Language of document : ECLI:EU:T:2022:805

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 décembre 2022 (*)

« Clause compromissoire – Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Contrats de subvention – Coûts éligibles – Rapport de l’OLAF ayant constaté un caractère non éligible de certaines dépenses exposées – Remboursement des sommes versées – Charge de la preuve – Règlement (UE, Euratom) no 883/2013 – Demande reconventionnelle »

Dans l’affaire T‑533/20,

Green Power Technologies, SL, établie à Bollullos de la Mitación (Espagne), représentée par Mes A. León González et A. Martínez Solís, avocats,

partie requérante,

Contre

Entreprise commune «Technologies numériques clés»,

venant aux droits de l’entreprise commune ECSEL, représentée par M. O. Lambinet et Mme A. Salaun, en qualité d’agents, assistés de Me M. Troncoso Ferrer, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,

greffier : Mme P. Nuñez Ruiz, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 août 2020,

le mémoire en défense déposé au greffe du Tribunal le 18 janvier 2021, comportant une demande reconventionnelle,

l’ordonnance du 16 juin 2021, Green Power Technologies/Commission et Entreprise commune ECSEL (T‑533/20, non publiée, EU:T:2021:375),

à la suite de l’audience du 30 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 272 TFUE, la requérante, Green Power Technologies, SL, demande qu’il soit constaté que les montants avancés par l’Entreprise commune « Technologies numériques clés » (ci-après l’« ECTNC ») en exécution des contrats Pollux (no 100205), IoE (no 269374), Motorbrain (no 270693) et AGATE (no 325630) (ci-après, dénommés ensemble, les « contrats de subvention »), conclus dans le contexte du septième programme-cadre de l’Union européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (ci-après le « programme-cadre »), en vue de financer les projets correspondants (ci-après les « projets litigieux »), et dont la récupération est demandée par l’émission de la note de débit no 4440200016 (ci-après la « note de débit litigieuse ») correspondaient à des coûts éligibles.

2        La demande reconventionnelle de l’ECTNC vise à la condamnation de la requérante à lui rembourser la somme de 200 930,35 euros (ci-après le « montant réclamé »), majorée des intérêts de retard au taux de 3,5 % à compter du 27 juillet 2020 jusqu’à la date d’introduction du présent recours, ce qui correspond à la somme totale de 204 302,13 euros (ci-après le « montant litigieux »).

I.      Antécédents du litige

3        La requérante est une société de droit espagnol opérant dans le secteur de l’énergie.

4        Le 18 décembre 2006, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la décision no 1982/2006/CE, relative au programme-cadre (JO 2006, L 412, p. 1).

5        En vertu du programme-cadre, le 17 décembre 2012, les entreprises communes ENIAC et Artemis, dont l’entreprise commune ECSEL était le successeur juridique, ont conclu les contrats de subvention avec un consortium de bénéficiaires (ci‑après le « consortium ») en vue de financer les projets litigieux pendant la période allant du 1er mars 2010 au 30 juin 2018 (ci-après la « période pertinente »).

6        La requérante était une des sociétés participant aux projets litigieux en tant que membre du consortium.

7        L’ECTNC, créée par le règlement (UE) 2021/2085 du Conseil, du 19 novembre 2021, établissant les entreprises communes dans le cadre d’Horizon Europe et abrogeant les règlements (CE) no 219/2007, (UE) no 557/2014, (UE) no 558/2014, (UE) no 559/2014, (UE) no 560/2014, (UE) no 561/2014 et (UE) no 642/2014 (JO 2021, L 427, p. 17), est, en vertu de l’article 174, paragraphe 8, dudit règlement, le successeur juridique de l’entreprise commune ECSEL.

8        Conformément à l’article II.22 des conditions générales des contrats de subvention (ci-après « conditions générales »), la Commission européenne était habilitée, en substance, à procéder, à tout moment au cours de la mise en œuvre des projets litigieux et jusqu’à cinq ans après leur achèvement, à un audit financier, lequel, selon ledit article, pouvait être mené soit par la Commission elle-même, soit par des auditeurs externes.

9        Le 21 août 2015, à la suite d’une plainte anonyme, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert, sur le fondement de l’article 3, du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), une enquête enregistrée sous la référence OF/2015/0759, portant sur 28 projets auxquels la requérante avait participé au titre du programme-cadre, dont, notamment, les projets litigieux.

10      Dans le rapport de clôture de l’enquête, en date du 9 juillet 2018 (ci-après le « rapport de l’OLAF »), l’OLAF a, en substance, constaté que diverses irrégularités avaient été commises lors de la mise en œuvre des 28 projets menés par la requérante. Ce dernier a relevé, premièrement, que la requérante avait demandé le remboursement de coûts sur la base de budgets artificiellement gonflés, deuxièmement, que celle-ci avait reçu des subventions dépassant le coût des projets subventionnés (en violation du principe de non-profit), troisièmement, qu’elle n’avait pas de comptabilité fiable ou adéquate pour certifier les coûts réels desdits projets et, quatrièmement, qu’elle avait sous-traité des tâches sans en avoir préalablement informé l’autorité chargée de l’octroi des subventions et obtenu son autorisation obligatoire, selon les modalités prévues dans les contrats de subvention. L’OLAF en a conclu que les faits susmentionnés avaient causé une perte pour le budget de l’Union européenne et constituaient une irrégularité au sens du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers [de l’Union] (JO 1995, L 312, p. 1). Il a ajouté que lesdits faits pourraient également constituer une fraude pour le budget [de l’Union] au sens de l’article 306 du code pénal espagnol.

11      Sur la base du rapport de l’OLAF, le 20 janvier 2019, l’ECTNC a adressé à la requérante une lettre d’information préalable (ci-après la « lettre d’information préalable »), relevant les irrégularités mentionnées au point 10 ci-dessus au regard des projets litigieux, avec le rapport de l’OLAF joint en annexe. L’ECTNC a annoncé à la requérante qu’elle envisageait de recouvrer le montant réclamé, correspondant, d’une part, quant au montant de 182 663,91 euros, à la partie des subventions qui avait été indûment payée au titre des projets litigieux et, d’autre part, quant au montant de 18 266,44 euros, aux pénalités contractuelles.

12      À cette occasion, l’ECTNC a également invité la requérante à présenter ses observations sur les éléments figurant dans la lettre d’information préalable, ainsi que sur le rapport de l’OLAF, en précisant qu’elle ne prendrait la décision finale, en l’absence de réponse de la requérante, qu’à l’expiration d’un délai de 30 jours calendaires.

13      Le 9 juillet 2019, la requérante a présenté ses observations sur la lettre d’information préalable (ci-après les « observations sur la lettre d’information préalable »).

14      Le 12 juin 2020, l’ECTNC a envoyé à la requérante un courriel dans lequel elle lui a annoncé, en substance, que le montant réclamé, tel que détaillé dans la lettre d’information préalable, était considéré comme dû et qu’un ordre de recouvrement lui serait envoyé (ci-après la « lettre de confirmation »).

15      Le 17 juin 2020, l’ECTNC a adressé à la requérante la note de débit litigieuse, établie au titre de l’article II.22, paragraphe 6, des conditions générales, exigeant le remboursement du montant réclamé.

II.    Procédure et conclusions des parties

16      Par l’ordonnance du 22 janvier 2021, Green Power Technologies/Commission et Entreprise commune ECSEL (T‑533/20 R, non publiée, EU:T:2021:38), le Tribunal a rejeté la demande en référé introduite par la requérante et tendant à la suspension de l’obligation de paiement et des autres conséquences et effets découlant de la note de débit litigieuse. Le rejet se fondait sur le défaut d’urgence. Les dépens ont été réservés.

17      En l’état actuel de l’affaire, la requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        reconnaître et déclarer qu’elle a correctement satisfait aux obligations contractuelles qui lui incombaient en vertu des contrats de subvention et, par voie de conséquence, déclarer éligibles les dépenses dont la récupération est demandée par la note de débit litigieuse ;

–        en vertu des considérations précédentes, déclarer que la réclamation émise par l’ECTNC s’agissant du montant réclamé est infondée et abusive et, en conséquence, annuler la note de débit litigieuse, ainsi que la lettre d’information préalable, qui en est à l’origine ;

–        déclarer la demande reconventionnelle irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter la demande reconventionnelle ;

–        condamner l’ECTNC aux dépens ou, dans l’hypothèse où les conclusions formulées dans la présente requête ne seraient pas accueillies, s’abstenir de la condamner aux dépens compte tenu de la complexité de la présente affaire, ainsi que des doutes de fait et de droit qu’elle présente.

18      L’ECTNC demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer les infractions contractuelles imputées à la requérante comme des irrégularités ;

–        dans le cadre de la demande reconventionnelle, condamner la requérante à lui verser le montant litigieux ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur le recours au principal

19      Au stade actuel de la procédure, à l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés :

–        le premier, de la violation de ses droits fondamentaux par l’ECTNC ;

–        le deuxième, en substance, de ce que l’OLAF et, par la suite, l’ECTNC n’auraient pas compris son fonctionnement habituel et son modèle d’affaires ;

–        le troisième, de la violation du droit à une bonne administration et de ses droits de la défense par l’ECTNC ;

–        le quatrième, de l’éligibilité des dépenses qu’elle a déclarées dans le cadre des projets litigieux.

1.      Sur la recevabilité

a)      Sur la recevabilité des documents annexés à la réplique

20      En annexe à la réplique, la requérante produit de nouveaux éléments de preuve visant, en substance, à démontrer l’éligibilité des dépenses engagées dans le cadre des projets litigieux.

21      Aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. En vertu de l’article 85, paragraphe 2, du même règlement, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et dans la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

22      Or, les annexes C.1 à C.12 ont été présentées au stade de la réplique, de sorte que leur présentation est intervenue tardivement au sens de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure. Dès lors, il incombe à la requérante de justifier le dépôt de ces annexes au stade de la réplique, conformément à l’article 85, paragraphe 2, dudit règlement.

23      Toutes les annexes de la réplique portent une date antérieure à celle du dépôt de la requête et leur production tardive n’est pas justifiée au sens de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure.

24      La requérante admet expressément qu’elle n’avait pas versé les documents figurant à l’annexe C.1, attestant, en substance, les dépenses engagées dans le cadre des projets litigieux, avec la requête, puisqu’il s’agissait d’éléments qui étaient déjà en possession de l’ECTNC. Or, une telle explication ne saurait valablement justifier le dépôt tardif de ces documents au sens de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure. Il en va de même de l’annexe C.2, qui consiste en un document intitulé « Plainte du ministère public espagnol », présenté de manière accessoire à l’annexe C.1, pour démontrer l’authenticité des documents figurant dans cette dernière et dont la production tardive n’est justifiée d’aucune autre manière par la requérante.

25      La requérante indique qu’elle a décidé de produire l’annexe C.8, qui consiste en un rapport d’audit établi à sa demande, à la suite des accusations répétées figurant dans le mémoire en défense, selon lesquelles elle n’aurait exécuté les projets litigieux que sur la base des fonds provenant des contrats de subvention. Toutefois, force est de constater que cette irrégularité a été relevée de manière claire dans le rapport de l’OLAF, de sorte que la requérante en avait déjà été expressément informée, bien avant l’introduction de la requête. Ainsi, celle-ci était en mesure, dès l’introduction de la présente instance, de se prévaloir du rapport figurant à l’annexe C.8. Il s’ensuit que ladite annexe doit être rejetée comme irrecevable au sens de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure.

26      Il en va d’autant plus ainsi en ce qui concerne les documents produits en tant qu’annexes C.11 et C.12, visant à répondre à l’argument de l’ECTNC figurant dans le mémoire en défense, selon lequel la requérante n’aurait pas déclaré la sous-traitance du projet litigieux Motorbrain, ni son lien avec le sous-traitant. Or, non seulement cette irrégularité figurait déjà dans le rapport de l’OLAF, mais, en outre, la requérante avait déjà insisté sur l’absence d’une sous-traitance dans la requête.

