Language of document : ECLI:EU:C:2016:875

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 15 novembre 2016 (1)

Affaire C‑4/16

J. D.

contre

Prezes Urzędu Regulacji Energetyki

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2009/28/CE – Sources d’énergie renouvelables – Énergie hydroélectrique – Notion – Énergie produite dans une centrale hydraulique située au lieu de rejet des eaux résiduaires d’un autre établissement »






1.        L’« énergie produite à partir de sources renouvelables » au sens de la directive 2009/28/CE (2) comprend-elle l’énergie produite par une centrale hydroélectrique tirant profit des eaux résiduaires rejetées par un tiers, étranger à l’activité de production d’électricité ? Telle est, en résumé, la question adressée à la Cour par la juridiction de renvoi, qui nourrit des doutes sur la question de savoir si cette notion est limitée à l’énergie obtenue à partir de la chute « naturelle » d’eaux de surface.

2.        Dans les présentes conclusions, je ferai valoir que tant le libellé de la directive 2009/28 que ses objectifs permettent de déduire que le caractère, naturel ou artificiel, du cours d’eau dont la chute est utilisée pour la production d’électricité est dépourvu de pertinence, dès lors qu’il ne s’agit pas d’eau provenant de centrales de pompage.

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

1.      La directive 2009/28

3.        Le considérant 1 de la directive 2009/28 est libellé comme suit :

« La maîtrise de la consommation énergétique européenne et l’augmentation de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables constituent, avec les économies d’énergie et une efficacité énergétique accrue, des éléments importants du paquet de mesures requises afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre […]. Ces facteurs ont également un rôle non négligeable à jouer dans la promotion de la sécurité des approvisionnements en énergie, du développement technologique et de l’innovation, ainsi que dans la création de perspectives d’emplois et le développement régional, en particulier dans les zones rurales et les zones isolées. »

4.        Le considérant 30 de la directive 2009/28 indique :

« Une règle de normalisation devrait être appliquée pour atténuer les effets des variations climatiques dans le calcul de la contribution de l’énergie hydraulique et de l’énergie éolienne aux fins de la présente directive. En outre, l’électricité produite dans des centrales à accumulation par pompage à partir d’eau qui a déjà été pompée en amont ne devrait pas être considérée comme de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables. »

5.        L’article 2 de la directive 2009/28 dispose :

« Aux fins de la présente directive, les définitions de la directive 2003/54/CE (3) s’appliquent.

Les définitions suivantes s’appliquent également :

a)      “énergie produite à partir de sources renouvelables” : une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir : énergie éolienne, solaire, aérothermique, géothermique, hydrothermique, marine et hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz ;

[…] »

6.        En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2009/28 :

« Chaque État membre veille à ce que la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables, calculée conformément aux articles 5 à 11, dans sa consommation finale d’énergie en 2020 corresponde au minimum à son objectif national global en ce qui concerne la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables pour l’année 2020, comme le prévoit le tableau [à] l’annexe I […] »

7.        L’article 5 de ladite directive dispose :

« 1.      La consommation finale brute d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans chaque État membre est calculée comme étant la somme :

a)      de la consommation finale brute d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ;

[…]

3.      Aux fins du paragraphe 1, point a), la consommation finale brute d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables est la quantité d’électricité produite dans un État membre à partir de sources renouvelables, à l’exclusion de l’électricité produite dans des systèmes d’accumulation par pompage à partir de l’eau pompée auparavant en amont.

[…]

L’électricité produite à partir de l’énergie hydraulique et de l’énergie éolienne entre en ligne de compte conformément aux formules de normalisation énoncées à l’annexe II. 

[…]

7.      La méthodologie et les définitions utilisées pour le calcul de la part de l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables sont celles établies par le règlement (CE) no 1099/2008 (4) […] »

2.      La directive 2003/54

8.        La directive 2003/54 a été abrogée par la directive 2009/72/CE (5), dont l’article 48 prévoit que cette abrogation prend effet au 3 mars 2011 et que les références à la directive abrogée s’entendent comme faites à la directive 2009/72.

