Language of document : ECLI:EU:T:2023:860

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

20 décembre 2023 (*)

« Clause compromissoire – Accord de prêt relatif à la conception, à la construction, à l’équipement et à la mise en service de certains hôpitaux dans un pays tiers – Inexécution du contrat – Remboursement des sommes avancées – Intérêts de retard – Procédure par défaut »

Dans l’affaire T‑457/22,

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. T. Gilliams, R. Stuart et F. Oxangoiti Briones, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Arts et E. Paredis, avocats,

partie requérante,

contre

République arabe syrienne,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme R. Frendo (rapporteure) et M. M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 272 TFUE, la Banque européenne d’investissement (BEI) demande la condamnation de la République arabe syrienne à verser à l’Union européenne, qu’elle représente, les sommes de 50 880 189,61 euros et de 2 897 002,31 dollars des États‑Unis (USD), assorties d’intérêts, en application de l’accord de prêt n21595 relatif à la conception, à la construction, à l’équipement et à la mise en service de certains hôpitaux situés en Syrie (ci-après l’« accord de prêt »), et à lui verser les sommes de 11 416,23 euros et de 760,94 USD, qui n’ont pas fait l’objet d’un appel à la caution, représentant les intérêts de retard liés à la tranche due le 10 juin 2022, accumulés jusqu’au 29 juin 2022, date à laquelle l’Union a payé la tranche correspondante en principal et en intérêts contractuels.

 Antécédents du litige

2        Le 15 juin 2002, la BEI a conclu l’accord de prêt avec la République arabe syrienne. Cet accord, qui a été amendé par lettre du 11 avril 2006 et modifié les 17 octobre et 29 novembre 2007, faisait suite à trois textes, à savoir :

–        le règlement (CE) no 1488/96 du Conseil, du 23 juillet 1996, relatif à des mesures d’accompagnement financières et techniques (Meda) à la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen (JO 1996, L 189, p. 1) ;

–        la convention-cadre entre la République arabe syrienne et la BEI réglementant les activités de la BEI en Syrie du 17 mai 1999 ;

–        l’accord-cadre relatif à la mise en œuvre de la coopération financière et technique dans le cadre du programme Meda ainsi que d’autres conventions de financement de la BEI dans les pays méditerranéens du 17 mai 1999.

3        En vertu de l’article 1er, paragraphes 1 à 4, de l’accord de prêt, la BEI a accordé à la République arabe syrienne un prêt de 100 000 000 euros à décaisser sur demande. Le prêt a été décaissé par tranches, en USD et en euros, entre le 16 janvier 2004 et le 14 octobre 2009.

4        Selon l’article 4, paragraphe 1, de l’accord de prêt, la République arabe syrienne devait rembourser le prêt en plusieurs échéances dans le respect des tableaux d’amortissement fournis par la BEI.

5        Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de l’accord de prêt, des intérêts contractuels sont dus sur l’encours de chaque décaissement, sur une base semestrielle, à un taux déterminé à la date de l’avis de décaissement, sur la base du taux d’intérêt standard applicable aux prêts comparables octroyés par la BEI, libellés en euros et assortis des mêmes conditions (ci-après les « intérêts contractuels »).

6        Selon l’article 3, paragraphe 2, de l’accord de prêt, des intérêts de retard sont dus sur les montants échus en euros à un taux correspondant au taux de l’Euro Interbank Offered Rate (Euribor) et sur les montants échus en USD au taux de London Interbank Offered Rate (Libor) majorés de 2 % ou au taux fixe payable en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de l’accord de prêt majorés de 0,25 %, le taux le plus élevé des deux étant retenu (ci-après les « intérêts de retard »).

7        Par ailleurs, conformément au contrat de cautionnement conclu le 24 juillet 2000 entre la BEI et la Communauté européenne concernant les prêts à octroyer par la BEI en faveur de projets d’investissement réalisés dans les pays d’Europe centrale et orientale, dans les pays méditerranéens, dans les pays d’Amérique latine et d’Asie ainsi qu’en République d’Afrique du Sud (ci-après le « contrat de cautionnement »), l’Union assume la garantie des prêts accordés par la BEI dans le cadre des engagements financiers de l’Union envers certains pays tiers, y compris la République arabe syrienne, et se trouve subrogée dans les droits de la BEI immédiatement après avoir réalisé chaque paiement en faveur de celle-ci sur la base du cautionnement (article 1, paragraphe 1).

