Language of document : ECLI:EU:T:2013:463

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 septembre 2013 (*)

« Aides d’État – Compensation de charges de service public dans le cadre d’un projet de réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département des Hauts-de-Seine – Décision constatant l’absence d’aide – Absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Difficultés sérieuses »

Dans l’affaire T‑79/10,

Colt Télécommunications France, établie à Paris (France), représentée par Me M. Debroux, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée initialement par MM. G. de Bergues et J. Gstalter, puis par M. D. Colas, Mme J. Bousin et M. J.-S. Pilczer, en qualité d’agents,

par

Sequalum SAS, établie à Puteaux (France), représentée par Me L. Feldman, avocat,

et par

Département des Hauts-de-Seine (France), représenté par Mes J.‑D. Bloch et G. O’Mahony, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 7426 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à la compensation de charges de service public pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département des Hauts‑de‑Seine (aide d’État N 331/2008 – France),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mai 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 juin 2008, les autorités françaises ont notifié à la Commission des Communautés européennes un projet d’octroi à un groupement d’entreprises, Sequalum SAS, choisi à l’issue d’une mise en concurrence, d’une compensation de charges de service public de 59 millions d’euros pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département des Hauts-de-Seine (France) (ci-après le « projet THD 92 »). Le département des Hauts-de-Seine, qui est une collectivité territoriale française sise dans la périphérie immédiate de Paris (France), située au nord-ouest, à l’ouest et au sud-ouest de cette ville, avait en effet décidé, compte tenu de l’hétérogénéité en termes économique, sociologique, topographique et d’infrastructures des communes situées sur son territoire, de procéder au déploiement d’un réseau de communications électroniques à très haut débit (réseau en fibre optique) (ci-après le « réseau THD 92 »), afin de constituer un socle durable en matière de technologies de l’information et de la communication.

2        Cette notification a été complétée par les autorités françaises le 15 juillet 2008.

3        Le 22 juillet 2008, la Commission a reçu un courrier confidentiel envoyé par un opérateur de communications électroniques, exerçant son activité sur le territoire des Hauts-de-Seine, soutenant que le projet THD 92 n’était pas compatible avec le marché commun.

4        Ce courrier a été suivi, le 1er août 2008, par des courriers dans lesquels deux opérateurs de réseaux et de services des communications électroniques, Free et la requérante, Colt Télécommunications France, ainsi que le syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux de communication (ci-après le « Sipperec ») ont contesté auprès de la Commission la compatibilité du projet THD 92 avec les règles applicables aux aides d’État. Le 22 septembre 2008, France Télécom, opérateur historique des communications électroniques en France, a également envoyé à la Commission des observations sur certains aspects du projet THD 92. Une version non confidentielle de ces observations a été envoyée aux autorités françaises le 10 octobre 2008.

5        Le 18 août 2008, la Commission a demandé des informations complémentaires aux autorités françaises. Après avoir sollicité de la Commission deux prorogations des délais de réponse, dont la dernière aux fins de pouvoir prendre en compte les observations de France Télécom, les autorités françaises ont transmis à la Commission le 19 novembre 2008 les renseignements sollicités et ont complété leur réponse par un courrier du 28 novembre 2008.

6        Par courriers des 21 novembre 2008 et 16 février 2009, le Sipperec a présenté de nouvelles observations à la Commission sur certains aspects du projet THD 92.

7        Le 23 janvier 2009, la Commission a envoyé aux autorités françaises une nouvelle demande d’informations. Après avoir demandé des délais de réponse supplémentaires, par lettres des 27 février et 3 mars 2009, les autorités françaises ont répondu aux questions posées par la Commission le 13 mai 2009. Cette réponse a été complétée par l’envoi de sept annexes le 2 juin 2009.

8        Dans l’intervalle, le 6 février 2009, France Télécom a communiqué à la Commission ses prévisions relatives au déploiement de son réseau à très haut débit dans les Hauts-de-Seine.

9        Par courriers des 12 novembre, 9 et 10 décembre 2008, 7 et 22 janvier, 4 et l3 février, 12 mars, 26 mai, 8 et 26 juin 2009, Free a exprimé son opposition au projet THD 92, estimant qu’il constituait une aide incompatible avec le marché commun.

10      Le 29 mai 2009, la Commission a demandé aux autorités françaises de lui présenter leurs observations éventuelles relatives au courrier de Free du 26 mai 2009 mentionné au point 9 ci-dessus. Ces observations lui sont parvenues le 17 juin 2009.

11      Le 13 juillet 2009, la requérante a une nouvelle fois informé la Commission de son opposition au projet THD 92.

12      Par courrier reçu par la Commission le 10 août 2009, les autorités françaises ont déposé un complément à leurs réponses précédentes.

13      Par la décision C (2009) 7426 final, du 30 septembre 2009, relative à la compensation de charges de service public pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département des Hauts-de-Seine (aide d’État N 331/2008 – France), ayant fait l’objet d’un corrigendum le 16 décembre 2009 et d’une publication sur le site Internet de la Commission le 4 janvier 2010, la Commission a constaté que la mesure notifiée ne constituait pas une aide d’État (ci-après la « décision attaquée »). La décision attaquée est fondée, en substance, sur les considérations mentionnées aux points 14 à 17 ci-après.

14      En premier lieu, la Commission a relevé que, pour remédier aux insuffisances techniques des réseaux métalliques existants et au déploiement déséquilibré du réseau à très haut débit sur le territoire départemental, le projet THD 92 visait à atteindre, selon les autorités françaises, trois objectifs principaux. Le premier objectif poursuivi était la couverture universelle du territoire, c’est-à-dire la couverture, à l’issue d’une période de six ans, de la totalité du territoire départemental par une infrastructure de desserte à très haut débit qui serait mise à la disposition de tous les opérateurs dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, au lieu d’une concentration sur les zones les plus denses du territoire ignorant celles dans lesquelles un investissement similaire ne serait pas rentable. Le deuxième objectif poursuivi était la neutralité technologique de l’infrastructure déployée. Enfin, le troisième objectif poursuivi était la péréquation des prix pratiqués à l’échelle du département, l’exploitant du réseau THD 92 étant tenu de proposer des tarifs identiques, quelle que soit la localisation des infrastructures mises à disposition sur le territoire départemental, afin que les recettes tirées des zones plus rentables viennent compenser les pertes occasionnées par la construction de l’infrastructure dans les zones non rentables (paragraphes 21, 26 à 28 et 30 de la décision attaquée).

15      En deuxième lieu, la Commission a précisé que les autorités françaises avaient choisi de confier la réalisation du projet THD 92 à un tiers dans le cadre d’une délégation de service public (ci-après la « DSP ») ayant la forme d’une concession, c’est-à-dire en lui accordant une subvention pour couvrir les coûts afférents, le bénéficiaire de la délégation devant par ailleurs se rémunérer sur toute la durée de celle-ci en exploitant l’infrastructure construite. Lors de la procédure de sélection, six candidatures auraient été reçues, examinées et suivies d’une invitation par les autorités françaises à présenter une offre. La requérante n’a pas participé à cette procédure. À l’issue de la procédure de sélection, l’offre du groupement constitué de Numericable, LD Collectivités et Eiffage, regroupées au sein du consortium Sequalum, a été retenue (paragraphes 31, 35 et 40 de la décision attaquée).

16      S’agissant du contenu de la DSP, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que, selon la convention signée entre le département des Hauts-de-Seine et le délégataire, ce dernier s’engageait, d’une part, à concevoir, à financer, à construire et à déployer un réseau universel de communications électroniques de desserte en fibre optique et, d’autre part, à l’exploiter en le mettant à la disposition de ses usagers, à savoir des opérateurs de communications électroniques et éventuellement des utilisateurs de réseaux indépendants. La convention aurait une durée de 25 ans, justifiée par la durée d’amortissement des ouvrages construits par le délégataire. La construction du réseau s’échelonnerait sur une durée de six ans, comportant deux phases successives de 36 mois chacune. La Commission a également constaté, dans la décision attaquée, que, afin de compenser les surcoûts induits par la couverture intégrale du département des Hauts-de-Seine ainsi que par la péréquation tarifaire, le délégataire bénéficierait d’une subvention de 59 millions d’euros, dont 25 millions pour la première phase de réalisation et 34 millions pour la seconde phase. Il est également indiqué, dans la décision attaquée, que, selon les autorités françaises, la subvention ne compense que les coûts du déploiement du réseau THD 92 dans les zones non rentables, qui correspondent à 40 % du territoire à couvrir (paragraphes 41, 42 et 50 de la décision attaquée).

17      En troisième lieu, la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que le service d’intérêt économique général (ci-après le « SIEG ») ainsi mis en place par les autorités françaises était conforme aux exigences posées par l’arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après l’« arrêt Altmark »), en faisant également référence aux lignes directrices communautaires pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit (JO 2009, C 235, p. 7, ci-après les « lignes directrices »). En particulier, la Commission a considéré que le groupement bénéficiaire avait effectivement été chargé de l’exécution d’obligations de service public clairement définies, que les paramètres du financement public avaient été préalablement établis de façon objective et transparente, que la compensation prévue ne dépassait pas ce qui était nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public et que la DSP avait été attribuée à l’issue d’une procédure ayant effectivement permis de sélectionner le candidat capable de fournir ce service au moindre coût pour la collectivité. La Commission en a conclu que la mesure notifiée ne constituait pas une aide d’État (paragraphes 116 à 175 et note en bas de page n° 39 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 février 2010, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 24 février 2010, la requérante a demandé le sursis à exécution de la décision attaquée. Cette demande a été rejetée par l’ordonnance du président du Tribunal du 9 juin 2010, COLT Télécommunications France/Commission (T‑79/10 R, non publiée au Recueil).

20      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 31 mai et le 11 juin 2010, la République française, Sequalum et le département des Hauts-de-Seine ont demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.

21      Par ordonnances du président de la sixième chambre du Tribunal du 16 juillet 2010, la République française, Sequalum et le département des Hauts-de-Seine ont été admis à intervenir.

22      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d’organisation de la procédure, a demandé à la requérante et à la Commission de répondre à certaines questions ainsi que de produire plusieurs documents. Ces parties ont déféré à ces demandes.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 mai 2013. À l’issue de cette audience, le président de la huitième chambre du Tribunal a maintenu la procédure orale ouverte et a invité la Commission à produire l’intégralité de l’annexe 14 de sa réponse à la demande de production de documents mentionnée au point 23 ci-dessus. La procédure orale a été close le 24 mai 2013, à la suite du dépôt par la requérante, le 21 mai 2013, de ses observations sur cette annexe ainsi que sur un autre document produit par la Commission postérieurement à l’audience.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner à la Commission de produire :

–        l’outil de vérification élaboré par l’expert du département des Hauts-de-Seine afin de reconstituer la rentabilité de l’offre au niveau de chaque sous-répartiteur optique (ci-après le « SRO »), mentionné au paragraphe 73 de la décision attaquée ;

–        l’analyse effectuée par les autorités françaises classant les îlots du territoire départemental par densité de foyers et identifiant le nombre d’îlots cibles à couvrir pour atteindre les quantités de prises estimées, mentionnée au paragraphe 99 de la décision attaquée ;

–        la réponse donnée par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) à une demande de renseignements formulée par la Commission, mentionnée au paragraphe 127 de la décision attaquée.

–        condamner la Commission aux dépens de l’instance à l’exception de ceux exposés par les intervenants et chaque intervenant à ses propres dépens.

26      À la suite d’une question posée par le Tribunal (voir point 23 ci-dessus), la requérante a admis que l’annexe B 21 du mémoire en intervention du département des Hauts-de-Seine comprenait en partie l’outil de vérification mentionné au point 25 ci-dessus, élaboré par l’expert dudit département, et qu’elle maintenait dès lors sa demande de production de document relative à cet outil uniquement en ce qui concerne la version électronique de l’annexe 1 de l’annexe B 21 du mémoire en intervention du département des Hauts-de-Seine.

27      La Commission et les intervenants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

28      Au soutien de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de ses droits procéduraux par la Commission en raison de l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

29      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée à l’article 88, paragraphe 3, CE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la mesure notifiée, et, d’autre part, la phase formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE. Ce n’est que dans le cadre de celle-ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du Tribunal du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, non encore publié au Recueil, point 45, et la jurisprudence citée).

30      Selon une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une mesure est constitutive d’une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, Rec. p. II‑199, point 88, et la jurisprudence citée).

31      La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire énoncée à l’article 88, paragraphe 3, CE pour prendre une décision favorable à une mesure étatique que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette mesure soit ne constitue pas une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le traité. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la mesure considérée, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, points 186 et 187).

32      Cette obligation résulte directement de l’article 88, paragraphe 3, CE, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence, et est confirmée par les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), lorsque la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 novembre 2009, Scheucher-Fleisch e.a./Commission, T‑375/04, Rec. p. II‑4155, point 69, et la jurisprudence citée).

33      Dès lors, il appartient à la Commission de déterminer, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire, si les difficultés rencontrées dans l’examen de la mesure notifiée nécessitent l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Cette appréciation doit respecter trois exigences (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 30 supra, point 89, et la jurisprudence citée).

34      Premièrement, l’article 88 CE circonscrit le pouvoir de la Commission de se prononcer sur l’existence d’une aide au terme de la procédure d’examen préliminaire aux seules mesures ne soulevant pas de difficultés sérieuses, de telle sorte que ce critère revêt un caractère exclusif. Ainsi, la Commission ne saurait refuser d’ouvrir la procédure formelle d’examen en se prévalant d’autres circonstances, telles que l’intérêt de tiers, des considérations d’économie de procédure ou tout autre motif de convenance administrative ou politique (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 30 supra, point 90, et la jurisprudence citée).

