Language of document : ECLI:EU:T:1998:98

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

14 mai 1998 (1)

«Article 85, paragraphe 1, du traité CE — Infraction — Preuve»

Dans l'affaire T-337/94,

Enso-Gutzeit Oy, société de droit finlandais, établie à Helsinki, représentée par Mes Ivo Van Bael et Jean-François Bellis, avocats au barreau de Bruxelles, et par M. Ciarán Keaney, solicitor de la Law Society d'Irlande, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Freddy Brausch, 11, rue Goethe,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Hans Gerald Crossland et Richard Lyal, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton) (JO L 243, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briët, Mme P. Lindh, MM. A. Potocki et J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    La présente affaire concerne la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton) (JO L 243, p. 1), rectifiée avant sa publication par une décision de la Commission du 26 juillet 1994 [C(94) 2135 final] (ci-après «décision»). La décision a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2.
    Le produit faisant l'objet de la décision est le carton. Trois types de carton, désignés comme relevant des qualités «GC», «GD» et «SBS», sont mentionnés dans la décision.

3.
    Le carton de qualité GD (ci-après «carton GD») est un carton à intérieur gris (papiers recyclés) qui sert habituellement à l'emballage de produits non alimentaires.

4.
    Le carton de qualité GC (ci-après «carton GC») est un carton présentant une couche extérieure blanche et servant habituellement à l'emballage de produits alimentaires. Le carton GC est d'une qualité supérieure à celle du carton GD. Dans la période couverte par la décision, il a généralement existé entre ces deux produits un écart de prix d'environ 30 %. Dans une moindre mesure, le carton GC de haute qualité sert également à des utilisations graphiques.

5.
    SBS est le sigle utilisé pour désigner le carton entièrement blanc (ci-après «carton SBS»). Ce carton est un produit dont le prix est d'environ 20 % supérieur à celui du carton GC. Il sert à l'emballage des aliments, des produits cosmétiques, des

médicaments et des cigarettes, mais il est destiné principalement à des utilisations graphiques.

6.
    Par lettre du 22 novembre 1990, la British Printing Industries Federation, organisation professionnelle qui représente la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni (ci-après «BPIF»), a déposé une plainte informelle auprès de la Commission. Elle a fait valoir que les fabricants de carton approvisionnant le Royaume-Uni avaient introduit une série de hausses de prix simultanées et uniformes et demandé à la Commission de vérifier l'existence d'une éventuelle infraction aux règles communautaires de la concurrence. Afin d'assurer la publicité de son initiative, la BPIF a publié un communiqué de presse. Le contenu de ce communiqué a été relaté par la presse professionnelle spécialisée dans le courant du mois de décembre 1990.

7.
    Le 12 décembre 1990, la Fédération française du cartonnage a également déposé une plainte informelle auprès de la Commission, dans laquelle elle présentait des observations relatives au marché français du carton en des termes analogues à ceux de la plainte déposée par la BPIF.

8.
    Les 23 et 24 avril 1991, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après «règlement n° 17»), ont procédé à des vérifications simultanées sans avertissement préalable dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton.

9.
    A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements et de documents au titre de l'article 11 du règlement n° 17 à tous les destinataires de la décision.

10.
    Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

11.
    En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette dernière disposition. Par lettre du 21 décembre 1992, elle a adressé une communication des griefs à chacune des entreprises concernées. Toutes les entreprises destinataires y ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à être entendues oralement. Leur audition a eu lieu du 7 au 9 juin 1993.

12.
    Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard — the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA (anciennement Tampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:

—    dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,

—    dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,

—    dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,

—    dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:

—    se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,

—    ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,

—    ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,

—    se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,

—    ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,

—    ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.

[...]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er:

[...]

iii)    Enso Gutzeit Oy, une amende de 3 250 000 écus;

[...]»

13.
    Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé «Groupe d'étude de produit Carton» (ci-après «GEP Carton»), composé de plusieurs groupes ou comités.

14.
    Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un «Presidents Working Group» (ci-après «PWG») réunissant des représentants de haut niveau des principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).

15.
    Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants.

16.
    Le PWG faisait rapport à la «President Conference» (ci-après «PC») à laquelle participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période en cause.

17.
    A la fin de l'année 1987 a été créé le «Joint Marketing Committee» (ci-après «JMC»). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans l'affirmative, comment des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent en Europe.

18.
    Enfin, le comité économique (ci-après «COE») débattait, notamment, des fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait plusieurs fois par an.

19.
    Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse). Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les données agrégées étaient envoyées aux participants.

20.
    La requérante Enso-Gutzeit Oy (ci-après «Enso-Gutzeit»), qui ne produit que du carton SBS, a, selon la décision, participé aux réunions de la PC. Elle a également été membre du Nordic Paperboard Institute (ci-après «NPI»). La Commission a considéré que la requérante avait participé à l'infraction dénoncée à l'article 1er de la décision du milieu de l'année 1986 jusqu'à avril 1991.

Procédure

21.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 octobre 1994, la requérante a introduit le présent recours.

22.
    Seize des dix-huit autres entreprises tenues pour responsables de l'infraction ont également introduit un recours contre la décision (affaires T-295/94, T-301/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94).

23.
    La requérante dans l'affaire T-301/94, Laakmann Karton GmbH, s'est désistée de son recours par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 1996, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 18 juillet 1996, Laakmann Karton/Commission (T-301/94, non publiée au Recueil).

24.
    Quatre entreprises finlandaises, membres du groupement professionnel Finnboard et, à ce titre, tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende infligée à celui-ci, ont également introduit des recours contre la décision (affaires jointes T-339/94, T-340/94, T-341/94 et T-342/94).

25.
    Enfin, un recours a été introduit par une association CEPI-Cartonboard, non destinataire de la décision. Cependant, celle-ci s'est désistée par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 1997, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 6 mars 1997, CEPI-Cartonboard/Commission (T-312/94, non publiée au Recueil).

26.
    Par lettre du 5 février 1997, le Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, notamment en vue de présenter leurs observations sur la jonction éventuelle des affaires T-295/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94 aux fins de la procédure orale. Lors de cette réunion, qui a eu lieu le 29 avril 1997, les parties ont accepté une telle jonction.

27.
    Par ordonnance du 4 juin 1997, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure, et a accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-334/94.

28.
    Par ordonnance du 20 juin 1997, il a accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans la présente affaire relativement à un document produit en réponse à une question par écrit du Tribunal.

29.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure en demandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

30.
    Les parties dans les affaires mentionnées au point 26 ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997.

Conclusions des parties

31.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler l'article 1er de la décision dans la mesure où il la concerne;

—    annuler l'amende ou en réduire le montant;

—    condamner la Commission aux dépens.

32.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner la partie requérante aux dépens.

Sur la demande d'annulation de la décision

33.
    A l'appui du chef de ses conclusions visant à l'annulation de la décision en tant qu'elle la concerne, la requérante invoque quatre moyens tirés respectivement de ce que le carton SBS aurait dû être exclu du champ d'application de la décision, de l'absence de preuves de la participation de la requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, d'une violation de l'article 190 du traité et d'une violation de ses droits de la défense.

34.
    Il convient d'examiner en premier lieu le deuxième moyen.

Sur le moyen tiré d'une absence de preuves d'une participation de la requérante à une entente quelconque

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

— Arguments de la requérante

35.
    La requérante soutient que sa participation à une entente quelconque n'a pas été prouvée par la Commission.

36.
    En premier lieu, elle conteste l'affirmation contenue au point 121 des considérants de la décision, selon laquelle l'annexe 102 à la communication des griefs, note obtenue de Rena, prétendument relative à une réunion tenue par le NPI à l'aéroport d'Arlanda (Suède) le 3 octobre 1988, constituerait une preuve de sa participation aux pratiques illicites visées par la décision. En effet, la Commission aurait conclu que cette note concernait une réunion spéciale du conseil du NPI en se fondant sur une convocation (annexe 101 à la communication des griefs) à une telle réunion. Cependant, aucun élément de la note ne révélerait qu'elle concernait la réunion visée par ladite convocation.

37.
    La réunion du conseil du NPI du 3 octobre 1988 aurait été prévue car Iggesunds Bruk AB, producteur de carton SBS appartenant à présent au groupe MoDo (ci-après «Iggesunds Bruk»), envisageait de cesser toute participation et tout financement des activités «procarton». Les prix n'auraient pas été discutés au cours de cette réunion. Quant à la référence aux activités «procarton» («comment commercialiser et à qui»), contenue dans l'annexe 102 susvisée, elle ne démontrerait pas qu'il s'agissait de la réunion spéciale du NPI, ladite référence ne concernant pas l'objet débattu lors de la réunion en cause.

