Language of document : ECLI:EU:T:2020:324

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

8 juillet 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale AIR – Usage sérieux de la marque –Article 18, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 – Altération du caractère distinctif »

Dans l’affaire T‑800/19,

Austria Tabak GmbH, établie à Vienne (Autriche), représentée par Mes J. L. Gracia Albero et R. Ahijón Lana, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Mignot & De Block BV, établie à Eindhoven (Pays-Bas), représentée par Me S. Körber, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 16 septembre 2019 (affaire R 1665/2018-4), relative à une procédure de déchéance entre Mignot & De Block et Austria Tabak,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 novembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 3 février 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 11 février 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 juillet 2001, le prédécesseur en titre de la requérante, Austria Tabak GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal AIR.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Tabac, traité ou non-traité ; tabac à fumer, tabac à pipe, tabac à rouler, tabac à chiquer ; cigarettes, cigares, cigarillos ; produits pour fumer vendus séparément ou mélangés avec du tabac, aucun des produits n’étant à usage médical ou curatif ; tabac à priser ; articles pour fumeurs compris dans la classe 34 ; papier à cigarettes, fume-cigarettes et allumettes ».

4        La marque contestée a été enregistrée le 30 mai 2005.

5        Le 25 août 2016, l’intervenante, Mignot & De Block BV, a présenté une demande de déchéance de la marque contestée, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. Cette demande a été dirigée contre l’ensemble des produits couverts par la marque contestée.

6        Le 26 juin 2018, la division d’annulation a accueilli la demande de l’intervenante et prononcé la déchéance de la marque contestée à compter du 25 août 2016 pour tous les produits visés.

7        Le 24 août 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation, en tant qu’elle l’avait déchue de ses droits sur la marque contestée pour les produits visés.

8        Par décision du 16 septembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et a confirmé la déchéance de la marque contestée avec effet à compter de la date de la demande en déchéance. La chambre de recours a, en substance, considéré que les différences entre la marque contestée et la marque telle qu’utilisée étaient de nature à altérer le caractère distinctif de la marque contestée.

  Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux découlant des procédures devant la division d’opposition et devant la quatrième chambre de recours.

10      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

  En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, dans le cadre duquel elle prétend en substance que, en ayant considéré que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage propre à maintenir les droits acquis, la chambre de recours a méconnu l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du même règlement.

12      Tout d’abord, il convient de rappeler que la question de savoir si une marque a fait l’objet d’un usage sérieux doit être appréciée globalement en prenant en compte l’ensemble des éléments disponibles. Il ne s’agit donc pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais de les analyser conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et cohérent [arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 31 et jurisprudence citée].

13      Ensuite, il convient de rappeler qu’une marque verbale est une marque constituée exclusivement de lettres, de mots ou de groupes de mots, sans élément figuratif spécifique. La protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte ainsi sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects figuratifs ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir. Par conséquent, il n’y a pas lieu de prendre en compte la typographie que le signe verbal serait susceptible de présenter. Il en résulte qu’une marque verbale peut être utilisée sous quelque forme que ce soit, quelles que soient la couleur ou la police de caractères [voir arrêt du 28 juin 2017, Josel/EUIPO – Nationale-Nederlanden Nederland (NN), T‑333/15, non publié, EU:T:2017:444, points 37 et 38 et jurisprudence citée].

14      Selon la jurisprudence, et ainsi que le rappelle la requérante, il n’existe aucune règle en matière de marque de l’Union obligeant à prouver l’usage de la marque de manière isolée, indépendamment de toute autre marque ou de tout autre signe. Dès lors, il est possible que deux ou plusieurs marques fassent l’objet d’un usage conjoint et autonome avec ou sans le nom de la société du fabricant [arrêt du 6 novembre 2014, Popp et Zech/OHMI – Müller-Boré & Partner (MB), T‑463/12, non publié, EU:T:2014:935, point 43 ; voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, points 33 et 34, et du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T‑504/09, EU:T:2011:739, point 100]. Ainsi, comme la requérante l’a fait valoir, l’emploi conjoint du nom de la société ou d’une marque avec la marque antérieure ne saurait, par lui-même, porter atteinte à la fonction d’identification remplie par la marque à l’égard des produits en cause (voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2005, CRISTAL CASTELLBLANCH, T‑29/04, EU:T:2005:438, point 36, et du 6 novembre 2014, MB, T‑463/12, non publié, EU:T:2014:935, point 43).