27      Pour ce qui est des annexes C.3 à C.7, et C.9 et C.10, la requérante ne les rattache à aucun argument soulevé par l’ECTNC dans le mémoire en défense, ni d’autant moins ne justifie leur production tardive. Ces annexes contiennent les documents suivants :

–        annexes C.3 et C.4 – documents envoyés dans le cadre d’une procédure de récupération de fonds de l’Union, retirée, par la suite, par l’ECTNC ;

–        annexes C.5 et C.6 – documents visant à attester l’origine privée des fonds utilisés par la requérante dans le cadre des projets litigieux ;

–        annexe C.7 – calcul des dépenses totales engagées par la requérante au cours de la période pertinente ;

–        annexe C.9 – comptes annuels vérifiés de la requérante ;

–        annexe C.10 – observations adressées à l’OLAF en mars 2018 concernant la sous-traitance dans le cadre du projet litigieux Motorbrain.

28      Questionnée ultérieurement par le Tribunal, lors de l’audience, sur la justification éventuelle de la production des annexes C.1 à C.12, visées au point 22 ci-dessus, au seul stade de la réplique, la requérante s’est bornée à réitérer qu’elle n’avait pas déposé ces documents avec la requête, car ceux-ci étaient déjà en possession de l’ECTNC et étayaient le rapport de l’OLAF. Or, ainsi qu’il a été indiqué au point 24 ci-dessus, cette explication ne constitue pas un motif valable pour la présentation d’annexes lors du deuxième tour des mémoires.

29      Il convient donc d’écarter l’ensemble des annexes jointes à la réplique comme irrecevables, en vertu de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure.

b)      Sur la recevabilité du premier moyen

30      Par son premier moyen, la requérante soutient que l’ensemble des dépenses déclarées dans le cadre des projets litigieux est éligible. Elle en déduit que, en exigeant la récupération du montant réclamé, l’ECTNC a violé ses droits fondamentaux, tels que garantis par les traités ainsi que par l’acquis juridique de l’Union.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu, de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir, notamment, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations [voir arrêt du 16 juin 2021, Lucaccioni/Commission, T‑316/19, EU:T:2021:367, point 84 (non publié) et jurisprudence citée].

32      En l’espèce, force est de constater que les arguments avancés dans le cadre du présent moyen ne permettent pas d’identifier, avec le degré de clarté et de précision requis, les éléments de droit et de fait sur lesquels se fonde la requérante. En effet, celle-ci se borne à soutenir que, ayant considéré comme inéligible une partie des dépenses déclarées dans le cadre des projets litigieux, l’ECTNC a violé ses droits fondamentaux. La requérante invoque également l’existence de vices flagrants dans le déroulement de la procédure de récupération, lesquels constitueraient, selon elle, une violation de l’« acquis juridico-règlementaire de l’Union ».

33      Il convient toutefois de relever que la requête ne contient aucun élément permettant au Tribunal d’identifier les droits fondamentaux qui auraient été violés ni le comportement, voire les vices, qui auraient été à l’origine des violations que la requérante entendrait reprocher à l’ECTNC.

34      Il s’ensuit que le premier moyen ne satisfait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure et, partant, doit être écarté comme irrecevable.

2.      Sur le fond

a)      Observations liminaires

35      Ainsi qu’il ressort du point 17 ci-dessus, par son premier chef de conclusions, la requérante demande, en substance, à ce que le Tribunal déclare éligibles les dépenses dont la récupération est exigée par l’ECTNC. Le deuxième chef de conclusions, intrinsèquement lié au premier, vise, essentiellement, à ce que le Tribunal annule la note de débit litigieuse ainsi que la lettre d’information préalable.

36      Selon la jurisprudence, les conclusions des parties définissent l’objet du litige. Il importe, dès lors, qu’elles indiquent, expressément et sans équivoque, ce que les parties demandent (voir ordonnance du 27 mars 2017, Frank/Commission, T‑603/15, non publiée, EU:T:2017:228, point 39 et jurisprudence citée). En particulier, il appartient à la partie requérante de faire le choix du fondement juridique de son recours (voir arrêts du 15 mars 2005, Espagne/Eurojust, C‑160/03, EU:C:2005:168, point 35 et jurisprudence citée, et du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA, T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 39 et jurisprudence citée).

37      À cet égard, il convient de relever que la seconde partie du deuxième chef de conclusions évoque l’annulation de la note de débit litigieuse et de la lettre d’information préalable (voir points 17 et 35 ci-dessus), employant ainsi la terminologie propre au contrôle de légalité opéré dans le cadre des recours en annulation fondés sur l’article 263 TFUE.

38      Certes, le recours a également été introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, dans la mesure où il visait, notamment, l’annulation du rapport de l’OLAF. Cette demande en annulation a, toutefois, été rejetée par l’ordonnance du 16 juin 2021, Green Power Technologies/Commission et Entreprise commune ECSEL (T‑533/20, non publiée, EU:T:2021:375).

39      Or, le deuxième chef de conclusions, qui, ainsi qu’il ressort du point 35 ci-dessus, constitue un prolongement du premier avec lequel il se confond, vise, en substance, à faire constater l’inexistence de la créance contractuelle réclamée par la note de débit litigieuse au titre des contrats de subvention et, de ce fait, est clairement fondé sur l’article 272 TFUE.

40      Il s’ensuit que, nonobstant l’usage d’une terminologie caractéristique des recours introduits sur le fondement de l’article 263 TFUE, le deuxième chef de conclusions ne vise pas l’annulation d’un acte administratif, mais relève du contentieux contractuel.

41      Par ailleurs, le Tribunal estime qu’il convient de commencer par l’analyse du troisième moyen, qui porte sur une violation formelle.

b)      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit à une bonne administration et des droits de la défense de la requérante par l’ECTNC

42      La requérante fait valoir, en substance, que, dans le cadre de la procédure de récupération, l’ECTNC a violé, d’une part, ses droits de la défense consacrés aux articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et, d’autre part, le droit à une bonne administration prévu par l’article 41 de la Charte ainsi que par l’article 296 TFUE.

43      Les arguments de la requérante dans le cadre du présent moyen s’articulent essentiellement autour de deux branches, tirées :

–        la première, de la non-communication des annexes du rapport de l’OLAF (ci-après les « annexes au rapport de l’OLAF » ou les « annexes litigieuses ») ;

–        la seconde, d’une motivation insuffisante de la lettre d’information préalable, de la note de débit et du rapport de l’OLAF ainsi que de l’absence de réponse, de la part de l’ECTNC, à ses observations sur ladite lettre.

44      Dès lors, il s’ensuit que, malgré l’évocation formelle des articles 47 et 48 de la Charte, le troisième moyen est, en substance, tiré d’une violation du droit d’accès au dossier et d’une violation de l’obligation de motivation, prévus par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, de sorte qu’il convient de conduire l’analyse, notamment, à l’aune de cette dernière disposition, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’applicabilité des articles 47 et 48 de la Charte dans le cadre d’un litige contractuel.

1)      Sur la première branche, tirée de ce que l’ECTNC n’aurait pas communiqué à la requérante les annexes litigieuses

45      La requérante reproche à l’ECTNC d’avoir violé le droit à une bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte en ce que cette dernière ne lui a pas communiqué les annexes auxquelles renvoie à plusieurs reprises le rapport de l’OLAF, ce que, au demeurant, l’ECTNC ne conteste pas.

46      Or, l’ECTNC fait valoir qu’elle n’était pas tenue de communiquer à la requérante les annexes au rapport de l’OLAF, car l’article II.22, paragraphe 5, des conditions générales, qui vise les documents à communiquer au bénéficiaire de l’aide dans le cadre d’une procédure de récupération, ne fait pas référence aux annexes litigieuses, mais uniquement au rapport final de l’OLAF.

47      À cet égard, il convient de relever que l’article 51, paragraphe 1, de la Charte prévoit que ses dispositions « s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union » et aucune exception n’est prévue. Ainsi, les droits fondamentaux énoncés dans la Charte, qui fait partie du droit primaire, ont vocation à régir l’exercice de toute compétence attribuée aux institutions de l’Union, y compris dans un cadre contractuel (voir, arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA, T‑606/18, non publié, EU:T:2021:105, point 28 et jurisprudence citée).

48      En effet, étant donné que le législateur de l’Union a prévu qu’une subvention peut être octroyée tant par la voie contractuelle que par la voie administrative, les institutions, organes et organismes de l’Union ne sauraient, à leur gré, se soustraire à leurs obligations découlant du droit primaire, y compris de la Charte, en fonction de leur choix d’octroyer des subventions par voie de convention plutôt que par décision (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA, T‑606/18, non publié, EU:T:2021:105, point 31).

49      Ainsi, lorsque les institutions, organes ou organismes de l’Union exécutent un contrat, ils sont pleinement soumis aux obligations qui leur incombent en vertu de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 86). Il en va nécessairement de même en ce qui concerne l’ECTNC, en tant qu’organisme de l’Union.

50      Or, le droit d’être entendu, qui fait partie intégrante du droit à une bonne administration consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute mesure susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑768/14, non publié, EU:T:2017:28, point 47 et jurisprudence citée).

51      Aussi, le droit d’être entendu poursuit un double objectif. D’une part, il sert à l’instruction du dossier et à l’établissement des faits le plus précisément et correctement possible et, d’autre part, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé. Ainsi, ledit droit vise, en particulier, à garantir que toute mesure susceptible d’affecter de manière défavorable les intérêts d’un justiciable soit adoptée en pleine connaissance de cause et a, notamment, pour objectif de permettre à l’autorité compétente de corriger une erreur et à la personne concernée de faire valoir les éléments qui pourraient influencer la prise de décision de cette autorité ou son contenu (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mai 2020, Agmin Italy/Commission, T‑290/18, non publié, EU:T:2020:196, point 81).

52      Il s’ensuit que l’accès au dossier constitue une garantie procédurale intégrante du droit à une bonne administration, qui est essentielle pour permettre à l’intéressé d’exercer son droit d’être entendu de manière effective (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 septembre 2012, Vermeer Infrastructuur/Commission, T‑353/06, non publié, EU:T:2012:484, point 179).

53      Force est de constater que les annexes du rapport de l’OLAF étaient nécessaires pour effectivement mettre la requérante en mesure de se prononcer de manière utile et en toute connaissance de cause sur l’ensemble des éléments sous-tendant la note de débit litigieuse, dans le respect du droit d’être entendu au sens de la jurisprudence citée aux points 50 à 52 ci-dessus.

54      Dans ces circonstances, l’argument de l’ECTNC tiré de ce qu’elle n’était pas tenue de communiquer à la requérante les annexes litigieuses, puisque l’article II.22 des conditions générales ne l’obligeait pas à le faire, est voué au rejet.

55      Il s’ensuit que, en ne communiquant pas à la requérante les annexes litigieuses, l’ECTNC a violé le droit d’accès au dossier, prévu par l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte – droit essentiel pour assurer un exercice effectif du droit d’être entendu (voir point 52 ci-dessus).

56      Il convient toutefois de rappeler qu’une violation du droit d’être entendu est sans incidence sur la validité de la mesure qui est adoptée, telle que, en l’espèce, la note de débit litigieuse, lorsqu’il n’est pas établi que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent sans l’irrégularité alléguée (arrêt du 13 juillet 2022, JF/EUCAP Somalia, T‑194/20, EU:T:2022:454, point 91 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, SGI Studio Galli Ingegneria/Commission, T‑285/19, non publié, EU:T:2021:190, point 79 et jurisprudence citée).

57      À cet égard, il y a lieu de relever que l’ECTNC a versé au dossier la confirmation, reçue le 15 janvier 2021 du ministère espagnol des Sciences et de l’Innovation (ci-après les « autorités espagnoles »), du fait que la requérante s’était vu octroyer l’accès aux annexes litigieuses, le 12 juin 2019.

