Language of document : ECLI:EU:T:2005:144

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

26 avril 2005 (*)

« Fonctionnaires – Réouverture d’un concours interne – Non-inscription sur la liste d’aptitude »

Dans l’affaire T-395/03,

Sophie Van Weyenbergh, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tervuren (Belgique), représentée par Me C. Mourato, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme H. Tserepa-Lacombe et M. H. Kraemer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision du jury du concours interne COM/TB/99 de ne pas inscrire la requérante sur la liste d’aptitude établie à la suite dudit concours et, d’autre part, une demande d’indemnisation,






LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge : M. J. Pirrung,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 février 2005,

rend le présent

Arrêt

 Faits et procédure

 Avis de concours en cause

1       Le 5 juillet 1999, la Commission a publié l’avis de concours interne COM/TB/99 sur épreuves pour la constitution d’une liste d’aptitude d’assistants adjoints de la carrière B 5/B 4, d’assistants de la carrière B 3/B 2 et d’assistants principaux de la carrière B 1 (ci-après l’« avis de concours »). Selon le point I de l’avis de concours, les fonctions correspondant à l’emploi d’assistant adjoint (B 5/B 4) étaient celles d’un « fonctionnaire d’application qui, sous contrôle, effectue des travaux de bureau courants ».

2       L’épreuve écrite visait à évaluer l’expression écrite et les capacités de raisonnement et d’analyse des candidats, tandis que « l’épreuve orale, consist[ant] en un entretien du jury avec les candidats admis […], vis[ait] à apprécier la capacité d’expression orale et l’aptitude des candidats (y compris les connaissances linguistiques) à exercer les fonctions précisées au [point] I de [l’avis de concours] dans un des services de la Commission » (point VI de l’avis de concours).

3       L’épreuve écrite et l’épreuve orale étaient notées chacune de 0 à 50 points, le minimum requis s’élevant chaque fois à 25 points (points VII et IX de l’avis de concours).

4       À l’issue du concours, étaient inscrits sur la liste d’aptitude les 40 candidats − ce nombre a ultérieurement été porté à 60 − ayant obtenu les meilleurs notes à condition d’avoir obtenu le minimum requis pour chacune des épreuves.

 Situation de la requérante et déroulement de ses épreuves

5       La requérante, étant alors fonctionnaire de la Commission de catégorie C au sens de l’article 5, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes dans sa rédaction applicable au présent litige (ci-après le « statut »), s’est portée candidate, en 1999, au concours COM/TB/99 pour l’emploi d’assistant adjoint (B 5/B 4).

6       La candidature de la requérante ainsi que celle d’autres intéressés ayant été rejetées par le jury, plusieurs recours visant à l’annulation de ces décisions de rejet ont été introduits. Par son arrêt du 13 mars 2002, Martínez Alarcón e.a./Commission (T‑357/00, T‑361/00, T‑363/00 et T‑364/00, RecFP p. I‑A‑37 et II‑161), le Tribunal a, notamment, annulé la décision portant rejet de la candidature de la requérante.

7       Par lettre du 16 mai 2002, la Commission a informé la requérante − qui, ayant réussi un autre concours, avait entre-temps été nommée fonctionnaire de grade B 5 avec effet au 1er mai 2002 − qu’elle entendait rouvrir pour elle, en exécution de l’arrêt précité, le concours interne de titularisation COM/TB/99.

8       Par courrier du 16 septembre 2002, la requérante a été invitée à se présenter à l’épreuve écrite, qui a eu lieu le 11 octobre 2002. À la suite de cette épreuve, elle a été admise, par note du 28 novembre 2002, à l’épreuve orale. Cette dernière a eu lieu le 23 janvier 2003.

9       Par lettre portant la date du 20 janvier 2003, qui a été communiquée à la requérante le 3 mars 2003, le directeur de l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) a informé la requérante que le jury avait décidé de ne pas inscrire son nom sur la liste d’aptitude. À cet égard, il a été précisé que, bien que la note de la requérante obtenue lors de l’épreuve orale fût supérieure au minimum requis, ses résultats totaux (55,5 points sur 100) étaient insuffisants pour l’inscrire sur cette liste, étant donné que les 60 meilleurs candidats inscrits sur la liste avaient obtenu au minimum 58,5 points.

