Language of document : ECLI:EU:T:2002:12

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

23 janvier 2002 (1)

«Fonctionnaires - Avis de concours - Non-admission à concourir - Règle de concordance - Recevabilité - Motivation - Devoir de sollicitude et principe de bonne administration»

Dans l'affaire T-386/00,

Margarida Gonçalves, ancien agent temporaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me L. Tinti, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. J. F. De Wachter et D. Moore, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande en annulation des décisions du jury du concours interne B/172 de ne pas admettre la requérante aux épreuves de ce concours et établissant la liste d'aptitude ainsi que de toute décision ultérieure du Parlement se fondant sur ces décisions et, d'autre part, une demande en réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi du fait de ces décisions,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge: M. M. Vilaras,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 7 novembre 2001,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Par contrat du 13 mai 1986, la requérante a été engagée par le Parlement, pour travailler auprès du groupe politique des rénovateurs et du rassemblement des démocrates européens, en qualité d'agent temporaire, au grade C 3, échelon 1, pour une durée indéterminée à compter du 1er avril 1986. Un avenant à son contrat, conclu le 11 janvier 1995, a classé la requérante au grade B 1, échelon 1, avec effet au 1er décembre 1994. Le groupe des rénovateurs et du rassemblement des démocrates européens, dénommé par la suite «le groupe Union pour l'Europe» (ci-après le «groupe UPE»), a été dissous en juillet 1999.

2.
    Par attestation en date du 19 juillet 1999, le secrétaire général du groupe UPE a certifié que la requérante a travaillé pour ce groupe «d'avril 1986 à juillet 1999».

3.
    Par lettre recommandée du 27 septembre 1999, le secrétaire général du Parlement a informé la requérante que, à la suite de la dissolution du groupe UPE et en vertu de l'article 47 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes, son contrat était résilié avec effet à la fin de la période de préavis de trois mois, soit au 31 décembre 1999.

4.
    Au sommaire n° 31/99 des avis internes du Parlement, allant du 8 au 19 novembre 1999, ce dernier a informé son personnel de l'organisation, notamment, d'un concours interne B/172, afin de pourvoir à des emplois et constituer une réserve de recrutement d'assistants adjoints de la carrière B 5-B 4.

5.
    Dans l'introduction de l'avis de concours, il était prévu, notamment, ce qui suit:

«Ce concours interne est ouvert à ceux qui, à la date limite fixée pour le dépôt des candidatures, sont fonctionnaires ou agents du Secrétariat Général du Parlement européen ou des secrétariats des groupes politiques et qui remplissent les conditions d'admission prévues au paragraphe II du présent avis de concours.»

6.
    Les conditions d'admission au concours étaient libellées, au point II de l'avis de concours, de la manière suivante:

«II.    CONDITIONS D'ADMISSION

À la date limite fixée pour le dépôt des candidatures, les candidats doivent remplir les conditions suivantes:

A.    TITRES, DIPLÔMES ET EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE REQUIS

Être titulaire d'un diplôme d'études secondaires et avoir effectué 5 années et un mois de service en qualité de fonctionnaire, ou agent temporaire dans les Institutions

ou

avoir accompli 7 années de service dans la catégorie C en qualité de fonctionnaire, ou agent temporaire dans les Institutions.

B.    CONNAISSANCES LINGUISTIQUES [...]»

7.
    Les points III A 2 et 3 de l'avis de concours précisaient:

«2)    Le jury examine les dossiers et arrête la liste des candidats qui répondent aux conditions spécifiques telles que précisées sous II A) et B).

    Il se base pour cela exclusivement sur les indications portées dans l'acte de candidature et appuyées par des justificatifs insérés dans ce même acte de candidature. Sont exclus à ce stade les candidats qui ne remplissent pas les conditions d'admission requises sous II A) et B) ou dont les déclarations ne sont pas justifiées par des documents pertinents insérés dans l'acte de candidature.

    En aucun cas le candidat [ne] pourra faire référence à des documents inclus dans son dossier personnel qui n'auraient pas été soumis avec son acte de candidature.

    Les candidats figurant sur la liste arrêtée par le jury sont convoqués aux épreuves.

3)    Demande(s) de réexamen

    Tout candidat a le droit de demander un réexamen de sa candidature s'il estime qu'une erreur a été commise. Dans ce cas il peut, dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la date d'envoi de la lettre lui annonçant que sa candidature n'a pas été retenue [...], adresser une demande de réexamen, en mentionnant le numéro du concours sur la lettre et sur l'enveloppe au Service Concours [...].

    Le jury réexamine alors le dossier.

À l'issue de chaque étape et en temps utile, les candidats sont informés par lettre personnelle des décisions les concernant [...]»

8.
    Enfin, le point IV de l'avis de concours relatif aux modalités de dépôt des candidatures indiquait, notamment:

«Les candidatures sont obligatoirement introduites au moyen du formulaire d'acte de candidature ainsi que du formulaire à lecture optique [...].

L'acte de candidature, dûment complété et signé, accompagné du formulaire à lecture optique ainsi que des pièces justificatives, devra être introduit par envoi recommandé au plus tard le 17 décembre 1999, le caché de la poste faisant foi, au Service Concours [...]»

9.
    Le 25 novembre 1999, la requérante a fait acte de candidature à ce concours.

10.
    Par note du 10 décembre 1999 du service «Concours et procédures de sélection» de la division du personnel de la direction du personnel/affaires sociales de la direction générale du personnel du Parlement (ci-après le «service concours»), la date limite pour le dépôt des candidatures a été reportée au 22 décembre 1999.

11.
    Par lettre du 3 avril 2000, le président du jury a informé la requérante de la décision du jury de ne pas l'admettre à concourir, au motif qu'elle n'avait pas joint à son acte de candidature de pièces justificatives établissant sa qualité de fonctionnaire ou d'agent du Parlement ainsi que sa présence effective dans l'institution à la date limite de dépôt des candidatures.

