Language of document : ECLI:EU:T:2021:364

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

16 juin 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative Enterosgel – Absence de mauvaise foi – Article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b,) du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑678/19,

Health Product Group sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne), représentée par Mes M. Kondrat, M. Stępień et A. Przytuła, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. E. Markakis et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Bioline Pharmaceutical AG, établie à Baar (Suisse), représentée par Mes T. Grucelski, H. Gajek et M. Furmańska, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 8 août 2019 (affaire R 482/2018-4), relative à une procédure de nullité entre Health Product Group et Bioline Pharmaceutical,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, Z. Csehi (rapporteur) et G. De Baere, juges,

greffier : Mme A. Juhasz-Toth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 octobre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 9 janvier 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 27 décembre 2019,

à la suite de l’audience du 17 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 mars 2006, TNK Silma, prédécesseur en droit de l’intervenante, Bioline Pharmaceutical AG, a désigné l’Union européenne pour l’enregistrement international no 896788.

2        Cet enregistrement a été notifié à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque faisant l’objet de l’enregistrement international désignant l’Union européenne est le signe figuratif suivant :

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4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 1, 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 1 : « Composés organiques à base de silicium ; siloxanes » ;

–        classe 3 : « Produits cosmétiques pour les soins de la peau ; masques cosmétiques ; produits cosmétiques à usage capillaire ; dentifrices » ;

–        classe 5 : « Médicaments destinés aux humains, à savoir préparations destinées au traitement des troubles intestinaux ».

5        L’enregistrement international désignant l’Union européenne a été publié au Bulletin des marques communautaires no 2006/042, du 16 octobre 2006.

6        Le 14 juin 2016, la requérante, Health Product Group sp. z o.o., a introduit une demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001]. La demande en nullité était dirigée contre l’ensemble des produits visés par la marque contestée.

7        Dans sa demande en nullité, la requérante faisait valoir que TNK Silma, le prédécesseur en droit de l’intervenante, avait agi de mauvaise foi lors de la désignation de l’Union européenne pour la marque contestée. Elle soutenait que TNK Silma avait connaissance du fait que la société ukrainienne Kreoma-Pharm, soit le concédant de licence de la requérante, avait développé le médicament dénommé Enterosgel, à base d’hydrogel d’acide méthyl-silicique au début des années 90 et avait reçu l’autorisation de l’utiliser à des fins médicales en Russie, en Ukraine et en Moldavie, ainsi que la protection d’un brevet pour l’invention. Selon la demande en nullité, la société par actions AO Silma, dont la société ukrainienne Kreoma-Pharm et la société russe AO Silan étaient les principaux actionnaires, avait commencé à fabriquer le produit pharmaceutique à grande échelle dans les années 90. En juin 2000, AO Silan a cédé ses parts d’AO Silma. La requérante soulignait qu’une partie de ces actions avait été acquise par A et B, à l’époque tous deux employés d’AO Silma. Toujours d’après la demande en nullité, ces deux personnes auraient fondé TNK Silma le 23 juin 2002. La requérante affirmait également que A et B avaient transféré de manière illégale les droits de la marque Enterosgel détenus par AO Silma à TNK Silma et avaient déposé, en se fondant sur l’enregistrement de la marque russe Enterosgel no 269 595, la marque contestée. La requérante soutenait que TNK Silma n’était pas fondée à procéder ainsi, puisque le produit pharmaceutique Enterosgel avait été développé par Kreoma-Pharm.

8        D’après la demande en nullité, le 6 février 2016, Kreoma-Pharm a conclu un accord de licence avec la requérante par lequel cette dernière est autorisée à utiliser la documentation technique issue de la monographie de pharmacopée de l’enterosgel-hydrogel d’acide methyl-silicique.

9        Le 28 février 2018, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

10      Le 16 mars 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

11      Par décision du 8 août 2019, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

12      La chambre de recours a résumé les arguments de la requérante de la manière suivante : premièrement, TNK Silma, le prédécesseur en droit de l’intervenante, n’avait pas l’autorisation de désigner l’Union européenne pour la marque contestée, puisqu’elle n’a pas pris part au développement du produit dénommé Enterosgel inventé par Kreoma-Pharm et fabriqué dans les années 90 par AO Silma et Kreoma-Pharm, et, deuxièmement, TNK Silma n’était pas la première à déposer la marque Enterosgel, puisque, dès le 18 janvier 2002, la demande de marque russe ЄНТЕРОСГЕЛЬ no 219 832, soit ENTEROSGEL en caractères latins, avait été déposée par AO Silma, dont la société ukrainienne Kreoma-Pharm était le principal actionnaire. Elle a ensuite  rejeté ces arguments de la requérante, estimant qu’ils n’étaient pas susceptibles de démontrer la mauvaise foi de TNK Silma.

13      La chambre de recours a constaté, en substance, aux points 29 et 30 de la décision attaquée, qu’aucun enregistrement antérieur du signe Enterosgel par Kreoma-Pharm n’avait été constaté et que, au contraire, c’était bien TNK Silma qui était titulaire de toutes les marques russes Enterosgel, à savoir la marque russe Enterosgel no 269 595, déposée le 6 novembre 2002 par TNK Silma (ou, du moins, qui lui a été transférée peu de temps après l’enregistrement), et la marque russe ЄНТЕРОСГЕЛЬ no 219 832, déposée le 18 janvier 2002 par AO Silma, puis transférée le 27 octobre 2003 à PR Cooperation et le lendemain à TNK Silma. Elle a considéré que la requérante n’avait produit aucun élément démontrant le caractère illégal de leur transfert à TNK Silma ou des droits de propriété de celle-ci.

14      En outre, la chambre de recours a indiqué, aux points 32 et 33 de la décision attaquée, qu’aucun élément ne venait étayer l’argument de la requérante selon lequel Kreoma-Pharm, en tant qu’actionnaire ukrainienne d’AO Silma, aurait apporté ses droits de propriété intellectuelle à AO Silma, entraînant ainsi l’illégalité de la demande d’enregistrement des marques Enterosgel déposées par TNK Silma. Elle a estimé qu’aucun document ne venait démontrer que Kreoma-Pharm était titulaire du droit de marque antérieur Enterosgel, ni qu’elle avait utilisé ce nom en tant que marque avant la date de désignation de l’Union européenne pour la marque contestée, ni, enfin, que TNK Silma n’était pas autorisée à demander un enregistrement de marque pour Enterosgel. Elle a ajouté que A et B étaient également actionnaires d’AO Silma, qu’il n’avait pas été démontré qu’ils n’étaient pas autorisés à demander l’enregistrement d’une marque pour le signe Enterosgel et que, au contraire, les deux marques russes antérieures Enterosgel no 269 595 et ЄНТЕРОСГЕЛЬ no 219 832 avait toutes deux été déposées par leur société TNK Silma ou transférées à celle-ci peu après la demande.

