Language of document : ECLI:EU:T:2010:283

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

6 juillet 2010 (*)

« Recours en annulation – Rejet par la Cour de justice d’une demande d’indemnisation – Recours en indemnité – Signification d’un pourvoi à l’ancien représentant du requérant – Absence de préjudice – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑401/09,

Luigi Marcuccio, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Cour de justice de l’Union européenne, représentée par M. A. Placco, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, un recours en annulation des prétendues décisions de la Cour de justice rejetant la demande d’indemnisation du préjudice résultant d’une prétendue irrégularité commise lors de la signification à M. Luigi Marcuccio du pourvoi dans le cadre de l’affaire T‑20/09 P et, d’autre part, un recours en indemnité,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, V. Vadapalas (rapporteur) et L. Truchot, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits

1        Le requérant, M. Luigi Marcuccio, est une partie au litige ayant fait l’objet de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑41/06, non encore publié au Recueil). Dans le cadre de ce litige, il a été représenté par Me L. Garofalo, avocat.

2        Le 1er décembre 2008, le requérant a révoqué le mandat de Me Garofalo et a chargé Me G. Cipressa, avocat, de le représenter. Il a porté ce fait à la connaissance du greffe du Tribunal de la fonction publique, par télécopie, le 4 décembre 2008, et par lettre, le 17 décembre 2008.

3        Le 16 janvier 2009, la Commission des Communautés européennes a formé, devant le Tribunal, un pourvoi (affaire T‑20/09 P) contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑41/06. L’information relative à ce pourvoi a fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne, le 7 mars 2009 (C 55, p. 49).

4        Par lettre du 5 février 2009, le greffe du Tribunal a signifié le pourvoi au requérant, à l’adresse de Me Garofalo, en l’informant du délai de deux mois pour le dépôt du mémoire en réponse, conformément à l’article 141, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

5        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 avril 2009, rédigée par Me Cipressa, le requérant a indiqué que Me Garofalo n’était plus chargé de le représenter et a requis une nouvelle signification du pourvoi.

6        Par lettre du 21 avril 2009, le greffe du Tribunal a signifié le pourvoi au requérant, à l’adresse de Me Cipressa, en l’informant du fait que le délai de deux mois pour le dépôt du mémoire en réponse, résultant de l’article 141, paragraphe 1, du règlement de procédure, courrait à partir de cette signification.

7        Par lettre du 24 mai 2009, adressée à la Cour de justice des Communautés européennes, le requérant a demandé la réparation du préjudice résultant d’une prétendue erreur dans la signification du pourvoi.

8        Par lettre du 15 juin 2009, le greffe de la Cour a répondu au requérant en l’informant de l’étendue des compétences de la Cour et en lui indiquant qu’il n’était pas possible de donner suite à sa demande.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 octobre 2009, le requérant a formé le présent recours.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2010, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Cour de justice.

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Cour de justice portant rejet de sa demande du 24 mai 2009 ;

–        annuler la note du greffe de la Cour du 15 juin 2009 ;

–        condamner la Cour de justice à lui verser le montant de 10 000 euros, ou le montant que le Tribunal estimera être juste et équitable, en réparation du dommage qu’il a subi ;

–        condamner la Cour de justice aux dépens.

12      La Cour de justice conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

13      Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

14      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sur le présent recours sans poursuivre la procédure.

 Sur les conclusions en annulation

15      Dans le cadre de ses premier et deuxième chefs de conclusions, le requérant demande, en substance, l’annulation de la prétendue décision de la Cour de justice portant rejet de la demande préalable d’indemnisation qu’il a adressée à l’institution avant l’introduction de son recours en indemnité.

16      Or, selon une jurisprudence constante, les conclusions en annulation dirigées contre l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse, portant rejet d’une demande d’indemnisation, ne peuvent pas être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en indemnité (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2004, I/Cour de justice, T‑256/02, RecFP p. I‑A‑289 et II‑1307, point 47, et la jurisprudence citée).

17      Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les conclusions en annulation formulées par le requérant.

 Sur les conclusions en indemnité

18      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE est subordonné à la réunion d’un ensemble de trois conditions cumulatives, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le dommage invoqué.

19      Le fait que l’une d’entre elles fait défaut suffit pour rejeter un recours en indemnité (voir arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, points 11 et 14, et la jurisprudence citée).

20      Il ressort, en outre, d’une jurisprudence constante que le préjudice dont il est demandé réparation doit être réel et certain, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver (voir arrêt de la Cour du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, Rec. p. I‑10833, point 27, et la jurisprudence citée).

