Language of document : ECLI:EU:T:2000:166

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

27 juin 2000 (1)

«Fonctionnaires - Couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle - Article 73 du statut - Articles 18 et 19 de la réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires - Taux d'invalidité permanente partielle - Autorité de chose jugée - Recours en indemnité»

Dans l'affaire T-47/97,

Onno Plug, ancien agent temporaire de la Commission, demeurant à Thônex (Suisse), représenté par Mes G. Vandersanden et L. Lévi, avocats au barreau deBruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Société de gestion fiduciaire SARL, 2-4, rue Beck,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valsesia, conseiller juridique principal, et J. Currall, conseiller juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision implicite de rejet de la Commission de la demande du requérant du 22 février 1996 visant à l'adoption d'une décision, au titre de l'article 19 de la réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes, sans procéder à de nouveaux rapports d'expertise médicale et, d'autre part, une demande en réparation du préjudice prétendument subi par le requérant, s'élevant à l'équivalent de treize années de son traitement,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 2 décembre 1999

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Le requérant est entré au service de la Commission le 23 mai 1977.

2.
    Au début de l'année 1984, le requérant a présenté une demande de reconnaissance d'invalidité pour cause de maladie professionnelle sur la base de l'article 78, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»).

3.
    Le 13 décembre 1984, le directeur général de la direction générale du personnel et de l'administration (DG IX) de la Commission (ci-après, le «directeur général»)a décidé de mettre le requérant à la retraite et de l'admettre au bénéfice d'une pension d'invalidité d'un montant de 36,62 % de son dernier traitement de base perçu avec effet au 1er janvier 1985, mais sans établir l'origine professionnelle de son incapacité de travail.

4.
    La Commission avait auparavant mis en oeuvre la procédure prévue à l'article 73 du statut pour établir l'origine professionnelle de la maladie dont était atteint le requérant.

5.
    La Commission a désigné le Dr Simons comme médecin-conseil pour recueillir les éléments d'appréciation relatifs au requérant nécessaires à cette procédure. Sur demande du Dr Simons, les Drs Grandchamp, Vonlanthen et Leuenberger ont émis, respectivement, le 28 août 1985, le 22 janvier 1986 et le 23 avril 1988, des rapports dans lesquels les trois médecins concluaient à une relation causale directe et exclusive entre l'affection du requérant et ses occupations au sein de la Commission.

6.
    Par lettre du 20 mai 1988, le chef de l'unité «Assurances, accidents et maladies professionnelles» a informé le conseil du requérant du contenu du rapport du Dr Leuenberger et lui a précisé, au regard de l'article 73 du statut:

«[...] la question du taux d'[invalidité permanente partielle] à reconnaître à M. Plug reste cependant encore ouverte, le Dr Leuenberger concluant à une incapacité de 100%; [...] or, le barème annexé au statut ne prévoit la reconnaissance d'un taux d'invalidité de 100% que dans le cas d'une aliénation mentale incurable, ce qui [...] n'est pas le cas [de] votre client.»

7.
    Par lettre du 14 juin 1988 adressée à ce chef de division, le conseil du requérant a constaté «qu'il n'y [avait] plus aucun obstacle à ce que la Commission exécute ses obligations statutaires et réglementaires envers M. Plug» et a demandé à la Commission d'octroyer au requérant, d'une part, une pension d'invalidité sur la base de la reconnaissance de la maladie professionnelle égale à 70 % du dernier traitement de base perçu, au titre de l'article 78, deuxième alinéa, du statut et, d'autre part, un capital égal à huit fois le dernier traitement de base perçu du 1er janvier au 31 décembre 1984, au titre de l'article 73, paragraphe 2, sous b), du statut.

8.
    Le 21 décembre 1988, la Commission a informé le requérant qu'elle avait désigné un nouveau médecin pour l'examiner, proposition que le requérant n'a pas acceptée.

9.
    Le 28 février 1989, la Commission a envoyé au requérant le projet de décision visé à l'article 21 de la réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la «réglementation de couverture») et lui a rappelé la possibilité de solliciterla convocation de la commission médicale prévue à l'article 23 de cette réglementation. Par lettre du 22 mars 1989, le requérant a rejeté cette possibilité en indiquant que la seule commission à convoquer était la commission d'invalidité. Le 6 avril 1989, la Commission a refusé cette proposition.

10.
    Par décision du 25 avril 1989, la Commission a annoncé au requérant la clôture de son dossier au titre de l'article 73 du statut si celui-ci ne communiquait pas avant le 15 mai 1989 le nom du médecin chargé de représenter ses intérêts au sein de la commission médicale instituée par l'article 23 de la réglementation de couverture. Elle a ajouté:

«Il [...] restera alors à communiquer à la commission d'invalidité le résultat de la procédure instruite dans le cadre de l'article 73, soit que la Commission n'a pas été mise en mesure de statuer sur votre demande. Il lui appartiendra d'en dégager les éléments qu'elle jugera utiles à l'accomplissement de sa mission.»

11.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 1989, M. Plug a introduit un recours, inscrit sous le numéro T-165/89, visant, d'une part, à l'annulation de la décision de la Commission, du 25 avril 1989, de clore le dossier relatif à sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle et, d'autre part, à la réparation du préjudice matériel et moral subi.

12.
    Par arrêt du 27 février 1992, Plug/Commission (T-165/89, Rec. p. II-367, ci-après l'«arrêt du 27 février 1992»), le Tribunal, ayant jugé fondé le recours du requérant, a annulé la décision de la Commission du 25 avril 1989 et a condamné cette dernière à verser au requérant une indemnité de 600 000 francs belges (BEF). Le Tribunal a jugé que, en subordonnant l'instruction de la procédure visée à l'article 78, deuxième alinéa, du statut à l'épuisement préalable de la procédure prévue par l'article 73 du statut, la Commission avait méconnu les dispositions dudit article 78.

13.
    Le 12 mars 1992, en exécution de l'arrêt du Tribunal et au vu de la demande du requérant du 22 mars 1989, la commission d'invalidité s'est réunie et a conclu que l'invalidité de M. Plug était en relation directe avec une cause professionnelle.

14.
    Par lettre du 10 juin 1992, l'agent du service juridique de la Commission chargé du dossier, en réponse à une lettre de l'avocat du requérant s'intéressant aux mesures d'exécution de l'arrêt par la Commission, lui a signalé ce qui suit:

«Quant aux suites de la procédure de l'article 73 du statut, [l'autorité investie du pouvoir de nomination], après l'annulation de sa décision du 25 avril 1989 clôturant cette procédure, est amenée à devoir prendre une nouvelle décision au titre de l'article 19 de la réglementation [de couverture], suivant la procédure prévue à l'article 21. En d'autres termes, [l'autorité investie du pouvoir de nomination] ne manquera pas de notifier à M. Plug un projet de décision pris sur la base des conclusions émises par le médecin désigné par l'institution. À cet égard, connaissant les réticences de votre client à se soumettre à un nouvel examen médical, je ne puisque réitérer que, eu égard à l'aggravation de son état de santé dont vous m'avez fait part, il serait plus conforme à ses intérêts de se soumettre à cet examen afin de permettre la fixation d'un taux d'invalidité correspondant à son état de santé actuel. Les services de la Commission prendront incessamment contact avec M. Plug en ce sens afin de convenir d'un rendez-vous au lieu de sa résidence si nécessaire. Si M. Plug devait persister à refuser tout nouvel examen, le médecin désigné par l'institution sera contraint de baser ses conclusions sur le dossier médical dans son état actuel.»

15.
    Le 14 juillet 1992, ce même agent a rappelé, à nouveau, au conseil du requérant la position de la Commission, résumée dans sa lettre du 10 juin 1992, et a ajouté que le rapport du Dr Leuenberger du 23 avril 1988 ne contenait aucun élément qui permettrait de déterminer le degré d'invalidité de M. Plug au sens de l'article 73 du statut, le taux de 100 % dont ce rapport fait état se référant à son incapacité totale de travail et non pas à la notion d'invalidité.

16.
    Par décision du 3 août 1992, qui annule et remplace celle du 13 décembre 1984, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»), reconnaissant l'origine professionnelle de la maladie du requérant, a décidé de lui accorder une pension d'invalidité en fixant son montant conformément aux dispositions de l'article 33, paragraphe 1, deuxième alinéa, du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes. Du fait de cette décision, sa pension a été majorée avec effet rétroactif au 1er janvier 1985 et a été fixée, à partir du 1er août 1992, à 11 507,54 francs suisses (CHF). Les arriérés de pension, augmentés des intérêts de retard, à raison de 8 % l'an, pour la période allant du 1er juin 1986 au 31 juillet 1992, soit un total de 418 084,85 CHF, lui ont été octroyés.

17.
    Par lettre du 22 octobre 1992, le directeur général a, à nouveau, exposé au conseil du requérant la position de la Commission sur la situation de son dossier .

18.
    Par lettre du 18 février 1993, le directeur général a répondu à la lettre du requérant du 7 janvier 1993 dans laquelle celui-ci lui demandait de mettre définitivement un terme à la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle et d'octroi de l'indemnité d'invalidité permanente totale, conformément aux conclusions du rapport d'expertise du 23 avril 1988, émis par le Dr Leuenberger. Le directeur général lui a signalé ce qui suit:

«Pour éviter tout risque de malentendu, je tiens à résumer les termes de la situation du dossier telle qu'elle se présente à l'heure actuelle.

À la suite de l'arrêt du Tribunal de première instance du 27 février 1992, l'origine de la maladie qui a conduit à votre mise en invalidité en 1984 a été reconnue comme étant 'professionnelle‘ et vos droits à pension ont été dûment liquidés, conformément à cet arrêt.

Pour la Commission, cette partie du dossier, qui relève de l'article 78 du statut est donc définitivement clôturée, dans le plein respect de vos droits.