58      L’ECTNC a précisé que, à la suite de la communication visée au point 57 ci-dessus, la requérante a introduit un recours gracieux devant les autorités espagnoles, dans le cadre duquel elle a reconnu avoir eu accès aux annexes litigieuses.

59      En effet, questionnée lors de l’audience, la requérante a reconnu que les autorités espagnoles lui avaient communiqué les annexes litigieuses. Toutefois, elle a insisté sur le fait qu’une telle communication ne modifiait en rien le bien-fondé de ses arguments, car ça aurait été la non-communication des annexes litigieuses par l’ECTNC au cours de la procédure de récupération qui aurait constitué, en substance, l’atteinte à son droit d’être entendu.

60      Force est toutefois de constater que la communication effective des annexes litigieuses par les autorités espagnoles le 12 juin 2019 a permis à la requérante, le 9 juillet 2019 (voir point 13 ci-dessus), de présenter ses observations sur la lettre d’information préalable et, partant, d’exercer de manière utile son droit d’être entendu au sens de la jurisprudence visée au point 52 ci-dessus.

61      Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la requérante a disposé de suffisamment de temps pour connaître le contenu des annexes au rapport de l’OLAF et ainsi pouvoir présenter ses observations sur la lettre d’information préalable, à la lumière des informations y figurant. Au demeurant, il n’apparaît pas que la communication des annexes litigieuses à un moment considérablement décalé par rapport à la communication de la lettre d’information préalable aurait été de nature à affecter défavorablement les intérêts de la requérante, au sens de la jurisprudence visée au point 50 ci-dessus, et celle-ci, d’ailleurs, ne le prétend pas.

62      Il s’ensuit que, dans la mesure où les annexes litigieuses ont été communiquées à la requérante par les autorités espagnoles, la violation du droit d’accès au dossier par l’ECTNC, telle qu’elle ressort du point 55 ci-dessus, était, en l’espèce, sans incidence sur le respect du droit d’être entendu de la requérante, conformément à la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus.

63      Dans ces circonstances, la requérante ne saurait valablement se prévaloir de la méconnaissance du droit d’accès au dossier commise par l’ECTNC pour voir la note de débit litigieuse annulée.

64      Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

2)      Sur la seconde branche, tirée, d’une part, du fait que l’ECTNC n’aurait pas répondu aux observations de la requérante sur la lettre d’information préalable et, d’autre part, de l’insuffisance de motivation de ladite lettre, de la note de débit litigieuse et du rapport de l’OLAF

65      La requérante fait valoir que son argumentation centrale en ce qui concerne la violation de ses droits fondamentaux repose sur l’absence totale de réponse de la part de l’ECTNC à ses observations soumises à la suite de la communication de la lettre d’information préalable et que, en tout état de cause, la simple communication des annexes du rapport de l’OLAF ne serait pas susceptible de compenser les irrégularités commises par l’ECTNC à cet égard.

66      La requérante estime que, n’ayant fourni aucune réponse à ses observations sur la lettre d’information préalable, l’ECTNC a méconnu le droit à une bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte. Il s’agirait d’une obligation essentielle que l’ECTNC aurait violée, en se contentant de formuler une réponse, dans la lettre de confirmation, d’une seule ligne.

67      À cet égard, il convient de rappeler que le droit à une bonne administration tout comme le droit d’être entendu imposent aux institutions, organes et organismes de l’Union, notamment, de prêter toute l’attention requise aux observations soumises par l’intéressé en examinant, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C‑189/18, EU:C:2019:861, point 42). Ainsi, l’administration serait en mesure de prendre sa décision en pleine connaissance de cause et de la motiver de manière appropriée, afin que, le cas échéant, l’intéressé puisse valablement exercer son droit de recours devant les juridictions de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, point 59).

68      Dans ce contexte, d’une part, il convient de relever que l’ECTNC n’a pris la décision d’émettre la note de débit litigieuse qu’après la réception des observations de la requérante sur la lettre d’information préalable. D’autre part, par ladite lettre, l’ECTNC avait fixé un délai de 30 jours pour que la requérante puisse présenter de telles observations. Toutefois, en l’espèce, cette dernière n’a soumis ses observations qu’après l’écoulement de presque six mois à compter de la communication de la lettre d’information préalable (voir point 13 ci-dessus). En outre, il a fallu à l’ECTNC encore onze mois pour adresser à la requérante la lettre de confirmation et la note de débit litigieuse (voir point 14 et 15 ci-dessus).

69      Dès lors, d’un point de vue procédural, l’ECTNC n’a pas méconnu ses obligations au titre de la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, puisque la note de débit litigieuse n’a été émise qu’après que la requérante a déposé ses observations en pleine connaissance de tous les éléments du dossier susceptibles d’avoir une incidence sur l’issue de la procédure de récupération.

70      Toutefois, force est de constater que, ainsi que le fait observer la requérante, la lettre de confirmation, faisant suite à ses observations sur la lettre d’information préalable, consistait en un courriel d’une seule ligne par laquelle l’ECTNC s’est contentée de l’informer qu’elle envisageait de récupérer le montant réclamé.

71      Or, l’obligation de l’administration de prêter toute l’attention requise aux observations soumises par l’intéressé s’impose d’autant plus quand, comme dans le cas d’espèce, il s’agit d’une décision portant suppression d’un concours financier de l’Union susceptible d’entraîner des conséquences graves pour le bénéficiaire, de sorte que ladite décision doit faire clairement apparaître les motifs qui la justifient (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 janvier 2004, Euroagri/Commission, T‑180/01, EU:T:2004:26, point 42).

72      Il n’en demeure pas moins que l’étendue de l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications, et il importe, pour apprécier le caractère suffisant de la motivation, de la replacer dans le contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte en cause. Ainsi, un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA, T‑606/18, non publié, EU:T:2021:105, point 35 et jurisprudence citée).

73      En effet, l’obligation de motivation poursuit un double objectif, à savoir, d’une part, fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d’autre part, permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2018, Duferco Long Products/Commission, T‑93/17, non publié, EU:T:2018:558, point 67).

74      Ainsi, il convient de relever que, en l’espèce, la lettre de confirmation, aussi succincte qu’elle était, faisait suite à la lettre d’information préalable, qui en constituait le support nécessaire et dont le contenu était bien connu de la requérante.

75      À cet égard, il y a lieu de relever que la lettre d’information préalable énonce de façon claire et détaillée les raisons fondant la suppression du concours financier en reprenant les conclusions du rapport de l’OLAF (voir point 10 ci-dessus). Ainsi, elle identifie clairement, d’une part, le fondement juridique des violations contractuelles reprochées à la requérante, à savoir l’article II.4, l’article II.7, paragraphe 1, l’article II.14, paragraphe 1, sous a), b), e) et f), ainsi que l’article II.15 des conditions générales et, d’autre part, la base contractuelle sur laquelle la récupération est envisagée, à savoir l’article II.22, paragraphe 6, desdites conditions.

76      Dans la lettre d’information préalable, l’ECTNC a également procédé à une répartition des montants qui avaient été versés à la requérante dans le cadre des différents projets litigieux, en exposant les montants précis qu’elle envisageait de récupérer pour chaque projet.

77      En outre, il ne saurait être perdu de vue que la lettre d’information préalable était accompagnée, en annexe, du rapport de l’OLAF, qui expose, de manière détaillée, les motifs, que par la suite l’ECTNC a fait siens, qui ont conduit à la procédure de récupération du montant réclamé.

78      Dès lors, s’il est certes regrettable que la lettre de confirmation se soit limitée à un courriel d’une seule phrase et n’ait pas répondu explicitement aux observations de la requérante sur la lettre d’information préalable, il n’en demeure pas moins que la lettre de confirmation, tout comme la note de débit litigieuse, au demeurant, est intervenue dans un contexte connu de la requérante au titre de la jurisprudence citée au point 72 ci-dessus.

79      Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante tiré du caractère vague et imprécis tant de la lettre d’information préalable que de la lettre de confirmation, qui ne lui auraient pas permis de connaître avec précision la nature et la portée des violations reprochées, et, par voie de conséquence, d’exercer son droit d’être entendue garanti par l’article 41 de la Charte.

80      Il s’ensuit également que la motivation de la note de débit litigieuse, ayant été émise à la suite des différents actes de la procédure de récupération, était suffisante pour permettre, d’une part, à la requérante d’apprécier son bien-fondé et l’opportunité d’introduire une procédure pour la contester et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer sa fonction juridictionnelle, au titre de la jurisprudence citée au point 73 ci-dessus.

81      S’agissant plus particulièrement de la prétendue méconnaissance des droits de la requérante, tirée du manque de réponse de l’ECTNC à ses observations sur la lettre d’information préalable, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence visée au point 56 ci-dessus, même à supposer cette méconnaissance établie, elle n’est de nature à invalider la mesure adoptée que s’il est établi que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent en l’absence de l’irrégularité alléguée.

82      Or, en l’occurrence, la requérante n’avance aucun argument de nature à démontrer que, en l’absence du caractère succinct de la lettre de confirmation, la procédure de récupération entamée par l’ECTNC aurait pu aboutir à un résultat différent en ce qui concerne l’émission ou le contenu de la note de débit litigieuse.

83      Eu égard à ce qui précède, l’argument tiré de ce que l’ECTNC n’aurait pas répondu aux observations de la requérante sur la lettre d’information préalable doit être rejeté.

84      Enfin, il convient également de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le rapport de l’OLAF aurait été dépourvu du niveau de détail requis en ce qu’il aurait porté sur l’ensemble des 28 projets couverts par le financement de l’Union, sans distinguer les circonstances dans lesquelles ces différents projets avaient été exécutés et les comptes financiers spécifiques se rattachant à chacun d’eux.

85      À cet égard, en premier lieu, il suffit d’observer que certaines irrégularités relevées dans le rapport de l’OLAF, telles que, notamment, l’absence de système de comptabilisation de dépenses au titre des contrats de subvention, revêtaient un caractère systémique et étaient communes à l’ensemble des projets visés dans ledit rapport.

86      En deuxième lieu, à plusieurs reprises, le rapport de l’OLAF relève des irrégularités bien précises relatives à l’un ou l’autre des 28 projets sur lesquels portait l’enquête et aussi, notamment, relatives à l’un ou l’autre des projets litigieux.

87      En troisième lieu, la lettre d’information préalable comportait une indication financière précise de la répartition des montants que l’ECTNC envisageait de récupérer pour chacun des projets litigieux.

88      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que le rapport de l’OLAF comportait un niveau suffisant de détail en ce qui concerne, notamment, les projets litigieux, pour ainsi permettre à la requérante d’exercer valablement ses droits au titre de l’article 41 de la Charte.

89      Par voie de conséquence, la seconde branche du troisième moyen et ainsi le troisième moyen dans son ensemble sont rejetés.

c)      Sur les deuxième et quatrième moyens, tirés, d’une part, de ce que ni l’OLAF ni, par la suite, l’ECTNC n’auraient compris le fonctionnement habituel et le modèle d’affaires de la requérante et, d’autre part, de l’éligibilité des dépenses déclarées par la requérante dans le cadre des projets litigieux

90      Les éléments de fait essentiels et les arguments présentés par la requérante dans le cadre des deuxième et quatrième moyens visent à démontrer l’éligibilité des dépenses subventionnées dans le cadre des projets litigieux et se recoupent largement. Ainsi, il convient de traiter les deux moyens ensemble.

91      La requérante estime avoir satisfait aux obligations contractuelles qui lui incombaient en vertu des contrats de subvention. Elle reproche à l’ECTNC de s’être fondée sur les conclusions du rapport de l’OLAF pour conclure à l’inéligibilité d’une partie des dépenses déclarées dans le cadre de l’exécution des projets litigieux, alors que, selon elle, ledit rapport est entaché de plusieurs erreurs. Ainsi, les dépenses dont la récupération est demandée par la note de débit litigieuse seraient éligibles.

