Language of document : ECLI:EU:C:2010:6

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK,

présentées le 12 janvier 2010 1(1)

Affaire C‑19/09

Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH

contre

Silva Trade SA

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Wien (Autriche)]

«Règlement n° 44/2001 – Article 5, paragraphe 1 – Compétence en matière de relations contractuelles – Contrat d’agence – Contrat dont l’objet est une prestation de services – Prestation de services dans plusieurs États membres – Détermination du lieu où les services sont fournis»






Table des matières

I –   Introduction

II – Cadre juridique

A –   Droit communautaire

1.     Droit primaire

2.     Règlement n° 44/2001

B –   Droit national

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

IV – Procédure devant la Cour

V –   Arguments des parties

A –   Recevabilité

B –   Première question préjudicielle

1.     Application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 aux contrats de prestation de services dans plusieurs États membres (question 1(a))

2.     Détermination de la compétence sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 (question 1(b))

3.     Détermination de la compétence si le centre de l’activité ne peut pas être déterminé (question 1(c))

C –   Seconde question préjudicielle

VI – Appréciation de Mme l’avocat général

A –   Introduction

B –   Recevabilité

C –   Première question préjudicielle

1.     Remarques introductives sur le contrat d’agence

a)     Caractéristiques du contrat d’agence

b)     Le contrat d’agence comme contrat de prestation de services

2.     Application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 aux contrats de prestation de services exécutés dans plusieurs États membres (question 1(a))

3.     Détermination de la compétence en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 (question 1(b))

4.     Détermination de la compétence si le lieu de la fourniture principale des services ne peut pas être déterminé (question 1(c))

D –   Deuxième question préjudicielle

E –   Conclusion

VII – Conclusion

I –    Introduction

1.        Après les arrêts dans les affaires Color Drack (2), Falco Privatstiftung et Rabitsch (3) ainsi que Rehder (4), la présente affaire offre à la Cour une nouvelle fois la possibilité d’interpréter les règles spéciales de compétence dans les affaires relatives aux relations contractuelles. Cette affaire soulève en effet la question de l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (5), lorsque les services sont fournis dans plusieurs États membres. Si les services sont fournis dans plusieurs États membres, il faut tenir compte du fait que ces services peuvent être également fournis sur Internet et par des moyens actuels de communication, par exemple par courrier électronique.

2.        Dans la présente affaire, l’Oberlandesgericht Wien (Autriche) demande en substance si, dans le cas d’un contrat d’agence entre des parties contractantes d’États membres différents sur la base duquel des services d’agence commerciale ont été fournis dans plusieurs États membres, la compétence est déterminée sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 et quels critères sont déterminants pour la détermination de la juridiction compétente. Les questions préjudicielles se posent dans le cadre d’un litige entre un commettant, la société Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH ayant son siège en Autriche, et un agent commercial, la société Silva Trade SA ayant son siège au Luxembourg.

II – Cadre juridique

A –    Droit communautaire

1.      Droit primaire

3.        L’article 68, paragraphe 1, CE qui s’inscrit dans le titre IV du traité CE, intitulé «Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes», dispose:

«L’article 234 est applicable au présent titre dans les circonstances et conditions suivantes: lorsqu’une question sur l’interprétation du présent titre ou sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté sur la base du présent titre est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demande à la Cour de justice de statuer sur cette question.»

2.      Règlement n° 44/2001

4.        Aux termes du onzième considérant du règlement n° 44/2001:

«Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. […]»

5.        Le règlement n° 44/2001 contient au chapitre II, intitulé «Compétence», des dispositions relatives à la compétence.

6.        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001 qui figure dans la section 1, intitulée «Dispositions générales», du chapitre sur la compétence:

«Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre».

7.        Dans cette même section du règlement n° 44/2001, l’article 3, paragraphe 1, dispose:

«Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre.»

8.        Aux termes de l’article 5, inséré dans la section 2, intitulée «Compétences spéciales», du chapitre sur la compétence:

«Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:

1.      a)     en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;

b)      aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est:

–      pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

–      pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;

c)      le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas;

[…]»

B –    Droit national

9.        Le code de procédure civile autrichien (Zivilprozessordnung) dispose à l’article 528, paragraphe 2, deuxième alinéa:

«La révision est néanmoins en tout cas irrecevable,

[…]

2.      si l’ordonnance de première instance attaquée a été entièrement confirmée, sauf si le recours a été rejeté sans décision sur le fond pour des raisons formelles;

[…]»

10.      La loi autrichienne sur les agents commerciaux (Handelsvertretergesetz) dispose à l’article 23:

«(1)      […] Si une partie contractante se retire de manière anticipée de la relation contractuelle sans qu’il n’y ait pour cela de motif bien fondé, l’autre partie contractante peut demander l’exécution du contrat ou la réparation du préjudice subi […]

[…]»

11.      La loi sur les agents commerciaux dispose à l’article 24, paragraphe 1:

«En cas de cessation de la relation contractuelle, l’agent commercial a droit à une compensation adéquate si

1.      il a apporté au commettant de nouveaux clients ou accru de manière sensible les relations commerciales avec les clients existants,

2.      il est à prévoir que le commettant ou son successeur juridique pourra tirer des avantages notables de ces relations commerciales, même en cas de cessation de la relation contractuelle et

3.      si le paiement de la compensation est adéquat compte tenu de toutes les circonstances, en particulier de la commission perdue par l’agent commercial dans les rapports avec ces clients.

[…]»

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

12.      Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH, la requérante au principal, est établie dans la ville d’Amstetten (Autriche) tandis que la défenderesse est la société Silva Trade SA, la défenderesse, est établie dans la ville de Wasserbillig (Luxembourg). Il ressort de la décision de renvoi que M. Andreas Domberger, directeur de Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH a été l’agent commercial de Silva Trade SA, tout d’abord à titre personnel avant d’exercer la mission d’agence commerciale à travers la société Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH. Le contrat d’agence dans l’affaire en cause a été conclu oralement (6).

13.      La requérante a exercé l’activité d’agence commerciale en Autriche, en Italie, dans les États baltes, en Pologne (7) et en Suisse. D’après les indications de la juridiction de renvoi, elle a entretenu les contacts avec les clients avant tout par téléphone et courrier électronique à partir de son bureau à son siège, mais également parfois personnellement au siège ou au domicile des clients. L’activité d’agent commercial aurait ainsi été exercée à 70 % au siège de la requérante en Autriche et à 30 % à l’étranger.

14.      La défenderesse, Silva Trade SA, a révoqué le contrat d’agence par lettre du 2 avril 2007. Dans la mesure où, selon la requérante, en l’occurrence l’agent commercial, il s’agissait là d’une révocation anticipée et non autorisée du contrat, elle a introduit le 21 août 2007 auprès de la juridiction de première instance en Autriche, à savoir le Landesgericht Sankt Pölten, en application de l’article 23 de la loi sur les agents commerciaux, un recours pour la réparation du préjudice de 27 864,65 euros, qu’elle aurait subi du fait de la révocation anticipée du contrat. Elle a, en outre, également demandé dans ce recours le paiement d’une indemnisation, en vertu de l’article 24 de la loi sur les agents commerciaux, à hauteur de 83 593,95 euros. La requérante a invoqué au soutien de la compétence de la juridiction autrichienne l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001, car elle exercerait l’activité d’agence commerciale à son siège en Autriche. La défenderesse a soulevé en réponse au recours une exception d’incompétence territoriale et internationale arguant que la requérante n’a réalisé que 24,9 % de son chiffre d’affaires grâce à des transactions en Autriche, la partie restante provenant de l’étranger.

15.      La juridiction de première instance s’est prononcée par ordonnance du 10 octobre 2008 en faveur de sa propre compétence territoriale. Elle a indiqué dans les motifs de la décision que la notion de «services» au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 doit être interprétée largement et qu’il faut considérer que l’activité d’agence commerciale relève également de cette notion. Sa compétence serait fondée sur la circonstance que le centre de l’activité de la requérante se trouverait à Amstetten (Autriche).

16.      La défenderesse a introduit contre l’ordonnance relative à la compétence de juridiction un recours auprès de l’Oberlandesgericht Wien avec pour justification que, si les lieux d’exécution des obligations contractuelles sont répartis sur plusieurs États membres, la requérante peut introduire son recours dans l’un des États membres pour toutes les obligations contractuelles, mais uniquement si la compétence de la juridiction est déterminée sur la base de l’article 2 du règlement n° 44/2001, c’est-à-dire sur la base du domicile de la défenderesse. Selon la défenderesse, si le recours n’est pas introduit auprès de la juridiction du domicile de la défenderesse, en cas de pluralité des lieux d’exécution des obligations contractuelles dans plusieurs États membres, les juridictions de ces États membres ne sont compétentes que pour la partie des obligations qui y sont respectivement exécutées.

17.      En ce qui concerne le droit de déférer une question préjudicielle en vertu des dispositions combinées de l’article 68, paragraphe 1, CE et de l’article 234 CE, la juridiction de renvoi indique qu’elle entend confirmer la décision de la juridiction de première instance et qu’aucun recours ne peut être introduit contre cette décision. De ce point de vue, la juridiction de renvoi pourrait être définie comme une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne au sens de l’article 68, paragraphe 1, CE lu en combinaison avec l’article 234 CE.

18.      La juridiction de renvoi estime donc être compétente dans l’affaire en cause et elle fonde sa position sur le fait que l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 doit être interprété de manière autonome et que le lieu où sont effectivement fournis les services est à cet égard déterminant. Elle invoque à cette occasion l’arrêt prononcé dans l’affaire Color Drack (8) où la Cour a interprété l’article 5, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, du règlement n° 44/2001 dans un cas où une marchandise a été livrée en différents lieux dans le même État membre. Dans cet arrêt, la Cour a souligné que cet article devait être interprété en tenant compte de la genèse, des objectifs et de l’économie du règlement (9) et que, en cas de pluralité de lieux de livraison dans un même État membre, une seule juridiction doit être compétente pour statuer sur toutes les demandes fondées sur le contrat (10). La Cour a en outre décidé dans cet arrêt que l’article 5, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, du règlement n° 44/2001 s’applique ainsi tant en cas d’unicité que de pluralité de lieux de livraison (11) et que, en cas de pluralité de lieux de livraison de la marchandise, il faut en principe entendre par lieu d’exécution le lieu qui assure le lien de rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente, et qui est en règle générale le lieu de la livraison principale (12). S’il n’est pas possible de déterminer le lieu de la livraison principale, la requérante peut introduire le recours auprès de la juridiction du lieu de livraison de son choix sur le fondement de l’article 5, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, du règlement n° 44/2001 (13).