15      Toutefois, il découle directement des termes de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 que l’usage de la marque sous une forme qui diffère de la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée est considéré comme un usage au sens de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement pour autant que le caractère distinctif de la marque sous la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée ne soit pas altéré [voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 21 ; du 8 décembre 2005, CRISTAL CASTELLBLANCH, T‑29/04, EU:T:2005:438, point 30, et du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 25].

16      Le caractère distinctif d’une marque au sens du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 22 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑468/01 P à C‑472/01 P, EU:C:2004:259, point 32).

17      La Cour a déjà jugé également que la condition de l’usage sérieux d’une marque au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 peut être remplie lorsque la marque n’est utilisée que par l’intermédiaire d’une autre marque complexe ou lorsqu’elle n’est utilisée que conjointement avec une autre marque, la combinaison de ces deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque, pour autant que la marque continue d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 26 et jurisprudence citée).

18      En outre, il ressort du point 57 de l’arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone (T‑146/15, EU:T:2016:469), que, en cas d’utilisation simultanée de plusieurs signes, il y a lieu de s’assurer, aux fins de l’application de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, qu’une telle utilisation n’altère pas le caractère distinctif du signe enregistré, eu égard notamment aux pratiques commerciales du secteur.

19      L’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 vise l’hypothèse où, notamment, une marque enregistrée nationale ou de l’Union européenne est utilisée dans le commerce sous une forme légèrement différente par rapport à la forme sous laquelle l’enregistrement a été effectué. L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque la forme du signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 27 et jurisprudence citée).

20      Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque (arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, points 28 et 37).

21      Il convient, aux fins d’un tel constat, de tenir compte également des qualités intrinsèques et, en particulier, du degré plus ou moins élevé de caractère distinctif de la marque antérieure uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque. En effet, plus le caractère distinctif de celle-ci est faible, plus il sera aisément altéré par l’adjonction d’un élément lui-même distinctif, et plus la marque en question perdra son aptitude à être perçue comme une indication de l’origine du produit qu’elle désigne. La considération inverse s’impose également (arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 29).

22      De plus, il convient de rappeler que, pour que soit appliqué l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, il est nécessaire que les ajouts à la marque enregistrée n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque sous la forme sous laquelle elle a été enregistrée, notamment en raison de leur position accessoire dans le signe ou de leur faible caractère distinctif (voir arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 31 et jurisprudence citée).

23      Enfin, il ressort également de la jurisprudence que le fait que la marque enregistrée soit parfois utilisée avec des éléments additionnels et parfois sans de tels éléments peut constituer l’un des critères permettant de conclure à l’absence d’altération du caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Victor International/EUIPO – Ovejero Jiménez et Becerra Guibert (VICTOR), T‑204/14, non publié, EU:T:2016:448, point 42 et jurisprudence citée].

24      C’est à la lumière des considérations rappelées ci-dessus qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, au point 51 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas prouvé l’usage sérieux de la marque contestée AIR, ni sous la forme enregistrée ni sous une forme qui constituait une différence acceptable, conformément à l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, et partant, a rejeté le recours formé devant elle.

