Language of document : ECLI:EU:T:2002:22

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

31 janvier 2002 (1)

«Fonctionnaires - Classement - Motivation - Article 32 du statut - Décision de la Commission relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement - Bonification d'ancienneté d'échelon - Conditions - Principe de sécurité juridique»

Dans l'affaire T-206/00,

Merja Hult, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Howald (Luxembourg), représentée par Mes J.-N. Louis et V. Peere, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 8 octobre 1999 fixant, à compter du 16 janvier 1999, le classement définitif de la requérante au grade A 7, échelon 1,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mmes V. Tiili et P. Lindh, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 14 novembre 2001,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique et factuel

1.
    L'article 32 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.

Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l'expérience professionnelle spécifique de l'intéressé, lui accorder une bonification d'ancienneté d'échelon dans ce grade; cette bonification ne peut pas excéder 72 mois dans les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4 et 48 mois dans les autres grades.

[...]»

2.
    L'article 2 de la décision de la Commission relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement, entrée en vigueur le 1er septembre 1983, telle que modifiée par la décision du 7 février 1996 publiée aux Informations administratives du 27 mars 1996 (ci-après la «décision du 1er septembre 1983») prévoit, dans ses premier, deuxième, sixième et dernier alinéas, que:

«L'autorité investie du pouvoir de nomination nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté [...].

La durée minimum d'expérience professionnelle pour le classement au premier échelon dans le grade de base de chaque carrière est de:

-    [...]

-    3 ans pour les grades A/7 et LA/7

-    [...]

L'expérience professionnelle n'est décomptée qu'à partir de l'obtention du premier diplôme donnant accès conformément à l'article 5 du statut, à la catégorie dans laquelle l'emploi est à pourvoir [...].

Au cas où un diplôme n'est pas exigé pour l'accès à l'emploi à pourvoir, la durée de l'expérience professionnelle justifiée est considérée comme étant égale à la période pendant laquelle a été exercée une activité à temps plein exigeant normalement un tel diplôme. [...]»

3.
    L'article 3 de la décision du 1er septembre 1983 dispose:

«Pour tenir compte de l'expérience professionnelle dépassant celle indiquée à l'article 2, deuxième alinéa, l'autorité investie du pouvoir de nomination accorde, sous réserve des maxima prévus à l'article 32 du statut, une bonification d'ancienneté d'échelon selon le tableau figurant en annexe II.

Si l'expérience professionnelle n'atteint pas la durée indiquée à l'article 2, deuxième alinéa, le classement est fixé au premier échelon des grades.»

4.
    Le 23 septembre 1997, la Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes l'avis de concours généraux sur épreuves EUR/A/123 - organisés en collaboration avec la Cour des comptes - et COM/A/1049, pour la constitution, respectivement, d'une réserve de recrutement d'administrateurs (A 7/A 6) et d'administrateurs principaux (A 5/A 4) dans les domaines de la gestion financière et de l'audit (JO C 288 A, p. 15).

5.
    Le point III B 2 de cet avis précise que «les candidats auront accompli des études universitaires complètes sanctionnées par un diplôme de fin d'études en rapport avec les fonctions mentionnées au titre II. Le jury tiendra compte à cet égard des différentes structures d'enseignement. [...]»

6.
    Fonctionnaire de catégorie B à la Commission depuis le 16 avril 1997 et titulaire d'un «Bachelor of Arts» délivré en 1986 par l'université de New Mexico (États-Unis d'Amérique) aux termes d'un cycle d'études de quatre ans, la requérante, de nationalité finlandaise, s'est portée candidate au concours EUR/A/123. Le jury, après avoir examiné sa candidature, a admis la requérante à participer aux épreuves et, à l'issue de celles-ci, l'a inscrite sur la liste des lauréats de ce concours.

7.
    Le 31 mars 1998, la Commission a publié l'avis de concours généraux sur épreuves COM/A/11/98 et COM/A/12/98 pour la constitution, respectivement, d'une réserve de recrutement d'administrateurs adjoints (A 8) et d'administrateurs (A 7/A 6) dans les domaines du droit et de l'administration publique européenne (JO C 97 A, p. 30).