35      Deuxièmement, lorsqu’elle se heurte à des difficultés sérieuses, la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle et ne dispose, à cet égard, d’aucun pouvoir discrétionnaire (arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 30 supra, point 91).

36      Troisièmement, la notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission pouvait disposer lorsqu’elle s’est prononcée sur la qualification d’aide de la mesure litigieuse. Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses, par nature, ne peut se limiter à la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 30 supra, point 92, et la jurisprudence citée).

37      À cet égard, il convient de relever que la partie requérante supporte la charge de la preuve de l’existence de difficultés sérieuses, preuve qu’elle peut fournir à partir d’un faisceau d’indices concordants, relatifs, d’une part, aux circonstances et à la durée de la phase préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée (arrêts du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon‑Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑867, point 49, et du 3 mars 2010, Bundesverband deutscher Banken/Commission, T‑36/06, Rec. p. II‑537, point 127).

38      En l’espèce, selon la requérante, l’existence de difficultés sérieuses nécessitant l’ouverture de la procédure formelle d’examen serait révélée par des indices tenant, d’une part, à la procédure préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée.

1.     Indices relatifs à la procédure préliminaire d’examen

39      Selon la requérante, deux circonstances caractérisant la procédure préliminaire d’examen ayant donné lieu à l’adoption de la décision attaquée démontreraient l’existence de difficultés sérieuses rencontrées par la Commission lors de son appréciation de la mesure notifiée.

 Sur le premier indice, tenant à la chronologie de l’instruction ayant précédé l’adoption de la décision attaquée 

40      La requérante fait valoir que les délais caractérisant le déroulement de la procédure préliminaire d’examen sont révélateurs de l’existence de difficultés sérieuses. Elle fait observer à cet égard que la Commission a adopté la décision attaquée au terme d’une instruction formelle de quinze mois, précédée d’analyses informelles menées à son instigation qui auraient duré près de deux ans. Ce délai serait extrêmement long et bien supérieur à celui observé dans d’autres affaires dans lesquelles la Commission aurait été sanctionnée pour ne pas avoir ouvert la procédure formelle d’examen. En outre, au cours de ce délai, la Commission aurait envoyé des demandes d’informations complémentaires, parfois sans respecter le délai d’envoi de deux mois prévu par le règlement n° 659/1999, et les délais de réponse des autorités françaises auraient été particulièrement longs, ce qui confirmerait l’existence manifeste de difficultés sérieuses. Selon la requérante, cet envoi régulier par la Commission de demandes d’informations complémentaires serait par ailleurs un moyen d’échapper à son obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen en cas de difficultés sérieuses. La requérante ajoute que six mois se sont écoulés entre la décision d’approbation de la DSP par le conseil général des Hauts-de-Seine et la notification à la Commission, ce qui illustrerait également la complexité du dossier.

41      Selon une jurisprudence constante, la durée de l’examen préliminaire peut, avec d’autres éléments, constituer un indice des difficultés sérieuses rencontrées par la Commission, si elle excède notablement ce qu’implique normalement un tel examen (arrêts du Tribunal du 10 mai 2000, SIC/Commission, T‑46/97, Rec. p. II‑2125, point 102, et du 10 juillet 2012, TF1 e.a./Commission, T‑520/09, non publié au Recueil, point 54).

42      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, l’examen préliminaire débute dès la réception de la notification de la mesure concernée.

43      L’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999 prévoit que les décisions clôturant l’examen préliminaire sont prises dans un délai de deux mois. Selon cette disposition, ce délai court à compter du jour suivant celui de la réception d’une notification complète.

44      Il en résulte, d’une part, que la durée de l’examen préliminaire doit être calculée à partir de la réception d’une notification complète par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, T‑375/03, non publié au Recueil, point 119) et, d’autre part, que le délai maximal dont dispose la Commission pour procéder à un examen préliminaire est, en principe, de deux mois (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 30 supra, point 97).

45      Il convient de préciser à cet égard que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, une notification n’est complète que si elle permet à la Commission de prendre une décision conformément à la procédure d’examen préliminaire et à la procédure formelle d’examen. En outre, aux termes de l’article 4, paragraphe 5, de ce même règlement, « [l]a notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d’autres informations ».

46      Il résulte de ces dispositions combinées qu’une notification ne peut être regardée comme complète qu’à la réception par la Commission de l’ensemble des informations lui permettant de se forger une première opinion sur la nature et les effets de la mesure concernée. Ces informations sont réputées contenues dans la notification si la Commission ne présente aucune demande d’informations additionnelles dans les deux mois de sa réception. En revanche, si la Commission présente des demandes d’informations additionnelles, la notification doit être regardée comme complète à la date de réception des dernières informations demandées, de sorte que le délai de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n°659/1999 ne commence à courir qu’à partir de cette date (arrêt TF1 e.a./Commission, point 41 supra, points 61 et 62).

47      En l’espèce, la République française a notifié le projet THD 92 à la Commission le 27 juin 2008. Cette notification a été complétée le 15 juillet 2008 (voir points 1 et 2 ci-dessus).

48      Cette notification n’a pas été considérée comme complète par la Commission. En effet, celle-ci a demandé à la République française des informations complémentaires par lettres du 18 août 2008 (voir point 5 ci-dessus) et du 23 janvier 2009 (voir point 7 ci-dessus) ainsi que ses observations sur un courrier de Free par lettre du 29 mai 2009 (voir point 10 ci-dessus).

49      Les autorités françaises ont répondu à ces demandes par courriers reçus par la Commission, respectivement, les 19 et 28 novembre 2008 (voir point 5 ci-dessus), les 13 mai et 2 juin 2009 (voir point 7 ci-dessus) et le 17 juin 2009 (voir point 10 ci-dessus). Le 10 août 2009, les autorités françaises ont déposé un complément à leurs réponses précédentes (voir point 12 ci-dessus).

50      C’est ainsi au plus tôt à compter de la réception des dernières informations complémentaires envoyées par les autorités françaises, à savoir le 10 août 2009, qu’il convient de calculer la durée de la procédure d’examen préliminaire, et non, comme le soutient la requérante, à partir de la notification initiale du 27 juin 2008, voire dès le courrier du 8 septembre 2006 qu’elle avait adressé à la Commission. Dès lors, ni les délais antérieurs à la notification initiale ni ceux intervenus entre celle-ci et la dernière réponse des autorités françaises n’entrent dans le calcul de la durée de la procédure préliminaire d’examen.

51      Partant, il convient de considérer que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la décision attaquée, datée du 30 septembre 2009, a été adoptée dans le délai de deux mois prescrit par le règlement n° 659/1999, qui a commencé à courir le jour suivant le 10 août 2009, et non dans le délai de quinze mois, le cas échéant augmenté de près de deux ans, allégué par la requérante.

52      Partant, la requérante ne saurait valablement soutenir que la durée de la procédure préliminaire d’examen constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses.

53      Ces constatations ne sont pas remises en cause par les autres arguments de la requérante.

54      Premièrement, il y a lieu de relever que l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait, en l’espèce, multiplié les envois réguliers de demandes d’informations complémentaires aux fins d’échapper à son obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen et aurait ainsi commis un détournement de procédure doit être écarté, eu égard à la finalité de l’article 88, paragraphe 3, CE et de la procédure préliminaire d’examen qu’il prévoit.

55      En effet, en vertu d’une jurisprudence constante, si la Commission ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire quant à la décision d’engager la procédure formelle d’examen lorsqu’elle constate l’existence de telles difficultés, elle jouit néanmoins d’une certaine marge d’appréciation dans la recherche et dans l’examen des circonstances de l’espèce afin de déterminer si celles-ci soulèvent des difficultés sérieuses. Conformément à la finalité de l’article 88, paragraphe 3, CE et au devoir de bonne administration qui lui incombe, la Commission peut engager un dialogue avec l’État membre notifiant ou des tiers afin de surmonter, au cours de la procédure préliminaire, des difficultés éventuellement rencontrées (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2011, 3F/Commission, T‑30/03 RENV, Rec. p. II‑6651, point 54, et la jurisprudence citée).

56      Partant, le simple fait pour la Commission d’avoir engagé un dialogue avec les autorités françaises ne saurait, contrairement à ce que soutient la requérante, s’apparenter à un détournement de procédure, ni constituer, à lui seul, un indice de difficultés sérieuses.

57      Deuxièmement, la requérante soutient que les échanges entre la Commission et l’État membre notifiant, prétendument caractérisés en l’espèce par des demandes d’informations et par des réponses nombreuses, développées et envoyées à l’issue de délais particulièrement longs, seraient en eux-mêmes révélateurs des questions complexes et ainsi des difficultés sérieuses posées par l’examen de la mesure notifiée.

58      À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, la jurisprudence constante selon laquelle le seul fait que des discussions se soient instaurées entre la Commission et l’État membre notifiant durant la phase d’examen préliminaire et que, dans ce cadre, des informations complémentaires aient pu être demandées par la Commission sur les mesures soumises à son contrôle ne peut pas, en soi, être considéré comme un indice de ce que cette institution se trouvait confrontée à des difficultés sérieuses d’appréciation. Toutefois, il ne saurait être exclu que la teneur des discussions engagées entre la Commission et l’État membre notifiant durant cette phase de la procédure puisse, dans certaines circonstances, révéler l’existence de telles difficultés (voir arrêt TF1 e.a./Commission, point 41 supra, points 76 et 77, et la jurisprudence citée).

59      Ensuite, il ressort également de la jurisprudence que, si le nombre des échanges entre les autorités de l’État membre notifiant et la Commission constitue un élément à prendre en compte pour déterminer si les échanges sont de nature à révéler l’existence de difficultés sérieuses, il ne suffit pas à lui seul pour établir que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 septembre 2011, Belgique/Deutsche Post e.a., C‑148/09 P, Rec. p. I‑8573, point 81).

60      En l’espèce, la Commission a envoyé, respectivement le 18 août 2008 et le 23 janvier 2009, deux demandes d’informations à la République française et lui a communiqué les objections des tiers intéressés par le projet THD 92 en lui demandant de présenter ses observations à leur égard (voir point 48 ci-dessus).

61      Compte tenu de la jurisprudence citée aux points 58 et 59 ci-dessus, il convient, dès lors, pour répondre à l’argument en cause de la requérante, d’apprécier la teneur des échanges qui ont eu lieu entre la Commission et les autorités françaises. Le Tribunal a ainsi demandé à la Commission, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, de produire les demandes d’informations concernées ainsi que les réponses fournies auxdites demandes (voir point 23 ci-dessus).

62      Or, ces échanges ne contiennent pas d’éléments susceptibles de révéler l’existence de difficultés sérieuses au sens de la jurisprudence citée aux points 58 et 59 ci-dessus.

63      En effet, d’une part, la demande d’informations du 18 août 2008 comprend, certes, près de 40 questions attestant de l’étendue du champ d’investigation de la Commission, portant sur plusieurs aspects précis des marchés concernés, de l’état de la concurrence sur ces marchés (questions nos 8 à 18), de la couverture actuelle et future du territoire départemental par des réseaux à très haut débit (questions nos 1 à 7), du risque de surcompensation (questions nos 19 à 28), du montant de la subvention et de ses modalités d’octroi (questions nos 29 à 36) ainsi que des conditions d’accès au réseau THD 92 (questions nos 37 et 38). Toutefois, l’ensemble des éléments susvisés abordés dans la demande d’informations du 18 août 2008 et dans les réponses données par les autorités françaises les 19 et 28 novembre 2008 portaient sur le seul projet THD 92, tel que notifié par les autorités françaises, sans dépasser le champ dudit projet. Ils visaient, en effet, à déterminer si le projet en cause remplissait les conditions posées par l’arrêt Altmark, point 17 supra, pour échapper à la qualification d’aide d’État, telles que l’existence d’un SIEG, du fait notamment de la défaillance du marché et de l’absence de surcompensation (voir points 86 à 88 ci-après), et ont été, à ce titre, repris en substance dans la décision attaquée. Dans ces conditions, le nombre et l’étendue des questions posées par la Commission ne sauraient, à eux seuls et en l’absence d’autres indices concordants, révéler l’existence de difficultés sérieuses (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 30 supra, points 101 à 106).

64      D’autre part, la demande d’informations du 23 janvier 2009 ne comprend que neuf questions. Celles-ci visent, essentiellement, à une actualisation des données nécessaires à l’appréciation de la mesure notifiée compte tenu du temps écoulé, de la modification du cadre législatif français, des modifications apportées à la convention de DSP et des observations reçues de la part d’opérateurs tiers. Ces questions visent, également, à obtenir des précisions relatives aux réponses données par les autorités françaises à la première demande d’informations sur deux points précis, à savoir le traitement discriminatoire des concurrents des sociétés actionnaires du délégataire pour l’accès aux nœuds de raccordement optique et le montant de 3 millions d’euros payé par le délégataire à son principal actionnaire en contrepartie de l’usage de certaines infrastructures. Ainsi, l’examen de cette demande ne permet pas de constater l’existence de difficultés sérieuses suscitées par le projet THD 92, dès lors qu’elle ne réitère pas simplement des questions déjà posées et que les demandes de précisions qu’elle contient ne portent que sur un nombre très limité de points déjà abordés dans la première demande d’informations.

65      Par ailleurs, n’est pas non plus considéré par la jurisprudence comme étant révélateur de difficultés sérieuses le fait que plusieurs questions posées dans les demandes d’informations des 18 août 2008 et 23 janvier 2009 laissent entrevoir les doutes que semblait éprouver la Commission à l’égard de la mesure notifiée au regard des dispositions relatives aux aides d’État, dès lors que ces doutes ont pu être dissipés à la suite des réponses des autorités françaises auxdites demandes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T‑95/03, Rec. p. II‑4739, point 139), voire les positions différentes de la Commission et des autorités françaises relatives à certains aspects du projet notifié (voir, en ce sens, arrêt Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, point 44 supra, points 120 et 125).

