Language of document : ECLI:EU:T:1997:117

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

14 juillet 1997(1)

«Politique sociale — Fonds social européen — Concours au financement d'actionsde formation professionnelle — Recours en annulation — Communication de ladécision d'agrément — Décision sur la demande de paiement du solde — Sécuritéjuridique — Confiance légitime — Motivation»

Dans l'affaire T-81/95,

Interhotel, Sociedade Internacional de Hotéis, SARL, société de droit portugais,établie à Lisbonne, représentée par Mes José Miguel Alarcão Júdice, Nuno MoraisSarmento et Gabriela Rodrigues Martins, avocats au barreau de Lisbonne, ayantélu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Victor Gillen, 16, boulevard de laFoire,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. AntónioCaeiro, conseiller juridique, et Günter Wilms, membre du service juridique, ayantélu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre duservice juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision C(94)1410/11 de laCommission, du 12 juillet 1994, notifiée à la requérante le 27 décembre 1994, dansle dossier n° 870840/P1, relative à un concours financier du Fonds social européenau titre d'une action de formation,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),



composé de M. A. Saggio, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 15 janvier 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du recours et procédure

  1. Le projet contenant une demande de concours financier en faveur de la requéranteque le Departamento para os Assuntos do Fundo Social Europeu (département desaffaires du Fonds social européen, ci-après «DAFSE») à Lisbonne a proposé autitre de l'exercice 1987, et qui a reçu le n° 870840/P1, a été approuvé par laCommission par une décision d'agrément du 30 avril 1987 avec certainschangements. Alors que la requérante avait demandé du Fonds social européen (ci-après «FSE») un montant de 152 466 071 ESC pour la formation de 284personnes, un concours financier s'élevant à 121 647 958 ESC lui a été octroyé parle FSE en vue de la formation de 277 personnes.

  2. La Commission a communiqué au DAFSE une note intitulée «annexe <A1> à ladécision C(87)0860 de la Commission» (annexe 1 au mémoire en défense)contenant les informations suivantes :

    nombre de personnes concernées    
    277

    montant demandé

    152 466 071 ESC

    montant accordé

    121 647 958 ESC

    non éligible

    27 766 349 ESC

    réduction

    3 051 763 ESC

    montant total refusé

    30 818 112 ESC



  3. Le DAFSE a ensuite, le 27 mai 1987, informé la requérante de cette décision parune lettre indiquant le montant accordé et le nombre de personnes approuvé(annexe 4 à la requête). Dans cette communication, il était rappelé que lesconcours du FSE sont des crédits subordonnés à la réalisation de l'action dans lerespect des règles communautaires et que l'inobservation de cette conditionentraîne le remboursement des avances et le non-paiement du solde. En outre, ilétait souligné que toute modification par rapport à ce qui est prévu dans le dossierde candidature doit être communiquée au DAFSE.

  4. L'action s'est déroulée en 1987. Par la circulaire n° 10/87, datée du 8 janvier 1987et, d'après la requérante, reçue par elle le 29 juin 1987, le DAFSE a demandé auxbénéficiaires de concours du FSE de réduire les périodes de formation pratique àune durée équivalente à celle de l'enseignement théorique. Pour se conformer auxexigences de la circulaire, la requérante a réduit de 36,13 % le nombre d'heuresde formation pratique projeté. Elle prétend avoir également appliqué, de sa propreinitiative, une réduction proportionnelle de 36,13 % des coûts dans toutes lesrubriques du budget de l'action.

  5. La requérante a reçu une avance de 50 % du concours du FSE, à savoir uneavance de 60 823 979 ESC. Lorsque l'action a été terminée, elle a présenté sademande de paiement du solde, dans laquelle elle a réclamé au FSE une sommede 73 496 941 ESC, soit le montant de l'avance plus 12 672 962 ESC.

  6. Le 19 juillet 1989, le DAFSE a informé la requérante que, selon une décision dela Commission jointe à cette communication, le concours du FSE ne pouvaitfinalement être supérieur à 42 569 539 ESC au motif que certaines dépenses,relatives aux points 14.1, 14.2, 14.3, 14.6 et 14.8 du formulaire n'étaient pas éligibles«puisqu'il n'y a pas eu de réduction proportionnelle à la réduction des heures deformation et que certains des éléments de la proposition initiale n'ont pas étérespectés (14.1)».

  7. A la suite d'un recours formé par la requérante, ladite décision de la Commissiona été annulée par la Cour, au motif que la Commission n'avait pas donné à laRépublique portugaise l'occasion de présenter ses observations préalablement àl'adoption de la décision définitive de réduction du concours (arrêt du 7 mai 1991,Interhotel/Commission, C-291/89, Rec. p. I-2257, ci-après «affaire C-291/89»).

  8. En vue de prendre une nouvelle décision sur la demande de paiement du solde dela requérante, la Commission a, le 6 août 1991, transmis au DAFSE un premierprojet de décision. Par lettre du 26 août 1991, le DAFSE lui a fait connaître sondésaccord sur certaines des réductions proposées.

  9. Le 9 février 1993, la requérante a demandé à la Commission de prendre unenouvelle décision dans les délais prévus par le traité, à savoir dans les deux moisà compter de la demande.

  10. À la suite des observations du DAFSE et de la demande de la requérante visée aupoint précédent, la Commission a organisé une mission de contrôle le 19 février1993, qui a eu une suite le 18 mars de la même année, pour vérifier sur place leséléments justificatifs de l'exécution de l'action. La requérante a eu l'occasion d'êtreentendue lors de cette mission de contrôle. Selon la Commission, les élémentsdisponibles étaient peu nombreux et difficilement exploitables, notamment parceque la requérante avait confié certains travaux à une entreprise sous-traitante,Partex, qui avait, pour sa part, engagé deux sous-traitantes, Europraxis etFortécnica. Dans ces circonstances, il a été procédé à une vérification des élémentsfinanciers et comptables des sous-traitantes de l'entreprise sous-traitante à laquelles'était adressée la requérante. Les résultats de cette vérification ont été examinés,du 24 au 26 mai 1993, par un groupe de travail où étaient représentés laCommission et le DAFSE.

  11. Ensuite, le 12 novembre 1993, par une note n° 22917 (ci-après «note n° 22917»),la Commission a communiqué au DAFSE un nouveau projet de décision, selonlequel le concours du FSE serait fixé à 41 190 905 ESC à moins que lesobservations du DAFSE justifient une modification de ce montant.

