Language of document : ECLI:EU:T:2024:9

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

17 janvier 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale ILOVEPDF – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Obligation de motivation – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Confiance légitime – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑60/23,

Ilovepdf, SL, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me J. Oriol Asensio, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin (rapporteur), président, Mme G. Steinfatt et M. D. Kukovec, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ilovepdf, SL, demande l’annulation et la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 novembre 2022 (affaire R 641/2021‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 24 octobre 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal ILOVEPDF.

3        La marque demandée désignait les services relevant de la classe 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Conception et développement de logiciels ; recherches scientifiques ; conception et développement de matériel informatique ; services scientifiques et de conception s’y rapportant ; services scientifiques et technologiques ; services d’analyses et de recherches industrielles ; services techniques et de conception s’y rapportant ; recherches technologiques ; plateforme informatique en tant que service [PaaS] ; logiciel-service [SaaS] ».

4        Par décision du 10 mars 2020, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement, au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif et qu’elle était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1) (ci-après la « décision du 10 mars 2020 »).

5        Le 8 mai 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur et, le 10 juillet 2020, a transmis le mémoire exposant les motifs dudit recours.

6        Conformément à l’article 69 du règlement 2017/1001, le recours a été transmis à l’examinateur, qui disposait d’un mois pour l’examiner et l’accueillir ou, s’il ne l’estimait pas recevable et fondé, pour le déférer à la chambre de recours.

7        Le 29 juillet 2020, la décision d’accueillir le recours a été notifiée à la requérante et a indiqué ce qui suit :

« Après avoir examiné le recours au fond, l’examinateur y a fait droit. La décision du 10 mars 2020 a été corrigée et la procédure d’examen se poursuivra. La procédure de recours est donc terminée. La taxe de recours sera remboursée. »

8        Par une nouvelle décision du 12 février 2021 (ci-après la « décision du 12 février 2021 »), l’examinateur a considéré que la marque demandée était un slogan banal avec un message laudatif clair et non équivoque et, par conséquent, qu’elle était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque pour le public pertinent du Royaume-Uni, de l’Irlande et de Malte. Il a donc rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

9        Le 9 avril 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision du 12 février 2021.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que la marque demandée serait comprise dans l’ensemble de l’Union européenne, et plus particulièrement du public de l’Irlande et de Malte, et que, en ce qui concerne les services en cause, le public pertinent disposait d’un niveau élevé d’attention. Elle a estimé que la marque demandée serait comprise comme un message publicitaire laudatif vantant et promouvant des services de haute qualité et non pas comme une marque. Partant, elle a conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et la décision du 12 février 2021 ;

–        prononcer une nouvelle décision remplaçant les décisions antérieures ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de tenue d’une audience.

 En droit

13      La requérante invoque, en substance, cinq moyens. Le premier moyen, invoqué à titre principal, est tiré d’un défaut de motivation en ce que la chambre de recours ne se serait pas prononcée sur les vices dont serait entachée la procédure de révision, au sens de l’article 69 du règlement 2017/1001, ayant conduit à l’adoption de la décision du 12 février 2021. Invoqués à titre subsidiaire, les autres moyens sont tirés, le deuxième, de l’incompétence de la chambre de recours pour apprécier le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée, le troisième, d’une appréciation erronée du caractère distinctif de la marque demandée, le quatrième, d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement au regard des enregistrements antérieurs et, le cinquième, d’un défaut de motivation dont serait entachée l’ensemble de la décision attaquée.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 69, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec la première phrase de l’article 94, paragraphe 1, du même règlement

14      La requérante soutient que la décision de l’examinateur a été précédée d’une procédure de révision au sens de l’article 69, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lequel prévoit que le réexamen est accordé si le recours est recevable et fondé. Or, l’examinateur aurait de nouveau soulevé un motif de refus identique, à savoir la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et aurait repris unilatéralement la procédure d’examen, ce que la requérante aurait contesté devant la chambre de recours, en invoquant un retard de procédure et une atteinte aux droits de la défense. La requérante soutient que la chambre de recours ne s’est pas prononcée sur ces griefs et invite par conséquent le Tribunal à le faire.

15      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

16      Aux termes de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lequel exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 65 et jurisprudence citée).

17      Les instances de l’EUIPO ne sont pas obligées de prendre position sur tous les arguments avancés par les parties. Il leur suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 12 novembre 2008, Shaker/OHMI – Limiñana y Botella (Limoncello della Costiera Amalfitana shaker), T‑7/04, EU:T:2008:481, point 81 et jurisprudence citée].

