Language of document : ECLI:EU:T:2024:79

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

5 février 2024 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Personnel de Frontex – Licenciement avant la fin du stage – Inaptitude manifeste –Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑595/22,

Carlos Miguel Ferreira de Macedo Silva, demeurant à Cercal do Alentejo (Portugal), représenté par Me L. Cosme Nunes Rolo, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), représentée par Mme S. Karkala et M. W. Szmidt, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mmes N. Półtorak et I. Reine (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu l’ordonnance du 14 février 2023, Ferreira de Macedo Silva/Frontex (T‑595/22 R, non publiée, EU:T:2023:79),

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, M. Carlos Miguel Ferreira de Macedo Silva, demande, d’une part, l’annulation de la décision de l’Agence européenne de garde‑frontières et de garde‑côtes (Frontex) du 29 août 2022 portant résiliation de son contrat d’agent temporaire avant la fin de la période de stage et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’il aurait subi de ce fait.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Le 16 août 2021, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) a publié l’avis de recrutement RCT‑2021‑00071 pour le poste de « garde‑frontières et garde‑côtes européen » (niveau intermédiaire), ceux-ci étant appelés à devenir membres du contingent permanent du corps européen de garde‑frontières et de garde‑côtes (ci-après l’« avis de recrutement »).

3        Selon l’avis de recrutement, les candidats retenus seraient engagés en qualité d’agents temporaires (AST, grade 4), pour une durée de cinq ans, moyennant une période de stage de neuf mois. L’annexe I de cet avis prévoyait que les candidatures reçues par Frontex seraient regroupées par groupes de 1 200 candidatures admissibles selon l’ordre chronologique dans lequel elles seraient présentées. Le requérant faisait partie du « Groupe 8 ».

4        Le point 4, sous a), du titre intitulé « compétences professionnelles essentielles » de l’avis de recrutement spécifiait, d’une part, que l’une des compétences professionnelles essentielles requises était la preuve de la capacité du candidat à nager au moins 100 mètres en moins de quatre minutes en utilisant une ou plusieurs techniques de nage, sans s’arrêter, sans aucune aide et sans que jamais les pieds ne touchent le fond de la piscine, et, d’autre part, qu’un certificat ou un diplôme serait demandé à cet égard.

5        Le requérant s’est porté candidat au poste en cause et a déclaré, dans son formulaire de candidature, qu’il possédait la compétence professionnelle requise spécifiée au point 4, sous a), du titre intitulé « compétences professionnelles essentielles » de l’avis de recrutement.

6        Le 16 février 2022, le requérant a reçu un courriel de Frontex comportant deux documents en pièces jointes, intitulés, respectivement, « Lignes directrices concernant l’épreuve d’aptitude physique » et « Epreuve physique – Accès ».

7        Le 13 avril 2022, le requérant a conclu un contrat d’engagement avec Frontex, qui a pris effet le 16 mai 2022, conformément à l’article 3 de ce contrat. Selon l’article 4 dudit contrat, le requérant était tenu d’effectuer un stage de neuf mois et pourrait être licencié avant son terme ou à la fin de ce stage, conformément à l’article 14 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne.

8        Le 16 mai 2022, le requérant a commencé son stage de neuf mois, qui devait donc prendre fin le 15 février 2023.

9        Le 31 mai 2022, le directeur exécutif de Frontex a adopté la décision concernant l’adoption du « programme de formation de base pour le contingent permanent (catégorie 1) du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et de la stratégie d’évaluation du programme de formation de base pour le contingent permanent (catégorie 1) du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes » (ci-après le « programme de formation de base »). Ce programme devait être suivi par les membres du corps des « garde‑frontières et garde‑côtes européen » après leur engagement.

