieurs au dessin ou modèle contesté, aptes à démontrer une saturation du secteur.

84      Cette argumentation doit être rejetée, car, ainsi que le relève l’EUIPO, si ces expertises font état d’une série d’autres modèles de radiateurs, ceux-ci n’ont pas été analysés dans ces expertises, contrairement à ce qu’indique la requérante, « aux fins de l’appréciation de la saturation du secteur », mais aux fins d’analyser le caractère nouveau ou individuel de certains dessins ou modèles, dont le dessin ou modèle contesté. En outre, ainsi que le souligne l’EUIPO, il ressort justement de ces expertises que la quasi-totalité de ces radiateurs possède des caractéristiques différentes du dessin ou modèle contesté de nature à susciter une impression globale différente, ce qui infirme l’idée, soutenue par la requérante, que lesdits dessins ou modèles pourraient prouver une saturation de l’état de l’art dans le secteur.

85      Dès lors, la conclusion, au point 61 de la décision attaquée, selon laquelle les rapports d’experts ne sont pas aptes à fournir des indications pertinentes quant à l’état de saturation allégué par la requérante est correcte.

86      Il convient d’examiner également les autres types de preuves soumises par la requérante le 6 avril 2018 (voir point 73 du présent arrêt).

–       S’agissant des enregistrements de dessins ou modèles ou de brevets antérieurs

87      En l’espèce, au point 62 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la documentation technique volumineuse soumise et énumérée au point 58 de la décision attaquée, consistant en divers enregistrements de dessins ou modèles et de brevets, outre le fait qu’elle présente, en partie, des types de radiateurs différents, tels que, par exemple, de section horizontale plutôt que verticale, ne permettait pas de prouver un état de saturation dans le secteur pertinent. La chambre de recours a ajouté, aux points 63 et 64 de la décision attaquée, que les annexes 7 à 11 des observations de la requérante du 6 avril 2018 se référaient à des dessins ou modèles antérieurs appartenant à The Heating Company, qui ont été soumis en partie à l’appui de la demande de nullité du dessin ou modèle contesté, et, en outre, que la saturation du secteur pertinent devait être appréciée du point de vue de l’utilisateur averti, qui n’est ni un expert ni un technicien qui connaît et consulte les textes des brevets ou des documents de nature technique. Elle a estimé, par conséquent, que des enregistrements de dessins ou modèles ou brevets ne sauraient prouver un quelconque état de saturation.

88      Premièrement, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la motivation du point 62 est très claire quant aux documents qui permettraient de prouver la saturation de l’état de l’art, à savoir ceux relatifs à des radiateurs de section verticale, et non horizontale.

89      Deuxièmement, la requérante accuse la chambre de recours, en substance, de partialité, au motif qu’elle aurait adopté l’argument de l’intervenante concernant les preuves de saturation numérotées 7 à 11 contenues dans ses observations du 6 avril 2018.

90      Il convient toutefois de noter que le fait que lesdites preuves correspondent à des dessins ou modèles antérieurs appartenant à The Heating Company qui ont été en partie invoqués à l’appui de la demande en nullité  est de nature à réduire leur importance, dans la mesure où ces modèles appartiennent tous à la même entreprise.

91      S’agissant des accusations de partialité, aux termes de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, dans une action en nullité, l’examen de l’EUIPO est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. Il s’ensuit que, dans une procédure de nullité, l’EUIPO ne peut fonder sa décision sur une base juridique différente de celle invoquée par les parties, ni sur les faits et les preuves qui ne seraient pas présentés par celles-ci [arrêt du 21 juin 2018, Haverkamp IP/EUIPO – Sissel (Tapis de sol), T‑227/16, non publié, EU:T:2018:370, point 50]. Dès lors, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir examiné les arguments des parties et d’avoir, dans sa position finale, validé la position de l’une d’entre elles.