15      La chambre de recours a conclu  qu’aucun droit antérieur sur le signe Enterosgel au bénéfice de Kreoma-Pharm, le concédant de licence de la requérante, n’avait été démontré et que l’intention malhonnête du prédécesseur de l’intervenante lors de la désignation de l’Union européenne pour la marque contestée n’avait pas été démontrée.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en déclarant que l’intervenante était de mauvaise foi à la date de la désignation de l’Union européenne dans la demande de la marque contestée et prononcer la nullité de la marque contestée ;

–        s’agissant des dépens, statuer en sa faveur.

17      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

18      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        lui allouer les dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des nouvelles offres de preuve de la requérante

19      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 13 février et le 11 mai 2020, la requérante a présenté, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de nouveaux éléments de preuve.

20      Les documents déposés le 13 février 2020 sont une décision du 18 novembre 2019 de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO (affaire R 2537/2018-5) et une lettre en date du 14 octobre 2015 de l’avocat de l’intervenante, adressée à la requérante.

21      Le document déposé le 11 mai 2020 est un arrêté en date du 31 mars 2020 du ministre du Développement de l’économie, du Commerce et de l’Agriculture en Ukraine, approuvant une décision de la « chambre d’appel » dudit ministère en date du 28 novembre 2019, ainsi que son annexe, reconnaissant que, au 1er janvier 2006, la marque ЕНТЕРОСГЕЛЬ était renommée en Ukraine en ce qui concerne la société Kreoma-Pharm pour des « produits pharmaceutiques, à savoir enterosorbents », relevant de la classe 5.

22      L’EUIPO et la partie intervenante font valoir que ces éléments sont irrecevables car tardifs ou déposés pour la première fois devant le Tribunal et, en tout état de cause, dénués de pertinence.

23      La décision de l’EUIPO du 18 novembre 2019, bien qu’elle ait été produite pour la première fois que devant le Tribunal, n’est pas une preuve proprement dite, mais concerne la pratique décisionnelle de l’EUIPO à laquelle, même si elle est postérieure à la procédure devant l’EUIPO, une partie a le droit de se référer [arrêts du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 20, et du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 16]. Elle est donc recevable dès lors qu’il ne s’agit pas de reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait [voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, EU:T:2006:202, points 70 et 71].

24      S’agissant de l’arrêté en date du 31 mars 2020 susmentionné, il y a lieu de rappeler qu’il est postérieur à la décision attaquée et vise à faire valoir un élément de fait dans la présente affaire. Cette pièce, produite pour la première fois devant le Tribunal, ne peut être prise en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009 (devenu article 72 du règlement 2017/1001), de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter ce document sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa force probante [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, ARTHUR ET FELICIE, T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée, et du 23 mai 2019, Holzer y Cia/EUIPO – Annco (ANN TAYLOR et AT ANN TAYLOR), T‑3/18 et T‑4/18, EU:T:2019:357, point 75].

25      S’agissant de la lettre de l’avocat de l’intervenante en date du 14 octobre 2015, adressée à la requérante et mettant cette dernière en demeure de cesser les infractions aux droits de propriété intellectuelle à son égard, il y a lieu de constater qu’elle a, en tout état de cause, déjà été soumise devant l’EUIPO, en annexe 9 de l’exposé des motifs du recours. Elle fait donc déjà partie du dossier de l’EUIPO.

 Sur le moyen unique, tiré d’une violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

26      À titre liminaire, compte tenu de la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 31 mars 2006, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 40/94, tel que modifié par le règlement (CE) no 422/2004 du Conseil, du 19 février 2004 (JO 2004, L 70, p. 1) (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Au demeurant, l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, tel que modifié, n’a subi aucune modification dans le règlement 2017/1001. Par suite, en l’espèce, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée ainsi que par la requérante et l’EUIPO dans leurs écritures aux dispositions du règlement 2017/1001 comme visant les dispositions d’une teneur identique du règlement n°°40/94 tel que modifié.

27      À l’appui du recours, la requérante invoque en substance un moyen unique, tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Son argumentation se divise, en substance, en quatre branches.

28      En premier lieu, la chambre de recours aurait commis une erreur lorsqu’elle a indiqué qu’il n’avait pas été prouvé que Kreoma-Pharm était titulaire d’un droit antérieur exclusif sur le signe contesté ni que ce droit avait été transféré à AO Silma. En deuxième lieu, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours aurait déclaré à tort, premièrement, que A et B en tant qu’actionnaires minoritaires d’AO Silma avaient le droit de créer une société concurrente d’AO Silma, à savoir TNK Silma, et, deuxièmement, qu’ils étaient autorisés à transférer la demande de marque russe ЄНТЕРОСГЕЛЬ no 219 832 en caractères cyrilliques à TNK Silma et à déposer ou à transférer à TNK Silma la demande de marque russe Enterosgel no 269 595 en caractères latins en dépit du fait que Kreoma-Pharm détenait tous les droits de propriété intellectuelle relatifs au produit dénommé Enterosgel. En troisième lieu, la requérante soutient, en substance, que, déjà au moment où ils sont devenus actionnaires minoritaires d’AO Silma, les fondateurs de TNK Silma, A et B, connaissaient ou devaient avoir connaissance de l’usage par Kreoma-Pharm ou AO Silma du terme « enterosgel » ou de la « marque non enregistrée » Enterosgel en Russie, en Ukraine et en Moldavie pour des produits identiques ou similaires à ceux couverts par la marque contestée. En quatrième lieu, la requérante fait valoir une violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique ainsi que de la convention universelle sur le droit d’auteur révisée à Paris le 24 juillet 1971.