9.        L’article 2, point 30, de la directive 2009/72 définit les « sources d’énergie renouvelables » dans les mêmes termes que l’article 2, point 30, de la directive 2003/54, à savoir : « les sources d’énergie non fossiles renouvelables (énergie éolienne, solaire, géothermique, houlomotrice, marémotrice et hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz). »

3.      Le règlement no 1099/2008

10.      Dans la rubrique 5 de l’annexe B du règlement no 1099/2008, l’« hydro‑électricité » est définie comme l’« [é]nergie potentielle et cinétique de l’eau convertie en électricité dans des centrales hydrauliques », l’énergie des stations de pompage étant incluse.

B –    Le droit polonais

1.      La loi sur l’énergie

11.      L’article 3 de l’Ustawa prawo energetyczne (loi sur l’énergie) (6), dans sa version en vigueur le 6 novembre 2013, disposait:

« Les notions utilisées dans la présente loi s’entendent de la façon suivante :

[…]

20)      “source d’énergie renouvelable” : une source utilisant, dans le processus de transformation, l’énergie éolienne, l’énergie solaire, l’énergie aérothermique, l’énergie géothermique, l’énergie hydrothermique, l’énergie hydrocinétique, houlomotrice et marémotrice, l’énergie de l’écoulement des eaux fluviales, ainsi que l’énergie obtenue à partir de la biomasse, du biogaz issu de dépôts de déchets et du biogaz issu des processus d’évacuation ou d’épuration des eaux usées, ou de décomposition des résidus végétaux et animaux. […] »

12.      L’article 3, point 20, de la loi sur l’énergie, dans sa version en vigueur à partir du 4 mai 2015, renvoie à l’Ustawa o odnawialnych źródłach energii (loi sur les sources d’énergie renouvelables) (7) aux fins de définir la notion de « source d’énergie renouvelable ».

2.      La loi sur les sources d’énergie renouvelables

13.      L’article 2 de la loi sur les sources d’énergie renouvelables prévoit les définitions suivantes :

« […]

12)      “énergie hydroélectrique” : l’énergie de la chute d’eaux intérieures de surface, à l’exclusion de l’énergie produite à partir de la force de pompage dans des centrales à accumulation par pompage ou des centrales de pompage turbinage ;

[…]

18)      “petite installation” : installation d’énergie renouvelable d’une puissance installée supérieure à 40 kW sans excéder 200 kW, reliée à un réseau électrique dont la tension nominale est inférieure à 110 kV ou dont la puissance thermique combinée utile est supérieure à 120 kW sans excéder 600 kW ;

[…]

22)      “source d’énergie renouvelable” : les sources d’énergie non fossiles renouvelables, comprenant l’énergie éolienne, solaire, aérothermique, géothermique, hydrothermique, hydroélectrique, houlomotrice, hydrolienne et marémotrice, ainsi que l’énergie de la biomasse, du biogaz, du biogaz agricole, ainsi que des bioliquides. 

[…] »

14.      L’article 7 de cette loi dispose :

« L’activité économique consistant à produire de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables dans une petite installation […] est une activité réglementée, au sens de la loi sur le libre exercice des activités économiques, qui requiert une inscription au registre des producteurs exerçant une activité économique dans le cadre de petites installations […] »

3.      La loi sur l’eau

15.      L’article 5, paragraphe 3, de l’Ustawa prawo wodne (loi sur l’eau) (8) dispose :

« Les eaux intérieures de surface se répartissent en eaux :

1)      courantes, dont font partie les eaux :

a)      des cours d’eau naturels, des canaux, et des sources à l’origine des cours d’eau,

b)      des lacs et autres réservoirs naturels présentant une alimentation ou un écoulement naturel constant ou périodique des eaux de surface,

c)      des bassins artificiels situés sur des eaux courantes ;

2)      stagnantes, dont font partie les eaux des lacs et autres réservoirs naturels qui ne sont pas reliés de façon naturelle à des eaux courantes de surface.

[…] »

II – Les faits

16.      J. D. est une entreprise qui bénéficiait d’une concession l’autorisant à produire de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables pour la période allant du 20 novembre 2004 au 20 novembre 2014. Concrètement, la concession concernait deux centrales de biogaz et une petite centrale hydroélectrique (de 0,160 MW) située au lieu de rejet des eaux résiduaires d’une autre installation (PKN Orlen SA), dont l’activité n’est pas liée à la production d’électricité.