38.
    Au demeurant, si l'annexe 102 devait être comprise en ce sens qu'elle contenait des indications relatives à des augmentations de prix au Royaume-Uni en avril 1989, de telles indications ne concerneraient pas la requérante. En effet, les prix du carton fabriqué par celle-ci n'auraient pas été augmentés au Royaume-Uni en avril 1989, mais en janvier 1989. De plus, la mention d'une augmentation de prix pour le carton destiné à l'industrie de la cigarette ne concernerait pas la requérante, car, d'une part, celle-ci n'aurait pas livré du carton à cette industrie depuis l'année 1987 et, d'autre part, le prix du carton de la requérante aurait été sensiblement supérieur à celui mentionné dans la note en cause. Le carton SBS ne serait d'ailleurs pas expressément visé dans l'annexe 102.

39.
    En second lieu, la requérante conteste l'affirmation contenue au point 97, premier alinéa, des considérants de la décision, selon laquelle l'annexe 133 à la communication des griefs, note trouvée chez Iggesund Board Sales Ltd, appartenant également au groupe MoDo, démontrerait «clairement l'existence d'une collusion en matière de prix entre les producteurs de cartons couchés à usage

graphique [...] à l'occasion de l'augmentation des prix qui est entrée en vigueur au Royaume-Uni le 2 avril 1990».

40.
    L'auteur de cette note aurait expliqué qu'elle était relative à un entretien téléphonique entre deux membres du personnel d'Iggesund et que la mention des «presidents/Enso» qu'elle contenait était une référence à la pratique de certains compétiteurs d'envoyer, de leur siège principal vers le Royaume-Uni, des cadres supérieurs chargés de négocier les prix. Une telle pratique, encore en vigueur, serait en effet nécessaire pour les clients les plus importants, pour lesquels la négociation des prix serait considérée comme un élément capital. La mention des «presidents/Enso» ne constituerait donc aucune preuve d'une concertation entre entreprises, en particulier en ce qui concerne la requérante.

41.
    En outre, les allégations de la Commission relatives à une collusion sur les prix entre la requérante et les autres producteurs désignés dans l'annexe 133 à la communication des griefs ne seraient pas étayées par le tableau F annexé à la décision, relatif à l'augmentation du prix en avril 1990 au Royaume-Uni. En effet, tant l'annonce que la mise en oeuvre de l'augmentation des prix de la requérante auraient eu lieu plus d'une semaine après, respectivement, les annonces et les augmentations effectives de prix opérées par les autres producteurs concernés.

42.
    En troisième lieu, l'annexe 44 à la communication des griefs, note contenue dans l'agenda d'un employé de Feldmühle (du groupe Stora), ne révélerait pas une concertation en matière de prix et de régulation de la production entre Feldmühle et d'autres producteurs, notamment la requérante, dans le contexte de l'augmentation des prix au Royaume-Uni en janvier 1987.

43.
    La seule mention des prix de la requérante dans ladite note («Enso 86 même prix que pour 85») concernerait une circonstance publiquement connue au début de 1987, époque à laquelle la note est censée se rapporter. Par ailleurs, la requérante aurait augmenté ses prix au Royaume-Uni de 10 UKL/tonne le 1er décembre 1986, ce qui ne serait pas conforme aux allégations de la Commission.

44.
    La mention des commandes en carnet de la requérante («environ deux semaines d'activité») ne révélerait aucune concertation. En effet, deux semaines de commandes en carnet seraient normales au début de l'année, ce qui constituerait une évidence pour toute personne connaissant le secteur. A cet égard, les clients confrontés à une augmentation des prix de leur fournisseur habituel s'informeraient normalement auprès d'autres producteurs sur le délai de livraison et utiliseraient ensuite l'information obtenue pour refuser ou retarder l'augmentation de prix annoncée. Les informations sur les commandes en carnet des différents producteurs seraient donc rapidement mises à la disposition de l'ensemble du secteur.

45.
    En quatrième lieu, la requérante conteste l'affirmation de la Commission selon laquelle une preuve de sa participation à une collusion sur les prix résulterait de

la «concordance quasiment parfaite» de ses augmentations de prix avec les indications contenues dans l'annexe 111 à la communication des griefs, liste de prix obtenue de Rena. En effet, Rena aurait expliqué qu'elle n'avait pas reçu la liste du NPI, mais d'un autre producteur scandinave, au cours d'une réunion. S'agissant d'une liste non datée, obtenue auprès d'un producteur scandinave inconnu, elle ne pourrait donc être retenue comme preuve contre la requérante. Par ailleurs, la requérante ayant annoncé ses augmentations de prix au Royaume-Uni et en Allemagne respectivement 6 jours et 21 jours après Iggesunds Bruk, son comportement effectif en matière de prix confirmerait l'absence de participation à une concertation en ce domaine.

46.
    En cinquième lieu, la requérante conteste l'exactitude de la conviction de Stora (annexe 38 à la communication des griefs) selon laquelle Finnboard l'aurait informée des résultats des réunions du PWG. La requérante n'aurait jamais été une société membre de Finnboard et celle-ci n'aurait jamais eu qualité pour la représenter. Les éventuels liens entre Finnboard, le PWG, le JMC et le NPI seraient sans pertinence quant à la question de savoir si Finnboard a informé la requérante sur l'issue des réunions du PWG. De plus, Stora n'aurait jamais déclaré que les informations étaient, comme l'affirme la Commission, transmises et discutées dans le cadre des activités du NPI.

47.
    Au demeurant, la Commission n'aurait pas retenu l'annexe en cause comme preuve d'un lien entre le GEP Carton et plusieurs autres producteurs mentionnés par Stora. Celle-ci aurait en effet mentionné, parmi les entreprises prétendumentinformées des résultats des réunions du PWG, non seulement Strömsdahl, entreprise finlandaise membre du NPI, mais également deux sociétés espagnoles non visées par la décision.

48.
    En sixième lieu, la requérante conteste avoir reçu, en raison de son affiliation au NPI, des informations sur les réunions du PWG ou du COE. Elle ne pourrait pas non plus être présumée avoir reçu de telles informations.

49.
    En septième lieu, l'affirmation de la Commission selon laquelle la PC poursuivait une activité illégale avant 1987 (point 35 des considérants de la décision) ne serait pas fondée. L'interprétation des déclarations de Stora faite par la Commission (annexe 39 à la communication des griefs), sur lesquelles celle-ci se serait fondée, ne serait pas correcte.

50.
    Les comptes rendus des réunions de la PC ne seraient pas trompeurs, contrairement à ce qui est affirmé au point 41 des considérants de la décision. Les représentants de la requérante aux réunions de la PC auraient confirmé qu'aucun échange de vues sur les prix n'avait eu lieu en leur présence.

51.
    De plus, la note trouvée chez l'agent commercial de Mayr-Melnhof (annexe 61 à la communication des griefs) ne pourrait pas davantage être considérée comme une preuve que les prix avaient fait l'objet de discussions au sein de la PC. En effet, la

Commission aurait indiqué dans la communication des griefs qu'elle ne savait même pas si la note concernait une réunion de la PC.

52.
    En huitième lieu, la requérante conteste l'exactitude de l'allégation contenue dans la décision (points 38 et 41 des considérants), selon laquelle, d'une part, le PWG faisait rapport à la PC sur l'état précis de l'offre et de la demande et, d'autre part, les directeurs généraux participant aux réunions de la PC étaient informés des décisions en matière de prix arrêtées par le PWG et des informations à transmettre à leur départements des ventes en vue de la mise en oeuvre des initiatives en matière de prix. Cette allégation ne serait pas prouvée par la seule référence aux déclarations de Stora.

53.
    Les quatre exemples invoqués par la Commission dans son mémoire en défense pour établir un lien entre les réunions de la PC, le PWG et le comportement de la requérante en matière de prix n'apporteraient en rien la preuve de cette allégation. Il ne serait en effet pas possible d'établir un lien quelconque entre les réunions de la PC auxquelles la requérante a pris part et son comportement en matière de prix.

54.
    Enfin, en neuvième lieu, la documentation relative aux augmentations de prix ne constituerait pas un indice de la participation de la requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Au contraire, cette documentation révélerait son absence de participation à une infraction quelconque. A cet égard, une comparaison globale de ses propres augmentations de prix avec celles d'Iggesunds Bruk et de Finnboard révélerait des différences considérables quant aux dates et aux montants des augmentations opérées.