29      L’EUIPO conteste cette argumentation et affirme, en substance, que la requérante n’a pas démontré, premièrement, que les entités liées à la requérante (AO Silma, son dirigeant C, et Kreoma-Pharm) étaient titulaires de plusieurs droits antérieurs exclusifs relatifs au signe contesté avant le 31 mars 2006, ni, deuxièmement, que les entités liées à l’intervenante (TNK Silma, A et B) avaient violé ces droits.

30      Selon l’intervenante, les arguments présentés par la requérante seraient de simples affirmations non étayées par des éléments de preuve pertinents, insuffisants pour renverser la présomption de bonne foi en droit de l’Union.

31      À titre liminaire, il convient de rappeler que le régime d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne repose sur le principe du « premier déposant », inscrit à l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. En vertu de ce principe, un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union européenne que pour autant qu’une marque antérieure n’y fasse pas obstacle, qu’il s’agisse d’une marque de l’Union européenne, d’une marque enregistrée dans un État membre ou par l’Office Benelux de la propriété intellectuelle, d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre ou encore d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union. En revanche, sans préjudice d’une éventuelle application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, la seule utilisation par un tiers d’une marque non enregistrée ne fait pas obstacle à ce qu’une marque identique ou similaire soit enregistrée en tant que marque de l’Union européenne, pour des produits ou des services identiques ou similaires. Le même constat vaut, en principe, en ce qui concerne l’utilisation par un tiers d’une marque enregistrée en dehors de l’Union [voir arrêt du 28 janvier 2016, Davó Lledó/OHMI – Administradora y Franquicias América et Inversiones Ged (DoggiS), T‑335/14, EU:T:2016:39, point 43 et jurisprudence citée].

32      Cette règle est nuancée, notamment, par l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en vertu duquel la nullité d’une marque de l’Union européenne doit être déclarée, sur demande présentée devant l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque (arrêt du 28 janvier 2016, DoggiS, T‑335/14, EU:T:2016:39, point 44).

33      Il incombe au demandeur en nullité qui entend se fonder sur le motif visé à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière et que la bonne foi est présumée jusqu’à preuve du contraire [arrêts du 13 décembre 2012, pelicantravel.com/OHMI – Pelikan (Pelikan), T‑136/11, non publié, EU:T:2012:689, point 21, et du 8 mars 2017, Biernacka-Hoba/EUIPO – Formata Bogusław Hoba (Formata), T‑23/16, non publié, EU:T:2017:149, point 45].

34      La notion de mauvaise foi visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation de l’Union (arrêt du 28 janvier 2016, DoggiS, T‑335/14, EU:T:2016:39, point 45).

35      Selon la jurisprudence, la notion de mauvaise foi se rapporte à une motivation subjective de la personne présentant une demande d’enregistrement de marque, à savoir une intention malhonnête ou un autre motif dommageable. Elle implique un comportement s’écartant des principes reconnus comme étant ceux entourant un comportement éthique ou des usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale [arrêt du 7 juillet 2016, Copernicus-Trademarks/EUIPO – Maquet (LUCEO), T‑82/14, EU:T:2016:396, point 28].

36      Dans l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, (C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53), la Cour indique, par ailleurs, que, aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, et notamment :

–        le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire, prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ;

–        l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ;

–        le degré de protection dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé.

37      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de contrôler la légalité de la décision attaquée.

38      En l’espèce, la chambre de recours a d’abord rappelé que, en vertu des dispositions explicites de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la période pertinente pour déterminer l’existence de la mauvaise foi était le moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée en tant que marque de l’Union européenne. Dans le cas de l’enregistrement international en cause, elle a estimé que cela correspondait à la date à laquelle l’Union européenne a été désignée, c’est-à-dire le 31 mars 2006. Elle a ensuite considéré que, étant donné que, en vertu de ladite disposition, l’attitude du demandeur de marque de l’Union européenne lors du dépôt de la marque contestée était un critère pertinent, seule TNK Silma, en tant que partie ayant désigné l’Union européenne dans l’enregistrement international, devait être ici prise en compte, et non son titulaire actuel, l’intervenante, qui n’a acquis la marque contestée qu’en 2013 à la suite d’un transfert. Ces éléments ne sont pas contestés.

 Sur la première branche du moyen unique

39      La requérante conteste, en substance, l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle il n’a pas été prouvé que Kreoma-Pharm était titulaire d’un droit antérieur exclusif sur le signe contesté ni que ce droit avait été transféré à AO Silma.

40      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

41      En premier lieu, la requérante fait valoir que la marque russe ЄНТЕРОСГЕЛЬ antérieure no 219 832, soit ENTEROSGEL en caractères latins, a été déposée le 18 janvier 2002 par AO Silma, c’est‑à‑dire par la société russo-ukrainienne dont la société ukrainienne Kreoma-Pharm était le principal actionnaire. Elle a été enregistrée le 30 août 2002. Elle a ensuite été, selon la requérante, illégalement transférée à PR-Cooperation (l’enregistrement de l’accord datant du 27 octobre 2003) puis à TNK Silma (annexe 2 du mémoire exposant les motifs du recours).

42      En l’espèce, la chambre de recours a relevé, en substance, aux points 29, 30, 33 et 34 de la décision attaquée, qu’il n’avait été constaté aucun enregistrement antérieur du signe contesté par Kreoma-Pharm, le concédant de licence de la requérante, et que TNK Silma était titulaire, à la date de désignation de l’Union européenne pour la marque contestée, de toutes les marques russes antérieures, soit Enterosgel no 269 595 et ЄНТЕРОСГЕЛЬ no 219 832.

43      Il y a lieu de confirmer ce constat.

44      S’agissant de la marque ЄНТЕРОСГЕЛЬ no 219 832, demandée le 18 janvier 2002 par AO Silma, et enregistrée le 30 août 2002 par le Service fédéral russe pour la propriété intellectuelle (Rospatent), pour des médicaments pharmaceutiques et vétérinaires relevant de la classe 5, des produits relevant de la classe 16, et des services relevant des classes 35 et 39, la chambre de recours a constaté qu’elle ne constituait aucun droit antérieur au bénéfice de Kreoma-Pharm, même si cette dernière était actionnaire d’AO Silma, étant donné qu’elle n’avait pas été enregistrée en son nom.