92      Dans ces circonstances, il incombe au Tribunal d’examiner l’éligibilité des coûts déclarés par la requérante dont l’ECTNC demande la récupération, au regard des conclusions figurant dans le rapport de l’OLAF et des prétendues erreurs dont celui-ci serait entaché.

93      Dans un souci de clarté, il convient d’examiner les arguments avancés dans le cadre des deuxième et quatrième moyens en distinguant quatre branches principales.

1)      Sur la première branche, tirée de l’accomplissement des projets litigieux et de la comptabilisation correcte des dépenses engagées

94      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut soutenir que des dépenses effectivement engagées dans l’exécution d’un projet subventionné. Le bénéficiaire de l’aide doit, notamment, apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles. L’obligation de respecter les conditions financières fixées constitue même l’un de ses engagements essentiels et, de ce fait, conditionne l’attribution du concours financier (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden/Commission, T‑29/11, EU:T:2014:912, point 71 et jurisprudence citée).

95      Le même principe fondamental est reflété à l’article II.14 des conditions générales, qui prévoit que les coûts engagés pour l’exécution des projets litigieux doivent être déterminés conformément aux principes et aux pratiques usuelles de comptabilité et de gestion du bénéficiaire de l’aide. Les procédures internes de comptabilité et d’audit de celui-ci doivent permettre d’établir un rapprochement direct entre, d’une part, les coûts et les recettes déclarés au titre du projet et, d’autre part, les états financiers et les pièces justificatives correspondants. Les coûts engagés doivent s’inscrire dans la comptabilité du bénéficiaire de l’aide.

96      Il s’ensuit que le respect scrupuleux par le bénéficiaire d’une subvention des obligations financières auxquelles est subordonné l’octroi de cette subvention n’est pas une exigence purement formelle, mais la condition même pour qu’il puisse être vérifié, lors d’un audit financier ou d’un contrôle ou d’une vérification sur le terrain, que les coûts déclarés par le bénéficiaire correspondent bien à des coûts éligibles et justifiés (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 153).

97      Or, dans son rapport, premièrement, l’OLAF a relevé que les registres internes de la requérante ne permettaient d’identifier que de manière approximative les coûts encourus au titre des projets litigieux. Deuxièmement, il a souligné que lesdits registres faisaient apparaître des montants de dépenses nettement inférieurs à ceux déclarés par la requérante dans la demande de subvention. Troisièmement, l’OLAF faisait état de ce que la requérante ne disposait pas d’un système complet de répartition des coûts internes, qui aurait permis d’identifier les coûts réels supportés au titre des différents projets auxquels celle‑ci participait en tant que bénéficiaire de subventions.

98      L’OLAF a ainsi constaté que les procédures internes de comptabilité et d’audit de la requérante ne permettaient pas d’identifier les coûts réels des projets litigieux. L’ECTNC en a, par la suite, déduit que lesdites procédures ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article II.14 des conditions générales.

99      Or, lorsqu’un rapport, comme en l’espèce le rapport de l’OLAF, présente des indices concrets de l’existence d’un risque que les dépenses déclarées par le bénéficiaire d’une aide financière de l’Union ne remplissent pas les conditions d’éligibilité, l’inéligibilité est présumée et il appartient à ce dernier de démontrer, par le biais d’éléments probants, que les conditions d’éligibilité ont, au contraire, bien été respectées. Un rapport d’enquête qui s’appuie sur des indices concrets doit, à cet égard, être analysé comme un élément de preuve justifiant l’inéligibilité des dépenses (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 136, et du 27 avril 2016, ANKO/Commission, T‑154/14, non publié, EU:T:2016:246, point 138).

100    En l’espèce, le rapport de l’OLAF a été établi sur le fondement de l’article 3 du règlement no 883/2013, à la suite de la suspicion de l’existence d’une fraude portant atteinte aux intérêts de l’Union. Dès lors, il ne s’agit pas d’un simple audit, conduit sur la base des éléments fournis par la requérante, mais d’une enquête, menée dans le cadre de la compétence conférée à la Commission par le règlement (Euratom, CE) no 2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers [de l’Union] contre les fraudes et autres irrégularités (JO 1996, L 292, p. 2), qui permet nécessairement de parvenir à des conclusions plus approfondies et allant au-delà des éléments susceptibles de figurer dans un simple rapport d’audit.

101    Il s’ensuit que le rapport de l’OLAF possède une valeur probante plus forte qu’un rapport d’audit, en ce qu’il n’est pas uniquement fondé sur les éléments fournis par la requérante en tant qu’entité auditée, mais également sur ceux recueillis par l’OLAF à la suite de ses contrôles et vérifications sur place.

102    Ce n’est que dans l’hypothèse où la requérante apporte des relevés de frais et d’autres renseignements pertinents en vue de contester le rapport de l’OLAF qu’il incombe à l’ECTNC de démontrer qu’il y avait toutefois lieu d’écarter les dépenses litigieuses, en justifiant leur rejet, notamment parce que ces relevés de frais n’étaient pas exacts ou crédibles (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, SGI Studio Galli Ingegneria/Commission, T‑285/19, non publié, EU:T:2021:190, point 50 et jurisprudence citée).

103    La requérante avance sept arguments pour démontrer que les dépenses déclarées dans le cadre des projets litigieux ont fait l’objet d’une comptabilisation correcte et sont, dès lors, éligibles.

i)      Sur le premier argument, tiré de l’accomplissement des projets litigieux

104    La requérante insiste sur le fait que les résultats obtenus dans le cadre de chacun des projets litigieux constituent une confirmation irréfutable de la réalisation des objectifs poursuivis par le programme-cadre, de sorte qu’elle ne saurait se voir refuser la contribution des fonds de l’Union qui lui ont été versés dans le cadre des contrats de subvention. Elle invoque, à cet égard, un rapport établi par la société A (ci-après le « rapport de la société de conseil A »), couvrant la période allant de 2011 à 2015, qui serait indispensable pour comprendre son modèle d’affaires, sa pratique opérationnelle ainsi que son plan technologique et qui ne laisserait aucun doute concernant le respect de ses engagements en matière de projets dans le domaine de la recherche et du développement (R & D).

105    En outre, l’accomplissement de deux des projets litigieux serait également attesté par deux lettres établies par les chefs de file du consortium participant à l’exécution desdits projets. Ces lettres souligneraient la satisfaction des signataires à l’égard du travail réalisé par la requérante et l’accomplissement des objectifs des projets AGATE et IoE, tels que définis dans les contrats de subvention correspondants. Selon la requérante, le caractère élogieux de ces lettres est difficilement conciliable avec la gravité des accusations dont fait état le rapport de l’OLAF.

106    À cet égard et en premier lieu, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 108 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général [de l’Union] (JO 2002, L 248, p. 1), applicable à la date de signature des contrats de subvention, un tel contrat a, en substance, pour objectif de promouvoir une certaine activité auprès du bénéficiaire et non pas d’obtenir la propriété ou une partie du projet subventionné. Ce principe est expressément rappelé à l’article II.26.1 des conditions générales, selon lequel la propriété des résultats des projets litigieux sont détenus par le bénéficiaire de celle-ci.

107    Ainsi, dès lors que, dans le cadre d’un contrat de subvention, il ne s’agit pas d’avancer des fonds en échange de la réalisation d’un projet, la contribution financière de l’Union ne représente pas la contrepartie des projets litigieux, mais vise à promouvoir la réalisation desdits projets.

108    Il s’ensuit qu’il ne suffit pas que les projets litigieux aient été bien exécutés sur le plan technique et de manière conforme à ce qui était stipulé dans les contrats de subvention pour que la requérante ait droit aux concours financiers prévus. Il faut également que la requérante ait bien exécuté les obligations qui lui incombaient en vertu desdits contrats, de manière à permettre à la Commission, conformément à l’article II.22 des conditions générales (voir point 8 ci-dessus), de vérifier, notamment lors d’un audit financier, que les coûts déclarés sont éligibles et justifiés (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 152 et jurisprudence citée).

109    Dès lors, en cas de violation des obligations financières stipulées dans les contrats de subvention, la bénéficiaire de l’aide financière perd le droit au paiement des subventions et, partant, au titre de l’article II.22, paragraphe 6, des conditions générales, le cocontractant de la requérante est tenu de prendre toutes les mesures appropriées à cet égard, y compris la récupération intégrale ou partielle des subventions, indépendamment du fait que les projets litigieux aient été bien exécutés sur le plan technique.

110    Ainsi, le fait que les projets litigieux aient été exécutés ne permet pas d’établir que les coûts déclarés par la requérante ont été effectivement supportés dans le cadre de l’exécution desdits projets, et encore moins que celle-ci disposait d’un système complet de répartition des coûts internes, qui permettrait d’identifier les coûts réels exposés au titre des différents projets auxquels elle participait en tant que bénéficiaire de subventions, pour ainsi lui permettre de valablement remettre en cause les critiques contenues dans le rapport de l’OLAF.

111    Dans ce contexte, en second lieu, il y a également lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, dans la mesure où celle-ci aurait pleinement respecté les obligations lui incombant dans le cadre des contrats de subvention, il appartient à l’ECTNC de démontrer la réalité des irrégularités relevées dans le rapport de l’OLAF. À cet égard, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence visée au point 102 ci-dessus, ce n’est que dans l’hypothèse où la requérante apporte des relevés de frais et d’autres renseignements pertinents en vue de contester le rapport de l’OLAF qu’il incombe à l’ECTNC de démontrer qu’il y avait toutefois lieu d’écarter les dépenses litigieuses. Or, la requérante reste en défaut d’apporter de telles preuves.

112    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier argument.

ii)    Sur le deuxième argument, tiré de la validation préalable par l’ECTNC des coûts déclarés

113    La requérante fait observer que le rapport de l’OLAF ne comporte aucun élément de nature à justifier les raisons qui l’auraient conduit à écarter la validation des dépenses par l’ECTNC, laquelle aurait eu lieu lorsque celle-ci avait approuvé les aides aux projets litigieux au moment de l’octroi des concours financiers. À cet égard, elle produit un rapport des commissaires aux comptes établi par la société B (ci-après le « rapport de la société B »), lequel attesterait du caractère régulier et de la réalité de ses dépenses engagées dans le cadre de trois des projets litigieux.

114    Selon la requérante, toutes ses dépenses auraient fait l’objet d’un contrôle réalisé par une entité homologuée indépendante et auraient été ensuite vérifiées et acceptées par l’ECTNC dans les rapports d’analyse technique.

115    Dès lors, selon la requérante, l’ECTNC ne pouvait légitimement pas, dans un premier temps, valider des coûts comme étant conformes aux contrats de subvention, pour, ensuite, en acceptant sans discernement l’ensemble des conclusions du rapport de l’OLAF, émettre un ordre de recouvrement pour les mêmes coûts, sans fournir la moindre explication quant au constat de leur non-conformité ultérieure. Ce comportement serait de nature à constituer une violation du principe de protection de la confiance légitime.

116    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article II.5, paragraphe 2, des conditions générales, le fait que les rapports de justification des dépenses déclarées soient approuvés n’implique pas une reconnaissance définitive de leur authenticité ou de leur exactitude, et n’empêche en aucune manière leur révision ou leur audit à un stade ultérieur. Ainsi, l’approbation par l’ECTNC des rapports des dépenses présentés par la requérante, y compris du rapport de la société B soumis préalablement à l’approbation des coûts déclarés, revêt un caractère provisoire, au cours de la période de cinq ans pendant laquelle la Commission peut décider de conduire un audit (voir point 8 ci-dessus), et ne saurait être assimilée à la reconnaissance incontestable, lors d’un contrôle éventuel, que les dépenses déclarées présentaient un caractère justifié.