18      En l’espèce, il convient de constater, à l’instar de la requérante, que la décision attaquée n’a pas examiné les arguments de la requérante selon lesquels, en substance, en adoptant une décision de refus identique à la décision du 10 mars 2020, la décision du 12 février 2021 aurait violé les principes du délai raisonnable de jugement et des droits de la défense. Partant, il convient de relever que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation sur ce point.

19      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une partie requérante n’a aucun intérêt légitime à l’annulation pour vice de forme, défaut ou insuffisance de motivation d’une décision dans le cas où l’annulation de la décision ne pourrait que donner lieu à l’intervention d’une nouvelle décision identique, quant au fond, à la décision annulée [voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Schräder/OCVV – Hansson (SEIMORA), T‑425/15, T‑426/15 et T‑428/15, non publié, EU:T:2017:305, point 109 et jurisprudence citée].

20      Or, en premier lieu, s’agissant de la prétendue violation du principe des droits de la défense, il convient de rappeler que, si ce principe exigeait de l’EUIPO de permettre à la requérante de faire connaître utilement son point de vue, il ne pouvait imposer à l’EUIPO d’adhérer à celui-ci. Le caractère utile de la soumission du point de vue de la requérante requérait seulement que ce point de vue ait pu être soumis en temps voulu pour que l’EUIPO pût en prendre connaissance et, avec toute l’attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu de l’acte en voie d’adoption [voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2016, Grupo Bimbo/EUIPO (Forme d’une barre avec quatre cercles), T‑240/15, non publié, EU:T:2016:327, point 62].

21      À cet égard, il ressort du dossier de la procédure que la requérante a pu utilement présenter ses arguments tout au long de la procédure devant l’EUIPO et qu’elle n’a pas avancé d’arguments devant la chambre de recours susceptibles de justifier en quoi la procédure de réexamen aurait conduit à une violation du principe des droits de la défense au sens de la jurisprudence citée ci-dessus. Un tel argument n’était donc pas susceptible de prospérer.

22      En second lieu, s’agissant de la violation du principe du délai raisonnable, il convient d’observer que cette violation, à la supposer établie, ne justifie l’annulation automatique de l’acte attaqué que dans la mesure où la durée de la procédure aurait eu une quelconque incidence sur la solution du litige, en violation des droits de la défense [arrêt du 29 mars 2019, All Star/EUIPO – Carrefour Hypermarchés (Forme d’une semelle de chaussure), T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 91].

23      Or, d’une part, aucune violation des droits de la défense ne pouvait être constatée, d’autre part, il ressort du dossier de la procédure que la requérante n’avait pas indiqué dans quelle mesure la durée de la procédure aurait eu une incidence sur la solution du présent litige. L’annulation de la décision du 12 février 2021 n’aurait donc fait que retarder l’adoption d’une décision définitive par l’EUIPO, de sorte qu’un tel argument était manifestement inopérant.

24      Partant, aucun des arguments susmentionnés de la requérante n’était susceptible d’avoir une incidence sur la légalité de la décision du 12 février 2021 et sur l’objet principal du recours, à savoir la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces circonstances, le défaut de motivation constaté au point 18 ci-dessus ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée.

25      Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il appartient uniquement au Tribunal de procéder au contrôle de légalité de la décision attaquée et que, pour les raisons qui précèdent, l’examen de l’application de l’article 69, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 par l’examinateur n’est pas susceptible d’aboutir à l’annulation de celle-ci. L’argumentation de la requérante par laquelle elle invite le Tribunal à se prononcer sur l’application de cette dernière disposition est donc inopérante.

26      Il ressort de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2018/626

27      La requérante conteste le fait que, au point 58 de la décision attaquée, la chambre de recours ait considéré qu’elle n’avait pas invoqué de caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. En effet, il ressortirait de la décision du 12 février 2021 que la procédure relative à cette disposition devait reprendre, au titre de l’article 2, paragraphe 2, du règlement d’exécution (UE) 2018/626 de la Commission, du 5 mars 2018, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2017/1431 (JO 2018, L 104, p. 37), lorsque cette décision serait devenue définitive.

28      L’EUIPO ne conteste pas les arguments de la requérante, mais soutient que l’appréciation de la chambre de recours figurant au point 58 de la décision attaquée est toutefois sans conséquence sur les motifs de celle-ci, dès lors que la chambre de recours n’était pas saisie d’une telle question, et qu’elle ne prive pas la requérante, dans l’hypothèse où la décision attaquée serait confirmée, de l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée.