55.
    La relative similitude entre les prix d'Iggesunds Bruk et ceux de la requérante dans le contexte de certaines augmentations de prix pourrait s'expliquer par le jeu normal de la concurrence. En effet, en raison des modalités de fonctionnement du marché, la possibilité pour les entreprises d'augmenter leurs prix se serait présentée à peu près au même moment. Pour la requérante, les augmentations de prix auraient ainsi résulté soit des pressions exercées par les coûts de production, soit d'une fluctuation des prix sur le marché. De plus, lorsqu'elle apprenait par sa clientèle et/ou par la presse spécialisée qu'un autre producteur avait annoncé une augmentation des prix, elle se serait efforcée d'exploiter cette annonce afin d'augmenter ses propres prix, si elle estimait que le marché était en mesure d'accepter une telle augmentation.

56.
    Dans ce contexte, un parallélisme de comportement ne pourrait être considéré comme apportant la preuve d'une concertation que si la concertation en constitue la seule explication possible (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307, point 71). A supposer même, quod non, que la Commission disposât d'éléments de preuves autres que la documentation en

matière de prix, il aurait toujours fallu examiner les différentes similitudes de prix afin de vérifier si elles pouvaient s'expliquer autrement que par une concertation.

57.
    Enfin, la requérante procède à un examen très détaillé de chacune des prétendues initiatives concertées en matière de prix auxquelles elle est censée avoir pris part. Elle conclut que cet examen démontre également l'absence de toute participation à une collusion quelconque, car il révélerait pour chacune des augmentations de prix des différences considérables quant aux dates et aux montants des augmentations.

— Arguments de la Commission

58.
    La Commission souligne qu'elle a conclu qu'une infraction unique avait été commise, consistant en un «plan sectoriel commun de restriction de la concurrence», avec augmentations de prix, entente sur les parts de marché, mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché et échange d'informations commerciales afin de soutenir ces actions (points 116 et suivants des considérants de la décision). En outre, tous les destinataires de la décision auraient participé à cette infraction, constituée par la politique du «prix avant le tonnage» (points 129 et suivants des considérants de la décision) appliquée par tous les producteurs. Par conséquent, le fait qu'un producteur spécifique n'ait pas participé à telle ou telle réunion ou n'ait pas mis en oeuvre chacune des actions de l'entente serait sans pertinence.

59.
    La requérante ne pourrait essayer de fractionner les éléments de preuve invoqués contre elle en soutenant que chacun d'entre eux ne démontre rien en soi. Il conviendrait en effet de considérer dans leur ensemble tous les indices d'une participation à l'entente et de déterminer s'il existe suffisamment d'indications concordantes de nature à étayer les allégations de la Commission (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619). Tous les arguments de la Commission devraient être interprétés à la lumière de ces considérations générales, car elle n'aurait jamais affirmé que chacun des éléments de preuve invoqués contre la requérante suffisait pour démontrer l'ensemble des griefs qui étaient formulés contre elle.

60.
    S'agissant des arguments de la requérante portant sur chacun des éléments de preuve, la Commission maintient, en premier lieu, que l'annexe 102 à la communication des griefs (voir ci-dessus point 36) confirme la participation de la requérante à l'infraction.

61.
    Elle rappelle que la convocation à une réunion du 3 octobre 1988 du NPI à l'aéroport d'Arlanda (annexe 101 à la communication des griefs) était adressée notamment à M. Paronen (Enso-Gutzeit) et à M. Kordal (Rena) et que l'annexe 102 à la communication des griefs représente les notes prises par M. Kordal à l'occasion de cette réunion. D'ailleurs, la requérante admettrait que M. Paronen a assisté à une réunion à l'aéroport d'Arlanda le 3 octobre 1988 afin de discuter des

activités «procarton». Or, une référence aux activités «procarton» figurerait dans la note en cause.

62.
    Même si la note concernée ne contient aucune référence au carton SBS en tant que tel, il n'en resterait pas moins que la qualité Ensocoat fabriquée par la requérante ferait directement concurrence à certaines qualités du carton GC 1 destinées à des usages graphiques. La requérante aurait augmenté ses prix dans certains pays en avril 1989 (tableau D annexé à la décision) et elle n'aurait pas eu à augmenter ses prix au Royaume-Uni, du fait qu'elle avait déjà, avec effet au 23 janvier 1989, augmenté ses prix dans ce pays de 50 UKL, soit le montant exact mentionné dans l'annexe 102 à la communication des griefs. Cette augmentation aurait en effet été retardée jusqu'en avril 1989 pour la plupart des clients.

63.
    Enfin, Iggesunds Bruk aurait augmenté ses prix du même montant au Royaume-Uni, avec effet au 9 janvier 1989.

64.
    S'agissant, en second lieu, de l'annexe 133 à la communication des griefs (ci-dessus point 39), l'explication alambiquée d'Iggesund au sujet de la signification du mot «presidents» utilisé dans la note en question ne serait pas plausible, car elle ne trouverait aucune confirmation dans les preuves écrites dont dispose la Commission et serait en fait incompatible avec celles-ci.

65.
    Les éléments de preuve confirmeraient l'accusation selon laquelle l'annexe 133 à la communication des griefs démontreraient qu'il y a eu concertation en ce qui concerne l'augmentation des prix du mois d'avril 1990 au Royaume-Uni pour les qualités graphiques. En effet, les différences relevées par la requérante en ce qui concerne les entreprises ayant annoncé l'augmentation de prix et les dates de ces annonces ne contrediraient pas l'existence d'une collusion. Il aurait été convenu au sein du PWG, pour chaque initiative en matière de prix, l'ordre d'annonce des augmentations de prix par les membres du PWG, alors que les autres entreprises pouvaient choisir le moment d'annoncer leur propre augmentation (points 72 et 73 des considérants de la décision). Par conséquent, la nature de l'augmentation des prix d'avril 1990 serait une preuve solide de l'existence d'une collusion.

66.
    Le fait que l'auteur de l'annexe 133 à la communication des griefs ait assisté régulièrement aux réunions de la Paper Agents Association et en particulier à celles où l'augmentation des prix du mois d'avril 1990 a été programmée et le fait que la date de la note soit proche de celle de la réunion du JMC pertinente seraient des éléments confirmant que la note peut être utilisée en tant que preuve de la concertation. Dans ce contexte, il serait sans pertinence que la requérante n'a pas participé aux réunions du JMC et qu'elle n'a pas participé aux réunions de la Paper Agents Association en cause. En effet, bien que n'ayant pas participé à l'ensemble des activités de l'entente, la requérante aurait eu un rôle dans l'ensemble du dispositif (point 121 des considérants de la décision).

67.
    Les similitudes frappantes entre les prix mentionnés dans l'annexe 133 à la communication des griefs et ceux mentionnés dans d'autres pièces à conviction (annexes 113 et 130 à la communication des griefs) corroboreraient encore le bien-fondé des allégations de la Commission relativement à la collusion en matière de prix d'avril 1990.

68.
    Enfin, tous les producteurs mentionnés dans l'annexe 133 à la communication des griefs auraient augmenté leurs prix de catalogue pour le Royaume-Uni de montants similaires ou identiques. Les augmentations de prix au Royaume-Uni se seraient situées dans une fourchette de 50 à 60 UKL pour les différentes qualités (documents F-5-6, F-12-7 à F-12-9 et F-3-2 des annexes sur les prix) et — ce qui serait déterminant — les augmentations de prix en pourcentage de la requérante, de Finnboard et d'Iggesunds Bruk pour les qualités pertinentes correspondraient étroitement. En effet, Finnboard aurait augmenté ses prix pour les qualités graphiques de 8,5 %, soit la même augmentation que la requérante, et Iggesunds Bruk aurait augmenté ses prix de 8 %. Les similitudes des augmentations de prix seraient encore plus frappantes pour d'autres années, car la requérante et Iggesunds Bruk auraient augmenté leurs prix de 50 UKL au mois d'octobre 1988 et de 60 UKL au mois d'octobre 1989. A l'égard de cette dernière augmentation de prix, il conviendrait de tenir compte également du fait que les augmentations de prix de la requérante correspondaient à celles figurant dans l'annexe 111 à la communication des griefs (ci-après points 72 et suivants).

69.
    En troisième lieu, en ce qui concerne l'annexe 44 à la communication des griefs,la Commission souligne que le nom de la requérante figure sur une liste de nombreux producteurs avec des informations sur les prix, les commandes en carnet et les temps d'arrêt, informations qui ne pourraient être considérées comme étant de notoriété publique. Dans ces conditions, il importerait peu qu'il ait été bien connu que les prix de la requérante en 1986 étaient identiques à ceux de 1985 et que la référence aux prix de la requérante puisse être considérée comme innocente en soi.

70.
    La requérante aurait effectivement augmenté ses prix en décembre 1986 en même temps que les autres producteurs des qualités graphiques du carton GC et du carton SBS. Dès lors, la preuve d'une concertation fournie par la note de l'agenda serait confirmée par les augmentations de prix appliquées par les producteurs pertinents.