8        En vertu de l’accord de recouvrement conclu entre l’Union et la BEI, signé à Bruxelles le 3 octobre 2018, régissant les modalités et les procédures de recouvrement des paiements effectués par l’Union au titre des garanties qu’elle avait accordées à la BEI pour couvrir les pertes résultant d’opérations de financement en faveur de projets d’investissement réalisés en dehors de l’Union, tel que modifié le 10 août 2021, chaque fois que l’Union réalise un paiement en vertu de l’accord de cautionnement et est subrogée dans les droits et les recours de la BEI dans le cadre et en vertu, notamment, d’un accord de prêt, la BEI engage sans délai des procédures de recouvrement pour le compte et au nom de l’Union (article 3, paragraphe 1).

9        Depuis le mois de décembre 2011, la République arabe syrienne a cessé d’honorer les échéances dues en application de l’accord de prêt.

10      Par arrêt du 6 juin 2019, BEI/Syrie (T‑543/17, non publié, EU:T:2019:385), la République arabe syrienne a été condamnée à rembourser à l’Union, représentée par la BEI, d’une part, les sommes de 62 646 209,04 euros et de 3 582 381,15 USD au titre des échéances de paiement non honorées par la République arabe syrienne entre le 12 décembre 2011 et le 12 juin 2017 ainsi que des intérêts contractuels et de retard pour la période du 12 décembre 2011 au 9 août 2017 et, d’autre part, les intérêts de retard calculés selon la méthode prévue à l’article 3, paragraphe 2, de l’accord de prêt à compter du 9 août 2017 et jusqu’à la date du paiement.

11      Entre le 9 août 2017 et le 30 juin 2022, dix tranches visées par l’accord de prêt sont venues à échéance et, la République arabe syrienne n’ayant pas effectué les paiements dus, la BEI a, à chaque reprise, émis des rappels de paiement, comme suit :

Échéance

Montant principal

Intérêts contractuels

Rappel

11 décembre 2017

3 682 306,14 EUR

908 265,31 EUR

12 décembre 2017


196 829,79 USD

59 713,64 USD


11 juin 2018

3 764 333,49 EUR

826 237,96 EUR

19 juin 2018


202 114,67 USD

54 428,76 USD


10 décembre 2018

3 848 200,87 EUR

742 370, 59 EUR

11 décembre 2018


207 541,45 USD

49 001,98 USD


10 juin 2019

3 933 949,84 EUR

656 621,61 EUR

12 juin 2019


213 113,94 USD

43 429,49 USD


10 décembre 2019

4 021 622,89 EUR

568 948,56 EUR

11 décembre 2019


218 836,05 USD

37 707,38 USD


10 juin 2020

4 111 263,48 EUR

479 307,97 EUR

11 juin 2020


224 711,79 USD

31 831,64 USD


10 décembre 2020

4 202 916,07 EUR

387 655,38 EUR

11 décembre 2020


230 745,30 USD

25 798,13 USD


10 juin 2021

4 296 626,16 EUR

293 945,29 EUR

11 juin 2021


236 940,82 USD

19 602,61 USD


10 décembre 2021

4 392 440,19 EUR

198 131,26 EUR

13 décembre 2021


243 302,68 USD

13 240,75 USD


10 juin 2022

4 490 405,73 EUR

100 165,71 EUR

16 juin 2022


249 835,35 USD

6 708,08 USD



12      Toutefois, la République arabe syrienne est restée en défaut de paiement.

13      Conformément au contrat de cautionnement, par dix lettres envoyées à la Commission entre le 12 décembre 2017 et le 16 juin 2022, la BEI a demandé l’activation dudit cautionnement concernant les montants principaux et les intérêts contractuels portant sur les tranches faisant l’objet des échéances indiquées au point 11 ci-dessus, majorés des intérêts de retard pour chaque tranche, à l’exception de la tranche due le 10 juin 2022. La Commission a déféré à ces demandes en effectuant les paiements des montants en cause (ci-après les « montants déboursés par l’Union »).

14      À la date de calcul des montants réclamés dans la présente requête, la BEI n’avait pas encore fait appel au cautionnement de l’Union concernant les intérêts de retard liés à la tranche due le 10 juin 2022. Dès lors, la subrogation n’a pas été mise en œuvre s’agissant des montants de 11 416,23 euros et de 760,94 USD correspondant aux intérêts de retard dus au 30 juin 2022 non cautionnés par l’Union (ci-après les « montants non cautionnés »).