92      Troisièmement, la requérante souligne une contradiction entre le point 64 de la décision attaquée d’une part, qui affirme que la saturation du secteur pertinent doit être appréciée du point de vue de l’utilisateur averti, qui n’est ni un expert ni un technicien qui connaît et consulte les textes des brevets ou des documents de nature technique, et le point 56 de la décision attaquée d’autre part, selon lequel, pour démontrer que cette saturation a une incidence effective sur la perception de l’utilisateur averti, la requérante doit présenter des preuves suffisantes concernant le patrimoine des dessins ou modèles existants. Dès lors, ce serait à tort que la chambre de recours a déclaré que les enregistrements de dessins ou modèles ou brevets n’étaient pas aptes à prouver la saturation du secteur.  

93      À cet égard, il convient de rappeler que la chambre de recours a rejeté les enregistrements de dessins ou modèles et de brevets soumis par la requérante principalement pour deux motifs, à savoir, premièrement, qu’ils représentaient en partie des types de radiateurs différents, de section horizontale, et, deuxièmement, que certains appartenaient à la même société et avaient été soumis en partie à l’appui de la demande en nullité. Le point 64 critiqué par la requérante a donc été formulé à titre surabondant. Par conséquent, l’argumentation de la requérante, même dans l’hypothèse où elle serait fondée, doit être considérée comme inopérante.

94      En outre, il y a lieu de renvoyer à la définition de l’utilisateur averti faite aux points 38 à 43 de la décision attaquée, selon laquelle, s’il est vrai que l’utilisateur averti connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur pertinent, il n’est toutefois pas un expert ou un technicien du secteur des articles sanitaires et ses connaissances découlent essentiellement de l’expérience acquise en utilisant le produit et de son intérêt pour ce dernier, ce qui le porte à consulter des revues de design et d’ameublement, en visitant des magasins spécialisés et en naviguant sur l’internet. Par conséquent, il est raisonnable de conclure qu’une documentation purement technique, non accompagnée, par exemple, de la représentation des produits concernés sur le marché, aura une influence très marginale sur la perception de l’utilisateur averti.

95      À cet égard, aucune contradiction n’est à observer entre les points 56 et 63 de la décision attaquée. En effet, un utilisateur averti peut fonder une connaissance du patrimoine des dessins sur son expérience acquise en utilisant le produit et sur la consultation de revues de design et d’ameublement, des recherches sur Internet ou encore la visite de magasins spécialisés.

96      Quatrièmement, la requérante fait valoir que la notion d’utilisateur averti ne saurait être interprétée en ce sens que le dessin ou modèle antérieur ne pourrait faire obstacle à la reconnaissance d’un caractère individuel au dessin ou modèle postérieur que dans le cas où l’utilisateur averti connaîtrait ledit dessin ou modèle antérieur. Cette interprétation serait contraire à l’article 7 du règlement no 6/2002.  

97      Toutefois, cette argumentation résulte d’une lecture erronée de la décision attaquée, dans la mesure où il ne ressort pas de cette dernière que la chambre de recours ait effectué une telle affirmation. En tout état de cause, elle n’est pas pertinente s’agissant de l’examen de la saturation de l’état de l’art.

–       S’agissant des catalogues

98      Premièrement, la requérante critique le point 68 de la décision attaquée, selon lequel les dessins ou modèles figurant dans les catalogues ne seraient pas des radiateurs de chauffage, mais des chauffe-serviettes, et donc des produits différents.

99      Il y a lieu de constater que cet argument est inopérant, car, aux points 68 et 69 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, outre le fait qu’ils faisaient référence à des types de produits différents, les dessins ou modèles en question ne comportaient pas d’éléments qui relèvent du patrimoine du dessin ou modèle contesté, puisqu’ils étaient caractérisés par des éléments radiants horizontaux et n’avaient pas de collecteurs à leurs extrémités inférieure et supérieure. La photo desdits chauffe-serviettes au point 68 de la décision attaquée montre en effet des modèles à tubes horizontaux, et non verticaux. Dès lors, le fait que les dessins ou modèles en question ne se rapportaient pas à des radiateurs, mais à des chauffe-serviettes, n’a pas joué de rôle décisif dans le raisonnement attaqué.

100    Deuxièmement, la requérante critique le point 72 de la décision attaquée, non étayé selon elle.  

101    Au point 72, lu conjointement avec le point 71 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que les documents extraits de catalogues pouvant être considérés comme pertinents aux fins de l’appréciation d’une saturation dans le secteur pertinent étaient insuffisants pour établir un état de saturation sans recourir à des présomptions, les preuves produites ne montrant pas l’existence d’un grand nombre d’entreprises productrices.