66      Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, les échanges entre la Commission et les autorités françaises ne permettent pas de révéler l’existence de difficultés sérieuses posées par l’examen du projet THD 92.

67      Troisièmement, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel le délai écoulé entre l’approbation de la DSP (soit le 21 décembre 2007) et la notification du projet THD 92 (soit le 27 juin 2008) serait révélateur de difficultés sérieuses.

68      En effet, d’une part, ainsi que cela a été relevé au point 50 ci-dessus, ce délai ne saurait être opposé à la Commission pour établir l’existence de difficultés sérieuses que celle-ci aurait éprouvées lors de l’examen préliminaire de la mesure notifiée, dès lors qu’il se rapporte à une période antérieure non seulement à la réception de la notification complète faisant courir le délai de deux mois fixé à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999, mais encore à la notification initiale, par les autorités françaises, du projet THD 92 à la Commission.

69      D’autre part, et en tout état de cause, ce délai s’explique, selon le département des Hauts-de-Seine, sans que cela soit contesté par la requérante, par le processus national d’élaboration du dossier de notification, en particulier par la nécessaire approbation du projet de notification par de nombreux services internes, ainsi que par le fait que la passation de la convention de DSP a fait l’objet d’un recours devant le juge national déposé en février 2008. Contrairement à ce que prétend la requérante, le délai en cause n’apparaît donc pas occasionné par la complexité particulière du projet THD 92.

70      Il résulte de ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à prétendre que, en l’espèce, la durée de l’examen préliminaire a notablement dépassé ce qu’implique normalement un tel examen. Cette durée et, plus généralement, la chronologie de l’instruction préalable à la décision attaquée ne sauraient donc être regardées comme un indice de difficultés sérieuses prétendument rencontrées par la Commission.

 Sur le second indice, tenant aux nombreuses objections argumentées des opérateurs concurrents 

71      La requérante estime, en substance, que les objections nombreuses et argumentées formulées par des opérateurs concurrents du délégataire auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen. Elle rappelle, à cet égard, avoir dénoncé à la Commission par un courrier du 8 septembre 2006, précédé de divers contacts informels, les nombreux problèmes que poserait le projet THD 92. Les objections soulevées par la requérante auraient d’ailleurs été évoquées par la Commission dans la décision attaquée, qui a toutefois uniquement mentionné les courriers datés du 1er août 2008 et du 13 juillet 2009 sans faire état du courrier de 2006. La requérante ajoute que d’autres opérateurs, Free, France Télécom, le Sipperec ainsi qu’un opérateur souhaitant rester anonyme, se sont manifestés et que la Commission a également fait état de leurs objections dans la décision attaquée. Elle souligne que l’ensemble de ces critiques constantes et unanimes formulées par les acteurs du marché constituent un des éléments du faisceau d’indices concordants révélant l’existence de difficultés sérieuses.

72      Il y a lieu de rappeler que la notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif et que l’existence de telles difficultés doit être recherchée de manière objective, notamment dans les circonstances ayant entouré l’adoption de l’acte attaqué (voir point 36 ci-dessus).

73      Il en résulte, ainsi que le souligne à juste titre la République française, que ne sauraient être pris en compte aux fins de l’établissement de l’existence de difficultés sérieuses le nombre et l’ampleur des objections émises à l’encontre du projet THD 92. Cette considération s’impose d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, au moins l’un des opérateurs à l’origine de ces objections a participé à la procédure de sélection du délégataire chargé de mettre en œuvre ledit projet, sans avoir été retenu.

74      En effet, la prise en compte du nombre et de l’ampleur des objections émises à l’encontre du projet THD 92 reviendrait à faire dépendre l’ouverture de la procédure formelle d’examen de l’opposition provoquée par un projet national et non des difficultés sérieuses effectivement rencontrées par la Commission lors de l’examen dudit projet. De surcroît, elle aboutirait, comme le fait observer la Commission, à ce que les opposants à un projet puissent aisément retarder son examen par la Commission en l’obligeant, par leur intervention, à ouvrir la procédure formelle d’examen.

75      En revanche, il n’est pas exclu que la teneur des objections formulées par les cinq opérateurs en cause puisse révéler l’existence de difficultés sérieuses posées par l’examen du projet THD 92. Or, dès lors que lesdites objections rejoignent des considérations formulées par la requérante et portant sur de prétendus indices de l’existence de difficultés sérieuses fondés sur le contenu de la décision attaquée, il y a lieu de les examiner dans ce cadre.

76      Partant, il y a lieu de conclure que les objections des opérateurs privés, si nombreuses et concordantes soient-elles, ne sont pas, en tant que telles, de nature à révéler l’existence de difficultés sérieuses.

77      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les prétendus indices relatifs à la procédure préliminaire d’examen invoqués par la requérante ne sont pas de nature à révéler l’existence de difficultés sérieuses qui auraient nécessité l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

2.     Indices relatifs au contenu de la décision attaquée

78      La requérante fait valoir que le contenu de la décision attaquée laisse apparaître cinq indices de ce que l’examen préliminaire de la mesure notifiée présentait des difficultés sérieuses et, ainsi, aurait dû susciter des doutes quant à la qualification d’aide d’État de ladite mesure. Ces indices seraient tirés, le premier, de la méthodologie retenue pour définir les zones non rentables, le deuxième, de l’absence de caractère spécifique des services fournis dans le cadre du projet THD 92, le troisième, de l’absence de défaillance du marché, le quatrième, de l’absence de nécessité d’une subvention durant la première phase du déploiement du réseau THD 92 et, le cinquième, de la mise à disposition d’infrastructures à titre gratuit.

79      La République française et le département des Hauts-de-Seine font valoir que, sous couvert de l’invocation d’un moyen tiré de la violation de ses droits procéduraux et, en particulier, en alléguant qu’il existe des indices relatifs au contenu de la décision attaquée, la requérante conteste en réalité l’application, par la Commission, de l’article 87 CE et ainsi le bien-fondé de la décision attaquée. Or, selon la jurisprudence, il n’appartiendrait pas au Tribunal, lorsqu’il vérifie si la Commission a, à juste titre, refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen, de se prononcer sur l’existence d’une aide. Selon la jurisprudence également, le bien-fondé d’une décision, telle que la décision attaquée, ne pourrait être contesté que si le requérant démontrait qu’il avait un statut particulier au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197, 223), ce qui ne serait pas le cas de la requérante. Les deux intervenants en déduisent que les allégations de la requérante relatives aux deuxième, troisième et quatrième indices susvisés sont irrecevables.

80      La requérante estime que, en excipant de l’irrecevabilité de ses allégations relatives auxdits indices, la République française et le département des Hauts-de-Seine soulèvent un « moyen nouveau » non invoqué par la Commission et, partant, excédant les limites d’un mémoire en intervention. Selon la requérante, au surplus, les arguments qu’elle invoque s’agissant des indices relatifs au contenu de la décision attaquée seraient recevables, dès lors qu’elle se serait référée aux faits constituant des éléments de fond, ainsi qu’elle y serait autorisée par la jurisprudence, pour démontrer l’existence de difficultés sérieuses.

81      Sans qu’il y ait lieu de déterminer si, en l’espèce, la République française et le département des Hauts-de-Seine ont qualité pour contester la recevabilité des arguments susvisés, il suffit de constater que l’argumentation desdits intervenants est fondée sur une prémisse erronée. En effet, contrairement à ce que font valoir ces intervenants, les arguments de la requérante relatifs aux deuxième, troisième et quatrième indices ont pour unique objet la démonstration de l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle et ne sont porteurs d’aucune contestation du bien-fondé de la décision attaquée.

82      En effet, la requérante a soulevé un moyen unique tiré de la violation de ses droits procéduraux. Elle a, en outre, précisé, dans ses observations sur les mémoires en intervention de la République française et du département des Hauts-de-Seine, que le « [r]ecours [était] fondé sur la violation de [ses] droits procéduraux » et qu’elle n’entendait pas contester le bien-fondé des appréciations portées par la Commission sur la compatibilité du projet THD 92 avec l’article 87 CE.

83      Il découle de ces précisions dépourvues d’ambiguïté que les arguments que la requérante tire des indices relatifs au contenu de la décision attaquée ont pour unique objet la démonstration de l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle. Or, il ne saurait être contesté que la requérante peut faire valoir des indices relatifs au contenu de la décision attaquée aux fins de démontrer l’existence de doutes sur la compatibilité du projet THD 92 avec l’article 87 CE et, partant, l’existence de difficultés sérieuses.

84      En effet, selon la jurisprudence, lorsqu’un requérant invoque une violation de ses droits procéduraux résultant de ce que la Commission n’a pas ouvert la procédure formelle d’examen, il peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à la qualification de la mesure notifiée comme aide d’État et à sa compatibilité avec le traité. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours, ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette qualification ou sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt Smurfit Kappa Group/Commission, point 29 supra, point 52, et la jurisprudence citée). Il appartient, dès lors, au Tribunal d’apprécier les indices tirés du contenu de la décision attaquée au regard de l’existence d’une difficulté sérieuse au sens de la jurisprudence citée aux points 34 à 37 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, non encore publié au Recueil, point 66, et la jurisprudence citée). En revanche, il n’appartient pas au Tribunal, à ce stade de la procédure d’examen d’une aide par la Commission, de se prononcer sur l’existence d’une aide ou sur sa compatibilité avec le marché commun (arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 30 supra, point 66).

85      S’agissant du bien-fondé des arguments de la requérante tirés des indices relatifs au contenu de la décision, il convient, à titre liminaire, de rappeler, en premier lieu, les critères posés par la Cour dans l’arrêt Altmark, point 17 supra, dès lors que la Commission a, dans la décision attaquée, rejeté la qualification d’aide d’État de la mesure notifiée en se fondant sur cet arrêt.

86      Selon l’arrêt Altmark, point 17 supra, une intervention étatique ne tombe pas sous le coup de l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la mesure où elle doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur font concurrence (point 87 de l’arrêt).

87      Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, un certain nombre de conditions doivent être réunies (arrêt Altmark, point 17 supra, point 88).

88      Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle ne comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Le respect d’une telle condition est indispensable afin de garantir que n’est accordé à l’entreprise bénéficiaire aucun avantage qui fausse ou menace de fausser la concurrence en renforçant la position concurrentielle de cette entreprise. Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise qui va se trouver chargée de l’exécution d’obligations de service public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêt Altmark, point 17 supra, points 89 à 93).

89      En second lieu, il convient de préciser que les lignes directrices, même si elles ont été mentionnées dans la décision attaquée (voir point 17 ci-dessus), n’ont pas été appliquées dans cette décision, dès lors qu’elles ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne le même jour que celui de l’adoption de la décision attaquée et qu’elles ne sont applicables qu’à partir du premier jour suivant celui de leur publication (paragraphe 80 des lignes directrices). Il a néanmoins été fait référence aux lignes directrices dans certains développements subséquents, non pour les imposer à la Commission ou les opposer à la requérante, mais parce qu’elles codifient la pratique de la Commission relative à l’application des critères de l’arrêt Altmark, point 17 supra, dans le secteur des communications électroniques à haut débit et qu’elles fournissent des indications utiles sur l’application desdits critères dans le secteur des communications électroniques à très haut débit en cause en l’espèce (paragraphe 7 des lignes directrices). En effet, même si les lignes directrices mentionnent uniquement les « réseaux à haut débit » dans leur intitulé, elles contiennent également des dispositions spécifiques aux réseaux à très haut débit, dits « réseaux NGA » (paragraphe 3 des lignes directrices), et l’essentiel de leurs dispositions relatives aux réseaux à haut débit s’appliquent également aux réseaux à très haut débit (paragraphe 59 des lignes directrices).

90      C’est à la lumière de ces rappels et précisions qu’il y a lieu, à titre principal, d’examiner les indices invoqués par la requérante comme établissant l’existence de difficultés sérieuses. Ceux-ci portent, d’une part, sur la première condition posée par l’arrêt Altmark, point 17 supra, relative à l’exécution d’obligations de service public et, d’autre part, sur la troisième condition posée par l’arrêt Altmark, point 17 supra, relative à la compensation des seuls coûts occasionnés par l’exécution de ces obligations de service public.

 Sur les indices relatifs à l’absence de SIEG

91      En vertu d’une jurisprudence constante relative à la première condition posée par l’arrêt Altmark, point 17 supra, l’entreprise bénéficiaire d’une compensation doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public ou de SIEG et ces obligations doivent être clairement définies (voir arrêt du Tribunal du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec. p. II‑81, point 95, et la jurisprudence citée ; voir également point 88 ci-dessus).

92      Selon une jurisprudence également constante, reprise dans les lignes directrices, même si les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour définir ce qu’ils qualifient de SIEG, la définition de tels services ou missions par un État membre peut être remise en question par la Commission en cas d’erreur manifeste. Ainsi, même si la détermination de la nature et de la portée d’une mission de SIEG relève de la compétence et des pouvoirs d’appréciation des États membres, cette compétence n’est pas illimitée, ni ne saurait être exercée de manière arbitraire (voir arrêt CBI/Commission, point 84 supra, points 99 et 101, et la jurisprudence citée ; voir également paragraphe 24 des lignes directrices).