 Procédure et conclusions de la BEI

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juillet 2022, la BEI, agissant pour son propre compte et pour le compte de l’Union, a introduit le présent recours.

16      Deux tentatives de signification de la requête à la République arabe syrienne, effectuées par envois postaux recommandés avec accusés de réception, des 1er août et 18 novembre 2022, sont demeurées infructueuses.

17      Le greffe du Tribunal a procédé à une nouvelle tentative de signification de la requête à la partie défenderesse, par courrier express avec accusé de réception du 15 juin 2023. Ce courrier a été réceptionné le 6 juillet 2023. Ainsi, la requête adressée, conformément à l’article 10, paragraphe 3, de l’accord de prêt, à l’ambassadeur de la République arabe syrienne auprès de l’Union à Bruxelles (Belgique) a été dûment signifiée à la République arabe syrienne.

18      La République arabe syrienne n’ayant pas produit de mémoire en défense dans le délai prescrit à l’article 81 du règlement de procédure du Tribunal, la BEI a, par acte déposé le 2 octobre 2023, demandé au Tribunal de lui adjuger ses conclusions, conformément à l’article 123, paragraphe 1, dudit règlement.

19      La BEI conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la République arabe syrienne a manqué à ses obligations contractuelles en vertu de l’accord de prêt en ce qui concerne le paiement des montants principaux, des intérêts contractuels et des intérêts de retard à réaliser sur chaque échéance due et impayée entre le 11 décembre 2017 et le 10 juin 2022 et, par conséquent, condamner la République arabe syrienne à payer à l’Union, qu’elle représente, premièrement, les sommes de 50 880 189,61 euros et de 2 897 002,31 USD à titre de montants déboursés par l’Union et d’intérêts de retard pour la période du 9 août 2017 au 30 juin 2022, à l’exclusion des intérêts de retard sur la tranche due le 10 juin 2022, et, deuxièmement, les intérêts de retard supplémentaires au taux annuel égal au taux Euribor pour les décaissements en euros et au taux annuel égal au taux Libor pour les décaissements en USD majorés de 2 % ou au taux fixe annuel indiqué à l’article 3, paragraphe 1, de l’accord de prêt, majorés de 0,25 %, le taux le plus élevé des deux étant retenu (pour toute période successive d’un mois), à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la réalisation du paiement ;

–        constater que des intérêts de retard correspondant aux sommes de 11 416,23 euros et de 760,94 USD liés à la tranche due le 10 juin 2022, accumulés jusqu’au 29 juin 2022 n’ont pas encore fait l’objet d’un appel à la caution par la BEI et, par conséquent, condamner la République arabe syrienne à lui payer les montants non cautionnés ;

–        condamner la République arabe syrienne aux dépens.

 En droit

20      En vertu de l’article 123, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque le Tribunal constate que la partie défenderesse, régulièrement mise en cause, n’a pas répondu à la requête dans le délai prescrit, la partie requérante peut demander au Tribunal de lui adjuger ses conclusions.

21      En l’espèce, il convient de constater que la requête qui, conformément à l’article 10, paragraphe 3, de l’accord de prêt, devait être adressée à l’ambassadeur de la République arabe syrienne auprès de l’Union à Bruxelles a été dûment signifiée à l’adresse de l’ambassade où sont situés les locaux de la mission de cet État.

22      Or, ainsi qu’il ressort du point 18 ci-dessus, bien que la requête de la BEI ait été régulièrement signifiée à la République arabe syrienne, cette dernière n’a pas produit de mémoire en défense dans le délai prescrit à l’article 81 du règlement de procédure.

23      Dès lors que la requérante a demandé au Tribunal de lui adjuger ses conclusions, il convient de faire application de l’article 123, paragraphe 3, du règlement de procédure, aux termes duquel le Tribunal adjuge à la partie requérante ses conclusions, à moins qu’il ne soit manifestement incompétent pour connaître du recours ou que ce recours soit manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur la compétence du Tribunal

24      Conformément à l’article 272 TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte.

25      Il convient de relever qu’il ressort des dispositions liminaires de l’accord de prêt que celui-ci a été conclu, notamment, en application du règlement no 1488/96, de sorte qu’il doit être considéré comme ayant été conclu pour le compte de l’Union.

26      Or, l’article 10, paragraphe 2, de l’accord de prêt contient une clause compromissoire en vertu de laquelle tous les litiges concernant cet accord seront soumis à la Cour de justice de l’Union européenne.