Il reste par contre à déterminer, dans le cadre de l'article 73 du statut, la fixation du taux de l'invalidité permanente. C'est en fonction du taux d'une telle invalidité que l'indemnité prévue audit article pourra vous être liquidée. Cette procédure s'impose aux termes de la réglementation [de couverture] et est tout à fait indépendante des travaux de la commission d'invalidité parvenant à l'octroi de la pension d'invalidité.

Conformément à l'article 19 de ladite réglementation, l'autorité compétente arrêtera sa décision sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés de l'institution.

À cette fin, la Commission a désigné le Dr Dalem, qui sera assisté par le Dr Graber, spécialiste en neuropsychologie.

Afin de permettre aux deux médecins de l'institution de tenir compte de votre état de santé actuel et ainsi de présenter leurs conclusions dans les meilleures conditions, il s'avère utile qu'ils puissent vous examiner.

Cet examen médical pourrait avoir lieu à Genève ou à tout autre endroit que vous désigneriez et ce bien entendu en présence d'un praticien de votre choix.

[...]

Au cas où vous déclineriez de vous soumettre à cet examen médical, les deux médecins seront appelés à émettre leurs conclusions sur base du dossier tel qu'il existe actuellement.

Dans ce cas, je vous prie de bien vouloir me transmettre dans [un délai de quinze jours ouvrables] tous les documents d'ordre médical que vous souhaitez voir être pris en considération par eux.

Lorsque les médecins auront émis leurs conclusions, un projet de décision vous sera notifié et il vous sera loisible, dans un délai de 60 jours, de demander la saisine de la commission médicale.»

19.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 3 juin 1993, le requérant a introduit, en application de l'article 129 du règlement de procédure du Tribunal, une demande en interprétation de l'arrêt du 27 février 1992 en concluant qu'il plaise au Tribunal d'interpréter l'arrêt comme signifiant que le dossier du demandeur était, sur le plan tant médical qu'administratif, et à l'égard de l'application tant de l'article 78, deuxième alinéa, que de l'article 73, paragraphe 2, sous b), du statut, complet et définitif; et qu'il était inutile, dans le cadre de l'article 73 du statut, de procéder à la nomination d'un nouvel expert médical, laCommission étant en mesure de prendre immédiatement une décision au titre de l'article 19 de la réglementation de couverture.

20.
    Le 4 septembre 1993, le Dr Graber a rédigé ses conclusions concernant l'examen du dossier médical du requérant. Le 10 septembre 1993, le Dr Dalem a informé la Commission que le Dr Graber avait déposé son rapport, dans lequel, s'il insistait sur le fait que le dossier médical de l'intéressé manquait d'éléments probants pour déterminer un taux d'incapacité, il considérait, néanmoins, que, à partir des éléments disponibles, un taux de 10 % au maximum pouvait lui être reconnu. Le Dr Dalem a précisé à la Commission qu'il faisait siennes les conclusions du Dr Graber.

21.
    Par ordonnance du 5 octobre 1995, Plug/Commission [T-165/89 (129), non publiée au Recueil], le Tribunal a déclaré irrecevable la demande en interprétation. Il a jugé qu'elle ne remplissait pas la condition de recevabilité relative à l'existence d'une obscurité ou d'une ambiguïté affectant le sens et la portée du dispositif de l'arrêt du 27 février 1992 en liaison, éventuellement, avec des motifs essentiels de cet arrêt, et a considéré qu'elle visait à tirer des conséquences de certains passages de ces motifs pour obtenir de la Commission une décision au titre de l'article 73 du statut, qui n'a pas fait l'objet de cet arrêt.

22.
    Par lettre du 27 octobre 1995, le chef de l'unité 5 «Assurance maladie et accidents» de la direction B «Droits et obligations» de la DG IX (ci-après l'«unité IX.B.5») a écrit au requérant:

«Le Tribunal a confirmé la thèse retenue par la Commission selon laquelle il faut séparer l'application de l'article 73 du statut de celle de l'article 78, puisqu'il s'agit de finalités distinctes. Une décision ayant été prise dans le cadre de l'article 78 du statut, il reste encore, dès lors, à déterminer, selon la procédure prévue par l'article 73 du statut et [...] sa réglementation d'exécution, la fixation du taux d'invalidité permanente dont vous restez atteint.

Pour ce faire et afin de permettre au médecin désigné par la Commission de déposer ses conclusions, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 73 du statut, et conformément aux articles 17 et 19 de la réglementation précitée, celui-ci doit disposer d'un dossier médical récent complet. À cette fin, je vous prie de bien vouloir me confirmer si vous êtes prêt à être examiné par le médecin désigné par la Commission ou si vous préférez me communiquer le nom et [les] coordonnées de votre médecin traitant afin que le médecin désigné par la Commission puisse le contacter en vue d'être plus amplement renseigné sur votre état actuel.»

23.
    Par lettre du 9 janvier 1996, le requérant a demandé à la Commission que lui soient communiqués le nom et les qualités du ou des médecins désignés par elle, le texte du mandat leur conférant mission et, le cas échéant, le lieu où devrait se dérouler cette nouvelle investigation médicale.

24.
    Par lettre du 31 janvier 1996, le chef de l'unité IX.B.5 a porté à la connaissance du requérant que la Commission avait désigné le Dr Dalem, assisté du Dr Graber, comme médecins-conseils et lui a fait parvenir une copie du mandat confié à ces médecins. Il lui a précisé que l'examen pourrait avoir lieu «à Genève, ou à tout endroit convenable [qu'il] indiquer[ait], en présence, [s'il le souhaitait], d'un praticien de [son] choix».

25.
    Par lettre du 22 février 1996, le requérant a adressé à la Commission une demande, au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, visant à ce que la Commission prenne «la décision prévue à l'article 19 de la réglementation de couverture, sans demander encore une nouvelle expertise médicale» et, par conséquent, achève «la procédure visée à l'article 73 du statut sur la base du dossier médical constitué par les expertises médicales concordantes [existantes]». Cette demande a fait l'objet d'un rejet implicite.

26.
    Le 9 septembre 1996, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, à l'encontre de la décision implicite de rejet de la demande du 22 février 1996. Cette réclamation tendait à ce que la Commission annule cette décision implicite et à ce qu'elle prenne les décisions prévues à l'article 19 de la réglementation de couverture, sans solliciter de nouveaux rapports d'expertise médicale.

27.
    Par lettre du 18 octobre 1996, le Dr Dalem a communiqué à la Commission ses conclusions sur la question qui lui avait été posée. Il a rappelé que, dans les divers documents médicaux établis par les médecins qui ont examiné le requérant à l'époque, la formulation des troubles de ce dernier a toujours été assez vague, évoquant un état dépressif à la suite des conditions de travail de l'intéressé, et a signalé que le Dr Graber, après avoir compilé les dossiers établis sur le plan médical, en était arrivé à considérer, dans son rapport du 4 septembre 1993, qu'un taux de 10 % au maximum pouvait être retenu. Le Dr Dalem a estimé ce qui suit: «Il ne faut pas perdre de vue que [M. Plug] non seulement tient un discours cohérent comme il a été rappelé avec un vocabulaire riche et nuancé. Ses lettres prouvent que sa pensée est normale et qu'il ne présente aucune 'fuite ni déraillement‘. Sa mémoire paraît intacte et son intelligence a été jugée supérieure à la normale. De plus, on ne relevait aucune pathologie psycho-sensorielle ni aucun phénomène délirant interprétatif ou projectif.» Il a considéré, en conséquence, qu'il s'agissait essentiellement d'un état réactionnel dépressif compte tenu des difficultés professionnelles de l'intéressé. Dès lors, le Dr Dalem a conclu qu'une offre raisonnable de taux d'invalidité permanente partielle, dans le cadre de l'article 73 du statut, devrait s'établir entre 10 et 15 %.

28.
    Par lettre du 27 novembre 1996, le directeur général a répondu à la réclamation du 9 septembre 1996 en indiquant au requérant que, face au refus de ce dernier de se soumettre à de nouvelles expertises médicales, la Commission avait dû demander au médecin désigné par elle de se prononcer sur la base des seuls documents médicaux en sa possession. En annexe à la lettre, la Commission a faitparvenir au requérant le projet de décision du 27 novembre 1996, conformément à l'article 21 de la réglementation de couverture, et les conclusions déposées par le médecin désigné par l'institution. Ce projet retient un taux d'invalidité de 15 % sur la base duquel serait octroyé un capital de 2 581 406 BEF. En outre, il a été rappelé à l'intéressé la possibilité de solliciter, dans un délai de 60 jours, la consultation de la Commission médicale au titre dudit article 21.

29.
    Par lettre du 6 décembre 1996, le requérant a précisé au directeur général que, compte tenu des nombreuses irrégularités évoquées dans sa réclamation du 9 septembre 1996, il ne voyait pas d'autre issue que de saisir une nouvelle fois le Tribunal.

30.
    Par lettre du 14 janvier 1997, le directeur général a informé le requérant qu'il prenait note de la position de ce dernier exprimée dans la lettre du 6 décembre 1996, lui a rappelé à nouveau la possibilité, toujours valable, de saisir la commission médicale en application de l'article 21 de la réglementation de couverture et lui a demandé de lui faire savoir s'il envisageait de le faire.

Procédure

31.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 1997, le requérant a introduit le présent recours, qui a été inscrit sous le numéro T-47/97.

32.
    Le 3 juin 1998, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a posé à la Commission deux questions auxquelles celle-ci a répondu par lettre déposée au greffe du Tribunal le 18 juin 1998.

33.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale.

34.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 2 décembre 1999.

Conclusions des parties

35.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 22 février 1996 et, pour autant que de besoin, annuler la décision du 27 novembre 1996 de rejet de la réclamation subséquente;

-    condamner la Commission au paiement d'un montant équivalant à treize années de traitements du requérant, augmenté des intérêts de retard à 8 % l'an, à compter de la date de l'arrêt à intervenir;

-    condamner la Commission à l'ensemble des dépens.