12.
    Par lettre recommandée du 9 avril 2000, la requérante a sollicité, conformément au point III A 3 de l'avis de concours, le réexamen de sa candidature en faisant valoir, d'une part, que celle-ci était accompagnée de toutes les pièces justificatives de sa qualité d'agent du Parlement à la date limite de dépôt des candidatures et, d'autre part, que le point II A de l'avis de concours n'exigeait pas, parmi les conditions d'admission, la présence effective des candidats dans l'institution à la date limite en question.

13.
    Par lettre du 16 mai 2000, le président du jury a informé la requérante que le jury avait confirmé sa décision initiale aux motifs que, dans son acte de candidature, sous la rubrique «Emploi actuellement occupé», la requérante elle-même avait déclaré que son contrat avait duré jusqu'au 19 juillet 1999, que cette déclaration était renforcée par l'attestation du secrétaire général du groupe UPE du 19 juillet 1999, selon laquelle elle avait travaillé pour ce groupe jusqu'au mois de juillet 1999, et que la lettre du secrétaire général du Parlement, en date du 27 septembre 1999, l'informant de la résiliation de son contrat, à laquelle elle se référait dans sa demande de réexamen, ne figurait pas parmi les documents joints à son acte de candidature.

14.
    Par courriers séparés en date du 29 mai 2000, la requérante a, d'une part, exprimé au service concours son désaccord avec la décision précitée du jury de concours et, d'autre part, introduit une réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), auprès du secrétaire général du Parlement, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»).

15.
    Par sa réclamation, enregistrée au service «Courrier officiel» du Parlement le 30 mai 2000, la requérante demandait à l'AIPN:

« [...]

1.     de faire procéder à l'annulation immédiate [du] concours B/172;

2.    de prendre les mesures nécessaires pour que tous les membres [du] jury soient définitivement écartés de participer à de futures équipes de jury de concours à publier par l'Institution;

3.    d'autoriser l'affichage d'un nouveau concours interne B, dans les meilleurs délais;

4.    d'autoriser l'accès à ce nouveau concours de tous les collègues agents temporaires quelle que soit alors leur situation, [c'est-à-dire], tous ceux qui se trouvant actuellement dans des situations d'engagement précaires (des contrats à durée déterminée) seraient éventuellement déjà arrivés à la fin de leur contrat;

5.    d'autoriser que ce nouveau concours soit également ouvert à tous ceux qui se trouvent déjà au chômage depuis le 31 décembre 1999 et qui n'ont pas été retenus».

16.
    Par lettre du 1er août 2000, l'AIPN a demandé à la requérante de lui accorder un délai supplémentaire de quatre semaines avant l'introduction d'un éventuel recours, compte tenu du nombre important des réclamations déjà en cours.

17.
    Par lettre du 15 septembre 2000, le secrétaire général du Parlement a informé la requérante de sa décision de ne pas annuler le concours B/172, le jury n'ayant commis aucune irrégularité. Considérant, toutefois, que l'acte de candidature de la requérante contenait une liste récapitulative des documents joints à celui-ci se référant, notamment, à la lettre de résiliation de son contrat, pièce justifiant sa qualité d'agent temporaire au Parlement à la date limite de dépôt des candidatures, le secrétaire général a, par cette même lettre, indiqué qu'il avait décidé d'inviter le jury à réexaminer cet acte.

18.
    Par lettre du 28 septembre 2000, le président du jury a informé la requérante que, après avoir réexaminé le dossier de candidature de celle-ci lors de sa réunion du 12 septembre 2000, le jury avait décidé à l'unanimité de maintenir sa décision initiale de ne pas l'admettre à participer au concours litigieux.

19.
    Par décision du 9 octobre 2000, l'AIPN a rejeté la réclamation de la requérante.

Procédure et conclusions des parties

20.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 décembre 2000, la requérante a introduit le présent recours.

21.
    Par décision du 8 mars 2001, le Tribunal (première chambre) a décidé, conformément à l'article 47, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, tel que modifié le 6 décembre 2000 (JO L 322, p. 4), qu'un deuxième échange de mémoires n'était pas nécessaire, le contenu du dossier étant suffisamment complet pour permettre aux parties de développer leurs moyens et arguments au cours de la procédure orale.

22.
    Par décision du Tribunal du 20 septembre 2001, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51, paragraphe 2, du règlement de procédure, la quatrième chambre a attribué l'affaire à M. Vilaras, siégeant en qualité de juge unique.

24.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 7 novembre 2001.

25.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler les décisions du jury rejetant sa candidature au concours interne B/172 et établissant la liste d'aptitude des candidats, ainsi que toute décision de la partie défenderesse se fondant sur ces décisions du jury;

-    enjoindre au jury de statuer sur sa candidature en conformité avec les principes dégagés par l'arrêt à intervenir;

-    condamner le Parlement à lui verser la somme de 200 000 francs luxembourgeois (LUF) à titre de réparation de son préjudice moral;

-    lui donner acte qu'elle se réserve le droit de réclamer ultérieurement la réparation de son préjudice matériel;

-    condamner le Parlement aux dépens.

26.
    Le Parlement conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable et, subsidiairement, comme non fondé, dans son ensemble;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur les conclusions en annulation

Sur la recevabilité

Arguments des parties

27.
    Le Parlement, sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité, conteste dans son mémoire en défense la recevabilité des conclusions en annulation du recours.

