Language of document : ECLI:EU:T:2023:156

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

22 mars 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale coinbase – Cause de nullité absolue – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑366/21,

Coinbase, Inc., établie à Oakland, Californie (États-Unis), représentée par Me A. Nordemann, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

bitFlyer Inc., établie à Tokyo (Japon),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. G. Hesse et Mme B. Ricziová (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Coinbase, Inc., demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 avril 2021 (affaire R 1751/2020‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 3 février 2016, bitFlyer Inc. (ci-après le « titulaire de la marque contestée »), a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne, avec une date de priorité au 18 décembre 2015, portant le numéro 1308248, de la marque verbale coinbase.

3        L’enregistrement international de la marque verbale coinbase (ci-après la « marque contestée ») a été notifié à l’EUIPO le 8 septembre 2016 en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, et accepté le 9 février 2017.

4        Les produits et services pour lesquels la protection dans l’Union européenne de la marque verbale coinbase a été accordée relèvent des classes 9, 35, 36, 38 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

5        Le 29 juin 2018, la requérante a déposé auprès de l’EUIPO, au titre de l’article 63 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), une demande en nullité de la marque contestée, visant l’ensemble des produits et des services pour lesquels une protection avait été accordée.

6        Les causes de nullité invoquées par la requérante étaient celles visées à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, ainsi qu’à l’article 59, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

7        En particulier, la cause de nullité relative invoquée par la requérante était fondée inter alia sur l’enregistrement international désignant l’Union européenne de la marque verbale COINBASE, obtenu le 4 juin 2014, avec une date de priorité au 6 décembre 2013, sous le numéro 1216587, (ci-après la « marque antérieure ») et qui avait reçu une protection dans l’Union le 20 juillet 2015 pour divers produits et services relevant des classes 9, 36 et 42, correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciel téléchargeable destiné à être utilisé pour le commerce électronique, le stockage, l’envoi, la réception, l’acceptation et la transmission de devises numériques, et la gestion des transactions de paiement et d’échange de devises numériques » ;

–        classe 36 : « Services d’opérations de change de devises ; courtage de devises en temps réel et en ligne ; services de gestion de liquidités, à savoir, facilitation de transferts d’équivalents de liquidités électroniques ; services d’opérations de change de devises numériques pour les unités d’équivalents de liquidités électroniques transférables ayant une valeur de liquidité spécifiée » ;

–        classe 42 : « Fourniture d’une utilisation temporaire d’un logiciel en ligne non téléchargeable pour une utilisation dans le commerce électronique, le stockage, l’envoi, la réception, l’acceptation et la transmission de devises numériques, et la gestion des transactions de paiement et d’échange de devises numériques ».

8        Par décision du 26 juin 2020, la division d’annulation a partiellement accueilli la demande en nullité, en ce qu’elle était fondée sur l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, au motif qu’il existait un risque de confusion pour tous les produits et services identiques ou similaires visés par les marques en conflit, étant donné que lesdites marques étaient identiques.

9        Les produits et services regardés comme identiques ou similaires par la division d’annulation (ci-après les « produits et services similaires ») relèvent des classes 9, 36, 38 et 42 et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Caisses enregistreuses ; machines à compter ou trier des pièces de monnaie ; programmes de jeux pour machines de jeux vidéo d’arcade ; programmes de jeux pour machines de jeux vidéo personnelles ; circuits électroniques et CD-ROM enregistrés avec des programmes pour jeux portables avec écrans à cristaux liquides ; fichiers d’images téléchargeables ; publications électroniques téléchargeables ; tous les produits précités ne relevant pas du domaine des télécommunications » ;

–        classe 36 : « Évaluation financière de crédits d’entreprises ; location d’appareils de comptage ou de traitement de billets et de pièces ; location de distributeurs automatiques de billets ; location de guichets automatiques bancaires ; encaissement consigné de paiements de marchandises ; agences pour le commerce à terme de produits de base ; courtage d’assurance sur la vie ; souscription d’assurances sur la vie ; agences d’assurance sur la non-vie ; règlement des sinistres pour assurance sur la non-vie ; souscription d’assurances sur la non-vie ; calcul de primes d’assurance » ;