  12. Cette note n° 22917 contient un certain nombre d'explications quant aux réductionsproposées. Tout d'abord, la note relève l'existence de divergences entre les duréesindiquées dans la demande de paiement du solde, les registres de présence desstagiaires et les rapports établis par les enseignants. La note ajoute qu'il n'a pas étépossible de confirmer la ventilation de la durée de la formation entre les partiesthéorique et pratique. Enfin, les périodes de stage n'auraient pas pu être identifiéesen termes d'horaires et d'objectifs.

    Plus précisément, s'agissant des différentes rubriques de la demande de paiementdu solde, les réductions proposées étaient motivées comme suit:

    14.1    Rémunérations des stagiaires en formation

        Aides à la formation

    3 180 878 ESC

        —    Il a été constaté que 56 stagiaires n'avaient pas reçu de formationpratique éligible, d'où une réduction correspondante, calcul à l'appui.

            14.2    Préparation des cours

        Recrutement et sélection des stagiaires

    1 456 000 ESC

        —    Il a été constaté que la facture de Partex tout comme la demande depaiement du solde faisait référence à 490 tests au prix unitaire de7 000 ESC, alors que ces travaux avaient été réalisés par uneorganisation tierce qui avait facturé à Partex la réalisation de 282 testsau coût unitaire de 12 000 ESC. En conséquence, puisque Partexn'avait fourni aucun service additionnel, il a été considéré qu'il étaitraisonnable de fixer le coût relatif aux 282 stagiaires à 7 000 ESC parunité.

        Reproduction de documents

    1 183 680 ESC

        —    Cette dépense n'avait pas été approuvée dans la décision d'agrémentet n'était pas justifiée compte tenu des montants présentés au titre dumatériel pédagogique et eu égard au type d'action réalisée.

    14.3    Fonctionnement et gestion des cours

        Personnel enseignant

    21 705 954 ESC

        —    Cette rubrique porte sur les rémunérations, les frais de déplacements,de séjour et de nourriture des enseignants.

            Le montant relatif aux enseignants a été facturé dans sa totalité parPartex qui, à son tour, s'est adressée à une entreprise sous-traitante.La vérification opérée chez la sous-traitante a permis de constater quePartex avait conclu un contrat aux termes duquel la sous-traitantedevait assurer l'organisation des cours dans le cadre des actionsengagées par Interhotel, d'une part, et par une autre entreprise,Grão-Pará, d'autre part, sans différence de valeurs. Le montantmaximum éligible pour les actions de formation a été déterminé surla base des coûts supportés par la sous-traitante du fait desenseignants ayant donné des cours aux stagiaires d'Interhotel, majorésd'une marge brute de 50 %. Le montant maximum éligible pour lesactions de formation était ainsi de 10 613 646 ESC.

            En ce qui concerne les frais de séjour et de nourriture desenseignants, la demande initiale se référait à deux spécialistes et à undirecteur. Les coûts afférents aux deux premiers avaient été rejetésdans la décision d'agrément, de sorte que, pour le solde, seuls ont étéconsidérés comme éligibles les coûts afférents à un cadre. Le montantéligible de 462 000 ESC a été calculé en application du coût prévu etapprouvé de 700 ESC par jour.

                Personnel administratif

    2 912 955 ESC

        —    Les dépenses dont il est fait état dans la demande de solde serapportaient au travail d'un spécialiste et de deux secrétaires tandisque, dans la décision d'agrément, seul le montant relatif à unesecrétaire avait été approuvé.

        Frais de séjour, de nourriture et de déplacement du personnel nonenseignant

    2 409 940 ESC

        —    Les dépenses relatives au personnel administratif et technique nonenseignant et non éligible (11 personnes) avaient été totalementrejetées dans la décision d'agrément.

        Gestion et contrôle budgétaire

    2 241 136 ESC

        —    Dépense non justifiée et non approuvée dans la décision d'agrément.

        Travaux spécialisés

    2 363 000 ESC

        —    Dépense non justifiée et non approuvée dans la décision d'agrément.

        Frais de location et loyers

    4 841 969 ESC

        —    Conformément à ce qui avait été prévu et approuvé dans la décisiond'agrément, seul un coût journalier de 8 000 ESC a été pris encompte pour la location de chaque salle déjà équipée.

        Matériel et biens non durables

    4 550 324 ESC

        —    Conformément à ce qui avait été prévu et approuvé dans la décisiond'agrément, a été considéré comme éligible un coût unitaire de2 500 ESC par semaine et par stagiaire pendant la période deformation pratique.

        Autres livraisons et services fournis par des tiers

    1 777 183 ESC

        —    Dépenses non justifiées et non approuvées dans la décisiond'agrément.

    14.6    Amortissements normaux

    3 668 700 ESC

        —    Dans la décision d'agrément, les amortissements accélérés avaient étérefusés et leur reclassement en amortissements normaux n'a pas étéaccepté au stade de la demande de paiement du solde.

    14.8    Frais de logement et de nourriture des stagiaires

    5 673 000 ESC

        Ces coûts n'avaient pas été prévus ni acceptés dans la décision d'agrément.

  13. A la demande du DAFSE, la requérante a présenté ses observations sur ce projetde décision le 17 décembre 1993. Pour sa part, le DAFSE a envoyé sesobservations à la Commission par lettre du 7 février 1994, en reconnaissant que lesréductions proposées par la Commission étaient justifiées.

  14. La République portugaise ayant ainsi été entendue conformément à l'article 6,paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2950/83 du Conseil, du 17 octobre 1983,portant application à la décision 83/516/CEE concernant les missions du Fondssocial européen, modifié par le règlement (CEE) n° 3823/85 du Conseil, du 20décembre 1985, en raison de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal(respectivement JO L 289, p. 1, et JO L 370, p. 23, ci-après «règlement n°2950/83»), la Commission a pris, le 12 juillet 1994, une nouvelle décision(C(94)1410/11), par laquelle le concours du FSE a été ramené à 41 190 905 ESC(ci-après «décision litigieuse»). D'après cette décision, l'analyse de la demande depaiement du solde avait relevé qu'une partie du concours du FSE n'avait pas étéutilisée dans les conditions fixées par la décision d'agrément pour les raisonsexposées dans la note n° 22917, susvisée. Cette décision a été notifiée à larequérante le 27 décembre 1994, accompagnée d'une lettre du DAFSE.