93      Dans la décision attaquée, la Commission, après avoir rappelé la jurisprudence relative au large pouvoir d’appréciation des États membres quant à la nature des services susceptibles d’être qualifiés de SIEG, a considéré tout d’abord que les autorités françaises n’avaient pas commis d’erreur d’appréciation dans le cadre de la délégation de service public pour le déploiement du réseau THD 92, en partant de la prémisse que les zones non rentables pour le déploiement de ce réseau représentaient 40 % du territoire des Hauts-de-Seine en termes de prises raccordables (paragraphes 121 à 134 de la décision attaquée). La Commission a estimé ensuite que l’accès aux services de très haut débit pour l’ensemble de la population du département répondait à un besoin général et présentait un intérêt général spécifique par rapport à celui que peuvent revêtir d’autres activités de la vie économique (paragraphes 142 à 145 de la décision attaquée). Cette mise à disposition d’un réseau de communications électroniques autorisant l’accès généralisé de la population aux services de très haut débit présenterait en outre des caractéristiques spécifiques par rapport aux autres services commerciaux et justifierait l’attribution d’une mission particulière par le département des Hauts-de-Seine. La Commission a précisé à cet égard que les services en question n’étaient pas fournis à l’heure actuelle par des opérateurs tiers d’une façon complète et satisfaisante sur le marché concerné (paragraphes 146 à 152 de la décision attaquée). Elle en a conclu que les autorités françaises n’avaient pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en qualifiant lesdits services de SIEG (paragraphe 153 de la décision attaquée).

94      La requérante fait valoir que trois des aspects analysés par la Commission pour parvenir à cette conclusion sont révélateurs de difficultés sérieuses dans l’examen de la première condition posée par l’arrêt Altmark, point 17 supra, à savoir la méthodologie retenue pour définir les zones non rentables, le caractère spécifique de l’intervention publique envisagée et la défaillance des autres opérateurs sur le marché.

 Sur le premier indice, tenant à la méthodologie retenue pour définir les zones non rentables 

95      La requérante estime que la méthodologie retenue pour définir les zones non rentables du département des Hauts-de-Seine était critiquable et nécessitait ainsi un examen approfondi. Or, la Commission aurait, sans la moindre analyse, repris cette méthodologie à son compte.

96      En particulier, la requérante reproche à la Commission d’avoir admis que les autorités françaises aient retenu des zones de référence trop petites pour analyser la rentabilité de chaque zone. En effet, d’une part, lesdites autorités se seraient fondées sur des zones géographiques microscopiques, constituées par les SRO, regroupant en moyenne quatre îlots, et auraient déduit du fait que les SRO non rentables correspondaient à 41 % des prises que les zones non rentables couvraient 41 % du territoire du département. Or, un tel raisonnement ignorerait le fait que de nombreux SRO individuellement non rentables pouvaient être situés dans un environnement globalement plus rentable et justifier ainsi le déploiement du réseau d’un opérateur privé. Cette méthodologie, au demeurant contraire, ainsi que l’aurait reconnu la Commission dans ses écritures, aux pratiques commerciales des opérateurs, conduirait ainsi à amplifier les risques de surcompensation. La requérante ajoute qu’est dépourvu de pertinence à cet égard son courrier du 1er août 2008, dans lequel elle aurait défendu une approche semblable à celle validée par la Commission dans la décision attaquée.

97      D’autre part, la requérante soutient que la méthodologie retenue par la Commission est contraire à la position de l’ARCEP. En effet, dans sa décision 2009-1106, du 22 décembre 2009 (ci-après la « décision de l’ARCEP »), dont la teneur a été rendue publique avant l’adoption de la décision attaquée, l’ARCEP aurait estimé que la rentabilité des zones à couvrir devrait être évaluée au niveau des communes et non des SRO, pour en déduire que le département des Hauts-de-Seine appartenait à la catégorie des zones très denses. La requérante ajoute que sont sans pertinence, aux fins de contester la méthodologie finalement retenue par l’ARCEP, les commentaires formulés par des tiers dans le cadre de la consultation publique préalable à l’adoption de la décision de l’ARCEP.

98      Aux fins de vérifier si la méthode de définition des zones non rentables, telle qu’exposée aux paragraphes 72 à 77 de la décision attaquée, était révélatrice de difficultés sérieuses dans l’appréciation du projet THD 92, il convient tout d’abord de relever que le point de départ de cette méthode consiste à fixer le seuil de rentabilité d’une zone (paragraphe 72 de la décision attaquée). L’expert du département a alors considéré chaque SRO, qui comprend en moyenne quatre îlots, comme une zone dont la rentabilité devait être évaluée. Le territoire du département est ainsi subdivisé en 1 633 SRO, lesquels comprennent chacun un certain nombre de prises (paragraphe 73 de la décision attaquée). Ayant calculé que les SRO non rentables correspondaient à 41 % des SRO, les autorités françaises se sont fondées sur ce pourcentage de zones non rentables pour déterminer la compensation à verser au délégataire (paragraphes 74 à 76 de la décision attaquée).

99      Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué, dans le cadre de son appréciation du respect par le projet THD 92 de la première condition posée par l’arrêt Altmark, point 17 supra, qu’il lui appartenait de vérifier si les exigences de cette jurisprudence étaient respectées en l’espèce, en partant de la prémisse que les zones non rentables pour le déploiement du réseau THD 92 représentaient environ 40 % du territoire des Hauts-de-Seine (paragraphe 134 de la décision attaquée).

100    Il ressort de ce rappel de la décision attaquée que la Commission n’a, certes, pas procédé à un examen détaillé de la méthode de définition des zones non rentables retenue par les autorités françaises, qu’elle a seulement exposée à titre de prémisse de son appréciation. Toutefois, les arguments avancés par la requérante selon lesquels les SRO constituent des zones de référence trop petites pour apprécier la rentabilité au sein de chaque zone ne permettent pas de mettre en évidence l’existence de doutes et ainsi de difficultés sérieuses suscitées par le projet THD 92, qui auraient dû conduire à l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

101    Premièrement, s’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle des SRO individuellement non rentables peuvent être situés dans un environnement plus rentable justifiant le déploiement d’un opérateur privé (voir point 96 ci-dessus), il y a lieu de préciser au préalable qu’un SRO est une armoire de rue qui concentre les câbles venant des abonnés et les envoie vers les répartiteurs (note en bas de page n° 26 de la décision attaquée), ces derniers étant les points de raccordement au réseau. Chaque SRO est constitué de quatre îlots. L’îlot est la plus petite unité territoriale pour laquelle l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) fournit des données démographiques pertinentes (paragraphe 73 de la décision attaquée), et peut consister en un groupe de maisons (en zone bâtie dense) ou en un ensemble limité par des voies (en zone périphérique).

102    Il y a lieu de constater en l’espèce que l’argumentation présentée par la requérante pour contester la prise en compte des SRO constitués de quatre îlots comme zones de référence est fondée sur la considération selon laquelle les opérateurs déploieraient leur réseau de fibre optique y compris vers des SRO non rentables dès lors qu’ils seraient situés dans des zones plus étendues globalement rentables. Cependant, la requérante ne fournit aucun élément constituant un commencement de preuve de l’existence d’une telle pratique, ni a fortiori aucun élément de nature à l’établir. Ainsi, elle se limite à produire en annexe de la requête une note d’analyse de la méthodologie de regroupement des îlots qu’elle a elle-même établie postérieurement à l’adoption de la décision attaquée. En outre, cette note se contente de conclure que la Commission aurait dû vérifier que les SRO correspondaient véritablement aux unités de décision effective de déploiement par les opérateurs de réseaux à très haut débit. La requérante fonde au surplus cette conclusion sur la constatation, établie à l’aide de graphiques, que la taille de la zone de référence exerce une influence très importante sur la densité de population de ladite zone et, plus particulièrement, que la prise en considération de zones de taille extrêmement réduite, telles que les SRO, aboutit à multiplier le nombre de zones considérées comme étant de faible densité. Or, une telle constatation permet tout au plus de conclure que les SRO, du fait de leur petite taille, seront généralement peu denses et, partant, peu rentables, mais ne fournit aucune indication selon laquelle, en cas de localisation dans une zone globalement dense et rentable, ce SRO peu dense et peu rentable ferait l’objet d’un raccordement à la fibre optique par les opérateurs. 

103    En outre, la requérante elle-même avait, dans sa lettre du 1er août 2008 adressée à la Commission dans le cadre de la présente procédure (voir point 4 ci-dessus), affirmé ce qui suit :

« Seule une méthodologie de calcul du coût net des [obligations de service public] fondée sur i) une définition claire et objective des zones prétendument non rentables et ii) sur une analyse géographique détaillée de ces zones, rue par rue et immeuble par immeuble, pourrait conduire à identifier précisément les coûts nets susceptibles de justifier un financement public pour desservir les zones non rentables. Une telle méthodologie pourrait s’inspirer des processus mis en œuvre en matière de calcul du déficit du service universel national du téléphone fixe […] À ce titre, une identification claire des zones/rues/immeubles qui sont jugés non rentables est nécessaire. Le calendrier du déploiement dans ces zones/rues/immeubles doit être précisé. Le versement éventuel d’une subvention devrait être lié au déploiement dans ces zones. »

104    Il convient de souligner à cet égard que, contrairement à ce qu’allègue la requérante dans la réplique, il ressort de la lecture de ce passage que celle-ci prône une méthode générale de calcul des coûts des obligations de service public fondée sur un découpage en zones de très petite taille et que la méthode ainsi exposée par la requérante elle-même ne dépend nullement de sa situation particulière.

105    Il y a lieu d’ajouter que, contrairement à ce que soutient la requérante dans la réplique, la Commission n’a pas reconnu que la méthode de définition des zones non rentables fondée sur les SRO était contraire aux pratiques commerciales des opérateurs. En effet, il ressort du passage pertinent du mémoire en défense que la Commission a seulement critiqué l’attitude de certains opérateurs visant à obtenir une compensation excessive de leurs obligations de service public en présentant aux pouvoirs publics des calculs globaux englobant les zones rentables et les zones non rentables. Or, ce faisant, la Commission n’a pas fait état du calcul de rentabilité opéré par chaque opérateur avant de desservir tel ou tel immeuble ou telle ou telle rue. Bien au contraire, elle a affirmé à cet égard, dans le mémoire en défense, que, en vertu d’une pratique qu’elle avait pu observer, au sein des communes, des zones, voire des quartiers dits rentables, les opérateurs déployaient de la fibre optique à des endroits spécifiques rentables en laissant de côté des rues et des zones entières qui ne l’étaient pas.

106    Deuxièmement, s’agissant de l’argumentation de la requérante relative à la pertinence de la commune en tant que zone de référence, conformément à la position adoptée par l’ARCEP (voir point 97 ci-dessus), il y a lieu de constater qu’elle est fondée exclusivement sur la décision de l’ARCEP, qui prévoit ce qui suit :

« La maille géographique de la commune est en effet dénuée d’ambiguïté et donne la meilleure visibilité aux acteurs (opérateurs, collectivités, gestionnaires d’immeuble). Elle recouvre certes des réalités qui peuvent être hétérogènes (habitat collectif, habitat pavillonnaire) ; néanmoins la plupart des déploiements des opérateurs privés sont annoncés au niveau de la commune, notamment pour des raisons de taille critique et de lisibilité commerciale. »

107    Cette décision de l’ARCEP ne saurait en l’espèce être prise en compte aux fins d’établir l’existence de doutes quant à la pertinence de la zone de référence retenue dans la décision attaquée.

108    En effet, outre le fait que cette décision est postérieure à l’adoption de la décision attaquée, il en ressort, comme l’explique pertinemment la Commission, qu’elle visait à déterminer les modalités d’accès à la fibre optique et, en particulier, la localisation des points de mutualisation (section I, point 1, de la décision de l’ARCEP), alors que la décision attaquée visait à s’assurer du respect des conditions posées par l’arrêt Altmark, point 17 supra. Or, s’agissant de l’obligation de mutualisation des parties terminales des réseaux, consistant pour les opérateurs à partager leurs installations lorsqu’ils sont susceptibles de desservir un même immeuble, l’ARCEP devait déterminer le champ d’application géographique des obligations qu’elle allait imposer en matière de modalités techniques et financières de mutualisation entre les opérateurs de la partie terminale des réseaux. Pour ce faire, l’ARCEP a retenu un champ d’application large, de nature à couvrir toutes les zones dans lesquelles la concurrence entre opérateurs de réseaux en fibre optique serait potentiellement forte à moyen terme, quitte à y inclure des zones où l’effectivité de cette concurrence était douteuse faute de rentabilité.

109    D’une part, il en découle que l’ARCEP a certes pris en compte les annonces commerciales des opérateurs, lesquelles visaient les communes (voir point 106 ci-dessus, in fine). Toutefois, s’il est vrai que l’ARCEP a ainsi fondé son appréciation sur une pratique des opérateurs, il n’en demeure pas moins qu’elle n’a porté aucun avis sur la pertinence de cette pratique. Dès lors, il ne saurait être déduit de cette décision de l’ARCEP que la zone de référence pertinente pour déterminer la rentabilité d’un territoire est constituée par la commune. En effet, en précisant que « la plupart des déploiements des opérateurs privés sont annoncés au niveau de la commune » (voir point 106 ci-dessus), cette décision indique qu’il s’agit uniquement d’annonces commerciales effectuées par les opérateurs « pour des raisons de taille critique et de lisibilité commerciale ». Le passage susvisé de la décision de l’ARCEP n’est ainsi pas de nature à remettre en cause l’allégation par la Commission d’une pratique de déploiement excluant les zones non rentables au sein des communes (voir point 105 ci-dessus, in fine).

110    D’autre part, l’ARCEP a inclus dans le champ d’application de sa décision des zones non rentables. Elle a en effet défini les zones très denses comme « les communes à forte concentration de population, pour lesquelles, sur une partie significative de leur territoire, il est économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer leurs propres infrastructures, en l’occurrence leurs réseaux de fibre optique, au plus près des logements ». Ainsi, l’ARCEP a elle-même admis qu’il existait, au sein des communes globalement rentables, des sous-zones non rentables. La décision de l’ARCEP ne peut dès lors être interprétée comme ayant établi la pertinence de la commune comme zone de référence permettant de définir la rentabilité d’un territoire. Il ne saurait par ailleurs être déduit du fait que l’ensemble des communes situées dans le département des Hauts-de-Seine sont classées dans la catégorie des zones très denses que le département tout entier doive être considéré comme rentable.