45      Il y a lieu de constater que le fait que Kreoma-Pharm était actionnaire d’AO Silma a été considéré à juste titre comme non pertinent quant à la question de la titularité de ladite marque. En outre, la chambre de recours a correctement relevé, sur le fondement du certificat d’enregistrement fourni en annexe 2 de l’exposé des motifs du recours, que ladite marque avait été transférée à PR-Cooperation, la date de de l’accord de transfert étant le 27 octobre 2003, et ensuite à TNK Silma . La date de ce dernier transfert n’apparaît pas sur la pièce, mais les parties ne contestent pas le fait qu’il ait eu lieu le lendemain, soit le 28 octobre 2003. Dès lors, force est de constater que, à la date pertinente du 31 mars 2006, cette marque était bien enregistrée en Russie au nom de TNK Silma. Quant aux allégations de transfert illégal à PR-Cooperation puis à TNK Silma, elles seront examinées dans le cadre de la deuxième branche du moyen.

46      Dès lors, il convient de rejeter le premier argument de la requérante.

47      S’agissant de la marque russe Enterosgel no 269 595, demandée le 6 novembre 2002 et enregistrée le 1er juin 2004 pour des produits des classes 1, 3 et 5, sur le fondement de laquelle a été enregistrée la marque contestée, la chambre de recours a relevé que c’était bien TNK Silma qui avait enregistré ladite marque, ou, du moins, qu’elle lui avait été transférée peu de temps après l’enregistrement, le dépôt de cette marque n’ayant jamais été contesté par la requérante ou par Kreoma-Pharm. Il convient d’observer, après vérification de l’annexe 3 de l’exposé des motifs du recours, que seul le nom de TNK Silma est mentionné sur le certificat d’enregistrement fourni par la requérante, ainsi que l’a constaté la chambre de recours. Force est de constater que la requérante n’apporte aucun élément de nature à infirmer ce raisonnement.

48      S’agissant des deux marques enregistrées en Ukraine, la première, ENTEROSGEL, demandée le 15 juillet 2004 et enregistrée le 15 mai 2006, et la seconde, ENTEROSGELUM, demandée le 22 novembre 2004 et enregistrée le 16 janvier 2006, par la société Medex, ensuite transférées à Kreoma-Pharm en 2006, il ressort de l’annexe 11 de la demande en nullité qu’elles ont été déposées après les demandes de marques russes susvisées et ne constituent donc pas des droits antérieurs, notamment à la marque russe no 269 595 ayant servi de fondement à la marque contestée, ainsi que l’a constaté à juste titre la chambre de recours au point 31 de la décision attaquée.

49      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu que les deux marques russes antérieures no 269 595 et 219 832 avaient toutes deux été déposées par TNK Silma ou transférées à cette dernière peu après la demande.

50      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que Kreoma-Pharm avait apporté ses droits de propriété intellectuelle exclusifs relatifs au produit Enterosgel à AO Silma et que seule AO Silma et son président du conseil d’administration, C, étaient autorisés à enregistrer la marque contestée. À cet égard, les statuts modifiés d’AO Silma du 5 décembre 1996, joints en annexe 9 de la demande en nullité, prouveraient que Kreoma-Pharm avait apporté ses droits de propriété intellectuelle relatifs à l’Enterosgel à AO Silma et l’avait autorisée à les utiliser ; toutefois AO Silma n’aurait été que preneuse de licence sur lesdits droits, sans possibilité de les transférer à un tiers. Contrairement à ce qu’indique la chambre de recours, aucun actionnaire d’AO Silma n’avait le droit de « faire quoi que ce soit » avec ses droits exclusifs.

51      En l’espèce, la chambre de recours a estimé, au point 32 de la décision attaquée, qu’aucun des éléments de preuve ne venait étayer l’argument de la requérante selon lequel Kreoma-Pharm, en tant qu’actionnaire ukrainienne d’AO Silma, aurait apporté ses droits de propriété intellectuelle à AO Silma, entraînant ainsi l’illégalité de la demande d’enregistrement des marques Enterosgel par TNK Silma. Elle a mentionné que l’accord du 1er juillet 1991 entre Kreoma-Pharm et ses employés pour la mise au point d’un produit pharmaceutique, les autorisations d’utiliser les médicaments Enterosgel ou Enterosgelum au nom de Kreoma-Pharm en Russie, en Ukraine et en Moldavie, datées de 1994 et 1995, le brevet ukrainien no 7472 pour les hydrogels méthyl-siliciques Enterosgel Super transféré à Kreoma-Pharm le 3 mars 1999, montraient effectivement que le principe actif du médicament dénommé Enterosgel avait été mis au point par des employés de Kreoma-Pharm et avait obtenu la protection d’un brevet. Cependant, elle a indiqué qu’aucun document ne démontrait que Kreoma-Pharm était titulaire du droit de marque antérieur pour le signe Enterosgel ni qu’elle avait utilisé ce nom en tant que marque avant la date de désignation de l’Union européenne pour la marque contestée, ni, enfin, que TNK Silma n’était pas autorisée à demander un enregistrement de marque pour le signe Enterosgel. Au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné les documents relatifs à la constitution d’AO Silma (annexes 8 et 9 de la demande d’annulation) et a estimé qu’ils ne démontraient pas que Kreoma-Pharm ait été titulaire d’une marque antérieure Enterosgel ni que de tels droits aient été transférés à AO Silma.  S’agissant des « Lignes directrices – Usage clinique d’Enterosgel » mentionnant CJSC Silma 2000 et du contrat entre AO Silma et Kreoma-Pharm du 18 octobre 1995 relatif à la fourniture de l’Enterosgel par ce dernier (annexes 7 et 8 de l’exposé des motifs du recours), la chambre de recours a souligné qu’ils ne faisaient aucunement mention de droits de marque relatifs audit signe.

