Language of document : ECLI:EU:T:2015:896

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

26 novembre 2015 (*)

« Dumping – Importations de bicyclettes originaires de Chine – Réexamen intermédiaire – Article 9, paragraphe 5, et article 18 du règlement (CE) n° 1225/2009 – Traitement individuel – Défaut de coopération – Informations nécessaires – Données disponibles – Sociétés liées – Contournement » 

Dans l’affaire T‑425/13,

Giant (China) Co. Ltd, établie à Kunshan (Chine), représentée par Me P. De Baere, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Boelaert, en qualité d’agent, assistée de M. B. O’Connor, solicitor, et Me S. Gubel, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland et M. França, en qualité d’agents,

et par

European Bicycle Manufacturers Association (EBMA), représentée par Me L. Ruessmann, avocat, et M. J. Beck, solicitor,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (UE) n° 502/2013 du Conseil, du 29 mai 2013, modifiant le règlement d’exécution (UE) n° 990/2011 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen intermédiaire au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1225/2009 (JO L 153, p. 17),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme C. Heeren,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 mai 2015,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, Giant (China) Co. Ltd, est une société établie en Chine qui fabrique des bicyclettes destinées aux ventes intérieures et à l’exportation, y compris vers l’Union européenne. Elle fait partie d’un groupe de sociétés (ci-après le « groupe Giant ») dont l’actionnaire en dernier ressort est la société taïwanaise G.M.

 Procédures antidumping initiales et procédure de réexamen

2        Par le règlement (CEE) n° 2474/93, du 8 septembre 1993, instituant un droit antidumping définitif sur les importations dans la Communauté de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine et portant perception définitive du droit antidumping provisoire (JO L 228, p. 1), le Conseil de l’Union européenne a institué un droit antidumping définitif de 30,6 % sur les importations de bicyclettes originaires de Chine.

3        À l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures ouvert conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 56, p. 1), le Conseil a, par le règlement (CE) n° 1524/2000, du 10 juillet 2000, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine (JO L 175, p. 39), décidé de maintenir le droit antidumping de 30,6 %.

4        À l’issue d’un réexamen intermédiaire au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 384/96, le Conseil a, par le règlement (CE) n° 1095/2005, du 12 juillet 2005, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires du Viêt Nam et modifiant le règlement n° 1524/2000 (JO L 183, p. 1), relevé le droit antidumping en vigueur à 48,5 %.

5        Le 10 janvier 2006, la Commission des Communautés européennes a ouvert, de sa propre initiative, un réexamen intermédiaire partiel au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 384/96.

6        Par le règlement (CE) n° 1651/2006, du 7 novembre 2006, clôturant le réexamen intermédiaire partiel des mesures antidumping applicables aux importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine (JO L 311, p. 6), le Conseil a décidé de maintenir les mesures antidumping en vigueur à l’égard de la requérante. Il a, en effet, été constaté durant l’enquête que la requérante était liée à un fabricant de bicyclettes en Chine, à savoir Shanghai Giant & Phoenix Bicycle Co. Ltd (ci-après « GP »), qui n’avait pas renvoyé le formulaire de demande de statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après « SEM »), et qu’il n’était, dès lors, pas possible de déterminer si le groupe Giant, dans son ensemble, satisfaisait aux critères d’octroi du statut de SEM, ni de vérifier si la requérante satisfaisait aux exigences nécessaires pour bénéficier d’un droit individuel.

7        En octobre 2011, à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures ouvert conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement de base »), le Conseil a, par le règlement d’exécution (UE) n° 990/2011, du 3 octobre 2011 (JO L 261, p. 2), décidé de maintenir le droit antidumping de 48,5 %.

8        À l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures, les éléments de preuve dont disposait la Commission indiquaient que, pour ce qui concerne le dumping et le préjudice, les circonstances sur la base desquelles les mesures existantes avaient été instituées pouvaient avoir changé et que ces changements pouvaient revêtir un caractère durable.

9        Par conséquent, le 9 mars 2012, la Commission a annoncé l’ouverture d’office d’un réexamen intermédiaire des mesures antidumping applicables aux importations de bicyclettes originaires de la Chine, conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base.

10      Le réexamen intermédiaire portait sur les bicyclettes et autres cycles sans moteur originaires de Chine (ci-après le « produit concerné »). L’enquête relative au dumping et au préjudice a couvert la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011 (ci-après la « PER »).

11      La Commission a informé officiellement de l’ouverture de l’enquête les producteurs connus de l’Union, les associations connues de producteurs de l’Union, les producteurs-exportateurs connus de Chine, une association de producteurs chinois, les représentants de la Chine, les importateurs et associations d’importateurs connus, les producteurs de pièces de bicyclettes connus de l’Union et leurs associations ainsi qu’une association connue d’utilisateurs. Elle a donné aux parties intéressées la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues dans le délai fixé dans l’avis d’ouverture.

12      Seuls huit groupes de producteurs-exportateurs chinois se sont manifestés, parmi lesquels seulement quatre, dont la requérante, ont déclaré avoir réalisé des exportations vers l’Union au cours de la PER. La requérante a, par ailleurs, informé la Commission que, parmi les sociétés appartenant au groupe Giant, la coentreprise GP avait cessé toute activité en septembre 2011 et était en liquidation. Sur la base de ces éléments, la requérante demandait que GP soit exclue de l’enquête, au motif que cette société n’existait plus.