19.      Selon la juridiction de renvoi, les principes que la Cour a mis en œuvre dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Color Drack, précité, peuvent être également transposés aux contrats de prestation de services en vertu desquels les services sont fournis dans plusieurs États membres. Il faut, dans ce cas, selon les indications de la juridiction de renvoi, déterminer la compétence sur la base du lien le plus étroit avec le lieu où se trouve le centre de l’activité de la personne qui fournit les services. Selon la juridiction de renvoi, la requérante au principal a fourni les services d’agence commerciale à partir de son siège en Autriche qu’il faut considérer comme le centre de son activité, raison pour laquelle les juridictions autrichiennes sont compétentes dans l’affaire en cause.

20.      La juridiction de renvoi estime également que le principe tiré de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Besix (14) ne saurait être appliqué à la présente affaire. Ladite affaire Besix concernait une obligation de ne pas faire sans limitation géographique tandis que dans la présente affaire les lieux d’exécution sont limités géographiquement.

21.      Dans ces circonstances, par ordonnance du 23 décembre 2008, en application de l’article 68 CE lu en combinaison avec l’article 234 CE, la juridiction de renvoi a déféré à la Cour les questions préjudicielles suivantes (15):

«1)      a)     L’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième tiret, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale s’applique-t-il, en cas de contrat de prestation de services, également lorsque les services sont contractuellement fournis dans plusieurs États membres?

En cas de réponse affirmative à cette question:

b)      cette disposition doit-elle être interprétée en ce sens que le lieu d’exécution de l’obligation caractéristique doit être déterminé en fonction du lieu où se trouve le centre des activités, apprécié compte tenu du temps passé en ce lieu et de l’importance de l’activité en cause, du prestataire de services?

c)      à défaut de pouvoir constater un tel centre des activités, cette disposition doit-elle être interprétée en ce sens que l’action portant sur l’ensemble des demandes fondées sur le contrat peut être exercé, au choix du demandeur, dans chaque lieu d’exécution de la prestation situé à l’intérieur de la Communauté [européenne]?

2)      En cas de réponse négative à la première question:

L’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 44/2001 s’applique-t-il, en cas de contrat de prestation de services, également lorsque les services sont contractuellement fournis dans plusieurs États membres?»

IV – Procédure devant la Cour

22.      La décision de renvoi est parvenue à la Cour le 15 janvier 2009. Les parties au principal, les gouvernements allemand et du Royaume-Uni ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations dans le cadre de la procédure écrite. Lors de l’audience du 29 octobre 2009, les représentants des parties au principal, le gouvernement allemand et la Commission ont présenté des observations orales et ont répondu aux questions de la Cour.

V –    Arguments des parties

A –    Recevabilité

23.      Seule la Commission traite dans ses observations écrites de la question de la recevabilité, affirmant que, en vertu de l’article 68 CE, seules les questions préjudicielles des juridictions dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne sont recevables. La question de savoir si on est réellement en présence d’une juridiction de dernière instance dépend, selon la Commission, des circonstances concrètes, c’est-à-dire de la question de savoir si un recours peut être introduit contre la décision de la juridiction dans la procédure en cause.

24.      Eu égard aux circonstances concrètes de la présente affaire, il n’est pas possible, selon la Commission, d’introduire un recours contre la décision en cause. La Commission indique que, en vertu de l’article 528, paragraphe 2, deuxième alinéa, du code de procédure civile autrichien, la révision n’est pas recevable si l’ordonnance de première instance attaquée a été entièrement confirmée. Dans la mesure où, dans l’affaire en cause, la juridiction de renvoi entend confirmer l’ordonnance sur la compétence de la juridiction de première instance, sa décision ne sera plus susceptible d’une révision. Selon la Commission, les questions préjudicielles sont donc recevables.

B –    Première question préjudicielle

1.      Application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 aux contrats de prestation de services dans plusieurs États membres (question 1(a))

25.      La requérante au principal, le gouvernement allemand, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission suggèrent à la Cour de répondre à la première question en ce sens que l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 s’applique également aux contrats de prestation de services si les services sont fournis dans plusieurs États membres. Ces parties soulignent en substance que l’arrêt Color Drack, précité, peut aussi être appliqué lorsque l’obligation contractuelle doit être exécutée dans plusieurs États membres. Il ressort aussi des indications de la requérante au principal, du gouvernement allemand et de la Commission que ces parties estiment que la Cour a déjà répondu à cette question préjudicielle dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Rehder, précité.

26.      La requérante au principal ajoute que, par l’application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 à la présente affaire, il est tenu compte de l’objectif de la prévisibilité car le contrat, conclu entre les parties au principal, fait clairement ressortir dans quels États membres ladite requérante fournira les services. Selon la requérante, il s’agit là aussi de la principale différence avec l’arrêt Besix (16), dans lequel il n’a pas été possible de déterminer dans quels États membres les obligations contractuelles devraient être exécutées dans la mesure où le contenu de l’obligation contractuelle était une obligation de ne pas faire.

27.      Le gouvernement allemand souligne également que, pour toutes les demandes fondées sur un seul et même rapport contractuel, la juridiction compétente doit être celle qui a le lien le plus étroit avec ce rapport contractuel.

28.      Le gouvernement du Royaume-Uni estime que l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 s’applique aux contrats de prestation de services indépendamment du fait de savoir si les services sont fournis dans un ou plusieurs États membres. Il souligne à cet égard que cette interprétation est conforme aux termes de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 et qu’elle satisfait à ce principe. Premièrement, l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 doit toujours être appliqué lorsque cela s’avère raisonnablement possible, deuxièmement, dans l’intérêt de la prévisibilité, il doit être possible de déterminer aisément quelle juridiction est compétente dans une affaire donnée, troisièmement, il faut éviter que différentes juridictions statuent sur les différents aspects du même litige et, quatrièmement, la réponse à la question préjudicielle dans cette affaire doit être conforme à l’interprétation fournie par la Cour à l’égard de l’article 5, paragraphe 1, de la Convention de Bruxelles (17).

29.      La Commission souligne qu’il ne découle pas des termes et de l’économie de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 que la compétence pour les contrats de vente de marchandises ou de prestation de services est déterminée sur la base de cette disposition dans le seul cas où l’obligation contractuelle est exécutée dans un unique État membre. Une telle restriction du champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 n’est pas conforme aux objectifs de ce règlement. La Commission souligne qu’il ressort de ses deuxième, sixième et huitième considérants que, pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, il faut adopter des mesures d’harmonisation des règles de compétence si le requérant a son domicile dans un État membre, mais que l’affaire présente un élément transfrontalier. La Commission estime qu’il ne serait pas conforme à cet objectif que la détermination d’une compétence spéciale pour les contrats de livraison de marchandises et de prestation de services soit limitée uniquement à la livraison de marchandises ou à la prestation de services dans un unique État membre. Une telle restriction du champ d’application affecterait, en outre, de manière sensible l’effectivité de la disposition car, dans le cas où seulement une partie de la marchandise serait livrée ou une partie des services serait fournie dans un autre État membre, cette disposition ne serait plus appliquée. Ce ne serait, de même, pas conforme à la genèse de cette disposition. Par rapport à l’article 5, paragraphe 1, de la Convention de Bruxelles, auparavant en vigueur, l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 a été modifié en ce sens que, pour la vente de marchandises et la prestation de services, a été posé comme «lieu d’exécution» au sens de cet article le lieu d’exécution de l’obligation contractuelle caractéristique. Cette disposition faciliterait donc la détermination de la juridiction compétente à l’égard du lieu d’exécution de l’obligation contractuelle caractéristique pour les contrats les plus fréquents présentant des éléments transfrontaliers.

30.      A la différence de l’ensemble des autres parties, la défenderesse au principal estime que l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 ne s’applique pas aux contrats de prestation de services si les services sont fournis dans plusieurs États membres. Cette partie souligne que l’arrêt Color Drack, précité, qui concernait un contrat de livraison de marchandises dans un État membre, ne peut pas être appliqué dans la présente affaire qui concerne, elle, une prestation de services dans plusieurs États membres car cette application ne satisferait pas à l’objectif de la prévisibilité de la détermination de la juridiction compétente. Dans la mesure où la requérante a réalisé la plus grande partie de son chiffre d’affaires dans d’autres États membres et non en Autriche (la défenderesse indique que le chiffre d’affaires le plus important a été réalisé en Pologne), la détermination de la juridiction compétente n’est pas prévisible. La défenderesse invoque à cette occasion aussi les conclusions de M. l’avocat général Bot dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Color Drack, précité (18), qui a estimé que, dans le cas où les lieux d’exécution des obligations contractuelles se trouvent dans plusieurs États membres, la compétence ne pourrait pas être déterminée sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 (19). Cette partie estime en outre que les termes de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 concernent uniquement un lieu d’exécution unique car la notion de «lieu» est toujours utilisée au singulier. Renvoyant à l’arrêt Besix (20), cette partie indique également que les inconvénients éventuels qui pourraient survenir du fait que différentes juridictions statuent sur différents aspects du même litige pourraient être évités si la requérante introduit un recours au lieu du siège de la défenderesse.

2.      Détermination de la compétence sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 (question 1(b))

31.      La requérante au principal et la Commission estiment que la juridiction compétente doit être déterminée en fonction du lieu où la personne qui fournit le service a le centre de ses activités («Tätigkeitsschwerpunkt»).

32.      La requérante souligne aussi que les parties contractantes pourront aisément déterminer à l’avance, dans le contrat, le centre de la prestation de services et la détermination de la compétence sera, ce faisant, conforme à l’objectif de prévisibilité puisque la requérante saura précisément auprès de quelles juridictions elle peut introduire un recours, tandis que la défenderesse saura devant quelles juridictions elle peut être attraite. La requérante a affirmé, dans la procédure au principal, que l’agent commercial a fourni, en vertu du contrat conclu oralement, des services en acquérant de nouveaux clients pour le commettant et en entretenant les relations avec les clients existants, en négociant avec les clients avant la conclusion des contrats, en concluant les contrats, en recevant les réclamations et en garantissant au commettant un soutien général dans la vente de ses produits. Dans la mesure où il a fourni la plus grande partie de ses services à partir de son siège en Autriche, la juridiction autrichienne doit selon cette partie être compétente pour trancher le litige.

33.      Selon la Commission, la détermination de la compétence sur la base du centre des activités de la personne qui fournit les services correspond aux différents objectifs de la détermination de la compétence de la juridiction appropriée. Premièrement, elle correspond à l’objectif que tous les litiges découlant d’un même contrat soient traités devant une juridiction unique, deuxièmement, elle permet d’atteindre l’objectif de la prévisibilité dans la détermination de la compétence, troisièmement, cette détermination de la compétence répond à l’objectif de la proximité géographique entre le contrat et la juridiction compétente, et, quatrièmement, cette détermination correspond aussi à l’«égalité des armes» entre les parties car la requérante a ainsi la possibilité d’intenter une action auprès de la juridiction du lieu d’exécution tandis que la défenderesse ne peut être poursuivie que dans un seul État membre. La Commission souligne qu’il faut juger dans quels États membres les services ont été fournis principalement. Il faut, à cet égard, tenir compte de l’ensemble des circonstances, comme, par exemple, le lieu où a été conclu le plus grand nombre de contrats et le lieu où le chiffre d’affaires a été le plus important. La Commission estime que, dans le cas concret, le lieu où la plus grande partie des services a été fournie se situe en Autriche car l’agent commercial a effectué 70 % des services d’agence commerciale en Autriche et seulement 30 % à l’étranger. Le fait que la requérante n’aurait réalisé en Autriche que 25 % des bénéfices ne viendrait pas contredire la compétence de la juridiction autrichienne car la requérante a organisé son activité à partir de son siège dans la ville de Amstetten en Autriche.