8.
    Le point III C 1 de cet avis prévoit que «[l]es candidats doivent être nés après le 4.5.1952».

9.
    Le point III C 2 du même avis prévoit, notamment, que les candidats auront accompli des études complètes de niveau universitaire, sanctionnées par un diplôme de fin d'études, et que «[s]euls les diplômes de niveau universitaire pouvant donner accès aux études doctorales seront retenus». Cette dernière condition est également prévue au point I 1, sixième alinéa, de l'avis qui énonce que «[l]es candidats à ces concours doivent en particulier être titulaires d'un diplôme de niveau universitaire qui peut donner accès aux études doctorales».

10.
    Enfin, les points IV 3 et 5 de cet avis prévoient:

«3. Le jury arrête la liste des candidats qui répondent à la condition telle que précisée au titre III point C 1 sur base des déclarations des candidats et qui sont en conséquence admis à concourir et en premier lieu aux tests de présélection.

[...]

5. Sur base des résultats des tests de présélection, le jury arrête la liste des candidats admis aux épreuves écrites, c'est-à-dire ceux qui remplissent à la fois l'ensemble des conditions d'admission fixées au titre III et qui ont obtenu aux tests de présélection: [...]»

11.
    La requérante s'est portée également candidate au concours COM/A/12/98. Le jury, après avoir examiné son acte de candidature, l'a admise à concourir aux tests de présélection. Toutefois, la requérante ne s'est pas présentée à ces tests.

12.
    Sur la base de son inscription sur la liste des lauréats du concours EUR/A/123, la requérante a été nommée, par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»), fonctionnaire stagiaire de catégorie A, avec effet au 16 janvier 1999. Elle a été affectée à l'Office statistique des Communautés européennes (Eurostat), unité D 2. Son classement provisoire a été fixé au grade A 7, échelon 1.

13.
    Lors de sa réunion du 20 août 1999, le comité de classement a examiné le dossier de la requérante et a décidé de proposer à l'AIPN de maintenir le classement initial de la requérante au grade A 7, échelon 1.

14.
    Par note du 8 octobre 1999, l'AIPN a informé la requérante que, à la suite de la proposition du comité de classement et sur la base de son dossier personnel, son classement définitif a été fixé au grade A 7, échelon 1, avec effet au 16 janvier 1999 (ci-après la «décision attaquée»).

15.
    Par lettre du 17 décembre 1999, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 4 janvier 2000, la requérante a introduit une réclamation contre cette décision. Par sa réclamation, la requérante a demandé le réexamen de la décision de l'AIPN, précitée, et la prise en considération de son expérience professionnelle postérieure à l'obtention de son diplôme («Bachelor of Arts»), aux fins de son classement en échelon. À cet égard, la requérante faisait valoir que son diplôme répond aux conditions de l'avis du concours EUR/A/123 et que le caractère suffisant de ce diplôme n'a été mis en doute ni par le jury de ce concours qui l'a admise à participer aux épreuves, ni par le jury du concours COM/A/12/98 qui, sur la base du même diplôme, l'aurait également admise à concourir.

16.
    Par lettre de l'AIPN du 20 mars 2000, la requérante a été informée que sa réclamation serait examinée par le groupe interservices le 29 mars suivant.

17.
    L'AIPN ne s'étant pas prononcée sur la réclamation introduite le 4 janvier 2000 dans un délai de quatre mois, celle-ci a fait l'objet, le 4 mai 2000, d'une décision implicite de rejet.

Procédure et conclusions des parties

18.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 août 2000, la requérante a introduit le présent recours.

19.
    Le juge M. P. Mengozzi, empêché, a été remplacé, conformément à l'article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, par le juge Mme P. Lindh.

20.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, a invité la défenderesse à produire un document. La défenderesse a répondu à cette demande dans le délai imparti.

21.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 14 novembre 2001.

22.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission fixant son classement définitif au grade A 7, échelon 1;

-    condamner la Commission aux dépens.