  15. C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 9mars 1995, la requérante a introduit le présent recours. La procédure écrite a suiviun cours régulier.

  16. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses auxquestions écrites et orales posées par le Tribunal à l'audience qui s'est déroulée le15 janvier 1997.

    Conclusions

  17. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • annuler la décision litigieuse,

    • condamner la Commission aux dépens.



  18. La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • rejeter le recours comme non fondé,

    • condamner la requérante aux dépens.

    Sur le fond

  19. La requérante invoque deux moyens. Le premier est tiré d'une violation deprincipes généraux du droit, à savoir les principes de la protection des droits acquis,de la sécurité juridique et de la confiance légitime, ainsi que d'une violation duprincipe de bonne administration et du devoir de diligence. Le second est tiré d'uneviolation de l'obligation de motivation.

    Sur le moyen tiré d'une violation de principes généraux du droit, ainsi que d'uneviolation du principe de bonne administration et du devoir de diligence

    Exposé sommaire des arguments des parties

  20. La requérante estime que la décision litigieuse doit être annulée pour violation desprincipes généraux de droit, à savoir les principes de protection des droits acquis,de la sécurité juridique et de la confiance légitime, ainsi que pour manquement parla Commission au principe de bonne administration et au devoir de diligence. Ellesouligne l'importance des principes généraux qu'elle invoque dans le contexte desactions du FSE, particulièrement lorsque sont mises en cause des mesures quipeuvent conduire à la privation du paiement d'un appui financier auquel prétendun État membre ou un particulier (arrêt de la Cour du 26 mai 1982,Allemagne/Commission, 44/81, Rec. p. 1855).

  21. Elle fait valoir, à titre liminaire, sa propre inexpérience en la matière en 1987, ainsique celle du DAFSE, étant donné le caractère récent de l'adhésion du Portugal auxCommunautés européennes. Elle fait aussi état des problèmes d'adaptation de lasituation juridique, économique et sociale du Portugal à l'époque, dont laCommission a dû tenir compte. Sous cet aspect, elle fait référence à la décisionn° 86/221/CEE de la Commission, du 30 avril 1986, concernant les orientations pourla gestion du FSE pour les exercices 1987 à 1989 (JO L 153, p. 59, ci-après«décision n° 86/221»). Or, même dans de telles circonstances, elle aurait respectéla réglementation en vigueur et les instructions applicables, et son action aurait étéconforme aux objectifs du FSE. Elle renvoie, à cet égard, à la décision n°83/516/CEE du Conseil, du 17 octobre 1983, concernant les missions du Fondssocial européen (JO L 289, p. 38) et au règlement n° 2950/83.

  22. La requérante soutient que la décision d'agrément de la Commission, telle qu'ellea été portée à sa connaissance, était subordonnée uniquement à la fixation dumontant du concours du FSE à 121 647 958 ESC et à celle du nombre de stagiairesà 277. Elle estime qu'il n'y avait aucune raison de penser qu'il était nécessaire deprocéder à quelque vérification supplémentaire que ce soit. Elle explique que, dansces circonstances, elle a distribué la différence entre le montant demandé dans lademande de concours et le montant approuvé dans la décision d'agrément, tellequ'elle lui a été communiquée, de façon linéaire ou proportionnelle pourl'ensemble des rubriques.

  23. La requérante prétend avoir présenté la méthode selon laquelle elle avait procédéà ces réductions dans sa demande de paiement d'une avance, à laquelle elle avaitjoint un document intitulé «point de la situation» indiquant les heures de formationà effectuer. Elle ajoute que la méthode utilisée ressort également du rapportd'évaluation quantitative et qualitative qui accompagnait la demande de paiementdu solde. Elle souligne que ni la Commission ni le DAFSE n'ont fait d'objectionsou de commentaires sur ce point. En fait, le DAFSE aurait certifié l'exactitudefactuelle et comptable des indications contenues dans le rapport d'évaluation.

  24. La requérante aurait donc agi avec la conviction légitime que toutes les dépensesfigurant dans la demande initiale de concours, sous réserve de la réduction linéairequ'elle avait effectuée à la suite de la décision d'agrément, d'une part, et de lacirculaire du DAFSE, d'autre part, étaient régulièrement effectuées, acceptées et,partant, éligibles. Selon elle, toute autre interprétation entraînerait une violationdes principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime, d'une part, et dela décision n° 86/221, d'autre part.

  25. En effet, selon la requérante, la décision par laquelle le DAFSE lui a communiquéles conditions d'agrément de son projet est un acte administratif qui lui a conférécertains droits et qui est valide même si l'on considère qu'il fait partie d'unprocessus plus large et inachevé de prise de décision par la Commission. Le retraitd'un tel acte violerait des espérances légitimes et des droits qu'elle a acquis.

  26. Quant au prétendu défaut de justification de certaines dépenses, elle souligne,premièrement, que les montants facturés correspondent aux valeurs normales dumarché à l'époque, deuxièmement, que les services facturés ont réellement étéfournis et, troisièmement, que les montants présentés dans la demande depaiement du solde correspondent aux coûts qu'elle a réellement supportés. Elle aajouté, à l'audience, qu'en 1987 il suffisait, en tenant compte des normes nationalesen vigueur, de présenter le contrat à titre de justification, et que c'est seulementdepuis 1988 que des factures acquittées sont exigées.

  27. En ce qui concerne, plus précisément, la justification des coûts figurant sous larubrique «fonctionnement et gestion des cours — personnel enseignant», le montantinitialement agréé n'aurait pas été dépassé. De même, s'agissant des coûts relatifsà la préparation des cours, la Commission se serait bornée à contester la factureprésentée par Partex à la requérante. La requérante souligne que les tests desélection des stagiaires, tels qu'ils ont été facturés, ont bien été effectués. Pour cequi concerne la rubrique «matériel et biens non durables», le montant indiquécorrespondrait au coût réel et aurait dû être pris en considération en tant que tel.Enfin, quant aux amortissements normaux, la requérante reproche à la Commissionde ne pas avoir admis, au stade de la demande de paiement du solde, larectification de l'erreur contenue dans la demande de concours.

  28. De toute manière, il incomberait à la Commission de faire la preuve de l'éventuelleirrégularité des montants présentés et des pièces justificatives, ce qu'elle n'auraitpas fait.