28.
    En premier lieu, le Parlement soutient que, si, malgré l'introduction d'une réclamation administrative préalable, le présent recours est considéré comme visant directement l'annulation de la décision du jury du 16 mai 2000 écartant la candidature de la requérante, il doit être rejeté comme irrecevable, dès lors qu'il n'a pas été introduit dans le délai statutaire de trois mois. Selon le Parlement, la décision précitée du jury, dont la requérante a pris connaissance au plus tard à la date de sa réclamation (le 29 mai 2000), aurait dû faire l'objet d'un recours en annulation au plus tard le 29 août 2000. Or, le recours ayant été introduit le 28 décembre 2000, il serait tardif et, partant, manifestement irrecevable. Le Parlement ajoute que la requérante ne saurait faire valoir que la décision ultérieure du jury du 28 septembre 2000 visée dans la requête constitue une décision luiouvrant à nouveau le délai de recours de trois mois, cette décision étant purement confirmative de la décision du jury du 16 mai 2000.

29.
    En deuxième lieu, le Parlement prétend que, dans l'hypothèse où le recours serait considéré comme la suite contentieuse d'une procédure précontentieuse entamée par l'introduction de la réclamation du 29 mai 2000, il doit être déclaré irrecevable pour défaut de respect des contraintes procédurales qui s'attachent à la voie de la réclamation préalable.

30.
    D'une part, la requérante n'aurait pas respecté la règle de concordance, selon laquelle les conclusions devant le Tribunal doivent avoir le même objet que celles exposées dans la réclamation administrative préalable et contenir des chefs de contestation reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation. En effet, dans sa réclamation, la requérante aurait sollicité de l'AIPN l'annulation du concours B/172 et l'organisation d'un nouveau concours, alors que, dans son recours, elle se limiterait à demander l'annulation de la décision du jury de ne pas l'admettre à concourir.

31.
    D'autre part, si la lettre de la requérante du 29 mai 2000 devait être considérée non pas comme une réclamation mais comme une demande d'annulation du concours B/172, le recours serait également irrecevable, étant, dans ce cas, introduit sans respecter les dispositions de l'article 91, paragraphe 2, du statut. En effet, dans cette hypothèse, la requérante aurait dû introduire une réclamation contre la décision de l'AIPN du 15 septembre 2000, rejetant cette demande, ce qui n'a pas été le cas.

32.
    Enfin, le Parlement considère que le chef des conclusions en annulation tendant à enjoindre au jury de statuer sur la candidature de la requérante en conformité avec l'arrêt à intervenir est irrecevable, puisque, en vertu d'une jurisprudence constante, le Tribunal n'est pas compétent pour adresser à l'administration des injonctions dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l'article 91 du statut (arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Weissenfels/Parlement, T-22/92, Rec. p. II-1095).

33.
    La requérante considère que, le recours en annulation ayant été valablement déposé dans le délai statutaire de trois mois contre la décision du 28 septembre 2000, il est recevable dès lors que, conformément à la jurisprudence, même si elle a présenté une réclamation préalable, elle a choisi, en définitive, la voie de la saisine directe du juge communautaire.

Appréciation du Tribunal

- Observations liminaires

34.
    Il convient de rappeler que la voie de droit dont disposent les intéressés à l'égard d'une décision d'un jury de concours consiste normalement en une saisine directedu juge communautaire. En effet, une réclamation dirigée contre une décision d'un jury de concours paraît dépourvue de sens, l'institution concernée n'ayant pas le pouvoir d'annuler ou de modifier une telle décision (arrêts de la Cour du 5 avril 1979, Orlandi/Commission, 117/78, Rec. p. 1613, points 8 à 10, et du 7 mai 1986, Rihoux e.a./Commission, 52/85, Rec. p. 1555, point 9; arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, Jouhki/Commission, T-215/97, RecFP p. I-A-503 et II-1513, point 22).

35.
    Toutefois, si l'intéressé, au lieu de saisir directement le juge communautaire, invoque les dispositions statutaires pour s'adresser, sous forme d'une réclamation administrative, à l'AIPN, la recevabilité du recours introduit ultérieurement dépendra du respect par l'intéressé de l'ensemble des contraintes procédurales qui s'attachent à la voie de la réclamation préalable. Au nombre de ces contraintes procédurales figurent les principes selon lesquels les conclusions déposées devant le Tribunal doivent avoir le même objet que celles exposées dans la réclamation et les délais prescrits par les articles 90 et 91 du statut doivent être respectés (arrêt Jouhki/Commission, précité, point 22, et la jurisprudence citée).

36.
    C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'examiner la recevabilité des conclusions en annulation du présent recours.

- Sur la recevabilité du premier chef de conclusions

37.
    Par ce chef de conclusions, la requérante vise, en premier lieu, à obtenir l'annulation de la décision du jury de ne pas l'admettre à participer au concours B/172.

38.
    S'agissant, tout d'abord, de l'identification précise de l'acte attaqué, il convient de rappeler que, par la lettre du 3 avril 2000, la requérante a été informée de la décision du jury de ne pas l'admettre aux épreuves du concours B/172. Cette décision a fait l'objet d'un réexamen par le jury à la suite d'une demande en ce sens introduite par la requérante le 9 avril 2000, conformément au point III A 3 de l'avis de concours. Le jury a confirmé sa décision de ne pas admettre la candidature de la requérante et cette dernière a été informée de ce nouveau refus par lettre du 16 mai 2000. Cette décision, adoptée à la suite de la demande de réexamen introduite par la requérante en vertu d'une règle que la défenderesse s'est engagée à respecter, et qui, dès lors, la lie (ordonnance du Tribunal du 3 avril 2001, Zaur-Gora et Dubigh/Commission, T-95/00 et 96/00, RecFP p. I-A-79 et II-379, point 25, et la jurisprudence citée), s'est substituée à la décision initiale du jury et constitue, donc, l'acte faisant grief.

39.
    En effet, selon la jurisprudence, lorsqu'une partie dont la demande d'admission à un concours communautaire a été rejetée sollicite le réexamen de cette décision sur la base d'une disposition précise liant l'administration, c'est la décision prise par le jury après réexamen qui constitue l'acte faisant grief, au sens de l'article 90,paragraphe 2, ou, le cas échéant, de l'article 91, paragraphe 1, du statut. C'est également cette décision, prise après réexamen, qui fait courir le délai de réclamation et de recours, sans qu'il y ait lieu de vérifier si, dans une telle situation, ladite décision peut éventuellement être considérée comme un acte purement confirmatif (ordonnance Zaur-Gora et Dubigh/Commission, précitée, point 28).