23.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur le fond

24.
    La requérante avance cinq moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré d'une violation de l'obligation de motivation. Le deuxième est tiré d'une violation du principe de sécurité juridique. Le troisième est tiré d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 32 du statut et des articles 2 et 3 de la décision du 1er septembre 1983. Le quatrième est tiré d'une violation de l'article 5 du statut. Le cinquième est tiré de la violation du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

25.
    La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation. En effet, elle ne permettrait pas à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles son expérience professionnelle, acquise après l'obtention de son diplôme universitaire et correspondant, pour une durée de huit ans et dix mois, à celle des fonctionnaires de la catégorie A en service à la Commission, n'a pas été valorisée par l'AIPN aux fins d'une bonification d'ancienneté d'échelon, conformément aux articles 2 et 3 de la décision du 1er septembre 1983. En l'espèce, la violation de l'obligation de motivation serait d'autant plus manifeste que tant le jury du concours EUR/A/123 que l'AIPN elle-même auraient déjà reconnu que la durée des études de la requérante et le niveau de son diplôme correspondaient aux exigences requises par l'avis du concours en question. C'est ainsi que, d'une part, le jury aurait admis la requérante à participer aux épreuves et l'aurait inscrite sur la liste des lauréats du concours EUR/A/123 et que, d'autre part, l'AIPN l'aurait par la suite nommée, en tant que fonctionnaire stagiaire de la catégorie A, à la Commission. Il en serait de même pour le concours COM/A/12/98, dont le jury aurait, sur la base du même diplôme, admis la requérante à participer aux épreuves.

26.
    La Commission considère que le moyen tiré d'un défaut de motivation n'est pas fondé. Tout d'abord, la requérante elle-même aurait indiqué dans sa réclamation que, avant l'introduction de celle-ci, elle avait été informée par l'administration quele motif de la décision attaquée était le caractère insuffisant de son diplôme. Ensuite, cette information aurait été confirmée et complétée lors de la réunion du groupe interservices du 29 mars 2000, organisée pour l'examen de la réclamation. En effet, au cours de cette réunion, les fonctionnaires compétents auraient expliqué à l'intention de la requérante, premièrement, qu'elle ne disposait pas d'expérience professionnelle postérieure à son diplôme pouvant être prise en compte pour son classement, étant donné que son diplôme, un «Bachelor of Arts», délivré par une université américaine et non reconnu dans un État membre, ne sanctionnait pas un cycle d'études universitaires complètes au sens de l'avis du concours EUR/A/123, deuxièmement, que le comité de classement avait décelé l'erreur concernant le niveau du diplôme de la requérante et que l'AIPN en avait tiré les conclusions en termes de son classement en échelon et, enfin, que la requérante avait, en fait, bénéficié d'une double erreur administrative, d'abord lors de son admission à concourir aux épreuves du concours EUR/A/123 et, ensuite, lors de son recrutement. Selon la Commission, le classement de la requérante au premier échelon du grade A 7, pris avec les explications fournies lors de la réunion du groupe interservices du 29 mars 2000 et les indications concernant son diplôme, qu'elle avait reçues de l'administration avant l'introduction de la réclamation, auraient permis à la requérante de comprendre le raisonnement du comité de classement et de l'AIPN afférent à son classement en échelon.

Appréciation du Tribunal

27.
    Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motivation, inscrite à l'article 25, deuxième alinéa, du statut a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l'administration et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à ce dernier d'exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêts du Tribunal du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T-283/97, RecFP p. I-A-69 et II-353, point 73, et du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T-10/99, RecFP p. I-A-47 et II-203, point 41).

28.
    Il ressort également de la jurisprudence que, pour juger du caractère suffisant d'une motivation, il y a lieu de la replacer dans le contexte dans lequel s'est inscrite l'adoption de l'acte attaquée (arrêt Thinus/Commission, précité, point 77 et la jurisprudence citée).

29.
    En l'espèce, pour ce qui est de la motivation dont la requérante disposait avant l'introduction de son recours, il y a lieu de relever que la note de l'AIPN du 8 octobre 1999 est dépourvue de motivation, car il y est seulement affirmé que le classement définitif de la requérante a été fixé, sur la base de la proposition du comité de classement et du dossier personnel de la requérante, au grade A 7, échelon 1.