17.      J. D. a sollicité une prolongation de la concession, qui a été rejetée en ce qu’elle concernait la centrale hydroélectrique par décision du président de l’Urzędu Regulacji Energetyki (Office polonais de régulation de l’énergie, ci‑après l’« URE ») du 6 novembre 2013, au motif que « seules les centrales hydrauliques produisant de l’énergie à partir de vagues, de courants marins et de marées, ainsi qu’à partir de courants fluviaux pouvaient être considérées comme des installations produisant de l’énergie renouvelable » (9).

18.      La décision du président de l’URE a été confirmée par un jugement du 5 novembre 2014 du Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne), qui s’est fondé sur la définition des sources d’énergie renouvelables figurant à l’article 3, point 20, de la loi sur l’énergie, dans sa version en vigueur à la date d’adoption de la décision litigieuse.

19.      J. D. a interjeté appel de ce jugement devant le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie, Pologne). À l’appui de son appel, le requérant fait valoir que l’article 3, point 20, de la loi sur l’énergie n’est pas conforme à la directive 2009/28.

20.      C’est dans ce contexte que le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie) a procédé au renvoi préjudiciel.

III – La question préjudicielle

21.      Le libellé de la question préjudicielle, introduite le 4 janvier 2016 par le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie), est le suivant :

« La notion d’énergie hydroélectrique en tant que source d’énergie renouvelable, visée à l’article 2, sous a), de la [directive 2009/28], lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 3, et le considérant 30 de cette même directive, s’entend‑elle exclusivement de l’énergie produite par une centrale hydroélectrique utilisant le courant d’eaux intérieures de surface, y compris le courant d’eaux fluviales, ou s’entend‑elle aussi de l’énergie produite dans une centrale hydraulique (qui n’est pas une centrale à accumulation par pompage ni une centrale de pompage-turbinage) localisée au lieu de rejet des eaux résiduaires de procédé d’un autre établissement ? »

IV – La procédure devant la Cour et les arguments des parties

22.      J. D., les gouvernements polonais et italien ainsi que la Commission européenne sont intervenus à la procédure et ont présenté des observations écrites. Conformément à l’article 76, paragraphe 2, de son règlement de procédure, la Cour a décidé de ne pas tenir d’audience de plaidoiries.

23.      J. D. soutient que, conformément à la directive 2009/28, la seule catégorie d’énergie produite dans les centrales hydroélectriques qui n’est pas considérée comme issue de sources d’énergie renouvelables est l’électricité produite par les centrales à accumulation par pompage. Selon la requérante au principal, la directive 2009/28 permet de qualifier d’énergie produite à partir de sources renouvelables l’électricité produite à partir des eaux qu’un tiers rejette en amont après les avoir utilisées.

24.      Le gouvernement polonais soutient que les notions d’« énergie produite à partir de sources renouvelables » [article 2, sous a), de la directive 2009/28] et de « sources d’énergie renouvelables » [article 2, point 30, de la directive 2009/72] renvoient aux sources d’énergie non fossiles qui ont pour caractéristique de se renouveler naturellement, sans intervention de l’homme, dans un laps de temps relativement court, ou bien qui ne s’épuisent pas et dont l’utilisation permet d’obtenir les bénéfices pour l’environnement fixés par la directive 2009/28.

25.      Par conséquent, pour le gouvernement polonais, la notion d’« énergie hydroélectrique produite à partir de sources renouvelables » vise une énergie provenant de la chute naturelle d’eaux intérieures de surface, y compris les chutes d’eaux fluviales.

26.      Le gouvernement polonais ajoute que la directive 2009/28 exclut que l’électricité produite dans des centrales à accumulation par pompage soit considérée comme étant produite à partir de sources renouvelables. Il en déduit que l’activité des centrales hydroélectriques qui, même si elles ne sont pas des centrales à accumulation par pompage, utilisent de l’eau pompée en amont par d’autres établissements ne repose pas sur l’utilisation de sources renouvelables naturellement présentes dans l’environnement.

27.      Selon le gouvernement italien, il y a lieu d’inclure dans la définition d’« énergie produite à partir de sources renouvelables » l’énergie produite par l’exploitation de chutes gravitationnelles d’eau dans des structures artificielles, à condition que ces dernières aient été construites à des fins économiquement étrangères à la production d’électricité.