10      Le programme de formation de base, qui comprenait huit modules, prévoyait, à la page 89, que les cours de natation du module 0 étaient principalement consacrés à l’évaluation des conditions d’admission des stagiaires et à la communication d’informations sur leurs compétences en natation en vue de la constitution ultérieure de groupes selon leur niveau, si possible. Les cours porteraient sur l’acquisition de capacités de base en auto‑sauvetage et de compétences élémentaires de survie en milieu aquatique. Ce programme précisait, à la page 464, que la stratégie d’évaluation des compétences en sauvetage aquatique comprenait un premier exercice d’évaluation qui aurait lieu au cours du module 0 consistant en une évaluation pratique de la capacité à parcourir une distance de 100 mètres en nage libre en 4 minutes maximum, sans s’arrêter pendant l’exécution de chaque longueur de 25 mètres, mais avec un temps d’arrêt après chaque longueur de 25 mètres. Le stagiaire devrait nager en position ventrale, en contrôlant sa respiration, mais pouvait changer de type de nage tous les 25 mètres.

11      Le module 0 a débuté le 1er juin 2022.

12      Par courriel du 7 juin 2022, le requérant a été informé qu’une épreuve de natation aurait lieu au cours du module 0, qui consistait à nager, en moins de 4 minutes, une distance de 100 mètres, en position ventrale, en contrôlant sa respiration (ci-après l’ « épreuve de natation »).

13      Le requérant a échoué à l’épreuve de natation lors de sa première évaluation le 14 juin 2022, ainsi que lors des deux réévaluations des 23 et 30 juin 2022.

14      Le 29 juillet 2022, le requérant a reçu son rapport de stage. Selon ce rapport, la capacité du requérant à accomplir les tâches liées à son emploi et son rendement n’était pas satisfaisante au motif qu’il avait échoué à trois reprises à l’épreuve de natation et, dès lors, au module 0.

15      Le 8 août 2022, le requérant a formulé ses observations sur le rapport de stage.

16      Par lettre du 9 août 2022, le requérant a été informé par l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement (ci‑après l’« AHCC ») que, en raison de ses prestations insatisfaisantes durant le stage, telles que documentées dans le rapport de stage, il pourrait être licencié avant la fin de la période de stage, moyennant un préavis d’un mois. Dans cette même lettre, l’AHCC invitait le requérant, avant de prendre une décision, à présenter ses observations par écrit.

17      Le 11 août 2022, le requérant a transmis ses observations écrites.

18      Le 18 août 2022, une réunion a eu lieu entre le requérant et l’A HCC.

19      Le 29 août 2022, l’AHCC a adopté la décision attaquée par laquelle elle a décidé de licencier le requérant avant l’expiration de la période de stage, moyennant un préavis d’un mois.

20      Le 2 septembre 2022, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 46 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 30 décembre 2022.

 Conclusions des parties

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        s’il n’est pas possible de le réintégrer à temps au sein de la huitième promotion, condamner Frontex à l’indemniser de l’ensemble des coûts liés à l’exécution de « son contrat de cinq ans » ainsi que de ses frais de justice ;

–        ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée.

22      Frontex conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

23      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

24      En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité

25      Le requérant soulève deux moyens, comportant chacun deux branches. Le premier moyen est tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime et du principe d’égalité de traitement. Le second moyen est tiré d’une violation du droit à une bonne administration et du droit d’être entendu.

26      Sans soulever formellement d’exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure, Frontex excipe de l’irrecevabilité du recours en raison, d’une part, du non-respect de la règle de concordance entre la réclamation et la requête et, d’autre part, du non-respect des exigences prévues par l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

 Sur le non-respect de la règle de concordance entre la réclamation et la requête

27      Il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence établie que la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, premier tiret, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union européenne l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AHCC ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 71 et jurisprudence citée).

28      Il s’ensuit que, ainsi qu’il ressort également d’une jurisprudence constante, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt du 28 septembre 2022, Zegers/Commission, T‑663/21, non publié, EU:T:2022:589, point 63 et jurisprudence citée).

29      Il convient également de rappeler que, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture. En effet, l’article 91 du statut n’a pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 76).

30      Toutefois, pour que la procédure précontentieuse prévue par l’article 91, paragraphe 2, du statut puisse atteindre son objectif, il faut que l’autorité en cause soit en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 77).

31      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner si la règle de concordance entre la réclamation et la requête a bien été respectée en l’espèce.