71.
    Le niveau des commandes en carnet de la requérante, mentionné dans l'annexe 44 à la communication des griefs, ne saurait par ailleurs être considéré comme une information de notoriété publique.

72.
    Pour ce qui est, en quatrième lieu, de la liste de prix obtenue de Rena (annexe 111 à la communication des griefs), la Commission rappelle que, selon Rena, cette liste a été transmise à son directeur général de l'époque lors de rencontres à Stockholm avec d'autres producteurs scandinaves à l'occasion d'une réunion du NPI (point 80

des considérants de la décision). La liste aurait été trouvée parmi des documents relatifs au NPI et Rena n'aurait pas été en mesure d'indiquer précisément où elle l'avait reçue et de qui elle la tenait, bien que la personne concernée n'ait pas pensé l'avoir reçue du NPI lui-même.

73.
    Cette liste de prix serait une forte preuve de la concertation, car les augmentations de prix de la requérante en octobre 1989 sur tous les marchés auraient été dans presque tous les cas identiques à celles mentionnées dans ladite liste pour le carton SBS couché (voir tableau E annexé à la décision). Les augmentations de prix annoncées par les autres producteurs auraient également correspondu à celles de la liste. Dans ces conditions, les différences entre les dates des annonces d'augmentation des prix invoquées par la requérante seraient dénuées de pertinence.

74.
    En cinquième lieu, la Commission maintient que la déclaration de Stora (annexe 38 à la communication des griefs) selon laquelle la requérante était informée des résultats des réunions du PWG par Finnboard constitue une preuve supplémentaire de sa participation à l'entente. En effet, le représentant de Finnboard aurait présidé le NPI, dont la requérante était membre, et il aurait représenté le NPI au PWG et au JMC. Il aurait même présidé le PWG à partir de mai 1988. De plus, la manière dont les informations étaient, selon Stora, transmises et discutées dans le cadre du NPI serait corroborée par d'autres éléments de preuve, tels que l'annexe 102 à la communication des griefs (voir ci-dessus points 60 et suivants), la remise à Rena de listes de prix à l'occasion des réunions du NPI et la reconnaissance par Fiskeby de ce que telle était effectivement la pratique (point 46 des considérants de la décision).

75.
    La Commission souligne qu'elle n'établit pas un lien entre la requérante et l'entente en raison de sa seule appartenance à une association professionnelle.

76.
    S'agissant, en sixième lieu, de l'appartenance de la requérante au NPI, la Commission relève que, s'il est vrai que l'on ne peut pas déduire de l'appartenance d'une entreprise à une association professionnelle que cette entreprise a connaissance de toutes les informations en la possession de l'association, il existe en l'espèce de nombreuses preuves montrant que la requérante, membre du conseil d'administration et du Marketing Committee du NPI, a obtenu les informations pertinentes et a agi en conséquence.

77.
    En septième lieu, la Commission maintient l'affirmation contenue dans la décision, fondée sur les déclarations de Stora, selon laquelle les réunions de la PC avaient un objet anticoncurrentiel. Le caractère anodin des procès-verbaux des réunions de la PC ne serait pas pertinent, les membres d'une entente s'efforçant évidemment de dissimuler son existence. Cependant, en l'espèce, la vraie nature des discussions au sein de la PC serait démontrée par les déclarations de Stora. Ces déclarations seraient corroborées, d'une part, par la déclaration de M. Roos (un ancien membre

du directoire de Feldmühle, du groupe Stora) fournie à la Commission par Weig et, d'autre part, par la note trouvée chez l'agent commercial de Mayr-Melnhof (annexe 61 à la communication des griefs).

78.
    En huitième lieu, la Commission réfute l'affirmation de la requérante selon laquelle il n'est pas prouvé que les résultats des réunions du PWG ont été communiqués aux autres entreprises lors des réunions de la PC. En effet, d'après Stora, la PC aurait débattu de la situation en matière de prix ainsi que de la surcapacité. A partir de 1986, le PWG aurait expliqué à la PC l'état précis de l'offre et de la demande sur le marché et les mesures à prendre pour le réguler. Les participants aux réunions de la PC auraient donc été informés des décisions prises par le PWG, notamment en matière de prix, et des instructions à donner à leurs agents commerciaux pour mettre en oeuvre ces décisions. A la lumière des déclarations de Stora, Enso-Gutzeit ne pourrait donc prétendre n'avoir jamais participé à des discussions sur les prix au sein de la PC.

79.
    Les explications de Stora seraient confirmées par la déclaration de M. Roos (voir ci-dessus point 77). Il en ressortirait que, lorsqu'une réunion de la PC suivait une réunion du PWG, le contenu des débats de cette dernière réunion était rapporté à la PC.

80.
    La Commission donne des exemples des relations entre certaines des réunions de la PC, du PWG et le comportement en matière de prix de la requérante. La constatation selon laquelle la requérante aurait été informée des décisions en matière de prix adoptées par le PWG serait corroborée par les augmentations de prix annoncées et mises en oeuvre par elle postérieurement aux réunions de la PC.

81.
    Enfin, en neuvième lieu, la Commission rappelle que la date précise à laquelle une augmentation de prix proposée prenait effet pouvait varier en fonction du client, du produit ou du marché national en cause (point 72 des considérants de la décision). Cette date aurait même pu varier d'une entreprise à l'autre, puisque l'une des entreprises prenait l'initiative de l'augmentation des prix et les autres suivaient (point 73 des considérants de la décision). Il serait donc inévitable qu'une analyse des augmentations de prix révèle des différences entre les entreprises.

82.
    L'arrêt Ahlström Osykeyhtiö e.a./Commission, précité, invoqué par la requérante, ne serait pas pertinent en l'espèce. Cet arrêt aurait uniquement concerné la question de savoir si un parallélisme en matière de prix pouvait, en lui-même, constituer la preuve d'une concertation. En revanche, en l'espèce, les activités de fixation des prix des membres du GEP Carton devraient être envisagées à la lumière de l'ensemble des preuves et, dès lors qu'il existerait de nombreuses preuves d'une collusion, les similitudes de prix corroboreraient ces preuves et ne pourraient être expliquées par référence à un simple parallélisme.

83.
    La comparaison méticuleuse, par la requérante, de ses propres augmentations de prix avec celles d'Iggesunds Bruk et de Finnboard ne révélerait que des différences entre les dates d'annonces d'importance mineure.

Appréciation du Tribunal

84.
    Aux termes de l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, durant la période de référence, à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté ont notamment «décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale», «ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté», «se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles», et «ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées».

85.
    La Commission expose dans la décision les éléments qu'elle a retenus pour établir la participation de la requérante aux collusions dénoncées dans le dispositif.

86.
    Le point 121 des considérants énonce:

«[... La requérante] a uniquement participé aux 'President Conferences‘ et était le seul producteur qui ne participait à aucune réunion du JMC. Pour prouver sa participation à l'infraction, la Commission ne se fonde cependant pas uniquement sur le fait qu'Enso-Gutzeit assistait aux 'President Conferences‘. Le fait qu'[elle] était membre à la fois du conseil d'administration et du 'Marketing Committee‘ du NPI, organe dont le rôle dans la collusion est amplement démontré, sa participation à la réunion d'Arlanda relevée par Rena (considérant 58), les différentes mentions figurant dans la note d'Iggesund sur l'augmentation des prix d'avril 1990 (considérant 97) et (dans la mesure où ils sont disponibles) ses propres documents commerciaux, qui révèlent non seulement la similarité constante de ses augmentations de prix avec celles de l'autre grand producteur de SBS, Iggesunds Bruk, mais aussi, pour octobre 1989, une concordance quasiment parfaite avec la liste de prix du NPI obtenue de Rena (considérant 80), sont autant de preuves de sa participation. L'accumulation de ces différentes preuves directes et indirectes fait que l'on ne peut raisonnablement douter de la participation d'Enso-Gutzeit à un système de collusion.»

87.
    Afin d'apprécier si la Commission a prouvé la participation de la requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, pour la période allant du milieu de l'année 1986 au mois d'avril 1991, il y a lieu d'examiner, premièrement, l'objet des réunions de la PC, organe auquel la requérante a participé durant la période en

cause, deuxièmement, les preuves invoquées par la Commission se référant directement à la requérante, troisièmement, la question de savoir si la requérante a pris part à l'entente dénoncée en sa qualité de membre du NPI et, enfin, quatrièmement, le comportement effectif de la requérante en matière de prix.

— Sur l'objet des réunions de la PC

88.
    Il est constant que la requérante a participé, de manière régulière, aux réunions de cet organe (voir tableau 3 annexé à la décision). Toutefois, la Commission n'invoque aucun élément de preuve de l'objet des réunions auxquelles il est établi que la requérante a participé. Dès lors, quand elle se réfère à cette participation comme élément de preuve de la participation de l'entreprise à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, elle se fonde nécessairement sur la description générale, contenue dans la décision, de l'objet des réunions de cet organe, ainsi que sur les éléments de preuve invoqués dans la décision pour étayer ladite description.