28.      Pour le gouvernement italien, le considérant 30 de la directive 2009/28 distingue deux hypothèses : d’une part, celle de l’énergie hydroélectrique produite par l’exploitation de chutes d’eau artificielles créées à cet effet et, d’autre part, celle de l’énergie produite par l’exploitation de chutes d’eau artificielles créées à des fins autres que la production d’énergie. Dans la première hypothèse, il ne saurait s’agir d’« énergie produite à partir de sources renouvelables », car, comme le pompage requiert l’utilisation d’une autre énergie, le solde global de l’énergie utilisée par rapport à l’énergie produite est presque nul, ce qui exclut un bénéfice environnemental. En revanche, dans la seconde hypothèse, ce sont des structures et infrastructures déjà existantes qui sont utilisées, ce qui optimise le bénéfice environnemental et les investissements économiques.

29.      En outre, le gouvernement italien soutient que dès lors que la directive 2009/28 n’exclut expressément de la notion d’« électricité produite à partir de l’énergie hydraulique renouvelable » que la production d’électricité par pompage, cette exception ne couvre pas les cas de figure dans lesquels l’électricité est produite en utilisant des écoulements également artificiels, mais créés à des fins économiques autres que la production d’électricité.

30.      La Commission observe que, en l’absence de définition de la notion d’« énergie hydroélectrique » dans la directive 2009/28, il convient de se référer à la définition de l’hydroélectricité qui figure au point 5.1.1 de l’annexe B du règlement no 1099/2008, à laquelle l’article 5, paragraphe 7, de la directive 2009/28 renvoie.

31.      Sur la base de cette définition et de la méthode de calcul de la consommation finale brute d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables (article 5, paragraphe 3, de la directive 2009/28), la Commission ajoute que, pour le législateur de l’Union, l’« électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables » est l’électricité produite par une centrale hydraulique à partir de la conversion de l’énergie potentielle ou cinétique de l’eau, à l’exclusion de l’électricité produite dans des systèmes d’accumulation par pompage à partir d’eau pompée en amont. Enfin, la Commission observe que le législateur n’a pas établi de distinction entre les types d’eaux utilisés, à savoir les effluents artificiels ou les effluents naturels.

V –    Appréciation

32.      Dans la présente affaire préjudicielle, il ne s’agit pas de déterminer ce que sont, in abstracto, les « sources renouvelables » ou les conditions dans lesquelles il y a lieu de considérer que l’énergie hydraulique est produite à partir de telles sources. La question du Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie) est bien plus précise, puisque cette juridiction souhaite savoir si l’on peut qualifier d’« énergie produite à partir de sources renouvelables », au sens de la directive 2009/28, une catégorie très particulière d’énergie hydraulique : l’énergie produite par une petite centrale hydroélectrique qui utilise l’eau rejetée par une autre installation, qui l’a auparavant utilisée à des fins propres, autres que la production d’électricité.

33.      J’ai mis en relief la référence à la directive 2009/28, car la controverse peut facilement se déplacer vers le terrain des notions générales extrajuridiques, en oubliant que le débat que les tribunaux, y compris la Cour, peuvent trancher est celui qui porte sur les catégories juridiques.

34.      Si je dis cela, c’est parce qu’il me semble que l’on ne peut pas, en l’espèce, se baser sur une notion préconçue de « sources d’énergie renouvelables », en vertu de laquelle celles-ci viseraient, comme le soutient le gouvernement polonais (10), les ressources qui se renouvellent naturellement, sans intervention de l’homme. Si l’on se fonde sur un tel préjugé, il est inévitable qu’il devienne problématique de qualifier d’« énergie produite à partir de sources renouvelables » l’énergie produite, par exemple, par l’exploitation de cours d’eau artificiels.

35.      Au contraire, la seule notion qui importe est celle de la directive 2009/28, qui définit, aux fins de son application, l’« énergie produite à partir de sources renouvelables » dans les termes suivants : « une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables » [article 2, sous a)] (11). Cette disposition ne définit pas, pour sa part, les « sources non fossiles renouvelables », mais elle les énumère de manière exhaustive : « énergie éolienne, solaire, aérothermique, géothermique, hydrothermique, marine et hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz ». En somme, au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2009/28, employer la notion de « sources non fossiles renouvelables » revient à désigner les sources d’énergie énumérées et c’est la raison pour laquelle le libellé de cette disposition emploie les termes « à savoir » (12).