–        classe 38 : « Donner du temps pour accéder à des bases de données informatiques où les utilisateurs peuvent rechercher et obtenir des informations sur les transactions de commerce électronique » ;

–        classe 42 : « Conseils technologiques en matière d’ordinateurs ; authentification en ligne de l’identification de l’utilisateur envers le tiers dans le cadre de transactions de commerce électronique ; conception, programmation ou maintenance de programmes informatiques destinés à être utilisés dans des transactions de commerce électronique ; fourniture de moteurs de recherche pour des transactions de commerce électronique ; authentification des utilisateurs de transactions de commerce électronique via des lignes de communication ; conception, programmation ou maintenance de programmes informatiques (logiciels) pour authentifier les utilisateurs dans les transactions de commerce électronique ; conception, programmation ou maintenance de sites Internet pour des transactions de commerce électronique ; tous les services précités ne relevant pas du domaine des télécommunications ».

10      La marque contestée a donc été déclarée nulle en ce qui concerne les produits et services similaires.

11      En revanche, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité pour les produits et services désignés par la marque contestée qui étaient différents des produits et services désignés par la marque antérieure, dans la mesure où elle était fondée sur l’article 60, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et également dans la mesure où elle était fondée sur l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, au titre de la mauvaise foi.

12      Les produits et services regardés comme différents par la division d’annulation (ci-après les « produits et services différents ») relèvent des classes 9, 35, 36, 38 et 42 et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Bouchons d’oreilles pour nageurs ; tampons d’oreilles pour la plongée ; ozoniseurs [ozonisateurs] ; électrolyseurs [cellules électrolytiques] ; mire-œufs ; appareils pour photocalques ; tableaux d’affichage électriques pour l’affichage de chiffres cibles, de sorties de courant ou autres ; photocopieurs ; instruments mathématiques ; machines à horodater ; pointeurs [horloges pointeuses] ; machines de bureau à cartes perforées ; machines à voter, appareils de contrôle des timbres-poste ; mécanismes à prépaiement pour portails de stationnement de voitures ; appareils et équipements de secours ; extincteurs ; bouches d’incendie ; tuyaux à incendie ; lances à incendie ; gicleurs d’incendie ; avertisseurs d’incendie ; avertisseurs de gaz ; avertisseurs contre le vol ; casques de protection ; appareils de signalisation pour voies ferrées, lumineux ou mécaniques ; triangles de signalisation pour véhicules en panne ; bornes routières lumineuses ou mécaniques ; appareils de plongée pour le sauvetage ; simulateurs pour la conduite ou le contrôle de véhicules ; simulateurs d’entraînement sportif ; appareils et instruments de laboratoire ; machines et appareils photographiques ; machines et appareils cinématographiques ; machines et appareils optiques ; machines et instruments de mesure ou d’essai ; machines et appareils de distribution ou de commande électriques ; convertisseurs rotatifs ; modificateurs de phase ; piles solaires ; batteries et piles ; compteurs et testeurs électriques ou magnétiques ; fils et câbles électriques ; compteurs Geiger ; cyclotrons [non à usage médical] ; machines et appareils industriels à rayons X [non à usage médical] ; bêtatrons industriels [non à usage médical] ; machines de prospection magnétique ; détecteurs d’objets magnétiques ; machines et appareils de prospection sismique ; machines et appareils d’hydrophones ; échosondeurs ; détecteurs de défauts par ultrasons ; capteurs à ultrasons ; systèmes électroniques de commande de fermeture de portes ; microscopes électroniques ; noyaux magnétiques ; fils de résistance ; électrodes autres que les électrodes de soudage ou les électrodes médicales ; bateaux-pompes à incendie ; satellites à usage scientifique ; fourgons d’incendie ; masques antipoussières ; masques à gaz ; masques de soudage ; vêtements ignifuges ; hottes de prévention des catastrophes ; gants pour la protection contre les accidents ; lunettes [lunettes optiques et lunettes de sport] ; casques de protection pour le sport ; ceintures de lest [pour la plongée sous-marine] ; bouteilles d’air comprimé [pour la plongée sous-marine] ; détendeurs [pour la plongée sous-marine] ; métronomes ; circuits électroniques et CD-ROM enregistrés avec des programmes de performance automatique pour instruments de musique électroniques ; dispositifs d’effets pour instruments de musique électriques ou électroniques ; disques acoustiques ; fichiers de musique téléchargeables ; disques vidéo et bandes vidéo enregistrés ; films cinématographiques exposés ; films à diapositives exposés ; supports de films pour diapositives ; tous les produits précités ne relevant pas du domaine des télécommunications » ;