  29. Lors de l'audience, la requérante a encore expliqué que, si elle a encouru desdépenses non prévues en matière de logement et de nourriture des stagiaires, c'estparce que, étant obligée de réduire la charge horaire, elle a dû organiser l'actionen haute saison hôtelière et n'a pu dès lors loger les stagiaires dans les hôtelscomme cela était pourtant prévu.

  30. La requérante fait aussi valoir que le temps passé entre l'ouverture du dossier etl'adoption de la décision litigieuse a été d'environ huit années. Ce laps de tempslui aurait causé un préjudice significatif car elle a été obligée de supporter jusqu'àce jour des charges financières élevées, dont elle estimait pouvoir attendre qu'ellessoient assumées par la Commission. Elle demande au Tribunal d'apprécier dansquelle mesure le laps de temps écoulé implique une éventuelle violation des limiteset principes qui conditionnent l'exercice du pouvoir discrétionnaire de laCommission. Elle fait valoir, en outre, l'impossibilité manifeste de reconstituer latotalité des faits après un tel laps de temps, étant donné que les personnesresponsables qui ont suivi la réalisation de la formation ne sont plus disponiblespour fournir des informations. Quant à son obligation de conserver les piècesjustificatives, la requérante fait valoir que le délai en vigueur jusqu'au 1er janvier1989 était de cinq ans et n'est passé à dix ans qu'alors que les actions de formationétaient déjà terminées, même si ce changement est effectivement intervenu avantla réalisation de la mission de contrôle.

  31. Dans sa réplique, la requérante fait valoir en outre que la décision litigieuse n'a pasété prise dans le délai prévu par le traité, à savoir dans les deux mois à compterde la demande qu'elle avait présentée à cet effet.

  32. La défenderesse, quant à elle, soutient qu'elle n'a pas manqué de vérifier larégularité et la réalité des dépenses présentées dans la demande de paiement dusolde. En ce qui concerne les dépenses qu'elle a rejetées dans la décision litigieuseparce que celles-ci avaient déjà été considérées comme inéligibles dans la décisiond'agrément, la défenderesse fait valoir qu'elle est de nouveau arrivée à laconclusion qu'elles n'étaient pas éligibles. Quant aux autres réductions qu'elle aopérées, elle explique que certaines dépenses approuvées dans la décisiond'agrément étaient insuffisamment documentées dans la demande de paiement dusolde et, partant, non justifiées au stade de l'examen final.

  33. La défenderesse, qui relève que l'action proposée n'aurait même pas été approuvéesi elle n'avait pas été conforme aux objectifs du FSE, souligne qu'en l'espèce ils'agit de savoir si le promoteur de l'action a respecté toutes les règles applicablesà l'exécution de celle-ci, notamment celles relatives à la justification des dépensesprésentées dans la demande de paiement du solde. La Commission estime que teln'a pas été le cas.

  34. Quant à la façon d'appliquer les réductions et aux points sur lesquels celles-ciportent, la défenderesse explique qu'il aurait suffi à la requérante de diviser le coûtde l'action proposée par le nombre de stagiaires indiqué dans la proposition et decomparer ce résultat avec celui obtenu en divisant le coût de l'action agréée parle nombre de stagiaires approuvé pour constater que la réduction totale décidéepar la Commission dans la décision d'agrément ne correspondait pas à une simpleréduction linéaire. En effet, si le coût par stagiaire a diminué, cela signifierait quecertaines dépenses n'ont pas été considérées comme éligibles par la Commission.La Commission fait valoir, en se référant aux conclusions de l'avocat général M.Darmon dans l'affaire C-291/89, point 28, qu'il appartient au promoteur, avantd'effectuer toute dépense, de vérifier si la rubrique correspondante a été approuvéepar la Commission, sous peine d'être lui-même responsable des conséquences.D'après la Commission, ni elle ni le DAFSE ont d'ailleurs été informés de laréduction linéaire effectuée par la requérante des dépenses prévues dans lademande initiale. Le rapport d'évaluation n'aurait pas été envoyé à la Commissiondans sa totalité.

  35. La défenderesse rappelle que la décision d'agrément qui a été communiquée auDAFSE indiquait clairement le montant demandé, le montant accordé, le montantdes dépenses déclarées non éligibles, la réduction et le montant total refusé. Cesmontants auraient représenté la part du financement du FSE, soit 49,5 % du coûttotal prévu dans la demande de concours. La Commission ignore si le DAFSE acommuniqué cette décision à la requérante dans tous les détails ou s'il lui asimplement transmis la note figurant en annexe 4 à la requête (voir, ci-dessus, point3).

  36. Selon la défenderesse, si la requérante n'a pas vérifié que la rubriquecorrespondante avait été approuvée dans la décision d'agrément, elle ne peutinvoquer aucune espérance légitime et encore moins des droits acquis quant àl'éligibilité d'une dépense visée dans la demande initiale de concours.

  37. La défenderesse fait aussi valoir, en invoquant les conclusions de l'avocat généralM. Darmon dans l'affaire C-291/89, point 38, que, même si le DAFSE a confirméles coûts et le financement tels qu'ils avaient été présentés dans le dossier, «cetexamen rapide, des autorités nationales, ne saurait consolider les droits que larequérante n'acquiert définitivement qu'au terme d'un examen approfondi, réalisépar les services de la Commission...» et que «l'analyse des autorités nationales quiprécède la transmission de la demande de paiement à la Commission ne préjugeen rien la décision de cette institution».

  38. La Commission n'accepte pas, par ailleurs, qu'une entreprise commerciale, qui envertu de la loi nationale est juridiquement tenue de conserver sa documentationpendant dix ans, invoque sa propre incurie ou celle de tiers dans la conservationde documents pendant ce délai pour accuser la Commission de manquer à sondevoir de diligence.

  39. La défenderesse affirme que la procédure de décision s'est déroulée régulièrement,qu'elle n'a pas été trop longue et qu'elle a respecté scrupuleusement la défense desintérêts du promoteur de l'action.