32      Dans sa réclamation, préparée par un avocat, le requérant se plaignait en substance de l’introduction de règles nouvelles après la publication de l’avis de recrutement en ce qui concerne le déroulement de l’épreuve de natation. À cet égard, il faisait valoir qu’il n’avait pas été informé suffisamment à temps pour pouvoir se préparer à cette épreuve et s’entraîner à la nage en position ventrale en contrôlant sa respiration. Il a également indiqué que ses collègues du sixième groupe au centre de formation d’Ávila en Espagne auraient suivi un entraînement de plus d’un mois pour une épreuve de natation.

33      Dans ses observations sur le rapport de stage (voir point 15 ci-dessus) et sur la lettre de l’AHCC du 9 août 2022 (voir point 17 ci-dessus), formulées sans le concours d’un avocat, le requérant se limite en substance à affirmer que l’impossibilité d’utiliser une nage différente de celle requise par l’avis de recrutement sans entrainement préalable ne semble pas juste.

34      S’agissant du premier moyen, en premier lieu, en ce qui concerne la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, ce grief doit être rattaché aux arguments invoqués par le requérant dans sa réclamation visant l’introduction, postérieurement à la publication de l’avis de recrutement, de règles nouvelles concernant le déroulement de l’épreuve de natation et l’absence d’informations fournies en temps utile à cet égard.

35      En second lieu, en ce qui concerne la violation du principe d’égalité de traitement, ce grief doit être rattaché à l’argument, invoqué par le requérant dans sa réclamation, selon lequel les collègues du sixième groupe au centre de formation d’Ávila en Espagne auraient suivi un entraînement de plus d’un mois pour l’épreuve de natation. D’ailleurs, dans sa décision rejetant la réclamation, du 30 décembre 2022, Frontex elle-même a examiné cet argument à la lumière du principe d’égalité de traitement.

36      Au vu des arguments rappelés aux points 32 et 33 ci-dessus, il y a lieu de considérer que Frontex était en mesure de les rattacher de façon suffisamment précise à la substance des griefs liés à la violation du principe de protection de la confiance légitime et du principe d’égalité de traitement, invoqués au soutien du premier moyen, même si, comme l’indique Frontex, la réclamation ne contenait aucune qualification juridique des allégations du requérant évoquées auxdits points.

37      Par conséquent, il y a lieu de conclure que le premier moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime et du principe d’égalité de traitement, respecte la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, premier tiret, du statut, et la requête.

38      S’agissant du second moyen, au vu des arguments rappelés aux points 32 et 33 ci-dessus, il est manifeste que, dans la réclamation, le requérant n’a invoqué aucun grief tiré de la violation du droit d’être entendu. En outre, dans la requête, le requérant allègue une violation du droit d’être entendu faute d’avoir bénéficié d’un entretien avant la réception de son rapport de stage. Or, cela est sans rapport avec l’argumentation présentée dans la réclamation. Par conséquent, dans la mesure où il ressort de la requête que la prétendue violation du droit à une bonne administration est rattachée à celle du droit d’être entendu, il convient de rejeter comme irrecevable l’ensemble du second moyen pour non-respect de la règle de concordance entre la réclamation et la requête.

 Sur le non-respect des exigences prévues par l’article 76, sous d), du règlement de procédure

39      En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit notamment contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même [voir arrêt du 16 juin 2021, Lucaccioni/Commission, T‑316/19, EU:T:2021:367, point 84 (non publié) et jurisprudence citée]. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du 25 mars 2015, Belgique/Commission, T‑538/11, EU:T:2015:188, point 131 et jurisprudence citée ; ordonnance du 27 novembre 2020, PL/Commission, T‑728/19, non publiée, EU:T:2020:575, point 64).

40      Il s’ensuit que la partie requérante est tenue d’exposer d’une manière suffisamment systématique les développements relatifs à chaque moyen qu’elle présente, sans que le Tribunal puisse être contraint, du fait d’un manque de structure de la requête ou de rigueur de cette partie, de reconstituer l’articulation juridique censée soutenir un moyen en rassemblant divers éléments épars de la requête, au risque de reconstruire ce moyen en lui donnant une portée qu’il n’avait pas dans l’esprit de ladite partie. En décider autrement serait contraire à la fois à une bonne administration de la justice, au principe dispositif ainsi qu’aux droits de la défense de la partie défenderesse [arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 44 (non publié)].