36.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé en tous points;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

37.
    Dans ses mémoires, la Commission avait invoqué l'irrecevabilité du recours en ce que le requérant aurait attaqué un acte préliminaire à une véritable décision lui faisant grief. Cependant, la Commission, lors de l'audience, a renoncé à ses conclusions sur l'irrecevabilité de la demande d'annulation. Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur cette question.

Sur le fond

1. Sur les conclusions en annulation

38.
    Au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, le requérant soulève, à titre principal, six moyens. Son premier moyen est pris d'une violation de l'autorité de chose jugée par l'absence d'exécution conforme de l'arrêt du 27 février 1992. Son deuxième moyen est tiré d'un détournement de pouvoir. Dans son troisième moyen, il invoque une violation de l'article 18 de la réglementation de couverture. Par son quatrième moyen, il reproche à la Commission une violation de l'article 19 de la réglementation de couverture. Son cinquième moyen est pris d'une violation des formes de la procédure précontentieuse. Son sixième moyen est tiré d'une violation du principe de bonne gestion consacré par l'article 15 de l'annexe VIII du statut.

39.
    À titre subsidiaire, le requérant soulève encore trois moyens au soutien de ses conclusions en annulation. Dans son septième moyen, il invoque une violation de l'article 73 du statut et de l'article 12 de la réglementation de couverture en ce que le mandat qui a été donné aux nouveaux experts médicaux est irrégulier. Son huitième moyen est pris d'une violation des articles 17, paragraphe 2, et 19 de la réglementation de couverture. Enfin, par son neuvième moyen, il invoque une motivation irrégulière du rapport du Dr Graber et des rapports du Dr Dalem.

Sur les premier, troisième et quatrième moyens, tirés, respectivement, de la violation de l'autorité de chose jugée, et de la violation des articles 18 et 19 de la réglementation de couverture

Arguments des parties

40.
    Le requérant fait observer, à titre liminaire, que, en vertu de l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CE), la Commission est tenue de prendre les mesures que comporte l'exécution des arrêts de la Cour et du Tribunal et que, selon leurjurisprudence, pour se conformer à l'arrêt et pour lui donner pleine exécution, l'institution est tenue de respecter non seulement le dispositif de l'arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu'ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (arrêt du 2 février 1995, Frederiksen/Parlement, T-106/92, RecFP p. I-A-29 et II-99).

41.
    Or, le requérant rappelle que, dans son arrêt du 27 février 1992, le Tribunal a annulé la décision attaquée en constatant, dans certains motifs de l'arrêt, que plusieurs illégalités avaient été commises par la Commission. En particulier, il reprend littéralement la teneur des points 89 et 103 des motifs de l'arrêt où le Tribunal énonce que, «en l'espèce et en l'absence de raison justifiant le recours à un autre expert, la Commission aurait dû alors prendre la décision prévue à l'article 19 de la réglementation de couverture».

42.
    Pour le requérant, il ressort de ces deux motifs, ainsi que du point 105, que le Tribunal a considéré:

-    que le rapport du 23 avril 1988 du Dr Leuenberger contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Commission de prendre la décision qu'il lui appartient de prendre en vertu de l'article 19 de la réglementation de couverture;

-    que cette décision doit être prise sans demander encore une nouvelle expertise médicale;

-    que la Commission ne peut donc subordonner cette décision à la consultation d'un nouvel expert.

43.
    En conséquence, le requérant reproche à la Commission d'avoir considéré, à la suite de l'arrêt du 27 février 1992, qu'elle était en droit de rouvrir la procédure de l'article 73 du statut à son début et de demander au requérant de se soumettre à une nouvelle expertise médicale et à un nouveau rapport d'un médecin désigné par elle.

44.
    Le requérant fait valoir que cette prétendue nécessité de recourir à de nouvelles expertises médicales n'est pas adéquatement motivée et que la Commission ne saurait se prévaloir d'un prétendu défaut de rapports médicaux l'éclairant utilement sur le taux d'invalidité permanente dont il reste atteint au sens de l'article 73 du statut. Pour le requérant, la Commission disposait, en effet, de tous les éléments utiles pour se prononcer sur cette question.

45.
    À cet égard, le requérant fait observer qu'il ressort du point 89 de l'arrêt du 27 février 1992 que le Dr Leuenberger avait répondu de façon précise aux questions qui lui étaient posées, relatives tant à l'article 78 qu'à l'article 73 du statut.

46.
    Le requérant rappelle que le rapport du Dr Leuenberger, en réponse à la question relative à la persistance ou non de l'invalidité permanente due aux conditions de travail et, dans l'affirmative, à la fixation du taux d'invalidité, établissait ce qui suit:

«a)    M. [Plug] serait certainement capable de retravailler si on le rétablissait dans l'intégrité de ses fonctions antérieures, moyennant une période de réadaptation.

b)    Au cas où cela ne se ferait pas, il est à craindre que M. [Plug] demeure dans cet état dépressif réactionnel à ses tracas, puis à la suppression de ses fonctions et son taux d'incapacité est alors de cent pour cent.»

En ce qui concerne la fraction non-litigieuse du taux éventuel d'invalidité permanente qui pouvait, d'ores et déjà, être fixée, le médecin aurait répondu en ces termes: «[...] la cause de l'invalidité étant directement liée à la perte des fonctions professionnelles, on ne peut envisager de diminution de l'invalidité totale que dans le cas d'une reprise des mêmes fonctions. Compte tenu de l'âge de M. Plug, il paraît difficile d'envisager cette nouvelle reprise chez un nouvel employeur.»

Enfin, il considère que la réponse du médecin à cette dernière question porte sur le taux d'invalidité permanente visé par l'article 73 du statut et que, en raison du rapport direct entre la perte des fonctions professionnelles et la maladie, le maintien de la cause emporte le maintien de l'invalidité constatée comme étant de 100 %.

47.
    Le requérant soutient qu'une telle interprétation du rapport du Dr Leuenberger est pleinement renforcée par les motifs énoncés aux points 89 et 103 de l'arrêt du 27 février 1992, selon lesquels la décision de l'article 19 de la réglementation de couverture devait être prise par la Commission sans autre expertise médicale. Selon lui, ces motifs ne peuvent être compris que si les rapports médicaux contiennent l'ensemble des informations susceptibles de permettre à la Commission de prendre précisément une telle décision, soit les informations relatives à l'origine professionnelle de la maladie et également celles relatives au taux d'invalidité.

48.
    Le requérant conclut que, en refusant de prendre la décision visée par la réglementation de couverture, sans pour autant motiver adéquatement les raisons pour lesquelles elle estime devoir disposer de nouvelles expertises médicales, la Commission a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 27 février 1992.

49.
    Ensuite, le requérant considère que, en sollicitant une nouvelle expertise du Dr Graber, la Commission a violé l'article 18 de la réglementation de couverture puisque l'arrêt du 27 février 1992 (point 103) a jugé que cet article «ne saurait être interprété en ce sens qu'il autorise l'administration à demander infiniment des rapports d'expertise médicale sans fournir une motivation adéquate».

50.
    Enfin, le requérant reproche à la Commission une violation de l'article 19 de la réglementation de couverture. Il rappelle que le rapport du Dr Leuenberger contenait tous les éléments pour que la Commission prenne une décision au titre dudit article 19. En prenant prétexte du taux d'invalidité retenu par les experts, la Commission se serait dérobée aux obligations découlant de cet article.

51.
    En ce qui concerne l'incidence de l'ordonnance d'interprétation du 5 octobre 1995 sur la présente affaire, selon le requérant, le Tribunal ne s'est pas prononcé sur le fond de la requête et elle n'aurait donc rien apporté au débat qui porte sur les mesures d'exécution de l'arrêt du 27 février 1992.

52.
    La Commission considère que tous les moyens invoqués par le requérant se fondent sur une fausse prémisse selon laquelle le Tribunal a déjà statué de manière à l'obliger à accorder au requérant le capital prévu à l'article 73 du statut, ce qui correspondrait à une invalidité permanente totale et cela, sans avis ou expertise médicaux supplémentaires. Pour la Commission, seule une telle confusion peut porter à conclure qu'il y a eu inexécution de l'arrêt du 27 février 1992. Elle fait valoir, au contraire, qu'elle a toujours voulu exécuter l'arrêt dans tous ses termes.

53.
    Pour contester plus précisément ce moyen d'annulation, la Commission observe que le principe de l'autorité de la chose jugée n'a pas à être appliqué au cas d'espèce étant donné que le Tribunal a confirmé, dans son ordonnance du 5 octobre 1995, que l'arrêt du 27 février 1992 ne portait pas sur l'article 73 du statut tandis qu'en l'espèce, il s'agit de l'application de ladite disposition du statut. Selon elle, les diverses références à l'arrêt du 27 février 1992 faites par le requérant ne modifient pas cette appréciation.

54.
    Enfin, la Commission précise que, puisque le motif d'annulation dans l'arrêt du 27 février 1992 était la confusion entre les procédures des articles 73 et 78 du statut, il lui incombait de reprendre à nouveau les deux volets, ce qu'elle a fait en ouvrant d'abord la voie à une décision au titre dudit article 78, laquelle ne dépendait pas d'une décision sur les éléments propres à l'article 73 du statut.

55.
    En ce qui concerne la valeur du rapport du Dr Leuenberger auquel le requérant rattache étroitement son argumentation, la Commission fait valoir que ce rapport ne pouvait s'imposer à l'AIPN parce qu'il ne constitue pas des conclusions émises par le médecin désigné par l'institution comme celles visées à l'article 19 de la réglementation de couverture, mais une expertise médicale visée à l'article 18 de ladite réglementation.