102    En l’espèce, il ressort également du point 67 de la décision attaquée que les huit modèles considérés pertinents étaient extraits des catalogues de deux entreprises productrices seulement, à savoir Runtal – Alcova et Ad Hoc, ce qui ne représente effectivement pas un « grand nombre » d’entreprises, même s’agissant de produits tels que des radiateurs de chauffage. Dès lors, l’affirmation contenue au point 72 de la décision attaquée, lue conjointement avec les points 67 et 71, est suffisamment étayée.

103    Troisièmement, la requérante fait valoir un grand nombre de produits représentés.

104    Toutefois, l’EUIPO souligne à juste titre que les seuls modèles considérés comme pertinents par la chambre de recours sont au nombre de huit et émanent de deux producteurs seulement. En effet, les autres modèles auxquels elle se réfère sont extraits des expertises, mais ont été considérés comme ayant des caractéristiques différentes du dessin ou modèle contesté. En tout état de cause, cela ajouterait, tout au plus, deux autres entreprises productrices.

105    En outre, le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger que la coexistence d’une douzaine de modèles de radiateurs produits par cinq sociétés n’était pas suffisante pour démontrer une saturation de l’état de l’art (arrêt du 16 février 2017, Thermosiphons pour radiateurs, T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, points 69 et 70).

106    Quatrièmement, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir dénaturé la preuve concernant le radiateur Teknè, par le biais d’une motivation non convaincante et contradictoire.

107    Il y a lieu de constater que les dessins ou modèles Teknè étant caractérisés par la présence d’éléments radiants verticaux, plats et carrés, ils font partie de ceux considérés, au point 71 de la décision attaquée, comme pertinents pour l’appréciation d’une saturation de l’état de l’art du secteur. Au point 74 de la décision attaquée, la chambre de recours a ajouté que la circonstance que la fiche du radiateur Teknè mentionnait le succès de ce dernier depuis 1999 était dénuée de pertinence aux fins de l’établissement d’un état de saturation. En outre, elle a relevé que ce dessin ou modèle de radiateur était proposé dans différentes configurations, dont certaines étaient très différentes de celles qui relèvent du patrimoine des dessins ou modèles comparés.

108    La requérante estime que, si le produit était différent de ceux qui relèvent du patrimoine des dessins ou modèles comparés, il n’aurait pas été nécessaire de clarifier la question de la date. Selon elle, la chambre de recours a voulu mettre cette question en avant parce qu’elle était consciente du manque de fondement de ses affirmations concernant la différence avec les produits qui relèvent du patrimoine des dessins ou modèles comparés.

109    Il convient d’observer que le point 74 de la décision attaquée, relatif au radiateur Teknè, apparaît surabondant eu égard au raisonnement principal exposé aux points 72 et 73, selon lesquels les dessins ou modèles issus des catalogues soumis à titre de preuve par la requérante étaient insuffisants pour démontrer une saturation de l’état de l’art, car ils émanaient de deux producteurs seulement. Dès lors, force est de constater que l’argumentation visant un point surabondant du raisonnement doit être rejetée comme inopérante.

110    En tout état de cause, l’argument de la requérante doit être rejeté dans la mesure où, en répondant à l’affirmation selon laquelle ce radiateur aurait eu du succès depuis 1999, la chambre de recours a seulement observé que cette affirmation était non pertinente aux fins d’apprécier la saturation de l’état de l’art. Enfin, c’est à juste titre qu’elle observe, bien qu’elle ait pris en compte ledit dessin ou modèle aux fins d’apprécier la saturation de l’état de l’art, qu’il était proposé dans différentes configurations, dont certaines étaient très différentes de celles qui relèvent du patrimoine des dessins ou modèles comparés, ainsi qu’il ressort du point 71 de la décision attaquée.

111    Il ressort de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

 Sur la troisième branche, relative à l’impression globale des dessins ou modèles comparés

112    Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, visant l’analyse de l’impression globale des dessins ou modèles en conflit, la requérante fait valoir, en substance, huit griefs.