40.
    Il y a lieu de constater, ensuite, que la requérante, au lieu de saisir le juge communautaire directement d'un recours contre la décision du jury faisant grief, a cru utile d'invoquer les dispositions statutaires pour s'adresser, sous forme d'une réclamation, à l'institution défenderesse. C'est ainsi qu'elle a introduit, par une lettre adressée au secrétaire général du Parlement et enregistrée au service «Courrier officiel» de cette institution le 30 mai 2000, une réclamation en respectant le délai de trois mois prévu par l'article 90, paragraphe 2, du statut. Dans ces conditions, et conformément à l'article 91, paragraphe 3, du statut, le dépôt de la requête au greffe du Tribunal le 28 décembre 2000 est intervenu dans le délai de trois mois à compter de la date d'expiration du délai de réponse à cette réclamation.

41.
    En outre, il convient d'examiner si, comme le prétend le Parlement, ce chef de conclusions doit être déclaré irrecevable en raison d'un défaut de concordance entre la réclamation et la requête.

42.
    À cet effet, il y a lieu de rappeler qu'il est de jurisprudence constante que les conclusions devant le Tribunal doivent avoir le même objet que celles exposées dans la réclamation (arrêts Rihoux e.a./Commission, précité, point 13, et Jouhki/Commission, précité, point 31). Toutefois, étant donné que la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent, en général, à ce stade, sans le concours d'un avocat, l'administration doit examiner les réclamations non pas de façon restrictive, mais, au contraire, dans un esprit d'ouverture (arrêts du Tribunal du 9 juillet 1997, S/Cour de justice, T-4/96, Rec. p. II-1125, point 99, et Jouhki/Commission, précité, point 31).

43.
    En l'espèce, s'il est vrai que la réclamation de la requérante a essentiellement visé, dans ses conclusions formelles, l'annulation du concours B/172 et l'organisation d'un nouveau concours, il n'en reste pas moins qu'il ressort de son contenu que la requérante a également contesté la décision du jury du 16 mai 2000 de ne pas l'admettre à concourir, en faisant notamment valoir que les motifs de cette décision étaient inexacts et erronés et que son dossier de candidature était complet.

44.
    Force est de constater, par ailleurs, que, si l'AIPN, par sa lettre du 15 septembre 2000, a rejeté la demande formulée dans la réclamation de la requérante d'annuler le concours B/172 et d'en organiser un nouveau, elle a pu déduire de cette réclamation, en l'interprétant dans un esprit d'ouverture conformément à la jurisprudence précitée, qu'elle visait également l'annulation de la décision du jury de ne pas admettre la requérante à concourir.

45.
    Comme il ressort de cette même lettre du 15 septembre 2000, c'est dans cet esprit que l'AIPN a, dans le cadre de l'examen de la réclamation, invité le jury à réexaminer l'acte de candidature de la requérante et que, après confirmation par ce dernier de sa décision du 16 mai 2000, elle a formellement rejeté, le 9 octobre 2000, ladite réclamation. Par conséquent, l'AIPN a pris position sur la légalité du rejet de la candidature de la requérante. Elle a donc fait valoir ses observations à ce sujet au cours de la procédure administrative.

46.
    Dans ces circonstances, l'absence de conclusions formelles dans la réclamation à l'encontre de la décision du 16 mai 2000 n'a pas porté atteinte aux principes de sécurité juridique et de respect des droits de la défense qui sous-tendent la règle de concordance entre la réclamation administrative et le recours contentieux (arrêts du Tribunal du 28 mai 1998, W/Commission, T-78/96 et T-170/96, RecFP p. I-A-239 et II-745, point 66, et du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T-214/99, RecFP p. I-A-257 et II-1169, point 38).

47.
    Il s'ensuit que la règle de concordance entre la réclamation administrative préalable et le recours contentieux n'a pas été violée en l'espèce.

48.
    Sur la base des considérations qui précédent, le premier chef des conclusions en annulation doit être déclaré recevable en tant qu'il vise l'annulation de la décision du jury de ne pas admettre la requérante aux épreuves du concours B/172. Partant, toute l'argumentation du Parlement tirée de l'irrecevabilité de ce chef de conclusions en annulation n'est pas fondée et doit être rejetée.

49.
    En second lieu, le premier chef de conclusions vise l'annulation de la décision du jury établissant la liste d'aptitude des candidats au concours B/172.

50.
    Cette demande doit être rejetée comme irrecevable dès lors que, contrairement aux exigences posées par l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requérante, dans sa requête, n'a invoqué à l'appui de celle-ci aucun moyen propre (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 28 mars 1994, B/Commission, T-515/93, RecFP p. I-A-115 et II-379, points 12 à 14, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, X/Commission, T-130/95, RecFP p. I-A-603 et II-1609, point 84).

51.
    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante n'a pas été admise à concourir et n'a, dès lors, pas participé aux épreuves du concours B/172, par cette même demande, elle tend en réalité à obtenir une injonction à la partie défenderesse de tirer les conséquences qu'aurait une éventuelle annulation de la décision du jury de ne pas l'admettre à concourir. Or, aux termes de l'article 233 CE, il appartient à l'institution concernée de tirer les conséquences des arrêts du Tribunal (arrêt du Tribunal du 19 juillet 1999, Varas Carrión/Conseil, T-168/97, RecFP p. I-A-143 et II-761, point 26).

- Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions

52.
    Ce chef de conclusions tend à obtenir du Tribunal qu'il enjoigne au jury de statuer sur la candidature de la requérante en conformité avec les principes dégagés par l'arrêt à intervenir.