13      Le 15 mai 2012, la Commission a envoyé aux quatre producteurs-exportateurs chinois des formulaires de demande de statut de SEM. Dans la lettre qui lui était adressée, la requérante a été informée que, si elle souhaitait obtenir le statut de SEM, il fallait que chacune des sociétés liées situées en Chine remplisse un formulaire de demande de statut de SEM, y compris GP, étant donné que cette société produisait des bicyclettes et était le plus grand exportateur du groupe Giant vers l’Union au cours de la PER.

14      Le 4 juin 2012, la requérante a soumis les formulaires de demande de statut de SEM pour six sociétés appartenant au groupe Giant, dont GP. Dans son formulaire de demande de statut de SEM, GP était présentée comme une coentreprise créée par une société taïwanaise, à savoir la société B.I., elle-même liée à la société G.M., et deux société chinoises, la société S.G. et Jinshan Development and Construction (ci-après « Jinshan »). La société B.I. et Jinshan détenaient chacune 45 % des parts de GP et la société S.G. en détenait 10 %.

15      Par lettre du 14 juin 2012, la Commission a demandé des éclaircissements sur les relations entre la requérante et Jinshan. Sur la base de l’évaluation préliminaire, la Commission a conclu que le groupe Giant était lié à Jinshan et que les principaux investissements de cette dernière portaient sur la fabrication et la vente de bicyclettes. Par conséquent, la requérante a été informée qu’elle devait retourner le formulaire de demande de statut de SEM pour Jinshan et l’ensemble des sociétés appartenant à cette société (ci-après le « groupe Jinshan »). En l’absence de ces formulaires, la Commission a indiqué qu’elle pourrait établir des conclusions sur la base de données disponibles, conformément à l’article 18 du règlement de base, et rejeter la demande de statut de SEM pour l’ensemble du groupe Giant.

16      Le 21 juin 2012, la requérante a présenté des observations sur la lettre de la Commission du 14 juin 2012. Elle a notamment indiqué que, du fait qu’elle n’était que très indirectement liée à Jinshan par l’intermédiaire de la coentreprise GP et que Jinshan n’était pas un producteur du produit concerné, elle n’était pas tenue de présenter une demande de statut de SEM pour cette société.

17      Par lettre du 4 juillet 2012, la Commission a confirmé qu’elle considérait que la requérante était effectivement liée à Jinshan et que, les entités du groupe Jinshan n’ayant pas rempli le formulaire de demande de statut de SEM, elle avait l’intention d’appliquer l’article 18 du règlement de base et de rejeter la demande de statut de SEM du groupe Giant. En outre, la Commission a demandé à la requérante de présenter des réponses au questionnaire antidumping pour l’ensemble des producteurs-exportateurs de bicyclettes qui lui sont liés, y compris ceux appartenant au groupe Jinshan.

18      Par lettre du 16 juillet 2012, la requérante a réitéré sa position selon laquelle sa relation avec Jinshan n’était qu’indirecte et selon laquelle cette dernière n’était, dès lors, pas tenue de remplir une demande de statut de SEM ni de compléter le questionnaire antidumping.

19      Le 20 juillet 2012, la requérante a envoyé les réponses au questionnaire antidumping pour onze sociétés faisant partie du groupe Giant et participant à la production et à l’exportation du produit concerné, y compris GP, ainsi que pour six filiales de vente établies sur le territoire de l’Union.

20      Le 28 août 2012, au cours d’une audition tenue dans les locaux de la Commission, la requérante a formulé des objections contre l’intention de la Commission d’appliquer l’article 18 du règlement de base dans le cadre de sa demande de statut de SEM en soutenant qu’il n’était ni nécessaire ni possible de présenter des demandes de statut de SEM, pas plus que des réponses au questionnaire pour les autres sociétés dans lesquelles Jinshan avait investi.

21      Le 23 octobre 2012, la Commission a informé la requérante que, n’ayant pas reçu une demande de statut de SEM pour les sociétés appartenant au groupe Jinshan, il lui était impossible d’examiner le fond de sa demande de statut de SEM. En conséquence, la Commission a décidé d’appliquer l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et de ne pas tenir compte des informations présentées par la requérante relativement à sa demande de statut de SEM dans son ensemble.

22      Par lettre du 12 novembre 2012, la requérante a formulé des observations sur l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base dans le cadre de la demande de statut de SEM.

23      Le 21 mars 2013, la Commission a informé la requérante qu’elle avait l’intention d’appliquer ledit article 18, paragraphe 1, du règlement de base et d’établir ses conclusions sur la base des données disponibles également aux fins de la détermination du prix à l’exportation, étant donné que, en l’absence d’informations complètes sur toutes les parties liées à GP, il était impossible d’effectuer des calculs complets et fiables concernant le prix à l’exportation et donc de déterminer une marge individuelle de dumping pour GP et, partant, pour le groupe Giant dans son ensemble.

24      Le 11 avril 2013, la requérante a présenté ses observations sur l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base aux fins de la détermination du prix à l’exportation et sur le document d’information finale.

25      Le 5 juin 2013, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 502/2013, du 29 mai 2013, modifiant le règlement d’exécution n° 990/2011 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen intermédiaire au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base (JO L 153, p. 17, ci-après le « règlement attaqué »).