117    Ainsi, le rapport de la société B établi sur demande de la requérante et soumis préalablement à l’octroi de l’aide financière ne suffit pas, en soi, à remettre en cause les éléments figurant dans le rapport de l’OLAF qui mettent en doute la réalité des coûts engagés par la requérante. Il convient de souligner, en outre, ainsi qu’il a été observé aux points 100 et 101 ci-dessus, qu’un rapport d’enquête est, par sa nature même et au vu des analyses approfondies qu’il comporte, susceptible d’avoir une valeur probante plus importante qu’un simple rapport d’audit, tel que, en l’espèce, le rapport de la société B.

118    Il en va d’autant plus ainsi que la requérante n’apporte aucun argument ni aucun élément de preuve supplémentaire pour démontrer que le rapport de la société B serait plus fiable que celui établi par l’OLAF, non seulement postérieurement, mais également à la suite d’analyses approfondies résultant des contrôles et des vérifications sur place portant sur les projets litigieux.

119    Dans ces conditions, le deuxième argument ne peut qu’être rejeté.

iii) Sur le troisième argument, tiré de ce que le modèle d’affaires de la requérante l’a obligée à mettre en place un système de gestion interne spécifique

120    La requérante fait valoir que son modèle d’affaires diffère de celui d’autres entités opérant sur le marché, en ce qu’il doit répondre aux besoins particuliers liés à son activité dans le domaine de la R & D, lesquels l’ont obligée à mettre en place un système adapté de gestion intégrée. Elle souligne que son mode opérationnel relativement complexe requiert une connaissance approfondie de son modèle d’affaires ainsi que de son plan technologique. Or, l’OLAF ne disposerait pas des compétences techniques nécessaires pour interpréter et comprendre le modèle d’affaires de la requérante, ce qui l’aurait conduit à une interprétation erronée des éléments de preuve figurant dans ses systèmes internes.

121    La requérante estime que les dépenses encourues dans le cadre des projets litigieux ont fait l’objet d’une comptabilisation correcte et pouvaient être aisément identifiées dans ses registres internes. À l’appui de ses allégations, au cours de l’audience, la requérante a invoqué, notamment, des extraits de ses systèmes internes et d’autres documents qui attesteraient de l’existence d’éléments se rattachant à l’exécution des projets litigieux, en soulignant l’existence de codes internes propres à ses systèmes permettant d’accéder à des pièces justificatives. Ces éléments confirmeraient la crédibilité de ses allégations.

122    Ainsi, ce serait à tort que l’OLAF a considéré que la requérante n’avait pas comptabilisé de manière appropriée les coûts supportés dans le cadre de l’exécution des projets litigieux, pour ainsi en justifier leur réalité et leur teneur.

123    À cet égard, il convient d’observer qu’il est certes vrai que ni les contrats de subvention ni la règlementation en vigueur n’obligeaient la requérante à mettre en place un système de comptabilisation spécifique. Toutefois, l’article II.14, paragraphe 1, des conditions générales stipulait que les coûts déclarés devaient être identifiables et contrôlables, tout en laissant au bénéficiaire le choix des moyens de preuve. Il s’ensuit que les contrats de subvention obligeaient la requérante à tenir une comptabilité propre et une documentation appropriée pour justifier les dépenses engagées dans le cadre des projets litigieux.

124    Ainsi, la requérante ne saurait valablement justifier l’insuffisance de son système de comptabilisation des dépenses par un argument tiré de son modèle d’affaires particulier, car sa liberté de mettre en place un système de comptabilisation répondant au mieux à ses besoins spécifiques dans le domaine de la R & D ne saurait l’exonérer de l’obligation que ses coûts déclarés soient identifiables et contrôlables, conformément à l’article II.14, paragraphe 1, des conditions générales. Il en va de même de son argument tiré de la prétendue nécessité de disposer de connaissances techniques approfondies pour pouvoir comprendre son modèle d’affaires et ainsi parvenir au montant total des coûts des projets litigieux.

125    S’agissant enfin de la présentation, assurée lors de l’audience, des éléments des systèmes internes de la requérante, il importe de relever qu’il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C‑593/18 P, non publié, EU:C:2019:1027, point 31).

126    Or, les explications complexes et alambiquées qui ont été nécessaires à la requérante pour essayer de démontrer la fiabilité de ses systèmes internes ne sont pas, en raison de leur caractère confus et difficilement compréhensible, de nature à emporter la conviction du Tribunal. Dès lors, la présentation, assurée lors de l’audience, des éléments des systèmes internes de la requérante ne permet pas davantage que les autres arguments de la requérante de renverser la présomption d’inéligibilité d’une partie des coûts déclarés, telle qu’établie par le rapport de l’OLAF, au sens de la jurisprudence citée au point 99 ci‑dessus.

127    Au vu de ce qui précède, le troisième argument est rejeté.

iv)    Sur le quatrième argument, tiré de ce que la régularité du système de comptabilisation de la requérante serait attestée par divers documents

128    Le premier élément dont essaie de se prévaloir la requérante est que la régularité de son système de comptabilisation est attestée par trois rapports d’audit réalisés par des entités externes.

129    Le premier document invoqué par la requérante est le rapport de la société de conseil A, qui est, selon elle, indispensable pour comprendre son modèle d’affaires et son mode de fonctionnement et qui attesterait le respect de ses engagements en matière de projets en R & D (voir point 104 ci-dessus). Ainsi, ledit rapport ferait état du caractère adéquat des aides publiques demandées, de ce que la requérante distingue et sépare correctement les activités liées aux projets en R & D de celles liées à des projets commerciaux, attestant la cohérence de son plan technologique, des bons résultats obtenus dans le cadre de la réalisation des projets en R & D et du fait que la requérante a géré, contrôlé et comptabilisé de manière adéquate ces projets.

130    À cet égard, il convient d’observer que le rapport de la société de conseil A, établi à la demande de la requérante, porte sur des aspects généraux liés à son activité dans le domaine de la R & D. Aucun élément y figurant ne se rattache de manière précise aux irrégularités identifiées dans le rapport de l’OLAF, de sorte qu’il n’est pas de nature à remettre en cause les constats effectués par ce dernier. Il s’ensuit que le simple fait que le rapport de la société de conseil A fait état de ce que la requérante sépare ses dépenses liées à ses activités en matière de R & D ou que celle-ci gère et contrôle de manière adéquate les ressources consacrées auxdits projets n’est pas suffisant pour attester la régularité des dépenses déclarées par la requérante dans le cadre des projets litigieux.

131    Le deuxième élément dont essaie de se prévaloir la requérante correspond aux rapports de justification des dépenses supportées au cours des différentes périodes prévues par les contrats de subvention, établis par le secrétariat d’État espagnol chargé des Télécommunications et de la Société de l’Information ainsi que par l’ECTNC.

132    Or, force est de constater que, en l’espèce, la requérante n’indique pas en quoi les rapports visés aux points 130 et 131 ci-dessus se rattacheraient au respect des obligations financières découlant des contrats de subvention et, par voie de conséquence, en quoi ils seraient de nature à invalider les conclusions du rapport de l’OLAF concernant les projets litigieux. Il s’ensuit que l’argumentation avancée par la requérante tirée desdits rapports d’analyse technique doit être écartée.

133    Le troisième élément dont la requérante a essayé de se prévaloir pour démontrer la régularité de son système de comptabilisation consiste en un rapport d’audit, figurant à l’annexe C.8, produit au stade de la réplique. Toutefois, ainsi qu’il découle de l’analyse figurant aux points 22, 23 et 25, ci-dessus, ce document a été produit tardivement et, dès lors, doit être rejeté comme irrecevable au sens de l’article 85 du règlement de procédure.

134    En tout état de cause, le document visé au point 133 ci-dessus porte sur des questions relatives à la stratégie commerciale de la requérante et à sa participation à des projets relevant du domaine de la R & D, sans pour autant apporter le moindre éclaircissement sur les irrégularités relevées dans le rapport de l’OLAF en ce qui concerne les projets litigieux, de sorte que ce document n’est pas susceptible d’invalider les conclusions figurant dans le rapport de l’OLAF.

135    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le quatrième argument de la requérante.

v)      Sur le cinquième argument, tiré de ce que les dossiers afférents aux projets litigieux ne réunissaient pas l’ensemble des informations sur les coûts supportés dans le cadre de ceux-ci

136    La requérante fait valoir que, en concluant que les coûts supportés dans le cadre des projets litigieux étaient inférieurs aux coûts déclarés, l’OLAF aurait ignoré le fait qu’un poste budgétaire d’un projet ne réunit pas toutes les dépenses supportées aux fins de l’exécution dudit projet, mais uniquement les dépenses considérées comme supplémentaires par rapport à celles déjà prévues dans le plan technologique.

137    Ainsi, il ne faudrait pas prendre comme référence uniquement les informations figurant dans un dossier se rattachant à un projet spécifique pour évaluer le coût réel de l’exécution d’un projet subventionné, mais également recourir aux informations fournies dans le système de gestion interne de la requérante. Il serait, dès lors, logique que les coûts se rattachant à un poste budgétaire présentent un montant inférieur à celui réellement supporté pour l’exécution des projets litigieux et, par voie de conséquence, à celui qui apparaît dans le « compte justificatif » soumis à l’ECTNC.

138    Or, cet argument n’est aucunement de nature à pallier les défaillances de la requérante, telles que relevées dans le rapport de l’OLAF, à son obligation de tenir une comptabilité exacte et précise permettant d’établir un rapprochement direct entre les coûts déclarés et ceux effectivement consacrés aux projets litigieux au titre de l’article II.14 des conditions générales.

139    En effet, force est de constater que l’argument de la requérante tiré de ce que les dossiers afférents aux projets litigieux ne réunissaient pas l’ensemble des informations sur les coûts supportés ne fait que renforcer la conclusion figurant dans le rapport de l’OLAF selon laquelle, en substance, la requérante ne disposait pas d’un système complet de répartition des coûts internes, qui aurait permis d’identifier les coûts réels supportés au titre des projets litigieux (voir point 97 ci-dessus).

140    Certes, lors de l’audience, la requérante a, en s’appuyant sur une présentation visuelle, reproché à l’OLAF, notamment, d’avoir tiré des conclusions incorrectes en appliquant des filtres erronés aux résultats démontrés par son système de comptabilisation.

141    Cependant, ainsi qu’il ressort du point 126 ci-dessus, cet élément de preuve n’a pas une forte valeur probante et, ainsi, la présentation visuelle ne permet pas davantage que les autres éléments fournis par la requérante de renverser la présomption d’inéligibilité d’une partie des coûts déclarés, telle qu’établie par le rapport de l’OLAF, au sens de la jurisprudence citée au point 99 ci-dessus.

142    En tout état de cause, à supposer même qu’il ait été nécessaire d’effectuer un filtrage des données figurant dans le système de gestion interne de la requérante, contraindre l’OLAF à faire usage d’une telle fonctionnalité technique, qui nécessiterait, d’ailleurs, une compréhension au fond dudit système pour éviter l’application de filtres erronés, afin de pouvoir identifier l’ensemble des coûts supportés dans le cadre des projets litigieux démontre, de nouveau, que la requérante a méconnu son obligation contractuelle de tenir une comptabilité propre et une documentation appropriée. Au demeurant, lors d’un audit, il ne saurait être exigé ni de l’OLAF ni de la Commission de rassembler des éléments dispersés dans la comptabilité de la requérante pour pouvoir établir le coût réel des projets litigieux.

143    Il s’ensuit que, en admettant que les dépenses se rattachant aux projets litigieux se trouvaient dispersées à travers ses registres internes et son système de comptabilisation et qu’une connaissance technique approfondie dudit système était nécessaire pour établir la totalité des coûts engagés dans le cadre des projets litigieux, la requérante n’a, de toute évidence, pas satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe au titre de la jurisprudence citée au point 99 ci-dessus.

144    Par conséquent, le cinquième argument doit être rejeté.

vi)    Sur le sixième argument, tiré de l’archivage des projets antérieurs dans le dossier relatif aux projets litigieux

145    La requérante prétend que le simple constat figurant dans le rapport de l’OLAF que la documentation relative à un projet précédent ait été archivée dans le dossier des projets litigieux n’implique pas qu’elle aurait déclaré les coûts se rattachant audit projet antérieur comme des coûts éligibles au titre des contrats de subvention. Elle souligne que, dans le domaine de la R & D, un tel archivage de la documentation ou des composantes techniques élaborées lors des projets antérieurs peut s’avérer nécessaire pour l’exécution d’un projet ultérieur.