30.
    Néanmoins, il ressort du dossier que, dans le cadre de ses contacts avec les fonctionnaires compétents de la Commission avant l'introduction de sa réclamation, la requérante avait été informée que le motif de son classement définitif au premier échelon de son grade était le caractère insuffisant de son diplôme, lequel ne justifiait pas la prise en considération de son expérience professionnelle aux fins d'une bonification d'ancienneté d'échelon. Ces contacts, qui ne sont pas contestés et qui ont été confirmés par la requérante lors de l'audience, ont permis à celle-ci de formuler des griefs dans sa réclamation et de contester le fait que son diplôme ne répondait pas aux exigences de l'avis de concours EUR/A/123 en invoquant, notamment, son admission à concourir par le jury du concours en question sur la base de ce même diplôme.

31.
    En outre, les informations précitées, fournies par l'administration à la requérante avant l'introduction de sa réclamation, ont été précisées et complétées lors de la réunion du groupe interservices du 29 mai 2000, organisée pour l'examen de la réclamation. En effet, au cours de cette réunion, à laquelle la requérante a confirmé lors de la procédure orale avoir participé, les fonctionnaires responsables et, en particulier, le représentant du comité de classement, ont informé la requérante que la non-prise en considération de son expérience professionnelle aux fins de son classement en échelon était due au fait que son diplôme, délivré par une université américaine et non reconnu dans un État membre, ne sanctionnait pas un cycle d'études universitaires complètes au sens de l'avis de concours EUR/A/123. Il a également été précisé durant cette réunion que l'admission de la requérante au concours EUR/A/123 par le jury sur la base de ce diplôme et, ensuite, sa nomination par l'AIPN étaient le résultat d'une double erreur administrative que l'AIPN ne saurait répéter à l'occasion de la procédure concernant le classement de la requérante en échelon, une fois que l'erreur en question a été détectée par le comité de classement.

32.
    Eu égard à ce qui précède, le Tribunal considère que, dans les circonstances de l'espèce, les indications et précisions fournies à la requérante pendant la procédure précontentieuse constituent, au vu de la jurisprudence rappelée aux points 27 et 28 ci-dessus, une motivation suffisante de la décision attaquée. Elles ont permis à la requérante d'apprécier le bien-fondé de cette décision et d'exercer le recours nécessaire à la défense de ses droits et intérêts, ainsi que le démontre son argumentation sur la violation par la Commission des conditions et des critères applicables à son classement définitif en échelon lors du recrutement, développée au soutien de son recours en annulation. Elles rendent, en outre, possible le contrôle de légalité du Tribunal sur cette décision.

33.
    Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique

Arguments des parties

34.
    La requérante fait valoir que les décisions successives du jury du concours EUR/A/123 et de l'AIPN prises avant la décision attaquée lui ont conféré un ensemble de droits subjectifs incontestables, à savoir le droit de participer aux épreuves, le droit d'être inscrite sur la liste de réserve après réussite aux épreuves et, enfin, le droit d'être titularisée. Dans la mesure où ces décisions n'auraient pas été retirées en temps utile et dans le respect des conditions requises, l'AIPN ne pourrait plus les remettre en cause lors de la détermination du classement de la requérante en échelon sous prétexte d'une prétendue erreur du jury de concours sur la nature de ses études et le niveau de son diplôme. La décision attaquée violerait ainsi les principes applicables en matière de retrait des actes administratifs et le principe de sécurité juridique.

35.
    La Commission soutient, d'abord, que la fonction du jury est de décider de l'admission des candidats au concours et de leur inscription sur la liste des lauréats après leur réussite aux épreuves, mais non du classement des candidats en cas de réussite. Cette compétence appartiendrait à la seule AIPN.

36.
    La Commission fait valoir, ensuite, que le fait que l'AIPN n'a pas remis en question les décisions du jury, malgré l'erreur commise par celui-ci, en retirant, par exemple, la décision de nomination de la requérante, n'implique nullement que le diplôme de cette dernière a été reconnu par l'AIPN comme répondant aux conditions de l'avis du concours EUR/A/123. Cette absence de remise en question des décisions du jury est exclusivement due à l'apparition tardive de l'erreur. Dès lors, selon la Commission, une telle situation n'aurait aucune incidence sur la question du classement de la requérante en échelon en application de l'article 32 du statut et de la décision du 1er septembre 1983. Par ailleurs, il s'agirait de procédures différentes, conduites par des instances différentes - le jury et le comité de classement - et ayant des finalités distinctes, de sorte que le résultat de l'une de ces procédures serait dépourvu de toute pertinence pour celui de l'autre et ne pourrait préjuger le résultat de l'exercice du pouvoir d'appréciation dont dispose l'AIPN en matière de classement en échelon des lauréats. Ainsi, l'AIPN ne serait pas liée par les décisions du jury et rien ne l'obligerait à répercuter ces décisions au-delà de leur propre sphère.