    Appréciation du Tribunal

  40. Le Tribunal relève tout d'abord que la procédure relative aux contributions duFSE, régie par le règlement n° 2950/83, comprend plusieurs étapes. Dans unpremier temps, la Commission statue, en vertu de l'article 4, paragraphe 1, sur lesdemandes de concours introduites par les Etats membres en faveur d'entreprises(décision d'agrément). Selon l'article 5, paragraphes 1 et 2, l'agrément d'unedemande entraîne le versement d'une avance. Ensuite, lorsque l'action estterminée, le bénéficiaire présente une demande de paiement du solde contenantun rapport détaillé sur le contenu, les résultats et les aspects financiers de l'actionconcernée. L'article 5, paragraphe 4, prévoit que l'Etat membre certifie l'exactitudefactuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement.

  41. Par ailleurs, l'avance perçue par le bénéficiaire couvre 50 % au maximum desdépenses agréées, de sorte qu'il est obligé d'avancer lui-même des fonds importantsdans l'attente du versement du solde qu'il peut légitimement espérer percevoir,pour autant qu'il justifie avoir utilisé le concours dans les conditions fixées pourl'espèce (arrêt de la Cour du 4 juin 1992, Cipeke/Commission, C-189/90, Rec. p.I-3573, point 17).

  42. En examinant la demande de paiement du solde, la Commission est tenue devérifier si les conditions auxquelles était subordonnée l'action ont été respectées.L'article 6, paragraphe 1, prévoit que, lorsque le concours du FSE n'a pas étéutilisé dans les conditions fixées par la décision d'agrément, la Commission peutsuspendre, réduire ou supprimer ce concours, après avoir donné à l'État membreconcerné l'occasion de présenter ses observations. En effet, il ressort clairement decette disposition que l'octroi du concours du FSE est subordonné au respect, parle bénéficiaire, des conditions de l'action énoncées, par la Commission, dans ladécision d'agrément ou, par le bénéficiaire, dans la demande de concours qui a faitl'objet de cette décision d'agrément.

  43. Enfin, la Cour a qualifié d'incontestable le point de vue selon lequel «ce n'estqu'après avoir reçu un rapport détaillé sur l'action concernée entre-tempsaccomplie qu'il est possible de calculer le montant exact des dépenses éligibles»(arrêt du 1er octobre 1987, Royaume-Uni/Commission, 84/85, Rec. p. 3765, point23). Il en résulte que la Commission doit disposer du pouvoir de rejeter mêmes desdépenses préalablement agréées pour insuffisance de justification, sans porteratteinte aux droits acquis du bénéficiaire du concours. Par conséquent, il estessentiel de ménager à la Commission une telle marge d'appréciation lors del'examen de la demande de paiement du solde, étant donné que ce n'est qu'à cestade qu'elle pourra vérifier in concreto les justifications présentées par l'entreprise(voir aussi les conclusions de l'avocat général M. Darmon dans l'affaire C-291/89,points 35 et 36).

  44. En l'occurrence, la requérante ayant présenté sa demande de paiement du solde,la Commission a rejeté un certain nombre de dépenses pour trois différentesraisons (voir, ci-dessus, point 12). Premièrement, ont été rejetées des dépenses nonprévues par le bénéficiaire dans sa demande de concours. Deuxièmement, laCommission a considéré certaines dépenses comme non dûment documentées etpartant, non justifiées. Troisièmement, elle a mis en évidence l'existence decertaines dépenses non approuvées dans la décision d'agrément. Par conséquent,elle a, après avoir entendu le DAFSE, qui avait, pour sa part, entendu larequérante, réduit, par la décision litigieuse, le concours du FSE à un montantinférieur au montant initialement octroyé. Le DAFSE a d'ailleurs approuvé cesréductions.

  45. Le Tribunal estime qu'il convient d'examiner d'abord le grief tiré d'une violationdu principe de la protection de la confiance légitime. Le droit de se prévaloir dela protection de la confiance légitime est ouvert à tout opérateur économique dansle chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées (arrêt duTribunal du 13 juillet 1995, O'Dwyer e.a./Conseil, T-466/93, T-469/93, T-473/93, T-474/93 et T-477/93, Rec. p. II-2071, point 48). La question de savoir si la décisionlitigieuse est conforme aux exigences du principe de la protection de la confiancelégitime doit être appréciée en examinant séparément les trois catégories desréductions susmentionnées.

  46. Il découle des règles citées ci-dessus (points 42 et 43) que, d'une part, laCommission était en droit de rejeter la demande de paiement du solde de larequérante, dans la mesure où il y était demandé l'approbation de coûts quin'avaient pas été prévus dans la demande de concours, sans qu'il soit porté par làatteinte au principe de la protection de la confiance légitime. D'autre part, il étaitégalement légitime, du point de vue du respect de ce principe, de rejeter sademande de paiement du solde pour autant qu'il y était demandé l'approbation dedépenses qui n'étaient pas étayées par des pièces justificatives démontrant leurréalité et leur lien avec l'action telle qu'elle avait été approuvée.

  47. En effet, il incombe au bénéficiaire de démontrer la réalité des dépenses et leurlien avec l'action approuvée. Il est le mieux placé pour le faire et il doit établir quel'obtention de moyens provenant de fonds publics est justifiée. Or, la requérantes'est bornée à affirmer que les méthodes de calcul utilisées par la Commission pourdéterminer le montant global des dépenses agréées étaient arbitraires et que lescoûts dont elle a fait état ont été réellement exposés, sans toutefois fournir ni despièces justificatives ni le moindre élément permettant d'établir que les informationset constatations sur lesquelles s'est fondée la Commission étaient erronées. Ils'ensuit que les arguments de la requérante concernant la justification des dépensesindiquées dans la demande de paiement du solde ne sauraient être accueillis.

  48. Le principe de la protection de la confiance légitime n'a ainsi pas été violé en cequi concerne ces deux premières catégories de réductions.

  49. Quant à la troisième catégorie de réductions, il y a lieu de rappeler liminairementque la communication de la décision d'agrément du DAFSE n'indique que lemontant total octroyé et le nombre de personnes approuvé (voir, ci-dessus, point3). Ainsi, les appréciations de la Commission, faites dans le cadre de la décisiond'agrément sur l'éligibilité des dépenses proposées, n'ont pas été portées à laconnaissance de la requérante avant l'achèvement de l'action de formation, de tellemanière que celle-ci aurait pu constater leur ventilation rubrique par rubrique. Larequérante, en exécutant l'action, n'a ainsi pas pu identifier les postes agréés, lespostes refusés et les postes affectés d'une diminution.