27      Conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal est compétent pour connaître en première instance des recours introduits sur la base d’une clause compromissoire, tels qu’ils sont visés à l’article 272 TFUE.

28      Au vu de ce qui précède, il convient de considérer que le Tribunal n’est pas manifestement incompétent pour connaître du présent recours.

 Sur la recevabilité du recours

29      S’agissant du premier chef de conclusions, il ressort du point 13 ci‑dessus que, à la suite des manquements contractuels de la République arabe syrienne en vertu de l’accord de prêt, la BEI a récupéré les montants payés par l’Union au titre du contrat de cautionnement.

30      Il s’ensuit que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du contrat de cautionnement, l’Union est subrogée dans les droits que la BEI détient sur l’emprunteur en vertu de l’accord de prêt concernant les sommes visées dans le premier chef de conclusions.

31      Il convient de constater que, d’une part, les effets de cette subrogation à l’égard de la République arabe syrienne ne sont pas réglés par l’accord de prêt et que, d’autre part, le contrat de cautionnement au titre duquel la subrogation a eu lieu ne contient aucune disposition concernant le choix de la loi applicable.

32      À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que l’article 13, paragraphe 1, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1980, L 266, p. 1) dispose ce qui suit :

« Lorsqu’en vertu d’un contrat, une personne, le créancier, a des droits à l’égard d’une autre personne, le débiteur, et qu’un tiers a l’obligation de désintéresser le créancier ou encore que le tiers a désintéressé le créancier en exécution de cette obligation, la loi applicable à cette obligation du tiers détermine si celui-ci peut exercer en tout ou en partie les droits détenus par le créancier contre le débiteur selon la loi régissant leurs relations. »

33      En l’espèce, le contrat de cautionnement ayant été conclu par l’Union et la BEI, il convient de se référer aux dispositions nationales régissant la subrogation, telles qu’elles ressortent des codes civils, belge et luxembourgeois, des États dans lesquels le contrat de cautionnement a été signé, respectivement, par la Commission, au nom de l’Union, et par la BEI.

34      Selon lesdits droits nationaux, qui n’exigent pas que le débiteur ait consenti à la subrogation, celle-ci est opposable aux tiers dès lors que celui qui exécute l’obligation de remboursement d’un prêt échu ayant un intérêt légitime dans l’exécution est subrogé dans les droits du créancier. En conséquence de la subrogation, le droit contractuel de la BEI au remboursement des sommes dues dans le cadre de l’accord de prêt est transféré à l’Union, laquelle est donc en mesure d’adresser sa demande contractuelle à l’égard de la République arabe syrienne (arrêt du 6 juin 2019, BEI/Syrie, T‑542/17, non publié, EU:T:2019:394, point 23).

35      Ensuite, il convient de relever que, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du contrat de cautionnement, après avoir subrogé l’Union dans ses droits et actions, la BEI, sur demande de celle-ci, convient des modalités de l’administration et du service du prêt.

36      À cet égard, il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de l’accord de recouvrement évoqué au point 8 ci-dessus que, chaque fois que l’Union réalise un paiement en vertu d’un accord de cautionnement et est subrogée dans les droits et les recours de la BEI dans le cadre et en vertu, notamment, d’un accord de prêt, la BEI engage sans délai des procédures de recouvrement pour le compte et au nom de l’Union.

37      Dans ces circonstances, il convient de constater que le premier chef de conclusions, introduit par la BEI au nom de l’Union, n’est pas manifestement irrecevable.

38      Par son deuxième chef de conclusions, la BEI vise à faire constater que les sommes de 11 416,23 euros et de 760,94 USD représentant les intérêts de retard liés à la tranche due le 10 juin 2022, accumulés jusqu’au 29 juin 2022, n’ont pas encore fait l’objet d’un appel au titre de l’accord de cautionnement et, par conséquent, à faire condamner la République arabe syrienne à lui payer les montants non cautionnés.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, afin de garantir la bonne administration de la justice, toute personne introduisant une action en justice doit avoir un intérêt à agir né et actuel (arrêt du 30 septembre 2009, Lior/Commission et Commission/Lior, T‑192/01 et T‑245/04, non publié, EU:T:2009:365, point 247). Cet intérêt s’apprécie au jour où le recours est formé (voir arrêt du 20 septembre 2007, Salvat père & fils e.a./Commission, T‑136/05, EU:T:2007:295, point 34 et jurisprudence citée) et doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, ce qui suppose que le recours soit susceptible, au vu de son objet et par le résultat qui en est attendu, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 13 novembre 2014, Jaber/Conseil, T‑653/11, EU:T:2014:948, point 55 et jurisprudence citée).