25      À cet égard, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours est parvenue à cette conclusion pour deux motifs. D’une part, aux points 31 et 33 de la décision attaquée, elle a, en substance, relevé que, dans la forme sous laquelle la marque est utilisée sur l’emballage des produits, l’altération du caractère distinctif de la marque contestée est évidente dès lors que le terme « memphis » présente un degré normal de caractère distinctif et qu’il domine nettement les termes « air blue ». D’autre part, au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé, en substance, que, à supposer qu’il soit soutenu que les termes « memphis » et « air blue » sont utilisés en tant que marques indépendantes, de manière autonome et simultanément, la présence de l’élément verbal « blue », est à elle seule suffisante pour altérer le caractère distinctif de la marque contestée.

26      La requérante conteste cette appréciation et fait valoir que n’altère pas le caractère distinctif de la marque contestée l’usage des signes MEMPHIS AIR BLUE et MEMPHIS AIR BLUE 100, ainsi que du signe suivant :

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27      En effet, la jurisprudence admettrait que plusieurs signes puissent être utilisés simultanément sans que le caractère distinctif du signe enregistré en soit altéré. Tel serait le cas en l’espèce, puisque les éléments de preuve produits démontrent un usage simultané de deux signes autonomes et clairement différenciés, à savoir, d’une part, celui de la marque d’entreprise MEMPHIS et, d’autre part, celui d’un autre signe composé de la marque contestée AIR et de l’élément descriptif « blue ».

28      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante tout en laissant ouverte la question de l’applicabilité de la jurisprudence relative à l’utilisation simultanée de deux marques ou signes. Il rappelle, à cet égard, que la chambre de recours n’a pas expressément conclu que cette jurisprudence s’appliquait à l’espèce. La chambre de recours a effet considéré, en substance, que, indépendamment de la question de savoir si l’élément verbal « memphis » était perçu par le public pertinent comme occupant une position autonome dans la marque telle qu’utilisée, comme le soutient la requérante, la présence de l’élément verbal « blue » est à elle seule suffisante pour altérer le caractère distinctif de la marque contestée.

29      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que, la demande de déchéance de la marque contestée ayant été déposée le 25 août 2016, la période de cinq années visée à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 s’étend, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 15 de la décision attaquée, du 25 août 2011 au 24 août 2016.

30      En deuxième lieu, il convient de considérer que, eu égard aux produits en cause, les mots « memphis » et « air » possèdent un caractère distinctif moyen. Contrairement à ce que prétend la requérante, tel est le cas également du mot « blue ». En effet, s’il est vrai qu’il ressort des éléments de preuve transmis que ce mot est souvent utilisé sur le marché du tabac par différents fabricants, il n’en demeure pas moins que lesdits éléments ne permettent pas d’établir que le mot « blue » ou la couleur bleue sont perçus par le public pertinent comme ayant une finalité descriptive et qu’ils indiquent un goût plus doux, comme le soutient la requérante. Ainsi que le font valoir, en substance, l’EUIPO et l’intervenante, la circonstance que le mot « blue » soit fréquemment utilisé sur le marché du tabac pourrait tout au plus être considérée comme étant une preuve de ce que cet élément ne possède qu’un faible caractère distinctif, mais non de ce qu’il décrirait directement les caractéristiques des produits en cause, à savoir qu’ils ont un goût plus doux. Il y a lieu d’ajouter que le fait que le mot « blue » figure sur les factures de façon abrégée, à savoir « bl », n’est pas de nature à démontrer qu’il est descriptif au regard des produits concernés comme le soutient la requérante. En effet, d’une part, le caractère descriptif du mot « blue » doit être apprécié au vu des produits visés et non pas des mentions sur les factures et, d’autre part, ainsi que l’a fait valoir à juste titre l’EUIPO, les destinataires des factures sont des professionnels et non le grand public au regard duquel doit être apprécié en l’espèce l’usage sérieux de la marque contestée.