56.
    En outre, la Commission considère, d'une part, que le rapport du Dr Leuenberger ne permettait pas, de toute façon, de conclure sans autres considérations à une invalidité permanente partielle donnant lieu à une indemnisation et, d'autre part, que, en tout état de cause, le requérant se trompe en prétendant que le rapport du Dr Leuenberger permet de conclure qu'il serait atteint d'un taux d'invaliditépermanente totale de 100 %. Elle rappelle que ce rapport considère que M. Plug a «un discours cohérent avec un vocabulaire riche et nuancé», «un cours de la pensée normal», qu'il «ne présente aucune pathologie psychosensorielle» et dispose d'une «mémoire intacte» et d'une «intelligence vraisemblablement supérieure à la moyenne». Or, il serait simplement incompréhensible de prétendre qu'une personne ayant ces caractéristiques est atteinte d'une invalidité permanente totale pour des raisons psychiques entraînant un taux de 100 %, une telle atteinte ne pouvant être constituée que par une maladie mentale profonde et irréversible.

Appréciation du Tribunal

57.
    Aux termes de l'article 176 du traité, «[l]'institution ou les institutions dont émane l'acte annulé, ou dont l'abstention a été déclarée contraire au présent traité, sont tenues de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice».

58.
    Pour se conformer à l'arrêt et pour lui donner pleine exécution, l'institution est tenue de respecter non seulement le dispositif de l'arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu'ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d'une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d'autre part, font apparaître les raisons exactes de l'illégalité constatée dans le dispositif et que l'institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l'acte annulé (voir arrêt Frederiksen/Parlement, précité, point 31).

a) Sur l'interprétation de l'arrêt du 27 février 1992

59.
    Il y a lieu de rappeler que, par son arrêt du 27 février 1992 (point 105), le Tribunal a annulé la décision de la Commission du 25 avril 1989, notamment, «en ce qu'elle clôt le dossier du requérant au titre de l'article 73 du statut en prenant acte de ce que la Commission n'a pas été mise en mesure de statuer sur la demande du requérant.» Il s'ensuit nécessairement que la procédure de l'article 73 du statut est restée ouverte après le prononcé de l'arrêt et que, partant, la Commission devait réengager la procédure d'octroi d'une éventuelle indemnité sur la base de l'article 73 du statut.

60.
    Cette conclusion est conforme à l'approche suivie par le Tribunal dans son ordonnance du 5 octobre 1995, par laquelle il a déclaré irrecevable la demande en interprétation, estimant au point 8 in fine que «le requérant n'invoque pas, à l'appui de sa demande, une obscurité ou une ambiguïté qui entacherait la portée du dispositif de l'arrêt du 27 février 1992 en liaison, éventuellement, avec des motifs essentiels de cet arrêt, mais vise à tirer de certains passages de ces motifs des conséquences pour obtenir de la Commission une décision au titre de l'article 73 du statut qui n'a pas fait l'objet de cet arrêt».

61.
    Il ressort également des motifs de l'arrêt du 27 février 1992 que le Tribunal ne s'est pas prononcé de façon spécifique et définitive ni sur la manière dont la Commission, à la suite du prononcé de l'arrêt, devait réengager et terminer la procédure d'octroi de l'indemnité prévue à l'article 73 du statut, ni, en particulier, sur la question de savoir si, compte tenu des informations dont elle disposait, la Commission devait déterminer l'éventuel taux d'invalidité permanente du requérant sur la seule base du rapport du Dr Leuenberger. En outre, le Tribunal ne s'est pas plus prononcé sur le point de savoir si la Commission était empêchée de demander à son médecin-conseil de rendre ses conclusions comme il est prévu à l'article 19 de la réglementation de couverture.

62.
    L'interprétation des points 89 et 103 soutenue par le requérant ne saurait être retenue.

63.
    Il est vrai que dans la dernière phrase de ce point 89, le Tribunal a affirmé que, «[en] l'espèce et en l'absence de raison justifiant le recours à un autre expert, la Commission aurait dû alors prendre la décision prévue à l'article 19 de la réglementation de couverture». Toutefois, cette affirmation a été faite dans le cadre de l'examen d'un moyen dans lequel le Tribunal a examiné si la Commission avait commis un détournement de pouvoir en refusant systématiquement de tirer les conséquences des avis médicaux se prononçant sur l'origine professionnelle de la maladie.

64.
    À cette fin, le Tribunal a d'abord constaté, au point 88 de l'arrêt, que la Commission avait désigné successivement trois experts médicaux en leur demandant d'établir un rapport concernant la maladie du requérant et son origine et que les trois rapports (celui du Dr Grandchamp du 28 août 1985, celui du Dr Vonlanthen du 22 janvier 1986, et celui du Dr Leuenberger du 23 avril 1988) avaient coïncidé quant à l'existence d'une relation de cause à effet entre la maladie du requérant et l'exercice de ses fonctions. Ensuite, il a précisé que, aux termes de l'article 18 de la réglementation de couverture, «l'administration peut solliciter toute expertise médicale nécessaire pour l'application de la présente réglementation» et que, «à ce stade de la procédure, l'administration n'est pas liée par les conclusions émises par un médecin désigné par elle, elle est libre de suivre ou non de telles conclusions ou de solliciter des expertises supplémentaires» (arrêts de la Cour du 29 novembre 1984, Suss/Commission, 265/83, Rec. p. 4029, point 18, et du 23 avril 1986, Bernardi/Parlement, 150/84, Rec. p. 1375, point 35). À ce point du raisonnement, le Tribunal a considéré que l'«on ne saurait toutefois déduire des dispositions et de la jurisprudence précitées que l'administration a le droit de désigner indéfiniment de nouveaux experts médicaux sans motiver sa décision, pour la seule raison qu'elle n'est pas d'accord avec leurs conclusions. Sous cet aspect, le Tribunal relève qu'aucune motivation n'a été fournie par la Commission pour justifier le refus opposé aux rapports établis par les Drs Grandchamp et Vonlanthen».

65.
    Ensuite, au point 89, après avoir analysé le rapport du Dr Leuenberger, le Tribunal a affirmé que, «en l'espèce et en l'absence de raison justifiant le recours à un autre expert, la Commission aurait dû alors prendre la décision prévue à l'article 19 de la réglementation de couverture». Toutefois, il convient de constater que, si le Tribunal a considéré que, dans les circonstances de l'espèce, la Commission n'aurait pas dû attendre plus en suspendant la procédure, il n'a pas constaté que la Commission était en mesure de prendre cette décision immédiatement. En effet, d'une part, le Tribunal a condamné le fait que la Commission, poursuivant d'autres buts, a retardé, sans justifications légitimes, la procédure d'adoption de la décision au titre dudit article 19. D'autre part, le Tribunal n'a pas conclu que l'AIPN pouvait adopter la décision au titre de cet article sans entendre «les conclusions émises par le médecin désigné par l'institution» au sens de cette disposition.

66.
nt qu'acte préparatoire de la prise de décision sur l'octroi de l'indemnité, comme prévu à l'article 19 de la réglementation de couverture.

b) Sur les mesures adoptées par la Commission à la suite de l'arrêt du 27 février 1992

67.
    Il convient à présent de déterminer si les mesures prises par la Commission pour exécuter l'arrêt du 27 février 1992 sont conformes à l'arrêt et aux dispositions applicables.

68.
    Il convient de relever, en premier lieu, que la Commission se devait d'adopter la décision prévue à l'article 19 de la réglementation de couverture. Aux termes de cet article, «les décisions relatives à la reconnaissance [...] de l'origine professionnelle de la maladie ainsi qu'à la fixation du degré d'invalidité permanente [...] sont prises par l'[AIPN] suivant la procédure prévue à l'article 21:

-    sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions

et

-    si le fonctionnaire le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à l'article 23.»

69.
    Il s'ensuit que, à la suite du prononcé de l'arrêt du 27 février 1992, aux fins d'accorder au requérant l'indemnité prévue à l'article 73 du statut, la Commission devait adopter une décision déterminant, d'une part, l'origine professionnelle de la maladie dont le requérant était atteint et, d'autre part, le degré d'invalidité permanente aux fins de l'application de ladite disposition du statut. S'agissant de l'origine professionnelle de la maladie, par lettre du 22 octobre 1992, le directeur général a informé le conseil du requérant que, après avoir réexaminé le dossier du requérant, la commission d'invalidité avait conclu que l'invalidité de l'intéressé lui était apparue en relation directe avec une cause professionnelle. Partant, à la suitede cette reconnaissance, dans le cadre de la procédure au titre de l'article 73, la Commission devait uniquement adopter la décision fixant le degré d'invalidité permanente. Or, il ressort de la teneur littérale de l'article 19 de la réglementation de couverture qu'une telle décision devait être prise par l'AIPN «sur base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions».

70.
    En deuxième lieu, et contrairement à ce que soutient le requérant, les expertises médicales des Drs Grandchamp, Garrone et Leuenberger ne pouvaient être considérées comme des conclusions au sens dudit article 19. En effet, il ressort clairement des articles 17 à 22 de la réglementation de couverture, d'une part, que les expertises médicales auxquelles se réfère l'article 18 sont celles que l'institution peut solliciter dans le cadre de l'enquête prévue à l'article 17, en vue de recueillir tous les éléments permettant d'établir la nature de l'affection, son origine professionnelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s'est produite et, d'autre part, que c'est au vu du rapport d'enquête résumant les expertises médicales ainsi réalisées que le ou les médecins désignés par l'institution émettent les conclusions prévues dans cet article 19, et que seules ces conclusions ou, le cas échéant, celles d'une commission médicale, s'imposent à l'institution.