  50. Il est également constant que la requérante, ayant reçu la communication succinctesusmentionnée, a décidé, au lieu de se renseigner afin de savoir si certainesdépenses avaient été considérées comme non éligibles, de répartir la différenceentre le montant demandé et celui approuvé, soit le total des réductions,proportionnellement dans toutes les rubriques de sa demande de concours. Enoutre, elle a effectué d'autres réductions, conformément à la circulaire du DAFSEcitée ci-dessus (voir point 4), dans toutes les rubriques de sa demande de concours.En effet, le montant réclamé dans la demande de paiement du solde, soit73 496 941 ESC, était nettement inférieur au montant accordé par la Commissiondans la décision d'agrément, soit 121 647 958 ESC.

  51. Il importe d'analyser la justification de la troisième catégorie de réductions entenant compte du fait que la décision d'agrément n'a pas été communiquée à larequérante dans tous ses détails, de sorte que celle-ci n'a pas été informée entemps utile des réductions opérées par rubriques. La question est de savoir si lanon-observation des conditions d'une décision d'agrément qui n'ont pas étécommuniquées au bénéficiaire avant l'achèvement de l'action, de sorte que celui-cipuisse en tenir compte, est de nature à justifier la conclusion de la Commission,selon laquelle les dépenses qui ont été prévues dans la demande de concours maisqui ont été rejetées dans la décision d'agrément sont inéligibles, même si lebénéficiaire fournit des pièces justificatives démontrant leur réalité.

  52. En l'espèce s'il est vrai que la réglementation n'exigeait pas la communication desdétails de la décision d'agrément à l'intéressé, ces informations étaient néanmoins,en réalité, indispensables pour que celui-ci puisse respecter les conditions d'octroidu concours pour ce qui est des dépenses dont la Commission fait valoir qu'ellesn'avaient pas été approuvées dans la décision d'agrément.

  53. Le Tribunal estime que le bénéficiaire d'un concours ne peut être censécomprendre à la lecture d'une décision sous la forme qui a été communiquée enl'espèce à la requérante que les réductions opérées par la Commission serapportaient à certaines rubriques. Au contraire, il peut raisonnablement penseret accepter qu'une réduction globale a été opérée et que, par conséquent, il n'a étéimposé qu'une limite globale aux dépenses. Dans une telle situation, pour que laCommission puisse, en examinant la demande de paiement du solde, considérercomme non éligibles les dépenses qui étaient prévues dans la demande de concoursmais qui ont été prétendument rejetées dans la décision d'agrément, il faut que ladécision d'agrément ait été portée à la connaissance du bénéficiaire avecsuffisamment de précision. Cette condition n'est remplie que si la communicationindique les réductions par rubriques ou, tout au moins, contient les informationsque la Commission a communiquées en l'espèce au DAFSE, à savoir le nombre depersonnes concernées, le montant accordé, le montant des dépenses non éligibles,le montant des autres réductions et le montant total refusé. En effet, en vertunotamment du principe de la sécurité juridique, pour être tenue de respecter lesconditions de la décision d'agrément pour ce qui est des réductions par rubriques,le bénéficiaire doit être en mesure, lors de l'exécution de l'action de formation,d'identifier les postes agréés, les postes refusés et les postes affectés d'unediminution.

  54. Dans ces conditions, étant donné que la requérante a été informée de l'adoptiond'une décision qui lui était partiellement favorable mais dont le contenu ne lui apas été communiqué en son entier, il ne peut lui être reproché de ne pas avoirréagi, à l'époque, à la décision d'agrément en demandant au DAFSE des précisionssur la répartition du montant accordé.

  55. Le Tribunal constate que la décision d'agrément, sous la forme qui a étécommuniquée à la requérante, ne contenait aucune indication de la répartition desréductions effectuées. De ce fait, elle doit être considérée comme susceptibled'avoir fait naître dans le chef de la requérante des espérances fondées, de tellesorte qu'elle a pu croire qu'il n'y avait pas d'autres réductions et qu'elle étaitautorisée à répartir proportionnellement, comme elle l'a fait en l'espèce, le totaldes réductions dans toutes les rubriques.

  56. De plus, la Commission ne peut se prévaloir des termes d'une décision qui n'ontpas été communiqués au bénéficiaire. Il est sans importance à cet égard que ce soitle DAFSE qui a fait savoir à la requérante que son projet avait été approuvé. Eneffet, lorsque la Commission ne prend pas les précautions nécessaires pours'assurer de ce que le bénéficiaire d'un concours du FSE soit informé desconditions imposées par la décision d'agrément, elle ne peut raisonnablementattendre que celui-ci les respecte.

  57. Le Tribunal conclut que, pour autant que la réalité et le lien avec l'action de tellesdépenses sont démontrés par des pièces justificatives, il est contraire au principede la protection de la confiance légitime que la Commission, au stade de l'examende la demande de paiement du solde, ait rejeté la demande dans la mesure où elleconcernait des dépenses qui étaient prévues dans la demande de concours mais quin'avaient prétendument pas été approuvées dans la décision d'agrément, sans quecela ait été communiqué au bénéficiaire.

  58. Le présent moyen, dans la mesure où il fait état d'une violation du principe de laprotection de la confiance légitime, doit en conséquence être accueilli pour autantqu'il concerne les réductions opérées par la Commission au seul motif que les coûtsn'avaient pas été approuvés dans la décision d'agrément.

  59. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, il y lieu d'annuler la décision litigieusedans la mesure où la Commission a opéré des réductions sur les montants réclamésdans la demande de paiement du solde de la requérante au seul motif que les coûtscorrespondants n'avaient pas été approuvés dans la décision d'agrément.

  60. S'agissant en revanche des autres réductions opérées au motif que les coûtscorrespondants étaient soit non prévus, soit non documentés, force est deconsidérer que, contrairement aux allégations de la requérante, elles ne portent pasatteinte aux principes de la sécurité juridique et de la protection des droits acquisni au principe de bonne administration et au devoir de diligence.

  61. En effet, pour ce qui est du principe de la protection de la sécurité juridique, ilexige notamment qu'une réglementation communautaire permette à l'intéressé deconnaître sans ambiguïté ses droits et obligations et de prendre ses dispositions enconséquence (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 13 février 1996, van Es DouaneAgenten e.a., C-143/93, Rec. p. I-431, point 27). Bien que ce principe joue un rôle,entre autres, lors de l'examen de la légalité des décisions portant sur la répétitionde prestations, il ne saurait être question de violation de ce principe lorsque,comme en l'espèce, la réglementation en vigueur prévoit clairement la possibilitéde la répétition du concours financier dans les cas où les conditions auxquelles lesoutien était subordonné n'ont pas été respectées. Parmi ces conditions figurent,comme cela a déjà été relevé, l'exigence que le coût ait été prévu et qu'il soitdûment documenté.