31      En troisième lieu, il convient de constater que la chambre de recours a tenu compte, aux fins de son raisonnement relatif à l’altération du caractère distinctif de la marque contestée, de l’ensemble des éléments de preuve présentés par la requérante tels que mentionnés au point 3 de la décision attaquée, à savoir des impressions de sites Internet (pièces jointes nos 1 à 3) ; un accord de distribution (pièce jointe no 5) ; différentes factures (pièces jointes no 4 et no 6) ; des photographies de paquets de cigarettes (pièces jointes no 7 et no 8) ; des photographies non datées de produits sur le lieu de vente (pièce jointe no 9) ainsi qu’un graphique montrant l’historique des ventes de cigarettes « Memphis Air Blue » (pièce jointe no 10).

32      La chambre de recours a souligné à juste titre, au point 25 de la décision attaquée, que les éléments de preuve figurant dans les pièces jointes nos 1 à 3 et 9 ne contenaient aucune indication de la marque contestée ou variation de celle-ci. Par ailleurs, il convient de constater, s’agissant des autres éléments de preuve présentés par la requérante, que le terme « air » apparaît systématiquement en combinaison avec les termes « memphis » et « blue » ou « blue 100 ». Aucun des éléments de preuve visés ci-dessus ne montre l’utilisation de la marque verbale antérieure AIR sous une forme isolée ou, à tout le moins, clairement à l’écart de l’élément « blue » ou « blue 100 ». Il y a donc lieu de constater que la manière dont la combinaison « air blue » ou « air blue 100 » est utilisée dans les éléments de preuve rapportés en l’espèce modifie le caractère distinctif de la marque contestée AIR telle qu’elle est enregistrée.

33      À cet égard, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 43 de la décision attaquée, il convient de souligner que les deux éléments « air » et « blue » sont systématiquement juxtaposés et figurent, en conséquence, toujours ensemble et très proches l’un de l’autre, formant une unité. Par ailleurs, dans la mesure où l’élément « blue » est composé de quatre lettres et que l’élément « air » est composé de trois lettres, cet élément ajouté est toujours clairement visible et n’occupe pas une position secondaire ou accessoire dans l’impression d’ensemble produite par la combinaison « air blue ». L’élément « blue » est donc d’un point de vue visuel tout aussi important que l’élément « air ».

34      En outre, le constat d’altération du caractère distinctif de la marque contestée AIR, telle qu’elle est enregistrée, est renforcé par le fait que la combinaison « air blue » est systématiquement subordonnée sur les emballages des produits à l’élément « memphis », ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre au point 46 de la décision attaquée. Cet ajout introduit un élément de différenciation supplémentaire par rapport à la marque contestée AIR.

35      Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument selon lequel, en substance, l’élément « memphis » est une marque utilisée par la requérante pour vendre des produits et que cela correspond uniquement à l’ajout de la marque de l’entreprise. En effet, force est de constater que ledit élément est toujours clairement visible en ce qu’il occupe une position dominante dans l’impression d’ensemble produite par la marque telle qu’utilisée. En tout état de cause, à supposer établi que cet élément est une marque d’entreprise, il n’en demeure pas moins que cela n’est pas de nature à infirmer l’altération par ce terme du caractère distinctif de la marque contestée AIR, dès lors que le public pertinent ne perçoit plus l’élément « air » comme une indication de l’origine des produits en cause, conformément à la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus.

36      Dès lors, la situation en l’espèce n’est pas la même que celle dans laquelle la forme du signe utilisé dans le commerce diffère uniquement par des éléments négligeables de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré. Partant, ne peuvent pas être considérées comme globalement équivalentes, d’une part, la marque contestée AIR et, d’autre part, la combinaison MEMPHIS AIR BLUE et MEMPHIS AIR BLUE 100 ainsi que la combinaison suivante :

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37      Eu égard à l’examen qui précède du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés, fondé sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments, il y a lieu de considérer que les variations de l’usage démontrées altèrent le caractère distinctif de la marque contestée AIR telle qu’elle est enregistrée, ainsi que la chambre de recours l’a constaté à juste titre.

38      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas méconnu l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du même règlement, compte tenu de l’altération de la marque contestée AIR dans les éléments de preuve produits par la requérante.

39      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante.

 Sur les dépens

40      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Austria Tabak GmbH est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.