37.
    À cet égard, il serait sans importance que l'AIPN n'ait pas réagi à l'illégalité commise par le jury en refusant de nommer la requérante - ce qu'elle aurait parfaitement pu faire si elle avait remarqué le problème à ce moment-là - ou qu'elle n'ait pas retiré sa décision de nomination en raison du temps écoulé. Cela ne priverait pas l'AIPN de tirer de cette erreur toutes les conséquences qui pourraient encore l'être légalement. Une telle conséquence évidente concernerait le classement. Même si l'apparition tardive de l'erreur ne saurait remettre en cause l'admission de la requérante au concours ou encore sa nomination elle-même, rien n'imposerait à l'AIPN, qui n'avait pas encore fixé le classement, de «prolonger» l'erreur, une fois que celle-ci a été détectée.

Appréciation du Tribunal

38.
    Selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire. À cette fin, il est essentiel que les institutions communautaires respectent l'intangibilité des actes qu'elles ont adoptés et qui affectent la situation juridique et matérielle des sujets de droit, de sorte qu'elles ne pourront modifier ces actes que dans le respect des règles de compétence et de procédure (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T-229/94, Rec. p. II-1689, point 113 et la jurisprudence citée).

39.
    En outre, selon l'article 32, premier alinéa, du statut, le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade. En vertu de l'article 32, deuxième alinéa, l'AIPN peut accorder une bonification d'ancienneté d'échelon dans le grade pour tenir compte de la formation et de l'expérience professionnelle spécifique de l'intéressé. À cet égard, l'AIPN dispose, dans le cadre de cette dernière disposition, d'un pouvoir d'appréciation portant sur tous les aspects susceptibles d'avoir une importance pour la reconnaissance d'expériences professionnelles antérieures (arrêt du Tribunal du 28 septembre 1999, Wettig/Commission, T-91/98, RecFP p. I-A-189 et II-991, points 42 et 43).

40.
    En l'espèce, il y a lieu de constater que les droits conférés à la requérante par les décisions successives du jury du concours EUR/A/123 et de l'AIPN consistent, ainsi que la requérante elle-même l'admet, dans sa participation au concours, dans son inscription sur la liste d'aptitude et dans sa nomination en tant que fonctionnaire stagiaire de catégorie A à la Commission. Il n'est pas contesté que ces droits n'ont pas été affectés par la décision attaquée. En effet, l'AIPN, tenant compte de l'apparition tardive de l'erreur commise selon elle par le jury dans l'évaluation du diplôme universitaire de la requérante et du temps écoulé depuis la nomination de cette dernière, a décidé de ne pas remettre en cause sa propre décision portant nomination de la requérante.

41.
    Cependant, le respect de l'intangibilité de ces décisions pour les raisons susmentionnées ne saurait, en soi, obliger l'AIPN à prendre automatiquement en considération l'expérience acquise par la requérante après son diplôme aux fins d'une bonification d'ancienneté d'échelon dans le grade, ni, à plus forte raison, à garantir à la requérante un classement déterminé en échelon lors du recrutement. En effet, le classement en question est effectué par l'AIPN elle-même, sur la base d'une procédure statutaire particulière et ayant des finalités propres. Dans le cadre de cette procédure, l'AIPN ne peut prendre en considération l'expérience professionnelle du fonctionnaire concerné aux fins d'une bonification d'ancienneté d'échelon que si toutes les conditions prévues à cet effet par les dispositions statutaires pertinentes, à savoir l'article 32 du statut et les articles 2 et 3 de la décision du 1er septembre 1983, parmi lesquelles figure la détention d'un diplôme donnant accès à la catégorie dans laquelle l'emploi est à pourvoir, sont remplies.

42.
    Il en résulte que le moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique n'est pas fondé et doit être rejeté.