34.      Selon le gouvernement allemand, il faut, en cas d’agence commerciale dans une pluralité d’États membres, partir de la présomption réfragable que le lieu où les services sont fournis conformément au contrat et sur la base duquel la juridiction compétente est déterminée est le lieu où l’agent commercial a son «bureau principal» («Hauptbüro»).

35.      La Commission a souligné, en réponse aux indications du gouvernement allemand dans la procédure au principal, qu’elle ne souscrit pas à l’établissement de ce type de présomption réfragable car cela irait à l’encontre de l’objet de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 dans le cadre duquel la compétence doit être déterminée sur la base des éléments de fait. L’analyse de ces éléments ne sera effectuée par le juge national que si la défenderesse conteste la présomption par laquelle la charge de la preuve lui est imposée. La présomption réfragable favorise de manière excessive l’agent commercial qui pourra toujours intenter des actions et être poursuivi au lieu de son siège (21); pour la défenderesse une telle présomption réfragable aura cependant le même effet que si la compétence était déterminée sur la base de la règle générale de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001.

36.      Le gouvernement du Royaume-Uni estime qu’il n’est pas approprié que la compétence soit déterminée en fonction du centre des activités de la personne qui fournit les services. En effet, il comprend cela en ce sens qu’il s’agit de la détermination du centre des activités de la personne qui fournit des services de manière générale. Le gouvernement du Royaume-Uni estime que le lieu de la prestation de services doit être le lieu où les services sont effectivement fournis en vertu du contrat – cela doit être apprécié dans l’affaire en cause par le juge national sur la base des faits pertinents et des réalités économiques.

3.      Détermination de la compétence si le centre de l’activité ne peut pas être déterminé (question 1(c))

37.      La requérante au principal et le gouvernement allemand estiment qu’il convient de répondre par l’affirmative à la première question, sous c), à savoir si, dans l’hypothèse où le centre des activités ne peut pas être déterminé, un recours peut être introduit sur choix de la requérante en n’importe quel lieu de la prestation de services à l’intérieur de la Communauté.

38.      À l’inverse, le gouvernement du Royaume-Uni est d’avis que, dans les cas où les services sont fournis dans plusieurs États membres et qu’il n’est pas possible de déterminer le lieu où a été fourni le service principal, l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 ne s’applique pas car le fait de permettre à la requérante de choisir parmi les juridictions auprès desquelles elle introduira le recours conduirait à la compétence d’une juridiction quelconque et une telle détermination de la compétence serait fortement imprévisible pour la défenderesse.

39.      Compte tenu des réponses aux questions 1(a) et 1(b), la Commission ne répond pas à la question 1(c), sous c).

C –    Seconde question préjudicielle

40.      En ce qui concerne la seconde question, la requérante au principal et la Commission estiment qu’elles n’ont pas à y répondre compte tenu de la réponse positive à la première question.

41.      La requérante au principal est d’avis que l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 44/2001 ne s’applique pas dans la présente affaire car la détermination de la compétence sur le fondement dudit article 5, paragraphe 1, sous a) – comme sur le fondement du même article 5, paragraphe 1, sous b) – ne permet pas de garantir la prévisibilité et la sécurité juridique dans la détermination de la compétence.

42.      Le gouvernement du Royaume-Uni estime que, dans les cas où l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 ne s’applique pas du fait de l’impossibilité de déterminer le lieu de la prestation de services, on applique l’article 5, paragraphe 1, sous a). Il invoque dans son argumentation l’article 5, paragraphe 1, sous c), qui dispose que ledit article 5, paragraphe 1, sous a), s’applique si l’article 5, paragraphe 1, sous b), ne s’applique pas.

43.      Le gouvernement allemand ne se prononce pas sur la seconde question.

VI – Appréciation de Mme l’avocat général

A –    Introduction

44.      La Cour est appelée, dans la présente affaire, à interpréter l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 en liaison avec un contrat d’agence (22), lorsque l’agent commercial fournit les services dans plusieurs États membres. La Cour aura donc la possibilité de statuer sur la question de la compétence pour les litiges naissant de contrats relatifs à une prestation de services dans plusieurs États membres, un problème signalé depuis un certain temps par la doctrine (23). Cette question a certes déjà été soulevée en liaison avec un contrat de transport dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Rehder (24), mais, dans cette affaire, la question de la prestation de services dans plusieurs États membres n’était pas si problématique car il n’y avait que deux lieux possibles pour la prestation de services – le lieu de départ et le lieu de destination de l’avion. La présente affaire sera donc la première dans laquelle la Cour devra se prononcer sur la question de la compétence lorsque les services sont fournis dans une pluralité de lieux dans différents États membres.

45.      La présente affaire n’est cependant pas la seule devant la Cour à toucher à ce type de problématique. Nous souhaiterions signaler que, actuellement, l’affaire Seunig (25) pendante devant la Cour et touchant à une problématique similaire n’a pas encore été tranchée. Cette affaire concerne la question de la détermination de la compétence lorsque les services sont fournis dans plusieurs États membres. La décision dans la présente affaire influencera aussi la décision dans l’affaire Hölzel/Seunig.

46.      Nous souhaiterions également souligner que les contrats pour lesquels pourrait se poser la question de la détermination de la compétence en raison de la possibilité de fournir les services dans plusieurs États membres sont très différents les uns des autres. Une telle question peut se poser, par exemple, aussi à l’égard des contrats de représentation entre un avocat et son client (26). Si, par exemple, un cabinet d’avocats établi à Luxembourg représente un client établi en Allemagne dans une affaire se déroulant en France et qu’un litige survient entre le client et le cabinet d’avocats, la question de savoir quelle juridiction est compétente pour statuer dans ce litige se posera. De même, la détermination de la compétence peut être également difficile, dans le cas d’un contrat d’agence, si l’agent agit pour le commettant dans plusieurs États membres. La Cour devra donc en statuant dans la présente affaire tenir compte des éventuelles conséquences de la décision pour d’autres types de contrats de prestation de services dans plusieurs États membres.

B –    Recevabilité

47.      En vertu des dispositions combinées de l’article 68, paragraphe 1, CE et de l’article 234 CE, seule une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne peut déférer une question préjudicielle relative à l’interprétation du titre IV du traité CE, intitulé «Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes», ou relative à la validité ou à l’interprétation des actes des institutions communautaires adoptées sur la base de ce titre (27). Le règlement n° 44/2001, qui a été adopté sur la base de l’article 61, sous c), CE et de l’article 67, paragraphe 1, CE, relève des actes des institutions communautaires adoptées sur le fondement de ce titre.

48.      Dans la présente affaire, la réponse à la question de savoir si la juridiction de renvoi peut être définie comme une juridiction «dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne» dépend en fait de la décision qui sera adoptée dans la procédure de recours contre la décision statuant sur la compétence et qui se déroule devant la juridiction de renvoi (28). Ainsi qu’il ressort de l’article 528, paragraphe 2, deuxième alinéa, du code de procédure civile autrichien, un recours («revision») contre une décision d’une juridiction de renvoi ne pourra pas être introduit si cette juridiction confirme la décision de la juridiction de première instance en ce qui concerne la compétence. A contrario, cela signifie donc que si la juridiction de renvoi ne confirme pas la décision de la juridiction de première instance, un recours («révision») contre cette décision de la juridiction de renvoi pourra être introduit.

49.      La juridiction de renvoi affirme qu’elle entend confirmer la décision de la juridiction de première instance en ce qui concerne la compétence et que, partant, il ne sera pas possible d’introduire un recours contre sa décision (29). Nous souhaiterions néanmoins souligner que le contenu de cette décision dépend non pas uniquement de l’appréciation de la juridiction de renvoi, mais avant tout de la réponse de la Cour à la question préjudicielle. Si la réponse de la Cour correspond sur le fond à la décision de la juridiction autrichienne de première instance, il ne sera pas possible d’introduire un recours contre la décision de la juridiction de renvoi, mais si la Cour devait décider autrement, un recours pourra être introduit contre la décision de la juridiction de renvoi, et dans ce cas cette juridiction ne sera donc pas une juridiction «dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne».

50.      Dans l’affaire en l’espèce, les questions préjudicielles sont selon nous néanmoins recevables. Il convient de signaler comme argument fondamental en faveur de la recevabilité les conséquences qui se produiraient si les questions n’étaient pas jugées recevables. Dans ce cas, la juridiction de renvoi statuerait seule et confirmerait la décision de la juridiction de première instance. Par voie de conséquence, la juridiction de renvoi serait une juridiction «dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne». En outre, s’il était considéré que les questions préjudicielles ne sont pas recevables, cela préjugerait de la décision au fond de la Cour – et par voie de conséquence de la juridiction de renvoi – dans l’affaire en cause car on présumerait en fait que la Cour – et donc la juridiction de renvoi – décidera autrement que la juridiction de première instance autrichienne. Il est certes vrai que l’affaire en cause concerne uniquement la possibilité que la juridiction de renvoi soit la dernière instance, mais cette possibilité doit suffire à la recevabilité des questions préjudicielles car dans la phase d’analyse de la recevabilité on ne peut pas encore savoir quelle sera la décision sur le fond. Nous estimons par conséquent qu’il faut statuer in favorem de la recevabilité et qu’il convient de fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation nécessaires pour statuer dans l’affaire en l’espèce.

51.      Par conséquent, ces questions préjudicielles sont selon nous recevables dans la présente affaire.

C –    Première question préjudicielle

52.      La première question est composée de plusieurs parties. La première question, sous a), vise à savoir si l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 s’applique aux contrats en vertu desquels des services sont fournis dans plusieurs États membres, comme c’est le cas pour le contrat d’agence dans la présente affaire. La première question, sous b), concerne la détermination de la compétence en cas de contrats d’agence lorsque les services d’agence commerciale sont fournis dans plusieurs États membres. Il en va plus précisément de la question de savoir si le lieu d’exécution des obligations contractuelles caractéristiques est déterminé d’après le lieu où se trouve le centre de l’activité de la prestation de services. La première question, sous c), vise, quant, à elle à savoir si, dans le cas où le centre de l’activité ne peut pas être déterminé, un recours relatif à l’ensemble des droits découlant du contrat peut être introduit sur choix de la requérante dans chaque lieu de la prestation de services à l’intérieur de la Communauté.