52      Il ressort des extraits traduits dans la langue de procédure des statuts d’AO Silma du 5 décembre 1996 joints en annexe 9 de la demande en nullité que, aux termes de l’article 8 de ces statuts, de nouvelles actions d’AO Silma ont été émises et acquises notamment par Kreoma-Pharm et par C, et que ces derniers ont payé l’acquisition de ces nouvelles actions d’AO Silma sous forme de propriété intellectuelle, à savoir de documentation normative, technique et technologique [« intellectual property (part of the package of normative technical and technology documentation, according to [the] valuation protocol of 11 October 1996) on the basis of [the] transfer protocol »] (annexe 9 de la demande en nullité). Toutefois,  il y a lieu de constater que le simple mot « enterosgel » n’est même pas mentionné et que ni le protocole d’évaluation du 11 octobre 1996 ni le protocole de transfert qui sont mentionnés n’ont été fournis ou traduits dans la langue de procédure.

53      C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a estimé qu’il ressortait de ladite annexe 9 que de tels droits portaient sur des documents technologiques et techniques sans aucune référence à de quelconques enregistrements de marque et que les éléments de preuve ne démontraient pas que Kreoma-Pharm était titulaire d’une marque antérieure dénommée Enterosgel ou encore que de tels droits de marque aient été transférés à AO Silma.

54      Dès lors il y a lieu de rejeter le deuxième argument de la requérante.

55      En troisième lieu, la requérante développe une argumentation relative à la convention universelle sur le droit d’auteur révisée à Paris le 24 juillet 1971 ainsi qu’à la loi ukrainienne et à la loi russe sur le copyright, expliquant, en substance, que, selon son interprétation des droits russe et ukrainien, le terme « enterosgel » serait protégé au titre du droit d’auteur en Ukraine et en Russie avec pour date de priorité toute demande de marque déposée en Russie ou dans l’Union européenne. Elle fait notamment valoir que Kreoma-Pharm, actionnaire ukrainien de l’entité ukraino-russe AO Silma, était titulaire d’un droit d’auteur ou copyright sur le terme « enterosgel » tel que figurant, en particulier, dans le brevet ukrainien no 7472 transféré à Kreoma-Pharm le 3 mars 1999 pour les hydrogels méthyl-siliciques Enterosgel Super, et dans les autorisations pour usage médical,  en vertu des droits russes et ukrainien en la matière.

56      Toutefois, cela constitue une affirmation non étayée par des éléments de preuve. Si la requérante fait référence, de manière générale, à quelques dispositions de droit international et de droits ukrainien ou russe, elle se contente de présenter son interprétation personnelle quant à l’application desdites dispositions au terme « enterosgel » et n’apporte aucune preuve factuelle de la propriété par Kreoma-Pharm d’un tel droit d’auteur. En outre, le seul élément de preuve qui pourrait être pertinent en la matière a été fourni par l’intervenante et tendrait à prouver le contraire. En effet, l’intervenante a fourni à l’EUIPO une décision d’une cour d’arbitrage de Moscou du 19 juin 2017 dans un litige ayant opposé Kreoma-Pharm et TNK Silma, la première cherchant à interdire l’usage par TNK Silma, notamment, du terme « enterosgel » au motif qu’il ferait l’objet d’un droit d’auteur. Il en ressort au contraire que Kreoma-Pharm n’a pas réussi à démontrer être titulaire d’un droit d’auteur sur ce terme ou que le terme « enterosgel » n’est pas susceptible d’être protégé par un droit d’auteur.

57      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la première branche du moyen unique.

 Sur la deuxième branche du moyen unique

58      En premier lieu, la requérante explique que, depuis 2003, TNK Silma produit en Russie un médicament sous la dénomination « Enterosgel », sans que Kreoma-Pharm en soit informée ou y ait consenti. Elle fait également valoir que la création d’une autre société, TNK Silma, concurrente d’AO Silma, sans que Kreoma-Pharm en soit informée ou y ait consenti, serait contraire au droit des sociétés commerciales, contrairement à ce qu’aurait constaté la chambre de recours. Elle  insiste sur le fait que A et B ont poursuivi leurs activités déloyales, y compris des activités de marketing de ce produit en s’appuyant sur des travaux de recherche clinique concernant le produit Enterosgel réalisées à la demande de Kreoma-Pharm. La requérante renvoie, à cet égard, à ses observations du 16 octobre 2017 et au mémoire exposant les motifs du recours du 16 avril 2018.

59      En deuxième lieu, la requérante indique  que la chambre de recours n’a pas tenu compte, à tort, du fait que les actionnaires d’AO Silma étaient tenus de ne pas divulguer des secrets commerciaux. La chambre de recours aurait ainsi négligé de prendre en compte, notamment, le point 5.4.2 et l’article 18 des statuts d’AO Silma spécifiant que les actionnaires d’AO Silma s’engageaient à ne pas divulguer d’informations relatives aux droits de propriété intellectuelle et aux secrets commerciaux (annexe 9 de la demande en nullité). Or, ces actionnaires auraient violé ces obligations en transférant à TNK Silma, et en utilisant illégalement, tous les documents concernant la production de l’Enterosgel.

60      En troisième lieu, elle estime, en substance, que la chambre de recours aurait commis une erreur en constatant  que A et B, en tant qu’actionnaires minoritaires d’AO Silma, étaient autorisés à transférer la demande de marque russe ЄНТЕРОСГЕЛЬ no 219 832 à TNK Silma. Elle estime également irrégulier et illégal le dépôt ou le transfert par ces deux personnes à TNK Silma de la demande de marque russe Enterosgel no 269 595, sur laquelle a été fondée la marque contestée, seule AO Silma étant autorisée à déposer une telle demande de marque.

61      En quatrième lieu, elle critique le fait que ni la chambre de recours ni la division d’annulation n’ont déterminé de quelle manière TNK Silma était devenue titulaire de la marque Enterosgel no 269 595, sur laquelle est fondée la marque contestée.

62      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

63      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que la requérante ne saurait valablement renvoyer le Tribunal globalement à ses observations du 16 octobre 2017 et à son exposé des motifs du recours du 16 avril 2018. En effet, il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les documents auxquels elles se réfèrent. Il s’ensuit que la requête, pour autant qu’elle renvoie aux écrits déposés devant l’EUIPO, est irrecevable dans la mesure où le renvoi global qu’elle contient n’est pas rattachable aux moyens et aux arguments développés dans celle-ci [voir arrêt du 15 décembre 2016, Keil/EUIPO – NaturaFit Diätetische Lebensmittelproduktion (BasenCitrate), T‑330/15, non publié, EU:T:2016:744, point 13 et jurisprudence citée].