Sur le troisième moyen tiré, d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 32 du statut et des articles 2 et 3 de la décision du 1er septembre 1983

Arguments des parties

43.
    La requérante soutient que la décision attaquée viole l'article 32 du statut et les articles 2 et 3 de la décision du 1er septembre 1983. À cet égard, elle fait valoir qu'il ne peut pas être contesté qu'elle possède, depuis 1986, un diplôme universitaire «ouvrant droit à la catégorie A», dès lors que le jury du concours EUR/A/123 a établi que son diplôme sanctionnait bien, compte tenu des différentes structures d'enseignement, un cycle d'études universitaires complètes au sens de l'avis de concours. Dans ces conditions, la décision attaquée ne serait pas conforme aux exigences de l'avis de concours et aux dispositions statutaires précitées et, par conséquent, l'AIPN aurait dû accorder à la requérante la bonification d'ancienneté d'échelon sur la base de l'expérience professionnelle acquise après l'obtention de son diplôme. Selon la requérante, cette conclusion serait confirmée par le fait que le jury du concours COM/A/12/98 l'aurait également admise à concourir sur la base du même diplôme.

44.
    La Commission considère que la requérante ne dispose pas d'expérience professionnelle postérieure à son diplôme pouvant être prise en compte aux fins d'une bonification d'ancienneté d'échelon, étant donné que ce diplôme ne correspond pas au niveau exigé par l'avis du concours EUR/A/123.

45.
    En premier lieu, il serait notoire parmi les personnes étudiant ou ayant étudié aux États-Unis que c'est le «Masters of Arts» et non le «Bachelor of Arts» qui sanctionne des études universitaires «complètes». La requérante ne pourrait donc ignorer que ce n'était pas chaque diplôme qui correspondait à cette description ni que l'expression «études universitaires complètes» figurant dans l'avis du concours EUR/A/123 visait, tout comme dans l'avis du concours COM/A/12/98, des diplômes universitaires donnant accès aux études doctorales.

46.
    En effet, dans les États connaissant deux types d'études universitaires, à savoir des études «longues» et des études «courtes», l'expression «études complètes» devrait être comprise comme renvoyant aux études les plus longues, lesquelles donneraient en tout état de cause accès aux études doctorales, élément évoqué par ailleurs explicitement dans l'avis du concours COM/A/12/98 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 mars 1994, Cortes Jimenez e.a./Commission, T-82/92, RecFP p. I-A-69 et II-237). Selon la Commission, cela expliquerait la raison pour laquelle la requérante n'a pas contesté l'affirmation de l'administration selon laquelle son diplôme n'a été reconnu dans aucun État membre comme sanctionnant des études universitaires complètes. En effet, les autorités de ces États membres auraient sans doute pu constater qu'il existe aux États-Unis deux types de diplômes, dont le «Bachelor of Arts» qui correspondrait à la notion d'études «courtes».

47.
    En second lieu, la Commission conteste l'argument de la requérante tiré de ce que le jury du concours COM/A/12/98 l'aurait admise à concourir sur la base du même diplôme. En effet, cette admission viserait seulement la participation de la requérante aux tests de présélection de ce concours qui seraient effectués exclusivement après vérification de la condition d'âge des candidats, conformément au point IV 3 de l'avis de concours. En revanche, le jury du même concours n'aurait jamais vérifié le niveau des titres de la requérante et n'aurait rien décidé à propos de son admission aux épreuves écrites qui, conformément au point IV 5 de l'avis de concours, s'effectuerait postérieurement sur la base des résultats obtenus aux tests de présélection auxquels, toutefois, la requérante ne se serait pas présentée.

Appréciation du Tribunal

48.
    À titre liminaire, il convient de relever qu'il résulte d'une lecture conjuguée de l'article 2, sixième et dernier alinéas, de la décision du 1er septembre 1983 que le sixième alinéa s'applique aux fonctionnaires recrutés à la suite d'un avis de concours qui, comme en l'espèce, impose comme condition d'accès le fait d'avoir terminé des études universitaires complètes sanctionnées par un diplôme de fin d'études. Pour ceux-ci, ce sixième alinéa ne permet de prendre en compte l'«expérience professionnelle spécifique de l'intéressé», au sens de l'article 32, deuxième alinéa, du statut, qu'à partir de l'obtention du diplôme qui a donné accès au concours ayant conduit au recrutement du fonctionnaire (arrêt du Tribunal du 7 février 1991, Ferreira de Freitas/Commission, T-2/90, Rec. p. II-103, point 57).