71.
    Partant, c'est à tort que le requérant considère que la Commission, pour adopter la décision au titre de l'article 19 précité, aurait dû se baser directement sur la rapport du Dr Leuenberger. Cet argument confond la notion d'expertise médicale visée à l'article 18 avec la notion très spécifique de «conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions» prévue à l'article 17, paragraphe 2, troisième alinéa, et à l'article 19 de la réglementation de couverture. En effet, l'expertise du Dr Leuenberger était une expertise relevant de celles visées à l'article 18 de la réglementation de couverture et non pas un avis ou une conclusion émis «par le ou les médecins désignés par les institutions» au sens dudit article 19. Seul un avis, d'une part, donné par le médecin de l'AIPN ou la commission médicale et, d'autre part, indiquant le taux exact d'invalidité permanente, pourrait constituer la base permettant à l'AIPN de prendre une décision octroyant le capital prévu à l'article 73 du statut. Or, aucune de ces deux conditions n'était remplie par le rapport du Dr Leuenberger, qui n'avait pas été désigné comme médecin de l'AIPN au sens de cet article.

72.
    En troisième lieu, il ressort de la lettre du 18 février 1993 du directeur général que l'AIPN avait désigné le Dr Dalem, assisté du Dr Graber, comme médecin de l'institution afin d'émettre les conclusions au vu desquelles, conformément à l'article 19 de la réglementation de couverture, la Commission arrêterait sa décision sur le taux d'invalidité. Partant, les rapports du Dr Dalem du 10 septembre 1993 et du 18 octobre 1996, reposant tous deux sur le rapport du Dr Graber, constituent bien un avis au sens de l'article 19 de la réglementation de couverture.

73.
    Par ailleurs, c'est à tort que le requérant interprète le rapport du Dr Leuenberger comme lui reconnaissant un taux d'invalidité permanente de 100 % et considèreque les conclusions du Dr Dalem ne pouvaient se départir de cette conclusion. La thèse du requérant méconnaît la distinction fondamentale entre l'invalidité permanente au sens de l'article 78 du statut, notion équivalant à l'incapacité de travail et donc au besoin d'un revenu de remplacement sous forme d'une pension d'invalidité, et l'invalidité permanente au sens de l'article 73 du statut, équivalant à l'atteinte à l'intégrité physique ou psychique, une distinction fondamentale que le Tribunal a reconnue dans son arrêt du 27 février 1992. Il ressort du rapport du Dr Leuenberger lui-même que le requérant a un discours cohérent avec un vocabulaire riche et nuancé, un cours de la pensée normal, qu'il ne présente aucune pathologie psychosensorielle et dispose d'une mémoire intacte et d'une intelligence vraisemblablement supérieure à la moyenne. Comme le fait valoir à juste titre la Commission, une personne ayant ces caractéristiques ne saurait être atteinte d'une invalidité permanente totale pour des raisons psychiques entraînant un taux de 100 %, une telle invalidité ne pouvant être constituée que par une maladie mentale profonde et irréversible. Selon le barème annexé à la réglementation de couverture, une atteinte à l'intégrité psychique correspondant à un taux de 100 % n'est prévue que dans le cas d'aliénation mentale incurable.

74.
    Or, en l'espèce, il est constant que le requérant ne se trouvait pas dans une telle situation. Il n'est, certes, pas contesté que le requérant était inapte à 100 % au travail. Toutefois, être inapte au travail - incapacité qui fait l'objet de l'article 78 du statut - et être atteint d'une invalidité permanente à 100 % au titre de l'article 73 du statut sont deux choses totalement différentes. En effet, si une invalidité totale au sens dudit article 73 entraîne en général une incapacité de travail de 100 %, l'inverse n'est pas forcément vrai car un fonctionnaire peut être totalement inapte au travail au sens dudit article 78, tout en ne souffrant que d'une invalidité permanente partielle très réduite au sens dudit article 73. Comme le Tribunal l'a expressément relevé au point 89 de son arrêt, lorsque le Dr Leuenberger a conclu à un taux d'invalidité de 100 %, il se référait à la notion d'incapacité totale de travail donnant droit à une pension d'invalidité visée à l'article 78 du statut et non à l'invalidité découlant d'un dommage physique ou psychique visée à l'article 73 du statut.

75.
    Enfin, force est de constater que, pour les raisons précédentes, la Commission ne pouvait se limiter à entériner le rapport du Dr Leuenberger dans une décision au titre de l'article 19 du statut et octroyer une indemnisation équivalant à une invalidité de 100 %, comme le prétend le requérant.

76.
    Dans ces circonstances, il ne peut pas être reproché à la Commission d'avoir demandé aux médecins désignés par elle d'émettre leurs conclusions au titre de l'article 19 du règlement de couverture et, en particulier, de donner un avis médical permettant de statuer sur l'attribution d'un taux d'invalidité permanente partielle. De même, le requérant ne saurait reprocher à la Commission d'avoir demandé aux Drs Dalem et Graber d'essayer de le réexaminer et, compte tenu de son refus, d'analyser tous les rapports contenus dans son dossier médical afin de pouvoir se prononcer sur son taux d'invalidité permanente partielle.

77.
    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas violé le principe de l'autorité de chose jugée, qu'elle a correctement exécuté les obligations découlant de l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992 en considérant que la procédure au titre de l'article 19 de la réglementation de couverture devait être poursuivie et que le déroulement de la procédure au titre dudit article 19 l'a été dans le respect des dispositions en vigueur, sans violer les articles 18 et 19 de la réglementation de couverture.

78.
    Partant, les premier, troisième et quatrième moyens, tirés de la violation de l'autorité de chose jugée et des articles 18 et 19 de la réglementation de couverture, doivent être rejetés.

Sur le deuxième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir

Arguments des parties

79.
    Le requérant estime que, en subordonnant la prise de la décision visée à l'article 19 de la réglementation de couverture à de nouvelles expertises médicales, la Commission a persisté dans une attitude déjà constitutive d'un détournement de pouvoir et sanctionnée, de ce fait, par le Tribunal dans l'arrêt du 27 février 1992. La Commission aurait continué à retarder la procédure et à priver le requérant de ses droits, en refusant à nouveau de tirer les conséquences des avis médicaux, qui, selon le requérant, avaient été considérés par le Tribunal comme parfaitement clairs et suffisants pour prendre la décision au titre de l'article 19 de la réglementation de couverture, sans qu'il soit besoin de recourir à de nouvelles expertises médicales.

80.
    Le requérant invoque le fait que, dès septembre 1993, la défenderesse connaissait les conclusions du Dr Graber, largement négatives pour le requérant, émises dans son rapport du 4 septembre 1993, ainsi que celles du Dr Dalem, qui les a reprises dans le sien, daté du 10 septembre 1993. Le requérant estime que la Commission a volontairement dissimulé les conclusions des Drs Graber et Dalem et a défini sa position quant aux mesures d'exécution de l'arrêt du 27 février 1992 en raison de ces conclusions négatives, ce qui serait prouvé par le fait que, dans ses conclusions du 18 octobre 1996, le Dr Dalem, à nouveau sollicité par la défenderesse en raison, vraisemblablement, de la procédure précontentieuse initiée par le requérant, se bornerait à reprendre la substance de son précédent rapport du 10 septembre 1993.

81.
    La Commission conteste avoir commis le même type de détournement que celui qui a déjà été sanctionné par l'arrêt de 1992 en invoquant les raisons qui sont à la base de sa position dans toute cette affaire. Ainsi, elle rappelle, en premier lieu, que l'ordonnance du 5 octobre 1995 met en évidence que la procédure de l'article 73 du statut restait ouverte. En deuxième lieu, elle rappelle que, loin de tergiverser, elle a constamment pris l'initiative, depuis 1992, de mener toutes les procédures à leur terme, à savoir, relancer la commission d'invalidité en 1992 et charger le DrDalem d'un mandat en 1993 pour réexaminer le requérant quant à l'application dudit article 73. Au surplus, elle rappelle que ce n'est pas elle qui a voulu retarder la procédure en saisissant le Tribunal d'une demande d'interprétation de l'arrêt, qui s'est avérée inutile. Or, pour la Commission, la seule explication du retard enregistré depuis 1992 réside dans le refus du requérant de permettre le bon déroulement de la procédure de l'article 73 du statut.

Appréciation du Tribunal

82.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que la notion de détournement de pouvoir a une portée précise, qui se réfère à l'usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêts du Tribunal du 11 juin 1996, Anacoreta Correia/Commission, T-118/95, RecFP p. I-A-283 et II-835, point 25, et du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T-6/96, RecFP p. I-A-119 et II-357, point 156).

83.
    Il a été jugé que l'attitude adoptée par la Commission à la suite de l'arrêt du 27 février 1992 n'a pas constitué une violation de l'autorité de chose jugée et que la Commission a correctement interprété cet arrêt. En outre, il ressort des faits non contestés du dossier que la Commission a adopté avec célérité les mesures nécessaires pour exécuter ledit arrêt et octroyer au requérant les arriérés de pensions ainsi que les dommages et intérêts et les dépens. En particulier, en ce qui concerne la procédure au titre de l'article 73 du statut, à l'exception de la période comprise entre le 3 juin 1993 et le 5 octobre 1995 où la procédure a été suspendue à la suite de l'introduction par le requérant d'une demande en interprétation, la Commission a précisé à plusieurs reprises au requérant et à son conseil quelles seraient les mesures à prendre pour pouvoir adopter une décision au titre de l'article 19 de la réglementation de couverture; elle a demandé également à plusieurs reprises la collaboration du requérant, qu'il a systématiquement refusée.

84.
    En outre, l'argument tiré du fait que la Commission disposait déjà en 1993 des rapports des Drs Graber et Dalem ne peut non plus être retenu dès lors qu'il a été jugé que les démarches entamées par la Commission à la suite du prononcé de l'arrêt du 27 février 1992 relèvent pleinement d'une volonté d'exécuter rapidement ledit arrêt, à partir d'une interprétation correcte de sa portée.

85.
    Dans ces circonstances, en l'absence d'indices objectifs, pertinents et concordants de la poursuite, par la Commission, de fins autres que celles excipées, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être rejeté comme non fondé.