40      En l’espèce, il ressort des indications de la BEI que, au 30 juin 2022, date de calcul des montants réclamés par le présent recours, elle n’avait pas encore fait appel à l’Union pour le paiement des intérêts de retard sur la tranche due le 10 juin 2022 et un tel appel ne ressort pas du dossier.

41      Ainsi, les montants non cautionnés demeuraient, au moment de l’introduction du recours, une créance de la BEI et il ne ressort pas du dossier que la situation ait évolué entre-temps.

42      Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions introduit par la BEI pour son propre compte n’est pas non plus manifestement irrecevable.

43      En outre, le présent recours ne soulève pas d’autres difficultés de nature à considérer qu’il serait manifestement irrecevable.

44      Par conséquent, il y a lieu de conclure que le présent recours n’est pas manifestement irrecevable.

 Sur le bien-fondé du recours

45      En premier lieu, il ressort du dossier que, sur la base de l’accord de prêt, la BEI a accordé à la République arabe syrienne un prêt remboursable selon les échéances mentionnées au point 11 ci-dessus.

46      En outre, il ressort des indications de la BEI que la République arabe syrienne n’a pas honoré ces échéances de remboursement, en violation de l’article 4, paragraphe 1, de l’accord de prêt.

47      Par conséquent, les conclusions tendant à la condamnation de la République arabe syrienne au remboursement, d’une part, à l’Union, des sommes de 40 744 064,86 euros et de 2 223 971,84 USD, au titre de montants principaux, empruntées par la République arabe syrienne et qui aurait dû être remboursées entre le 11 décembre 2017 et le 10 juin 2022, et, d’autre part, à la BEI, des sommes de 11 416,23 euros et de 760,94 USD représentant les montants non cautionnés qui lui sont dus ne sont pas manifestement dépourvues de fondement en droit.

48      En second lieu, il ressort de l’article 3, paragraphe 2, de l’accord de prêt que des intérêts de retard sont dus sur les montants échus en euros à un taux correspondant au taux Euribor et pour les montants échus en USD au taux Libor, majorés de 2 % ou au taux fixe payable en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de l’accord de prêt majorés de 0,25 %, le taux le plus élevé des deux étant retenu.

49      Par conséquent ne sont pas non plus manifestement dépourvues de tout fondement en droit les conclusions tendant à la condamnation de la République arabe syrienne au paiement des sommes de 10 136 124,75 euros et de 673 030,47 USD au titre des intérêts contractuels et de retard pour la période du 9 août 2017 au 30 juin 2022, d’une part, et des intérêts de retard dus sur les sommes de 40 744 064,86 euros et de 2 223 971,84 USD à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la date du paiement, d’autre part. Les intérêts de retard sont calculés selon la méthode prévue à l’article 3, paragraphe 2, de l’accord de prêt.

50      Partant, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la BEI tendant à lui adjuger ses conclusions et, ainsi, à condamner la République arabe syrienne par défaut, conformément à l’article 123 du règlement de procédure.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République arabe syrienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BEI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La République arabe syrienne est condamnée à rembourser à l’Union européenne, représentée par la Banque européenne d’investissement (BEI), les sommes de 50 880 189,61 euros et de 2 897 002,31 dollars des ÉtatsUnis (USD) représentant les montants principaux et les intérêts contractuels et de retard dus au 30 juin 2022 et à la BEI les sommes de 11 416,23 euros et de 760,94 USD représentant les intérêts de retard liés à la tranche due le 10 juin 2022, accumulés jusqu’au 29 juin 2022, non cautionnés par l’Union.

2)      Les sommes de 40 744 064,86 euros et de 2 223 971,84 USD comprenant les montants principaux portent intérêts de retard, calculés selon la méthode prévue à l’article 3, paragraphe 2, de l’accord de prêt no 21595 relatif à la conception, à la construction, à l’équipement et à la mise en service de certains hôpitaux situés en Syrie, conclu entre la BEI et la République arabe syrienne le 15 juin 2002, amendé par lettre du 11 avril 2006 et modifié les 17 octobre et 29 novembre 2007, à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la date du paiement.

3)      La République arabe syrienne est condamnée aux dépens.

Truchot

Frendo

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.