146    Dans son rapport, l’OLAF a conclu que la documentation interne en ce qui concerne certains projets menés par la requérante, dont notamment l’un des quatre projets litigieux, à savoir le projet litigieux AGATE, comprenait des documents relatifs aux développements du projet en cause établis antérieurement à la période pertinente et d’autres éléments se rattachant à l’activité de l’entreprise qui n’avaient pas de lien avec ledit projet.

147    Toutefois, une telle circonstance, même à la supposer établie, n’est pas en soi de nature à pallier les irrégularités relevées dans le rapport de l’OLAF (voir points 97 et 98 ci-dessus), dont, notamment celle relative à l’obligation de tenir une comptabilité exacte et précise permettant d’établir un rapprochement direct entre les coûts déclarés et ceux effectivement consacrés aux projets litigieux pendant la période pertinente. En effet, la requérante reste en défaut d’apporter des éléments de preuve démontrant que, malgré la particularité du système d’archivage des documents en matière de R & D, les coûts relatifs à des projets antérieurs n’ont pas été inclus dans les dépenses soumises à l’ECTNC, et permettant ainsi de renverser la présomption d’inéligibilité établie au sens de la jurisprudence citée au point 99 ci-dessus.

148    Il s’ensuit que le sixième argument doit être rejeté.

vii) Sur le septième argument, tiré de l’engagement de ses ressources propres par la requérante

149    La requérante fait observer que, ainsi que cela a été relevé dans le rapport de la société de conseil A, son financement repose principalement sur ses ressources propres et, dans une moindre mesure, sur des aides publiques. À cet égard, elle relève que le rapport de l’OLAF ne contient aucun élément de nature à démontrer l’absence de financement privé des projets litigieux par ses ressources propres.

150    Le rapport de l’OLAF fait état de ce que les coûts réels se rattachant aux projets litigieux couvraient à peine les subventions reçues par la requérante. Ainsi, pour prétendre respecter le principe de cofinancement, la requérante déclarait des coûts gonflés pour pouvoir justifier le montant des subventions reçues.

151    Toutefois, le constat le plus fondamental justifiant la procédure de la récupération n’était pas fondé sur le fait que les coûts réels couvraient à peine la subvention, mais concernait plutôt le fait que les coûts déclarés par la requérante étaient gonflés, dès lors que ses registres internes faisaient apparaître des montants de dépenses nettement inférieurs à ceux déclarés dans la demande de subvention (voir point 10 ci-dessus). Par conséquent, même à supposer, quod non, que la requérante ait financé une partie des projets litigieux par des ressources propres, ce fait ne serait pas de nature à invalider la conclusion figurant dans le rapport de l’OLAF selon laquelle les coûts déclarés par la requérante dépassaient largement les coûts réels encourus dans le cadre des projets litigieux et, dès lors, étaient inéligibles.

152    De surcroît, le fait que la requérante ait financé les projets litigieux en partie par ses propres ressources est en parfaite conformité avec le principe de cofinancement consacré à l’article II.16 des conditions générales.

153    Dès lors, le septième argument doit être également rejeté, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si les coûts que le rapport de l’OLAF a établis comme ayant été gonflés l’ont été à un taux qui financerait la totalité des projets litigieux.

viii) Conclusion sur la première branche

154    Au regard des considérations qui précèdent, il convient de conclure que ni dans ses écritures ni lors de l’audience la requérante n’a apporté d’élément de nature à établir que les dépenses engagées dans le cadre des projets litigieux avaient fait l’objet d’une comptabilisation correcte et pouvaient, de ce fait, être aisément identifiées dans ses registres internes, permettant de remettre en cause les irrégularités identifiées dans le rapport de l’OLAF, conformément à la jurisprudence visée au point 99 ci-dessus. Il en va de même en ce qui concerne tout argument de la requérante se rattachant à la prétendue non-compréhension de son modèle d’affaires par l’OLAF et, par la suite, par l’ECTNC.

155    Par conséquent, il convient de rejeter la première branche.

2)      Sur la deuxième branche, tirée du degré de participation de la requérante aux projets litigieux

156    S’agissant des constats et conclusions du rapport de l’OLAF par rapport au degré de participation de la requérante aux projets litigieux, celle-ci soulève, en substance, deux griefs :

–        le premier, tiré de l’insuffisance de motivation du rapport de l’OLAF en ce que celui-ci contiendrait très peu d’informations au sujet de la sous-traitance, notamment en ce qui concerne le projet litigieux Motorbrain, ce qui aurait empêché la requérante, non seulement de formuler davantage d’arguments précis, mais également d’exercer utilement ses droits procéduraux au cours de la procédure de récupération ;

–        le second, tiré du bien-fondé desdites conclusions.

i)      Sur le premier grief, tiré de l’insuffisance de motivation du rapport de l’OLAF

157    S’agissant du premier grief, tiré d’une insuffisance de motivation concernant la sous-traitance dans le cadre du projet litigieux Motorbrain, premièrement, il convient de relever que, dans son rapport, l’OLAF a conclu, sur la base des documents analysés dans le cadre de l’enquête que la requérante avait sous-traité la réalisation de la quasi-totalité des prestations liées audit projet à l’entité C, sans que cette délégation ait été portée à la connaissance de l’ECTNC et encore moins autorisée par cette dernière, conformément à l’article II.7 des conditions générales. L’OLAF a aussi relevé que l’entité C, à laquelle la requérante avait sous-traité l’exécution des prestations liées à ce projet, faisait partie du consortium bénéficiant du financement dudit projet, en méconnaissance de l’article II.7 des conditions générales, selon lequel la sous-traitance n’est autorisée qu’avec des tiers externes à la convention.

158    Deuxièmement, le rapport de l’OLAF a également relevé que l’entité C était liée à la requérante, dans la mesure où les personnes ayant la capacité de décision étaient les mêmes pour les deux participants. Ainsi, les deux employés de l’entité C chargés des décisions techniques et économiques, tout comme de la signature des contrats de sous-traitance, occupaient les fonctions, respectivement, de président et de membre du conseil d’administration de la requérante. Or, l’ECTNC n’aurait jamais été informée de ce lien.

159    Troisièmement, le rapport de l’OLAF fait état de ce que les membres du consortium utilisaient leurs liens afin de présenter des budgets distincts et d’obtenir de multiples subventions au titre d’un même projet, alors que, en réalité, seul l’un desdits membres aurait effectué la totalité ou la majorité des prestations faisant l’objet du contrat de subvention.

160    Ainsi, il ressort que le rapport de l’OLAF fait état de plusieurs éléments factuels en vue d’établir la sous-traitance des tâches faisant l’objet du projet litigieux Motorbrain, pour ainsi permettre à la requérante de comprendre les irrégularités qui lui ont été reprochées à cet égard et d’exercer utilement son droit de présenter des observations sur lesdits éléments et de les contester ainsi qu’au juge de l’Union d’exercer son contrôle.

161    Partant, le rapport de l’OLAF était suffisamment motivé, au sens de la jurisprudence visée aux points 72 et 73 ci-dessus, en ce qui concerne le degré de participation de la requérante dans le projet litigieux Motorbrain.

ii)    Sur le second grief, tiré du bien-fondé des conclusions du rapport de l’OLAF en ce qui concerne le degré de participation de la requérante au projet litigieux Motorbrain

162    S’agissant ensuite du second grief portant sur le bien-fondé de la question du degré de participation de la requérante au projet litigieux Motorbrain, il convient de relever que les éléments relevés aux points 157 à 159 ci-dessus constituent des indices suffisamment sérieux, au sens de la jurisprudence visée au point 99 ci-dessus, pour permettre de raisonnablement considérer que, dans le cadre dudit projet, la requérante a sous-traité des tâches à l’entité C, en violation de ses obligations découlant de l’article II.7 des conditions générales, de sorte que les coûts s’y rattachant déclarés par la requérante ne présentaient pas un caractère réel et, dès lors, n’étaient pas éligibles au financement de l’Union.

163    Dans ces conditions, conformément à la répartition de la charge de la preuve selon une jurisprudence bien établie (voir point 99 ci-dessus), il appartient à la requérante de démontrer qu’elle a bien respecté les conditions d’éligibilité en renversant les éléments de preuve démontrant la sous-traitance qui ressortent du rapport de l’OLAF.

164    Or, la requérante ne nie pas l’existence d’une coordination entre elle et l’entité C, faisant également partie du consortium et étant impliquée dans l’exécution du projet litigieux Motorbrain. Elle souligne toutefois que, même si les tâches assignées exigeaient une telle coordination, les lots de travail de chaque entité étaient clairement différenciés dans l’annexe technique, laquelle avait été approuvée par le prédécesseur de l’ECTNC.

165    La requérante avance plus précisément quatre arguments pour contester le reproche de sous-traitance figurant dans le rapport de l’OLAF.

–       Sur le premier argument, tiré de ce que les tâches réalisées dans le cadre du projet litigieux Motorbrain ont été approuvées par l’ECTNC

166    La requérante fait observer que les tâches réalisées dans le cadre de chaque lot de travail du projet litigieux Motorbrain ont été contrôlées par l’ECTNC et consignées dans les rapports de justification ou les rapports d’analyse technique. En outre, le travail réalisé aurait été contrôlé et attesté par le directeur du consortium, dont faisait partie la requérante.

167    À cet égard, d’une part, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 116 ci-dessus, l’approbation initiale par l’ECTNC des dépenses présentées par la requérante revêt une nature provisoire et ne saurait être assimilée à la reconnaissance, ne pouvant être contestée, que les dépenses déclarées présentaient un caractère justifié.

168    D’autre part, pour ce qui est de l’argument de la requérante tiré de ce que le travail effectué dans le cadre du projet litigieux Motorbrain a été attesté par le chef de file du consortium, il suffit d’observer que, indépendamment de la valeur probante nécessairement faible d’un tel document, cet argument méconnaît le principe, visé au point 108 ci-dessus, selon lequel le fait qu’un projet bénéficiant d’un concours de l’Union ait été accompli ne permet pas d’établir la réalité des coûts déclarés aux fins de la subvention.

169    Dans ces conditions il convient de rejeter le premier argument.

–       Sur le deuxième argument, tiré de l’absence d’accord de sous-traitance entre l’entité C et la requérante

170    La requérante insiste sur le fait qu’aucun accord de sous-traitance n’a été conclu entre elle et l’entité C et que celle-ci n’a jamais exécuté de tâches à son profit. Dès lors, les raisons pour lesquelles l’OLAF et, par la suite, l’ECTNC auraient conclu à l’existence d’une sous-traitance entre ces deux entités seraient non fondées.

171    À cet égard, il suffit d’observer que, même à le supposer établi, le simple fait qu’il n’y aurait pas d’accord exprès de sous-traitance entre la requérante et l’entité C n’est pas, en soi, suffisant, en présence des indices concrets exposés aux points 157 à 159 ci-dessus, pour satisfaire à la charge de la preuve qui incombe à la requérante pour renverser la présomption d’inéligibilité que font naître lesdits indices. En effet, la sous-traitance de tâches peut exister dans les faits, sans qu’il y ait besoin qu’elle soit formalisée par un accord spécifique.

172    Il en va d’autant plus ainsi en ce qui concerne la déclaration de la requérante selon laquelle l’entité C n’aurait exécuté aucune tâche à son profit, laquelle ne suffit pas davantage à renverser la présomption d’inéligibilité résultant des indices susmentionnés et ne peut, dès lors, qu’être écartée.