111    Il résulte de ce qui précède que les critiques dirigées par la requérante contre la méthode de définition des zones non rentables du département ne révèlent pas l’existence de doutes qui auraient dû conduire la Commission à mener un examen plus approfondi de ladite méthode.

112    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de mesure d’organisation de la procédure formulée par la requérante et visant à inviter la Commission à produire la version électronique de l’annexe 1 de l’outil de vérification élaboré par l’expert du département des Hauts-de-Seine afin de reconstituer la rentabilité de l’offre au niveau de chaque SRO (voir point 25, deuxième tiret, premier sous-tiret, et point 26 ci-dessus). En effet, il suffit de relever à cet égard que la requérante n’a ni mis en évidence de doute quant à la méthode de détermination de la rentabilité du territoire départemental, ni fourni au Tribunal un minimum d’éléments accréditant l’utilité du document en cause pour les besoins de l’instance (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 93).

 Sur le deuxième indice, tenant à l’absence de caractère spécifique des services fournis dans le cadre du projet THD 92

113    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir mené l’analyse détaillée que nécessitait l’appréciation du caractère spécifique des services fournis dans le cadre du projet THD 92, et, ainsi, de ne pas avoir ouvert la procédure formelle d’examen à cette fin. En particulier, la Commission aurait repris à son compte les arguments relatifs au caractère spécifique du réseau à très haut débit en cause avancés par les autorités françaises sans véritablement les examiner.

114    Ainsi, premièrement, la Commission n’aurait pas démontré le caractère spécifique du réseau à très haut débit par rapport à d’autres activités économiques. La requérante estime en particulier que le caractère légitime et digne d’intérêt de l’accès au réseau à très haut débit de l’ensemble de la population et des établissements publics du département ne suffit pas à établir cette spécificité. Elle s’interroge par ailleurs sur la localisation de l’ensemble des établissements publics dans des zones non rentables.

115    Deuxièmement, la Commission se serait fondée, à tort, sur l’universalité du réseau projeté pour justifier le caractère spécifique du projet THD 92.

116    À cet égard, outre qu’elle renvoie à ses arguments relatifs à la définition des zones non rentables par les autorités françaises, la requérante soutient tout d’abord que, comme l’obligation de couverture pesant sur le délégataire se traduit en termes de déploiement des prises « raccordables » et non des prises « raccordées », la couverture ne peut pas être universelle. La requérante souligne la compréhension erronée par la Commission de la notion de prise « raccordable », qui correspondrait à un simple déploiement sur la voie et non à un déploiement au pied des immeubles.

117    La requérante conteste ensuite le caractère universel du réseau THD 92 au motif que pèserait une incertitude sur la décision du département de subventionner la seconde phase du projet de déploiement dudit réseau.

118    La requérante estime enfin que l’universalité du réseau, à la supposer avérée, ne pourrait, à elle seule, justifier la mise en place d’un SIEG. En effet, dès lors qu’il serait toujours possible de trouver, dans quelque zone géographique que ce soit, des fragments de territoire susceptibles individuellement de ne pas être rentables, l’exigence d’universalité reviendrait à écarter par principe toute initiative privée de tout développement d’infrastructures.

119    En vertu d’une jurisprudence constante, même si l’État membre dispose d’un large pouvoir discrétionnaire quant à la détermination de ce qu’il considère comme un SIEG, cela ne le dispense pas, lorsqu’il invoque l’existence et la nécessité de la protection d’une mission de SIEG, de veiller à ce que cette dernière satisfasse à certains critères minimaux communs à toute mission SIEG au sens du traité, tels que précisés par la jurisprudence, et de démontrer que ces critères, notamment le caractère universel et obligatoire de cette mission, sont bien satisfaits dans le cas d’espèce. Inversement, l’absence de preuve fournie par l’État membre que ces critères sont satisfaits ou leur méconnaissance est susceptible de constituer une erreur manifeste d’appréciation que la Commission est tenue de sanctionner, sous peine de commettre elle-même une erreur manifeste. En outre, l’État membre doit indiquer les raisons pour lesquelles il estime que le service en cause mérite, de par son caractère spécifique, d’être qualifié de SIEG et distingué d’autres activités économiques (voir arrêt BUPA e.a./Commission, point 91 supra, point 172, et la jurisprudence citée).

120    En outre, il y a lieu de relever que la Commission a rappelé, au paragraphe 25 des lignes directrices, l’obligation pour les États membres de décrire les raisons pour lesquelles ils estiment que le service en cause mérite, de par son caractère spécifique, d’être qualifié de SIEG et distingué d’autres activités économiques. Selon le même paragraphe des lignes directrices, les États devraient faire en sorte que la mission de SIEG satisfasse à certains critères communs à chaque mission de SIEG et démontrer qu’il est satisfait en l’espèce à ces critères. Au paragraphe 26 des lignes directrices, il est précisé que figure au nombre de ces critères la nature universelle de la mission de SIEG, les États devant s’assurer que l’infrastructure à déployer fournisse une connectivité universelle à l’ensemble des utilisateurs dans une zone donnée.

121    En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que le service défini par les autorités françaises présentait un intérêt économique général allant au-delà de l’intérêt normal que revêtent d’autres activités de la vie économique, et possédait des caractéristiques spécifiques justifiant l’attribution d’une mission particulière (paragraphe 153 de la décision attaquée).

122    C’est à la lumière de ces rappels qu’il convient d’examiner, en premier lieu, les arguments de la requérante relatifs à l’absence d’aptitude du projet THD 92 à être distingué d’autres activités économiques et, en second lieu, ceux tirés de l’absence d’universalité dudit projet, tels qu’exposés aux points 113 à 118 ci-dessus.

–       Sur la distinction du projet THD 92 d’autres activités économiques

123    Au paragraphe 143 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le développement économique n’était pas suffisant à lui seul pour justifier qu’un service fût qualifié de SIEG. Une telle qualification doit être motivée par des raisons de service public allant au-delà de l’intérêt général de développer des activités économiques. Selon la Commission, ces raisons de service public étaient, premièrement, la référence à la population au sens large et non à des services qui ne seraient spécifiquement offerts qu’aux entreprises et, deuxièmement, la fourniture d’une connectivité à très haut débit à l’ensemble des établissements publics du département, y compris les établissements scolaires, collèges, lycées et établissements de formation de la région, les hôpitaux et autres services publics, en promouvant ainsi l’accès à certains services de e-santé, de e-gouvernement et de télétravail qui constituaient également des objectifs promus par l’Union européenne (paragraphe 144 de la décision attaquée). La Commission en a conclu, au paragraphe 145 de la décision attaquée, que l’accès aux services de très haut débit pour l’ensemble de la population du département répondait à un besoin général et présentait un intérêt général spécifique par rapport à celui que pouvaient revêtir d’autres activités de la vie économique.

124    Il découle de ces rappels de la décision attaquée que la Commission a examiné, au regard de la jurisprudence citée au point 119 ci-dessus, le caractère spécifique du projet THD 92, permettant ainsi de le distinguer d’autres activités économiques.

125    Il convient de constater que la requérante n’a fourni aucun élément de nature à faire douter du caractère spécifique de la fourniture d’une connectivité à très haut débit, dès lors qu’elle s’est contentée de faire valoir que la Commission aurait dû davantage démontrer cette spécificité (voir point 114 ci-dessus). Au contraire, elle a elle-même reconnu, dans la requête, le caractère légitime et digne d’intérêt des services en cause et a affirmé, lors de l’audience, n’avoir aucune objection de principe à formuler à l’encontre de la valeur sociale du déploiement d’un réseau à très haut débit, pas plus qu’à l’égard de son degré de sophistication.

126    La requérante ne saurait par conséquent être considérée comme ayant établi que la distinction du projet THD 92 d’autres activités économiques présentait des difficultés sérieuses.

127    Cette considération n’est pas remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle les établissements publics visés ne seraient pas nécessairement tous situés dans des zones non rentables. En effet, l’objectif visé étant la connectivité de l’ensemble des établissements publics en cause, il suffit que certains d’entre eux soient situés dans des zones non rentables pour que l’intérêt général spécifique de l’intervention publique soit reconnu.

–       Sur l’universalité du projet THD 92

128    Aux paragraphes 143, 147 et 150 de la décision attaquée notamment, la Commission a évoqué la nature universelle ou quasi universelle des services en cause qui seraient fournis dans l’ensemble du département à tous les opérateurs.

129    S’il est vrai que la Commission a essentiellement repris, aux paragraphes susvisés de la décision attaquée, les données fournies par les autorités françaises, il convient néanmoins de relever que les arguments soulevés par la requérante ne sont pas de nature à démontrer l’existence de difficultés sérieuses quant à l’appréciation du caractère universel du projet THD 92 qui auraient nécessité un examen plus approfondi de la part de la Commission.

130    Ainsi, tout d’abord, il y a lieu d’écarter comme n’étant pas révélatrice de difficultés sérieuses la critique par la requérante de l’exigence même du caractère universel d’un service, lequel conduirait à exclure toute initiative privée dès lors que dans toute zone géographique existeraient des territoires même limités susceptibles de ne pas être rentables (voir point 118 ci-dessus). En effet, le critère d’universalité est requis par une jurisprudence constante (voir point 119 ci-dessus). Il ne saurait dès lors être reproché à la Commission de ne pas avoir examiné, en l’espèce, si cette exigence était pertinente en vue de vérifier le respect de la première condition posée par l’arrêt Altmark (point 17 supra).

131    Ensuite, s’agissant des autres arguments de la requérante (voir points 116 et 117 ci-dessus), il y a lieu de préciser que la convention de DSP prévoyait, en ses articles 2 et 12, l’obligation du délégataire de couvrir l’intégralité du territoire des Hauts-de-Seine, l’annexe 1 de la convention de DSP précisant la chronologie de cette couverture. Il ressort par ailleurs tant de cette annexe 1 que de l’annexe 3 de la convention de DSP, relative au catalogue des services, que le réseau avait vocation à permettre aux opérateurs de desservir tant les entreprises que les particuliers et les services publics des Hauts-de-Seine, c’est-à-dire toute la population départementale.

132    La requérante ne conteste pas ces stipulations de la convention de DSP, mais estime qu’elles ne correspondent pas à la réalité et auraient ainsi nécessité l’ouverture de la procédure formelle d’examen, compte tenu, d’une part, de la prévision d’un déploiement uniquement en termes de prises raccordables et, d’autre part, de la réalisation du projet en deux phases.

133    Premièrement, quant à l’argument de la requérante relatif au déploiement de prises raccordables au lieu de prises raccordées, il y a lieu, à titre liminaire, d’observer que, si les parties sont en désaccord quant à la définition exacte des notions de « prise raccordable » et de « prise raccordée », elles se rejoignent néanmoins sur le fait, d’une part, qu’une prise adressable peut être transformée en prise raccordable, laquelle peut à son tour être transformée en prise raccordée, et, d’autre part, que ces transformations correspondent à un rapprochement par étape de la fibre optique des habitations et établissements à relier au très haut débit. En particulier, les parties s’accordent pour reconnaître qu’une prise raccordable est susceptible d’être transformée et doit encore être transformée en prise raccordée.

134    Or, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la définition de ces différentes catégories de prises, il suffit, à titre principal, de constater que l’argumentation de la requérante procède d’une compréhension erronée de la notion d’universalité.

135    À cet égard, il convient, tout d’abord, de préciser que, en vertu du considérant 8 de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») (JO L 108, p. 51), « [u]ne exigence fondamentale du service universel est d’assurer aux utilisateurs qui en font la demande un raccordement au réseau téléphonique public en position déterminée à un prix abordable » et non d’assurer un raccordement d’office au réseau à toutes les personnes physiques et morales installées sur le territoire départemental.

136    Ensuite, il y a lieu d’observer que l’article 12 de la convention de DSP définit les obligations de raccordement du délégataire de la façon suivante :

« Le [r]éseau [THD 92] a vocation à desservir l’ensemble du territoire départemental. Afin de respecter l’objectif d’un déploiement homogène du [r]éseau sur le territoire départemental, le [d]élégataire établira au moins un [nœud de raccordement optique] sur chaque commune permettant ainsi d’y déployer des [b]oucles [l]ocales [o]ptiques tel que prévu en [p]hases 1 et 2.

[…]

Le [d]élégataire s’engage, au sens d’une obligation de résultat, à avoir réalisé, au terme des deux [p]hases, dans les conditions définies ci-après, le [r]éseau permettant de desservir huit cent vingt-sept mille neuf cents (827 900) prises [r]accordables, dont cinq cent soixante-treize mille (573 000) prises [r]accordées, tel que précisé en [annexe] 1.

Par ailleurs, le [d]élégataire cible, au sens d’une [o]bligation de moyen, un volume de six cent quatre-vingt dix mille (690 000) prises [r]accordées à l’issue de la [p]hase 2 tel que le définit le [p]lan d’[a]ffaires en [annexe] 5.

[…]

Afin de desservir l’ensemble du territoire départemental, exception faite des habitats isolés, les [p]arties conviennent que le [d]élégataire aura l’obligation de transformer une prise [r]accordable en prise [r]accordée sur la base des demandes préalablement exprimées par les [u]sagers.

[…]

Tel que précisé en [annexe] 1, le seuil de transformation d’une prise [r]accordable en prise [r]accordée est de :

–        15 % des prises d’un SRO2 couvrant une zone d’habitat collectif majoritaire ayant fait l’objet d’une demande de la part des [u]sagers ;

–        20 % des prises d’un SRO2 couvrant une zone d’habitat pavillonnaire majoritaire ayant fait l’objet d’une demande de la part des [u]sagers.