41      À cet égard, s’agissant du premier moyen, il y a lieu de relever que l’intitulé de ce moyen énonce, de manière compréhensible, une « violation [du principe] de protection de la confiance légitime et [du principe] d’égalité de traitement ». Il ressort également de la requête que le requérant se plaint d’avoir passé une épreuve qui était « complètement différente et comprenait des conditions techniques en sus de celles qui figuraient à la fois sur l’avis de recrutement et sur le formulaire de candidature lorsqu’il s’est porté candidat au mois d’août 2021, de sorte qu’il n’y était naturellement pas préparé ». En outre, il indique que ses collègues du sixième groupe au centre de formation d’Ávila en Espagne ont suivi un entraînement de plus d’un mois pour l’épreuve de natation. Par ailleurs, à la lecture du mémoire en défense, il convient de considérer que Frontex a été en mesure de comprendre la teneur des griefs soulevés dans le cadre du premier moyen et de préparer sa défense.

42      Partant, l’exposé du premier moyen se révèle compréhensible et, par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argument de Frontex, tiré du non-respect des exigences prévues par l’article 76, sous d), du règlement de procédure, en ce qui concerne ce moyen.

43      S’agissant du second moyen, au vu de la conclusion tirée au point 38 ci-dessus quant à l’irrecevabilité de celui-ci en raison du non-respect de la règle de concordance entre la réclamation et la requête, il n’y a plus besoin d’examiner si ce moyen respecte les exigences prévues par l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

44      Il résulte de tout ce qui précède que seul le second moyen du recours est irrecevable. Partant, il convient d’examiner uniquement le bien-fondé du premier moyen du recours.

 Sur la demande en annulation de la décision attaquée 

45      Au soutien du premier moyen, le requérant invoque la violation du principe de protection de la confiance légitime au motif qu’il a dû passer une épreuve de natation qui était « complètement différente et comprenait des conditions techniques en sus de celles qui figuraient à la fois sur l’avis de recrutement et sur le formulaire de candidature lorsqu’il s’est porté candidat au mois d’août 2021, de sorte qu’il n’y était naturellement pas préparé ». Le requérant invoque également une violation du principe d’égalité de traitement au motif que ses collègues du sixième groupe au centre de formation d’Ávila en Espagne ont suivi un entraînement de plus d’un mois pour l’épreuve de natation.

46      Frontex conteste cette argumentation.

47      D’une part, s’agissant de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient d’observer que l’avis de recrutement prévoyait que les candidats devaient « être capable de nager pendant au moins 100 mètres en moins de quatre minutes en utilisant une nage ou une combinaison de nages, sans s’arrêter, sans aucune assistance et sans permettre à [leurs] pieds de toucher le fond de la piscine à aucun moment ». Au sujet de cette épreuve de natation, le programme de formation de base se référait aux compétences de base en matière de natation mentionnées dans l’avis de recrutement en indiquant ce qui suit « natation de 100 mètres en position ventrale, avec contrôle respiratoire, en moins de 4 minutes ».

48      Il s’ensuit que, en prévoyant, au programme de formation de base, que l’épreuve de la natation de 100 mètres doit être effectuée en position ventrale, Frontex n’a donné que des précisions sur la nature de cette épreuve, sans changer les règles énoncées dans l’avis de recrutement.

49      D’ailleurs, ainsi que l’explique Frontex, le sauvetage aquatique est une compétence professionnelle essentielle pour les garde-frontières et les garde-côtes européens et l’épreuve de natation qui doit être passée dans ce contexte par les candidats poursuit notamment le but de s’assurer que, à la fin de la formation de base, le candidat peut assurer son propre sauvetage et secourir une personne dans l’eau. Frontex précise également que, pour effectuer un sauvetage aquatique, les candidats doivent toujours rester en contact visuel avec la personne à secourir, ce qui implique de nager en position ventrale, en laissant au candidat le choix de la technique de nage (brasse, crawl, papillon). Selon Frontex, si l’épreuve de sauvetage aquatique était passée en utilisant la technique du dos crawlé, le candidat regarderait vers le haut, c’est-à-dire vers le ciel, et ne verrait donc pas la personne qui a besoin d’être secourue.