21      En l’espèce, en premier lieu, le requérant invoque le préjudice moral résultant, d’une part, d’une incertitude quant au fait de savoir si l’irrégularité alléguée emporterait des conséquences défavorables dans le cadre du traitement du pourvoi dans l’affaire T‑20/09 P et, d’autre part, de la prétendue violation de son droit à la confidentialité et à la protection des données personnelles.

22      Il convient de rappeler que, pour obtenir la réparation du préjudice moral allégué, le requérant doit établir qu’il a subi un préjudice réel et certain. Partant, il ne saurait, en principe, se limiter à invoquer le caractère prétendument fautif du comportement de l’institution à son égard (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 janvier 1999, BAI/Commission, T‑230/95, Rec. p. II‑123, point 38).

23      À cet égard, d’une part, force est de constater que la prétendue situation d’incertitude quant au déroulement de la procédure, dans le cadre du pourvoi faisant l’objet de l’affaire T‑20/09 P, ne constitue pas un élément susceptible de démontrer l’existence d’un préjudice réel et certain.

24      En effet, il ressort des circonstances de l’espèce que, bien que la signification du pourvoi en cause ait initialement été effectuée auprès du conseil ayant représenté le requérant dans le cadre de l’affaire ayant donnée lieu à l’arrêt sous pourvoi, à la suite de la lettre du requérant du 2 avril 2009, le pourvoi a été signifié à son représentant actuel, le 21 avril 2009, et ce dernier a été informé du fait que le délai pour le dépôt du mémoire en réponse courrait à partir de cette nouvelle signification.

25      Dès lors, à la différence des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement (T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 108), il ne saurait être considéré, en l’espèce, que le requérant ait été mis dans une situation d’incertitude quant au déroulement de la procédure et ait été contraint à des efforts inutiles en vue de modifier la situation.

26      D’autre part, le requérant ne précise pas le caractère du préjudice moral allégué résultant de la prétendue violation du droit à la confidentialité et à la protection des données à caractère personnel. La simple invocation de ladite violation ne saurait suffire à cet effet, s’agissant, en tout état de cause, de la signification d’un pourvoi auprès d’un conseil ayant été chargé de représenter le requérant dans l’affaire ayant donné lieu au pourvoi et étant soumis, à ce titre, au devoir de confidentialité.

27      Par ailleurs, dans la mesure où le requérant n’avance aucun élément de nature à démontrer l’existence et à déterminer l’étendue de son préjudice moral, il lui incombait, à tout le moins, d’établir que le comportement incriminé de la Cour de justice était, par sa gravité, de nature à lui causer un tel dommage (voir, en ce sens, arrêt BAI/Commission, précité, point 39).

28      Or, le requérant n’a pas établi que l’irrégularité alléguée, à savoir la signification du pourvoi à son ancien représentant, était de nature à lui causer un préjudice moral.

29      Dès lors, les allégations du requérant sont manifestement dépourvues de fondement en ce qui concerne le prétendu préjudice moral.

30      En second lieu, le requérant prétend avoir subi un préjudice matériel découlant des frais exposés pour s’assurer que le pourvoi soit signifié à son avocat actuel.

31      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que les frais exposés par les parties aux fins de la procédure juridictionnelle ne sauraient, comme tels, être considérés comme constituant un préjudice distinct de la charge des dépens de l’instance (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juin 1999, Commission/Montorio, C‑334/97, Rec. p. I‑3387, point 54).

32      Or, en l’espèce, le requérant n’indique aucun élément de nature à démontrer que les frais liés aux efforts que son avocat actuel a dû entreprendre, auprès du greffe du Tribunal, pour l’informer de l’erreur alléguée, constitueraient un préjudice distinct de la charge des dépens relatifs à l’affaire T‑20/09 P.

33      Il s’ensuit que l’exposé du caractère et de l’étendue du préjudice matériel allégué auquel s’est livré le requérant dans la requête ne satisfait pas aux dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. La demande relative à l’indemnisation du préjudice matériel est donc manifestement irrecevable.

34      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours doit être rejeté comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

35      Eu égard à cette considération, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du requérant visant à l’audition de témoins.

36      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention de la Commission au soutien des conclusions de la Cour de justice.

 Sur les dépens

37      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Cour de justice.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Luigi Marcuccio est condamné aux dépens.

3)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention de la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 6 juillet 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. W. H. Meij


* Langue de procédure : l’italien.