 Règlement attaqué

26      Aux considérants 61 à 65 du règlement attaqué, le Conseil a souligné que tous les groupes exportateurs ayant initialement coopéré à l’enquête avaient sollicité le statut de SEM, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. Toutefois, le refus de la requérante de fournir à la Commission les renseignements nécessaires sur la structure du groupe avait conduit à l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et au rejet de sa demande de statut de SEM. En outre, le statut de SEM ne pouvait être accordé aux autres groupes de sociétés chinois, puisqu’aucun d’entre eux ne remplissait l’ensemble des critères visés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.

27      Au considérant 115 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué que les trois groupes exportateurs ayant coopéré qui avaient sollicité le statut de SEM avaient également demandé un traitement individuel dans le cas où le statut de SEM leur serait refusé et a conclu que ces trois groupes satisfaisaient à toutes les conditions requises pour bénéficier d’un tel traitement.

28      Aux considérants 116 à 122 du règlement attaqué, le Conseil a conclu que le Mexique demeurait un pays analogue approprié aux fins de déterminer la valeur normale pour les producteurs-exportateurs qui ne bénéficiaient pas du statut de SEM, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base.

29      Aux considérants 131 à 135 du règlement attaqué, le Conseil a rappelé que la requérante avait refusé de fournir les renseignement nécessaires sur la structure du groupe et les informations essentielles sur la production, le volume des ventes et les prix à l’exportation vers l’Union du produit concerné réalisés pendant la PER par les sociétés faisant partie du groupe Jinshan et qu’il avait, dès lors, appliqué l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base pour déterminer le prix à l’exportation. À cet égard, le Conseil a souligné qu’une des filiales du groupe Giant, active dans la production et l’exportation du produit concerné vers l’Union pendant une partie de la PER, à savoir GP, était liée au groupe Jinshan et que ce dernier participait à la production et aux ventes du produit concerné. Or, étant donné que les sociétés faisant partie du groupe Jinshan n’avaient pas retourné le formulaire de demande de statut de SEM et n’avaient pas répondu au questionnaire antidumping, il était impossible de déterminer dans quelle mesure la production et les ventes du produit concerné par le groupe Jinshan pouvaient avoir une incidence sur la détermination du prix à l’exportation de GP. Une marge individuelle n’avait donc pas pu être déterminée pour GP ni, partant, pour le groupe Giant dans son ensemble.

30      Au considérant 136 du règlement attaqué, le Conseil a souligné que, pendant l’enquête, la requérante n’avait pas laissé entendre que l’obtention des informations demandées par la Commission représentait une charge déraisonnable. Ce n’est qu’après la notification définitive que la requérante a fourni les preuves de ses efforts présumés, c’est-à-dire à un stade où toute vérification desdites informations était impossible.

31      Au considérant 137 du règlement attaqué, le Conseil a précisé que la cessation des activités de GP en septembre 2011 ne permettait pas d’exclure le risque d’un contournement des mesures antidumping, par exemple moyennant un transfert de la production entre le groupe Jinshan et le groupe Giant. En effet, GP existant toujours à la fin de la PER, cette entreprise pouvait reprendre son activité de production à tout moment dans le futur.

32      Au considérant 139 du règlement attaqué, le Conseil a conclu que l’information selon laquelle les parts détenues par le groupe Giant dans GP avaient été vendues, le 30 mars 2013, ne pouvait pas être vérifiée vu le stade avancé de l’enquête et n’était au demeurant pas pertinente. Le Conseil a précisé que cette opération avait eu lieu après la PER. À ce propos, le Conseil a indiqué que, si la requérante souhaitait un réexamen de sa situation à la suite de la vente de ses parts dans GP, sa demande pourrait être examinée en temps utile conformément aux dispositions du règlement de base.

33      Aux considérants 143 à 146 du règlement attaqué, le Conseil a établi les nouvelles marges de dumping pour les trois sociétés ayant coopéré, calculées en comparant, d’une part, la valeur normale moyenne pondérée déterminée pour les producteurs mexicains qui ont coopéré et, d’autre part, le prix à l’exportation moyen pondéré vers l’Union pratiqué par chaque société. Pour tous les autres producteurs-exportateurs, dont la requérante, le Conseil a décidé que la marge de dumping nationale qui leur était applicable ne pouvait être revue.

34      Dans ces conditions, et tel qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué, le Conseil a établi un taux de droit antidumping individuel pour chaque société ayant coopéré et a maintenu le taux du droit antidumping applicable, à l’échelle du pays, à toutes les autres sociétés à 48,5 %.

 Procédure et conclusions des parties

35      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 août 2013, la requérante a introduit le présent recours.

36      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 septembre 2013, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

37      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du 26 novembre 2013, la Commission a été admise à intervenir.

38      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013, European Bicycle Manufacturers Association (EBMA) a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

39      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 23 janvier 2014, la requérante a adressé au Tribunal une demande de traitement confidentiel de certains passages de la requête, du mémoire en défense et de la réplique ainsi que de certains documents annexés à ces actes. Elle a produit à cette fin une version non confidentielle des documents concernés.

40      Par ordonnance du président de la septième chambre du 24 février 2014, EBMA a été admise à intervenir.

41      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 avril 2014, la requérante a adressé au Tribunal une demande de traitement confidentiel d’un passage de la duplique. Elle a produit à cette fin une version non confidentielle du document concerné.

42      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 9 avril 2014, EBMA a informé le Tribunal qu’elle n’avait pas d’objection en ce qui concerne la demande de traitement confidentiel formulée par la requérante.