173    Il s’ensuit que le deuxième argument doit être rejeté.

–       Sur le troisième argument, tiré des éléments susceptibles de réfuter la sous-traitance figurant dans les observations sur la lettre d’information préalable

174    La requérante fait remarquer que, dans ses observations sur la lettre d’information préalable, elle avait apporté des éléments de nature à réfuter l’allégation de l’existence d’un lien entre elle et l’entité C en ce qui concerne l’irrégularité consistant en la délégation non autorisée de tâches à cette dernière.

175    Il convient toutefois de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 22 à 29 ci-dessus, le document contenant les observations de la requérante sur la lettre d’information préalable figurant à l’annexe C.10 a été rejeté comme irrecevable au titre de l’article 85 du règlement de procédure.

176    Il s’ensuit que, le troisième argument n’étant, au demeurant, étayé par aucun élément de preuve, il doit être rejeté.

–       Sur le quatrième argument, tiré de ce que l’OLAF aurait conclu à la sous-traitance sur la base d’une phrase sortie de son contexte

177    La requérante fait valoir que l’OLAF a sorti de son contexte une phrase figurant dans un rapport interne, pour conclure qu’elle n’avait réalisé aucune activité dans le cadre du projet litigieux Motorbrain et que, ainsi, ledit projet avait été réalisé par l’entité C. Elle souligne que, par la phrase en question, elle entendait dire, en substance, qu’elle n’allait pas réaliser d’autres activités que celles prévues dans son plan technologique.

178    Or, la requérante n’identifie pas avec la précision requise la phrase en question, de sorte que cet argument doit être écarté comme irrecevable, conformément à l’article 76, sous d), du règlement de procédure et à la jurisprudence visée au point 31 ci-dessus.

179    En tout état de cause, ainsi qu’il ressort des points 157 à 160 ci-dessus, le rapport de l’OLAF contient de nombreux éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête, qui constituent des indices sérieux de la sous-traitance en faveur de l’entité C. Ainsi, même dans l’hypothèse où l’un de ces éléments consisterait en une phrase figurant dans un rapport interne de la requérante qui aurait été sortie de son contexte, ce fait ne serait pas de nature à renverser, à lui seul, la conclusion de sous-traitance dans le cadre du projet litigieux Motorbrain, qui repose sur un faisceau d’indices sérieux et concordants.

180    Dès lors, le quatrième argument doit être rejeté, tout comme la deuxième branche dans son ensemble.

3)      Sur la troisième branche, tirée de l’identification des coûts directs et indirects

181    La requérante déclare être dans l’impossibilité de comprendre les raisons pour lesquelles l’ECTNC a conclu à l’inéligibilité des coûts indirects, puisque le rapport de l’OLAF ne comporte pas d’éléments précis à cet égard, soulevant, ainsi, une argumentation tirée de l’insuffisance de motivation.

182    Il est certes vrai que le rapport de l’OLAF ne comporte pas d’explications concernant l’établissement des coûts indirects considérés comme inéligibles.

183    Toutefois, selon la jurisprudence, telle que rappelée au point 72 ci-dessus, un acte est suffisamment motivé lorsqu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard.

184    Or, l’article II.15, paragraphe 2, des conditions générales prévoit, en substance, que les coûts indirects doivent être identifiés et justifiés dans le système de comptabilisation du bénéficiaire de l’aide de l’Union comme ayant été supportés en lien direct avec les coûts directs éligibles se rattachant au projet subventionné. Il s’agit d’un élément connu de la requérante dont il convient de tenir compte pour établir si l’argument tiré d’une insuffisance de motivation est bien fondé, au sens de la jurisprudence citée au point 72 ci-dessus.

185    À cet égard, le Tribunal relève que, pour soutenir cette troisième branche, la requérante renvoie à son argumentation relative à la comptabilité des projets litigieux et à leur lien avec le plan technologique et rappelle que, dans la mesure où elle n’était tenue ni par la règlementation comptable ni par les contrats de subvention de tenir une comptabilité séparée, projet par projet, il ne saurait être exigé d’elle qu’elle respecte une telle obligation.

186    Ainsi, la requérante a bien compris que l’OLAF a retenu que les coûts indirects n’étaient pas éligibles, faute d’un système de comptabilisation régulier, au sens des contrats de subvention.

187    Il convient dès lors de conclure que le rapport de l’OLAF contenait suffisamment d’informations et est intervenu dans un contexte bien connu de la requérante, qui lui a permis de comprendre les motifs pour lesquels les coûts indirects avaient été déclarés inéligibles et de contester cette conclusion au cours de la présente instance.

188    Partant, la troisième branche doit être rejetée.

4)      Sur la quatrième branche, tirée de ce que l’ECTNC se serait contentée de reprendre les conclusions figurant dans le rapport de l’OLAF en ce qui concerne le financement du projet litigieux AGATE

189    Au stade de la réplique, la requérante reproche à l’ECTNC, en substance, de s’être contentée de reprendre les conclusions du rapport de l’OLAF sans avoir procédé à des vérifications supplémentaires, notamment en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle elle aurait reçu une autre aide publique dans le cadre de l’exécution du projet litigieux AGATE. Cette conclusion serait erronée, dans la mesure où ledit projet aurait été financé par des fonds privés et non publics, ainsi que l’attesterait un certificat produit par la requérante, en annexe, toujours au stade de la réplique.

190    Il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 84 du règlement de procédure que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ou qu’ils constituent l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci (voir arrêt du 22 novembre 2017, von Blumenthal e.a./BEI, T‑558/16, non publié, EU:T:2017:827, point 48 et jurisprudence citée).

191    Or, d’une part, dans la réplique, la requérante n’identifie aucun élément de droit ou de fait qui se serait révélé durant la procédure, pour lui permettre ainsi de soulever un moyen nouveau, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure. Au demeurant, il ressort à l’évidence de l’argument de la requérante visé au point 189 ci-dessus que celle-ci reproche à l’ECTNC de ne pas avoir écarté un constat figurant dans le rapport de l’OLAF concernant le projet litigieux AGATE, un élément de fait qui lui était connu avant l’introduction du présent recours.

192    D’autre part, il est certes vrai que, dans le cadre du septième argument de la première branche du présent moyen, la requérante déclare, en substance, que son financement repose principalement sur ses ressources propres (voir point 149 ci-dessus). Toutefois, le degré de financement par les ressources propres de la requérante et la question de savoir si le projet litigieux AGATE aurait fait l’objet d’un double financement provenant également de fonds publics sont deux questions distinctes, de sorte que ce grief ne saurait être considéré comme une ampliation du grief régulièrement soulevé dans la requête.

193    Il s’ensuit que le grief soulevé par la requérante concernant le financement du projet litigieux AGATE doit être écarté comme étant irrecevable, tout comme la présente branche, en vertu de l’article 84 du règlement de procédure.

5)      Conclusion sur les deuxième et quatrième moyens

194    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’a apporté aucun argument permettant de renverser la conclusion de l’OLAF et, par la suite, celle de l’ECTNC, concernant l’inéligibilité d’une partie des dépenses déclarées au titre des contrats de subvention.

195    Ainsi, il convient de rejeter les deuxième et quatrième moyens dans leur ensemble.

3.      Conclusion sur le recours 

196    Eu égard aux considérations qui précèdent, dans la mesure où aucun moyen de la requérante n’a été accueilli, il convient de rejeter son recours et d’analyser la demande reconventionnelle introduite par l’ECTNC dans le cadre de la présente procédure sur le fondement de l’article 272 TFUE.

B.      Sur la demande reconventionnelle

197    Par sa demande reconventionnelle, l’ECTNC réclame le recouvrement du montant litigieux sur la base de la clause compromissoire, au sens de l’article 272 TFUE, figurant à l’article 9 de la convention de subvention des contrats de subvention. Elle fait observer que tant le recours que la demande reconventionnelle reposent sur le même acte juridique, à savoir les conventions de subvention pour les projets litigieux, et renvoient aux mêmes faits, à savoir l’exécution des obligations contractuelles par la requérante. Ainsi, l’ECTNC fait valoir que la demande reconventionnelle doit être accueillie en raison des violations contractuelles commises par la requérante, dont le rapport de l’OLAF constitue une preuve suffisante.

198    La requérante fait formellement valoir que la demande reconventionnelle formulée par l’ECTNC est « irrecevable », sur le fondement de deux arguments, tirés :

–        le premier, de l’inapplicabilité de l’article 299 TFUE et de la violation du principe de protection de la confiance légitime ;

–        le deuxième, de la violation du principe d’interdiction de la reformatio in pejus et d’un détournement de pouvoir.

199    Or, il apparaît à l’évidence que les arguments de la requérante visés au point 198 ci-dessus n’ont pas trait à la recevabilité de la demande reconventionnelle, mais se rattachent plutôt au bien-fondé de celle-ci.

200    En outre, la requérante avance à l’encontre de la demande reconventionnelle un troisième argument, tiré de la réalité des coûts engagés dans le cadre des projets litigieux.

201    Ainsi, il convient d’examiner le bien-fondé de la demande reconventionnelle à la lumière des trois arguments soulevés par la requérante.

1.      Sur les arguments soulevés par la requérante

a)      Sur le premier argument, relatif à l’inapplicabilité de l’article 299 TFUE et au principe de protection de la confiance légitime

202    La requérante fait observer que si l’article II.21, paragraphe 4, des conditions générales prévoit que les organismes de financement peuvent adopter des décisions exécutoires en vertu de l’article 299 TFUE pour obtenir le remboursement du financement accordé, l’ECTNC ne saurait adopter aucun acte de cette nature. Son argument serait par ailleurs corroboré par l’ordonnance du 22 janvier 2021, Green Power Technologies/Commission et Entreprise commune ECSEL (T‑533/20 R, non publiée, EU:T:2021:38), qui a rejeté la demande de mesures provisoires de la requérante dans le cadre d’un référé, au motif que l’éventuel préjudice financier ne pouvait pas être qualifié d’imminent. Ce rejet aurait fait naître chez la requérante une confiance dans le fait qu’aucun titre exécutoire ne serait délivré au titre de l’article 299 TFUE, de sorte que la demande reconventionnelle violerait le principe de protection de la confiance légitime.

203    À cet égard, il convient d’observer que, certes, l’article II.21, paragraphe 4, des conditions générales précise que la Commission peut adopter une décision formant titre exécutoire sur le fondement de l’article 299 TFUE. Cette stipulation ainsi que la disposition du traité FUE qu’elle mentionne se justifient par le rôle de la Commission en tant que gardienne du budget de l’Union dans l’exercice des compétences qui lui sont confiées au titre de l’article 317 TFUE.

204    Il convient toutefois de relever que l’article 299 TFUE n’est pas applicable en l’espèce, car, d’une part, la note de débit litigieuse a été adoptée par l’ECTNC en sa qualité de partie cocontractante et non par la Commission et, d’autre part, ladite note de débit ne constitue pas, en tout état de cause, une décision formant titre exécutoire au sens de ladite disposition du traité (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 11 juin 2020, VDV eTicket Service/Commission et INEA, T‑516/19, non publiée, EU:T:2020:265, point 40).

205    Il s’ensuit que l’article 299 TFUE, invoqué par la requérante, n’est pas la base juridique pertinente sur laquelle se fonde la demande reconventionnelle de l’ECTNC, de sorte que la critique fondée sur cette disposition est vouée au rejet.

206    En tout état de cause, même en écartant la référence faite par la requérante à l’article 299 TFUE, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (arrêt du 14 avril 2021, Roumanie/Commission, T‑543/19, EU:T:2021:193, point 75 et jurisprudence citée).

207    Or, eu égard à son caractère provisoire, la procédure de référé ne saurait être à l’origine d’assurances relatives à un titre exécutoire et, en l’espèce, par l’ordonnance visée au point 202 ci-dessus, le Tribunal s’est limité à rejeter la demande de mesures provisoires introduite par la requérante, au motif que celle-ci ne remplissait pas la condition d’urgence, ce qui n’était, en tout état de cause, pas de nature à lier l’appréciation du Tribunal sur le fond, dans le cadre de la procédure principale.