36.      Par conséquent, quoi que représente l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans d’autres domaines de la connaissance et indépendamment du fait que sa définition comme une énergie produite à partir de « sources non fossiles renouvelables » soit ou non correcte dans ces autres domaines, il n’en demeure pas moins que, sur le plan juridique – et, concrètement, aux termes de la directive 2009/28 – l’énergie hydraulique est une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables. Conformément au règlement no 1099/2008 (13), l’énergie de cette nature est définie, du point de vue statistique, comme l’« [é]nergie potentielle et cinétique de l’eau convertie en électricité dans des centrales hydrauliques », l’énergie des stations de pompage étant incluse.

37.      Dans ces conditions, l’« hydro-électricité » doit toujours être classée, aux fins de la directive 2009/28, comme une « énergie produite à partir de sources renouvelables », qu’elle provienne de l’exploitation de chutes d’eau artificielles ou de cours d’eau naturels (14). Par conséquent, une législation nationale qui effectue une distinction entre le caractère naturel ou artificiel des cours d’eau servant à produire de l’électricité, à titre de critère de classement de cette dernière dans l’éventail des énergies produites à partir de sources renouvelables, n’est pas compatible avec la directive 2009/28.

38.      La seule exception à cette règle est expressément prévue par la directive 2009/28 elle-même, dont le considérant 30 indique que « l’électricité produite dans des centrales à accumulation par pompage à partir d’eau qui a déjà été pompée en amont ne devrait pas être considérée comme de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ». Dans la droite ligne de ces explications, l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2009/28 prévoit que l’électricité produite dans de telles centrales n’est pas prise en compte aux fins du calcul de la consommation finale brute d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables.

39.      Il ressort des informations apportées par la juridiction de renvoi (15) que la petite centrale hydroélectrique en cause au principal « n’est pas une centrale à accumulation par pompage ni une centrale de pompage-turbinage » (16). Si tel est bien le cas (ce qu’il appartient, en définitive, à la juridiction de renvoi de déterminer), la centrale ne relèverait pas du cas de figure visé par le considérant 30 et l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2009/28, de sorte que l’énergie hydroélectrique qu’elle produit peut être considérée comme « produite à partir de sources renouvelables ».

40.      L’exception prévue par la directive 2009/28 en ce qui concerne les centrales de pompage résulte d’une décision du législateur qui, bien qu’il reconnaisse dans un autre texte (17) (certes, à des fins statistiques), que ce système d’exploitation génère de l’« hydro-électricité », a préféré ne pas lui reconnaître la qualité d’électricité produite à partir de sources renouvelables. Quelles que soient les raisons de cette décision de politique de l’énergie (18), l’exception que la directive 2009/28 prévoit en ce qui concerne les centrales de pompage ne fait pas de doute. Toutefois, je le répète, l’installation hydroélectrique en cause au principal n’est pas concernée.

41.      Il ressort des informations figurant dans la décision de renvoi que la centrale hydroélectrique qui fait l’objet du litige au principal tire profit des eaux résiduaires rejetées par un tiers, qui n’a aucun lien avec l’activité de ladite centrale ni aucune relation avec la production d’électricité. Il ne s’agit donc pas d’une installation de pompage (au sens exposé ci-dessus), mais d’une centrale qui, pour produire de l’électricité, utilise des eaux qui s’écouleraient sinon sans faire l’objet d’une exploitation économique ou environnementale.

42.      Ainsi, la centrale en cause au principal utilise des eaux résiduaires sinon destinées à être rejetées, de sorte que cette utilisation additionnelle aux fins de la production d’électricité est bénéfique en termes environnementaux. De plus, on pourrait dire que, avec ce procédé, la production d’électricité « propre » compense, d’une certaine manière, les dommages éventuels portés à l’environnement soit en raison du mode originel d’obtention des eaux, soit en raison de la construction du cours d’eau artificiel vers lequel elles sont dirigées.

43.      Si, de plus, comme l’observe la Commission (19), les eaux utilisées par la centrale hydroélectrique proviennent d’une entreprise de traitement des eaux usées, l’électricité ainsi produite compléterait un cycle « vertueux » d’assainissement environnemental : non seulement l’activité de cette entreprise dépollue les eaux résiduaires, mais elle engendre également un excès hydrique qui permet pour sa part la production d’électricité sans qu’il soit nécessaire de recourir à d’autres sources d’énergie émettrices de gaz à effet de serre.