43      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

44      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, dans la mesure où il la concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

45      Le Conseil, soutenu par la Commission et EBMA, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

46      À l’appui de son recours, la requérante invoque huit moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, en ce que le Conseil a appliqué le mauvais critère juridique en constatant que Jinshan et la requérante formaient une entité unique. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que le Conseil a conclu que les sociétés du groupe Giant et du groupe Jinshan entretenaient une relation structurelle et commerciale étroite. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 18 du règlement de base et s’articule en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que les informations demandées n’étaient pas nécessaires au sens de la disposition susvisée. Dans le cadre de la seconde branche, elle indique qu’elle a agi au mieux de ses possibilités, mais qu’elle n’était pas en mesure d’obtenir les informations demandées, de sorte que les institutions lui ont imposé une charge déraisonnable. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que le Conseil a considéré que la requérante n’avait pas laissé entendre que l’obtention des informations relatives à Jinshan représentait une charge déraisonnable. Le cinquième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que le Conseil a considéré que les déclarations de la requérante, selon lesquelles il n’existait aucun lien entre cette dernière et les autres sociétés appartenant au groupe Jinshan, ne pouvaient pas être vérifiées. Le sixième moyen est tiré d’une violation des droits de la défense, en ce que le Conseil a exigé des informations que la requérante n’était pas en mesure de fournir et a rejeté les éléments de preuve qui lui était présentés. Le septième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que le Conseil a considéré que l’imposition d’un droit individuel à la requérante aurait fait naître un risque de contournement. Le huitième moyen est tiré d’une violation des principes de non-discrimination et de proportionnalité en ce qui concerne les critères appliqués pour l’évaluation de l’existence d’un risque de contournement.

47      À titre liminaire, il importe de rappeler que le refus par les institutions d’octroyer le statut de SEM à une entreprise n’exclut pas nécessairement cette dernière du bénéfice d’un traitement individuel. En effet, bien que la valeur normale ne puisse pas être déterminée individuellement dans un tel cas, une marge de dumping individuelle et, partant, un droit antidumping individuel pourraient néanmoins être déterminés en tenant compte des prix à l’exportation propres à l’entreprise en question.

48      En l’espèce, le Conseil a refusé d’octroyer un traitement individuel à la requérante, parce qu’il ne disposait pas, selon lui, des informations nécessaires pour calculer une marge individuelle à l’égard de cette dernière. Il a, en effet, estimé que, en l’absence d’informations complètes sur toutes les parties liées à GP et, en particulier, sur les producteurs-exportateurs chinois de bicyclettes appartenant au groupe Jinshan, il lui était impossible de calculer le prix à l’exportation de la requérante. Il a, par ailleurs, indiqué que, les sociétés du groupe Jinshan étant liées à celles du groupe Giant par l’intermédiaire de GP, il existait un risque inhérent de contournement et a confirmé lors de l’audience que l’existence d’un tel risque avait influé, dans une certaine mesure, sur sa décision de ne pas accorder le bénéfice d’un traitement individuel à la requérante.

49      Partant, dans un premier temps, il convient d’examiner l’argumentation de la requérante selon laquelle le Conseil disposait des informations nécessaires pour déterminer une marge antidumping individuelle à son égard et selon laquelle l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, qui a conduit le Conseil à écarter ces informations et à fonder ses conclusions sur la base de données disponibles, n’était, dès lors, pas justifiée. La requérante développe cette argumentation, en substance, dans le cadre de la première branche de son troisième moyen, dans laquelle elle déclare que les informations demandées n’étaient pas nécessaires au sens de la disposition susvisée, ainsi que dans le cadre de son cinquième moyen, dans lequel elle précise quelles informations, parmi celles fournies aux institutions, permettaient de vérifier cette déclaration. Il convient donc d’examiner ensemble la première branche du troisième moyen et le cinquième moyen.

50      Dans un deuxième temps, dans la mesure où l’existence d’un risque de contournement a également été prise en considération par le Conseil lors de l’adoption du règlement attaqué, il y aura lieu d’examiner les arguments de la requérante à cet égard, développés dans le cadre du septième moyen, afin de déterminer si le Conseil pouvait considérer qu’un tel risque était un élément d’appréciation pertinent pour refuser l’octroi d’un traitement individuel à la requérante.

51      Dans un troisième temps, il y aura lieu d’examiner, le cas échéant, les autres moyens invoqués par la requérante.

 Sur le caractère nécessaire des informations demandées par le Conseil

52      La requérante soutient que les informations demandées par la Commission concernant les sociétés appartenant au groupe Jinshan n’étaient pas nécessaires pour le calcul d’un prix à l’exportation fiable et, partant, pour la détermination d’une marge de dumping individuelle.

53      À cet égard, d’une part, elle affirme que seules les informations en matière de prix concernant les sociétés avec lesquelles elle forme une entité unique doivent être prises en compte pour le calcul de sa marge. Or, il n’existerait pas de relation structurelle et commerciale étroite entre les groupes Jinshan et Giant, lesquels ne pourraient, dès lors, être considérés comme une entité unique.

54      D’autre part, elle considère que, en tout état de cause, les réponses des sociétés appartenant au groupe Jinshan n’étaient pas nécessaires pour calculer un prix à l’exportation fiable, dès lors que les sociétés du groupe Jinshan [confidentiel](1). L’absence de telles opérations aurait, par ailleurs, pu être vérifiée sur la base des réponses circonstanciées des sociétés du groupe Giant au questionnaire antidumping.