53.      Dans le cadre de notre analyse, nous présenterons tout d’abord les caractéristiques fondamentales du contrat d’agence qui est un contrat de prestation de services au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 avant de passer à la réponse aux questions déférées par la juridiction de renvoi.

1.      Remarques introductives sur le contrat d’agence

a)      Caractéristiques du contrat d’agence

54.      La législation des États membres dans le domaine des contrats d’agence est, en ce qui concerne les caractéristiques fondamentales de ces contrats, conforme à la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants (30).

55.      En vertu de la directive 86/653, l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente (31), soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne (commettant), soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant (32). L’agent commercial doit communiquer au commettant toute information nécessaire dont il dispose et se conformer aux instructions raisonnables données par le commettant (33). Dans l’exercice de ses activités, l’agent commercial doit veiller aux intérêts du commettant et agir loyalement et de bonne foi (34).

56.      Le commettant a, en vertu de la directive 86/653, l’obligation de mettre à la disposition de l’agent commercial la documentation nécessaire qui a trait aux marchandises concernées et de lui procurer les informations nécessaires à l’exécution du contrat d’agence; il doit en outre l’aviser s’il constate que le volume des opérations commerciales sera sensiblement inférieur à celui auquel l’agent commercial aurait pu normalement s’attendre (35). Dans ses rapports avec l’agent commercial, le commettant doit agir loyalement et de bonne foi (36).

57.      L’agent commercial a droit à une commission pour son activité (37). Le montant de la commission est habituellement convenu entre les parties contractantes, mais en l’absence d’un tel accord, la directive 86/653 dispose que l’agent commercial a droit, indépendamment de l’application des dispositions obligatoires des États membres sur le montant de la rémunération, à une rémunération conforme aux usages pratiqués là où il exerce son activité (38).

58.      La directive 86/653 ne dispose pas explicitement que le contrat d’agence doit être conclu par écrit, mais les États membres ont la possibilité de prescrire qu’un contrat d’agence ne sera valable que s’il est constaté par écrit (39). En outre, et en vertu de cette directive, chaque partie a le droit, sur demande, d’obtenir de l’autre partie un écrit signé mentionnant le contenu du contrat d’agence y compris celui des avenants ultérieurs (40). En vertu de la directive, il ne peut être renoncé à ce droit (41).

b)      Le contrat d’agence comme contrat de prestation de services

59.      Aux fins de la présente affaire, il convient de constater que le contrat d’agence est un contrat de prestation de services au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 (42). Comme la Cour l’a souligné dans l’arrêt Falco Privatstiftung et Rabitsch, la notion de services implique que «pour le moins, […] la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération» (43). Cette condition est remplie dans la présente affaire car l’agent commercial a acquis de nouveaux clients pour le commettant et a entretenu les relations avec les clients existants, il s’est entretenu avec les clients avant la conclusion des contrats, il a conclu les contrats, il a accueilli les réclamations et il a assuré au commettant un soutien général pour la vente de ses produits (44). Il a fourni ces services contre rémunération car il a reçu une commission pour son activité. La condition de l’existence d’un contrat de prestation de services est donc en l’espèce incontestablement remplie.

2.      Application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 aux contrats de prestation de services exécutés dans plusieurs États membres (question 1(a))

60.      Par sa première question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 s’applique aux contrats de prestation de services, comme, par exemple, le contrat d’agence de la présente affaire, sur la base desquels les services sont fournis dans plusieurs États membres.

61.      L’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 dispose que le lieu d’exécution des obligations, auquel on peut également attraire une personne même si elle a son domicile dans un autre État membre (45), est, à moins qu’il n’en soit convenu autrement, pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis. On ne peut pas selon nous constater à partir des termes de cet article s’il s’applique aux contrats de prestation de services exécutés seulement dans un État membre ou dans plusieurs États membres. L’utilisation de la notion d’«État membre» au singulier ne saurait non plus être déterminante (46).

62.      Il convient néanmoins selon nous de répondre par l’affirmative à cette question. Cette réponse découle en effet de la jurisprudence actuelle de la Cour et plus précisément des affaires ayant donné lieu aux arrêts Color Drack (47) et Rehder (48). La première affaire ne concernait certes pas un contrat de prestation de services mais un contrat de vente de marchandises, mais elle est tout de même importante pour la présente affaire car la Cour a ensuite étendu les règles qu’elle y avait développées aux contrats de prestation de services dans la seconde affaire.

63.      La Cour a statué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Color Drack sur l’application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, du règlement n° 44/2001 aux cas dans lesquels la marchandise est livrée sur la base du contrat en plusieurs lieux dans le même État membre. La Cour a décidé que cet article s’applique en cas de pluralité de lieux de livraison dans le même État membre et que, dans un tel cas, la juridiction compétente pour connaître de toutes les demandes fondées sur un contrat de vente de marchandises est la juridiction compétente dans le ressort de laquelle se situe le lieu de la livraison principale, laquelle doit être déterminée en fonction de critères économiques (49). Si ce lieu ne peut pas être déterminé, la requérante peut introduire son recours auprès de la juridiction du lieu de livraison de son choix (50). Dans cette affaire, la Cour a expressément souligné que ces considérations étaient limitées au seul cas de la pluralité de lieux de livraison dans un même État membre et qu’elles ne préjugent pas de la réponse en cas de pluralité de lieux de livraison dans plusieurs États membres (51).

64.      M. l’avocat général Bot a certes défendu dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Color Drack le point de vue que, si les lieux de livraison se trouvaient dans différents États membres, la compétence ne serait pas déterminée sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 car l’objectif de la prévisibilité ne saurait être atteint (52). Il a également estimé que, dans ce cas, la compétence ne serait pas déterminée non plus sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 44/2001, mais que au contraire, en vertu de l’article 2 du règlement n° 44/2001, la juridiction compétente serait la juridiction du domicile de la défenderesse (53).

65.      Toutefois, dans l’affaire Rehder (54) récemment jugée – dans laquelle l’arrêt a été prononcé après que la juridiction de renvoi ne défère sa question préjudicielle dans la présente affaire –, la Cour a déjà répondu à la question de savoir si l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 s’applique lorsque des services sont fournis dans plusieurs États membres. La Cour a jugé que les considérations de l’arrêt Color Drack «sont également valables en ce qui concerne les contrats de fourniture de services, y compris dans les cas où cette fourniture n’est pas effectuée dans un seul État membre» (55). La Cour a également souligné que les règles de compétence spéciale prévues par le règlement n° 44/2001 en matière de contrats de vente de marchandises et de fourniture de services ont «la même genèse, poursuivent la même finalité et occupent la même place dans le système établi par ce règlement» (56). En outre, selon la Cour, en cas de prestation de services en plusieurs lieux dans différents États membres, «[l]es objectifs de proximité et de prévisibilité, qui sont poursuivis par la concentration de la compétence judiciaire au lieu de fourniture des services, en vertu du contrat en cause, et par la détermination d’une compétence judiciaire unique pour toutes les prétentions fondées sur ce contrat, ne sauraient recevoir une approche différenciée» (57). D’après les indications de la Cour, une telle différenciation «ne trouv[e] pas de fondement dans les dispositions du règlement n° 44/2001» et serait en outre contraire à la finalité du règlement (58).

66.      La Cour a donc déjà répondu dans l’arrêt Rehder à la question de savoir si l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 s’applique aux contrats de prestation de services exécutés dans plusieurs États membres. Notons qu’il est également souligné en doctrine que cet article s’applique aux contrats de prestation de services exécutés dans plusieurs États membres (59).

67.      Il faut par conséquent, selon nous, répondre à la première question, sous a), de la juridiction de renvoi en ce sens que l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 s’applique aux contrats de prestation de services, comme le contrat d’agence dans la présente affaire, en vertu desquels les services sont fournis dans plusieurs États membres.

3.      Détermination de la compétence en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 (question 1(b))

68.      Par sa première question, sous b), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens que pour la détermination de la compétence pour les litiges découlant d’un contrat de prestation de services exécuté dans plusieurs États membres, le lieu où les services sont fournis au sens de cet article est déterminé en fonction du lieu où se situe le centre de l’activité de la prestation de services.

69.      En ce qui concerne cette question, nous voudrions tout d’abord souligner que la Cour doit, en déterminant la compétence dans la présente affaire, tenir compte de deux principes.

70.      Premièrement, la Cour doit tenir compte du principe que la compétence de la juridiction désignée doit être prévisible (60), ce qui constitue une expression du principe de sécurité juridique (61). Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le règlement n° 44/2001 poursuit un objectif de sécurité juridique qui consiste à renforcer la protection juridique des personnes établies dans la Communauté, en permettant à la fois au demandeur d’identifier facilement la juridiction qu’il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait (62).

71.      Deuxièmement, la compétence de la juridiction doit être déterminée en fonction du lieu qui garantit le «rattachement le plus étroit» entre le contrat et la juridiction compétente (63).

72.      Lors de la prise en compte de ces principes, il conviendra d’examiner si la réponse à la première question, sous b), peut déjà être déduite de la jurisprudence prononcée jusqu’à maintenant.

73.      Dans le cadre de la détermination de la compétence sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001, la Cour a déjà décidé dans l’affaire Rehder que, si les services sont fournis en plusieurs lieux dans différents États membres, il faut déterminer le lieu qui garantit le rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente (64). Il s’agit selon la Cour en particulier du lieu où, en vertu du contrat, doit être effectuée la fourniture principale des services (65).

74.      Il faut relever que la Cour dans l’affaire Rehder n’a pas affirmé que le lieu où doit être effectuée, en vertu du contrat, la fourniture principale des services est le seul critère possible pour déterminer la compétence en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001. La Cour a souligné qu’il faut rechercher le lieu qui garantit le rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente, notamment celui où, en vertu de ce contrat, doit être effectuée la fourniture principale des services (66). Le critère fondamental est donc le rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente, mais ce rattachement peut être garanti en particulier au lieu où doit être effectuée, en vertu du contrat, la fourniture principale des services.

75.      Il convient selon nous d’appliquer aussi à la présente affaire les considérations développées par la Cour dans l’affaire Rehder. Il faut cependant, à cette occasion, tenir compte du fait que dans la présente affaire le contrat d’agence n’a pas défini en quel lieu ou dans quel État membre devrait être effectuée la fourniture principale des services. Dans ce contrat conclu oralement (67), seuls ont été définis les États membres dans lesquels l’agent commercial devait fournir les services d’agence commerciale (68). Dans la présente affaire, il faut donc développer la solution tirée de l’affaire Rehder en ce sens que, si on ne peut pas établir le lieu où doit être effectuée, en vertu du contrat, la fourniture principale des services, la compétence est déterminée sur la base du lieu où a été effectivement réalisée la fourniture principale des services (69).