29      Conformément à l’article 2, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2018/626, une demande de marque peut contenir à titre subsidiaire la revendication du caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque. Une telle revendication peut également être formulée au cours de la procédure dans le délai visé à la deuxième phrase de l’article 42, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

30      Lorsque cette revendication est formulée à titre subsidiaire et au cours de la procédure, il est d’usage que l’examinateur ne prenne une décision sur le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée que lorsqu’une décision de l’EUIPO constatant l’existence d’un motif absolu de refus est devenue définitive.

31      En l’espèce, après le premier refus opposé par l’examinateur à l’encontre de la marque demandée, la requérante a invoqué, dans la requête exposant les motifs du recours, le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée, à titre subsidiaire. Par conséquent, un tel examen ne sera effectué qu’une fois que la décision de l’examinateur du 12 février 2021 sera devenue définitive, ainsi qu’il ressort, notamment, de ladite décision.

32      La chambre de recours n’était donc pas compétente, à ce stade de la procédure, pour connaître de la revendication du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée au sens l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. Il s’ensuit que, même si elle a commis une erreur en affirmant, au point 58 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas revendiqué de caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée, cette erreur est toutefois sans incidence, en l’espèce, sur la légalité de la décision attaquée et sur l’examen ultérieur du caractère distinctif acquis par l’usage de ladite marque.

33      Il convient donc de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

34      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

35      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

36      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

37      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation. Afin d’apprécier le caractère distinctif de telles marques, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 35 et 36, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 25).

38      À cet égard, toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, mais elles peuvent être néanmoins aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services concernés. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques peuvent avoir plusieurs significations, constituer un jeu de mots ou être perçues comme fantaisistes, surprenantes et inattendues et, par là même, être mémorisables, de sorte qu’elles ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public pertinent [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 56 et 57 ; du 22 mars 2017, Hoffmann/EUIPO (Genius), T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 28, et du 1er février 2023, Groschopp/EUIPO (Sustainability through Quality), T‑253/22, non publié, EU:T:2023:29, point 25].

39      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a pu constater, à juste titre, que la marque demandée ne disposait pas d’un caractère distinctif intrinsèque.

 Sur le public et le territoire pertinent

40      La chambre de recours a considéré, aux points 24 et 29 de la décision attaquée, que les services en cause étaient destinés à un public disposant de connaissances informatiques et scientifiques et au grand public dont le niveau d’attention serait élevé. De plus, elle a relevé que la marque demandée serait compréhensible dans l’ensemble de l’Union, mais a limité son examen aux territoires de l’Irlande et de Malte.

41      Il convient de confirmer ces conclusions de la chambre de recours, qui apparaissent exactes au regard des éléments figurant dans le dossier et qui, au demeurant, ne sont pas contestées par les parties.

42      La requérante fait valoir que la chambre de recours aurait dû annuler la décision de l’examinateur, dans la mesure où l’examinateur avait commis une erreur en prenant en compte le territoire du Royaume-Uni.

43      Toutefois, il convient de rejeter cet argument comme étant inopérant, dès lors que la chambre de recours a pu considérer, à juste titre, que les motifs de la décision de l’examinateur n’étaient pas affectés par cette erreur, dans la mesure où ils reposaient également sur les territoires de l’Irlande et de Malte.

 Sur la signification de la marque demandée

44      La chambre de recours a relevé que la marque demandée se composait de trois mots, à savoir « i », « love » et « pdf », qui signifiaient, respectivement, « je », « aime » et « pdf ». À cet égard, elle a relevé que « pdf » était l’abréviation anglaise de « portable document format » (format de document portable), qui serait largement comprise comme renvoyant à un format d’enregistrement numérique permettant la transmission et la reproduction exacte des éléments enregistrés, indépendamment du système informatique utilisé.

45      En l’espèce, il convient d’approuver les conclusions de la chambre de recours en ce qui concerne la signification de la marque demandée, qui apparaissent exactes eu égard aux éléments du dossier et ne sont, au demeurant, pas contestées par les parties.

 Sur le caractère distinctif de la marque demandée

46      La chambre de recours a relevé, aux points 45 et 46 de la décision attaquée, que, en ce qui concerne les services en cause, l’indication « pdf » informait sur l’objet avec lequel ces services pouvaient être associés, de manière étroite ou large, que le signe ILOVEPDF, considéré dans son ensemble, communiquait de manière non équivoque un message laudatif, en ce sens que la requérante était passionnée des services visés par la marque demandée et qu’ils seraient fournis avec une qualité optimale, ou encore que ce signe pouvait être compris comme promouvant la qualité élevée des services. Par conséquent, elle a considéré, au point 51 de la décision attaquée, que le public pertinent percevrait la marque demandée uniquement comme une expression ayant une signification évidente et non pas comme une marque.