–        classe 35 : « Promotion des produits et services de tiers par l’administration de systèmes de ventes et d’incitations promotionnelles impliquant des timbres commerciaux ; analyse de gestion d’affaires ou consultation d’affaires ; gérance administrative d’hôtels ; préparation d’états financiers ; bureaux de placement ; vente aux enchères ; agences d’import-export ; services d’abonnement à des journaux ; services de sténographie ; transcription ; reproduction de documents ; travaux de bureau, à savoir classement, en particulier de documents ou de bandes magnétiques ; compilation d’informations dans des bases de données informatiques ; fourniture d’assistance commerciale à des tiers pour l’exploitation d’appareils de traitement de données à savoir, ordinateurs, machines à écrire, télex et autres machines de bureau similaires ; services d’accueil de visiteurs dans des bâtiments ; location de matériel publicitaire ; location de machines à écrire, de photocopieurs et de machines de traitement de texte ; mise à disposition d’informations en matière d’emploi ; services de revues de presse ; location de distributeurs automatiques ; services de vente au détail ou en gros de liqueurs ; services de vente au détail ou en gros de viande ; services de vente au détail ou en gros de produits de la mer ; services de vente au détail ou en gros de légumes et de fruits ; services de vente au détail ou en gros de confiserie, de pain et de brioches ; services de vente au détail ou en gros de riz et de céréales ; services de vente au détail ou en gros de lait ; services de vente au détail ou en gros de boissons gazeuses [boissons rafraîchissantes] et de boissons à base de jus de fruits sans alcool ; services de vente au détail ou en gros de thé, café et cacao ; services de vente au détail ou en gros de produits alimentaires transformés ; services de publicité ; services d’analyses ou de recherches en matière de marketing ; mise à disposition d’informations concernant les ventes commerciales (ce qui inclut la fourniture d’informations par l’internet) ; mise à disposition d’informations concernant les services de publicité et de publicité (ce qui inclut la fourniture d’informations par l’internet) ; services d’intermédiaires sur les contrats de vente et d’achat de produits dans le cadre de transactions de commerce électronique ; gestion et exploitation commerciales de transactions de commerce électronique ; systématisation d’informations dans des bases de données informatiques ; services de vente au détail ou en gros de vêtements ; services de vente au détail ou en gros de couches ; services de vente au détail ou en gros de chaussures ; services de vente au détail ou en gros de sacs et sachets ; services de vente au détail ou en gros de tissus et de literie ; services de vente au détail ou en gros d’articles personnels sous forme de breloques ou de bijoux à usage personnel ; services de vente au détail ou en gros d’aliments et de boissons ; services de vente au détail ou en gros d’automobiles ; services de vente au détail ou en gros de véhicules à moteur à deux roues ; services de vente au détail ou en gros de bicyclettes ; services de vente au détail ou en gros de meubles ; services de vente au détail ou en gros d’accessoires de menuiserie ; services de vente au détail ou en gros de tatamis ; services de vente au détail ou en gros d’équipements rituels ; services de vente au détail ou en gros d’outils manuels à lame ou à pointe, d’outils à main et de matériel ; services de vente au détail ou en gros d’équipements de cuisine, d’outils de nettoyage et d’ustensiles de lavage ; services de vente au détail ou en gros de préparations pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ainsi que de fournitures médicales ; services de vente au détail ou en gros de cosmétiques, de produits de toilette, de dentifrices, de savons et de détergents ; services de vente au détail ou en gros de machines, d’outils et de fournitures agricoles ; services de vente au détail ou en gros de fleurs et d’arbres naturels ; services de vente au détail ou en gros de carburants ; services de vente au détail ou en gros de produits de l’imprimerie ; services de vente au détail ou en gros de papier et de papeterie ; services de vente au détail ou en gros d’articles de sport ; services de vente au détail ou en gros de jouets, de poupées, de machines et d’appareils de jeux ; services de vente au détail ou en gros d’instruments de musique et de disques ; services de vente au détail ou en gros de machines et d’appareils photographiques et de fournitures photographiques ; services de vente au détail ou en gros d’horloges, de montres et de lunettes ; services de vente au détail ou en gros de tabacs et d’articles pour fumeurs ; services de vente au détail ou en gros de matériaux de construction ; services de vente au détail ou en gros de pierres précieuses ou semi-précieuses et leurs imitations ; services de vente au détail ou en gros d’animaux de compagnie » ;