113    L’EUIPO et l’intervenante contestent l’ensemble de cette argumentation.

114    En premier lieu, la requérante fait valoir que, en comparant le dessin ou modèle contesté uniquement au dessin ou modèle antérieur D 4, la chambre de recours a violé l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

115    Cet argument doit être rejeté. En faisant référence à l’impression globale que produit sur un utilisateur averti « tout dessin ou modèle » qui a été divulgué au public, l’article 6 du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle doit être effectuée par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles précis, individualisés, déterminés et identifiés parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement (arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, point 25).

116    Il ressort de cette référence à « tout dessin ou modèle » qui a été divulgué au public qu’il suffit que l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté sur l’utilisateur averti ne diffère pas de celle que produit sur un tel utilisateur un seul dessin ou modèle qui a été divulgué au public pour qu’il puisse être conclu à l’absence de caractère individuel.

117    C’est donc à bon droit que la chambre de recours a commencé son appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté par la comparaison entre celui-ci et le dessin ou modèle antérieur D 4 et, ayant conclu qu’il était dépourvu de caractère individuel, a estimé inutile de vérifier l’existence d’une cause de nullité eu égard à l’autre dessin ou modèle antérieur, soit D 1.

118    En deuxième lieu, la requérante fait valoir une dénaturation des faits et des preuves documentaires, au point 80 de la décision attaquée.

119    Au point 80 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que les deux dessins ou modèles comparés représentaient des radiateurs de forme rectangulaire verticale allongée, constitués de deux collecteurs horizontaux légèrement saillants, reliés dans la partie antérieure par une rangée d’éléments verticaux (tubes de chauffage), de section quadrangulaire, légèrement espacés entre eux. Au point 81 de la décision attaquée, elle a considéré que, ainsi qu’elle l’avait déjà constaté dans les deux précédentes décisions de la présente procédure, les dessins ou modèles examinés présentaient les caractéristiques communes suivantes : premièrement, un nombre élevé de tubes radiants, deuxièmement, des tubes présentant une même configuration rectiligne verticale, troisièmement, des tubes de section quadrangulaire, quatrièmement, une proportion similaire en ce qui concerne les parties « pleines » et les parties « vides » et, cinquièmement, l’absence d’ornements ou d’éléments décoratifs. Elle s’est référée à sa précédente décision du 9 décembre 2014 dans la présente procédure (Radiatori per riscaldamento – affaire R 1643/2014-3, point 43).

120    Au point 83 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, en l’absence d’éléments de preuve suffisants pour établir une saturation de l’état de l’art, et compte tenu du degré de créativité élevé dont jouit le créateur des produits auxquels les dessins ou modèles en cause se réfèrent, elle maintenait son avis selon lequel les éléments communs des dessins ou modèles en cause déterminaient, dans une plus large mesure, l’impression générée par ces modèles ou dessins lors de l’utilisation normale des produits en cause.

121    S’agissant de l’argument selon lequel il serait erroné d’affirmer que la section des éléments verticaux est quadrangulaire, il doit être rejeté. En effet, s’il est vrai que les éléments radiants du dessin ou modèle contesté sont carrés, alors que ceux du dessin ou modèle antérieur sont rectangulaires, ainsi que l’a d’ailleurs reconnu la chambre de recours au point 86 de la décision attaquée, ils sont néanmoins tous quadrangulaires, et il s’agit d’un élément commun aux dessins ou modèles en cause.

122    Selon la requérante, la prise en considération de l’absence d’éléments ornementaux ou décoratifs dans l’impression globale ne serait pas pertinente.  Il convient de rejeter cet argument dans la mesure où il n’est pas étayé et où l’existence ou l’absence d’éléments ornementaux ou décoratifs dans les dessins ou modèles joue indiscutablement un rôle dans le cadre de leur comparaison.

123    En troisième lieu, la requérante réfute le constat selon lequel les proportions d’espaces pleins et d’espaces vides seraient les mêmes en ce qui concerne les dessins ou modèles comparés, constat qui privilégierait la vue de face alors qu’il s’agirait d’une vue non revendiquée dans la demande d’enregistrement du dessin ou modèle antérieur.  