89.
    A cet égard, les objectifs et activités de la PC, spécifiquement relatés aux points 41 à 43 des considérants de la décision, sont décrits sur la base des déclarations de Stora (annexe 39 à la communication des griefs). La Commission soutient que, selon l'aveu de Stora, «la 'President Conference‘ discutait en fait d'une politique collusive de fixation des prix» (point 41, troisième alinéa, des considérants; voir également point 75, deuxième alinéa, des considérants). Cet aveu serait corroborépar une note découverte chez l'agent commercial au Royaume-Uni de Mayr-Melnhof (annexe 61 à la communication des griefs). De plus, les directeurs généraux ayant participé aux réunions de la PC auraient été informés des décisions prises par le PWG et des instructions à transmettre à leurs départements des ventes en vue de mettre en oeuvre les initiatives en matière de prix (point 41, premier alinéa, des considérants). Il est également précisé que le PWG soumettait à la PC son évaluation de «l'état précis de l'offre et de la demande sur le marché ainsi que [des] mesures à prendre pour le réguler» (point 38, premier alinéa, des considérants de la décision).

90.
    Enfin, il ressort du point 53, premier alinéa, des considérants de la décision qu'une note confidentielle, datée du 28 décembre 1988, adressée par le directeur commercial responsable des ventes du groupe Mayr-Melnhof en Allemagne (M. Katzner) au directeur général de Mayr-Melnhof en Autriche (M. Gröller) (annexe 73 à la communication des griefs), confirme que, «à la fin de 1987, un acccord avait été conclu dans le cadre de la 'President Conference‘ et du PWG sur les questions liées de la régulation des volumes et de la discipline des prix».

91.
    La Commission fonde, en premier lieu, son affirmation relative à l'objet anticoncurrentiel des réunions de la PC sur les déclarations de Stora. Toutefois, l'exactitude de cette affirmation est contestée par plusieurs des entreprises ayant participé aux réunions de la PC, dont la partie requérante. Par conséquent, les déclarations de Stora relatives au rôle de la PC ne peuvent pas, sans être étayées

par d'autres éléments de preuve, être considérées comme constituant une preuve suffisante de l'objet des réunions dudit organe.

92.
    L'annexe 61 à la communication des griefs (ci-dessus point 68) est un document qui se réfère à une réunion tenue à Vienne les 12 et 13 décembre 1986. Il contient l'information suivante:

«Politique des prix au Royaume-Uni

Le représentant de Weig était présent à une récente réunion Fides au cours de laquelle il a déclaré qu'ils pensaient que 9 % était un pourcentage trop élevé pour le Royaume-Uni et qu'ils tranchaient à 7 %!! La déception est grande, car cela signifie un 'niveau de négociation‘ pour tout le monde. La politique des prix au Royaume-Uni sera confiée à RHU avec le soutien de [Mayr-Melnhof] même si cela entraîne une réduction temporaire du tonnage tandis que nous nous efforçons de maintenir l'objectif des 9 % (ce qui se verra). [Mayr-Melnhof/FS] poursuivent une politique de croissance au Royaume-Uni mais la baisse des profits est sérieuse et nous devons nous battre pour reprendre le contrôle sur les prix. [Mayr-Melnhof] ne conteste pas que le fait que l'on sache qu'ils aient augmenté leurs tonnes en Allemagne de 6 000 n'arrange rien!»

93.
    La réunion Fides à laquelle il est fait référence au début du passage cité est probablement, selon Mayr-Melnhof (réponse à une demande de renseignements, annexe 62 à la communication des griefs), la réunion de la PC du 10 novembre 1986. Or, le tableau 3 annexé à la décision révèle que la requérante n'était pas présente à cette réunion.

94.
    Il y a lieu de constater que le document analysé atteste que Weig a réagi en donnant des indications sur sa future politique de prix au Royaume-Uni par rapport à un niveau initial d'augmentation des prix.

95.
    Il ne peut toutefois pas être considéré comme prouvant que Weig a réagi par rapport à un niveau déterminé d'augmentation de prix convenu entre les entreprises réunies au sein du GEP Carton à une date antérieure au 10 novembre 1986.

96.
    En effet, la Commission ne se prévaut d'aucun autre élément de preuve en ce sens. De plus, la référence de Weig à une augmentation de prix de «9 %» peut s'expliquer par l'annonce d'une augmentation de prix au Royaume-Uni de Thames Board Ltd le 5 novembre 1986 (annexe A-12-1). Cette annonce a été rendue publique dans un bref délai, ainsi que cela ressort d'une coupure de presse (annexe A-12-3). Enfin, la Commission n'a produit aucun autre document susceptible de constituer une preuve directe de ce que des discussions sur les augmentations de prix auraient eu lieu lors des réunions de la PC. Dans ces conditions, il ne peut être exclu que les propos de Weig, tels que relatés dans l'annexe 61 à la communication

des griefs, aient été tenus en marge de la réunion de la PC du 10 novembre 1986, ainsi que Weig l'a itérativement soutenu lors de l'audience.

97.
    Quant à l'annexe 73 à la communication des griefs, dont se prévaut la Commission dans la décision (ci-dessus point 90), le Tribunal relève que l'auteur du document évoque, en guise d'introduction, la coopération plus étroite à l'échelle européenne au sein du «cercle des présidents» («Präsidentenkreis»), expression interprétée par Mayr-Melnhof comme visant à la fois le PWG et la PC dans un contexte général, c'est-à-dire sans référence à un événement ou à une réunion particulière (annexe 75 à la communication des griefs, point 2.a).

98.
    S'il n'est pas contesté dans le cadre de la présente affaire que l'annexe 73 à la communication des griefs constitue une preuve corroborant les déclarations de Stora relatives à l'existence d'une collusion sur les parts de marché entre les entreprises admises au sein du «cercle des présidents», d'une part, et d'une collusion sur les temps d'arrêt entre ces mêmes entreprises, d'autre part, la Commission ne produit toutefois aucun autre élément de preuve confirmant que la PC a eu pour objet, notamment, de discuter de la collusion sur les parts de marché et de la régulation des volumes de production. Par conséquent, les termes «cercle des présidents» («Präsidentenkreis») employés dans l'annexe 73 à la communication des griefs ne sauraient, malgré les explications fournies par Mayr-Melnhof, être interprétés comme comportant une référence à des organes autres que le PWG.

99.
    Enfin, l'allégation de Stora selon laquelle la PC a eu notamment pour fonction d'informer les directeurs généraux des décisions prises par le PWG et des instructions à transmettre à leurs départements des ventes en vue de mettre en oeuvre les initiatives en matière de prix (annexe 39 à la communication des griefs, point 8) ne peut être considérée comme confortée par la déclaration, du 22 mars 1993, d'un ancien membre du directoire de Feldmühle, M. Roos.

100.
    Dans sa déclaration communiquée à la requérante durant la procédure administrative, à laquelle se réfère la Commission (voir ci-dessus point 77), M. Roos indique notamment: «Le contenu des discussions conduites au sein du PWG était transmis aux entreprises qui n'étaient pas représentées dans ce groupe lors de la conférence des Présidents qui suivait immédiatement, ou bien, s'il n'y avait pas immédiatement de conférence des Présidents, lors du JMC.» Ce document, qui n'est pas expressément invoqué dans la décision à l'appui des allégations de la Commission concernant l'objet des réunions de la PC, ne peut, en tout état de cause, être considéré comme constituant une preuve supplémentaire s'ajoutant aux déclarations de Stora. En effet, ces déclarations étant une synthèse des réponses fournies par chacune des trois entreprises détenues par Stora durant la période d'infraction, dont Feldmühle, l'ancien membre du directoire de cette dernière entreprise constitue nécessairement l'une des sources des déclarations de Stora elle-même.

101.
    Au vu de ce qui précède, il n'est pas établi que la requérante ait participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité du fait de sa présence aux réunions de la PC.

— Sur les preuves directes

102.
    Pour prouver la participation de la requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, la Commission invoque, dans la décision, deux documents mentionnant expressément la requérante. Ces documents, à savoir les annexes 44 et 133 à la communication des griefs, constituent, selon elle, une preuve directe de la participation de la requérante à une collusion à objet anticoncurrentiel. Ils seront examinés séparément.

103.
    S'agissant tout d'abord de l'annexe 44 à la communication des griefs, note manuscrite couvrant les pages du 15 au 17 janvier 1987 de l'agenda d'un employé de Feldmühle (du groupe Stora), la Commission considère qu'elle constitue «une preuve supplémentaire de la concertation» sur l'augmentation des prix au Royaume-Uni de janvier 1987 (point 75, troisième alinéa, des considérants de la décision).