64      En premier lieu, concernant l’allégation d’actes de concurrence déloyale et l’allégation selon laquelle la création d’une société concurrente d’AO Silma, soit TNK Silma, et le transfert à cette dernière d’une demande de marque Enterosgel seraient contraires au droit des sociétés commerciales, il y a lieu de les rejeter au motif qu’elles ne sont même pas étayées par la citation des dispositions juridiques nationales prétendument violées. De même, les affirmations relatives à l’utilisation illicite de travaux de recherche par TNK Silma n’apparaissent pas non plus étayées.

65      En deuxième lieu, la requérante se réfère à des engagements contractuels qu’auraient pris A et B, lorsqu’ils sont devenus actionnaires d’AO Silma, en 2000, de ne pas divulguer des secrets commerciaux ou des droits de propriété intellectuelle, ou encore à des clauses empêchant AO Silma ou ses actionnaires individuels de transférer ou de « faire quoi que ce soit » avec les prétendus droits de propriété intellectuelle que Kreoma-Pharm aurait détenus, relatifs au produit Enterosgel. Au point 27 de sa requête, la requérante fait valoir spécifiquement le point 5.4.2.e) et l’article 18 des statuts d’AO Silma, joints en annexe 9 de la demande en nullité. Toutefois, après vérification, ces dispositions ne sont pas traduites en langue de procédure. En outre, lesdits statuts ne mentionnent pas de droit de marque Enterosgel (annexes 8 et 9 de la demande en nullité).

66      En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la chambre de recours aurait commis une erreur en considérant que A et B, en tant qu’actionnaires minoritaires d’AO Silma, étaient autorisés à transférer la demande de marque russe ЄНТЕРОСГЕЛЬ no 219 832 à TNK Silma et à enregistrer la marque russe Enterosgel no 269 595, et ce en dépit du fait que Kreoma-Pharm détenait et avait conservé tous les droits de propriété intellectuelle relatifs au produit Enterosgel, AO Silma n’étant que preneuse de licence, il convient de relever que la chambre de recours n’a pas constaté que lesdits actionnaires étaient autorisés à transférer la demande de marque russe no 219 832 à TNK Silma ou à enregistrer la marque russe no 269 595. La chambre de recours s’est en effet contentée d’indiquer, en substance, aux points 30, 32 et 33 de la décision attaquée, que la requérante, sur laquelle, il y a lieu de rappeler, pèse la charge de la preuve d’inverser la présomption de bonne foi rappelée au point 33 ci-dessus, n’était pas parvenue à démontrer que lesdits transferts ou enregistrements concernant ces deux marques étaient illégaux.

67      En quatrième lieu, la requérante critique le fait que ni la chambre de recours ni la division d’annulation n’ont déterminé de quelle manière TNK Silma était devenue titulaire de la marque russe Enterosgel no 269 595, sur laquelle est fondée la marque contestée. Il y a lieu de rejeter cet argument au motif que la requérante opère, là encore, un renversement de la charge de la preuve, étant donné que la bonne foi est présumée jusqu’à preuve du contraire.

68      Dès lors, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du moyen unique.

 Sur la troisième branche du moyen unique

69      La requérante rappelle que l’un des facteurs permettant de retenir la mauvaise foi est que le titulaire de la marque contestée savait ou devait savoir qu’un tiers utilisait un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire et qu’une telle connaissance existe, par exemple, lorsque les parties entretiennent entre elles des rapports commerciaux. Elle souligne également la présomption de connaissance résultant d’une connaissance générale, dans le secteur économique concerné, d’une telle utilisation, cette connaissance pouvant être déduite, notamment, de la durée d’une telle utilisation, énoncée au point 39 de l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361).  Elle ajoute que l’existence, avant le dépôt de la marque contestée, de relations directes ou indirectes entre les parties, par exemple l’existence d’une relation précontractuelle, contractuelle ou postcontractuelle, peut également constituer un indice de la mauvaise foi du titulaire de la marque contestée.

70      Elle fait valoir, en substance, que les fondateurs de TNK Silma, A et B, qui étaient salariés et, à partir du 7 juin 2000, actionnaires minoritaires d’AO Silma, connaissaient ou devaient avoir connaissance de l’usage, par Kreoma-Pharm et par AO Silma, du terme « enterosgel » utilisé comme marque non enregistrée en Russie, en Ukraine et en Moldavie.

71      À cet égard, la requérante estime avoir produit des preuves de l’utilisation d’une marque non enregistrée Enterosgel dans le commerce, par Kreoma-Pharm et par AO Silma, pour un produit autorisé par les autorités compétentes à des fins d’usage médical, en Russie, en Ukraine et en Moldavie. La requérante estime ainsi que, au moment où ils sont devenus actionnaires minoritaires d’AO Silma, le 7 juin 2000, A et B, connaissaient ou auraient dû avoir connaissance, notamment, des faits et de la chronologie suivante :

–        la monographie de pharmacopée du médicament Enterosgel (annexe 1 de la demande en nullité) ;

–        l’accord conclu entre Kreoma-Pharm et ses salariés daté du 1er juillet 1991 (annexe 2 de la demande en nullité) ;

–        les autorisations d’usage médical pour l’Enterosgel et l’Enterosgelum délivrées en 1993, 1994 et 1995 respectivement en Ukraine, en Russie et en Moldavie (annexes 3, 4, 5 de la demande en nullité) ;

–        le brevet ukrainien no 7472 pour les hydrogel methyl-silicique Enterosgel Super avec pour date de priorité le 11 mars 1994, au nom de plusieurs inventeurs, brevet transféré le 3 mars 1999 par l’un des inventeurs à Kreoma-Pharm (annexes 6 et 7 de la demande en nullité) ;

–        l’acte constitutif d’AO Silma ayant pour actionnaires principaux AO Silan et Kreoma-Pharm, en date du 27 avril 1993, et les statuts modifiés par l’assemblée générale des actionnaires du 5 décembre 1996 (annexes 8 et 9 de la demande en nullité) ;

–        le fait que A lui-même, en tant que salarié d’AO Silma, aurait publiquement indiqué, en 1994, lors d’une présentation d’un nouveau produit à un public du secteur médical, que tous les droits de propriété intellectuelle concernant l’Enterosgel appartenaient à « Kreoma » (annexes 5 et 6 de l’exposé des motifs du recours) ;

–        les « Lignes directrices sur l’usage clinique d’Enterosgel » portant la mention « CJSC Silma 2000 » et une représentation de l’emballage dudit produit (annexe 7 de l’exposé des motifs du recours) ;

–        le contrat entre AO Silma et Kreoma-Pharm du 18 octobre 1995 relatif à la fourniture de l’Enterosgel (annexe 8 de l’exposé des motifs du recours).