124    En l’espèce, la chambre de recours a estimé que, étant donné que les radiateurs faisant l’objet de la présente procédure étaient utilisés en étant fixés contre un mur, il était évident que la vue de dessous – à proximité du sol – avait moins d’importance que les vues de face, de côté et à partir des angles intermédiaires aux fins de déterminer l’impression globale. Selon elle, la différence relevée par la requérante concernant l’espace occupé et, surtout, la visibilité du mur à l’arrière ne pouvait être observée que si les radiateurs étaient vus de côté, sous un angle déterminé. Ce n’est que dans cette hypothèse, en effet, que la profondeur plus importante des tubes, due à leur section rectangulaire plutôt que carrée, pouvait cacher la vision du mur. La chambre de recours a constaté que, en revanche, cette différence était impossible à détecter si le radiateur était observé de face. Elle a conclu que la vision de face n’était certainement pas la seule dont il convenait de tenir compte aux fins de l’appréciation de l’impression globale et, partant, du caractère individuel, mais était, pour les raisons indiquées ci-dessus, l’une des plus pertinentes. Elle a indiqué que, si elle n’était pas appréciable d’une perspective naturelle d’observation, la différence détectée par la titulaire ne pouvait pas être une source de caractère individuel pour l’utilisateur averti.  La chambre de recours a ensuite considéré que le fait que les facteurs de similitude concernaient, sans exception, des aspects sur lesquels la liberté du créateur était plus grande (les tubes radiants, leur forme et leur disposition) était plus important aux fins de l’appréciation de l’existence du caractère individuel. Elle a estimé que c’était en effet sur ces aspects que l’attention de l’utilisateur averti se porterait logiquement, surtout en l’absence d’une saturation de l’état de l’art dûment établie, et que ces aspects pourraient être pleinement appréciés à partir d’une perspective naturelle, c’est-à-dire de face, après installation des radiateurs contre un mur.

125    La chambre de recours a également indiqué, aux points 92 et 93 de la décision attaquée, que l’appréciation du caractère individuel devait être faite sur la base de l’impression « globale » du dessin ou modèle, et donc du produit, et que l’impression produite par le dessin ou modèle ne devait pas dépendre seulement d’un certain angle de vue, mais de tous les angles de vue. En l’espèce, les dessins ou modèles de radiateurs devaient être comparés sur la base d’une observation à partir de chaque point de référence visuel : de face, de côté, de dessus, de dessous et sous des angles intermédiaires. Il n’en demeurait pas moins, selon la chambre de recours, que certaines perspectives étaient moins visibles que d’autres, en fonction de la façon dont le produit était utilisé. Elle a souligné que l’impression globale d’un dessin ou modèle ne saurait dépendre uniquement de son observation sous un certain angle et devait constituer la synthèse de ce qu’un utilisateur averti observait lorsqu’il examinait le produit sous tous les angles ou, à tout le moins, sous les angles exposés à la vue lorsque le produit était utilisé. En l’espèce, elle a indiqué qu’il s’agissait des vues de face, de côté, de dessus et sous des angles intermédiaires. La chambre de recours était d’avis que l’observation des deux dessins ou modèles de radiateurs depuis les angles indiqués produisait chez l’utilisateur averti, en raison de leurs caractéristiques communes précédemment énumérées, une impression globale qui ne variait pas significativement.

126    Il ressort de la jurisprudence rappelée au point 31 ci-dessus que, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte, notamment, de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion [voir arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 31 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tire-bouchon), T‑337/12, EU:T:2013:601, point 46].

127    Dès lors, le raisonnement rappelé aux points 124 et 125 ci-dessus est correct en ce que, bien que l’impression « globale » ne doive pas dépendre d’un seul angle de vue, mais doive prendre en compte tous les angles de vues, la vue de face, en l’espèce, est plus pertinente, en raison du fait que le radiateur utilisé sera installé contre un mur.

128    Or, ainsi que la requérante le souligne, l’enregistrement du dessin ou modèle antérieur D 4 ne contient pas de vue de face. À cet égard, il convient toutefois de noter que le règlement no 6/2002 n’exige pas que la représentation graphique d’un dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé, ni celle d’un dessin ou modèle déjà divulgué au public, contienne une vue en perspective ou des vues reproduisant l’objet dans toutes les positions possibles, pour autant que cette représentation graphique permette d’identifier la forme et les caractéristiques du dessin ou modèle [voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2014, Cezar/OHMI – Poli-Eco (Insert), T‑39/13, EU:T:2014:852, point 48, et du 29 avril 2020, Bergslagernas Järnvaru/EUIPO – Scheppach Fabrikation von Holzbearbeitungsmaschinen (Outil pour fendre le bois), T‑73/19, non publié, EU:T:2020:157, point 42].