47      La requérante soutient que le signe ILOVEPDF est original, dans la mesure où il n’est pas courant d’exprimer de l’amour pour un format de document et où il s’agit d’une expression qui n’est pas présente sur le marché et n’est pas utilisé pour décrire les services en cause. Or, compte tenu de ces facteurs et du fait que, contrairement à ce qu’aurait constaté la chambre de recours, le signe ne serait composé que d’un seul mot, le public pertinent, qui disposerait d’un degré élevé d’attention, percevrait le signe non pas comme un slogan, mais comme une marque.

48      Par ailleurs, la requérante soutient que le fait qu’elle utilise avec succès sa marque depuis 2010 constitue un indice à prendre en compte dans l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, puisque cela signifie qu’elle est apte à servir d’indication de l’origine commerciale des services en cause.

49      Enfin, la requérante soutient que, même si l’EUIPO n’est pas lié par les décisions des autres offices concernés, il est pertinent de constater qu’un territoire anglophone comme les États-Unis a considéré que la marque demandée disposait d’un caractère distinctif. De même, la marque aurait également été enregistrée au Royaume-Uni, où les règles en matière de droit des marques seraient proches de celles de l’Union, en raison du fait qu’il s’agirait d’un ancien État membre. La chambre de recours n’aurait pas tenu compte de ces faits.

50      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

51      S’agissant de la signification de la marque demandée en rapport avec les services visés par cette dernière, il convient d’approuver la conclusion de la chambre de recours, figurant au point 45 de la décision attaquée, selon laquelle le terme « pdf » peut être associé de manière plus ou moins directe avec les services en cause tels que la « conception ou le développement » de « logiciels » ou de « matériel informatique », la « plateforme informatique en tant que service [PaaS] » ou le « logiciel-service [SaaS] » ou encore les « services scientifiques », « technologiques » ou « de recherches industrielles ». En effet, comme le constate à juste titre la chambre de recours, tous ces services sont ou peuvent être associés à la technologie logicielle et informatique relative à la transmission informatique de tout type d’information par l’intermédiaire du format appelé « pdf ».

52      Dès lors, pris dans son ensemble, le signe peut être compris comme signifiant que la requérante est passionnée par le format « pdf » et qu’elle fournira des services de haute qualité, associés à cette technologie, avec la plus grande diligence. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu, au point 47 de la décision attaquée, que la marque demandée serait principalement perçue comme un message publicitaire et laudatif vantant et promouvant des services de haute qualité. Or, le signe ILOVEPDF respecte parfaitement les règles de la grammaire anglaise, est facilement compréhensible et ne présente aucun caractère inhabituel ou de nature à déclencher un processus cognitif qui serait susceptible d’amener le public pertinent à y voir autre chose qu’un message laudatif. Il n’est donc pas apte à indiquer au public pertinent l’origine commerciale des services en cause.

53      Les arguments de la requérante ne permettent pas de remettre en cause les conclusions qui précèdent.

54      Premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que le signe ILOVEPDF exprime une passion pour un format informatique n’est pas susceptible de le rendre original, dès lors qu’il peut être perçu par le public pertinent comme la simple expression d’une préférence pour ce format plutôt que pour un autre, ce qui n’est pas susceptible d’être inhabituel dans le secteur concerné par les services en cause.

55      De plus, la circonstance que l’expression « i love pdf » n’est pas utilisée sur le marché pertinent n’est pas un facteur pertinent dans le cadre de l’application l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 41). De même, il n’est pas pertinent, en l’espèce, que la marque demandée ne décrive pas les services en cause [voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 65] ou que la marque ait été utilisée avec succès sur le marché pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2022, Kubara/EUIPO (good calories), T‑602/21, non publié, EU:T:2022:382, point 39].

56      Deuxièmement, la circonstance que le signe ILOVEPDF accole les éléments « i », « love » et « pdf » ensemble et sans espace ne constitue pas un élément d’ordre créatif susceptible d’empêcher d’y percevoir un slogan et de rendre le signe dans son ensemble apte à distinguer les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises [voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, Sintokogio/EUIPO (ProAssist), T‑439/18, non publié, EU:T:2019:359, point 43 et jurisprudence citée].

57      Troisièmement, compte tenu des développements qui précèdent, il convient de constater que, même si le public pertinent fait preuve d’un niveau élevé d’attention en l’espèce, rien n’indique qu’il percevra la marque demandée comme autre chose qu’un simple message promotionnel. Les appréciations de la chambre de recours en ce qui concerne la prise en compte du niveau d’attention du public pertinent sont donc, à cet égard, exemptes d’erreurs.