55      Le Conseil fait valoir que les informations complètes sur les parties liées à la coentreprise GP et appartenant au groupe Jinshan étaient nécessaires pour apprécier la demande de statut de SEM de la requérante et effectuer des calculs complets et fiables concernant le prix à l’exportation. Il soutient, par ailleurs, que la requérante a fourni des renseignements faux ou trompeurs sur divers points au cours de l’enquête. Par conséquent, le Conseil estime que, conformément aux dispositions du règlement de base et, en particulier, à l’article 18, paragraphe 1, de ce règlement, il pouvait fonder ses conclusions sur la base des données disponibles.

56      Tout d’abord, il convient de préciser que la question qui se pose en l’espèce concerne la détermination d’un droit antidumping individuel et, en particulier, le calcul du prix à l’exportation. Cette question est régie par les articles 2 et 18 du règlement de base, le premier établissant les règles matérielles applicables pour déterminer la valeur normale et le prix à l’exportation, le second déterminant les conséquences d’un défaut de coopération s’agissant de la communication des informations nécessaires à l’application de ces règles matérielles [voir, par analogie, le rapport du groupe spécial de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) du 22 avril 2003, intitulé « Argentine – Droits antidumping définitifs visant la viande de volaille en provenance du Brésil » (WT/DS241/R), paragraphe 7.215]. Partant, dans le cas d’espèce, seules ces deux dispositions sont pertinentes pour évaluer le caractère nécessaire des informations demandées aux fins du calcul du prix à l’exportation.

57      Ensuite, s’agissant du prix à l’exportation, en vertu de l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base, le prix à l’exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers l’Union. Lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers, l’article 2, paragraphe 9, du même règlement prévoit que le prix à l’exportation peut être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant.

58      L’article 2, paragraphe 10, du règlement de base prévoit, par ailleurs, qu’il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale et que, dans le cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être comparés en raison de facteurs qui affectent le prix à l’exportation, des ajustements pourront être opérés sur ce prix.

59      Ainsi, le Tribunal constate que, selon les dispositions de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, ce sont principalement les liens existant entre le producteur-exportateur en cause et les sociétés important le produit concerné dans l’Union qui sont susceptibles de mettre en doute la fiabilité du prix à l’exportation. La fourniture d’informations détaillées concernant ces importateurs liés peut, dès lors, se révéler nécessaire afin de construire un prix à l’exportation fiable.

60      Toutefois, il n’est pas exclu que les relations existant entre le producteur-exportateur en cause et d’autres sociétés établies dans le pays exportateur puissent également être pertinentes dans le cadre de la détermination du prix à l’exportation, notamment au stade des ajustements qui peuvent être opérés au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, afin de rendre ce prix à l’exportation comparable à la valeur normale. Certaines informations relatives à ces autres sociétés pourraient, dès lors, se révéler nécessaires aux fins d’effectuer des calculs complets et fiables concernant le prix à l’exportation, d’opérer d’éventuels ajustements et, partant, de déterminer une marge de dumping et un droit antidumping individuels.

61      Enfin, s’agissant du défaut de coopération, l’article 18, paragraphe 1, première phrase, du règlement de base autorise les institutions à recourir aux données disponibles lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par ce règlement ou lorsqu’elle fait obstacle de façon significative à l’enquête. Le recours aux données disponibles est également autorisé si une partie intéressée fournit un renseignement faux ou trompeur. Il ressort du libellé de cette disposition que ces quatre conditions sont alternatives, si bien que, lorsqu’une seule d’entre elles est remplie, les institutions peuvent recourir aux données disponibles pour fonder leurs conclusions préliminaires ou finales (arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, EU:T:2014:271, point 44).

62      En l’espèce, il y a lieu d’examiner si l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base était justifiée ou si, comme le soutient la requérante, le Conseil disposait des informations nécessaires pour calculer un prix à l’exportation fiable.

63      En premier lieu, il convient de constater que, par lettre du 20 juillet 2012, la requérante a fourni des réponses complètes au questionnaire antidumping pour six de ses filiales de vente établies au sein de l’Union et que le Conseil ne lui a, à aucun moment, reproché un manque d’informations à cet égard. Les informations fournies par la requérante étaient donc suffisantes pour évaluer les relations existant entre cette dernière et les sociétés établies au sein de l’Union aux fins de la détermination du prix à l’exportation.

64      En deuxième lieu, il convient de rappeler que la requérante a fourni, dans les délais, des réponses complètes au questionnaire antidumping pour l’ensemble des autres sociétés appartenant au groupe Giant, y compris GP. Elle a, par ailleurs, fourni les états consolidés du groupe Jinshan, lesquels permettaient d’identifier l’ensemble des sociétés appartenant à ce groupe.

65      À cet égard, tout d’abord, il ressort des états consolidés du groupe Jinshan, lus en combinaison avec les informations fournies concernant GP, que les montants des transactions opérées entre le groupe Giant et le groupe Jinshan correspondaient aux montants des transactions opérées entre le groupe Giant et GP, à l’exception d’une différence mineure au sujet de laquelle la requérante a fourni une explication détaillée, dans sa lettre du 16 juillet 2012, qui n’a pas été contestée par le Conseil. Les données fournies par la requérante permettaient donc de conclure que, parmi les sociétés appartenant au groupe Jinshan, seule la coentreprise GP avait effectué des transactions avec le groupe Giant au cours de la PER.