104.
    Cependant, cette note n'a pas le caractère probant que lui attribue la défenderesse. Elle est constituée par des commentaires manuscrits qui mentionnent plusieurs producteurs de carton ainsi que des données, généralement historiques, sur les prix et les temps d'arrêt. Cependant, il n'est pas possible de déterminer son origine à partir des données qu'elle contient, ni si elle a été rédigée lors d'une réunion ou lors d'une conversation téléphonique ou s'il s'agit des commentaires apportés pour constituer un aide mémoire pour son auteur.

105.
    A supposer même qu'elle concerne une réunion, celle-ci n'est pas identifiée, de sorte qu'il ne saurait être exclu qu'il se soit agi d'une réunion interne à l'entreprise Feldmühle. De plus, datant probablement du milieu de janvier 1987, elle ne prouve pas que l'application de l'augmentation de prix, «y compris par TBM», ait résulté d'une concertation, cette indication pouvant n'être qu'une simple constatation. Il ressort en effet du tableau A annexé à la décision que Thames Board Mills Ltd («TBM») avait annoncé une augmentation de ses prix au Royaume-Uni le 5 novembre 1986 (voir également annexe A-12-1).

106.
    Certaines indications contenues dans la note sont même de nature à contredire l'affirmation de la Commission selon laquelle ladite note confirmerait l'existence d'une collusion quant à la décision d'augmenter les prix au Royaume-Uni. En particulier, les remarques selon lesquelles le directeur de Feldmühle s'était déclaré «sceptique» à l'égard de Kopparfors (du groupe Stora) et avait considéré Mayr-Melnhof comme «irresponsable» («ohne Verantwortung») ne peuvent pas être considérées comme étayant la thèse de la Commission. Il en est de même en ce qui

concerne la mention: «Finnboard: Preisautonomie auch f. Tako» («Finnboard: autonomie de prix également pour Tako»).

107.
    En outre, en ce qui concerne la requérante, il est indiqué:

«Enso production au-dessous du plan en 1986

86 même prix moyen qu'en 85 [...]

environ deux semaines d'activité.»

108.
    Le fait que ces renseignements relatifs à la requérante soient contenus dans un document rédigé, probablement au milieu du mois de janvier 1987, par une entreprise concurrente ne saurait constituer la preuve de la participation de la requérante à une concertation entre entreprises. En effet, ces renseignements ont pu être obtenus auprès des clients de Feldmühle.

109.
    L'unique information concernant la requérante qui n'apparaît pas comme revêtant un caractère historique, à savoir celle relative à l'état de ses commandes en carnet, n'est pas d'une précision telle qu'elle doive être nécessairement considérée comme émanant de la requérante. Dans ce contexte, il importe de relever que la Commission a contesté, sans toutefois étayer cette contestation, l'allégation de la requérante, à première vue plausible, selon laquelle les clients des fabricants de carton disposaient, de façon générale, d'informations concernant l'état des commandes en carnet de leurs fournisseurs.

110.
    Enfin, la requérante, se fondant sur un document descriptif de l'évolution des prixqu'elle a appliqués à l'un de ses clients britanniques, affirme avoir augmenté ses prix du carton SBS au Royaume-Uni en décembre 1986 d'un montant de 10 UKL/tonne. Cette augmentation s'avère donc bien inférieure à celle prétendument convenue entre les entreprises réunies au sein du GEP Carton (voir point 74, dernier alinéa, des considérants de la décision). La Commission n'ayant fourni aucun élément de preuve réfutant cette affirmation, le Tribunal considère comme dépourvue de tout fondement à l'égard de la requérante l'allégation de la Commission selon laquelle l'annexe 44 à la communication des griefs constitue une preuve supplémentaire de la concertation sur l'augmentation de prix au Royaume-Uni en janvier 1987.

111.
    Au vu des considérations qui précèdent, l'annexe 44 à la communication des griefs ne prouve pas la participation de la requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

112.
    S'agissant ensuite de l'annexe 133 à la communication des griefs, un document découvert chez Iggesund Board Sales Ltd, la Commission explique (point 97, premier et cinquième alinéas, des considérants de la décision):

«Une autre note découverte chez Iggesund Board Sales au cours des vérifications indique clairement l'existence d'une collusion en matière de prix entre les

producteurs de cartons couchés à usage graphique (dont le SBS et le GC de qualité supérieure) à l'occasion de l'augmentation de prix qui est entrée en vigueur au Royaume-Uni le 2 avril 1990. Outre un certain nombre de notes concernant le montant de l'augmentation de prix, deux références aux 'presidents‘ et une mention de 'Enso/Finnboard/Strömsdahl‘, la note contient une liste de noms de cadres commerciaux ou de directeurs de Iggesund, Kopparfors, Enso-Gutzeit et Finnboard. Ces producteurs sont les principaux fournisseurs de qualités graphiques au Royaume-Uni.

[...]

Il existe un certain nombre de similitudes frappantes entre les prix pour le Royaume-Uni qui figurent dans cette note, ceux indiqués dans la note de [Mayr-Melnhof] du JMC du 11 janvier 1990 (considérant 84) et ceux figurant dans la note de Kopparfors du 23 janvier 1990 concernant la [Paper Agents Association].»

113.
    Il convient de relever que, selon Iggesunds Bruk, le document a été rédigé entre le 3 et le 14 janvier 1990 (point 97, quatrième alinéa, des considérants de la décision). Cette période précède donc les dates auxquelles Iggesunds Bruk et la requérante ont annoncé une augmentation de prix devant entrer en vigueur au mois d'avril 1990, soit respectivement les 24 janvier et 9 février 1990.

114.
    Cette annexe, non datée, consiste en une feuille de papier, en apparence divisée en trois parties, contenant des annotations manuscrites rédigées de manière particulièrement désordonnée. Les mots et chiffres écrits sur cette feuille, tels que «SBS», «Presidents», «Anything Goes», «Buddy», «780», «805/850», «£55/850», «£815/35» ne présentent pas de liens apparents entre eux. Au vu de cette feuille, il n'est pas possible de savoir si les notes qu'elle contient ont été prises lors d'une réunion avec des concurrents ou à l'occasion d'une conversation téléphonique avec l'un de ceux-ci. Il pourrait donc s'agir de notes à caractère historique destinées à constituer un aide-mémoire. Il est par ailleurs impossible de déterminer si tous les mots et chiffres ont été notés le même jour.

115.
    Dans de telles circonstances, l'annexe 133 à la communication des griefs ne peut pas être considérée comme prouvant la participation de la requérante à une collusion sur l'augmentation de prix mise en oeuvre au mois d'avril 1990.

116.
    L'utilisation du terme «presidents», la mention des entreprises «Enso/Finnboard/Strömsdahl», ainsi que le fait que le document contient une liste de noms de cadres commerciaux ou de directeurs d'Iggesunds Bruk, de Kopparfors, d'Enso-Gutzeit et de Finnboard ne constituent pas, en eux-mêmes, des éléments susceptibles d'étayer la thèse de la Commission selon laquelle le document démontrait une collusion sur les prix entre les entreprises mentionnées. En effet, à supposer même que le terme «presidents» doive être considéré comme une référence à la PC, ce qui est contesté tant par la requérante que par MoDo (point

97, deuxième alinéa, des considérants), il suffirait de rappeler que la Commission n'a pas établi que les réunions de cet organe avaient un objet anticoncurrentiel.

117.
    Les indications contenues dans le document sur les prix et les augmentations de prix des différentes qualités de carton (GC 1, GC 2 et SBS) n'étayent pas davantage la thèse de la Commission.

118.
    S'il est certes vrai que le document contient plusieurs chiffres qui pourraient se référer aux prix des différentes qualités de carton et aux augmentations de prix prévues, il n'en reste pas moins qu'aucun chiffre précis ne peut être rapporté aux prix ou aux augmentations des prix d'une entreprise spécifique. Plus particulièrement, l'annexe 133 à la communication des griefs ne contient pas la moindre indication susceptible d'être interprétée comme se rapportant à l'augmentation de prix au Royaume-Uni, d'un montant de 69 UKL/tonne, annoncée par la requérante le 9 février 1990. Ce montant, indiqué par la requérante dans ses écritures devant le Tribunal, n'a pas été contesté par la Commission.

119.
    En outre, les différences existant entre les augmentations de prix annoncées respectivement par Iggesunds Bruk et par la requérante sont d'une telle ampleur qu'elles ne peuvent pas se concilier avec l'affirmation de la Commission selon laquelle «[l]es fournisseurs de carton de qualité graphique mentionnés dans la note d'Iggesund ont tous augmenté leurs prix de catalogue pour le Royaume-Uni de montants similaires ou identiques» (point 97, sixième alinéa, des considérants de la décision).