[…] »

137    Il ressort de cette disposition que le délégataire s’engage, au sens d’une obligation de résultat, à raccorder 573 000 prises sur un total de 827 900 prises raccordables (article 12, troisième alinéa, de la convention de DSP). De plus, le délégataire s’engage à porter ce nombre de prises raccordées à 690 000 au terme de la seconde phase du projet THD 92, au sens d’une obligation de moyen (article 12, quatrième alinéa, de la convention de DSP), dont il y a lieu de rappeler qu’elle demeure une obligation au sens du droit français, si ce n’est que le débiteur ne s’engage pas à obtenir un résultat donné, mais à employer tous les moyens pour y parvenir, sous peine de voir sa responsabilité engagée. En tout état de cause, le délégataire est tenu, en vertu de l’article 12, sixième alinéa, de la convention de DSP, de transformer une prise raccordable en prise raccordée en cas de demande en ce sens, pour autant que le seuil pertinent mentionné au huitième alinéa de cette même disposition est franchi.

138    Or, d’une part, il découle des rappels effectués aux points précédents que la notion de « prise raccordable », qui est susceptible d’être transformée et doit encore être transformée en prise raccordée, correspond précisément à l’exigence d’universalité telle que définie au considérant 8 de la directive 2002/22 (voir point 135 ci-dessus). En effet, en déployant des prises raccordables, le délégataire crée les conditions dans lesquelles il peut, à la demande des usagers, assurer à ceux-ci un raccordement au très haut débit en transformant lesdites prises en prises raccordées. Ainsi, le délégataire est obligé, en vertu de l’article 12, sixième alinéa, de la convention de DSP, de procéder à une telle transformation, pour autant que le seuil pertinent, tel que fixé au huitième alinéa de cette même disposition, est atteint.

139    D’autre part, et en tout état de cause, l’article 12 de la convention de DSP impose au délégataire des obligations de raccordement allant même au-delà d’un raccordement sur demande. En effet, les obligations de résultat et de moyen consacrées aux troisième et quatrième alinéas de ladite disposition obligent à un raccordement indépendamment de toute demande en ce sens.

140    Deuxièmement, quant à l’argument de la requérante relatif à la réalisation du projet THD 92 en deux phases, il convient de relever que c’est à tort que la requérante déduit l’existence de doutes quant à l’absence d’universalité du projet THD 92 de l’éventualité que le département des Hauts-de-Seine ne subventionne pas la seconde phase dudit projet.

141    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la convention de DSP prévoit le déploiement du réseau THD 92 en deux phases, d’une durée de trois ans chacune, au terme desquelles ce réseau desservira l’ensemble du territoire départemental (article 12 de la convention de DSP). Selon cette même convention, le département s’engage à verser au délégataire un montant de 25 millions d’euros pour la première phase de réalisation du projet et un montant de 34 millions d’euros pour la seconde phase, sous réserve, s’agissant de ce second montant, de l’adoption d’une délibération du conseil général des Hauts-de-Seine en ce sens, intervenant elle-même à la suite de la transmission d’un rapport sur le bilan d’exécution de la première phase (article 28.1 et article 28.3 de la convention de DSP). Il en découle que cette division en deux phases, comme le souligne la Commission, sans que cela soit contesté par la requérante, vise à protéger les intérêts financiers du département et à faire ainsi dépendre le versement de la seconde partie de la subvention d’une vérification préalable par le département de l’exécution des travaux prévus.

142    En outre, il y a lieu de considérer que, même si cette division en deux phases peut avoir pour conséquence que le projet THD 92 ne soit pas mené à son terme, en raison de la résiliation de la convention de DSP demandée par le délégataire à la suite de l’absence d’octroi de la subvention pour la seconde phase (article 28.3 de la convention de DSP), il s’agit uniquement d’une modalité contractuelle destinée à éviter qu’une collectivité ne finance le projet d’un contractant et ne continue à être liée à celui-ci, alors même qu’il n’exécute pas ses obligations contractuelles. Il y a lieu de relever à cet égard qu’il existe dans la convention de DSP d’autres clauses permettant une cessation anticipée de la DSP (voir articles 49 et 50 de la convention de DSP).

143    Il ne saurait ainsi en être déduit que les modalités pratiques de paiement de la subvention par les autorités françaises, prévues à l’article 28 de la convention de DSP, sont de nature à faire naître des doutes quant à l’objectif de couverture universelle du projet THD 92, d’autant que la convention de DSP prévoit plusieurs garanties visant à assurer le respect de l’obligation de déploiement d’un réseau universel. En effet, au sein du titre V de la convention de DSP intitulé « Responsabilités, assurances, garanties », l’article 43, qui est consacré au « [p]ouvoir de sanction du délégant », prévoit une mise en demeure du délégataire en cas d’inexécution de tout ou partie de ses obligations résultant de la convention de DSP (article 43.1 de ladite convention), le paiement de pénalités en cas de retard dans le déploiement du réseau, tel que prévu par l’article 12 de la convention de DSP (article 43.2 de ladite convention), et même la mise en régie du service en cause en cas de manquements graves du délégataire à ses obligations contractuelles (article 43.4 de la même convention). De même, en cas de difficultés nécessitant la réalisation de travaux, en vertu de l’article 38 de la convention de DSP, ceux-ci pourront être exécutés d’office par le département, éventuellement en mobilisant la garantie à la première demande (voir également paragraphe 46 de la décision attaquée). Ainsi que l’a confirmé le département des Hauts-de-Seine lors de l’audience et sans que cela soit contesté par la requérante, ces dispositions soit visent spécifiquement à sanctionner un manquement à l’obligation de couverture universelle, soit prévoient des garanties générales pouvant être mises en œuvre pour sanctionner tout manquement à une obligation contractuelle, dont l’obligation de couverture universelle du département.

144    Par conséquent, les éléments fournis par la requérante ne permettent pas d’établir que l’examen du caractère universel du projet THD 92 présentait des difficultés sérieuses nécessitant un examen approfondi par la Commission.

145    Il résulte de tout ce qui précède que les indices invoqués relatifs à la spécificité des services fournis dans le cadre du projet THD 92 ne peuvent être considérés comme étant révélateurs de difficultés sérieuses de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

 Sur le troisième indice, tenant à l’absence de défaillance du marché

146    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir ouvert la procédure formelle d’examen aux fins de vérifier l’existence alléguée par les autorités françaises d’une défaillance du marché, alors que plusieurs éléments la mettraient en doute.

147    Tout d’abord, l’existence même d’un projet de subvention, tel que celui en cause en l’espèce, connu dans ses grandes lignes depuis 2005, aurait inhibé les initiatives privées. Ensuite, dans le contexte d’incertitude réglementaire qui prévalait pendant toute la période pendant laquelle le projet THD 92 a été élaboré puis notifié à la Commission, les autorités françaises ne pourraient faire grief aux opérateurs privés de ne pas avoir déployé intégralement leurs réseaux à très haut débit. La requérante se fonde à cet égard sur plusieurs documents établis par l’ARCEP, et en particulier sur la décision de l’ARCEP.

148    La requérante estime enfin qu’il est avéré que l’initiative privée ne fait pas défaut dans le département des Hauts-de-Seine, ainsi qu’en attesteraient les démarches effectuées par France Télécom. Elle se réfère à cet égard à une erreur de calcul qu’aurait commise la Commission à la suite des autorités françaises, lors de son analyse du déploiement de France Télécom. La Commission aurait en effet évoqué un très faible ratio de 2 % entre prises raccordables et prises adressables (paragraphe 128 de la décision attaquée), alors que ce ratio serait en réalité de 20 %. Cette erreur de plume reconnue par la Commission poserait également des problèmes de compréhension du paragraphe suivant de la décision attaquée. La requérante ajoute que, à supposer même que certaines zones puissent effectivement être qualifiées de non rentables, leur nombre et leur ampleur ont été grossièrement surestimés par les autorités françaises, de telle sorte que la prétendue défaillance du marché ne peut être démontrée.

149    Il y a lieu, à titre liminaire, de préciser le rôle que joue le critère de la défaillance du marché dans la qualification d’un service de SIEG et, partant, dans son absence de qualification d’aide d’État. Sequalum et le département des Hauts-de-Seine soutiennent en effet qu’un service donné pourrait être qualifié de SIEG même en l’absence de défaillance du marché, ce qui permettrait en l’espèce de rejeter l’ensemble des arguments de la requérante visant à faire douter de l’existence d’une telle défaillance comme inopérants.

150    À cet égard, il convient de relever que, si le critère de la défaillance du marché est, certes, spécifiquement mentionné dans la jurisprudence et les lignes directrices (arrêts du Tribunal du 6 octobre 2009, FAB/Commission, T‑8/06, non publié au Recueil, points 79 à 82, et Allemagne/Commission, T‑21/06, non publié au Recueil, points 53 à 60 ; voir également paragraphes 39, 43 et 44 des lignes directrices) comme intervenant dans l’appréciation de la compatibilité d’une aide au regard de l’article 87, paragraphe 3, CE, il joue également un rôle dans la détermination de l’existence d’une aide d’État et, en particulier, dans celle de l’existence d’un SIEG.

151    En effet, la communication de la Commission sur les services d’intérêt général en Europe (JO 2001, C 17, p. 4) dispose en son paragraphe 14 que, « si les pouvoirs publics estiment que certains services sont d’intérêt général et que les mécanismes du marché pourraient ne pas être à même d’assurer une fourniture satisfaisante de ces services, ils peuvent établir un certain nombre de prestations de services spécifiques destinées à répondre à ces besoins sous forme d’obligations de service d’intérêt général ». 

152    En outre, les lignes directrices, codifiant en cela la pratique de la Commission, disposent en leur paragraphe 24 ce qui suit :

« […L]a Commission considérera que, dans les zones où les investisseurs privés ont déjà investi dans une infrastructure de réseau [à] haut débit (ou sont en train d’étendre leur réseau d’infrastructure) et fournissent déjà des services compétitifs d’accès au haut débit avec une couverture appropriée, la mise en place d’une infrastructure à haut débit parallèle, compétitive et financée par des fonds publics ne devrait pas être qualifiée de SIEG au sens de l’article 86 [CE]. Toutefois, dès lors qu’il peut être démontré que des investisseurs privés pourraient ne pas être en mesure d’assurer, dans un avenir proche, une couverture adéquate pour l’ensemble des citoyens ou des utilisateurs et qu’ils risqueraient ainsi de priver de connexion une partie importante de la population, une compensation de service public peut être accordée à une entreprise chargée d’un SIEG pour autant que les conditions énoncées aux [paragraphes 25 à 29 des lignes directrices] [sont] réunies. » 

153    Par ailleurs, cette même exigence est réitérée, s’agissant plus particulièrement du déploiement d’un réseau à très haut débit, aux paragraphes 77 et 78 des lignes directrices. Certes, selon le paragraphe 77 des lignes directrices, aucune intervention de l’État n’est, en principe, nécessaire dans des zones déjà couvertes par des infrastructures à haut débit concurrentes dans lesquelles les opérateurs existants pourraient transformer leurs réseaux à haut débit classiques en réseaux à très haut débit. Toutefois, selon le paragraphe 78 de ces mêmes lignes directrices, un État membre peut démontrer que les opérateurs du haut débit existants n’ont pas l’intention d’investir dans des réseaux à très haut débit dans les trois années à venir.

154    Il ressort de ces dispositions que l’appréciation de l’existence d’une défaillance du marché constitue un préalable à la qualification d’une activité de SIEG et ainsi à la constatation de l’absence d’aide d’État.

155    Dans la décision attaquée, la Commission a appliqué le critère de la défaillance du marché au cas d’espèce. Elle a considéré, sous le titre « Mesures justifiées par une mission de service public d’intérêt économique général », que les services en question n’étaient pas fournis à l’heure actuelle par des opérateurs tiers d’une façon complète et satisfaisante sur le marché concerné. En effet, aucun opérateur commercial n’aurait à ce jour déployé dans les Hauts-de-Seine un réseau de desserte à très haut débit couvrant l’ensemble des usagers résidentiels et professionnels du département (paragraphe 147 de la décision attaquée).

156    La Commission a ainsi rejeté les allégations d’opérateurs privés tiers formulées au cours de la procédure administrative, selon lesquels il n’existerait aucune raison justifiant une intervention publique, les besoins du public étant sur le point d’être satisfaits par des déploiements de réseaux en fibre entrepris par eux-mêmes. Elle a notamment constaté que, lors de la procédure d’attribution de la DSP, tous les groupements ayant présenté une candidature se sont fondés sur l’existence, dans le département, de zones non rentables dont la couverture aurait nécessité l’octroi d’une subvention publique. De même, il ressortirait d’une réponse de l’ARCEP à une demande d’avis formulée par les autorités françaises à l’instigation de la Commission à la suite d’un courrier de France Télécom du 6 février 2009 qu’aucun opérateur n’a à ce jour déployé un réseau universel en fibre optique dans les Hauts-de-Seine. Enfin, quant au courrier de Free du 26 mai 2009, selon lequel cet opérateur aurait déployé d’ici à la fin de 2012 un réseau à très haut débit couvrant les 36 communes du département, la Commission a constaté que les autorités françaises l’avaient considéré comme étant dépourvu de crédibilité, dès lors que les objectifs de couverture précédents annoncés par cet opérateur en 2007 n’avaient pas été atteints (paragraphes 122 à 134 de la décision attaquée).