10     Le 7 avril 2003, le directeur de l’EPSO a adressé à la requérante une lettre dont le contenu est, en substance, identique à celui de la lettre datée du 20 janvier 2003 et qui indique qu’elle annule et remplace cette dernière lettre, au motif qu’elle a été erronément datée du 20 janvier au lieu du 27 février 2003.

11     Par courrier du 26 mai 2003, la requérante a introduit une réclamation dans laquelle elle a dénoncé une irrégularité de la procédure ainsi qu’un parti pris et un abus de pouvoir de la part du jury du concours. Elle a demandé la réorganisation des épreuves du concours et, à titre subsidiaire, la réparation du dommage lié à la perte de sa chance d’être promue au grade B 5 plus tôt.

12     Par décision du 4 septembre 2003, communiquée à la requérante le 11 septembre 2003, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté cette réclamation.

 Procédure juridictionnelle

13     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 décembre 2003, la requérante a introduit le présent recours.

14     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 51, paragraphe 2, de son règlement de procédure, d’attribuer l’affaire à M. J. Pirrung, statuant en tant que juge unique. En outre, il a décidé d’ouvrir la procédure orale.

15     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 25 février 2005. À cette occasion, la Commission s’est désistée de ses conclusions initiales visant à déclarer le recours partiellement irrecevable. Il en a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 Conclusions des parties

16     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision du jury refusant son inscription sur la liste d’aptitude du concours COM/TB/99 et la décision de l’AIPN portant rejet de sa réclamation ;

–       à titre subsidiaire, condamner la Commission au paiement de la somme de 145 848,00 euros, sous réserve de modification en cours d’instance, aux fins de réparer le préjudice matériel et moral subi ;

–       condamner la Commission aux dépens de l’instance.

17     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur les conclusions en annulation

18     À l’appui de ses conclusions, la requérante soulève quatre moyens tirés, respectivement, d’une violation de l’avis de concours et d’un vice de procédure, d’une insuffisance de motivation, d’un détournement de pouvoir ainsi que d’une violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’avis de concours et d’un vice de procédure

 Arguments des parties

19     Après avoir rappelé qu’elle avait passé l’épreuve orale le 23 janvier 2003, la requérante reproche au jury de lui avoir déjà attribué une note pour cette épreuve avant même que celle-ci ait eu lieu. En effet, la lettre informant la requérante de son échec aux épreuves aurait été rédigée le 20 janvier 2003, c’est-à-dire trois jours avant la date de l’épreuve orale, si bien que le jury a statué sur les capacités d’expression orale de la requérante avant l’épreuve portant sur ces capacités. Par conséquent, la procédure de concours serait entachée d’un vice fondamental.

20     Selon la Commission, le présent moyen manque en fait. La circonstance que la lettre litigieuse, telle qu’elle a été envoyée à la requérante, portait la date du 20 janvier 2003 constituerait une simple erreur matérielle et nullement un indice dans le sens que lui attribue la requérante.

21     La lettre informant la requérante des résultats obtenus lors de l’épreuve orale aurait été rédigée et envoyée le 27 février 2003. En effet, cette lettre, tout comme celles adressées aux deux autres candidats à l’égard desquels le concours COM/TB/99 a été rouvert, aurait été enregistrée dans le système d’enregistrement interne de la Commission (Adonis, ci-après « registre Adonis »), la lettre adressée à la requérante portant le numéro d’enregistrement 602, les deux autres les numéros 601 et 603. Or, ainsi qu’il ressort des fiches d’enregistrement, ces documents auraient tous été enregistrés le 27 février 2003.

22     La Commission ajoute que, toujours selon les fiches d’enregistrement, les lettres adressées aux deux candidats autres que la requérante étaient rédigées en anglais et non pas en français comme celle adressée à la requérante. Ces lettres rédigées en anglais auraient été datées du 27 février 2003, alors que la lettre adressée à la requérante aurait été datée du 20 février 2003.

23     Indépendamment de la date que porte la lettre l’informant de la décision du jury, il existerait plusieurs documents se référant à l’épreuve orale passée par la requérante, tels que le rapport motivé complémentaire du jury de concours et la fiche d’évaluation, dont il ressortirait que cette décision a effectivement été prise postérieurement à l’épreuve en cause.