53.
    Il est de jurisprudence constante que le Tribunal n'est pas compétent pour adresser à l'administration des injonctions dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l'article 91 du statut, de sorte que doit être déclarée irrecevable une demande visant à la délivrance d'une telle injonction (arrêts du Tribunal Varas Carrión/Conseil, précité, point 26, et du 20 juin 2001, Buisson/Commission, T-243/99, RecFP p. I-A-131 et II-601, point 37).

54.
    Par ailleurs, par ce biais, la requérante tend encore une fois à obtenir du Tribunal qu'il enjoigne à la partie défenderesse de tirer les conséquences qu'aurait une éventuelle annulation de la décision du jury de ne pas l'admettre aux épreuves du concours. Or, ainsi qu'il a déjà été relevé (point 51 ci-dessus), il appartient à l'institution qui a pris l'acte attaqué de tirer les conséquences des arrêts du Tribunal.

55.
    Il s'ensuit que ce chef de conclusions doit être rejeté comme irrecevable.

Sur le fond

56.
    La requérante invoque trois moyens à l'appui de ses conclusions en annulation tirés d'une violation, premièrement, de l'obligation de motivation, deuxièmement, de l'article 5 de l'annexe III du statut et, troisièmement, de l'article 2, deuxième alinéa, de l'annexe III du statut, du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation

- Arguments des parties

57.
    La requérante estime que la décision du jury du 28 septembre 2000 ne respecte pas l'obligation de motivation, telle qu'elle résulte de l'article 25 du statut. Selon la requérante, il ressortirait de la lettre du 15 septembre 2000 de l'AIPN que le jury n'aurait pas été saisi d'une simple demande de réexamen de sa décision du 16 mai 2000, mais aussi d'une demande visant à obtenir des explications individuelles supplémentaires quant à la présence parmi les pièces versées par la requérante à l'appui de sa candidature de la lettre de résiliation de son contrat d'agent temporaire avec effet au 31 décembre 1999. Or, en s'abstenant de prendre position sur cet élément important, d'où il ressortirait que la requérante avait la qualité d'agent temporaire au Parlement à la date limite de dépôt des candidatures, le jury aurait manqué à son obligation légale de motivation.

58.
    La requérante ajoute qu'il ne saurait être soutenu que la motivation figurant dans la décision du 16 mai 2000 dispensait le jury de motiver plus amplement celle du28 septembre 2000. En effet, cette dernière décision, adoptée à l'issue d'un réexamen de la décision du 16 mai 2000, se serait substituée à celle-ci et devrait, donc, être dûment motivée.

59.
    Le Parlement rétorque que le jury a respecté son obligation de motivation telle qu'elle résulte de la jurisprudence. Il expose, d'une part, que, par ses décisions des 3 avril et 16 mai 2000, le jury a clairement précisé que la lettre de résiliation du contrat de la requérante prouvant qu'elle avait encore à la date limite de dépôt des candidatures la qualité d'agent temporaire au Parlement n'a pas été retrouvée parmi les pièces justificatives jointes à son acte de candidature. En outre, par la décision du 16 mai 2000, le jury aurait informé la requérante que, au vu de sa propre déclaration dans son acte de candidature, selon laquelle ses activités auprès du groupe UPE auraient cessé le 19 juillet 1999, déclaration corroborée par l'attestation du secrétaire général dudit groupe en date du 19 juillet 1999, sa candidature n'aurait pu être que rejetée.

60.
    D'autre part, le Parlement soutient que l'obligation de motivation n'implique pas qu'à chaque fois une réponse détaillée doit être donnée à l'intéressé, surtout si des réponses détaillées lui ont déjà été fournies antérieurement. Par ailleurs, selon le Parlement, lorsque des demandes de candidats écartés d'un concours ne visent pas à obtenir des explications individuelles supplémentaires, mais à amener le jury à réexaminer sa décision de ne pas les admettre à concourir, ces demandes n'obligent pas le jury à motiver plus amplement ses décisions initiales (arrêt de la Cour du 12 juillet 1989, Belardinelli e.a./Cour de justice, 225/87, Rec. p. 2353). Or, en l'espèce, vu le caractère détaillé de la réponse déjà donnée le 16 mai 2000, une courte confirmation de celle-ci suffirait pour que le jury respecte dans sa lettre du 28 septembre 2000 l'obligation de motivation.

- Appréciation du Tribunal

61.
    Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver une décision faisant grief a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d'autre part, de rendre possible le contrôle juridictionnel (voir, notamment, arrêt de la Cour du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447, point 36, et arrêt Carrasco Benítez/Commission, précité, point 172, et la jurisprudence citée).

62.
    Une telle obligation a pour but, notamment, de permettre à l'intéressé de connaître les raisons d'une décision prise à son égard, afin qu'il puisse éventuellement exercer les voies de recours nécessaires à la défense de ses droits et intérêts (arrêt du Tribunal du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T-133/89, Rec. p. II-245, point 43). En ce qui concerne plus particulièrement les décisions de refus d'admission à concourir, le jury de concours doit indiquer précisément les conditions de l'avis de concours qui ont été jugées non satisfaites par le candidat (arrêt Carrasco Benítez/Commission, précité, point 173, et la jurisprudence citée).

63.
    En l'espèce, il y a lieu, tout d'abord, de rappeler que, par la lettre du 3 avril 2000, la requérante a été informée que le jury ne l'avait pas admise à concourir au motif qu'elle n'avait pas joint à son acte de candidature de pièces justificatives établissant sa qualité de fonctionnaire ou d'agent du Parlement à la date limite de dépôt des candidatures. Elle a ainsi obtenu du jury les indications nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la décision de ce dernier.