49.
    Il s'ensuit que c'est le diplôme exigé par l'avis de concours qui conditionne non seulement l'admission d'un candidat au concours par le jury, mais aussi la bonification d'ancienneté d'échelon lors du recrutement par l'AIPN sur la base de l'expérience professionnelle de l'intéressé postérieure à l'obtention de ce diplôme, conformément à l'article 32 du statut et aux articles 2 et 3 de la décision du 1er septembre 1983. Dès lors, l'AIPN ne saurait refuser cette bonification au motif que le diplôme du fonctionnaire ne satisfait pas à une exigence qui n'était pas mentionnée dans l'avis de concours.

50.
    En l'espèce, la Commission invoque, en substance, la circonstance que l'expérience professionnelle acquise par la requérante postérieurement à son diplôme ne peut pas être prise en considération aux fins d'une bonification d'ancienneté d'échelon, puisque la requérante ne possède pas un diplôme sanctionnant des études universitaires de «cycle long» ou un diplôme de niveau universitaire donnant accès aux études doctorales. Selon la Commission, cette condition, par ailleurs explicitement mentionnée dans l'avis du concours COM/A/12/98, serait implicite dans l'avis du concours EUR/A/123. En outre, le diplôme de la requérante, délivré par une université d'un pays tiers et n'étant pas reconnu dans un État membre comme sanctionnant des études universitaires complètes, au sens indiqué ci-dessus, ne correspondrait pas au niveau exigé par l'avis du concours EUR/A/123.

51.
    À cet égard, il y a lieu, tout d'abord, de constater que l'avis du concours EUR/A/123 n'exigeait pas des candidats qu'ils soient titulaires de diplômes délivrés par les universités des États membres, ni que les diplômes éventuellement délivrés par les universités de pays tiers aient été préalablement reconnus, par les autorités de l'État membre d'origine des candidats ou d'un autre État membre, comme équivalents à un diplôme universitaire donnant accès aux études doctorales. Par conséquent, l'argument de la Commission tiré de ce que le diplôme de la requérante n'aurait fait l'objet d'une reconnaissance dans aucun État membre n'est pas fondé et doit être rejeté.

52.
    Il convient de rappeler, ensuite, que l'unique condition relative au niveau de formation exigé des candidats explicitement formulée au point III B 2 de l'avis du concours EUR/A/123 est la suivante:

«Les candidats auront accompli des études universitaires complètes sanctionnées par un diplôme de fin d'études [...]. Le jury tiendra compte à cet égard des différentes structures d'enseignement.»

53.
    Dans ces circonstances, le refus de l'AIPN d'accorder à la requérante la bonification d'ancienneté d'échelon lors de son recrutement ne peut être considéré comme une application satisfaisante des conditions de l'avis du concours EUR/A/123 et des dispositions statutaires pertinentes que si la possession d'un diplôme de «cycle long» ou donnant accès aux études doctorales doit être considérée comme implicitement comprise dans l'exigence que les candidats aient «accompli des études universitaires complètes sanctionnées par un diplôme de fin d'études» figurant au point III B 2 de l'avis de concours.

54.
    Or, même si le critère invoqué par la Commission, relatif au fait que le diplôme de la requérante ne correspond pas au niveau exigé par l'avis de concours, car il ne donne pas accès à des études doctorales, peut ne pas être considéré comme injustifié dans le cadre du pouvoir d'appréciation qui revient à la Commission, dans les circonstances particulières de l'espèce, le Tribunal estime que ce critère n'est pas de nature à pouvoir s'insérer en tant que tel parmi les éléments pouvant être invoqués par la Commission, en l'absence d'une référence expresse en ce sens dans l'avis de concours (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 9 décembre 1999, Alonso Morales/Commission, T-299/97, RecFP p. I-A-249 et II-1227, point 62). Par conséquent, ce critère, tel qu'appliqué par l'AIPN sans fondement identifiable dans l'avis de concours, n'est pas susceptible de justifier en tant que tel le refus d'accorder à la requérante le bénéfice d'une bonification d'ancienneté d'échelon.