  62. De même, le bénéficiaire d'un concours dont la demande a été approuvée par laCommission n'acquiert, de ce fait, aucun droit définitif au paiement intégral duconcours s'il ne respecte pas les conditions susmentionnées.

  63. En ce qui concerne le principe de bonne administration et le devoir de diligence,le Tribunal considère que la Commission a fait preuve d'une bonne administrationet de diligence en examinant soigneusement tous les éléments du dossier et, dansce cadre, en prenant contact avec les sous-traitants en vue d'obtenir lesinformations et pièces justificatives que la requérante n'était pas à même defournir. En tout état de cause, la requérante n'ayant pas développé ce griefdavantage et n'ayant ainsi pas expliqué en quoi les prétendues violationsconsisteraient, il ne saurait être retenu.

  64. Quant à l'argument tiré du laps de temps considérable qui se serait écoulé depuisl'ouverture du dossier, le Tribunal estime que le laps de temps pertinent enl'espèce, aux fins de l'examen du présent argument, se situe entre le prononcé del'arrêt d'annulation dans l'affaire C-291/89, le 7 mai 1991, et la date de l'adoptionde la décision litigieuse, le 12 juillet 1994, à savoir un délai de 38 mois ou plus detrois ans. En effet, étant donné que la Commission était tenue, à la suite del'annulation de la première décision par la Cour, de réexaminer l'ensemble desdonnées disponibles au moment de l'adoption de l'acte et d'adopter une nouvelledécision sur la demande de paiement du solde, la période écoulée avantl'annulation de la première décision de la Commission sur la demande de paiementdu solde est privée de toute pertinence dans le cadre de l'appréciation de larégularité de la décision litigieuse.

  65. La question de savoir si le délai a été raisonnable doit être appréciée cas par cas.Or, la Commission était tenue, à la suite de l'annulation de la première décisionpar la Cour, de réexaminer l'ensemble des données disponibles au moment del'adoption de l'acte et d'adopter une nouvelle décision sur la demande de paiementdu solde. Il y a donc lieu de tenir compte des différentes étapes qu'a comportéesla procédure de décision de l'espèce. Il a fallu rétablir les éléments du dossier. Cetravail, qui a été orienté et conditionné par des soupçons d'irrégularités, a comprisl'organisation d'une mission de contrôle au Portugal, les visites auprès desentreprises sous-traitantes, l'analyse des données recueillies et plusieursconsultations des autorités portugaises. Les autorités nationales ont égalemententendu la requérante sur les projets de décision de la Commission. Le Tribunalestime, au vu des circonstances particulières exposées ci-dessus, que la procédurea été longue, mais que sa durée n'est pas allée au-delà d'un délai raisonnable.

  66. En tout état de cause, lorsqu'il s'agit d'un recours en annulation, un délai mêmedéraisonnable ne saurait en soi rendre la décision litigieuse illégale et ainsi justifierson annulation en raison d'une violation du principe de sécurité juridique. Unretard survenu dans le déroulement de la procédure d'exécution d'un arrêt n'estpas de nature à affecter, à lui seul, la validité de l'acte qui en est issu puisque, sicet acte était annulé au seul motif de sa tardiveté, il resterait impossible d'adopterun acte valable, étant donné que l'acte qui devrait remplacer l'acte annulé nepourrait être moins tardif que celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 18juin 1996, Vela Palacios/Comité économique et social, T-150/94, RecFP p. II-877,point 44).

  67. Le Tribunal rejette enfin, pour les mêmes raisons, l'argument de la requéranteselon lequel la décision litigieuse est viciée parce qu'elle n'a pas été prise dans undélai de deux mois à compter de la demande présentée par la requérante à ceteffet. Il suffit de constater que la circonstance que la requérante ait invité laCommission à agir en application de l'article 175, troisième alinéa, du traité avaituniquement pour effet de lui permettre de former un recours en carence sil'institution en cause ne prenait pas position dans le délai de deux mois à partir decette invitation, prescrit par l'article 175, deuxième alinéa, du traité. Enl'occurrence, la requérante n'a pas intenté de recours en carence dans le délai dedeux mois à compter de l'expiration du délai dans lequel l'institution aurait dûprendre position. En toute hypothèse, une décision ultérieure ne saurait êtreentachée d'irrégularité au seul motif qu'elle a été adoptée après l'expiration duditdélai parce qu'un tel résultat, s'il était admis, ferait définitivement obstacle, à cestade, à l'adoption de toute décision valable.

    Sur le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation

  68. Compte tenu de ce qui précède, il suffit d'examiner le moyen tiré d'une violationde l'obligation de motivation dans la seule mesure où le recours n'a pas encore étéaccueilli, à savoir pour autant qu'il porte sur les réductions opérées au motif queles dépenses n'avaient pas été prévues dans la demande de concours ou qu'ellesn'étaient pas documentées par des pièces justificatives.

    Exposé sommaire des arguments des parties

  69. Selon la requérante, la décision litigieuse ne comporte aucune motivationsatisfaisante des réductions imposées au motif que les dépenses relatives à larubrique «fonctionnement et gestion des cours — personnel enseignant», à lapréparation des cours, aux matériel et biens non durables et aux amortissementsnormaux étaient non justifiées et, partant, inéligibles. En effet, en ce qui concerned'abord la rubrique «fonctionnement et gestion des cours — personnel enseignant»,la Commission n'aurait pas expliqué le critère arbitraire qui lui a permis de fixerle montant global acceptable. De même, quant à la préparation des cours, laCommission se serait bornée à contester la facture présentée par Partex à larequérante, sans fournir de motifs suffisants. Pour ce qui concerne la rubrique«matériel et biens non durables», le montant indiqué correspondrait au coût réelet aurait dû être pris en considération en tant que tel. Cependant, la Commissionn'aurait pas justifié sa position sur ce point.

