Language of document : ECLI:EU:T:2022:609

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

5 octobre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale TOGETHER. FORWARD. – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑500/21,

Philip Morris Products SA, établie à Neuchâtel (Suisse), représentée par Me L. Alonso Domingo, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez, MM. M. Eberl et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. A. Kornezov, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure) et M. G. Hesse, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 9 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Philip Morris Products SA, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 juin 2021 (affaire R 417/2021‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 12 août 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal TOGETHER. FORWARD.

3        La marque demandée désignait les produits relevant de la classe 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Vaporisateur électrique pour cigarettes électroniques et vapoteurs électroniques ; tabac brut ou manufacturé ; produits du tabac, y compris cigares, cigarettes, cigarillos, tabac à rouler, tabac pour pipe, tabac à chiquer, tabac à priser, kretek ; snus ; succédanés du tabac (à des fins non médicales) ; articles pour fumeurs, y compris papier et tubes à cigarettes, filtres de cigarettes, boîtes à tabac, étuis à cigarettes et cendriers, pipes, appareils de poche pour rouler les cigarettes, briquets ; allumettes ; bâtonnet de tabac, produits du tabac destinés à être chauffés, dispositifs électroniques et leurs composants pour chauffer des cigarettes ou du tabac afin de libérer l’aérosol contenant de la nicotine pour inhalation ; solutions liquides de nicotine pour cigarettes électroniques ; vapoteurs électroniques ; cigarettes électroniques ; cigarettes électroniques comme substituts des cigarettes traditionnelles ; dispositifs électroniques pour l’inhalation d’un aérosol contenant de la nicotine ; vaporisateurs oraux pour fumeurs, produits du tabac et succédanés du tabac ; articles pour fumeurs pour cigarettes électroniques ; pièces et accessoires pour les produits précités compris dans la classe 34 ; dispositifs pour éteindre des cigarettes et des cigares chauffés ainsi que des bâtonnets de tabac chauffés ; étuis pour cigarette électronique rechargeable ».

4        Par décision du 4 janvier 2021, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 3 mars 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinatrice.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle a notamment considéré que cette marque serait comprise par le public pertinent comme un slogan publicitaire et non comme une indication de l’origine des produits en cause.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Plus particulièrement, elle soutient que, compte tenu de son ambiguïté et de son originalité, la marque demandée constitue un slogan « prégnant » susceptible d’indiquer l’origine commerciale des produits en cause.

10      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

11      Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

12      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée). Ce caractère doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

13      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours, selon laquelle le public concerné par la perception du caractère distinctif de la marque demandée est le grand public de l’Union d’expression anglophone.

14      En second lieu, il convient de rappeler, ainsi que le fait valoir, à juste titre, la requérante, que, en ce qui concerne l’appréciation du caractère distinctif de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci, conformément à la jurisprudence, des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes [voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 36 et jurisprudence citée ; arrêt du 25 mai 2016, U-R LAB/EUIPO (THE DINING EXPERIENCE), T‑422/15 et T‑423/15, non publié, EU:T:2016:314, point 47].

15      Il ressort cependant de la jurisprudence que, si les critères relatifs à l’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et, dès lors, il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que de celles d’autres catégories (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 37 et jurisprudence citée ; arrêt du 25 mai 2016, THE DINING EXPERIENCE, T‑422/15 et T‑423/15, non publié, EU:T:2016:314, point 47).

16      Il résulte également de la jurisprudence que toutes les marques composées de signes ou d’indications, qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques, véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, et peuvent être néanmoins aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 56 et 57 et jurisprudence citée ; arrêt du 25 mai 2016, THE DINING EXPERIENCE, T‑422/15 et T‑423/15, non publié, EU:T:2016:314, point 48).

17      En l’espèce, il convient de constater que la chambre de recours a relevé, d’une part, que les termes « together » et « forward » étaient communs dans la langue anglaise et signifiaient respectivement « avec la coopération et l’échange entre les éléments constitutifs, les membres, etc. » ou « considérés collectivement ou conjointement », d’une part, et « dirigé ou se déplaçant vers l’avant » ou « du futur ou en lien avec le futur ou favorisant le changement ; progressif », d’autre part. Elle en a déduit que la marque demandée serait comprise par le public pertinent comme signifiant « progresser ensemble ». En conséquence, elle a considéré que cette marque serait perçue comme un slogan publicitaire faisant l’éloge des produits en cause.