–        classe 36 : « Gestion d’immeubles ; services d’agences pour la location ou le crédit-bail d’immeubles ; crédit-bail ou location d’immeubles ; achat et vente d’immeubles ; services d’agences pour l’achat ou la vente d’immeubles ; estimations immobilières ; gestion de terrains ; services d’agences pour la location de terrains ; crédit-bail de terrains ; achat et vente de terrains ; services d’agences pour l’achat ou la vente de terrains ; mise à disposition d’informations en matière d’immeubles ou de terrains [affaires immobilières] ; estimation d’antiquités ; estimation d’objets d’art ; estimation de pierres précieuses ; estimation d’automobiles d’occasion ; agences de collecte de paiements de redevances d’électricité ou de gaz ; services de collecte de bienfaisance » ;

–        classe 38 : « Agences de presse » ;

–        classe 42 : « Mise à disposition d’informations météorologiques ; conception architecturale ; expertises (travaux d’ingénieurs) ; expertises ou recherches géologiques ; conception de machines, d’appareils, d’instruments [y compris leurs pièces] ou de systèmes composés de ces machines, appareils et instruments ; conception ; conseils technologiques en matière d’automobiles et de machines industrielles ; essais, inspection ou recherche de produits pharmaceutiques, cosmétiques ou alimentaires ; recherches en matière de construction immobilière ou d’urbanisme ; essais ou recherches en matière de prévention de la pollution ; essais ou recherches en matière d’électricité ; essais ou recherches en génie civil ; essais, inspection ou recherche en matière d’agriculture, d’élevage de bétail ou de pêche ; essais ou recherches en matière de machines, d’appareils et d’instruments ; location d’appareils de mesure ; location d’appareils et d’instruments de laboratoire ; location d’instruments de dessin ; tous les services précités ne relevant pas du domaine des télécommunications ».

13      La marque contestée est donc restée valide dans l’Union pour les produits et services différents.

14      Le 26 août 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation. Elle a conclu à l’annulation de la décision de la division d’annulation en ce qu’elle avait rejeté la demande en nullité, à savoir pour les produits et services différents. La requérante a soutenu que la division d’annulation avait erronément conclu à l’absence de mauvaise foi, au sens de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, par le titulaire de la marque contestée.

15      Par la décision attaquée, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

16      Sur l’objet du litige, elle a relevé que la portée du recours se limitait à l’existence ou non d’une mauvaise foi, au sens de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, pour les produits et les services différents, pour lesquels l’enregistrement de la marque contestée n’avait pas été déclaré nul par la division d’annulation. La chambre de recours a en même temps relevé que l’annulation de la marque contestée pour les produits et les services similaires était devenue définitive.

17      Sur le fond, la chambre de recours a conclu que le recours était non fondé et donc à l’absence de mauvaise foi du titulaire de la marque contestée pour les produits et services différents. En effet, elle a conclu qu’il n’existait pas de preuves permettant d’établir que le titulaire de la marque contestée avait agi de mauvaise foi.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

19      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la détermination du règlement applicable ratione temporis

20      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 3 février 2016 [voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2021, SBG/EUIPO – VF International (GEØGRAPHICAL NØRWAY), T‑458/20, non publié, EU:T:2021:543, point 13 et jurisprudence citée], laquelle est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur [voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée ; arrêt du 1er septembre 2021, Gruppe Nymphenburg Consult/EUIPO (Limbic® Types), T‑96/20, EU:T:2021:527, point 17].