24     Dans sa réplique, la requérante dénonce la contradiction consistant pour la Commission à prétendre que le président du jury a rédigé la lettre litigieuse le 27 février 2002, alors que l’extrait du registre Adonis indique que la prétendue date du document serait le 20 février 2003. Par son moyen tiré d’une insuffisance de motivation, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir produit une copie des lettres ayant précédé et suivi la lettre litigieuse du 20 janvier 2003 du jury ainsi qu’une copie des lettres portant sur le même objet adressées aux deux autres candidats du concours rouvert.

25     Quant aux extraits du registre Adonis communiqués par la Commission, la requérante estime qu’ils ne prouvent en rien la date à laquelle la lettre litigieuse a été écrite. En effet, ce registre n’apporterait la preuve que de la date d’enregistrement d’une lettre, alors que la date à laquelle cette lettre a été écrite est introduite manuellement et après coup.

26     L’absence de fiabilité du système paraîtrait confirmée par la présence d’anomalies détectées sur les extraits présentés par la Commission. En effet, outre les différences dans les dates de rédaction pour la pièce n602 (20 février 2003) et pour les documents nos 601 et 603 (27 février 2003), le service pour lequel travaillent les deux autres candidats n’aurait pas été identifié sur les documents nos 601 et 603, alors qu’il l’a été sur la pièce n602 en ce qui concerne la requérante.

27     Enfin, le rapport motivé complémentaire du jury de concours et la fiche d’évaluation invoqués par la Commission ne prouveraient pas que le jury n’avait pas déjà pris sa décision sur le sort à réserver à la candidature de la requérante au moment où elle s’est présentée à l’épreuve orale. Il serait étonnant que ledit rapport ait été rédigé et signé le jour même de l’épreuve orale, alors que cette dernière a eu lieu l’après-midi. Quant à la fiche d’évaluation, les raisons pour lesquelles les remarques figurant dans la rubrique « Évaluation » ont été occultées et aucune remarque n’a été formulée dans la rubrique « Commentaires » seraient incompréhensibles.

 Appréciation du Tribunal

28     Face à ce débat, il y a lieu d’examiner l’ensemble des circonstances factuelles dans lesquelles la requérante a été informée de son échec aux épreuves qui avaient été rouvertes à son attention.

29     À cet égard, il convient de constater, tout d’abord, que la lettre portant la date du 20 janvier n’a été communiquée à la requérante que le 3 mars suivant (voir point 9 ci-dessus). Cette date de communication plaide déjà, à elle seule, en faveur d’une date de rédaction située normalement vers la fin du mois de février plutôt que du mois de janvier.

30     En outre, il est de fait que la lettre litigieuse adressée à la requérante et ayant pour objet le concours « COM/TB/99 » a été signée par « Erik HALSKOV » et que son en-tête comporte les signes « EPSO/…D (2003) 602 ». Or, parmi les extraits du registre Adonis (joints en annexe A 12 à la requête) figure une pièce, émanant du service « EPSO » pour l’année « 03 », portant le n« 602 » et se référant à « COM/TB/99 », qui a été datée du « 20/02/03 », enregistrée le « 27/02/03 », expédiée par « HALSKOV ERIK » et destinée à la requérante. Il ne saurait être sérieusement contesté que ces précisions d’enregistrement interne concernent effectivement la lettre litigieuse. Il s’ensuit que cette dernière, en l’absence d’erreurs de rédaction, aurait porté la date du 20 ou du 27 février 2003.

31     Il convient d’ajouter que la Commission a affirmé, sans être contredite par la requérante, que deux lettres semblables à la lettre litigieuse ont été adressées à deux autres candidats − un lauréat et un candidat évincé − à l’égard desquels le concours COM/TB/99 avait également été rouvert. Or, les documents d’enregistrement y relatifs, portant les nos 601 et 603, concordent avec la pièce nº 602 susmentionnée. En particulier, ils ont également été enregistrés le « 27/02/03 ».

32     Il est vrai que les documents d’enregistrement nos 601 et 603 sont tous deux datés du « 27/02/03 », alors que la pièce nº 602, est datée du « 20/02/03 ». Cependant, cette circonstance est dénuée de pertinence dans le présent contexte, du fait que la lettre litigieuse − même si elle a été rédigée par le jury le 20 février 2003 − est, en tout état de cause, postérieure à la date de l’épreuve orale (23 janvier 2003). Par ailleurs, la Commission a exposé, sans être contredite par la requérante, que les deux lettres semblables susmentionnées étaient rédigées en anglais et non pas en français, comme l’était celle adressée à la requérante. L’écart de datation d’une semaine peut donc trouver son explication dans le temps consacré à la traduction.