  70. La défenderesse réfute les reproches que lui adresse la requérante quant à lamotivation de la décision. Elle explique qu'elle a communiqué au DAFSE lemontant global approuvé ainsi que le montant de la réduction effectuée pourchaque demande de concours. En l'espèce, elle lui aurait communiqué la note viséeau point 2 ci-dessus. Cette procédure s'expliquerait par le fait que la Commissiondevait traiter dans un bref délai plusieurs milliers de demandes de concours et que,comme la Cour l'a déjà reconnu, il ne lui était dès lors pas possible de préciser etde justifier en si peu de temps les raisons pour lesquelles elle considerait certainesdépenses comme non éligibles (arrêts de la Cour du 25 octobre 1984,Rijksuniversiteit te Groningen/Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen, 185/83,Rec. p. 3623 et du 7 février 1990, Gemeente Amsterdam et VIA/Commission, C-213/87, Rec. p. I-221). La Commission ajoute que, lorsque le DAFSE a, en 1988,demandé à la Commission de lui fournir une ventilation des réductions parrubriques, elle a dûment répondu à cette demande.

  71. La défenderesse explique longuement dans ses mémoires les réductions qu'elle aopérées dans la décision attaquée. Cet exposé répète, en substance, leraisonnement contenu dans la note n° 22917.

    Appréciation du Tribunal

  72. Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver une décision individuellea pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur lalégalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante poursavoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vicepermettant d'en contester la validité. La portée de cette obligation dépend de lanature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêtCipeke/Commission, précité, point 14).

  73. La question de savoir si la motivation de la décision litigieuse a été suffisante, etainsi conforme au traité et à la jurisprudence, doit être appréciée en examinantséparément les réductions opérées au motif que les dépenses n'avaient pas étéprévues dans la demande de concours et celles opérées au motif qu'elles n'étaientpas documentées par des pièces justificatives.

  74. Pour ce qui est du rejet des dépenses non prévues dans la demande initiale deconcours, ou la première catégorie susvisée, le Tribunal estime que la requérante,étant à l'origine de cette demande, après avoir reçu la note n° 22917 et la décisionlitigieuse, a été suffisamment éclairée sur les motifs des réductions ou suppressionsopérées par la Commission. En effet, les informations contenues dans ces deuxdocuments suffisaient pour que la requérante puisse comprendre que laCommission avait dans la décision litigieuse imposé des réductions sous lesrubriques «frais de location et loyers», «matériel et biens non durables» et«logement et nourriture [des stagiaires]» et qu'elle avait supprimé totalement larubrique «amortissements normaux» parce que les dépenses correspondantesn'avaient pas été prévues dans sa demande de concours. Dans ces conditions, leTribunal est en mesure d'exercer son contrôle également sur cette partie de ladécision litigieuse.

  75. Le grief de la requérante, pour autant qu'il vise la motivation de cette premièrecatégorie des réductions, est dès lors sans fondement.

  76. Quant à la seconde catégorie susvisée, c'est-à-dire les réductions opérées au motifque certaines dépenses n'étaient pas dûment documentées par des piècesjustificatives, le Tribunal estime que la décision litigieuse est égalementsuffisamment motivée. En effet, il ressort clairement de la note n° 22917 que lesréductions affectant les rubriques «rémunérations des stagiaires», «préparation descours, recrutement et sélection des stagiaires», «reproduction de documents»,«gestion et contrôle budgétaire», «travaux spécialisés» et «autres livraisons» ainsiqu'une part de la rubrique «fonctionnement et gestion des cours — personnelenseignant» ont été effectuées en raison de l'insuffisance de la documentationprésentée. Les méthodes utilisées et les calculs ont été exposés avec une précisionsuffisante pour mettre la requérante en mesure d'apprécier leur régularité et, le caséchéant, de les contester en produisant une documentation adéquate.

  77. Le grief de la requérante, pour autant qu'il vise la motivation de cette secondecatégorie des réductions, est également sans fondement.

  78. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation, dans la mesure oùil y a eu lieu de l'examiner, doit être rejeté dans son intégralité.

  79. La demande en annulation doit dès lors être rejetée pour le surplus.

    Sur les dépens

  80. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partiequi succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

  81. En l'espèce, les conclusions en annulation de la partie requérante, qui a demandéla condamnation de la Commission à la prise en charge des dépens de la présenteinstance, ont été déclarées partiellement fondées. Le Tribunal estime que, bien quela requérante ait succombé dans une partie de ses prétentions, il convient toutefoisde tenir compte également, pour le règlement des dépens, des développements dela procédure de décision, tels que décrits ci-dessus, qui ont été de nature à avoirplacé la requérante pendant longtemps dans un état d'incertitude quant à son droitd'obtenir la totalité du concours financier qui lui avait été accordé. Dans de tellescirconstances, on ne saurait tenir rigueur à la requérante d'avoir saisi le Tribunalen vue d'apprécier le comportement de la Commission et d'en tirer des conclusions.Il y a donc lieu de constater que la naissance du litige a été favorisée par lecomportement de la défenderesse.

  82. Ainsi, il convient d'appliquer, outre l'article 87, paragraphe 2, du règlement deprocédure, précité, le paragraphe 3, deuxième alinéa, de cette disposition selonlequel le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser àl'autre partie les frais d'une procédure occasionnée par son propre comportement(voir, mutatis mutandis, l'arrêt de la Cour du 27 janvier 1983, List/Commission,263/81, Rec. p. 103, points 30 et 31, l'arrêt du Tribunal du 16 octobre 1996,Efisol/Commission, T-336/94, non encore publié au Recueil, points 38 et 39), et decondamner la Commission à supporter l'ensemble des dépens.

  83. Il y a, par conséquent, lieu de condamner la Commission à supporter, outre sespropres dépens, l'ensemble des dépens exposés par la requérante.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (première chambre)



    déclare et arrête:

    1. La décision C(94)1410/11 de la Commission, du 12 juillet 1994, notifiée àla requérante le 27 décembre 1994, dans le dossier n° 870840/P1, relative àun concours financier du Fonds social européen au titre d'une action deformation, est annulée dans la mesure où elle impose des réductions auxmontants réclamés par la requérante dans sa demande de paiement dusolde au seul motif que les coûts correspondants n'avaient pas étéapprouvés dans la décision d'agrément.

    2. Le recours est rejeté pour le surplus.

    3. La Commission supportera ses propres dépens ainsi que l'ensemble desdépens exposés par la requérante.



SaggioTiili
Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 1997.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. Saggio


1: Langue de procédure: le portugais.