76.      Nous sommes par conséquent d’avis que, dans l’affaire en l’espèce, la juridiction compétente est celle du lieu où l’agent commercial a réalisé la fourniture principale des services. Cette appréciation doit être effectuée par la juridiction de renvoi sur la base des faits, mais la Cour doit définir les critères que la juridiction de renvoi prendra en compte dans son appréciation. Si ce lieu ne peut pas être déterminé, la Cour doit fournir à la juridiction de renvoi à titre subsidiaire d’autres critères pour déterminer la juridiction compétente, critères qui doivent par principe répondre aux exigences de la prévisibilité et du rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente.

77.      Il convient donc, dans la présente affaire, de définir en premier lieu les critères sur la base desquels sera déterminé le lieu où est effectuée la fourniture principale des services.

78.      Selon nous, dans le cas d’un contrat d’agence, les critères suivants seront les critères déterminants pour déterminer la compétence: l’investissement personnel ou l’effort de l’agent commercial, le temps nécessaire pour les différents services, la durée des relations commerciales avec les différents clients, les frais supportés par l’agent commercial pour la prestation d’intermédiaire pour le commettant, le lieu à partir duquel l’agent commercial a organisé son activité et le chiffre d’affaires réalisé par l’agent commercial. Plus précisément, la juridiction de renvoi devra constater en quel lieu l’agent commercial a fourni les services concrets, comme l’établissement des contacts avec d’éventuels acheteurs, l’envoi de documents, les visites personnelles auprès des clients, les négociations, la préparation du texte du contrat s’il est conclu sous forme écrite, la conclusion du contrat et la réception des éventuelles réclamations. Elle devra également tenir compte du fait que les obligations de l’agent commercial peuvent être très variées et que ce dernier peut effectuer cette mission d’intermédiaire de différentes manières: par voie postale, par téléphone, par télécopie, par courrier électronique ou par d’autres moyens de communication actuels, mais aussi personnellement, soit à son siège, soit au siège du client ou en un autre lieu. La juridiction de renvoi devra en outre tenir compte du fait que le contrat d’agence est un rapport contractuel permanent (70). Il s’agit donc non pas d’une activité d’intermédiaire ou de la conclusion uniquement d’un contrat entre le commettant et un client, mais au contraire d’une activité d’intermédiaire ou de la conclusion de plusieurs contrats entre un commettant et les clients. La juridiction de renvoi devra donc tenir compte du lieu où l’agent commercial a fourni les services pendant une période étendue.

79.      En ce qui concerne le chiffre d’affaires comme critère de détermination de la compétence, ajoutons que la juridiction de renvoi devra tenir compte du fait que le chiffre d’affaires peut être certes bel et bien un indicateur du lieu où l’agent commercial a fourni les services d’agence commerciale, mais ce facteur doit toujours être pris en compte en liaison avec d’autres critères. Le chiffre d’affaires ne saurait donc être le critère unique et déterminant de détermination de la compétence qui primerait ainsi sur les autres critères. Le montant du chiffre d’affaires est en effet très imprévisible puisqu’il peut évoluer rapidement avec la conclusion d’un contrat entre le commettant et un client. Si la juridiction de renvoi constate, par exemple, que l’agent commercial a réalisé la plus grande partie de son travail dans un État membre, mais que son chiffre d’affaires le plus élevé a été réalisé dans un autre État membre, le montant du chiffre d’affaires ne saurait être déterminant au point que serait de ce fait compétente la juridiction de l’État membre où a été réalisé le chiffre d’affaires le plus élevé. La juridiction de renvoi doit tenir compte de l’ensemble des critères et déterminer sur la base d’une telle appréciation globale le lieu où a été réalisée la fourniture principale des services.

80.      Eu égard aux considérations exposées aux points 69 à 79 des présentes conclusions, nous sommes d’avis qu’il convient de répondre à la première question, sous b), en ce sens que l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens, que pour la détermination de la compétence pour les litiges découlant d’un contrat de prestation de services exécuté dans plusieurs États membres, comme le contrat d’agence dans la présente affaire, le lieu où ont été fournis les services au sens de cet article est déterminé en fonction du lieu où a été réalisée la fourniture principale des services. Cette appréciation doit être effectuée par le juge national.

4.      Détermination de la compétence si le lieu de la fourniture principale des services ne peut pas être déterminé (question 1(c))

81.      Par sa première question, sous c), la juridiction de renvoi demande, en substance, comment déterminer la juridiction compétente si le lieu de la fourniture principale des services ne peut pas être déterminé. La juridiction de renvoi demande en liaison avec cette question si, dans ce cas, un recours relatif à l’ensemble des droits découlant d’un contrat peut être introduit par la requérante en chaque lieu de la Communauté de son choix où les services ont été fournis.

82.      Bien que la juridiction de renvoi exprime déjà son point de vue sur la question de savoir où se situe le lieu de la fourniture principale des services de l’agent commercial (71), nous sommes d’avis qu’il est nécessaire de répondre à cette question. Il n’est en effet pas totalement exclu que la juridiction de renvoi parviendra, en appliquant les critères qui lui seront fournis par la Cour, à une autre solution. La Cour doit donc fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire au fond.

83.      Si la juridiction compétente ne peut pas être déterminée sur la base du lieu où a été réalisée la fourniture principale des services, les solutions possibles pour la détermination de la compétence dans la présente affaire sont multiples.

84.      La première possibilité est la solution qui a été suggérée par la juridiction de renvoi et en vertu de laquelle est compétente pour toutes les demandes, la juridiction choisie par la requérante de chaque État membre dans lequel a été fournie une partie des services. Cette solution constiturait certes une extension de l’affaire Rehder à la présente affaire et ainsi une poursuite logique de la jurisprudence, mais elle ne nous semble pas adéquate en l’espèce pour diverses raisons. Premièrement, cette solution ne répond pas à l’objectif de la prévisibilité car elle ouvre la possibilité pour une multiplicité (excessive) de lieux où un recours pourrait être introduit (72). Deuxièmement, cette solution favorise de manière excessive le requérant qui a la possibilité de choisir le lieu d’introduction du recours, ce qui implique un danger important de forum shopping (73). Troisièmement, la solution apportée par la Cour dans l’affaire Rehder concernait des faits spécifiques, à savoir les services de transport aérien d’un État membre vers un autre. Dans l’affaire Rehder, le risque de forum shopping n’existait pas car le requérant n’avait à sa disposition que deux lieux où il pouvait introduire un recours, alors que dans la présente affaire il y en a plus.

85.      D’après la deuxième solution possible, est compétente la juridiction de chaque État membre dans lequel une partie des services a été fournie, mais uniquement pour la partie des services qui a été fournie dans cet État membre (74). Cette solution peut sembler, à première vue, être dogmatiquement adéquate, mais elle est dans le même temps contestée car elle divise de manière excessive la compétence et alourdit de manière disproportionnée la mission de la requérante qui, dans ce cas, devrait introduire un très grand nombre de recours dans différents États membres. Cette solution constitue par ailleurs un risque de conflit de décisions à l’égard du même rapport contractuel (75).

86.      La troisième solution possible pour déterminer la compétence est d’appliquer sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001 l’article 5, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement (76). Selon nous, cette solution n’est pas non plus adéquate. L’article 5, paragraphe 1, sous a), ne s’applique en effet qu’aux contrats qui ne sont pas des contrats de vente de marchandises ou de prestation de services (77), ou bien si le lieu d’exécution des obligations contractuelles ne se trouve pas dans l’un des États membres (78), à l’exception du Royaume de Danemark pour lequel la convention de Bruxelles continue à s’appliquer (79). S’il s’agit d’un contrat de prestation de services – ce qu’est incontestablement le contrat d’agence (80) – la compétence doit être déterminée dans le cadre de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 et non sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de ce règlement.

87.      La quatrième possibilité pour déterminer la compétence, si cela ne peut pas être fait sur la base du lieu de la fourniture principale des services, est l’abandon total de cette détermination sur la base de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 et le recours à l’article 2 de ce règlement conformément à l’arrêt Besix (81). Dans l’affaire Besix, la Cour a jugé en liaison avec l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles que la compétence n’était pas déterminée sur la base de cet article lorsqu’il n’était pas possible de déterminer le lieu d’exécution de l’obligation parce que la teneur de cette obligation, qui ne comportait aucune limitation géographique, était une obligation de ne pas faire, et qu’il était par conséquent possible de déterminer plusieurs lieux d’exécution de cette obligation (82). Dans ce cas, la compétence est déterminée sur la base de l’article 2, premier alinéa, de cette convention. La possibilité de déterminer la compétence conformément à la décision dans l’affaire Besix et, partant, sur la base de l’article 2 du règlement n° 44/2001 n’est toutefois selon nous pas adéquate dans la présente affaire.

88.      Tout d’abord, la détermination de la compétence conformément à l’arrêt Besix, précité, rendrait impossible la détermination de la compétence sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 pour nombre de contrats d’agence sur la base desquels des services sont fournis dans plusieurs États membres. Ce serait contraire à l’objectif de l’article 5, paragraphe 1, sous b), qui a été inclus dans ce règlement précisément pour que pour deux types de contrats – le contrat de vente de marchandises et le contrat de prestation de services – le lieu d’exécution des obligations en cause soit déterminé de manière indépendante (83), mais ce serait aussi contraire, d’une manière générale, à la compétence spéciale dans les affaires liées aux rapports contractuels (84).

89.      Par ailleurs, l’application de l’arrêt Besix, précité, à la présente affaire serait contraire à l’économie de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001. Même s’il était admis que l’article 5, paragraphe 1, sous b), dudit règlement ne s’applique pas si le lieu d’exécution des obligations caractéristiques ne peut être déterminé (85), la compétence serait déterminée conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous c), de ce règlement sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement (86). Ce n’est que si la détermination de la compétence n’était pas possible dans le cadre de l’article 5, paragraphe 1, sous a), qu’on pourrait en venir à la détermination de la compétence sur la base de l’article 2 du règlement n° 44/2001. Avec la détermination de la compétence sur la base de l’article 2, cette étape intermédiaire serait évitée et on ignorerait complètement l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001 et ainsi, dans le même temps, l’économie de cet article.

90.      Il faut enfin tenir compte du fait que la nature de l’obligation contractuelle dans la présente affaire n’est pas comparable à celle dans l’affaire Besix. Dans l’affaire Besix les faits concernaient un contrat dont l’objet était une obligation de ne pas faire sans limitation géographique (87). Ce contrat n’était donc pas un contrat de prestation de services comme celui en l’espèce. Si l’affaire Besix avait été jugée après l’entrée en vigueur du règlement n° 44/2001, le contrat relatif à l’obligation de ne pas faire n’aurait pas été défini comme un contrat de prestation de services au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, dudit règlement (88), mais la compétence serait au contraire appréciée sur la base l’article 5, paragraphe 1, sous a), de ce règlement qui est l’équivalent de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles, objet de l’interprétation dans l’affaire Besix. Nous estimons donc que la décision dans l’affaire Besix ne saurait être appliquée dans la présente affaire.