129    En l’espèce, la vue de face du dessin ou modèle antérieur D 4 peut être prise en compte dans la mesure où elle est déductible des autres vues. Ainsi, la vue de face correspond à la vue de côté et oblique et à la vue de dessus (4.1 et 4.2), car l’utilisateur peut reconnaître la forme et la configuration des éléments verticaux et horizontaux et leurs proportions [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies), T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, point 80 (non publié)].

130    Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a tenu compte de la vue de face.

131    En quatrième lieu, s’agissant de la critique selon laquelle la chambre de recours n’explique pas pourquoi la vue du dessus n’est pas déterminante,  il y a lieu de la rejeter. En effet, si la vue de dessus a bien été prise en compte dans l’appréciation globale, ainsi qu’il est rappelé aux points 92 et 93 de la décision attaquée, il a toutefois été relevé à juste titre que certaines perspectives étaient plus pertinentes que d’autres, en fonction de la façon dont le produit était utilisé.

132    En cinquième lieu, une autre erreur proviendrait de l’appréciation du caractère individuel à partir de la vision de face après installation des radiateurs contre un mur. En effet, cela révélerait que la chambre de recours aurait de facto assimilé l’utilisateur averti au consommateur final, c’est-à-dire la personne qui aura installé le radiateur, ce qui constituerait une erreur.

133    À cet égard, il ressort de la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus que la notion d’utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies, et que, ainsi, l’utilisateur averti peut s’entendre comme un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré.

134    Or, force est de constater que c’est bien cette notion intermédiaire qui a été retenue aux points 43 et 44 de la décision attaquée, l’utilisateur averti y étant défini comme une personne qui achète des radiateurs de chauffage pour les installer à son domicile. Dès lors, le fait que l’appréciation du caractère individuel a lieu en prenant en compte l’utilisation du produit, et la vue qui en ressort une fois installé contre un mur, est exempt de critiques.

135    En sixième lieu, selon la requérante, la comparaison entre les produits n’a pas lieu au moment de l’installation des radiateurs, mais en amont, lors de la consultation d’un catalogue, de la visualisation des radiateurs dans une salle d’exposition ou de l’examen d’une fiche technique.  

136    Toutefois, il ressort du point 126 ci-dessus que, aux fins de l’appréciation du caractère individuel, il convient de tenir compte, notamment, de la manière dont le produit en cause est utilisé. En tout état de cause, même dans l’hypothèse où la comparaison serait uniquement faite sur la base de la consultation d’un catalogue, lors de la visualisation des radiateurs dans une salle d’exposition ou de l’examen d’une fiche technique, les dessins ou modèles en comparaison seraient vraisemblablement représentés ou photographiés dans un contexte d’utilisation habituelle, c’est-à-dire installés contre un mur.

137    En septième lieu, la requérante critique l’affirmation, non étayée d’après elle, selon laquelle l’utilisateur averti, lorsqu’il a la possibilité de comparer les produits, devrait procéder à un examen « extrêmement approfondi » pour les différencier.

138    Au point 91 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, quand bien même l’utilisateur averti des produits en cause aurait la possibilité de comparer les deux produits incorporant les dessins ou modèles comparés, un examen extrêmement approfondi serait nécessaire pour identifier les différences entre eux, tandis que les lignes générales et les composants les plus visibles des dessins ou modèles en cause détermineront l’impression globale qu’ils produisent respectivement.

139    Cette affirmation est conforme à la jurisprudence selon laquelle l’utilisateur averti, sans être le consommateur moyen, n’est pas non plus l’expert ou l’homme de l’art capable d’observer dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les modèles ou dessins en conflit (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59).