72      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

73      Tout d’abord, l’EUIPO souligne à juste titre que la requérante n’était pas tenue d’invoquer et de justifier un quelconque droit antérieur sur la marque contestée, mais que, étant donné que cette dernière a fondé son argumentation relative à la mauvaise foi sur la prétendue existence d’intérêts et de droits exclusifs antérieurs sur le signe contesté, la division d’annulation et la chambre de recours ont correctement examiné la question de savoir si ces arguments étaient fondés ou non. À cet égard, il ressort de la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus que c’est le demandeur en nullité, à savoir la requérante dans la présente affaire, qui supporte la charge de la preuve de la mauvaise foi, la bonne foi étant présumée jusqu’à preuve du contraire.

74      Il convient à cet égard de renvoyer au point 28 de la décision attaquée, selon lequel les arguments de la requérante devant la chambre de recours quant à la question de savoir si TNK Silma a agi de mauvaise foi peuvent être résumés comme suit : TNK Silma n’avait pas l’autorisation de désigner l’Union européenne pour la marque contestée, puisqu’elle n’a pas pris part au développement du produit Enterosgel inventé par Kreoma-Pharm et fabriqué dans les années 90 par AO Silma et Kreoma Pharm ; en outre, TNK Silma n’était pas la première à déposer la marque Enterosgel, puisque, dès le 18 janvier 2002, la demande de marque russe ЄНТЕРОСГЕЛЬ no 219 832 était déposée par AO Silma, dont la société ukrainienne Kreoma-Pharm était le principal actionnaire. Cette délimitation des arguments de la requérante devant l’EUIPO n’a pas été contestée dans la requête.

75      En tout état de cause, même dans l’hypothèse où il faudrait constater qu’une argumentation tirée de la connaissance de l’usage d’un signe identique ou similaire au signe contesté, pour des produits identiques ou similaires, au sens de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, aurait également été soulevée durant la procédure administrative, il suffira de relever que la division d’annulation puis la chambre de recours ont toutes deux vérifié que les preuves fournies par la requérante démontraient que Kreoma-Pharm ou AO Silma avaient fait usage du signe Enterosgel en tant que marque, avant le 31 mars 2006, à l’extérieur ou à l’intérieur de l’Union. Elles ont toutefois estimé qu’un tel usage du signe en tant que marque n’avait pas été démontré à suffisance de droit.

76      La chambre de recours a ainsi constaté, au point 32 de la décision attaquée, rappelé au point 51 ci-dessus, que la requérante n’avait pas prouvé à suffisance de droit l’usage du signe contesté en tant que marque avant la date de désignation de l’Union européenne pour la marque contestée. Elle a considéré que, si l’accord du 1er juillet 1991 entre Kreoma et ses employés pour la mise au point d’un produit pharmaceutique, les autorisations d’utiliser les médicaments Enterosgel ou Enterosgelum au nom de Kreoma-Pharm en Russie, en Ukraine et en Moldavie, datées de 1994 et 1995 ainsi que le brevet ukrainien no 7472 pour Enterosgel Super transféré à Kreoma-Pharm le 3 mars 1999 montraient effectivement que le principe actif du médicament dénommé « Enterosgel » avait été mis au point par des employés de Kreoma-Pharm et avait obtenu la protection d’un brevet, aucun document ne venait toutefois démontrer que Kreoma-Pharm avait utilisé ce nom en tant que marque avant la date de désignation de l’Union européenne pour la marque contestée. Au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné l’acte constitutif d’AO Silma du 27 avril 1993 et ses statuts du 5 décembre 1996 joints en annexes 8 et 9 à la demande en nullité, les « Lignes directrices – Usage clinique d’Enterosgel » portant la mention CJSC Silma 2000 et le contrat conclu entre AO Silma et Kreoma-Pharm daté du 18 octobre 1995 relatif à la fourniture d’Enterosgel, joints en annexes 7 et 8 à l’exposé des motifs du recours. Or, la chambre de recours a constaté, en substance, que ces documents ne faisaient aucune mention de droits de marque relatifs au signe visé.

77      Il convient également de rappeler que la décision de la division d’annulation, entérinée par la chambre de recours dans son intégralité, concluait également que les preuves fournies ne démontraient pas qu’AO Silma avait effectivement fait usage du signe Enterosgel sur les marchés ukrainien, russe ou de l’Union à la date de l’enregistrement de la marque contestée.

78      Alors que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de « mauvaise foi » suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête, cette notion doit en outre être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À cet égard, les règlements no 40/94, no 207/2009 et 2017/1001, adoptés successivement, s’inscrivent dans un même objectif, à savoir l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur (voir, s’agissant du règlement no 207/2009, arrêt du 27 juin 2013, Malaysia Dairy Industries, C‑320/12, EU:C:2013:435, point 35). Les règles sur la marque de l’Union européenne visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45).

79      Dès lors, par un usage du signe en tant que marque, il convient de comprendre un usage permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible les produits d’une entité de ceux qui ont une autre provenance.  

80      Or, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, aux points 32 et 33 de la décision attaquée, que les preuves soumises ne suffisaient pas aux fins de démontrer un usage effectif du signe contesté en tant que marque, que ce soit par Kreoma-Pharm ou par AO Silma. Ainsi que l’EUIPO et l’intervenante l’ont justement souligné lors de l’audience, elles ne démontrent tout au plus que des préparatifs en vue de la commercialisation d’un médicament ou une utilisation interne du signe, mais pas une véritable utilisation du signe Enterosgel en tant que marque sur le marché. À titre surabondant, il convient de souligner que la requête est confuse quant à l’entité qui aurait utilisé ledit signe en tant que marque, mentionnant tantôt Kreoma-Pharm, tantôt AO Silma.