66      Ensuite, en ce qui concerne l’argument du Conseil selon lequel les états financiers de Jinshan ne contiennent que des données agrégées décrivant la situation financière du groupe à la fin de la période concernée, mais ne permettant pas de déterminer si d’autres ventes ou acquisitions ont eu lieu entre le groupe Jinshan et le groupe Giant au cours de la PER, il y a lieu de relever que, selon la requérante, toutes les sociétés opérant sous son contrôle ont fourni des informations détaillées, transaction par transaction, sur l’ensemble de leurs ventes et achats, en énumérant les noms de l’ensemble de leurs fournisseurs et clients, ce que le Conseil ne conteste pas. Partant, les institutions chargées de l’enquête pouvaient vérifier, sur la base des informations fournies par la requérante concernant les sociétés appartenant au groupe Giant, l’existence d’éventuelles autres transactions commerciales entre les sociétés agissant sous le contrôle de la requérante et les autres sociétés dans lesquelles Jinshan avait investi. Or, force est de constater que, sur la base de l’ensemble de ces informations, le Conseil n’a trouvé aucun élément suggérant l’existence de transactions entre le groupe Giant et le groupe Jinshan qui ne concernaient pas GP.

67      Enfin, il y a lieu de relever que, en annexe à sa lettre du 16 juillet 2012, la requérante a fourni à la Commission la copie d’une déclaration du conseil d’administration de Jinshan confirmant que la seule relation entre elle et cette société consistait en la coentreprise GP et que ni Jinshan ni aucune de ses filiales n’avait une quelconque autre relation avec elle. Bien que cette déclaration ne soit pas signée, mais porte uniquement un cachet, comme l’a souligné la Commission dans sa lettre du 21 mars 2013, cette circonstance ne saurait remettre, par principe, en cause l’authenticité dudit document, dès lors que la requérante a apporté un certain nombre d’éléments permettant de comprendre l’importance de l’apposition d’un timbre ou d’un cachet dans les relations entre entreprises en Chine. En effet, il ressort des documents fournis par la requérante que toute société enregistrée en Chine est tenue légalement de créer un cachet, lequel sera utilisé pour représenter la société dans le cadre de ses activités. Dans certains cas, seule l’apposition d’un tel cachet est, par ailleurs, acceptée en guise de signature sur un document juridique. Le Tribunal estime, dès lors, que, si la déclaration de Jinshan ne saurait en elle-même constituer un élément suffisant pour conclure à l’absence de relations entre les sociétés appartenant au groupe Jinshan et la requérante, elle peut néanmoins être considérée comme un élément susceptible de corroborer une telle conclusion.

68      Partant, même à considérer que de nombreuses sociétés appartenant au groupe Jinshan fabriquaient le produit concerné et généraient une grande partie du chiffre d’affaires de ce groupe, cette circonstance ne permettait pas, en l’espèce, de considérer que les informations relatives à ces sociétés étaient nécessaires pour le calcul du prix à l’exportation de la requérante.

69      En troisième lieu, le Tribunal constate que, ni dans ses écrits, ni lors de l’audience, le Conseil n’a été en mesure de préciser quelle information additionnelle relative aux sociétés appartenant au groupe Jinshan aurait pu se révéler nécessaire pour le calcul du prix à l’exportation de la requérante. Il ne saurait, dès lors, être reproché à la requérante de n’avoir pas fourni certaines informations qui ont été décrétées nécessaires par le Conseil sur la base d’allégations vagues, et ce d’autant plus que l’absence de relation entre la requérante et les sociétés appartenant au groupe Jinshan infirmait clairement les allégations du Conseil quant au caractère nécessaire des réponses au questionnaire antidumping pour ces dernières sociétés (voir points 64 à 68 ci-dessus).

70      Dans ces circonstances, le Tribunal considère que c’est à tort que le Conseil a appliqué l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et fondé ses conclusions sur la base des données disponibles, dès lors qu’il disposait des informations nécessaires pour calculer un prix à l’exportation fiable et, partant, pour établir une marge de dumping et un droit antidumping individuels. Les renseignements fournis par la requérante permettaient, en effet, de calculer un tel prix et le Conseil n’a pas été en mesure de déterminer quelles informations additionnelles auraient été nécessaires à cette fin.

71      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’allégation du Conseil selon laquelle la requérante aurait fourni des informations fausses ou trompeuses. Le Tribunal estime, en effet, que les prétendues incohérences relevées par le Conseil ne permettent pas de mettre en doute la fiabilité des informations et des réponses au questionnaire antidumping fournies par la requérante pour les sociétés appartenant au groupe Giant.

72      À cet égard, premièrement, bien que les termes utilisés par la requérante pour décrire la méthode visant à mettre un terme aux activités de GP aient fait l’objet de rectifications au cours de la procédure administrative, la requérante a clairement expliqué à la Commission, dans sa lettre du 21 juin 2012, que le terme « liquidation » mentionné dans les formulaires de réponses renvoyait au fait que GP avait cessé ses activités et que l’essentiel des biens et des équipements de cette société avaient été vendus en septembre 2011. Elle a, en outre, précisé qu’il était prévu de mettre un terme à cette société au moyen [confidentiel](2). Par conséquent, si l’usage du terme « liquidation » était inadéquat en l’espèce, il ne saurait être considéré comme trompeur, dès lors que les informations subséquentes fournies par la requérante ont rapidement permis de clarifier la situation de GP.

73      Deuxièmement, s’agissant du fait que la requérante n’avait pas révélé que le gouvernement chinois détenait 33,13 % de Jinshan, il convient de rappeler que cette société a été présentée comme une entité distincte de la requérante, ce que le Conseil n’a jamais contesté. Il ne saurait, dès lors, être reproché à la requérante de ne pas avoir fourni d’emblée les informations concernant la composition de l’actionnariat de Jinshan dans le cadre de ses réponses au questionnaire.