21      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), à l’article 59, paragraphe 1, sous b), et à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, comme visant, respectivement, l’article 8, paragraphe 1, sous b), l’article 52, paragraphe 1, sous b), et l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

 Sur le fond

22      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

23      Ce moyen se divise, en substance, en deux griefs. D’une part, la requérante allègue que la chambre de recours a procédé à une appréciation trop restrictive de la mauvaise foi en regardant cette question uniquement par rapport aux produits et services différents. D’autre part, la requérante avance que la chambre de recours a erronément conclu à l’absence de mauvaise foi de la part du titulaire de la marque contestée au jour du dépôt de sa demande d’enregistrement.

24      Il convient d’examiner d’abord l’argument tiré d’une appréciation trop étroite de la mauvaise foi.

25      À cet égard, la requérante soutient que la chambre de recours a attribué une portée trop restrictive au concept de « mauvaise foi », au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. En effet, elle n’aurait pas procédé à une appréciation globale en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce, dans la mesure où son appréciation de la mauvaise foi a porté uniquement sur les produits et services différents sans tenir compte des produits et services similaires.

26      Selon la requérante, la chambre de recours aurait dû apprécier la mauvaise foi en prenant en compte la situation au jour du dépôt de la demande d’enregistrement, à savoir le 3 février 2016, et non au jour où elle a rendu sa décision, indépendamment de la question de savoir si la marque contestée avait déjà été définitivement déclarée nulle pour les produits et services similaires par la décision de la division d’annulation.

27      En outre, la requérante soutient, en substance, que l’intention du titulaire de la marque contestée ne saurait être divisée entre les produits et services similaires, pour lesquels elle avait une mauvaise intention lorsqu’elle a déposé sa demande d’enregistrement, et les produits et services différents, pour lesquels elle avait une bonne intention. Selon la requérante, la mauvaise intention devrait affecter l’ensemble des produits et services demandés.

28      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

29      À cet égard, l’EUIPO fait valoir que la décision de la division d’annulation est d’ores et déjà devenue définitive en partie, en ce qui concerne les produits et services similaires, et que, dans cette mesure, l’enregistrement de la marque contestée est définitivement annulé. L’EUIPO fait observer que, dans le cadre de son recours partiel, la requérante a demandé à la chambre de recours l’annulation de la décision de la division d’annulation uniquement pour les produits et services différents. L’EUIPO en conclut, en conséquence, que les produits et services similaires étaient manifestement exclus de l’étendue du recours introduit à des fins d’examen devant la chambre de recours et que, ainsi, la chambre de recours a correctement délimité l’étendue de la procédure de recours dont elle était saisie.

30      De surcroît, l’EUIPO fait observer, en substance, que, si, dans la décision attaquée, la chambre de recours s’est référée à plusieurs reprises aux produits et services similaires, en dépit du fait qu’ils étaient exclus de l’étendue du recours, il s’agissait seulement de réponses apportées aux arguments de la requérante afin de satisfaire à son obligation de motivation, ces références ne constituant pas un raisonnement contradictoire ou une décision rendue ultra vires, voire ultra petita.

31      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, aux termes de l’article 198, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, la demande en nullité des effets d’un enregistrement international désignant l’Union européenne tient lieu de demande en nullité en vertu des articles 59 ou 60 du même règlement (anciens articles 52 ou 53 du règlement no 207/2009).

32      Il convient également de rappeler que, aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

33      Il découle de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 que le moment pertinent aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur est celui du dépôt, par l’intéressé, de la demande d’enregistrement (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 35).

34      En outre, aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne et, notamment, premièrement, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, deuxièmement, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que, troisièmement, le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53).