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de bonne gestion consacré par l'article 15 de l'annexe VIII du statut

Arguments des parties

86.
    Le requérant rappelle que, se référant à la pension d'invalidité visée à l'article 78 du statut, l'article 15 de l'annexe VIII du statut dispose que, «[t]ant que l'ancien fonctionnaire bénéficiant d'une pension d'invalidité n'a pas atteint l'âge de 60 ans, l'institution peut le faire examiner périodiquement en vue de s'assurer qu'il réunit toujours les conditions requises pour bénéficier de cette pension». Pour le requérant, cette disposition consacre un principe de bonne gestion en vertu duquel un fonctionnaire ne saurait indéfiniment faire l'objet de contrôles médicaux pour apprécier s'il continue à présenter une invalidité le mettant dans l'incapacité de travailler. Il soutient que ce principe serait également applicable dans le cadre du pouvoir d'enquête de l'AIPN lorsqu'il s'agit d'entamer la procédure de l'article 73 du statut. Or, compte tenu du fait qu'il a introduit la demande de reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie bien avant d'atteindre les 60 ans, qu'il est aujourd'hui âgé de plus de 69 ans et que son dossier médical contient tous les éléments utiles pour prendre la décision prévue par l'article 19 de la réglementation de couverture, il ne pourrait plus faire l'objet d'expertises médicales au titre de la procédure de reconnaissance de l'article 73 du statut.

87.
    La Commission fait valoir que ce moyen s'appuie sur la prémisse inexacte que l'arrêt du 27 février 1992 a épuisé la question. En réalité, pour la Commission, ce moyen ne concerne ni le principe de bonne administration ni l'article 15 de l'annexe VIII, mais dérive d'un mélange total d'éléments distincts. À cet égard, elle fait valoir, d'une part, que, contrairement à ce que prétend le requérant, elle n'a, à aucun moment, cherché à remettre en question la pension d'invalidité qu'elle a octroyée à M. Plug jusqu'à l'âge de la retraite en le soumettant à de nouveaux examens aux termes de l'article 15 de l'annexe VIII et, d'autre part, que cette disposition n'a absolument rien à voir avec l'avis médical au sens de l'article 19 de la réglementation de couverture qui est le préalable indispensable à toute indemnisation au titre de l'article 73 du statut.

Appréciation du Tribunal

88.
    Comme le souligne la Commission, la disposition invoquée dans ce moyen vise une situation différente de celle visée par l'article 19 de la réglementation de couverture, lequel prévoit l'émission de conclusions de la part du médecin de l'AIPN comme préalable indispensable à toute indemnisation au titre de l'article 73 du statut. La limite d'âge prévue par l'article 15 de l'annexe VIII du statut pour l'examen d'un fonctionnaire bénéficiant d'une pension d'invalidité n'est pas reprise par la réglementation de couverture pour pouvoir établir si un fonctionnaire a été atteint dans son intégrité physique ou psychique.

89.
    Partant, ce moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le sixième moyen, tiré de la violation des formes de la procédure précontentieuse

Arguments des parties

90.
    Le requérant soutient que, puisque sa réclamation n'a pas été examinée par le groupe interservices, la Commission a méconnu les accords pris avec les organisations professionnelles et syndicales en vertu desquels une réunion du groupe interservices doit avoir lieu préalablement à la décision de l'AIPN sur la réclamation introduite par le fonctionnaire.

91.
    La Commission fait observer que sa lettre du 27 novembre 1996 n'était pas, dans son esprit, destinée à rejeter la réclamation en cause, ce qui expliquerait qu'elle n'ait pas fait référence à une réunion du groupe «interservices» consacrée à ce litige. En tout état de cause, elle fait valoir que le requérant ne saurait tirer d'un accord intervenu entre organisations syndicales et professionnelles et l'administration un droit subjectif à une telle réunion, dont la «violation» entraînerait l'annulation d'une décision de fond.

Appréciation du Tribunal

92.
    Il convient de constater que, comme le fait valoir à juste titre la Commission, lorsqu'elle a envoyé sa lettre du 27 novembre 1996, elle n'a pas considéré qu'elle rejetait une réclamation, mais, au contraire, qu'elle initiait une étape de la procédure de reconnaissance de l'invalidité permanente partielle prévue à l'article 19 de la réglementation de couverture.

93.
    Dans ces circonstances, le requérant ne saurait reprocher à la Commission d'avoir violé, en l'espèce, un prétendu accord entre organisations professionnelles et syndicales et l'administration en vertu duquel l'AIPN devait convoquer une réunion du groupe interservices comme préalable à l'adoption d'une décision sur toute réclamation introduite par un fonctionnaire.

94.
    En conséquence, il y a lieu de rejeter ce moyen comme non fondé.

Sur le septième moyen, subsidiaire, tiré de la violation de l'article 73 du statut et de l'article 12 de la réglementation de couverture

95.
    Le requérant invoque, à titre subsidiaire, l'irrégularité, pour plusieurs raisons, du mandat qui a été confié aux nouveaux experts, les Drs Dalem et Graber.

96.
    Le requérant soutient, en premier lieu, que ce mandat méconnaît l'article 73, paragraphe 2, du statut et l'article 12, paragraphe 1, de la réglementation de couverture car, sans motivation aucune, et contrairement à ce qui avait été le cas dans le cadre du mandat du Dr Leuenberger, la Commission a limité la portée de l'examen sollicité envers de nouveaux experts à la seule détermination d'un taux d'invalidité permanente partielle, en excluant, par conséquent, la possibilité pour ceux-ci d'envisager l'hypothèse que le requérant puisse être atteint d'une invalidité permanente totale.

97.
    Le Tribunal considère que ce grief doit être rejeté car le fait que, dans le cadre de ce mandat, il a été demandé au Dr Dalem de se prononcer sur «la fixation de l'invalidité permanente partielle» dont reste atteint le requérant ne permet pas d'invoquer une violation de l'article 73, paragraphe 2, du statut et de l'article 12, paragraphe 1, de la réglementation de couverture. Il suffit, à cet égard, de relever que, bien que la teneur littérale d'un mandat invite le médecin à se prononcer sur le taux d'invalidité permanente partielle, compte tenu de la souveraineté du médecin dans son appréciation médicale, celui-ci reste parfaitement libre, à la suite de son examen, de parvenir à la conclusion que le taux d'invalidité est, en réalité, de 100 %, c'est-à-dire, de conclure que le malade a une invalidité permanente totale.

98.
    En deuxième lieu, le requérant estime que ce mandat a violé l'article 73 du statut en ce qu'il demande aux experts de procéder à la détermination de l'influence éventuelle de l'état antérieur du requérant, étant entendu que «la lésion de membres ou organes déjà infirmes n'est indemnisée que par différence entre l'état avant ou après l'entrée en fonction». Cette approche du mandat limiterait l'application dudit article 73 à la seule fraction du facteur «exercice des fonctions professionnelles» dans le taux d'invalidité, les experts étant invités à se prononcer sur le taux global d'invalidité permanente et sur la fraction de chacun des facteurs ayant éventuellement contribué à la maladie. Or, ni le statut ni la réglementation de couverture ne prévoiraient une telle limitation.

99.
    Le Tribunal considère que cet argument ne saurait être retenu. Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 73, paragraphe 1, du statut, «[d]ans les conditions fixées par une réglementation établie d'un commun accord des institutions des Communautés, [...] le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d'accident». Il s'ensuit que, comme le souligne la Commission, l'indemnité prévue pour cause d'invalidité permanente partielle causée par les fonctions exercées par le requérant auprès de la Commission ne peut concerner les conséquences, à cet égard, des fonctions exercées antérieurement auprès d'un autre employeur. Partant, le fonctionnaire n'a droit aux prestations prévues à l'article 73 du statut que lorsque le facteur de déclenchement, à savoir, l'accident ou la maladie professionnelle, intervient après son entrée en fonction. Or, la Commission ne peut être empêchée de formuler les mandats des médecins de façon à tenter d'obtenir le maximum d'informations possible pour appliquer correctement le statut. Enfin, il y a lieu de rappeler que, à cet égard, la Cour a jugé que la pension d'invalidité pour cause de maladie professionnelle au titre de l'article 78 du statut et la couverture contre les risques de maladie professionnelle au sens de l'article 73 du statut sont des prestations destinées «à compenser les conséquences économiques d'une même cause d'invalidité qui se rattache aux activités professionnelles effectivement et régulièrement exercées au service des Communautés» (arrêt de la Cour du 4 octobre 1991, Commission/Gill, C-185/90 P, Rec. p. I-4779, point 14).

100.
    En troisième lieu, le requérant considère que le mandat était irrégulier en ce qu'il n'indique pas aux experts que la relation causale entre la maladie et l'exercice des fonctions ne saurait être mise en cause car elle avait déjà été établie par les conclusions de la commission d'invalidité du 8 mai 1992 et reconnue par la Commission par décision du 3 août 1992 accordant le bénéfice de la pension d'invalidité sur la base de l'article 78, deuxième alinéa, du statut.

101.
    Le Tribunal estime que cet argument doit être rejeté en ce qu'il est manifestement dépourvu de tout fondement, le mandat en question ne se référant en aucune manière à la question de l'origine professionnelle de la maladie du requérant.

102.
    En dernier lieu, le requérant expose que le mandat viole l'article 12 de la réglementation de couverture en ce qu'il a demandé au nouvel expert de procéder à la fixation du taux de l'invalidité permanente partielle en relation avec le barème visé dans l'annexe de ladite réglementation, alors que le Tribunal avait établi, au point 99 de son arrêt du 27 février 1992, que, «pour déterminer l'origine de l'invalidité du requérant, aucune référence n'était nécessaire au barème annexé à la réglementation de couverture, lequel concerne les dommages indemnisables au titre de l'article 73». Le Tribunal en aurait déduit que, par conséquent, la Commission n'était pas fondée à se référer audit barème, non pas parce que le requérant était atteint d'invalidité totale, comme il le soutenait, mais parce que ce barème, selon l'article 12, paragraphe 2, de ladite réglementation, avait pour but de déterminer le degré d'invalidité permanente partielle en cas d'atteinte à l'intégrité corporelle ou physique, indemnisable au titre de l'article 73, ce qui n'était pas le cas du requérant, selon le Dr Leuenberger. Or, pour le requérant, il ne peut être contesté que son invalidité est de nature psychologique et non physique. De ce fait, le mandat ne pourrait pas se référer au barème de l'annexe de la réglementation. La fixation du taux d'invalidité dont reste atteint un fonctionnaire serait une appréciation de nature médicale qui devrait être faite par l'expert dans le cadre du mandat qui lui est confié, librement et sans référence au barème, contrairement à ce qui aurait été le cas de l'examen du Dr Dalem, en l'espèce.