91.      La cinquième solution possible, si le lieu de la fourniture principale des services ne peut pas être déterminé, est de fixer la compétence au lieu du siège de l’agent commercial et donc de la partie contractante qui doit exécuter la prestation caractéristique du contrat. Cette solution, selon nous, n’est pas la plus adéquate, et ce pour plusieurs raisons.

92.      Premièrement, cette solution répond tant à l’objectif de la prévisibilité qu’à l’objectif d’un rattachement étroit entre le contrat et la juridiction compétente. Cette solution est prévisible car le lieu d’établissement de la juridiction compétente est clair – par conséquent la juridiction du lieu du siège de l’agent commercial – et parce que cette juridiction statue sur toutes les demandes fondées sur le même contrat d’agence. La condition de l’existence d’un rattachement étroit est par ailleurs remplie car les preuves documentaires seront en règle générale également disponibles au siège de l’agent commercial.

93.      Deuxièmement, cette solution est adéquate car la détermination de la compétence demeure dans le cadre de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001. Il faut reconnaître que cette solution s’écarte, certes, en partie des termes et de l’objectif de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001, en vertu duquel la compétence est déterminée en fonction du lieu où ont été fournis, ou devaient être fournis les services en vertu du contrat. Il s’agit en effet, à cet égard, du lieu où les services ont été effectivement fournis, ce qui signifie que cet article applique pour la détermination de la compétence un critère qui dépend des éléments de fait (89). La solution suggérée signifie donc en réalité un remplacement du critère de fait par un critère abstrait. La solution sur la base du critère abstrait ne s’applique cependant qu’à titre subsidiaire si le lieu de la fourniture principale des services ne peut pas être déterminé (90). Nous estimons par conséquent que cette solution est de toute façon la plus adéquate.

94.      Il faut donc, selon nous, répondre à la première question, sous c), de la juridiction de renvoi en ce sens que, si le lieu de la fourniture principale des services ne peut pas être déterminé, il faut considérer que, dans le cas d’un contrat d’agence, le lieu de la prestation de services est le siège de l’agent commercial.

D –    Deuxième question préjudicielle

95.      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si – dans l’hypothèse où la réponse à la première question, sous a), était négative – pour les contrats de prestation de services dans plusieurs États membres comme le contrat d’agence dans la présente affaire, l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 44/2001 s’applique.

96.      La deuxième question de la juridiction de renvoi n’est posée qu’à titre subsidiaire si la réponse à la première question, sous a), est négative, c’est-à-dire s’il faut interpréter l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 en ce sens qu’il ne s’applique pas aux contrats de prestation de services, comme le contrat d’agence dans la présente affaire, sur la base desquels les services sont fournis dans plusieurs États membres.

97.      Ainsi qu’il ressort du point 67 des présentes conclusions, il convient selon nous de répondre par l’affirmative à la première question, sous a), et il n’est dès lors pas nécessaire de répondre à la deuxième question posée uniquement à titre subsidiaire.

E –    Conclusion

98.      Eu égard aux considérations qui précèdent, nous sommes d’avis que l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 s’applique aux contrats d’agence lorsque l’agent commercial fournit les services dans plusieurs États membres et qu’il convient d’interpréter cet article en ce sens que la compétence est déterminée sur la base du lieu où a été réalisée la fourniture principale des services. Dans la mesure où il s’agit d’une appréciation sur la base de faits, celle-ci doit être effectuée par le juge national. Si le lieu de la fourniture principale des services ne peut pas être déterminé, nous estimons qu’il faut considérer que, pour un contrat d’agence, le lieu de la prestation de services est le lieu du siège de l’agent commercial.

VII – Conclusion

99.      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles de l’Oberlandesgericht Wien:

1)         L’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, s’applique aux contrats de prestation de services, comme le contrat d’agence dans la présente affaire, sur la base desquels les services sont fournis dans plusieurs États membres.

2)         L’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens que, pour la détermination de la compétence pour les litiges découlant d’un contrat de prestation de services exécuté dans plusieurs États membres, comme le contrat d’agence dans la présente affaire, le lieu où ont été fournis les services au sens de cet article est déterminé en fonction du lieu où a été réalisée la fourniture principale des services. Cette appréciation doit être effectuée par le juge national.

3)         Si le lieu de la fourniture principale des services ne peut pas être déterminé, il faut considérer que, pour un contrat d’agence comme celui dans la présente affaire, le lieu de la prestation de services est le lieu du siège de l’agent commercial.


1 – Langue originale: le slovène.


2 – Arrêt du 3 mai 2007, Color Drack (C‑386/05, Rec. p. I‑3699).


3 – Arrêt du 23 avril 2009, Falco Privatstiftung et Rabitsch (C‑533/07, non encore publié au Recueil).


4 – Arrêt du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, non encore publié au Recueil).


5 – JO L 12, p. 1.


6 – Le fait que le contrat d’agence a été conclu oralement ressort non pas de la décision de renvoi, mais des indications de la requérante dans l’affaire au principal. Voir point 32 des présentes conclusions.


7 – Le fait que l’agent commercial a également exercé la mission d’agence commerciale en Pologne ressort non pas de la décision de renvoi, mais des indications de la défenderesse dans la procédure au principal. Voir point 30 des présentes conclusions.


8 – Précité à la note 2.


9 – Ibidem, point 18.


10 – Ibidem, point 38.


11 – Ibidem, point 28.


12 – Ibidem, point 40.


13 – Ibidem, point 42.


14 – Arrêt du 19 février 2002 (C‑256/00, Rec. p. I‑1699).


15 – La présente note ne concerne que la version slovène des conclusions.


16 – Précité à la note 14.


17 – Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (JO L 304, p. 1 et – texte amendé – p. 77), par la convention du 25 octobre 1982 relative à l’adhésion de la République hellénique (JO L 388, p. 1), par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise (JO L 285, p. 1) et par la convention du 29 novembre 1996 relative à l’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède (JO 1997, C 15, p. 1).


18 – Conclusions présentées le 15 février 2007.


19 – Ibidem, note 30.


20 – Précité à la note 14.


21 – La Commission, dans la procédure au principal, a utilisé non pas l’expression de «Hauptbüro» (bureau principal), mais celle de «Niederlassung» ou «Hauptniederlassung» (établissement/établissement principal).


22 – La Cour a certes déjà traité la question de la compétence dans des litiges découlant de contrats d’agence dans le cadre de l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la Convention de Bruxelles dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 octobre 1999, Leathertex (C‑420/97, Recueil p. I‑6747). Cette affaire n’est cependant pas pertinente en l’espèce car la compétence au titre de l’article 5, paragraphe 1, de la Convention de Bruxelles est déterminée autrement que la compétence sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001. L’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 44/2001 actuel est l’équivalent de l’article 5, paragraphe 1, de la Convention de Bruxelles. Pour déterminer la compétence sur la base de cet article, le lieu d’exécution des obligations en cause est déterminé sur la base du droit qui s’applique aux relations contractuelles (lex causae) et le droit qui s’applique aux relations contractuelles est déterminé sur la base des règles de conflit internes par la juridiction nationale devant laquelle le litige est introduit. En ce qui concerne la détermination de la compétence sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 44/2001, voir aussi note 76 aux présentes conclusions.


23 – Ce problème est signalé, par exemple, en doctrine par Gaudemet-Tallon, H., Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlement n° 44/2001, Conventions de Bruxelles et de Lugano, 3e édition, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 2002, p. 159, point 199; par Mankowski, P., dans Magnus, U., et Mankowski, P. (édit.), Bruxelles I Regulation, Sellier. European Law Publishers, Munich, 2007, p. 147, points 120 et suiv., ainsi que par Leible, S., «Zuständiges Gericht für Entschädigungsansprüche von Flugpassagieren», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, n° 16/2009, p. 573.


24 – Précité à la note 4.


25 – Affaire C-147/09; questions préjudicielles publiées au Journal officiel de l’Union européenne du 4 juillet 2009 (JO C 153, p. 27). Dans cette affaire, la requérante, domiciliée en Autriche, a tout d’abord mandaté la défenderesse, domiciliée en République tchèque, pour effectuer différentes opérations comme, par exemple, des opérations bancaires, le règlement des soins, l’emploi à domicile pour les personnes âgées, et l’a ensuite encore mandatée à titre général pour la représenter dans toutes ses affaires. La juridiction de renvoi indique qu’il n’a pas pu être établi si la défenderesse a effectué la plus grande partie des opérations pour la requérante en Autriche ou en République tchèque. En ce qui concerne les faits, voir ordonnance de l’Oberlandesgericht Wien du 27 février 2009.


26 – Mankowski, P., op. cit., p. 147, point 120.


27 – Notons que le traité de Lisbonne qui modifie le traité sur l’Union europénne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 (JO C 306, p. 1), abroge à l’article 2, point 67, l’actuel article 68 CE. Cela signifie que, après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, toutes les juridictions des États membres pourront déférer des questions préjudicielles liées à ce domaine et non pas seulement les juridictions dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne. Dans la mesure où la recevabilité des questions préjudicielles est appréciée à la lumière de la date de dépôt de ces questions à la Cour, cette disposition du traité de Lisbonne n’est pas encore prise en compte dans la présente affaire.


28 – Soulignons que l’appréciation, s’il s’agit d’une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, est non pas abstraite mais au contraire concrète et dépend de l’existence de recours juridictionnels dans l’affaire en cause. Ainsi, la Cour a considéré sur la base de l’appréciation des circonstances concrètes qu’une question préjudicielle était irrecevable, par exemple, dans l’ordonnance du 31 mars 2004, Georgescu (C‑51/03, Rec. p. I‑3203, points 29 à 32), et dans l’ordonnance du 10 juin 2004, Warbecq (C‑555/03, Rec. p. I‑6041, points 12 à 15). Voir, en doctrine, en ce qui concerne l’appréciation concrète de la notion de juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne, par exemple, Rossi, M., dans Calliess, C., et Ruffert, M. (édit.), EUV/EGV. Das Verfassungsrecht der Europäischen Union mit Europäischer Grundrechtecharta. Kommentar, 3e édition, Beck, Munich, 2007, p. 951, point 4.


29 – Ajoutons que, dans la doctrine autrichienne, la question de la recevabilité dans le cadre de l’article 68, paragraphe 1, CE lu en combinaison avec l’article 528, paragraphe 2, deuxième alinéa, du code de procédure civile autrichien est traitée par Tarko, I., et Mayer, H., Kommentar zu EU- und EG-Vertrag, Manz’sche Verlags- und Universitätsbuchhandlung, Vienne, 2003, dans un commentaire à l’article 68 CE, point 8, qui indique que la juridiction de renvoi nationale ne peut, dans un cas comme celui en l’espèce, poser une question préjudicielle que si elle entend confirmer la décision de la juridiction de première instance, raison pour laquelle la révision est irrecevable. Selon l’auteur, cela doit être indiqué dans la décision de renvoi.