44.      En définitive, compte tenu des libellés de l’article 2, sous a), et de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2009/28 ainsi que des objectifs de cette dernière, j’estime qu’il convient de répondre à la juridiction de renvoi que la notion d’“énergie hydroélectrique produite à partir de sources renouvelables” comprend l’énergie produite dans une centrale hydroélectrique qui tire profit des eaux résiduaires rejetées par un tiers étranger à l’activité de ladite centrale, qui n’a aucun lien avec la production d’électricité.

VI – Conclusion

45.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question posée par le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie, Pologne) dans les termes suivants :

La notion d’énergie hydraulique produite à partir de sources renouvelables visée à l’article 2, sous a), de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 3, et le considérant 30 de cette même directive, doit être interprétée en ce sens qu’elle comprend l’énergie produite dans une centrale hydroélectrique qui tire profit des eaux résiduaires rejetées par un tiers étranger à l’activité de ladite centrale, qui n’a aucun lien avec la production d’électricité.


1      Langue originale : l’espagnol.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE (JO 2003, L 176, p. 37).


4      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 concernant les statistiques de l’énergie (JO 2008, L 304, p. 1).


5      Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55).


6      Loi du 10 avril 1997 (Dz. U. de 2012, position 1059, version consolidée, telle que modifiée; Dz. U. de 2015, position 478) (ci-après la « loi sur l’énergie »).


7      Loi du 20 février 2015 (Dz. U. de 2015, position 478), en vigueur depuis le 4 mai 2015 (ci-après la « loi sur les sources d’énergie renouvelables »).


8      Loi du 18 juillet 2001 (Dz. U. de 2015, position 469).


9      Décision de renvoi, section I, point 2.


10      Point 13 des observations écrites du gouvernement polonais.


11      L’article 2, point 30, de la directive 2009/72 et l’article 2, point 30, de la directive 2003/54 emploient les mêmes termes.


12      « Es decir » dans la version espagnole, « namely » dans la version anglaise, «das heißt » dans la version allemande, « vale a dire » dans la version italienne, et « nomeadamente » dans la version portugaise.


13      Rubrique 5 de l’annexe B.


14      L’énergie hydroélectrique peut être produite soit par les centrales au fil de l’eau (qui captent une partie des eaux d’une rivière ou d’un canal d’irrigation pour les turbiner, avant de les rejeter en aval) soit par les centrales hydroélectriques de lac, c’est-à-dire les centrales construites en vue de réguler les débits au moyen d’un barrage (artificiel) qui permet de faire tourner des turbines grâce à la chute des eaux.


15      Décision de renvoi, titre III, point 1. La centrale se situe au lieu d’évacuation artificielle des eaux résiduaires traitées par un tiers à des fins industrielles autres que la production d’énergie hydroélectrique.


16      Une centrale de pompage fonctionne avec deux bassins situés à des hauteurs différentes. L’eau du bassin inférieur est pompée vers le bassin supérieur durant les heures creuses en termes de demande d’électricité, afin d’être turbinée ultérieurement et de permettre la production d’électricité de « réserve » durant les périodes de pointe de consommation d’électricité.


17      Annexe B, rubrique 5, du règlement no 1099/2008.


18      Le fait de pomper de l’eau jusqu’à un bassin situé en hauteur pour que la chute de cette eau puisse ensuite produire de l’électricité requiert manifestement de consommer de l’énergie pour actionner les turbines qui transfèrent l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur. Il a peut‑être été considéré que le bénéfice environnemental obtenu grâce à ce procédé n’est pas suffisant pour qu’il mérite le traitement que la législation de l’Union réserve aux énergies produites à partir de sources renouvelables. Quoi qu’il en soit, l’apport des centrales hydroélectriques de pompage au système énergétique dans son ensemble ne fait pas de doute : en transférant l’eau vers le bassin supérieur durant la nuit (ou pendant les heures de faible consommation), avec la consommation d’électricité qui s’ensuit, ce processus permet non seulement d’éviter les surcharges sur le réseau pendant les périodes de production excédentaire, mais il crée également une «réserve» ou une accumulation d’eaux qui permettra d’injecter de l’électricité dans le réseau aux heures de forte demande, en fonction des besoins du moment. Il s’agit donc d’une technologie qui, outre le fait qu’elle tire profit d’une ressource naturelle (l’eau), peut servir d’appui à d’autres sources renouvelables à caractère intermittent (énergie éolienne ou solaire) lorsque son intervention est nécessaire.


19      Point 27 des observations écrites de la Commission