64.
    Ensuite, après avoir sollicité le réexamen de sa candidature, la requérante a été informée, par lettre du 16 mai 2000, que le jury confirmait sa décision initiale aux motifs suivants: premièrement, dans son acte de candidature, sous la rubrique «Emploi actuellement occupé», elle avait elle-même déclaré que son contrat avait duré jusqu'au 19 juillet 1999; deuxièmement, cette déclaration était corroborée par l'attestation, en date du 19 juillet 1999, du secrétaire général du groupe UPE établissant qu'elle avait travaillé pour ce groupe d'avril 1986 à juillet 1999 et, troisièmement, la lettre de résiliation de son contrat, dont elle faisait état dans sa demande de réexamen et de laquelle il ressortait qu'elle avait encore la qualité d'agent temporaire du Parlement à la date limite de dépôt des candidatures, ne figurait pas parmi les pièces justificatives annexées à son acte de candidature.

65.
    Par conséquent, les indications contenues dans les lettres du jury des 3 avril et 16 mai 2000 constituent, au vu de la jurisprudence en la matière (voir ci-dessus points 61 et 62), une motivation suffisante de la décision de ne pas admettre la requérante aux épreuves du concours B/172. Elles ont, en effet, permis à cette dernière d'apprécier le bien-fondé de cette décision et d'exercer le recours nécessaire à la défense de ses droits et intérêts, ainsi que le démontre son argumentation développée au soutien de sa demande en annulation. En outre, elles rendent possible le contrôle de légalité du Tribunal sur cette décision.

66.
    Par ailleurs, contrairement aux allégations de la requérante, il ressort clairement de la lettre de l'AIPN du 15 septembre 2000 que cette dernière a bien invité le jury à réexaminer sa décision de ne pas admettre la requérante aux épreuves du concours litigieux et non pas à fournir des explications individuelles supplémentaires. En conséquence, le jury n'était pas obligé de motiver plus amplement sa décision du 16 mai 2000 et pouvait, donc, simplement indiquer qu'il confirmait cette décision, ainsi qu'il l'a fait par sa lettre du 28 septembre 2000 (voir, en ce sens, arrêts Belardinelli e.a./Cour de justice, précité, point 10, et Burban/Parlement, précité, points 43 et 44).

67.
    Il en résulte que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 5 de l'annexe III du statut

- Arguments des parties

68.
    La requérante soutient que le rejet de sa candidature par le jury est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, constitutive d'une violation de l'article 5 del'annexe III du statut, qui dispose que le jury, après avoir pris connaissance des dossiers des candidats qui remplissent les conditions prévues à l'article 28, sous a), b) et c), du statut, détermine la liste des candidats qui répondent aux conditions fixées par l'avis de concours. En particulier, selon la requérante, le jury n'a pas tenu compte lors de son appréciation, premièrement, du fait que l'acte de candidature précisait, à sa première page, qu'elle avait été agent temporaire du 13 mai 1986 au 31 décembre 1999, deuxièmement, du fait qu'une liste récapitulative des pièces justificatives annexées à son acte de candidature mentionnait une lettre de résiliation selon laquelle son contrat venait à expiration le 31 décembre 1999 et, troisièmement, de sa demande de réexamen du 9 avril 2000 dans laquelle elle expliquait au jury qu'elle était effectivement agent temporaire à la date limite de dépôt des candidatures.

69.
    Le Parlement fait valoir que le jury est lié par le texte de l'avis de concours (arrêt du Tribunal du 28 novembre 1991, Van Hecken/CES, T-158/89, Rec. p. II-1341). Or, en l'espèce, l'avis de concours obligerait le jury, d'une part, à apprécier les actes de candidature uniquement sur dossier et au vu des pièces justificatives jointes par les intéressés à ces actes et, d'autre part, à refuser l'autorisation de concourir à des personnes qui ne justifieraient pas avoir la qualité de fonctionnaire ou d'agent temporaire à la date limite de dépôt des candidatures. Dès lors, le jury ne pourrait tenir compte ni des documents transmis après cette date, telle que la lettre de résiliation du contrat de la requérante communiquée par son courrier du 9 avril 2000, ni des déclarations de celle-ci dans son acte de candidature qui, en tant que simples affirmations émanant de l'intéressée elle-même, n'auraient aucune force probatoire.

70.
    En outre, la liste des documents annexés à l'acte de candidature invoquée par la requérante ne constituerait pas une pièce justificative au sens de l'avis de concours. Par ailleurs, cette liste mentionnerait simplement l'existence d'une lettre de résiliation du contrat de la requérante et n'indiquerait pas la date à laquelle le contrat en question prendrait fin.

71.
    Enfin, le Parlement fait observer que la pièce manquante du dossier de candidature de la requérante, tel que reconstitué par celle-ci en cours de procédure, ne figurait pas comme première ou dernière feuille du dossier, ce qui exclut l'égarement éventuel de la pièce en question. Une telle éventualité serait également exclue, vu la façon dont seraient traités les actes de candidatures. En effet, selon le Parlement, les enveloppes sont transmises, sans être ouvertes par le service «Courrier officiel», au service concours qui procède à l'ouverture des plis en agrafant immédiatement tous les documents d'un acte de candidature.

- Appréciation du Tribunal

72.
    L'article 5, premier alinéa, de l'annexe III du statut dispose que le jury, après avoir pris connaissance des dossiers des candidats qui remplissent les conditions prévuesà l'article 28, sous a), b) et c), du statut, détermine la liste des candidats qui répondent aux conditions fixées par l'avis de concours.

73.
    Il est de jurisprudence constante que le jury est lié par le texte et, en particulier, par les conditions d'admission fixées par l'avis de concours. En effet, le rôle essentiel de l'avis de concours, tel qu'il a été conçu par le statut, consiste à informer les intéressés d'une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s'agit, afin de les mettre en mesure d'apprécier, d'une part, s'il y a lieu pour eux de faire acte de candidature et, d'autre part, quelles pièces justificatives sont d'importance pour les travaux du jury et doivent, par conséquent, être jointes aux actes de candidature (ordonnance Zaur-Gora et Dubigh/Commission, précitée, points 47, et la jurisprudence citée).