50      Par conséquent, il convient de constater que le requérant commet une erreur d’interprétation en ce qui concerne un prétendu changement des règles applicables à l’épreuve de natation entre l’avis de recrutement et le programme de formation de base, adopté par Frontex avant le déroulement des épreuves.

51      De plus, il convient de constater que le requérant n’explique pas plus précisément dans quelle mesure le programme de formation de base prévoirait des règles différentes et porterait atteinte à ses intérêts. Il ne précise aucun critère objectif permettant de conclure qu’un changement de règles pour l’épreuve de natation a effectivement eu lieu, plus particulièrement compte tenu de la maîtrise du sauvetage aquatique qui est, comme l’indique Frontex, une compétence professionnelle essentielle pour les garde-frontières et les garde-côtes européens (voir point 49 ci-dessus). Le requérant n’allègue pas non plus que le programme de formation de base imposerait des critères plus stricts et que la natation en position ventrale serait une épreuve plus difficile pour lui que la natation sur le dos. Notamment, il ne se plaint pas de l’impossibilité de s’arrêter après chaque 25 mètres pour reprendre son souffle, prévue dans l’avis de recrutement, alors qu’une telle règle ne ressort plus du programme de formation de base.

52      À cet égard, il y a lieu de relever que lors de la phase écrite de la procédure devant le Tribunal, le requérant avait été invité à déposer la réplique, ce qui lui aurait permis de donner des explications plus précises en réponse à la défense de Frontex. Or, la réplique n’a pas été déposée.

53      En outre, il est vrai que, dans ses observations lors de la procédure précontentieuse (voir points 15 et 17 ci-dessus), le requérant a décrit en détail certaines raisons objectives qui, selon lui, l’empêchaient de réussir l’épreuve de natation. En effet, il indique en substance que, avant son arrivée au lieu de l’épreuve de natation, il a pratiqué la natation dans une piscine de sa ville natale avec une combinaison de nages, incluant la natation en dos crawlé, et qu’il n’a pas disposé d’assez de temps et de pratique appropriée pour améliorer ses capacités de natation après qu’il ait appris que l’épreuve de natation devait être réalisée en position ventrale.

54      Néanmoins, ces arguments ne contribuent en aucune façon à étayer l’allégation du requérant quant au changement des règles applicables sur l’épreuve de natation entre l’avis de recrutement et le programme de formation de base adopté par Frontex avant le déroulement des épreuves. L’éventuelle absence de temps et de pratique appropriée pour se préparer à l’épreuve de natation vise à remettre en cause l’organisation générale des évaluations par Frontex, et non les règles de cette épreuve.

55      D’autre part, s’agissant de la violation du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, EU:C:1984:394, point 28, et du 28 juin 1990, Hoche, C‑174/89, EU:C:1990:270, point 25 ; voir, également, en ce sens, arrêt du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, EU:T:1998:93, point 309).

56      Il ressort de la jurisprudence que c’est à la personne qui s’estime lésée par le non-respect du principe d’égalité de traitement qu’il incombe, dans un premier temps, d’établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. C’est uniquement dans le cas où cette personne a établi de tels faits qu’il revient à la partie défenderesse, dans un second temps, de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de non-discrimination (arrêt du 19 avril 2012, Meister, C‑415/10, EU:C:2012:217, point 36).

57      En l’espèce, ainsi que le précise Frontex dans sa défense, le requérant se compare à certains candidats, à savoir les agents contractuels du groupe de fonctions GF IV, composant le groupe 6. Selon les explications de Frontex, ces personnes, étant du niveau de base, suivent en général une formation d’un an, tandis que le requérant, agent de catégorie AST 4-SC, du niveau intermédiaire, reçoit une formation de six mois, compte tenu de la condition d’admission tenant à une expérience antérieure en matière répressive. Le requérant n’a pas contesté ces explications de Frontex, alors que, lors de la phase écrite de la procédure devant le Tribunal, il avait été invité à déposer la réplique, ce qui lui aurait permis de répondre, à cet égard, à l’argumentation de Frontex et de développer ses arguments. Toutefois, ainsi que rappelé au point 52 ci-dessus, la réplique n’a pas été déposée.