35      Cela étant, il ressort de la formulation retenue par la Cour dans l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361), que les facteurs énumérés ne sont que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte à l’effet de se prononcer sur l’éventuelle mauvaise foi d’un demandeur d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne au moment du dépôt de la demande de marque. À cet égard, il y a lieu de considérer que, dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il peut également être tenu compte de l’origine du signe et de son usage depuis sa création, de la logique commerciale dans laquelle s’inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque de l’Union européenne ainsi que de la chronologie des évènements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt [voir arrêt du 16 décembre 2020, Pareto Trading/EUIPO – Bikor et Bikor Professional Color Cosmetics Małgorzata Wedekind (BIKOR EGYPTIAN EARTH), T‑438/18, non publié, EU:T:2020:630, point 21 et jurisprudence citée].

36      Au vu des considérations qui précèdent et à lumière de l’argumentation de la requérante, il convient d’apprécier si la chambre de recours a correctement tenu compte de tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement par le titulaire de la marque contestée.

37      Il convient de rappeler que la chambre de recours a considéré, en substance, au point 14 de la décision attaquée, que la portée du recours se limitait à l’existence ou non de la mauvaise foi du titulaire de la marque contestée pour les produits et services différents, pour lesquels ladite marque restait valide. Une telle définition de l’étendue du litige était conforme au recours de la requérante porté devant la chambre de recours, lequel visait l’annulation de la décision de la division d’annulation seulement en ce que celle-ci avait rejeté la demande en nullité, à savoir pour les produits et services différents.

38      Toutefois, même si la portée du recours devant la chambre de recours était limitée aux produits et services différents, afin de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce lors de son appréciation de la mauvaise foi, conformément à la jurisprudence précitée, la chambre de recours devait néanmoins tenir compte des produits et services similaires. En effet, ces produits et services faisaient partie de ceux qui étaient visés par le titulaire de la marque contestée au moment du dépôt de sa demande d’enregistrement. Partant, l’appréciation de la mauvaise foi par la chambre de recours devait porter également sur les produits et services similaires et sur les éléments de preuves afférents à ces derniers.

39      Or, il ressort d’une analyse d’ensemble de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas satisfait à cette exigence.

40      En effet, il émane de plusieurs points de la décision attaquée que l’appréciation par la chambre de recours de l’existence de la mauvaise foi ne concernait que les produits et services différents, quand elle aurait dû également tenir compte des produits et services similaires dans une appréciation de l’ensemble des facteurs pertinents.

41      Premièrement, au point 35 de la décision attaquée, relatif au degré de protection juridique dont bénéficiait le signe de la requérante, la chambre de recours a relevé que « les seuls produits et services qui compt[ai]ent dans cette évaluation [étaie]nt ceux pour lesquels la demande en annulation a[vait] été rejetée, qui [étaie]nt tous clairement différents ».

42      Deuxièmement, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que rien dans le dossier ne permettait de conclure que, en ce qui concernait les produits et services différents, faisant l’objet du recours, le titulaire de la marque contestée avait des intentions malhonnêtes et avait tenté de manière malhonnête de bloquer une utilisation légitime de ladite marque par un concurrent.

43      Troisièmement, au point 45 de la décision attaquée, il est très clair que la chambre de recours s’est référée seulement aux produits et services différents. En effet, cela ressort de manière très explicite dudit point, lequel mentionne « le principe de base selon lequel les motifs de la déclaration en nullité doivent être appréciés en fonction des produits et services faisant l’objet de la procédure de recours », à savoir les produits et services différents en l’espèce.

44      Même si l’analyse de la mauvaise foi dans la décision attaquée contient effectivement certains éléments se référant potentiellement aux produits et services similaires, cela ne suffit pas pour considérer que la chambre de recours a correctement tenu compte de ces produits et services dans son appréciation de la mauvaise foi, conformément aux principes émanant de la jurisprudence citée aux points 33 à 35 ci-dessus.

45      Ainsi, premièrement, s’il ressort implicitement des points 31 à 34 de la décision attaquée, relatifs à la connaissance par le titulaire de la marque contestée de l’usage de la marque antérieure et de l’intention de ce dernier d’empêcher la requérante d’utiliser le signe en cause, que l’analyse de la chambre de recours pouvait concerner tant les produits et services similaires que les produits et services différents, la conclusion de cette partie de l’évaluation de la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée ne concerne, quant à elle, que les produits et services différents.