30 – JO L 382, p. 17. Ainsi qu’il est indiqué dans le deuxième considérant de la directive, cette dernière a été adoptée, entre autres, parce que les différences entre les législations nationales en matière d’agence commerciale gênent sensiblement l’établissement et le fonctionnement des contrats d’agence entre un commettant et un agent commercial établis dans des États membres différents. Mentionnons que cette directive a été transposée, par exemple, en droit autrichien par le Handelsvertretergesetz, en droit belge par la loi relative au contrat d’agence commerciale, en droit francais par le Code de commerce (articles L-134-1 à L-134-17), en droit italien par le Codice Civile (articles 1742 à 1753), en droit allemand par le Handelsgesetzbuch (articles 84 à 92c), en droit slovène par le Obligacijski zakonik (articles 807 à 836) et en droit britannique par le Statutory Instrument 1993 No. 3053 – The Commercial Agents (Council Directive) Regulations 1993.


31 – Il faut souligner que le contrat d’agence est un rapport contractuel permanent, un fait qui ressort déjà des termes de la directive 86/653. Le caractère permanent du rapport contractuel ressort également des termes des dispositions de certains États membres transposant cette directive dans l’ordre juridique national. Ainsi, par exemple, en droit autrichien, le Handelsvertretergesetz dispose en son article 1er, paragraphe 1: «Handelsvertreter ist, wer von einem anderen mit der Vermittlung oder dem Abschluss von Geschäften […] ständig betraut ist […]». En droit belge, la loi relative au contrat d’agence commerciale dispose à son article 1er: «Le contrat d’agence commerciale est le contrat par lequel […] l’agent commercial est chargé de façon permanente […] de la négociation et éventuellement de la conclusion d’affaires […] du commettant». En droit francais, le Code de commerce dispose à l’article L-134-1: «L’agent commercial est un mandataire qui […] est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats […]». En droit italien, l’article 1742 du Codice Civile dispose: «Col contratto di agenzia una parte assume stabilmente l’incarico di promuovere, per conto dell’altra […] la conclusione di contratti […]». En droit allemand, le Handelsgesetzbuch dispose à l’article 84, paragraphe 1: «Handelsvertreter ist, wer […] ständig damit betraut ist, für einen anderen […] Geschäfte zu vermitteln oder in dessen Namen abzuschließen […]». En droit slovène, l’article 807 du Obligacijski zakonik dispose: «S pogodbo o trgovskem zastopanju se zastopnik zaveže, da bo ves čas skrbel za to, da bodo tretje osebe sklepale pogodbe z njegovim naročiteljem […]». En droit britannique l’article 2, paragraphe 1, des Commercial Agents (Council Directive) Regulations 1993 dispose: «‘[C]ommercial agent’ means a self-employed intermediary who has continuing authority to negotiate the sale or purchase of goods on behalf of another person […]». Nous mettons en exergue.


32 – Voir article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653.


33 – Voir article 3, paragraphe 2, de la directive 86/653. Ajoutons que cette directive dispose expressément à l’article 5 que les parties ne peuvent pas déroger aux dispositions des articles 3 et 4 qui posent les droits et les obligations de l’agent commercial et du commettant.


34 – Voir article 3, paragraphe 1, de la directive 86/653.


35 – Voir article 4, paragraphe 2, de la directive 86/653.


36 – Voir article 4, paragraphe 1, de la directive 86/653.


37 – La directive 86/653 dispose à l’article 7, paragraphes 1 et 2, que l’agent commercial a droit à une commission pour une opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence, lorsque l’opération a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l’opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre, mais aussi lorsqu’il est chargé d’un secteur géographique ou d’un groupe de personnes déterminées et qu’il jouit d’un droit d’exclusivité pour ce secteur géographique ou ce groupe de personnes déterminées. Dans certains cas exceptionnels déterminés, l’agent commercial a droit à une commission pour une opération commerciale conclue après la cessation du contrat d’agence (voir article 8 de la directive 86/653).


38 – Voir article 6, paragraphe 1, de la directive 86/653.


39 – Voir article 13, paragraphe 2, de la directive 86/653.


40 – Voir article 13, paragraphe 1, de la directive 86/653. Notons que, par exemple, les législateurs français, italien, allemand et slovène ont choisi cette possibilité. Les dispositions dans ces États membres disposent non pas expressément que le contrat d’agence doit être conclu par écrit, mais au contraire uniquement qu’une partie contractuelle peut demander à l’autre l’établissement d’un document écrit reprenant le contenu du contrat. Pour le droit belge, voir article 5 de la loi relative au contrat d’agence commerciale; pour le droit italien, voir article 1742 du Codice Civile; pour le droit francais, voir article L-134-2 du Code de commerce; pour le droit allemand, voir article 85 du Handelsgesetzbuch; pour le droit slovène, voir article 808 du Obligacijski zakonik.


41 – Voir article 13, paragraphe 1, de la directive 86/653.


42 – Cette position est également défendue par la doctrine. Voir, par exemple Gaudemet-Tallon, H., 5 octobre 1999 – Cour de justice des Communautés européennes [commentaire de l’arrêt Leathertex], Revue critique de droit international privé, n° 1/2000, p. 88; Emde, R., «Heimatgerichtsstand für Handelsvertreter und andere Vertriebsmittler?», Kommunikation & Recht, n° 7/2003, p. 508; Mankowski, P., op. cit., p. 131, point 89; Fach Gómez, K., «El Reglamento 44/2001 y los contratos de agencia comercial internacional: aspectos jurisdiccionales», Revista de derecho comunitario europeo, n° 14/2003, p. 208; Berlioz, P., «La notion de fourniture de services au sens de l’article 5-1 b) du règlement ‘Bruxelles I’», Journal du droit international (Clunet), n° 3/2008, point 45.


43 – Précité à la note 3, point 29. Voir également nos conclusions, présentées le 27 janvier 2009, dans l’affaire Falco Privatstiftung et Rabitsch (C‑533/07, non encore publiées au Recueil, point 57) et doctrine citée.


44 – Voir indications de la requérante au principal au point 32 des présentes conclusions.


45 – Voir article 5, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001.


46 – Sur la base d’une interprétation terminologique très stricte on pourrait éventuellement arguer que l’utilisation de la notion d’«État membre» au singulier démontre que l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 ne s’applique que dans les cas où les services sont fournis dans un seul État membre, mais ce serait selon nous contraire à l’objet de cet article qui est la détermination de la compétence pour toutes sortes de contrats de prestation de services. Une interprétation terminologique ne peut être que le point de départ de l’interprétation et elle doit être appuyée avant tout par une interprétation téléologique et systématique. En ce qui concerne le sens des différents types d’interprétation en droit communautaire, voir, par exemple, Riesenhuber, K., v: Riesenhuber, K. (édit.), Europäische Methodenlehre. Handbuch für Ausbildung und Praxis, De Gruyter Recht, Berlin, 2006, p. 250 et suiv. Voir aussi Delnoy, P., Éléments de méthodologie juridique, 2e édition, Larcier, Bruxelles, 2006, p. 93, qui souligne qu’il faut aussi interpréter les termes clairement, d’où nous pouvons déduire que la seule interprétation terminologique ne suffit pas pour comprendre correctement le texte.


47 – Précité à la note 2.


48 – Précité à la note 4.


49 – Voir arrêt Color Drack (précité à la note 2, point 46). Pour un commentaire de l’arrêt, voir, par exemple, Huber‑Mumelter, U., et Mumelter, K. H., «Mehrere Erfüllungsorte beim forum solutionis: Plädoyer für eine subsidiäre Zuständigkeit am Sitz des vertragscharakteristisch Leistenden», Juristische Blätter, n° 130/2008, p. 566 et suiv.; Mankowski, P., «Mehrere Lieferorte beim Erfüllungsortgerichtsstand unter Art. 5 Nr. 1 lit. B EuGVVO», Praxis des Internationalen Privat- und Verfahrensrechts, n° 5/2007, p. 409 et suiv.; Gardella, A., «The ECJ in Search of Legal Certainty for Jurisdiction in Contract: The Color Drack Decision», Yearbook of private international law, 2007, p. 445 et suiv.; Do, T. U., «Libre circulation des marchandises. Arrêt ‘Color Drack’», Revue du droit de l’Union Européenne, n° 2/2007, p. 471.


50 – Voir arrêt Color Drack (précité à la note 2, point 46).


51 – Voir arrêt Color Drack (précité à la note 2, point 16). Ajoutons que, à la suite de l’arrêt Color Drack, précité, la question s’est posée de savoir si la compétence – lorsque les lieux de livraison se situeront uniquement dans un État membre – sera déterminée différemment que lorsque les lieux de livraison se situeront dans différents États membres. Voir en doctrine, par exemple, Leible, S., op. cit. (note 23), p. 572.


52 – Voir conclusions de M. l’avocat général Bot dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Color Drack (précitées à la note 18, note 30).


53 – Ibidem.


54 – Voir arrêt Rehder, précité à la note 4.


55 – Voir arrêt Rehder (précité à la note 4, point 36).


56 – Ibidem.


57 – Ibidem,point 37.


58 – Ibidem.


59 – Voir, notamment, Leible, S., «Zuständiges Gericht für Entschädigungsansprüche von Flugpassagieren», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, n° 16/2009, p. 572. Implicitement – en raison de la détermination de la compétence pour les contrats de prestation de services dans plusieurs États membres en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001 – voir, par exemple, Gaudemet-Tallon, H., op. cit. (note 23), p. 159, point 199; Mankowski, P., op. cit. (note 23), p. 147 et 148, points 120 et 121.


60 – Voir onzième considérant du règlement n° 44/2001 dans lequel il est indiqué que les règles de compétence doivent être le plus prévisibles possible. En jurisprudence, voir, par exemple, arrêts du 11 octobre 2007, Freeport (C-98/06, Rec. p. I-8319, point 36), ainsi que Falco Privatstiftung et Rabitsch (précité à la note 3, point 21). En doctrine, voir, par exemple, Gsell, B., «Autonom bestimmter Gerichtsstand am Erfüllungsort nach der Brüssel I-Verordnung», Praxis des Internationalen Privat- und Verfahrensrechts, n° 6/2002, p. 488, 489; Kropholler, J., Europäisches Zivilprozeßrecht. Kommentar zu EuGVO und Lugano-Übereinkommen, 7e édition, Verlag Recht und Wirtschaft, Heidelberg, 2002, p. 125, point 1. En liaison avec la convention de Bruxelles – que nous pouvons prendre en compte en raison de la continuité dans l’interprétation entre cette convention et le règlement n° 44/2001 – voir, par exemple, Hill, J., «Jurisdiction in Matters Relating to a Contract under the Brussels Convention», International and Comparative Law Quarterly, n° 3/1995, p. 605.