140    En huitième lieu, lors de l’audience, la requérante a fait valoir que l’impression globale devait également être évaluée au regard de l’attention particulière que les utilisateurs portent sur le coût du bien lié à sa durabilité, tel que le Tribunal l’a constaté pour des scooters [arrêt du 24 septembre 2019, Piaggio & C./EUIPO – Zhejiang Zhongneng Industry Group (Mobylettes), T‑219/18, EU:T:2019:681, point 77].

141    Cependant, cette affirmation se rapporte à une affaire qui concernait des biens de consommation sensiblement différents de ceux en cause en l’espèce. En outre, ladite affaire avait trait à un conflit entre un dessin ou modèle et une marque tridimensionnelle antérieure et le motif de nullité avancé était fondé sur l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, de sorte que l’appréciation effectuée par le Tribunal dans cette affaire n’est pas transposable au cas d’espèce. Par conséquent, l’argument, soulevé d’ailleurs pour la première fois devant le Tribunal, doit être rejeté.

142    Lors de l’audience, la requérante a ajouté, à titre surabondant, que c’est à tort que l’EUIPO et l’intervenante ont fondé l’appréciation de l’impression globale que produisent les dessins ou modèles en cause sur l’absence de « différences significatives ». La requérante, se référant toujours à l’arrêt du 24 septembre 2019, Mobylettes (T‑219/18, EU:T:2019:681), estime qu’il n’est pas nécessaire que le dessin ou modèle suscite auprès de l’utilisateur averti une impression globale qui soit différente « de manière significative » par rapport à celle générée par d’autres dessins ou modèles, car la précision apportée par l’expression « de manière significative » n’est présente que dans la version italienne du règlement no 6/2002 (arrêt du 24 septembre 2019, Mobylettes, T‑219/18, EU:T:2019:681, point 33).

143    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 dispose qu’un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.

144    De plus, le Tribunal a rappelé dans l’arrêt du 24 septembre 2019, Mobylettes (T‑219/18, EU:T:2019:681), que la condition posée par l’article 6 du règlement no 6/2002 va au-delà de celle posée par l’article 5 du même règlement, en ce qu’une impression globale différente sur l’utilisateur averti au sens dudit article 6 ne peut être fondée que sur l’existence de différences objectives entre les dessins ou modèles en conflit. Ainsi, il convient d’avoir égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables (voir arrêt du 24 septembre 2019, Mobylettes, T‑219/18, EU:T:2019:681, point 35 et jurisprudence citée).

145    Or, il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours ait fondé son appréciation sur l’absence de « différences significatives » entre l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté et celle produite par les dessins ou modèles antérieurs, mais qu’elle a, conformément à la jurisprudence citée au point 144 ci-dessus, été d’avis que la vision des dessins ou modèles de radiateurs en cause sous les angles indiqués produisait chez l’utilisateur averti, en raison de leurs caractéristiques communes, une impression globale qui ne variait pas significativement.

146    Il ressort de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 63 du règlement no 6/2002 et des principes de protection de la confiance légitime, d’équité et de bonne foi, de diligence et d’impartialité

147    Par son second moyen, la requérante fait grief à la chambre de recours, premièrement, de s’être écartée d’une décision antérieure du 17 avril 2008, dans l’affaire R 976/2007-3, dans laquelle elle avait conclu au caractère « notoirement » saturé du marché des radiateurs de chauffage, ainsi que dans la décision de la division d’annulation du 12 avril 2007 relative à la même affaire, et, deuxièmement, de ne pas avoir tenu compte des déclarations de l’intervenante dans le cadre de procédures parallèles, dans lesquelles cette dernière affirmait qu’il existait une saturation concernant le secteur pertinent. Ces omissions constitueraient, en substance, une violation de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et des principes de protection de la confiance légitime, d’équité et de bonne foi, de diligence et d’impartialité.

148    L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation et font notamment valoir que, au cours de la présente procédure, le Tribunal a, à plusieurs reprises, malgré des annulations pour des motifs de motivation ou autres, affirmé que la chambre de recours était libre de son appréciation quant à la saturation de l’état de l’art et pouvait déroger à ses décisions antérieures sur ce point. L’intervenante insiste sur le fait que les principes de légalité, de sécurité juridique et de bonne administration exigent au contraire que l’EUIPO s’écarte de décisions antérieures à chaque fois que, comme en l’espèce, la requérante ne fait pas la démonstration de ses arguments.