120.
    En effet, le montant de l'augmentation du prix du carton SBS de 69 UKL/tonne annoncée par la requérante le 9 février 1990 diffère de celle annoncée par Iggesunds Bruk le 24 janvier 1990, dont le montant a été de 50 UKL/tonne. La différence entre les montants de ces deux augmentations est telle que ces montants ne sauraient être qualifiés de «similaires» ou d'«identiques».

121.
    De plus, bien que la Commission se soit référée, dans la décision, aux montants des augmentations de prix annoncées, elle a affirmé dans ses écritures devant le Tribunal que le montant de l'augmentation de prix annoncée par Iggesunds Bruk au Royaume-Uni correspondait à une augmentation de prix de 8 % et que cette augmentation devait être considérée comme «similaire» à celle de 8,5 % annoncée par la requérante. Toutefois, indépendamment de la question de savoir si l'on peut procéder à une comparaison des augmentations de prix exprimées en pourcentage, l'affirmation de la Commission s'avère matériellement inexacte. Il ressort en effet de la documentation relative aux prix annexée à la communication des griefs (annexe F-12-6) que le prix de catalogue d'Iggesunds Bruk pour le carton SBS s'élevait, avant l'augmentation concernée, à 800 UKL/tonne. L'augmentation de son prix du carton SBS de 50 UKL/tonne correspond donc à une augmentation du prix de 6,25 %. Il s'ensuit que, même exprimées en pourcentage, les deux augmentations en cause ne sauraient être qualifiées de «similaires» ou d'«identiques».

122.
    Enfin, l'allégation de la Commission selon laquelle il existerait des «similitudes frappantes» entre les prix figurant dans l'annexe 133 à la communication des griefs et ceux figurant, d'une part, dans une note de Mayr-Melnhof du 11 janvier 1990 sur une réunion du JMC (annexe 113 à la communication des griefs) et, d'autre part, dans une note de Kopparfors du 23 janvier 1990 concernant une réunion de la Paper Agents Association (annexe 130 à la communication des griefs) est dénuée de pertinence à l'égard de la requérante, celle-ci n'ayant jamais assisté aux réunions desdits organes.

123.
    Au surplus, le document en cause contient plusieurs indications manuscrites sans aucun lien avec les prix des produits de carton.

124.
    Au vu de ces éléments, le Tribunal constate que l'annexe 133 à la communication des griefs est dépourvue de valeur probante en tant que preuve d'une participation de la requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

125.
    Il résulte de ce qui précède que les pièces mentionnant expressément la requérante ne constituent pas des indices d'une participation de celle-ci à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

— Sur la qualité de membre du NPI

126.
    Pour prouver la participation de la requérante à l'infraction, la Commission souligne, au point 121 des considérants de la décision, qu'elle «était membre à la fois du conseil d'administration et du 'Marketing Committee‘ du NPI, organe dont le rôle dans la collusion est amplement démontré».

127.
    Il est allégué que des représentants du NPI ont participé aux réunions de la PC et du COE (point 42, second alinéa, des considérants, tableaux 3 et 6 annexés à la décision). Le NPI n'ayant pas été représenté séparément au sein du PWG et du JMC, la Commission soutient que les représentants de Finnboard au sein de ces organes y ont participé en tant que représentants du NPI ainsi qu'à titre individuel et que la requérante était informée par Finnboard des décisions prises au sein desdits organes (voir, notamment, points 38, quatrième alinéa, et 46, premier alinéa, des considérants). En ce qui concerne le COE, la Commission semble soutenir que la requérante a été informée des résultats des réunions de cet organe par le représentant du NPI qui y avait pris part (point 50, quatrième alinéa, des considérants).

128.
    Il convient tout d'abord de relever que la Commission a expressément admis dans ses mémoires que, même si elle considère avoir démontré le rôle joué par le NPI dans l'infraction, la seule appartenance de la requérante au NPI ne constitue pas une preuve suffisante de sa participation à l'infraction constatée. Il s'ensuit que, selon la Commission elle-même, il est nécessaire d'établir que la requérante a effectivement été informée des décisions prises au sein du PWG, du JMC ou, le cas

échéant, du COE par un représentant du NPI ou par le représentant d'une entreprise membre du NPI ayant également participé aux réunions desdits organes. Dans ce contexte, il importe de souligner que la Commission n'a pas non plus considéré que la participation à l'infraction constatée des autres membres du NPI pouvait être déduite de leur seule appartenance à cette association. Par exemple, Rena n'a été considérée comme ayant pris part à l'infraction constatée à l'article 1er de la décision qu'à partir du mois de mars 1988, bien qu'elle ait été membre du NPI pendant toute la période visée par la décision.

129.
    Dans ces conditions, les éléments de preuve invoqués par la Commission à l'appui de sa thèse selon laquelle la requérante a été informée des décisions prises au sein du PWG, du JMC ou du COE, à savoir les annexes 38, 102 et 111 à la communication des griefs, seront examinés successivement.

130.
    L'annexe 38 à la communication des griefs, déclaration de Stora, fournit des indications concernant les producteurs informés des résultats des réunions du PWG:

«Les producteurs scandinaves étaient généralement informés du résultat des réunions par le représentant scandinave qui était le représentant de Finnboard. C'est de cette façon que Kopparfors a été tenue informée. Les producteurs de Stora ont compris que les autres producteurs scandinaves informés étaient [Rena] (Norvège), [Strömsdahl] et Enso (tous deux finlandais).»

131.
    Ainsi que cela ressort clairement des termes de cette déclaration, Stora ne fait étatque d'une croyance selon laquelle la requérante aurait été informée des résultats des réunions du PWG. Le fondement de cette croyance n'est d'ailleurs pas indiqué. Dans ces conditions, cette déclaration ne peut constituer la preuve d'une participation de la requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Cette conclusion s'impose d'autant plus que, dans l'annexe 38 à la communication des griefs, Stora met en cause non seulement une autre entreprise membre du NPI qui n'est pas visée par la décision (Strömsdahl), mais également deux entreprises espagnoles membres du GEP Carton qui n'ont pas, dans la décision, été considérées comme ayant participé à une infraction quelconque.

132.
    S'agissant de l'annexe 102 à la communication des griefs, la Commission soutient que ce document, obtenu de Rena, contient les notes prises à l'occasion de discussions ayant eu lieu lors de la réunion du 3 octobre 1988 du «Marketing Committee» du NPI à l'aéroport d'Arlanda. Elle expose que ce document confirme que des arrêts de production ont été envisagés dans le contexte de l'augmentation de prix d'avril 1989 (point 58, deuxième et troisième alinéas, des considérants de la décision). La requérante, présente à cette réunion, a indiqué que l'objet de celle-ci était, notamment, le financement de la campagne publicitaire «procarton». Quant à la Commission, elle a précisé lors de l'audience que le représentant de Rena, qui lui avait soumis ce document, avait déclaré qu'il était annexé à l'invitation à la réunion en cause.

133.
    Afin d'apprécier si ce document prouve que la requérante a été informée, lors de la réunion du NPI du 3 octobre 1988, d'une collusion entre les entreprises réunies au sein du GEP Carton par un représentant du NPI ou par un représentant d'une entreprise membre du NPI ayant participé au PWG, au JMC ou au COE, il convient d'examiner s'il est établi que les notes ont été prises lors de ladite réunion.

134.
    A cet égard, il y a lieu de constater que l'annexe 102 à la communication des griefs ne contient pas de références spécifiques au NPI. Cependant, il est indiqué dans ce document:

«Comment? PRO-CARTON dans un contexte nordique. Comment commercialiser et à qui. Doit être clarifié avant la réunion d'Helsinki.»

135.
    Cette indication pourrait impliquer que l'annexe 102 à la communication des griefs relate effectivement les propos tenus lors de la réunion du NPI du 3 octobre 1988, en raison de la référence à «procarton» et de l'objet de la réunion allégué par la requérante.

136.
    Toutefois, la requérante ayant contesté sa participation aux discussions à objet anticoncurrentiel relatées par ce document, qui ne contient aucune référence explicite ou implicite à son nom ou à la qualité de carton qu'elle fabrique, il ne peut pas être exclu qu'il s'agisse d'une note relatant des discussions que Rena a eues, hors du cadre du NPI et sans la participation de la requérante, avec un ou plusieurs autres producteurs scandinaves. A cet égard, il y a lieu de rappeler, d'une part, que la Commission n'a fourni aucun autre élément de preuve susceptible d'établir que des discussions à objet anticoncurrentiel ont eu lieu lors des réunions du NPI et, d'autre part, que les explications du «managing director» de Rena au sujet de l'origine des listes de prix faisant l'objet des annexes 110 et 111 à la communication des griefs (voir ci-après point 139) semblent démontrer que les réunions du NPI ont constitué l'occasion pour les entreprises membres de cette association de tenir également des réunions avec la participation d'un cercle plus restreint d'entreprises.