46      Deuxièmement, si la chambre de recours s’est référée aussi aux produits et services similaires au point 36 de la décision attaquée, relatif à l’appréciation du degré de protection juridique dont bénéficiait le signe de la requérante, il ne s’agissait que d’un complément facultatif à l’appréciation de ce critère au point 35 de la décision attaquée, qui, quant à lui, ne concerne que les produits et services différents (voir, à cet égard, le point 41 ci-dessus).

47      Troisièmement, il y a lieu de relever que la deuxième partie de l’appréciation de la chambre de recours relative à des intentions frauduleuses de la part du titulaire de la marque contestée, aux points 39 et 40 de la décision attaquée, ne fait référence à aucun produit ou service et il n’est donc pas possible de savoir si ces constats concernaient les produits et services similaires.

48      Quatrièmement, en ce qui concerne la troisième partie de l’appréciation de la chambre de recours relative aux autres types d’un comportement potentiellement abusif de la part du titulaire de la marque contestée, il convient de relever que les points 44, 46 et 47 de la décision attaquée manquent manifestement de clarté quant aux produits et services que la chambre de recours a pris en compte dans son analyse.

49      De plus, la chambre de recours a relevé, en substance, au point 46 de la décision attaquée que l’argument le plus pertinent en faveur de la requérante était que, en cas de constatation de la mauvaise foi à l’égard de certains produits ou services selon les critères de l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361), généralement, la marque devait être annulée pour tous les produits et services en cause. Toutefois, la conclusion de la chambre de recours sur ces critères se trouve au point 38 de la décision attaquée, lequel ne concerne que les produits et services différents. En outre, l’interprétation du point 46 de la décision attaquée doit être effectuée à la lumière du contenu du point précédent de cette décision, analysé au point 43 ci-dessus, lequel ne se réfère qu’aux produits et services différents.

50      À cet égard, il convient également de souligner que, au point 14 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la portée du recours était limitée à la question de savoir s’il y avait eu mauvaise foi ou non de la part du titulaire de la marque contestée ayant déposé la demande d’enregistrement international pour les produits et services différents et que, même si la décision de la division d’annulation n’avait pas déclaré expressément que la mauvaise foi ne devait être examinée que pour eux, elle a indirectement choisi de partir de cette base.

51      Il en découle que la chambre de recours n’a pas correctement inclus les produits et services similaires dans son appréciation de la mauvaise foi.

52      Cette conclusion est également confirmée par les arguments avancés par l’EUIPO dans la procédure devant le Tribunal. En rappelant que la chambre de recours avait correctement délimité l’étendue de la procédure en excluant les produits et services similaires, l’EUIPO soutient dans le mémoire en réponse que les références faites dans la décision attaquée aux produits et services similaires visaient simplement à répondre à l’obligation de motivation qui lui incombait en vue de réfuter les arguments de la requérante. Partant, la chambre de recours n’a pas cherché à effectuer une appréciation par rapport aux produits et services similaires au même titre qu’elle en a effectué une par rapport aux produits et services différents.

53      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas correctement tenu compte, dans le cadre de l’appréciation globale de la mauvaise foi, de tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, tel que le requiert la jurisprudence citée aux points 33 à 35 ci-dessus. L’appréciation effectuée dans la décision attaquée est donc entachée d’une erreur à cet égard.

54      Enfin, il y a lieu de constater qu’il n’appartient pas au Tribunal d’examiner cette question, pour la première fois, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée. Il reviendra donc à la chambre de recours de se prononcer à cet égard, en motivant son appréciation, aux fins de la décision qu’il lui incombe de rendre sur le recours dont elle demeure saisie [voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2017, Biernacka-Hoba/EUIPO – Formata Bogusław Hoba (Formata), T‑23/16, non publié, EU:T:2017:149, point 59 et jurisprudence citée, et ordonnance du 16 juin 2021, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO – Huawei Technologies (GT10), T‑558/20, non publiée, EU:T:2021:381, point 44 et jurisprudence citée].

55      Il s’ensuit que le moyen unique de la requérante doit être accueilli et que la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments de la requérante.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 avril 2021 (affaire R 1751/2020-4) est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.