33     Enfin, le rapport motivé complémentaire du jury, la fiche d’évaluation et la relation manuscrite des questions posées à la requérante lors de son épreuve orale (joints en annexes B 3 et B 4 au mémoire en défense), signés respectivement par le président et le secrétaire du jury, se réfèrent à l’épreuve orale passée par la requérante et portent tous la date du 23 janvier 2003. Ces documents, eux non plus, ne laissent donc subsister aucun doute sérieux sur le fait que la décision d’éviction de la requérante a effectivement été prise postérieurement à l’épreuve orale en cause.

34     Une vue d’ensemble des éléments figurant dans le dossier fait ainsi apparaître, à suffisance de droit, que le jury n’a pas commis le vice intentionnel grave que la requérante lui attribue, mais s’est rendu coupable d’une erreur purement rédactionnelle quant à la datation de la lettre en cause.

35     Par conséquent, le premier moyen avancé par la requérante doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire d’inviter la Commission à produire les documents sollicités par la requérante.

 Sur le moyen tiré d’une insuffisance de motivation

 Arguments des parties

36     La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir fait suffisamment apparaître les raisons pour lesquelles elle estimait fondée sa décision de ne pas l’inscrire sur la liste d’aptitude, compte tenu du fait que sa note pour l’épreuve orale avait été attribuée après l’audition de l’intéressée par le jury.

37     L’extrait du registre Adonis contredirait la décision de la Commission rejetant la réclamation et mettrait en évidence le caractère douteux de ses explications. En effet, dans le cadre de sa thèse de l’erreur de date, la Commission prétendrait que la lettre aurait dû être datée du 27 février 2003, alors que le registre Adonis indique une autre date, à savoir le 20 février 2003. Dans ces circonstances, il ne pourrait être accordé aucun crédit aux affirmations de la Commission sur ce point.

38     De l’avis de la Commission, le présent moyen est irrecevable dès lors qu’il est dirigé, en substance, contre la décision portant rejet de la réclamation. Or, seule la décision du jury refusant l’inscription de la requérante sur la liste d’aptitude, et non celle portant rejet de la réclamation, constituerait un acte faisant grief pouvant faire l’objet d’un recours devant le juge communautaire. À titre subsidiaire, la Commission considère le moyen comme non fondé, tant le rejet de la réclamation que le refus d’inscrire la requérante sur la liste d’aptitude étant suffisamment motivés.

 Appréciation du Tribunal

39     Il convient de rappeler que les griefs que la requérante soulève sous couvert d’une motivation insuffisante se confondent partiellement avec ceux dénonçant, dans le cadre du moyen précédent, certaines imprécisions relatives au registre Adonis (voir points 24 à 26 ci-dessus). Or, le moyen précédent a été rejeté au motif que, au vu de l’ensemble des éléments de l’affaire, la décision déclarant l’échec de la requérante au concours en cause avait été prise postérieurement à son épreuve orale. Par conséquent, les griefs concernant le registre Adonis doivent également être écartés dans le cadre du présent moyen.

40     Quant au grief pris de ce que la décision rejetant la réclamation de la requérante n’aurait pas suffisamment expliqué la prétendue erreur de datation susmentionnée, il y a lieu de relever que l’obligation de motivation ne vise que l’acte faisant grief en tant que tel, en ce sens que la requérante a le droit d’être informée des raisons de son échec au concours. En revanche, cette obligation ne se réfère pas au support matériel de l’acte faisant grief, à savoir les formes de la lettre informant la requérante de cet échec.

41     En ce qui concerne ce dernier aspect, c’est dans le seul contexte du moyen tiré d’un vice de forme que la requérante a pu invoquer l’illégalité de la lettre d’information et par là même celle de l’acte faisant grief. Or, en l’espèce, il a été jugé que cette lettre n’était entachée d’aucun vice de forme en raison de sa datation. Par conséquent, il n’importe pas de savoir si la décision rejetant la réclamation a été pourvue d’une motivation suffisante sur la question de la datation.