103.
    Le Tribunal considère que ce grief ne peut pas, non plus, être retenu. Le requérant fait une interprétation erronée du point 99 de l'arrêt. Il ressort de ce point que le Tribunal n'a pas dit que le barème n'est pas pertinent dans le cas de lésions psychiques, mais tout simplement que le barème, qui était pertinent pour appliquer l'article 73 du statut, ne devait pas être utilisé lorsqu'il s'agit de déterminer l'origine professionnelle, ou non, de l'invalidité du requérant aux fins de l'application de l'article 78 du statut. C'est également à tort que le requérant soutient que le barème, et donc la notion d'invalidité permanente partielle, n'ont pas de sens dans le cas de lésions psychologiques car, considérer fondée une telle thèse reviendrait à accepter une conclusion absurde, à savoir que, s'agissant d'une invalidité pour une raison qui n'est pas physique, la détermination du taux d'invalidité aux fins de l'article 73 du statut ne pourrait conduire qu'à la conclusion que, soit le fonctionnaire est indemne, soit il est invalide à 100 %.

104.
    Enfin, il ressort de la teneur littérale de l'article 12, paragraphe 2, de la réglementation de couverture et de la logique propre au système que, en cas d'invalidité permanente partielle, le capital auquel le fonctionnaire a droit en vertu de l'article 73 du statut est calculé par rapport au capital auquel il aurait droit s'il s'agissait d'une invalidité permanente totale au sens dudit article, en fonction des taux d'invalidité prévus dans le barème annexé à ladite réglementation. Dans ces circonstances, le requérant ne peut invoquer une quelconque prétendue violation dudit article 12, en ce que le mandat demandait au médecin désigné par l'institution de procéder à la fixation de l'invalidité permanente partielle, en relation avec le barème visé dans l'annexe à cette réglementation.

105.
    Il y a lieu, partant, de rejeter ce septième moyen, comme non fondé.

Sur le huitième moyen, subsidiaire, tiré de la violation des articles 17, paragraphe 2, et 19 de la réglementation de couverture

Arguments du requérant

106.
    Le requérant fait valoir également, à titre subsidiaire, qu'en arrêtant le projet de décision sur la base du rapport du Dr Dalem, la Commission a violé l'article 17, paragraphe 2, de la réglementation de couverture. Il rappelle, d'une part, que cette disposition charge l'administration de procéder à une enquête en vue de recueillir les éléments lui permettant de prendre la décision visée par l'article 19 de ladite réglementation car; «[a]u vu du rapport d'enquête, le ou les médecins désignés par les institutions émettent les conclusions prévues à l'article 19» et, d'autre part, aux termes dudit article 19, la décision est prise «sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions» .

107.
    À cet égard, le requérant fait valoir qu'en octobre 1992 le Dr Dalem a été chargé par la Commission de dresser un rapport d'expertise en répondant aux questions du mandat, ce qu'il a fait le 10 septembre 1993 sur la base des conclusions du Dr Graber. Or, selon le requérant, lorsque le Dr Dalem a communiqué son rapport à la Commission, il a épuisé la mission qui lui avait été confiée et, par conséquent, il ne pouvait établir un nouveau rapport sur l'état de santé du requérant qu'après avoir été à nouveau dûment saisi en ce sens par un nouveau mandat de la Commission. Le nouveau rapport du Dr Dalem du 18 octobre 1996 aurait été émis sans mandat, à la suite d'un entretien du médecin avec des fonctionnaires de la Commission. Or, étant donné que le projet de décision de la Commission reposerait sur les conclusions dressées par le Dr Dalem dans son nouveau rapport d'expertise émis le 18 octobre 1996 sans qu'un nouveau mandat ait été formulé, la Commission aurait violé les articles 17, paragraphe 2, et 19 de la réglementation de couverture.

Appréciation du Tribunal

108.
    La thèse du requérant selon laquelle le rapport du Dr Dalem du 18 octobre 1996 avait été émis sans mandat de l'institution manque en fait.

109.
    Il ressort du dossier que, par lettre du 9 janvier 1996, le requérant a demandé à la Commission de lui communiquer le nom et les qualités du ou des médecins désignés par elle ainsi que le texte du mandat conféré dans le cadre de cette mission.

110.
    Ensuite, par lettre du 31 janvier 1996, le chef de l'unité IX.B.5 a porté à la connaissance du requérant que la Commission avait désigné le Dr Dalem, assisté du Dr Graber, comme médecins-conseils. Il a également été transmis au requérant une copie du mandat confié à ces médecins.

111.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que prétend le requérant, un mandat a été formulé en 1996 par l'institution. Le fait que le rapport fasse référence à un entretien du médecin avec le chef de l'unité IX.B.5 n'est pas de nature à infirmer cette conclusion.

112.
    Eu égard à ce qui précède, le moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le neuvième moyen, subsidiaire, tiré du manque de motivation régulière du rapport du Dr Graber et des rapports du Dr Dalem

Arguments du requérant

113.
    Le requérant soutient, à titre subsidiaire, que les rapports des Drs Graber et Dalem ne contiennent pas de motivation permettant d'apprécier les considérations sur lesquelles ils sont basés et qu'ils sont pareillement dénués de lien compréhensible entre les constatations médicales examinées et leurs conclusions.

114.
    Il soutient que le taux de 10 % retenu est motivé, d'une part, par la prétendue imprécision des rapports des Drs Grandchamp et Leuenberger et, d'autre part, par une série d'affirmations contenues dans le rapport de ce dernier sur une certaine «normalité» du requérant. Or, ce dernier fait valoir qu'il n'est pas contesté que sa maladie est une dépression réactionnelle à une dépréciation de son image, liée à la perte de son statut professionnel et social et qu'il ressort du rapport du Dr Leuenberger que la cause directe de l'invalidité étant la perte des fonctions professionnelles, toute diminution de l'invalidité ne pourrait être envisagée que dans le cas d'une reprise de ses fonctions professionnelles. Il en découlerait que les éléments retenus par le Dr Graber pour justifier le taux de 10 % sont sans lien compréhensible avec les constatations médicales.

115.
    Enfin, les rapports des experts ne contiendraient aucun élément permettant de comprendre pourquoi ces experts ont retenu un taux plutôt qu'un autre ni les raisons pour lesquelles le Dr Dalem a proposé dans son premier rapport un taux de 10 %, puis, dans son second, un taux de 15 %.

Appréciation du Tribunal

116.
    L'obligation de motivation a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l'acte lui faisant grief et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à ce dernier d'exercer son contrôle (arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Sergio e.a./Commission, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, Rec, p. 1399, point 48, et du Tribunal du 18 décembre 1997, Delvaux/Commission, T-142/95, RecFP p. I-A-477 et II-1247, point 84).

117.
    Il ressort de la jurisprudence que le contrôle juridictionnel des avis médicaux ne saurait s'étendre aux appréciations médicales proprement dites, qui doivent être tenues pour définitives dès lors qu'elles sont intervenues dans des conditions régulières. En revanche, le Tribunal est compétent pour examiner si un avis médical contient une motivation permettant d'apprécier les considérations sur lesquelles les conclusions qu'il contient sont basées (voir, dans ce sens, arrêt de la Cour du 12 janvier 1983, K./Conseil, 257/81, Rec. p. 1, point 17) et s'il a établi un lien compréhensible entre les constatations médicales qu'il comporte et lesconclusions auxquelles il arrive (voir, dans ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1987, Jänsch/Commission, 277/84, Rec. p. 4923, point 15, et arrêt du Tribunal du 27 février 1992, point 75).

118.
    S'agissant de la prétendue insuffisance de motivation, l'argument du requérant ne peut pas être retenu. Le rapport du Dr Graber, auquel se réfère celui du Dr Dalem, explique clairement pourquoi le rapport du Dr Leuenberger doit être considéré comme incomplet et inapte à fonder une appréciation du taux de l'invalidité permanente partielle. Le rapport du Dr Graber expose que le rapport du Dr Leuenberger ne contient aucune référence aux critères de diagnostic communément établis, ne fournit aucune appréciation de l'intensité des symptômes anxieux et dépressifs, ne donne aucune référence à une échelle psychométrique alors qu'il est de pratique courante d'y recourir; enfin, l'examen psychiatrique noté par le Dr Leuenberger étant laconique, il serait difficilement exploitable. Le Dr Graber semble considérer qu'il y a même contradiction entre le fait, pour le Dr Leuenberger, de constater que l'attitude, le discours, la pensée, la mémoire et l'intelligence du patient sont normales et le fait qu'il constate que ce dernier souffre d'une pathologie. Il relève que le Dr Leuenberger ne note qu'une «tonalité affective de type dépressif constant», expression qui laisse planer le doute quant à la question de savoir s'il y a pathologie. Le Dr Graber considère comme acquis l'existence d'une dépression et le fait qu'elle est liée à l'activité professionnelle du requérant, même s'il semble penser que d'autres aspects de la vie de l'intéressé auraient également dû être explorés, en tant qu'éventuelles causes concomitantes des symptômes.