74.
    Afin de vérifier si ces conditions sont satisfaites, le jury peut uniquement tenir compte des indications fournies par les candidats dans leur acte de candidature et des pièces justificatives qu'il leur incombe de produire à l'appui de celui-ci (ordonnance Zaur-Gora et Dubigh/Commission, précitée, point 55). En effet, un jury ne saurait être tenu de procéder lui-même à des recherches aux fins de vérifier si les candidats satisfont à l'ensemble des conditions posées par l'avis de concours (arrêt Carrasco Benítez/Commission, précité, point 77, et la jurisprudence citée). Lorsque les dispositions claires d'un avis de concours prescrivent sans équivoque l'obligation de joindre à l'acte de candidature des pièces justificatives, l'inexécution de cette obligation par un candidat ne saurait ni habiliter ni, à plus forte raison, obliger le jury ou l'AIPN à agir en contrariété avec cet avis de concours (arrêt de la Cour du 31 mars 1992, Burban/Parlement, C-255/90 P, Rec. p. I-2253, point 12, et ordonnance du Tribunal du 30 mars 2000, Crestaz/Commission, T-12/00, RecFP p. I-A-67 et II-289, point 22).

75.
    En l'espèce, le point III A 2 de l'avis du concours B/172 prescrit que le jury examine les dossiers des candidatures et arrête la liste des candidats qui satisfont aux conditions prévues en se basant exclusivement sur les indications portées dans l'acte de candidature et appuyées par des justificatifs insérés dans ce même acte. Sont exclus à ce stade les candidats qui ne remplissent pas les conditions d'admission requises par l'avis de concours ou dont les déclarations ne sont pas justifiées par des documents pertinents insérés dans l'acte de candidature. Enfin, en aucun cas le candidat ne pourra faire référence à des documents inclus dans son dossier personnel qui n'auraient pas été soumis avec son acte de candidature.

76.
    Il convient donc de constater que l'avis de concours prévoit sans équivoque l'obligation pour les candidats, sous peine de ne pas être admis aux épreuves du concours, de communiquer au jury les documents prouvant qu'ils remplissent les conditions d'admission, parmi lesquelles figure la condition d'avoir la qualité de fonctionnaire ou d'agent temporaire au Parlement à la date limite de dépôt des candidatures. Les candidats ne pouvaient, dès lors, ni se limiter à des déclarations dans leur acte de candidature non justifiées par des documents pertinents, ni seréférer à des documents, même pertinents, qui n'auraient pas été joints à l'acte de candidature.

77.
    Il s'ensuit qu'il incombait à la requérante de justifier la déclaration figurant à la première page de son acte de candidature, selon laquelle elle était agent temporaire au Parlement, au service du groupe UPE, du 13 mai 1986 au 31 décembre 1999, par des pièces pertinentes. La requérante soutient avoir joint à son acte de candidature la lettre de résiliation de son contrat, selon laquelle celui-ci avait pris fin le 31 décembre 1999. Toutefois, le Parlement conteste que cette lettre ait été effectivement jointe à l'acte de candidature et a fait valoir, dans le cadre de la procédure écrite (voir ci-dessus point 71) et lors de l'audience, sans être sérieusement contredit par la requérante, que la perte de cette lettre doit être pratiquement exclue, vu le traitement diligent des actes de candidature par le service concours, d'une part, et le fait que la lettre en question ne constituait pas la première ou la dernière feuille du dossier, d'autre part. Dans ces conditions, la seule mention de la lettre en cause dans la liste des pièces jointes à l'acte de candidature ne suffit pas à démontrer que ladite lettre avait été effectivement annexée à celui-ci et à écarter l'hypothèse selon laquelle la requérante aurait omis de la joindre à son dossier. En outre, il convient de relever que cette liste, qui, par ailleurs, ne constitue pas, en soi, une pièce justificative au sens de l'avis du concours litigieux, fait seulement mention d'une lettre de résiliation d'un contrat, sans préciser de quel contrat il s'agit ni la date à laquelle il prend fin.

78.
    Ensuite, il convient de relever que, à la troisième page de son acte de candidature, sous la rubrique «Emploi actuellement occupé», la requérante a indiqué, dans la case réservée à la date de fin d'activité, le 19 juillet 1999, ce qui était de nature à laisser penser qu'elle n'exerçait plus de fonctions au Parlement à compter de cette date. Cette interprétation était corroborée par l'attestation, versée au dossier, du secrétaire général du groupe UPE, établissant que la requérante avait travaillé pour ce groupe «d'avril 1986 à juillet 1999».

79.
    Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et des déclarations non démontrées et contradictoires de la requérante dans son acte de candidature, il y a lieu de retenir qu'elle n'a pas justifié par des pièces pertinentes avoir la qualité de fonctionnaire ou d'agent temporaire au Parlement européen à la date limite de dépôt des candidatures, conformément aux dispositions claires et non équivoques de l'avis de concours. La décision du jury de ne pas admettre la requérante aux épreuves du concours B/172 a donc été prise en conformité avec l'article 5 de l'annexe III du statut et les termes de l'avis de concours.

80.
    Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 2, deuxième alinéa, de l'annexe III du statut, du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

- Arguments des parties

81.
    La requérante soutient que le jury a violé son devoir de sollicitude et le principe de bonne administration dès lors qu'il ne l'a pas invitée à verser au dossier la lettre de résiliation de son contrat qu'elle aurait omis de joindre à l'acte de candidature. Une telle obligation se serait d'autant plus imposée au jury que celui-ci n'aurait pu ignorer que la requérante remplissait les conditions requises par l'avis de concours, eu égard aux autres éléments du dossier et, notamment, la mention de la lettre en cause dans la liste récapitulative des pièces jointes à son acte de candidature ainsi que sa propre déclaration, dans ce même acte, affirmant qu'elle était encore agent temporaire à la date limite de dépôt des candidatures.