18      À cet égard, premièrement, la requérante ne conteste pas le fait que la marque demandée sera perçue comme un slogan publicitaire ayant pour objet de faire la promotion des produits en cause. Elle soutient néanmoins que cette marque signifie « Collectivement (ou conjointement). Aller de l’avant. » et que le public pertinent pourrait interpréter cette signification de différentes manières à la suite d’un « effort mental », à l’instar, par exemple, de la marque verbale Vorsprung durch Technik en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29).

19      Toutefois, il convient de relever que la requérante ne précise pas dans quelle mesure le fait que la marque demandée soit comprise, par le public pertinent, comme signifiant « Collectivement. Aller de l’avant. » plutôt que « progresser ensemble » serait de nature à remettre en cause l’appréciation du caractère distinctif de cette marque par la chambre de recours. En outre, compte tenu de la proximité de ces deux significations, il ne saurait en être déduit que ladite marque, qui est composée de deux termes communs de la langue anglaise, ne véhiculerait pas un message simple, clair et non équivoque.

20      Par ailleurs, il y a lieu de noter au surplus que, contrairement à ce que suggère la requérante, la marque demandée se distingue de la marque verbale Vorsprung durch Technik en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29). En effet, dans cet arrêt, la Cour avait constaté que le Tribunal avait considéré que cette marque pouvait constituer un jeu de mots et être perçue comme fantaisiste, surprenante ou inattendue, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Elle avait, en outre, relevé que ladite marque témoignait d’une certaine originalité et prégnance et qu’un effort d’interprétation aurait été nécessaire pour percevoir un éventuel message promotionnel.

21      Par conséquent, il convient de constater, à la suite de la chambre de recours, que la signification de la marque demandée n’est pas de nature à lui conférer une originalité ou prégnance particulière, à nécessiter un minimum d’effort d’interprétation ou à déclencher un processus cognitif, nonobstant le fait, invoqué par la requérante, que cette marque ne contient pas de verbe et que le terme « together » est positionné avant le terme « forward ».

22      Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle le public pertinent devrait fournir un effort d’interprétation pour pouvoir déduire de la signification « Collectivement. Aller de l’avant. » que les produits en cause étaient notamment respectueux de la santé des utilisateurs de ces produits. En effet, ainsi que le relève, en substance, l’EUIPO, cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause le fait que ladite signification sera, en tant que telle, perçue sans effort par ledit public.

23      Deuxièmement, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas établi que les produits en cause appartenaient à une catégorie de produits suffisamment homogène pour considérer que la marque demandée n’était pas distinctive à l’égard de l’ensemble desdits produits. Elle en a déduit que la chambre de recours n’avait pas établi que cette marque n’était pas distinctive à l’égard notamment des produits « tabac brut ; boîtes à tabac, étuis à cigarettes et cendriers, appareils de poche pour rouler les cigarettes, briquets ; allumettes ; dispositifs pour éteindre des cigarettes et des cigares chauffés ainsi que des bâtonnets de tabac chauffés ; étuis pour cigarette électronique rechargeable ».

24      À cet égard, il convient de rappeler que l’EUIPO peut procéder à une appréciation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, pour autant que ces produits et ces services présentent entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, points 30 et 31).

25      En l’espèce, d’une part, la chambre de recours a considéré que l’ensemble des produits en cause présentaient un lien suffisamment direct et concret avec des articles pour fumeurs. Or, il y a lieu de constater que les produits identifiés par la requérante présentent effectivement un tel lien avec ces articles.

26      D’autre part, il convient de relever que la requérante ne conteste pas le fait que la marque demandée sera perçue comme un slogan publicitaire par le public pertinent, y compris s’agissant des produits qu’elle a identifiés. En outre, si la requérante affirme que le public pertinent percevra une autre signification à l’égard spécifiquement desdits produits que celle retenue dans la décision attaquée, elle n’indique toutefois pas ce que serait cette autre signification.

27      Dans ces conditions, il convient de relever que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque demandée n’était pas distinctive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

28      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter le moyen unique de la requérante et, par voie de conséquence, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Philip Morris Products SA est condamnée aux dépens.

Kornezov

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.