55.
    Cette interprétation ne peut être infirmée par l'arrêt Cortes Jimenez e.a./Commission, précité, invoqué par la Commission et qui, selon elle, démontrerait que dans les États connaissant deux sortes d'enseignement, «longues» et «courtes», l'expression «études universitaires complètes» devrait être comprise comme renvoyant aux études les plus longues. Dans cette affaire, le diplôme espagnol d'«ingénieur technicien», sanctionnant un cycle «court» d'étudesuniversitaires, n'a pas été jugé conforme à l'avis de concours non pas pour la raison invoquée par la Commission, mais parce que l'avis de concours exigeait explicitement un diplôme sanctionnant des études universitaires «supérieures» complètes. Or, le Tribunal a constaté que les études sanctionnées par le diplôme espagnol en question ne sauraient, en tout état de cause, être assimilées aux autres études universitaires «supérieures» prévues en Espagne (points 37 et 38 de l'arrêt). Cette analyse est, par ailleurs, confirmée par l'arrêt Alonso Morales/Commission, précité. Dans cet arrêt, le même diplôme espagnol d'«ingénieur technicien» a été considéré conforme à l'avis de concours dans la mesure où celui-ci exigeait, comme en l'espèce, un diplôme sanctionnant des «études universitaires complètes» et non pas des études universitaires «supérieures» complètes (points 61 à 63 de l'arrêt).

56.
    Par ailleurs, cette même interprétation est corroborée par le fait que, contrairement à la version française et aux versions grecque, espagnole et portugaise de l'avis du concours EUR/A/123, toutes les autres versions linguistiques du même avis et, notamment, la version finnoise ne se réfèrent pas, au point III B 2, à un diplôme sanctionnant des études universitaires «complètes», mais se limitent à exiger un diplôme sanctionnant des «études universitaires».

57.
    Quant à l'argument de la Commission, selon lequel l'expression «études universitaires complètes» viserait seulement les diplômes donnant accès aux études doctorales, comme indiqué expressément dans l'avis du concours COM/A/12/98, il est dépourvu de toute pertinence en l'espèce et doit être rejeté. Par ailleurs, cet argument ne saurait valider la thèse préconisée par la Commission, dans la mesure où, contrairement à l'avis du concours EUR/A/123, l'avis du concours COM/A/12/98 stipulait de façon claire et non équivoque que «seuls les diplômes de niveau universitaire pouvant donner accès aux études doctorales ser[aient] retenus» (voir ci-dessus point 9).

58.
    Enfin, il convient de rejeter comme dépourvu de pertinence l'argument de la requérante tiré de ce que le jury du concours COM/A/12/98 l'aurait admise à concourir sur la base du même diplôme. En tout état de cause, cet argument manque en fait. En effet, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, sans être contestée, cette admission visait la participation de la requérante aux seuls tests de présélection de ce concours, effectués exclusivement après vérification de la condition relative à l'âge des candidats, conformément au point IV 3 de l'avis du concours en question. En revanche, le jury de ce concours n'a jamais procédé à la vérification du niveau des titres de la requérante qui, aux termes du point IV 5 de l'avis de concours, s'effectue à un stade ultérieur sur la base des résultats des tests de présélection, auxquels la requérante n'a pas participé.

59.
    Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que, en refusant la prise en considération de l'expérience professionnelle de la requérante aux fins d'une bonification d'ancienneté d'échelon sur la base d'une condition qui ne trouve pas un fondement identifiable dans l'avis du concours EUR/A/123, la Commission aadopté une décision qui viole l'article 32 du statut et les articles 2 et 3 de la décision du 1er septembre 1983.

60.
    Il s'ensuit que le troisième moyen du recours doit être accueilli et que ce dernier doit être déclaré fondé, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par la requérante. Partant, la décision attaquée doit être annulée.

Sur les dépens

61.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter l'ensemble des dépens conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 8 octobre 1999 fixant, à compter du 16 janvier 1999, le classement définitif de la requérante au grade A 7, échelon 1, est annulée.

2)    La Commission est condamnée aux dépens.

Vilaras
Tiili
Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 janvier 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Vilaras


1: Langue de procédure: le français.