74      Troisièmement, s’agissant des informations relatives au groupe Jinshan qui, selon le Conseil, étaient incomplètes en ce qu’elles ne mentionnaient pas que certaines sociétés appartenant à ce groupe étaient actives dans la production du produit concerné, le Tribunal rappelle que, aux points 64 à 68 ci-dessus, il a été conclu que les informations relatives à ces sociétés n’étaient, en l’espèce, pas susceptibles d’influencer la détermination du prix à l’exportation de la requérante. Or, le simple fait pour la requérante de ne pas avoir fourni certaines informations qui se révèlent dépourvues de pertinence dans le cadre du calcul du prix à l’exportation ne saurait être considéré comme un manque de coopération qui mettrait en doute la fiabilité des autres informations fournies par cette dernière, ni dès lors justifier l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base pour le calcul de ce prix.

75      Quatrièmement, s’agissant des différents arguments avancés par la requérante pour justifier l’absence de communication des informations demandées par la Commission, à savoir, dans un premier temps, le caractère non nécessaire de ces informations et, dans un second, le refus de Jinshan de fournir lesdites informations, il y a lieu de constater que la requérante n’a jamais renoncé à son premier argument. La requérante n’a, dès lors, pas modifié son argumentation à cet égard, mais a uniquement invoqué un argument additionnel qui ne saurait remettre en cause la cohérence de cette argumentation, contrairement à ce qu’affirme le Conseil.

76      Partant, les éléments avancés par le Conseil, pris individuellement ou conjointement, ne permettaient pas, en l’espèce, de considérer que les informations fournies par la requérante concernant le prix à l’exportation étaient fausses ou trompeuses et ne justifiaient, dès lors, pas d’écarter ces informations au profit d’autres données disponibles.

77      Au vu de tout ce qui précède, il y a donc lieu d’accueillir les troisième et cinquième moyens, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la seconde branche du troisième moyen. En effet, il peut être conclu que le Conseil a violé l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base en recourant aux données disponibles au sens de cette disposition pour le calcul du prix à l’exportation, alors que la requérante avait fourni les informations nécessaires au calcul de ce prix. Le Tribunal estime, dès lors, qu’il n’est pas nécessaire de répondre à la question de savoir si la demande des institutions imposait une charge déraisonnable sur la requérante et si une telle situation aurait pu également exclure l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

78      Dans la mesure où le refus d’octroyer un traitement individuel à la requérante était justifié non seulement par l’impossibilité de calculer un prix à l’exportation individuel, mais également par l’existence d’un risque de contournement, il convient d’examiner si, en l’espèce, un tel risque pouvait justifier la décision du Conseil de soumettre la requérante au taux de droit applicable à l’échelle nationale.

 Sur le risque de contournement

79      La requérante fait valoir que l’imposition d’un droit individuel à son égard n’aurait pas fait naître un risque de contournement, car les sociétés du groupe Jinshan n’auraient pas été en mesure de faire passer leurs exportations par GP pour bénéficier d’un droit antidumping plus bas.

80      Le Conseil considère, en revanche, que le risque de contournement est inhérent au concept de « sociétés liées ». Il estime, en effet, que, si les producteurs-exportateurs sont liés à d’autres producteurs-exportateurs bénéficiant d’un taux de droit antidumping individuel plus bas, un contournement est susceptible de se produire, puisque les ventes peuvent facilement être effectuées par l’intermédiaire de la société liée à laquelle s’applique le taux de droit antidumping inférieur.

81      À cet égard, en premier lieu, il convient souligner que, en vertu de l’article 9, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, un droit antidumping individuel doit, en principe, être imposé à chaque producteur-exportateur. Un tel droit peut également être déterminé pour les sociétés n’ayant pas obtenu le statut de SEM, moyennant le respect de certaines conditions, prévues au second alinéa de cette disposition, dont l’une évoque la question du risque de contournement.

82      Toutefois, en l’espèce, le Conseil a confirmé lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, que les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement de base n’avaient pas été prises en considération lors de l’examen de la situation de la requérante. Il ne s’est, par ailleurs, prévalu d’aucune autre disposition du règlement de base qui prévoirait que l’existence d’un risque de contournement peut justifier le refus d’octroyer un droit antidumping individuel à un producteur-exportateur. Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’un tel risque ne pouvait être invoqué par le Conseil pour justifier l’application à la requérante du taux de droit applicable à l’échelle nationale.

83      En deuxième lieu, le Tribunal estime que le Conseil ne saurait se fonder sur un risque seulement hypothétique de contournement qui serait, selon lui, inhérent au concept de « sociétés liées » pour refuser l’octroi d’un droit antidumping individuel. En effet, envisagé ainsi de manière hypothétique, le risque de contournement pourrait être considéré comme inhérent au principe même prévoyant l’application d’un droit antidumping individuel, dès lors que, même en dépit de tout lien entre plusieurs sociétés, il n’est pas exclu que celles-ci, à la suite de l’imposition d’un droit antidumping calculé individuellement pour chacune d’entre elles ou pour l’une d’entre elles, s’arrangent afin d’acheminer leurs exportations par l’intermédiaire de celle d’entre elles qui aura été frappée du taux de droit le plus faible. Une telle interprétation laisserait, dès lors, l’octroi d’un droit antidumping individuel à la seule discrétion du Conseil, ce qui ne correspond aucunement aux dispositions de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