157    Il convient de considérer que les arguments invoqués par la requérante ne permettent pas de mettre en évidence l’existence de doutes quant à l’existence d’une défaillance du marché en l’espèce. Comme le fait observer la République française, ces arguments sont au surplus contradictoires, dès lors que la requérante prétend, premièrement, que l’initiative privée aurait été inhibée ou retardée à la fois par l’existence même du projet de subvention connu depuis 2005 et par le contexte d’incertitude réglementaire ayant prévalu jusqu’à la notification à la Commission et, deuxièmement, que l’initiative privée ne fait pas défaut dans les Hauts-de-Seine.

158    En premier lieu, quant à l’argument de la requérante relatif aux causes de la défaillance de l’initiative privée (voir point 147 ci-dessus), d’une part, il y a lieu de relever que, ainsi que cela découle notamment des dispositions citées aux points 151 et 152 ci-dessus, la notion de défaillance du marché est une notion objective, dont l’appréciation est fondée sur une analyse de la situation concrète du marché.

159    Cette considération est par ailleurs confirmée, s’agissant plus particulièrement du déploiement des réseaux de communication à haut et à très haut débit, par les lignes directrices. En effet, il ressort du paragraphe 24 et de la note en bas de page n° 31 desdites lignes directrices qu’il y a défaillance du marché susceptible de donner lieu à l’établissement d’un SIEG lorsqu’il peut être démontré que des investisseurs privés pourraient ne pas être en mesure d’assurer dans un avenir proche, c’est-à-dire à l’issue d’une période de trois ans, une couverture adaptée pour l’ensemble des citoyens ou des utilisateurs et qu’ils risquent ainsi de priver de connexion une partie importante de la population. À cet égard, les efforts d’investissement envisagés par les investisseurs privés devraient pouvoir garantir qu’au moins des progrès significatifs soient accomplis en termes de couverture dans ce délai de trois ans, l’investissement prévu devant être mené à bien dans un délai ultérieur raisonnable en fonction des spécificités de chaque région et de chaque projet.

160    Il résulte du caractère objectif de l’appréciation de l’existence d’une défaillance du marché que les raisons de l’absence d’initiative privée sont dénuées de pertinence aux fins de cette appréciation. Il en résulte a fortiori qu’il ne saurait être déduit d’une cause particulière de la défaillance constatée, telle que, en l’espèce, l’existence même du projet subventionné ou les incertitudes réglementaires, que ladite défaillance serait remise en cause et ne pourrait donner lieu à la création d’un SIEG.

161    Par conséquent, l’argument de la requérante relatif aux causes de la défaillance de l’initiative privée n’est pas pertinent pour démontrer l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle.

162    D’autre part, et en tout état de cause, à supposer même que les causes d’une défaillance de l’initiative privée soient susceptibles de révéler des difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle, l’argument de la requérante relatif auxdites causes ne serait pas davantage de nature à démontrer que la Commission était confrontée à de telles difficultés, dès lors que la requérante n’a pas établi la réalité des deux prétendues causes de la défaillance du marché invoquées par elle.

163    En effet, tout d’abord, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que l’initiative privée a été inhibée par la connaissance de l’existence du projet THD 92 dès 2005, il suffit de constater que la requérante s’est contentée d’affirmer qu’il existait une telle inhibition sans toutefois fournir aucun élément susceptible de faire douter du constat, établi au paragraphe 124 de la décision attaquée, selon lequel, dans le cadre de la consultation publique réalisée par les autorités françaises avant la notification du projet THD 92, la plupart des opérateurs concernés, y compris Free et France Télécom, étaient favorables au déploiement d’un réseau à très haut débit.

164    Ensuite, s’agissant de la prétendue incertitude du cadre réglementaire, il y a lieu d’observer que la requérante a elle-même indiqué, dans la réplique, que ledit cadre réglementaire avait été mis en place dans ses grandes lignes à l’été 2008. Elle a également reproduit, dans la réplique, le passage suivant de la décision de l’ARCEP :

« Bien que le cadre législatif relatif au déploiement de la fibre optique ait été instauré pour l’essentiel à l’été 2008, les principaux opérateurs, qui ont annoncé des plans d’investissement importants, ont retardé la mise en œuvre de ces investissements compte tenu des désaccords qui persistent entre eux sur les modalités de mise en œuvre de l’accès à la fibre optique et particulièrement les conditions de déploiement de la fibre dans les immeubles. »

165    Contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte de ce passage, non que les incertitudes réglementaires ont produit un effet dissuasif sur le déploiement des réseaux à très haut débit d’initiative privée, mais que, malgré la fin de ces incertitudes, les investissements des opérateurs ont été retardés. L’ARCEP a au demeurant attribué la défaillance constatée à une cause différente de celle des incertitudes réglementaires, à savoir à l’existence de désaccords entre eux.

166    Pour autant que la requérante soutient, ainsi qu’elle l’a précisé lors de l’audience, que la défaillance constatée s’explique spécifiquement par les incertitudes réglementaires relatives à la détermination du point de mutualisation en raison du lien entre cette détermination et les investissements requis pour le déploiement d’un réseau à très haut débit, auxquelles il n’aurait été mis un terme qu’à la fin de 2009 par la décision susvisée de l’ARCEP, il suffit d’observer, à l’instar de la Commission, que la mutualisation concerne les hypothèses dans lesquelles plusieurs opérateurs souhaitent fournir des services de très haut débit, c’est-à-dire le déploiement du réseau à très haut débit dans les zones rentables. Ainsi, si la détermination des points de mutualisation par la décision de l’ARCEP a pu retarder le déploiement des opérateurs privés dans les zones rentables, elle n’a eu, ainsi que la Commission l’a soulevé à juste titre lors de l’audience, aucun impact dans les zones non rentables dans lesquelles aucun opérateur n’envisageait de s’implanter. Or, la défaillance du marché doit s’apprécier en fonction des obligations de service public envisagées et, partant, en l’espèce, être vérifiée à la fois dans les zones rentables et dans les zones non rentables compte tenu de l’obligation de couverture universelle imposée au délégataire.

167    Il découle de ce qui précède que l’argument de la requérante relatif aux causes de la défaillance de l’initiative privée n’est pas de nature à révéler l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle.

168    En second lieu, quant à l’argument de la requérante relatif à l’absence de défaillance de l’initiative privée (voir point 148 ci-dessus), il suffit de constater, tout d’abord, que la requérante ne fournit dans la requête aucun élément de nature à faire douter de l’existence d’une défaillance et se contente d’affirmer qu’« il est avéré que l’initiative privée n’est pas en défaut dans le département ».

169    Ensuite, dans la réplique, la requérante fait observer que France Télécom, dont la Commission soulignerait, dans le mémoire en défense, les hésitations à investir sans subventions en 2006, n’a manifestement plus exprimé les mêmes hésitations quelques années plus tard. Elle fait ainsi référence au courrier de France Télécom du 6 février 2009 indiquant à la Commission ses propres prévisions de déploiement d’un réseau à très haut débit dans les Hauts-de-Seine, mentionné au paragraphe 126 de la décision attaquée.

170    Cependant, d’une part, il ressort de la réponse de l’ARCEP du 25 février 2009, formulée à la suite d’une demande d’avis quant à ce courrier de France Télécom, mentionnée au paragraphe 127 de la décision attaquée (voir point 156 ci-dessus) et transmise par la Commission au Tribunal et à la requérante en réponse à une mesure d’organisation de la procédure (voir point 23 ci-dessus), qu’aucun opérateur n’avait à ce jour déployé de réseau universel en fibre optique dans les Hauts-de-Seine. En effet, dans cette réponse, l’ARCEP constate, ainsi que l’expose la Commission au paragraphe 127 de la décision attaquée, que, à la fin de l’année 2008, le parc d’abonnés des prises raccordables s’élevait à près de 95 000 logements et que les prises adressables déployées par France Télécom concernaient 460 000 logements. En revanche, le projet THD 92 a pour objet le déploiement d’un réseau universel en fibre optique. D’autre part, et à supposer même que les prévisions de déploiement annoncées par France Télécom dans la lettre du 6 février 2009, telles qu’exposées au paragraphe 85 de la décision attaquée, soient suivies d’effet, le nombre de prises tant raccordables que raccordées resterait, ainsi que la Commission l’a relevé au paragraphe 129 de la décision attaquée, sensiblement en-deçà des obligations du délégataire. Dès lors, la lettre de France Télécom du 6 février 2009 n’est pas de nature à mettre en doute le constat, établi par la Commission au paragraphe 147 de la décision attaquée, d’une défaillance du marché.

171    Ces considérations ne sauraient être remises en cause par les autres arguments soulevés par la requérante.

172    Premièrement, s’agissant de l’erreur de calcul invoquée par la requérante (voir point 148 ci-dessus), il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a estimé que la perspective du déploiement d’un ou de plusieurs réseaux universels en fibre optique dans les Hauts-de-Seine était très incertaine, en se fondant sur les réticences des opérateurs que démontrerait la disparité entre le nombre de prises raccordables et le nombre de prises adressables d’ores et déjà déployées par certains opérateurs. Elle a ainsi évoqué un très faible ratio entre prises raccordables et prises adressables de France Télécom, le nombre de prises raccordables représentant 2 % du nombre de prises adressables (paragraphes 127 à 130 de la décision attaquée).

173    La Commission a reconnu dans le mémoire en défense que le paragraphe 128 de la décision attaquée comportait une erreur de plume, en ce qu’il convenait de lire « prise raccordée », ainsi qu’il ressortait du paragraphe 97 de la décision attaquée, au lieu de « prise raccordable ». Dès lors, le ratio de 2 % mentionné audit paragraphe concernerait le rapport entre prises raccordées et prises adressables. La requérante en a pris acte dans la réplique.

174    Toutefois, cette erreur de plume n’est de nature à révéler ni l’existence de difficultés sérieuses ni l’absence d’examen suffisant, par la Commission, du projet THD 92, dès lors qu’elle n’a pas affecté l’appréciation de cette dernière relative au déploiement de France Télécom. En effet, il ressort du paragraphe 129 de la décision attaquée, qui suit le paragraphe contenant ladite erreur, que, à supposer même que France Télécom convertisse, à l’avenir, l’ensemble de ses prises adressables en prises raccordables, d’une part, 60 % du territoire du département des Hauts-de-Seine ne serait toujours pas couvert et, d’autre part, le réseau THD 92 permettrait d’atteindre une couverture supplémentaire d’environ 40 % de ce même territoire. Il en découle que la Commission a conclu à un déploiement insuffisant de France Télécom en se fondant non sur le ratio de 2 % entaché d’une erreur de plume, mais sur l’hypothèse de la transformation de toutes les prises adressables de France Télécom en prises raccordables.

175    Deuxièmement, la requérante fait valoir, dans ses observations du 21 mai 2013, qu’il existe une certaine proximité entre les notions de « prise raccordée », au sens de la convention de DSP, et de « prise adressable », telle qu’employée par France Télécom dans son courrier du 6 février 2009 (voir point 8 ci-dessus) et reprise par les autorités françaises dans leur réponse du 13 mai 2009 (voir point 7 ci-dessus). Or, selon la requérante, le nombre de prises adressables dont le déploiement était envisagé par France Télécom, à savoir entre 500 000 et 550 000 prises, serait équivalent au nombre de prises raccordables imposé au délégataire en vertu de la convention de DSP, à savoir 573 000 prises, ce qui mettrait en doute l’existence d’une défaillance du marché.

176    Toutefois, outre le fait que, contrairement aux indications fournies par la requérante, le nombre de prises adressables dont le déploiement était envisagé par France Télécom se montait, selon la lettre de cette dernière, à 478 951 prises et était dès lors significativement inférieur au nombre de prises raccordables imposé au délégataire, il y a lieu de constater que la requérante n’établit pas l’identité, ni même la proximité, des notions de prise adressable et de prise raccordable. En effet, elle se contente d’alléguer que ces prises se caractérisent toutes deux par un déploiement de la fibre optique à proximité immédiate des logements, alors même que les définitions rappelées par elle dans ses observations du 21 mai 2013 font mention, pour la première, d’un simple déploiement dans la rue et, pour la seconde, d’une colonne montante installée dans l’immeuble comprenant les logements. Partant, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la réponse des autorités françaises du 13 mai 2009 n’est de nature ni à mettre en doute l’existence d’une défaillance de marché ni à révéler l’existence de difficultés sérieuses dans l’appréciation du projet THD 92.

177    Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas apporté d’indices de nature à susciter des doutes quant à l’existence d’une défaillance du marché.

178    Dans ces conditions et compte tenu, en particulier, de l’absence de démonstration de l’existence de doutes quant au déploiement de France Télécom ainsi que de l’absence de présentation au Tribunal par la requérante d’un minimum d’éléments accréditant l’utilité du document en cause pour les besoins de l’instance, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de mesure d’organisation de la procédure formulée par la requérante visant à ordonner à la Commission de produire l’analyse effectuée par les autorités françaises classant les îlots du territoire départemental par densité de foyers et identifiant le nombre d’îlots cibles à couvrir pour atteindre un nombre donné de prises (voir point 25 ci-dessus, deuxième tiret, deuxième sous-tiret).

 Sur les indices relatifs à l’existence d’un risque de surcompensation

179    La requérante reproche en substance à la Commission un défaut d’analyse de la surcompensation des surcoûts liés aux obligations de service public, que seule l’ouverture de la procédure formelle d’examen aurait pu pallier. Premièrement, la subvention accordée au consortium pour la première phase du déploiement du réseau à très haut débit constituerait une surcompensation manifeste, dès lors que cette première phase ne vise qu’un déploiement dans des zones très denses et rentables. Deuxièmement, la surcompensation résulterait également en l’espèce du fait que le consortium serait remboursé d’un coût d’utilisation d’infrastructures qu’il n’a pas à supporter, puisqu’il en disposerait à titre gratuit.