61 – Sur la prévisibilité de la compétence en tant qu’expression du principe de sécurité juridique voir, par exemple, arrêts du 1er mars 2005, Owusu (C‑281/02, Rec. p. I‑1383, point 41), ainsi que Besix, précité (points 24 à 26); du 13 juillet 2006, GAT (C‑4/03, Rec. p. I‑6509, point 28); du 13 juillet 2006, Roche Nederland e.a. (C‑539/03, Rec. p. I‑6535, point 37). Cette jurisprudence concerne certes la convention de Bruxelles, mais nous devons en tenir compte dans l’interprétation du règlement eu égard à la continuité dans l’interprétation entre cette convention et le règlement n° 44/2001.


62 – Voir arrêts du 13 juillet 2006, Reisch Montage (C‑103/05, Rec. p. I‑6827, points 24 et 25); Color Drack (précité à la note 2, point 20), et Falco Privatstiftung et Rabitsch (précité à la note 3, point 22). Voir, également, conclusions de M. l’avocat général J. Mazák, présentées le 24 septembre 2009 dans l’affaire Car Trim (C‑381/08, non encore publiées au Recueil, point 34).


63 – Voir, en ce sens, arrêt Color Drack (précité à la note 2, point 40), et Rehder (précité à la note 4, point 38). Voir, également, conclusions de M. l’avocat général J. Mazák dans l’affaire Car Trim (précitées à la note 62, point 35). En doctrine, voir, par exemple, Lynker, T., Der besondere Gerichtsstand am Erfüllungsort in der Brüssel I-Verordnung (Art. 5 No. 1 EuGVVO), Lang, Francfort, 2006, p. 141.


64 – Voir arrêt Rehder (précité à la note 4, point 38). À titre de comparaison, voir, en ce qui concerne la compétence pour la livraison de marchandises en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, du règlement n° 44/2001, arrêt Color Drack (précité à la note 2, point 40) dans lequel la Cour a souligné que la compétence «se justifie, en principe, par l’existence d’un lien de rattachement particulièrement étroit entre le contrat et la juridiction qui est appelée à en connaître».


65 – Voir arrêt Rehder (précité à la note 4, point 38).


66 – Voir arrêt Rehder (précité à la note 4, point 38, nous mettons en exergue). Notons, à titre d’exemple, que la Cour avait déjà estimé dans l’affaire Color Drack – certes en liaison avec la compétence pour la livraison de marchandises en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, du règlement n° 44/2001– que le lieu qui garantit le rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente est, en règle générale, le lieu de la livraison principale (voir arrêt Color Drack, précité à la note 2, point 40, nous mettons en exergue). La Cour a donc voulu, en utilisant l’expression «en règle générale», souligner qu’il peut exister d’autres lieux qui garantissent le rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente.


67 – En ce qui concerne le fait que le contrat a été conclu oralement, voir points 12 et 32 des présentes conclusions.


68 – En ce qui concerne les États membres dans lesquels l’agent commercial a fourni les services d’agence commerciale, voir point 13 des présentes conclusions.


69 – En doctrine, voir, par exemple, Takahashi, K., «Jurisdiction in matters relating to contract: Article 5(1) of the Brussels Convention and Regulation», European Law Review, n° 5/2002, p. 539; Fach Gómez, op. cit. (note 42), p. 211; Rauscher, T. (édit.), Europäisches Zivilprozeβrecht. Kommentar, 2e édition, Sellier. European Law Publishers, Munich 2006, p. 183, point 55; Gaudemet-Tallon, H., op. cit.


70 – Voir note 31 aux présentes conclusions. En ce qui concerne la durée du contrat d’agence, voir aussi, par exemple, en doctrine italienne, Comba, D., Samarotto, P., Il contrato internazionale di agenzia, Il Sole 24 Ore, Milan, 1999; en doctrine, slovène Zabel, B., v Juhart, M., Plavšak, N. (édit.), Obligacijski zakonik (posebni del) s komentarjem, GV založba, Ljubljana, 2004, commentaire introductif au chapitre sur le contrat d’agence, p. 421; en doctrine espagnole, Fach Gómez, K., op. cit. (note 42), p. 206.


71 – Voir points 13 et 19 des présentes conclusions.


72 – Voir en ce sens, notamment, Kropholler, op. cit. (note 60), p. 141, point 42, et Rauscher, op. cit. (note 69), p. 183, point 55.


73 – Sur le risque de forum shopping dans de tels cas, voir, en doctrine, Leible, S., «Zuständiges Gericht für Entschädigungsansprüche von Flugpassagieren», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, n° 16/2009, p. 573. Sur l’avantage excessif pour le requérant, voir Mankowski, op. cit. (note 23), p. 148, point 121.


74 – En doctrine, cette solution s’appelle parfois «théorie de la mosaïque» ou «solution de la mosaïque». Voir, notamment, Rauscher, op. cit. (note 69), p. 183, point 55, et Kropholler, J., op. cit. (note 60), p. 141, point 42.


75 – Voir Rauscher, op. cit. (note 69), p. 183, point 55.


76 – Cette solution est défendue en doctrine, par exemple, par Gaudemet-Tallon, H., op. cit. (note 23), p. 159, point 199. Mankowski, P., op. cit. (note 23), p. 147 et 148, points 120 et 121, mentionne cette solution uniquement comme l’une des solutions mais la rejette. Notons que la compétence déterminée sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 44/2001 est déterminée en trois étapes. La juridiction saisie du litige doit tout d’abord constater quelle obligation contractuelle constitue l’objet du litige entre les parties contractantes. Elle doit ensuite, sur la base des règles de conflit de son ordre juridique, déterminer le droit matériel qui s’applique au rapport contractuel entre les parties (lex causae). Elle doit enfin, sur la base de ce droit, déterminer où se trouve le lieu d’exécution de l’obligation contractuelle litigieuse. Voir arrêts du 6 octobre 1976, Industrie Tessili Italiana Como (12/76, Rec. p. 1473, point 13), et du 6 octobre 1976, De Bloos (14/76, Rec. p. 1497, point 13). Voir, également, point 81 de nos conclusions présentées le 27 janvier 2009 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Falco Privatstiftung et Rabitsch, précité.


77 – Un exemple de contrat qui n’est pas un contrat de vente de marchandises et pour lequel la compétence est déterminée sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 44/2001 est le contrat par lequel le titulaire de droits de propriété intellectuelle cède au cocontractant le droit d’exploiter ces droits contre rémunération (voir arrêt Falco Privatstiftung et Rabitsch, précité à la note 3, point 58). Voir, en doctrine, Berlioz, P., op. cit. (note 42), points 85 à 95. Takahashi, K., op. cit. (note 69), p. 534, affirme que, par exemple, pour un contrat de change, la compétence est déterminée sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 44/2001.


78 – L’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001 présuppose en effet que le lieu d’exécution des obligations (livraison de marchandises ou prestation de services) est un lieu dans un État membre. A contrario, si le lieu d’exécution ne se trouve pas dans un État membre, c’est l’article 5, paragraphe 1, sous a), de ce règlement qui s’applique. Voir, en doctrine, par exemple, Micklitz, H.-W., et Rott, P., «Vergemeinschaftung des EuGVÜ in der Verordnung (EG) Nr. 44/2001», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, n° 11/2001, p. 329, et Takahashi, K., op. cit. (note 69), p. 540.


79 – Ainsi qu’il est indiqué au vingt et unième considérant du règlement n° 44/2001, le Danemark, conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la position du Danemark annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, ne participe pas à l’adoption du règlement, lequel ne lie donc pas le Danemark et n’est pas applicable à son égard. Ainsi qu’il est indiqué au vingt-deuxième considérant du règlement n° 44/2001, dans les relations entre le Danemark et les États membres liés par le présent règlement, la convention de Bruxelles continue à s’appliquer. L’article 1er, paragraphe 3, du règlement n° 44/2001 dispose que, dans ce règlement, l’expression «État membre» signifie les États membres à l’exception du Danemark.


80 – Voir point 59 des présentes conclusions.


81 – Précité à la note 14.


82 – Voir arrêt Besix (précité à la note 14, point 55).


83 – Voir, en ce qui concerne cet objectif de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001, par exemple, point 85 de nos conclusions présentées le 27 janvier 2009 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Falco Privatstiftung et Rabitsch, précité.


84 – Voir en doctrine, par exemple, Kropholler, J., op. cit. (note 60), p. 141, point 42, qui s’oppose à la possibilité que, pour les contrats de vente de marchandises ou de prestation de services dans plusieurs États membres, la détermination de la compétence sur la base des règles spéciales de compétence dans les affaires liées aux relations contractuelles et donc sur la base de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 soit exclue.


85 – Comme nous l’avons précisé au point 86 des présentes conclusions, nous estimons que cela n’est pas possible et que la compétence doit être déterminée dans le cadre de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 44/2001, même si on ne peut pas déterminer le lieu de la fourniture principale des services.


86 – Mankowski, P., op. cit. (note 23), p. 148, point 121, critique également la non-prise en compte de la structure interne de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 dans cette solution.


87 – Voir arrêt Besix (précité à la note 14, points 7 et 8). Ainsi qu’il ressort de la description des faits aux points 7 et 8 de l’arrêt, les parties contractantes ont conclu un contrat par lequel elles se sont engagées à soumettre une offre commune dans le cadre d’un marché public et à coopérer exclusivement l’une avec l’autre sans se lier à d’autres partenaires potentiels.


88 – Comme nous l’avons indiqué au point 59 des présentes conclusions, il ressort de l’arrêt Falco Privatstiftung et Rabitsch que la notion de «services» implique, «pour le moins, que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération» (précité à la note 3, point 29, nous mettons en exergue). Dans le cadre d’une obligation de ne pas faire, la personne qui y est liée n’exerce cependant aucune activité, raison pour laquelle un contrat relatif à une obligation de ne pas faire ne peut pas, selon nous, être défini comme un contrat de prestation de services au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), deuxième alinéa, du règlement n° 44/2001. En ce qui concerne la définition de la notion de «services» voir également point 57 de nos conclusions, présentées le 27 janvier 2009, dans l’affaire Falco Privatstiftung et Rabitsch et doctrine citée.


89 – Voir en doctrine, par exemple, Mankowski, P., op. cit. (note 23), p. 134, point 96. Voir aussi Micklitz, H.-W., et Rott, P., op. cit., p. 328.


90 – De ce point de vue, cette solution est plus adéquate que la solution proposée par le gouvernement allemand en ce sens que, en cas de contrat d’agence, il faut catégoriquement partir de la présomption réfragable que le lieu où ont été fournis les services en vertu du contrat et sur la base duquel la juridiction compétente est déterminée est le lieu où l’agent commercial a son «bureau principal» (voir point 34 des présentes conclusions). La solution proposée par le gouvernement allemand repose sur un critère abstrait et ne tient compte du critère matériel qu’à titre subsidiaire si la présomption est contestée. En outre, dans le cadre de la solution proposée par le gouvernement allemand, la requérante supporte le risque de la preuve si la présomption est contestée.