84      En outre, il y a lieu de souligner que, conformément à la jurisprudence de l’organe de règlement des différends de l’OMC, le risque que l’imposition de droits antidumping individuels soit inefficace pour lutter contre le dumping ne saurait, à lui seul, justifier l’imposition d’un droit applicable à l’échelle nationale à des producteurs-exportateurs [voir le rapport du groupe spécial de l’OMC du 3 décembre 2010, dans l’affaire « Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine » (WT/DS397/R), paragraphes 7.107 à 7.109, et le rapport de l’organe d’appel de l’OMC du 15 juillet 2011 dans la même affaire (WT/DS397/AB/R), paragraphe 348]. Ainsi, la circonstance que certains exportateurs puissent être en mesure de contourner des droits antidumping plus élevés en faisant passer les exportations par des exportateurs assujettis au taux de droit le plus faible pourrait, certes, rendre les droits antidumping individuels inefficaces, mais ne saurait justifier, à elle seule, l’application du taux à l’échelle nationale aux exportateurs liés.

85      En troisième lieu, le Tribunal considère que, en tout état de cause, les informations dont disposaient les institutions lors de l’adoption du règlement attaqué étaient suffisantes pour conclure à l’absence de risque de contournement entre le groupe Giant et le groupe Jinshan.

86      En effet, premièrement, les informations fournies par la requérante permettaient de constater que, hormis GP, aucune des filiales de Jinshan actives dans la production du produit concerné n’était liée à la requérante (voir points 64 à 68 ci-dessus).

87      Deuxièmement, s’agissant de GP, d’une part, il convient de souligner que la requérante a informé la Commission, dès le début de la procédure administrative, que cette société avait cessé sa production et ses activités commerciales depuis le mois de septembre 2011. À cette date, l’ensemble des équipements de production ainsi que les stocks existants de GP avaient, par ailleurs, été vendus et les employés avaient déjà été licenciés, à l’exception de huit membres du personnel de la direction chargés d’accomplir les formalités administratives et comptables résultant de la cessation des activités et de la cession des actifs de la société. Contrairement à ce qu’affirme le Conseil au considérant 137 du règlement attaqué, il était, dès lors, peu probable que l’activité de production de GP reprenne dans le futur.

88      D’autre part, il y a lieu de constater que la requérante a apporté la preuve selon laquelle, avant la fin de la PER, les actionnaires de GP s’étaient formellement engagés à mettre un terme à cette société et à céder les parts qu’ils détenaient dans celle-ci à une société tierce. Cette décision ressort, en effet, clairement des minutes des réunions du conseil d’administration de GP des 26 mai, 24 août et 16 décembre 2011, ainsi que de la résolution du conseil d’administration de Jinshan du 18 janvier 2012.

89      En outre, le 30 mars 2013, soit après la PER, mais avant l’adoption du règlement attaqué, la décision de céder les parts détenues dans GP a effectivement été mise en œuvre par la requérante qui a vendu sa participation à une société tierce, faisant, dès lors, disparaître l’unique lien qui existait entre elle et le groupe Jinshan et, partant, l’unique élément qui, selon le Conseil, faisait naître un risque de contournement. Bien que la dissolution de GP à travers la cession des parts détenues dans cette société ait été actée après la PER et communiquée aux institutions à un stade relativement avancé de l’enquête, à savoir le 11 avril 2013, le Tribunal estime que cette information aurait pu, en l’espèce, être prise en considération aux fins d’évaluer le risque de contournement. Le désengagement de la requérante dans GP, qui a été formellement décidé en 2011 (voir point 88 ci-dessus), concomitamment à l’arrêt effectif des activités de cette société (voir point 87 ci-dessus), était en effet de nature à éliminer l’existence d’un tel risque et, dans la mesure où les éléments de preuve attestant de ce désengagement ont été communiqués aux institutions près de quarante jours avant l’adoption du règlement attaqué, ceux-ci auraient pu, malgré le stade avancé de l’enquête, être vérifiés. Il y a lieu, par ailleurs, de souligner que la question relative au traitement individuel, en cause dans la présente affaire, n’a été abordée que tardivement, l’intention des institutions d’appliquer l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base pour la détermination du droit antidumping applicable à la requérante n’ayant été annoncée que le 21 mars 2013.

90      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le Conseil ne pouvait pas invoquer un risque de contournement pour justifier le refus d’appliquer un droit antidumping individuel à la requérante et d’accueillir le septième moyen.

91      Partant, aucun des éléments invoqués par le Conseil ne lui permettait de refuser le bénéfice d’un traitement individuel à la requérante. Il y a donc lieu d’annuler le règlement attaqué en ce qui concerne cette dernière, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens.

 Sur les dépens

92      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

93      La Commission et EBMA supporteront leurs propres dépens, conformément aux dispositions de l’article 138, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement (UE) n° 502/2013 du Conseil, du 29 mai 2013, modifiant le règlement d’exécution (UE) n° 990/2011 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen intermédiaire au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1225/2009, est annulé pour autant qu’il concerne Giant (China) Co. Ltd.

2)      Le Conseil de l’Union européenne supportera les dépens de Giant (China) ainsi que ses propres dépens.

3)      La Commission européenne et European Bicycle Manufacturers Association (EBMA) supporteront leurs propres dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 novembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.


2 Données confidentielles occultées.