180    Il convient de rappeler la jurisprudence constante relative au troisième critère posé par l’arrêt Altmark, point 17 supra, selon laquelle la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (voir arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, Rec. p. I‑7831, point 43, et la jurisprudence citée ; voir également point 88 ci-dessus).

181    Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que, afin de compenser les surcoûts induits par l’obligation de service public mise à sa charge, le délégataire bénéficierait d’une subvention de 59 millions d’euros, dont 25 millions pour la première phase de réalisation du projet THD 92 et 34 millions pour la seconde phase (paragraphe 50 de la décision attaquée). Elle a considéré que cette subvention était conforme au troisième critère de l’arrêt Altmark, point 17 supra (paragraphe 163 de la décision attaquée). En particulier, elle a estimé qu’un certain nombre de clauses de sauvegarde figurant dans la convention de DSP visaient à assurer que le délégataire ne recevrait pas plus que ce qui était nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par le service public en cause ainsi qu’un bénéfice raisonnable. En effet, selon la Commission, le plan d’affaires du délégataire avait été contrôlé et vérifié de façon approfondie par les experts du département sur la base de critères et de paramètres très détaillés, ce qui avait permis de vérifier la vraisemblance des estimations du candidat. Ces vérifications avaient ainsi démontré que le montant d’aide convenu finalement avec le délégataire se situait en dessous du montant que celui-ci aurait pu réclamer (paragraphes 73 à 77 et 160 de la décision attaquée). En outre, la Commission a considéré que le délégataire ne bénéficiait pas d’un accès privilégié aux infrastructures déjà accordé par France Télécom et les communes concernées à Numericable, mais d’une cession du droit irrévocable d’usage de Numericable sur ces infrastructures horizontales moyennant une rémunération (paragraphes 159 à 162 de la décision attaquée).

 Sur le premier indice, tenant à l’absence de nécessité d’une subvention durant la première phase du déploiement du réseau THD 92 

182    La requérante fait valoir que l’autorisation par la Commission d’une subvention pendant la première phase du déploiement du réseau THD 92 témoigne d’un examen manifestement incomplet de la mesure notifiée et aurait, partant, justifié l’ouverture de la procédure formelle d’examen. À cet égard, outre qu’elle procède à un renvoi à ses critiques de la méthodologie retenue pour définir les zones non rentables, la requérante soutient qu’il n’était pas nécessaire, ainsi qu’il serait admis dans la décision attaquée elle-même (note en bas de page n° 28 de la décision attaquée), de verser une subvention au délégataire durant la phase de déploiement initial du réseau (c’est-à-dire les trois ou quatre premières années de ce déploiement), les surcoûts engendrés par l’obligation d’universalité imposée à ce délégataire ne devant être supportés qu’à la fin de ce déploiement. En effet, selon le calendrier du déploiement du réseau THD 92, la couverture des zones non rentables justifiant une compensation ne devait être réalisée qu’à la fin de la seconde phase (au bout de cinq à six ans), alors que la subvention est versée en partie dès la première phase du déploiement qui va porter en priorité sur les zones rentables et denses.

183    La requérante ajoute que la Commission se contredit en reconnaissant, d’une part, que le déploiement initial a lieu dans des zones majoritairement rentables et en affirmant, d’autre part, que l’existence de microzones non rentables remettrait en cause son allégation de déploiement initial dans des zones rentables. Elle précise par ailleurs que la Commission affirme erronément qu’il n’existerait pas de liste des zones devant être couvertes lors de la première phase du déploiement, alors que les obligations de couverture durant cette phase ressortiraient clairement du calendrier de déploiement du réseau figurant dans la convention de DSP (articles 12.1.1 et 12.1.2 de ladite convention) et des cartes correspondantes. La requérante rejette à cet égard la pertinence de l’objectif, vague et non contraignant, d’homogénéité de l’équipement prévu par la convention de DSP et estime que les documents fournis par le département des Hauts-de-Seine ne feraient que confirmer que le déploiement du réseau durant la première phase s’effectue de façon prioritaire dans des zones denses et rentables.

184    Il y a lieu d’écarter à titre liminaire l’argument de la requérante fondé sur la méthode de définition des zones non rentables. En effet, les critiques de la requérante relatives à cette méthode n’ayant pas permis de la mettre en doute (voir point 111 ci-dessus), elles ne sauraient davantage susciter de doutes quant à l’existence, en l’espèce, d’une surcompensation du fait de ladite méthode.

185    Quant aux autres arguments de la requérante, il suffit de rappeler la jurisprudence selon laquelle la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (voir point 180 ci-dessus). Il en résulte, selon la jurisprudence relative à l’article 86, paragraphe 2, CE (arrêt de la Cour du 19 mai 1993, Corbeau, C‑320/91, Rec. p. I‑2533, point 17), transposable à l’appréciation de l’existence d’une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêt BUPA e.a./Commission, point 91 supra, points 160 et 224), que, si la compensation ne doit couvrir que les coûts de déploiement d’une infrastructure dans les zones non rentables, les recettes générées par l’exploitation commerciale de l’infrastructure dans les zones rentables peuvent être affectées au financement du SIEG dans les zones non rentables.

186    Partant, la couverture de zones rentables ne signifie pas nécessairement que la subvention accordée est excessive, dès lors qu’elle est source de revenus pouvant servir à financer la couverture de zones non rentables et ainsi permettre de diminuer le montant de la subvention accordée.

187    En l’espèce, la requérante ne contestant pas que des zones non rentables seront couvertes au cours de la seconde phase du projet THD 92 (voir point 182 ci-dessus), elle ne saurait déduire de la prétendue couverture des seules zones rentables au cours de la première phase, à la supposer avérée, l’existence de doutes quant à une éventuelle surcompensation.

188    Par conséquent, l’indice invoqué par la requérante tenant à l’absence de nécessité d’une subvention durant la première phase du déploiement du réseau THD 92 n’est pas révélateur de l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

 Sur le second indice, tenant à la mise à disposition d’infrastructures à titre gratuit 

189    Dans ses écritures, la requérante reproche à la Commission une analyse incomplète de l’existence d’une éventuelle surcompensation, au motif que la décision attaquée serait muette sur le point de savoir si le délégataire supporte une charge spécifique liée à la réutilisation, pour le déploiement d’un réseau en fibre optique, d’une infrastructure dont le droit d’usage avait été consenti par France Télécom ou les communes concernées pour un autre usage. Cette réutilisation, qui serait massive, d’infrastructures pour lesquelles le délégataire ne disposerait que d’un droit d’usage consenti pour une autre utilisation que le déploiement de la fibre optique soulèverait la question de la valorisation de ce droit d’usage. Si cette valorisation était nulle, la réutilisation reviendrait à la mise à disposition à titre gratuit d’un droit d’usage d’une infrastructure et donc potentiellement d’une aide d’État en soi. Selon la requérante, il importe peu que la décision attaquée mentionne l’existence d’un montant de 3 millions d’euros versé par le délégataire à Numericable pour l’usage des infrastructures concernées au titre du déploiement des réseaux câblés, dès lors que serait en cause la valorisation par France Télécom et de nombreuses communes des Hauts-de-Seine du droit d’usage ainsi recyclé.

190    En outre, la requérante a précisé, en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, qu’elle reprochait à la Commission la faiblesse de son analyse de la valeur de la « réutilisation massive », par le délégataire, des infrastructures de France Télécom et des communes concernées. En particulier, la Commission aurait omis d’examiner, dans la décision attaquée, la pertinence même du montant de la rémunération du droit d’usage, tel que fixé par les autorités françaises à 3 millions d’euros.

191    Il ressort de la décision attaquée, reprenant en cela les explications données par les autorités françaises, que Numericable dispose, en tant qu’opérateur de réseau câblé, d’un droit irrévocable d’usage des infrastructures de génie civil de France Télécom existant dans 34 des 36 communes des Hauts-de-Seine (paragraphes 39 et 69 de la décision attaquée). Dans le cadre de la DSP, le délégataire bénéficie d’une cession de ce droit irrévocable d’usage de Numericable pour une période de 25 ans, moyennant une rémunération évaluée à 3 millions d’euros (paragraphes 69, 91 et 93 de la décision attaquée). Les autorités françaises expliquent le caractère réduit du montant de cette rémunération par le fait que le coût d’utilisation des infrastructures en cause était directement lié au rachat du réseau câblé par Numericable et avait déjà été amorti à ce titre par cette dernière (paragraphe 69 de la décision attaquée). La Commission indique en outre que les autorités françaises ont souligné que cette rémunération avait été prise en considération dans la détermination du montant de la subvention, de sorte que le délégataire supporterait seul le risque de devoir recourir à des modalités plus coûteuses de déploiement au cas où les droits d’usage concédés à Numericable ne seraient pas renouvelés (paragraphes 93 et 162 de la décision attaquée).

192    Dès lors, il convient de relever, premièrement, que, contrairement à ce que la requérante fait valoir dans ses écritures, il résulte clairement des données fournies par les autorités françaises, telles que reprises dans la décision attaquée, que le montant de 3 millions d’euros pris en compte dans le calcul de la subvention litigieuse visait à couvrir le droit d’usage dont bénéficiait spécifiquement le délégataire aux fins de l’installation et de l’exploitation du réseau en fibre optique.

193    En effet, d’une part, les autorités françaises ont expliqué le caractère limité du montant de 3 millions d’euros par le fait que les coûts d’utilisation des infrastructures de France Télécom aux fins de l’installation et de l’exploitation du réseau câblé avaient déjà été amortis par Numericable (paragraphe 69 de la décision attaquée), sans que cela soit contesté par la requérante. Il peut ainsi en être déduit que les coûts correspondant au droit d’usage aux fins de l’installation et de l’exploitation d’un réseau câblé n’étaient pas compris dans le montant de la rémunération demandée au délégataire par Numericable aux fins d’installer et d’exploiter un réseau en fibre optique.

194    D’autre part, il y a lieu de relever que, alors même que le montant de 3 millions d’euros a été fixé pour la totalité de la durée de la DSP (25 ans), le droit d’usage pour l’installation et l’exploitation d’un réseau câblé expire selon les communes du département entre 2019 et 2024 (paragraphe 39 de la décision attaquée), soit avant la fin de la DSP. Il en découle que ce montant est indépendant du coût d’usage concédé par France Télécom à Numericable en tant qu’opérateur de réseau câblé et couvre le seul usage des infrastructures concernées aux fins de l’installation et de l’exploitation d’un réseau en fibre optique. En outre, ce montant ne comprend pas, comme le souligne la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 93 de la décision attaquée), sans que cela soit contesté par la requérante, les coûts éventuels que devra supporter le délégataire dans l’hypothèse où les droits concédés à Numericable ne seraient pas renouvelés, dès lors qu’aucune revalorisation de la subvention n’est prévue dans cette hypothèse.

195    Deuxièmement, quant à l’argument, soulevé par la requérante lors de l’audience, selon lequel la Commission aurait dû procéder à une vérification plus approfondie du montant même de 3 millions d’euros, il suffit de relever que la requérante se contente d’affirmer la nécessité d’une telle vérification approfondie sans toutefois fournir d’indice de l’existence de difficultés sérieuses quant à l’appréciation de l’existence d’une surcompensation. En effet, d’une part, elle évoque, dans ses observations du 21 mai 2013, plusieurs éléments attestant, selon elle, d’un contexte marqué d’incertitudes. Or, la requérante n’explique nullement les raisons pour lesquelles ces incertitudes, à les supposer établies, auraient dû avoir une incidence sur la détermination du montant exact de la rémunération du droit d’usage. D’autre part, la requérante se contente d’affirmer que l’offre du délégataire est fondée sur une réutilisation massive des infrastructures de France Télécom, ainsi que cela ressortirait du rapport du 5 décembre 2007 établi par le conseil général des Hauts-de-Seine, dont la teneur est par ailleurs reprise en substance aux paragraphes 39 et 40 de la décision attaquée. Toutefois, la requérante n’explique pas en quoi la valorisation de cette réutilisation aurait suscité des difficultés sérieuses et nécessité, ainsi, un examen plus approfondi de la part de la Commission du montant en cause.

196    Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que la Commission a insuffisamment analysé l’incidence de la mise à disposition d’infrastructures sur le niveau de la compensation. Ainsi, l’indice invoqué par la requérante fondé sur la valorisation de cette mise à disposition ne saurait être considéré comme révélateur de difficultés sérieuses quant à l’appréciation de l’existence d’une surcompensation.

197    Il résulte de ce qui précède qu’aucun des prétendus indices relatifs au contenu de la décision attaquée avancés par la requérante ne révèle l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

198    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen unique ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

199    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

200    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées au premier alinéa supportera ses propres dépens. La République française, Sequalum et le département des Hauts-de-Seine, intervenus au soutien de la Commission, supporteront donc leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Colt Télécommunications France supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République française, Sequalum SAS et le département des Hauts-de-Seine supporteront leurs propres dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Indices relatifs à la procédure préliminaire d’examen

Sur le premier indice, tenant à la chronologie de l’instruction ayant précédé l’adoption de la décision attaquée

Sur le second indice, tenant aux nombreuses objections argumentées des opérateurs concurrents

2.  Indices relatifs au contenu de la décision attaquée

Sur les indices relatifs à l’absence de SIEG

Sur le premier indice, tenant à la méthodologie retenue pour définir les zones non rentables

Sur le deuxième indice, tenant à l’absence de caractère spécifique des services fournis dans le cadre du projet THD 92

–  Sur la distinction du projet THD 92 d’autres activités économiques

–  Sur l’universalité du projet THD 92

Sur le troisième indice, tenant à l’absence de défaillance du marché

Sur les indices relatifs à l’existence d’un risque de surcompensation

Sur le premier indice, tenant à l’absence de nécessité d’une subvention durant la première phase du déploiement du réseau THD 92

Sur le second indice, tenant à la mise à disposition d’infrastructures à titre gratuit

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.