42     Le grief tiré d’une insuffisance de motivation sur ce point doit donc être écarté comme inopérant.

43     S’agissant de la motivation de l’acte faisant grief proprement dit, la Commission a exposé, à juste titre, que la décision du jury refusant l’inscription de la requérante sur la liste d’aptitude est suffisamment motivée. En effet, compte tenu du secret qui doit entourer les travaux du jury, la communication par la lettre du 7 avril 2003 (voir points 9 et 10 ci-dessus) des notes obtenues par la requérante aux différentes épreuves constituait une motivation suffisante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 2003, Pyres/Commission, T‑72/0l, RecFP p. I‑A‑169 et II‑861, point 66, et la jurisprudence citée). Cette motivation a permis à la requérante de connaître le jugement de valeur qui a été porté sur ses prestations ainsi que le nombre total de points obtenu par le dernier inscrit sur la liste d’aptitude.

44     Il s’ensuit que le deuxième moyen soulevé par la requérante doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le moyen tiré d’un détournement de pouvoir

 Arguments des parties

45     Selon la requérante, la décision refusant son inscription sur la liste d’aptitude est entachée d’un détournement de pouvoir. À cet égard, elle soutient que plusieurs indices démontrent la partialité du jury par rapport à sa candidature. Parmi ces indices figurerait la rédaction, dès avant l’épreuve orale, de la décision refusant son inscription sur la liste d’aptitude. En outre, le jury et l’AIPN n’auraient pas abandonné leur ferme volonté de titulariser des agents temporaires en excluant des fonctionnaires tels que la requérante.

46     La Commission considère les allégations de la requérante concernant l’existence d’un détournement de pouvoir comme dépourvues de tout fondement. Elle se réfère, notamment, à la relation manuscrite des questions posées lors de l’épreuve orale (jointe en annexe B 4 au mémoire en défense).

47     Dans sa réplique, la requérante considère que cette relation manuscrite fournit un nouvel indice de détournement de pouvoir en raison d’une question posée par le jury.

 Appréciation du Tribunal

48     Il y a lieu de rappeler que la notion de détournement de pouvoir a une portée précise qui se réfère à l’usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le statut pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêts du Tribunal du 14 octobre 2003, Wieme/Commission, T‑174/02, RecFP p. I‑A‑241 et II‑1165, point 70, et du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, non encore publié au Recueil, point 66, et la jurisprudence citée).

49     Dans la mesure où la requérante estime, premièrement, que la rédaction de la décision du 20 janvier 2003 antérieurement à son épreuve orale constitue un indice de la partialité du jury par rapport à sa candidature et de sa volonté d’exclure du concours tous les fonctionnaires tels que la requérante, il suffit de rappeler qu’une analyse de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce a permis de conclure que la décision avait été rédigée après la date de l’épreuve orale et que l’erreur de datation était de nature purement rédactionnelle, de sorte qu’elle ne saurait aucunement être considérée comme un indice du détournement de pouvoir allégué par la requérante.

50     Dans ce contexte, la requérante invoque deux indices supplémentaires dont il ressort, selon elle, que le jury, appuyé par l’AIPN, cherchait à utiliser le concours en cause pour titulariser uniquement des candidats agents temporaires de catégorie B, tout en évinçant des candidats fonctionnaires de catégorie C tels que la requérante. Deuxièmement, le seul lauréat parmi les trois candidats réadmis après la saisine du Tribunal aurait été, comme par coïncidence, un agent temporaire et, troisièmement, la Commission aurait expressément signalé, par sa lettre du 16 mai 2002, que le concours en cause était un concours « de titularisation », qui visait donc uniquement à titulariser des agents temporaires.

51     À cet égard, il est vrai que le Tribunal a jugé, dans l’arrêt Martínez Alarcón e.a./Commission, précité (points 73 et 74), que l’admission au concours en cause ne pouvait être limitée aux candidats qui avaient acquis leur expérience professionnelle dans un emploi statutaire formel de catégorie B, mais que le jury était tenu d’admettre aussi les candidats qui avaient acquis une expérience professionnelle équivalente en qualité de fonctionnaires classés dans la catégorie C. Le concours en cause ne pouvait donc pas servir aux seules fins d’une titularisation dans la catégorie B d’agents temporaires classés dans cette même catégorie.

52     Cependant, les deux indices invoqués ne sont pas de nature à étayer les soupçons exprimés par la requérante. En effet, le premier consiste en la simple constatation que le seul lauréat a été « comme par hasard » un agent temporaire. Dès lors que la requérante ne présente aucun argument ni élément de preuve tendant à remettre en question la régularité des épreuves passées et réussies par ce candidat, le premier des deux indices ne saurait être retenu.