58      Force est ainsi de constater que le requérant n’établit pas de faits qui permettraient de présumer l’existence d’une discrimination au sens de la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus. En tout état de cause, les agents contractuels, auxquels se compare le requérant, se trouvent manifestement dans une situation différente en ce qu’ils sont du niveau de base, par rapport au requérant qui est du niveau intermédiaire.

59      Au vu des circonstances constatées aux points 48 et 58 ci-dessus, les allégations développées par le requérant dans le cadre de son premier moyen sont dans leur ensemble manifestement dépourvues de tout fondement en droit, de sorte que ce moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

60      Il résulte de tout ce qui précède que le premier chef de conclusions, en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée, doit être rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les demandes de réintégration et de sursis à l’exécution de la décision attaquée

61      À supposer qu’en subordonnant son deuxième chef de conclusions à la condition qu’il ne soit pas possible de le réintégrer à temps au sein de la huitième promotion, le requérant ait entendu solliciter sa réintégration, il suffit de rappeler que selon la jurisprudence le juge de l’Union ne saurait, en principe, adresser des injonctions à une institution, un organe ou un organisme de l’Union sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative (voir arrêts du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 145 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2020, P. Krücken Organic/Commission, T‑565/18, non publié, EU:T:2020:395, point 23 et jurisprudence citée). Ce principe s’applique, en principe, tant dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut et sur l’article 270 TFUE (arrêt du 5 décembre 2017, Spadafora/Commission, T‑250/16 P, non publié, EU:T:2017:866, point 48) que dans le cadre d’un recours en indemnité par lequel un requérant demande la condamnation de l’institution défenderesse à prendre des mesures déterminées en vue de réparer le préjudice allégué (voir, en ce sens, ordonnances du 14 janvier 2004, Makedoniko Metro et Michaniki/Commission, T‑202/02, EU:T:2004:5, point 53, et du 17 décembre 2008, Portela/Commission, T‑137/07, non publiée, EU:T:2008:589, point 46). Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter cette demande pour cause d’incompétence.

62      S’agissant du troisième chef de conclusions tendant au sursis à l’exécution de la décision attaquée, il convient de constater que la demande de sursis à l’exécution formulée en référé a été rejetée (ordonnance du 14 février 2023, Ferreira de Macedo Silva/Frontex, T‑595/22 R, non publiée, EU:T:2023:79). Si le requérant a entendu réitérer cette demande dans le cadre de la présente instance, il suffit de relever que la présente ordonnance rejette le chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée sans qu’il soit besoin de prononcer son sursis à exécution.

 Sur la demande indemnitaire 

63      Le requérant demande au Tribunal d’être indemnisé pour l’ensemble des coûts liés à l’exécution de « son contrat de cinq ans » dans le cas où il ne pourrait pas être réintégré à temps au sein de la huitième promotion.

64      Frontex conteste l’argumentation du requérant.

65      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, si une demande en indemnité présente un lien étroit avec une demande en annulation, le rejet de cette dernière soit comme irrecevable, soit comme non fondée, entraîne également le rejet de la demande indemnitaire (voir arrêts du 30 septembre 2003, Martínez Valls/Parlement, T‑214/02, EU:T:2003:254, point 43 et jurisprudence citée, et du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 73 et jurisprudence citée).

66      La présente demande indemnitaire étant étroitement liée aux conclusions en annulation de la décision attaquée, qui ont été rejetées comme étant manifestement dépourvues de tout fondement en droit, il y a lieu de la rejeter, en application de la jurisprudence mentionnée au point 65 ci-dessus.

67      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’ensemble du recours comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

69      En l’espèce, dès lors que le requérant a succombé dans le cadre du présent recours, il convient de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de Frontex.

70      Le requérant ayant également succombé dans la cadre de la procédure de référé et les dépens ayant été réservés, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Frontex dans le cadre de ladite procédure, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

2)      M. Carlos Miguel Ferreira de Macedo Silva est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Agence européenne de gardefrontières et de gardecôtes (Frontex), y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Fait à Luxembourg, le 5 février 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

R. da Silva Passos


*      Langue de procédure : l’anglais.