82.
    La requérante ajoute que le jury aurait dû faire usage de l'article 2, deuxième alinéa, de l'annexe III du statut, qui lui permet d'inviter les candidats à fournir tous documents ou renseignements complémentaires. Tout en demeurant une simple faculté offerte au jury, l'usage de cette disposition aurait dû s'imposer dans des circonstances comme celles de l'espèce, où le candidat concerné aurait de bonne foi commis une erreur des plus bénignes en omettant de joindre à son dossier le document litigieux. Le jury aurait pu ainsi éviter un traitement discriminatoire de la requérante par rapport à certains de ses collègues qui auraient été invités à communiquer des pièces manquantes ou admis à concourir en l'absence d'un dossier de candidature complet.

83.
    Le Parlement considère que le jury n'a violé ni le devoir de sollicitude, ni le principe de bonne administration, ni l'article 2, deuxième alinéa, de l'annexe III du statut, qui, ainsi que la requérante elle-même l'admet, ne constitue qu'une simple faculté, pouvant être supprimée par un avis de concours. Or, selon le Parlement, aux termes de l'avis de concours litigieux, le jury devait se baser exclusivement, pour arrêter la liste des candidats admis aux épreuves, sur les indications portées dans l'acte de candidature «et appuyées par des justificatifs insérés dans ce même acte» et, dès lors, n'était pas tenu d'inviter les candidats à verser au dossier des pièces manquantes. Quant à l'argument concernant le prétendu traitement discriminatoire de la requérante par rapport à d'autres candidats qui auraient été invités à compléter leur dossier, le Parlement soutient qu'il doit être rejeté, la requérante n'apportant aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations. Par ailleurs, les seuls contacts que le service concours aurait eus avec certains candidats n'auraient visé nullement le réexamen des dossiers de candidatures et le versement de pièces manquantes, mais se seraient limités exclusivement à des points d'ordre organisationnel pour le bon déroulement des épreuves.

- Appréciation du Tribunal

84.
    Il ressort de la jurisprudence que l'article 2, deuxième alinéa, de l'annexe III du statut, selon lequel les candidats «peuvent être requis de fournir tous documents ou renseignements complémentaires» dans le cadre des procédures de concours organisées par les institutions, offre une simple faculté au jury de demander auxcandidats des informations complémentaires lorsqu'il éprouve un doute sur la portée d'une pièce produite, mais ne peut en aucun cas être interprété comme imposant une obligation au jury de se faire produire l'ensemble des pièces requises (arrêt du 31 mars 1992, Burban/Parlement, précité, point 16).

85.
    En effet, le jury de concours, qui est tenu par les termes de l'avis de concours tel qu'il a été publié, a uniquement pour obligation de tenir compte des pièces justificatives que les candidats doivent déposer avant la date limite fixée par cet avis pour le dépôt des candidatures. Il n'est nullement tenu d'inviter, le cas échéant, les intéressés à fournir des pièces supplémentaires (arrêts du Tribunal du 21 mai 1992, Almeida Antunes/Parlement, T-54/91, Rec. p. II-1739, point 40, et Jouhki/Commission, précité, point 58). Par conséquent, la requérante ne saurait se prévaloir de la disposition visée au point ci-dessus pour se soustraire à une obligation claire, précise et inconditionnelle prescrite par l'avis de concours.

86.
    En ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel le jury aurait dû, dans les circonstances de l'espèce et en vertu de son devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, faire usage de l'article 2, deuxième alinéa, de l'annexe III du statut et l'inviter à fournir la pièce manquante, il doit être rejeté. En effet, ni le devoir de sollicitude ni le principe de bonne administration ne peuvent transformer en obligation ce que le législateur a conçu comme une simple faculté pour le jury de concours (arrêt du 31 mars 1992, Burban/Parlement, précité, point 20, et arrêt Carrasco Benítez/Commission, précité, point 78).

87.
    Quant à l'argument de la requérante tiré de ce que d'autres candidats, se trouvant dans une situation analogue à la sienne, auraient été invités par le jury à communiquer des pièces manquantes ou admis à concourir en l'absence d'un dossier de candidature complet, il doit être rejeté, étant donné que la requérante n'avance aucun élément de preuve au soutien de ces allégations (voir, en ce sens, arrêt Jouhki/Commission, précité, point 58). À cet égard, le Parlement a indiqué, sans être contredit, que les seuls contacts que le service concours a eus avec certains candidats ne visaient pas le réexamen des conditions d'admission au concours et le versement de pièces manquantes, mais étaient exclusivement limités à certains aspects d'ordre organisationnel pour le bon déroulement des épreuves des candidats déjà admis.

88.
    Il s'ensuit que le troisième moyen doit être écarté.

89.
    Compte tenu de ce qui précède, les conclusions en annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions en indemnité

Arguments des parties

90.
    La requérante soutient que la décision du jury de ne pas l'admettre à concourir a porté atteinte à son prestige et lui a causé un préjudice moral qu'elle évalue à 200 000 LUF. En outre, cette décision lui aurait manifestement causé un préjudice matériel dont elle se réserverait le droit de réclamer la réparation ultérieurement.

91.
    Le Parlement soutient que les conclusions en indemnité sont irrecevables et, subsidiairement, non fondées.

Appréciation du Tribunal

92.
    Selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d'un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées soit comme irrecevables, soit comme non fondées (arrêt du Tribunal du 15 mai 1997, N/Commission, T-273/94, RecFP p. I-A-97 et II-289, point 159, et la jurisprudence citée).

93.
    En l'espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation. Dans ces circonstances, les conclusions en indemnité doivent être rejetées dans la mesure où l'examen des moyens présentés au soutien des conclusions en annulation n'a révélé aucune illégalité commise par le Parlement et donc aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

94.
    Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

95.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé en ses moyens et le Parlement ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 janvier 2002.

Le greffier

Le juge

H. Jung

M. Vilaras


1: Langue de procédure: le français.