149    Il y a lieu de rappeler que l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 prévoit que, « au cours de la procédure, l’[EUIPO] procède à l’examen d’office des faits », mais que, « toutefois, dans une action en nullité, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties ». Cette disposition est une expression du devoir de diligence, selon lequel l’institution compétente est tenue d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments de fait et de droit pertinents du cas d’espèce [voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2011, Zino Davidoff/OHMI – Kleinakis kai SIA (GOOD LIFE), T‑108/08, EU:T:2011:391, point 19 et jurisprudence citée].

150    En l’espèce, la requérante n’établit pas en quoi le fait de ne pas avoir appliqué le constat du caractère notoirement saturé du secteur de référence présent dans une décision antérieure de l’EUIPO constitue une violation de ladite disposition, dès lors que cette disposition se borne à prévoir les éléments devant être examinés par l’EUIPO et ne prédétermine pas le résultat de cet examen. Le fait que sa position finale ne corresponde pas à la position défendue par la requérante ne constitue en rien une violation de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 (arrêt du 16 février 2017, Thermosiphons pour radiateurs, T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, points 88, 91 et 92).

151    S’agissant du grief tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime, d’égalité de traitement et de bonne administration, il ressort d’une jurisprudence constante que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée, et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 71]. La Cour a jugé que, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO devait, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y avait lieu ou non de décider dans le même sens. Toutefois, elle a ajouté que les principes d’égalité de traitement et de bonne administration devaient se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 74 à 77). Cette jurisprudence est applicable par analogie à l’instruction des demandes de nullité de dessins ou modèles (arrêt du 16 février 2017, Thermosiphons pour radiateurs, T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, point 93).

152    En l’espèce, il convient de souligner que le Tribunal a, à plusieurs reprises, souligné que la chambre de recours n’était pas liée par des décisions antérieures et pouvait changer de position concernant un point factuel comme celui du caractère « notoire » de la saturation de l’état de l’art à l’aide d’une motivation suffisante et sous réserve de permettre à la requérante de présenter des preuves et des observations sur ce point (voir, en ce sens, arrêts du 12 mars 2014, Radiateur, T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115, point 100, et du 16 février 2017, Radiateurs, T‑98/15, non publié, EU:T:2017:91, points 29 et 51).

153    Il suffira donc d’observer que, en l’espèce, la requérante a eu l’occasion de déposer des preuves et des observations sur la saturation de l’état de l’art à la suite de l’arrêt du 16 février 2017, Radiateurs (T‑98/15, non publié, EU:T:2017:91), ce qu’elle a fait le 6 avril 2018, et que la décision attaquée est suffisamment motivée concernant l’analyse de ces preuves et observations. Dès lors, en s’écartant de sa décision antérieure quant au caractère notoirement saturé du secteur pertinent, la chambre de recours n’a pas porté atteinte aux principes de protection de la confiance légitime, d’égalité de traitement ou de bonne administration (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 février 2017, Thermosiphons pour radiateurs, T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, point 94).

154    S’agissant du fait de ne pas avoir pris en compte les affirmations de l’intervenante sur l’existence d’une saturation concernant le secteur formulées dans le cadre d’autres procédures, la jurisprudence évoquée aux points 150 et 151 ci-dessus s’applique également.

155    À titre surabondant, il suffira de rappeler que lesdites allégations de l’intervenante sur la saturation du marché dans le cadre des affaires en question ont justement été considérées comme insuffisantes par la chambre de recours et le Tribunal pour établir qu’il existait une saturation de l’état de l’art dans le secteur concerné (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, Thermosiphons pour radiateurs, T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, points 72 à 77).  

156    Il ressort de ce qui précède que, en ne suivant pas cette décision antérieure ou ces affirmations de l’intervenante dans d’autres procédures, la chambre de recours n’a pas non plus commis de violation des principes d’impartialité, de bonne foi ou de diligence.

157    Il y a donc lieu de rejeter l’ensemble du second moyen et, par conséquent, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens 

158    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté

2)      Tubes Radiatori Srl est condamnée aux dépens

De Baere

Steinfatt

Kecsmár

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juin 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.