208    Il s’ensuit que l’ordonnance clôturant une procédure de référé (voir point 16 ci-dessus) ne saurait être assimilée à une assurance précise, inconditionnelle et concordante émanant du Tribunal de ce qu’aucun titre exécutoire relatif au montant litigieux ne serait émis.

209    Or, les trois conditions visées au point 206 ci-dessus sont cumulatives, de sorte qu’une violation du principe de protection de la confiance légitime ne saurait être retenue lorsque l’une d’entre elles fait défaut. La deuxième de ces conditions n’étant pas remplie en l’espèce, l’argument de la requérante tiré dudit principe est non fondé.

210    Au vu des considérations qui précèdent, le premier argument de la requérante ne peut qu’être rejeté.

b)      Sur le deuxième argument, tiré de la violation du principe d’interdiction de la reformatio in pejus et d’un détournement de pouvoir

211    Le deuxième argument de la requérante en ce qui concerne la demande reconventionnelle se rattache explicitement à la déclaration de l’ECTNC figurant dans la version en espagnol du mémoire en défense selon laquelle, « [s]i la requérante n’avait pas engagé la procédure en premier lieu, [l’ECTNC] n’aurait en aucun cas saisi le Tribunal [...] ». La requérante prétend que, par cette phrase, l’ECTNC aurait admis qu’elle n’aurait jamais demandé un ordre de paiement de la note de débit litigieuse si elle n’avait pas formé le présent recours. En se fondant sur cette lecture, la requérante fait valoir :

–        premièrement, que l’accueil de la demande reconventionnelle constituerait une violation du principe d’interdiction de la reformatio in pejus car elle aggraverait sa situation initiale ;

–        deuxièmement, que l’ECTNC a détourné les dispositions de l’article 299 TFUE.

212    À titre liminaire, il convient d’observer que le point 61 du mémoire en défense en langue française, également déposée par l’ECTNC, est libellé comme suit :

« Si la requérante n’avait pas engagé la procédure en premier lieu, [l’ECTNC] aurait en tout état de cause saisi le Tribunal au titre [de l’article] 272 TFUE et [de l’article] 9 de la convention de subvention pour demander le remboursement des dépenses injustifiées et obtenir de la requérante le paiement de la note de débit [qu’elle avait émise]. »

213    Or, il y a lieu de relever que, au stade de la duplique, l’ECTNC reconnaît expressément avoir commis une erreur matérielle dans le libellé du point 61 du mémoire en défense en langue de procédure. En outre, il ressort de l’économie tant de la demande reconventionnelle que des écritures de l’ECTNC que le sens de son argument consiste à affirmer que, puisque la requérante a introduit le recours au principal sur le fondement de l’article 272 TFUE, elle a, par la suite, saisi l’opportunité de former une demande reconventionnelle au titre de la même disposition et n’a pas introduit de recours au principal – ce qu’elle aurait toutefois fait en toute hypothèse si la requérante n’avait pas introduit le présent recours.

214    Il s’ensuit que l’argumentation tirée du principe d’interdiction de la reformatio in pejus, à supposer même qu’elle puisse être invoquée dans un contentieux contractuel, ne saurait être valablement invoquée par la requérante pour contester le bien-fondé de la demande reconventionnelle.

215    Il en va d’autant plus ainsi de l’argumentation tirée d’un détournement des dispositions de l’article 299 TFUE.

216    À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 204 et 205 ci-dessus, il convient d’écarter d’emblée la pertinence de l’article 299 TFUE en l’espèce.

217    Selon une jurisprudence constante, un détournement de pouvoir ne peut être constaté que lorsqu’une institution exerce ses compétences dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 94 et jurisprudence citée).

218    Or, force est de constater que la requérante n’avance aucun argument de nature à démontrer que l’ECTNC aurait exercé ses compétences dans un but autre que celui prévu par l’article 272 TFUE ou, au demeurant, par les contrats de subvention.

219    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le deuxième argument soulevé à l’encontre du bien-fondé de la demande reconventionnelle introduite par l’ECTNC.

c)      Sur le troisième argument, tiré de la réalité des coûts engagés dans le cadre des projets litigieux

220    Par son troisième argument, visant à contester la demande reconventionnelle, la requérante prétend avoir démontré la réalité des coûts engagés dans le cadre des projets litigieux, pour les raisons exposées à l’appui de son recours. De ce fait, elle estime que la demande reconventionnelle est non fondée.

221    À cet égard, il suffit d’observer que, ainsi qu’il a été conclu dans le cadre des deuxième et quatrième moyens du recours, la requérante n’a pas apporté d’éléments de nature à remettre en cause les conclusions du rapport de l’OLAF et à démontrer, par voie de conséquence, l’éligibilité des coûts déclarés dans le cadre des projets litigieux dont la récupération est demandée, de sorte qu’il ne saurait être reproché à l’ECTNC d’avoir émis la note de débit litigieuse, conformément à l’article II.22 des conditions générales.

222    Ainsi, le troisième argument de la requérante est également voué au rejet.

2.      Sur le montant litigieux

223    Dans le cadre des projets litigieux, l’ECTNC a versé à la requérante la somme de 182 663,91 euros.

224    Ainsi qu’il ressort de la lettre d’information préalable, en se fondant sur les conclusions du rapport de l’OLAF, en premier lieu, l’ECTNC a décidé de récupérer une partie de la contribution financière octroyée à la requérante correspondant aux coûts inéligibles. En second lieu, l’ECTNC a également décidé de réclamer le paiement des sanctions contractuelles, qui, selon la formule de calcul prévue à l’article II.24, paragraphe 2, des conditions générales, s’élèveraient à un montant global de 92 759,18 euros. Toutefois, eu égard au principe de proportionnalité, l’ECTNC a accordé, en l’espèce, une réduction au titre des sanctions contractuelles, en limitant sa demande à cet égard à un montant de 18 266,44 euros, par l’application d’un taux forfaitaire de 10 % à la contribution de l’Union versée à la requérante. Ainsi qu’il a été observé au point 11 ci-dessus, le montant réclamé par la note de débit litigieuse couvre la contribution financière octroyée à la requérante ainsi que les sanctions contractuelles (voir ci-dessus).

225    Ainsi que confirmé lors de l’audience, dans le cadre de la demande reconventionnelle, l’ECTNC a appliqué au montant réclamé les intérêts moratoires dus au titre de l’article II.5, paragraphe 5, des conditions générales, jusqu’au 18 janvier 2021, de sorte que, par son troisième chef de conclusions, elle demande la condamnation de la requérante au paiement du montant litigieux, s’élevant à 204 302,13 euros.

226    La requérante ne conteste pas les calculs sous-tendant le montant litigieux, qu’il convient, dès lors, de confirmer.

3.      Conclusion sur la demande reconventionnelle

227    La requérante n’ayant fourni au Tribunal aucun argument ou élément de preuve de nature à démontrer la réalité et, par voie de conséquence, l’éligibilité des coûts supportés dans le cadre des projets litigieux dont la récupération est demandée, pour contester la demande reconventionnelle, il y a lieu de la condamner à verser à l’ECTNC le montant litigieux, conformément aux conclusions de cette dernière.

 Sur les dépens

228    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

229    Il s’ensuit que, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris aux dépens liés à la procédure de référé, conformément aux conclusions de l’ECTNC.

230    S’agissant de la demande de la requérante visant à ce qu’elle ne soit pas condamnée aux dépens en raison des doutes de fait et de droit ainsi que de la complexité que présenterait cette affaire, il suffit d’observer, en tout état de cause, que les points tranchés dans le présent arrêt ne soulèvent pas de questions de droit nouvelles ou particulièrement complexes et sont aisément traités sur la base d’une jurisprudence claire et constante. Il en va de même en ce qui concerne les faits de l’espèce, lesquels ne soulèvent pas de difficultés d’appréciation particulières. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure dont entendrait se prévaloir la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La demande reconventionnelle de l’Entreprise commune « Technologies numériques clés » est accueillie.

3)      Green Power Technologies, SL est condamnée à verser à l’Entreprise commune « Technologies numériques clés » la somme de 204 302,13 euros, réclamée par cette dernière dans le cadre de la demande reconventionnelle.

4)      Green Power Technologies est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le recours au principal

1. Sur la recevabilité

a) Sur la recevabilité des documents annexés à la réplique

b) Sur la recevabilité du premier moyen

2. Sur le fond

a) Observations liminaires

b) Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit à une bonne administration et des droits de la défense de la requérante par l’ECTNC

1) Sur la première branche, tirée de ce que l’ECTNC n’aurait pas communiqué à la requérante les annexes litigieuses

2) Sur la seconde branche, tirée, d’une part, du fait que l’ECTNC n’aurait pas répondu aux observations de la requérante sur la lettre d’information préalable et, d’autre part, de l’insuffisance de motivation de ladite lettre, de la note de débit litigieuse et du rapport de l’OLAF

c) Sur les deuxième et quatrième moyens, tirés, d’une part, de ce que ni l’OLAF ni, par la suite, l’ECTNC n’auraient compris le fonctionnement habituel et le modèle d’affaires de la requérante et, d’autre part, de l’éligibilité des dépenses déclarées par la requérante dans le cadre des projets litigieux

1) Sur la première branche, tirée de l’accomplissement des projets litigieux et de la comptabilisation correcte des dépenses engagées

i) Sur le premier argument, tiré de l’accomplissement des projets litigieux

ii) Sur le deuxième argument, tiré de la validation préalable par l’ECTNC des coûts déclarés

iii) Sur le troisième argument, tiré de ce que le modèle d’affaires de la requérante l’a obligée à mettre en place un système de gestion interne spécifique

iv) Sur le quatrième argument, tiré de ce que la régularité du système de comptabilisation de la requérante serait attestée par divers documents

v) Sur le cinquième argument, tiré de ce que les dossiers afférents aux projets litigieux ne réunissaient pas l’ensemble des informations sur les coûts supportés dans le cadre de ceux-ci

vi) Sur le sixième argument, tiré de l’archivage des projets antérieurs dans le dossier relatif aux projets litigieux

vii) Sur le septième argument, tiré de l’engagement de ses ressources propres par la requérante

viii) Conclusion sur la première branche

2) Sur la deuxième branche, tirée du degré de participation de la requérante aux projets litigieux

i) Sur le premier grief, tiré de l’insuffisance de motivation du rapport de l’OLAF

ii) Sur le second grief, tiré du bien-fondé des conclusions du rapport de l’OLAF en ce qui concerne le degré de participation de la requérante au projet litigieux Motorbrain

– Sur le premier argument, tiré de ce que les tâches réalisées dans le cadre du projet litigieux Motorbrain ont été approuvées par l’ECTNC

– Sur le deuxième argument, tiré de l’absence d’accord de sous-traitance entre l’entité C et la requérante

– Sur le troisième argument, tiré des éléments susceptibles de réfuter la sous-traitance figurant dans les observations sur la lettre d’information préalable

– Sur le quatrième argument, tiré de ce que l’OLAF aurait conclu à la sous-traitance sur la base d’une phrase sortie de son contexte

3) Sur la troisième branche, tirée de l’identification des coûts directs et indirects

4) Sur la quatrième branche, tirée de ce que l’ECTNC se serait contentée de reprendre les conclusions figurant dans le rapport de l’OLAF en ce qui concerne le financement du projet litigieux AGATE

5) Conclusion sur les deuxième et quatrième moyens

3. Conclusion sur le recours

B. Sur la demande reconventionnelle

1. Sur les arguments soulevés par la requérante

a) Sur le premier argument, relatif à l’inapplicabilité de l’article 299 TFUE et au principe de protection de la confiance légitime

b) Sur le deuxième argument, tiré de la violation du principe d’interdiction de la reformatio in pejus et d’un détournement de pouvoir

c) Sur le troisième argument, tiré de la réalité des coûts engagés dans le cadre des projets litigieux

2. Sur le montant litigieux

3. Conclusion sur la demande reconventionnelle

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’espagnol.