81      Premièrement, s’agissant de l’accord du 1er juillet 1991 (annexe 2 de la demande en nullité), il n’est fait mention ni de droits de marques ni du terme « enterosgel ». Deuxièmement, il y a lieu de considérer que la détention d’un brevet pour un médicament nommé Enterosgel Super démontre la protection d’une invention mais pas un usage effectif d’un signe identique ou similaire au signe contesté, permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance sur le marché ukrainien. Troisièmement, quant aux autorisations pour un usage médical délivrées par les autorités compétentes en Ukraine, en Moldavie et en Russie, si elles s’inscrivent également dans l’idée de préparatifs aux fins de produire et d’exploiter commercialement un médicament, elles ne suffisent pas non plus à démontrer un usage effectif du signe Enterosgel ou d’un signe similaire en tant que marque sur les marchés concernés. Ces constats s’appliquent également aux extraits très parcellaires traduits en langue de procédure de la monographie de pharmacopée (annexe 1 de la demande en nullité). Quatrièmement, s’agissant de la vidéo et de sa retranscription d’une session de travail en date du 29 juin 1995 (annexes 5 et 6 de l’exposé des motifs du recours), il suffira de constater que le terme « enterosgel », de même que la notion de « marque », n’y sont même pas mentionnés.

82      Cinquièmement, il y a également lieu de confirmer le constat de la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée s’agissant des extraits traduits en langue de procédure des actes constitutifs d’AO Silma (annexes 8 et 9 de la demande en nullité), aucune référence n’ayant été faite à une marque.

83      Sixièmement, s’agissant des « Lignes directrices – Usage clinique d’Enterosgel » (annexe 7 de l’exposé des motifs du recours), elles reproduisent la photo d’une boîte de médicament portant le nom Є

84      НТЕРОСГЕЛЬ, soit ENTEROSGEL en caractères latins et mentionnent que CJSC Silma est chargée du développement, de la production et de la commercialisation d’un médicament (annexe 7 de l’exposé des motifs du recours). Toutefois, cette preuve n’est pas suffisante, à elle seule, pour prouver un usage effectif en tant que marque dudit signe, dans le cadre d’une véritable commercialisation sur le marché.

85      Septièmement, quant au contrat de fourniture en date du 18 octobre 1995 aux termes duquel Kreoma-Pharm s’engage à fournir à AO Silma de l’« hydrogel d’acide methyl-silicique (Enterosgel) » (annexe 8 de l’exposé des motifs du recours), il mentionne certes expressément le terme « enterosgel » mais ne peut, tout au plus, que démontrer un usage interne dudit signe. En outre, il ne fait pas mention d’une marque. C’est donc à tort que la requérante fait valoir que ce document prouve que Kreoma-Pharm et ses sociétés liées ont démontré s’être engagées dans l’utilisation, la vente, le marketing et la promotion du produit revêtu de la marque Enterosgel avant TNK Silma et ses fondateurs.

86      Or, dès lors que l’usage du signe Enterosgel ou d’un signe similaire en tant que marque avant la date du 31 mars 2006 n’a pas été démontré, il n’était pas nécessaire pour la chambre de recours d’examiner la question d’une éventuelle connaissance par TNK Silma ou par ses actionnaires d’un tel (non-) usage, ainsi que le relève l’EUIPO dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal.

87      Enfin, s’agissant de la référence faite par la requérante à la décision de l’EUIPO du 18 novembre 2019, mentionnée au point 20 ci-dessus, il ressort d’une jurisprudence constante que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 24 novembre 2005, ARTHUR ET FELICIE, T‑346/04, EU:T:2005:420, point 71]. En tout état de cause, il y a lieu de relever que le raisonnement dans cette décision n’est pas transposable au cas d’espèce, les faits étant différents.

88      Il ressort de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la troisième branche du moyen unique.

 Sur la quatrième branche du moyen unique

89      Au point 50 de la requête, la requérante souligne que la chambre de recours aurait méconnu les principes de confiance légitime et de sécurité juridique ainsi que les dispositions du droit international figurant dans la convention universelle sur le droit d’auteur révisée à Paris le 24 juillet 1971.

90      S’agissant de la prétendue violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique, il y a lieu de constater qu’elle n’a aucunement été présenté par la requérante comme constituant un moyen au soutien de sa demande d’annulation de la décision attaquée. Or, s’il convient d’admettre que l’énonciation des moyens du recours n’est pas liée à la terminologie et à l’énumération du règlement de procédure et que la présentation de ces moyens, par leur substance plutôt que par leur qualification légale, peut suffire, c’est à condition toutefois que lesdits moyens se dégagent de la requête avec suffisamment de netteté. Dans ces conditions, l’absence de clarté quant à la nature dudit argument n’a pas permis à l’EUIPO de préparer sa défense, ce qui est corroboré, notamment, par l’absence, dans les écrits de l’EUIPO, de réponse à cet argument. Dès lors, quand bien même la requérante entendrait soulever cet argument en tant que moyen d’annulation, il conviendrait de conclure que les exigences de clarté et de précision découlant de l’article 76, sous d), du règlement de procédure seraient clairement méconnues [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 novembre 2016, Smarter Travel Media/EUIPO (SMARTER TRAVEL), T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, points 89 à 91].

91      Quant à l’argumentation relative à la prétendue violation par la chambre de recours des dispositions du droit international figurant dans la convention universelle sur le droit d’auteur révisée à Paris le 24 juillet 1971, elle a déjà été rejetée aux points 55 et 56 ci-dessus.

92      Il convient donc de rejeter la quatrième branche du moyen unique et, dès lors, le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de la demande de la requérante visant à ce que le Tribunal « déclare que la demanderesse à l’enregistrement était de mauvaise foi à la date de la désignation de l’Union européenne dans la demande d’enregistrement international de la marque contestée et prononce la nullité de la marque [contestée] ».

93      Enfin, s’agissant de la demande de l’intervenante de confirmer la décision attaquée, ce chef de conclusions équivaut à demander le rejet du recours [voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2018, Deichmann/EUIPO – Munich (Représentation d'une croix sur le côté d'une chaussure de sport), T‑68/16, EU:T:2018:7, point 21 et jurisprudence citée].

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

95      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Health Product Group sp. z o.o. est condamnée aux dépens.

Collins

Csehi

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.