137.
    Dans ces conditions, l'annexe 102 à la communication des griefs n'établit pas la participation de la requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

138.
    Enfin, l'annexe 111 à la communication des griefs, liste de prix obtenue de Rena, contient des indications sur les augmentations de prix des cartons de qualités GC 1, GC 2 et SBS devant être mises en oeuvre le 1er octobre 1989.

139.
    A propos de l'origine de cette liste de prix, ainsi que d'une autre liste de prix obtenue de Rena (annexe 110 à la communication des griefs), le «managing director» de cette entreprise a indiqué, dans une lettre du 10 juillet 1992 (annexe 112 à la communication des griefs):

«Les listes de prix que vous mentionnez se trouvaient parmi les documents provenant de réunions tenues au [NPI], et je les ai probablement reçues au cours d'une visite à Stockholm concernant une réunion du [NPI]. Au cours de ces visites, j'avais en général plusieurs réunions avec certains des autres producteurs scandinaves. A cette époque, je venais d'être nommé directeur général chez Rena, et j'avais de nombreuses discussions avec d'autres membres de la profession; cette période était décisive pour notre cartonnerie, qui avait enregistré une lourde perte cette année, il était donc important pour moi d'avoir les meilleures bases possibles pour arrêter le budget 1990. J'ai probablement obtenu les listes au cours de l'une de ces réunions.

Je comprends que cette explication semble étrange quant aux circonstances de votre enquête, mais pour autant que je me souvienne, je ne peux pas avoir reçu ces listes du [NPI].»

140.
    A la lumière de cette explication, le Tribunal estime qu'il ne peut pas être considéré comme établi que Rena a obtenu cette liste lors d'une réunion du NPI ou lors d'une autre réunion à laquelle la requérante était présente. Dans ce contexte, il n'y a aucune raison de douter de la véracité de l'explication de Rena concernant l'origine des listes de prix en cause.

141.
    Les renseignements dont dispose la Commission en ce qui concerne les augmentations de prix annoncées par la requérante ne sauraient non plus être considérés comme corroborant sa thèse selon laquelle l'annexe 111 à la communication des griefs démontre la participation de celle-ci à la collusion sur les prix.

142.
    En effet, la requérante a annoncé une augmentation de ses prix aux Pays-Bas de 13 HFL/100 kg, augmentation devant prendre effet le 1er octobre 1989 mais ultérieurement reportée au 1er janvier 1990 (annexes E-3-3 à E-3-7 de la documentation sur les prix). Cependant, selon l'annexe 111 à la communication des griefs, le prix du carton SBS aux Pays-Bas devait être augmenté, le 1er octobre 1989, de 17 HFL/100 kg. Le tableau E annexé à la décision fait également apparaître que la requérante a annoncé une augmentation de ses prix au Danemark le 25 mai 1989, soit presque deux mois avant la première lettre d'annonce d'une augmentation de prix envoyée par l'une des autres entreprises censées avoir pris part à la collusion sur les prix (voir tableau E annexé à la décision). Au surplus, selon Stora (annexe 39 à la communication des griefs, point 34), la décision d'augmenter les prix des cartons GC et SBS, avec effet au mois d'octobre 1989, a été prise au sein du PWG au mois de juin de la même année, soit après la date à laquelle la requérante a annoncé l'augmentation de ses prix au Danemark.

143.
    Au vu de ces éléments, et même si les augmentations de prix annoncées par la requérante en Allemagne, en France et au Royaume-Uni correspondent à celles figurant dans l'annexe 111 à la communication des griefs, ce document ne saurait être considéré comme démontrant la participation de la requérante à une collusion

sur les prix. En effet, les indications sur les augmentations de prix du carton SBS ont pu concerner seulement Iggesunds Bruk, l'autre producteur de cette qualité de carton censé avoir participé à l'infraction.

144.
    Au vu de l'ensemble de ce qui précède, le Tribunal considère que la Commission n'a pas établi que la requérante était informée des décisions à objet anticoncurrentiel adoptées au sein du PWG, du JMC ou du COE par le NPI ou par le représentant d'une entreprise membre du NPI ayant également participé aux réunions desdits organes.

— Sur le comportement effectif de la requérante en matière de prix

145.
    Selon la décision, les documents commerciaux de la requérante révèlent, dans la mesure où ils sont disponibles, «non seulement la similarité constante de ses augmentations de prix avec celles de l'autre grand producteur de SBS, Iggesunds Bruk, mais aussi, pour octobre 1989, une concordance quasiment parfaite avec la liste de prix du NPI obtenue de Rena» (point 121 des considérants).

146.
    Relativement à l'initiative d'augmentation des prix d'avril 1990 (point 86, dernier alinéa, des considérants), la Commission indique:

«L'augmentation de prix de 8,5 % annoncée par Enso pour le Royaume-Uni est identique à celle notifiée par Finnboard pour ses qualités GC graphiques, qui sont en concurrence avec le produit SBS 'Ensocoat‘ d'Enso-Gutzeit. Il y a effectivement des preuves écrites (considérant 97) indiquant l'existence d'une collusion entre Iggesund, Enso, Kopparfors et Finnboard concernant l'augmentation du prix des qualités graphiques au Royaume-Uni à cette occasion.»

147.
    Il a déjà été constaté que les données relatives aux augmentations du prix du carton de la requérante au mois d'octobre 1989 ne présentent pas, par rapport aux données contenues dans l'annexe 111 à la communication des griefs (liste de prix obtenue de Rena; voir ci-dessus point 138), des similitudes telles qu'elles corroboreraient l'affirmation de la Commission selon laquelle ce document démontre la participation de la requérante à une collusion sur les prix (voir ci-dessus points 141 et suivants).

148.
    Il a également été constaté que l'annexe 133 à la communication des griefs, invoquée par la Commission en tant que preuve d'une participation de la requérante à une collusion sur l'augmentation des prix au Royaume-Uni d'avril 1990, est dépourvue de valeur probante (voir ci-dessus points 112 et suivants). Dans ce contexte, il a aussi été relevé que les augmentations de prix annoncées au Royaume-Uni au début de l'année 1990 par Iggesunds Bruk et par la requérante ne sauraient être considérées comme «similaires» ou «identiques» (voir ci-dessus points 119 à 121).

149.
    Enfin, il doit être observé que le comportement effectif de la requérante en matière de prix lors des augmentations pour lesquelles la Commission n'invoque aucune pièce du dossier à son égard, à savoir les augmentations de mars/avril 1988, octobre 1988, avril 1989 et janvier 1991, ne constitue pas un indice de sa participation à une collusion sur les prix durant la période de référence. En effet, les comportements en matière de prix de la requérante ainsi que des entreprises Iggesunds Bruk et Finnboard, relatés dans les tableaux annexés à la décision (tableaux B, C, D et G), ne présentent pas un degré de similarité tel que l'hypothèse d'une adaptation de la requérante aux comportements de ses concurrents sur le marché apparaisse comme moins plausible que celle de sa participation à une collusion sur les prix. Or, il est de jurisprudence constante que, si l'article 85 du traité interdit toute forme de collusion de nature à fausser le jeu de la concurrence, il n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents (voir, notamment, arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 71).

150.
    En conséquence, le comportement de la requérante en matière de prix ne peut pas être retenu en tant qu'indice de sa participation à une collusion sur les prix.

— Conclusions

151.
    Les indices invoqués par la Commission dans la décision afin de prouver l'existence d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité dans le chef d'une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (arrêt ICI/Commission, précité, point 68).

152.
    Dans le cadre de l'examen de l'objet des réunions de la PC, des pièces mentionnant expressément la requérante (annexes 44 et 113 à la communication des griefs), de l'incidence de la qualité de membre du NPI de la requérante, et du comportementeffectif de celle-ci en matière de prix, il a été constaté qu'aucun de ces éléments ne peut, considéré isolément, constituer la preuve d'une participation de la requérante à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

153.
    Même considérées dans leur ensemble, le Tribunal constate que les pièces du dossier ne revêtent pas une valeur probante suffisante pour établir que la requérante a commis une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

154.
    Par suite, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués par la requérante à l'appui du chef de ses conclusions visant à l'annulation de la décision, il convient d'annuler celle-ci pour autant qu'elle concerne la requérante.

Sur les dépens

155.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission

ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    La décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton) est annulée à l'égard de la requérante.

2)    La Commission est condamnée aux dépens.

Vesterdorf             Briët     Lindh

     Potocki      Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'anglais.