119.
    En ce qui concerne le prétendu manque de lien compréhensible entre les constatations médicales et les conclusions des rapports des Drs Graber et Dalem, contrairement à ce que soutient le requérant, la fin du rapport du Dr Graber, sur lequel est basé le rapport du Dr Dalem, explique de manière très compréhensible pourquoi le taux ne peut pas dépasser 10 %: «[l]'intéressé est capable de mener une vie active, dans la mesure où il lui est possible de se déplacer et, comme le signale le Dr Leuenberger, d'avoir une attitude normale face à autrui, de tenir un discours cohérent 'avec un vocabulaire riche et nuancé‘, d'avoir un cours de pensée normal sans ralentissement ni blocage ni déraillement, d'avoir une mémoire intacte, d'avoir une intelligence supérieure à la normale et de ne présenter aucune pathologie psychosensorielle, aucun phénomène délirant interprétatif ou projectif.» Enfin, contrairement à ce que prétend le requérant, la cohérence entre les conclusions précédentes et les constatations médicales contenues dans le rapport du Dr Leuenberger n'est pas atteinte par le fait que ce médecin a également considéré que la cause directe de l'invalidité a été la perte des fonctions professionnelles et que toute diminution de l'invalidité ne pourrait être envisagée que dans le cas d'une reprise desdites fonctions.

120.
    En outre, comme le souligne la Commission, le fait que le Dr Dalem ait pu admettre un taux entre 10 et 15 % ne devrait pas soulever de critiques de la part du requérant. Cette conclusion, entièrement favorable à celui-ci, a été justifiée parl'éventualité d'une évolution de son état depuis 1993, comme cela est indiqué très explicitement par ce spécialiste.

121.
    Enfin, il y a lieu de rappeler que le requérant a décidé de ne pas saisir la commission médicale prévue aux articles 21 et 23 de la réglementation de couverture, bien que la Commission lui ait expressément rappelé cette possibilité dans la lettre du 27 novembre 1996 par laquelle il a eu connaissance desdits rapports. En effet, c'est dans le cadre d'une telle commission qu'il aurait pu valablement contester, non seulement les prétendus défauts de motivation et de cohérence, mais aussi les appréciations médicales proprement dites par le biais du médecin désigné par lui.

122.
    Eu égard à ce qui précède, ce moyen doit être rejeté comme non fondé.

123.
    En conséquence, toutes les conclusions en annulation soulevées en l'espèce sont rejetées comme non fondées.

2. Sur les conclusions en indemnité

Arguments des parties

124.
    Le requérant soutient que l'illégalité du comportement de la Commission résulte des nombreuses violations du statut et de la réglementation de couverture relevées dans le cadre des moyens d'annulation et qui se sont concrétisées dans la décision attaquée. Il fait valoir que la persistance du comportement illégal de la Commission pendant treize ans, depuis sa demande du 24 janvier 1984, ou à tout le moins pendant cinq ans, depuis l'arrêt du 27 février 1992, a eu un effet préjudiciable sur sa santé physique et psychique.

125.
    Il soutient avoir subi, en plus du préjudice physique, un préjudice moral tenant à l'état d'incertitude dans lequel il s'est trouvé depuis treize ans et que les décisions attaquées sont venues indûment prolonger et il considère que ce préjudice est d'autant plus grand que la Commission a reproduit, après le 27 février 1992, un comportement illégal déjà condamné par le Tribunal.

126.
    Quant à l'évaluation du préjudice, le requérant estime qu'il correspond à l'équivalent de treize années de traitements salariaux, soit les treize années pendant lesquelles la Commission a commis et répété des comportements illégaux, refusant de mener régulièrement à son terme la procédure de l'article 73 du statut. Le montant précis de l'indemnité devrait être fixé en tenant compte du montant de la rémunération à laquelle le requérant aurait eu droit au jour du prononcé de l'arrêt, augmenté des intérêts de retard, à 8 % l'an, à compter de la date de l'arrêt à intervenir.

127.
    La Commission conteste la recevabilité des conclusions en indemnité du requérant en tant qu'elles visent à obtenir directement du Tribunal une compensation qui ne pourrait résulter que d'une décision de l'AIPN par laquelle cette dernière accorderait une invalidité permanente partielle de 100 % (telle que doit être comprise la demande du requérant), sur la base d'un avis médical conforme qui s'imposerait à elle. Or, pour la Commission, le requérant ne peut échapper à cette exigence procédurale en présentant, en tant que demande en dommages et intérêts, la même prétention indemnitaire que celle à laquelle il prétend avoir droit au titre de son invalidité, ce qui reviendrait à faire du Tribunal une commission médicale, fonction manifestement exorbitante de sa compétence juridictionnelle.

128.
    La Commission constate que, aux dires mêmes du requérant, les conclusions en indemnité de ce dernier sont directement liées à ses conclusions en annulation et affirme que, puisque ces dernières reposent sur la fausse prémisse que la Commission n'aurait pas exécuté l'arrêt du 27 février 1992 en ce qui concerne l'article 73 du statut, le rejet des conclusions en annulation comme non fondées entraînera nécessairement le rejet des conclusions en indemnité.

129.
    En tout état de cause et à titre subsidiaire, la Commission tient à contester l'obligation de réparation et, en particulier, la durée de treize ans proposée par le requérant, étant donné, notamment, que depuis l'arrêt du 27 février 1992, il a, de son fait, retardé la procédure.

130.
    Enfin, elle considère comme abusif de parler d'un état d'incertitude ayant duré treize ans, la période entre 1982 et 1992 ayant déjà été comprise dans le dédommagement accordé par l'arrêt du 27 février 1992, également en ce qui concerne le préjudice moral, et elle réfute toute responsabilité dans la prolongation de la procédure après 1992.

Appréciation du Tribunal

131.
    S'agissant de la recevabilité de la demande en indemnité, il ressort d'une jurisprudence constante que, lorsqu'il existe un lien étroit entre un recours en annulation et une action en indemnité, comme c'est le cas en l'espèce, cette dernière action est recevable au même titre que le recours en annulation (voir en ce sens les arrêts du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. I-A-23 et II-83, point 37, et du 26 octobre 1994, Marcato/Commission, T-18/93, RecFP p. I-A-215 et II-681, point 58). Partant, la demande introduite en l'espèce est recevable, sauf en ce qui concerne la période qui s'est écoulée entre 1984 et la date de l'arrêt dans l'affaire T-165/89, à savoir le 27 février 1992, période qui a déjà été couverte par le dispositif de l'arrêt du Tribunal octroyant une indemnité au requérant.

132.
    La responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre lecomportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30).

133.
    La condition tenant à l'illégalité du comportement de l'institution n'étant pas remplie en l'espèce, compte tenu du fait qu'aucun des moyens d'annulation, seuls présentés par le requérant à l'appui de son recours en indemnité, n'a été retenu comme fondé, il y a lieu de rejeter également les conclusions en indemnité.

Sur les dépens

134.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En vertu de l'article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Toutefois, aux termes de l'article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce règlement, le Tribunal peut condamner une partie à rembourser à l'autre partie les frais qu'elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

135.
    Le Tribunal estime qu'en l'espèce il est justifié de faire application de cette dernière disposition. En effet, face à l'attitude diligente et coopérative que la Commission a montré pour exécuter l'arrêt du 27 février 1992, le requérant a refusé, même après l'ordonnance du Tribunal du 5 octobre 1995 déclarant irrecevable sa demande en interprétation dudit arrêt, de collaborer avec la Commission, obligeant celle-ci à entamer la procédure au titre de l'article 73 du statut sans disposer des informations médicales complètes et actualisées nécessaires. Compte tenu de ce qui précède et eu égard à la teneur du droit et de la jurisprudence applicable, le requérant a formé le présent recours en pouvant aisément prévoir son résultat. Dès lors, il est fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que le requérant supportera, outre ses propres dépens, ceux de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1.
    Le recours est rejeté.

2)    Le requérant supportera ses propres dépens et ceux de la Commission.

García-Valdecasas
Lindh
Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 juin 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas

Table des matières

     Faits à l'origine du litige

II - 2

     Procédure

II - 9

     Conclusions des parties

II - 9

     Sur la recevabilité

II - 10

     Sur le fond

II - 10

         1. Sur les conclusions en annulation

II - 10

             Sur les premier, troisième et quatrième moyens, tirés, respectivement, de la violation de l'autorité de chose jugée, et de la violation des articles 18 et 19 de la réglementation de couverture

II - 10

                 Arguments des parties

II - 10

                 Appréciation du Tribunal

II - 14

                     a) Sur l'interprétation de l'arrêt du 27 février 1992

II - 14

                     b) Sur les mesures adoptées par la Commission à la suite de l'arrêt du 27 février 1992

II - 16

             Sur le deuxième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir

II - 19

                 Arguments des parties

II - 19

                 Appréciation du Tribunal

II - 20

             Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de bonne gestion consacré par l'article 15 de l'annexe VIII du statut

II - 20

                 Arguments des parties

II - 20

                 Appréciation du Tribunal

II - 21

             Sur le sixième moyen, tiré de la violation des formes de la procédure précontentieuse

II - 21

                 Arguments des parties

II - 21

                 Appréciation du Tribunal

II - 22

             Sur le septième moyen, subsidiaire, tiré de la violation de l'article 73 du statut et de l'article 12 de la réglementation de couverture

II - 22

             Sur le huitième moyen, subsidiaire, tiré de la violation des articles 17, paragraphe 2, et 19 de la réglementation de couverture

II - 25

                 Arguments du requérant

II - 25

                 Appréciation du Tribunal

II - 25

             Sur le neuvième moyen, subsidiaire, tiré du manque de motivation régulière du rapport du Dr Graber et des rapports du Dr Dalem

II - 27

                 Arguments du requérant

II - 27

                 Appréciation du Tribunal

II - 27

             Sur les conclusions en indemnité

II - 29

                 Arguments des parties

II - 29

                 Appréciation du Tribunal

II - 30

Sur les dépens

II - 30


1: Langue de procédure: le français.