58      Quatrièmement, s’agissant des enregistrements de la marque demandée aux États-Unis et au Royaume-Uni invoqués par la requérante, il convient de rappeler que le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente de l’Union. L’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par les décisions intervenues dans les États membres, voire d’un pays tiers, qui ne constituent qu’un élément qui, sans être déterminant, peut seulement être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne [voir arrêt du 6 juin 2019, Ortlieb Sportartikel/EUIPO (Représentation d’un polygone octogonal), T‑449/18, non publié, EU:T:2019:386, point 38 et jurisprudence citée].

59      Or, ainsi que l’a relevé, en substance, la chambre de recours au point 69 de la décision attaquée, la requérante n’a pas indiqué quels seraient les éléments des décisions d’enregistrement de la marque demandée aux États-Unis et au Royaume-Uni qui pourraient avoir une incidence en l’espèce sur l’examen du caractère distinctif de la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

60      Partant, il ressort de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la marque demandée ne disposait pas d’un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

61      Il convient donc de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement, au regard des enregistrements antérieurs

62      La requérante considère que l’EUIPO n’a pas suivi sa pratique décisionnelle, dans la mesure où certaines marques contenant les éléments « i » et « love » ou « pdf » ont été enregistrées en tant que marque de l’Union européenne, alors que la marque demandée s’est vue opposer un motif absolu de refus. Cela constituerait une atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement.

63      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

64      Selon une jurisprudence constante, les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne que les chambres de recours sont amenées à prendre en vertu du règlement 2017/1001 relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique antérieure des chambres de recours (voir arrêt du 22 juin 2022, good calories, T‑602/21, non publié, EU:T:2022:382, point 54 et jurisprudence citée).

65      La Cour a déjà jugé que, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO devait, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y avait lieu ou non de décider dans le même sens. Toutefois, elle a ajouté que les principes d’égalité de traitement et de bonne administration devaient se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 74 à 77).

66      En l’espèce, dans la mesure où la chambre de recours a procédé à un examen complet et concret de la marque demandée pour refuser son enregistrement, la requérante ne saurait utilement invoquer des décisions antérieures de l’EUIPO aux fins d’infirmer la conclusion selon laquelle l’enregistrement de la marque demandée est incompatible avec le règlement 2017/1001 (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2022, good calories, T‑602/21, non publié, EU:T:2022:382, point 56). Aucune violation du principe d’égalité de traitement ne saurait donc être constatée en l’espèce.

67      De plus, s’agissant du respect du principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que ce principe constitue un principe général du droit de l’Union, qui s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration [voir arrêt du 1er juillet 2009, Okalux/OHMI – Messe Düsseldorf (OKATECH), T‑419/07, EU:T:2009:238, point 46 et jurisprudence citée].

68      Or, en l’espèce, la requérante n’a pas indiqué en quoi l’EUIPO lui aurait communiqué des assurances précises, inconditionnelles et concordantes quant à l’enregistrement de la marque demandée, au sens de la jurisprudence citée ci-dessus. Elle ne saurait donc faire valoir utilement une violation du principe de protection de la confiance légitime à cet égard.

69      Partant, il convient de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

70      La requérante soutient que la décision attaquée viole l’obligation de motivation visée à l’article 94 du règlement 2017/1001 dans la mesure où elle ne va pas dans le sens des indices invoqués au cours de la procédure, qu’elle ne les prend pas en compte et qu’elle ignore les arguments de la requérante.

71      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

72      Il convient de rappeler que l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés [voir arrêt du 20 février 2013, Langguth Erben/OHMI (MEDINET), T‑378/11, EU:T:2013:83, point 15 et jurisprudence citée].

73      À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a suffisamment motivé la décision attaquée. En effet, aux points 12 à 52 de la décision attaquée, elle a effectué un examen concret et complet du caractère distinctif de la marque demandée et, aux points 52 à 69 de cette décision, elle a également motivé les raisons pour lesquelles l’ensemble des arguments de la requérante ne permettaient pas de démontrer le caractère distinctif de la marque demandée.

74      Les motifs de la décision attaquée ont permis à la requérante de comprendre les raisons du refus de l’enregistrement de la marque demandée, de les contester et au Tribunal d’exercer son contrôle sur le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours.

75      Par conséquent, il convient de rejeter cinquième moyen comme non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

76      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de tenue d’une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ilovepdf, SL et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront chacun leurs propres dépens.

Schalin

Steinfatt

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.