53     S’agissant du second indice, la Commission a relevé, à juste titre, que, même si l’administration a employé la formule malheureuse de « concours de titularisation » dans la lettre du 16 mai 2002 adressée à la requérante − malheureuse, puisque la requérante, déjà fonctionnaire, ne concourait pas en vue de sa titularisation −, il s’agit là d’une méprise isolée qui ne s’est pas reproduite dans la correspondance ultérieure de l’administration. En tout état de cause, le jury, qui exerce ses fonctions en toute indépendance par rapport à l’administration, n’a jamais employé une telle formule. Par conséquent, l’erreur commise par l’administration ne saurait être qualifiée d’indice sérieux d’un détournement de pouvoir entachant d’illégalité la décision d’éviction prise par le jury.

54     La requérante invoque encore une série d’indices relatifs au déroulement de l’épreuve orale proprement dite. Ainsi, quatrièmement, le jury se serait montré irrité de devoir se réunir deux ans après la première procédure de concours et de « perdre son temps », d’autant plus que cette situation résultait d’une décision judiciaire qui lui avait donné tort. Cinquièmement, la requérante aurait été interrogée sur son intérêt à participer au concours litigieux en dépit de sa réussite à un autre concours de catégorie B, ce qui laisserait apparaître la volonté de ne pas l’admettre, car elle était déjà fonctionnaire de grade B 5. Sixièmement, elle n’aurait pas été interrogée sur son curriculum vitae, alors que celui-ci était un élément important pour apprécier son aptitude à exercer le poste d’assistant adjoint à pourvoir.

55     Quant à la prétendue « irritation » du jury, le grief avancé par la requérante doit être écarté d’emblée. En effet, dans son mémoire en défense, la Commission a contesté cette affirmation en soulignant qu’elle relève de la spéculation et n’est soutenue par aucun élément concret. Dans sa réplique, la requérante s’est abstenue de répondre à cette contestation. Elle n’a, notamment, présenté aucun élément de preuve susceptible d’étayer l’irritation alléguée. Lors de l’audience, elle a même déclaré qu’elle s’était trouvée à l’aise pendant son épreuve orale et qu’elle avait eu l’impression de l’avoir très bien réussie. La requérante n’a donc pas établi, à suffisance de droit, qu’elle avait été victime d’un comportement hostile de la part du jury.

56     Quant aux deux autres allégations présentées dans ce contexte, il y a lieu de souligner la vaste marge d’appréciation dont jouissent les jurys de concours. En effet, selon une jurisprudence bien établie, les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les aptitudes des candidats, ainsi que les décisions par lesquelles le jury constate l’échec d’un candidat à une épreuve, constituent l’expression d’un jugement de valeur s’insérant dans le pouvoir d’appréciation susmentionné. S’agissant plus particulièrement des épreuves orales d’un concours, le pouvoir d’appréciation du jury se trouve encore élargi par les éléments de liberté et d’incertitude qui caractérisent ce type d’épreuve qui est, par sa nature même, moins uniformisé que l’épreuve écrite et dont le contenu peut varier en fonction de l’expérience et de la personnalité des différents candidats ainsi que des réponses qu’ils fournissent aux questions du jury (voir arrêt du Tribunal du 23 mars 2000, Gogos/Commission, T‑95/98, RecFP p. I‑A‑51 et II‑219, point 36, et la jurisprudence citée).

57     S’agissant du cas d’espèce, il s’ensuit que le jury − appelé, selon le point VI de l’avis de concours, à « apprécier la capacité d’expression orale et l’aptitude des candidats (y compris les connaissances linguistiques) à exercer les fonctions précisées au [point] I de cet avis dans un des services de la Commission » − était autorisé à poser toute question visant à obtenir une réponse permettant d’apprécier si la requérante disposait des capacités et aptitudes requises.

58     Or, la question relative à l’intérêt de la requérante à participer au concours en cause en dépit de sa réussite à un autre concours de catégorie B lui permettait de répondre en explicitant, de manière claire et bien structurée, son intérêt financier à obtenir, dans le cadre du présent concours, une nomination en tant que fonctionnaire de catégorie B prenant effet à une date antérieure à celle de la nomination obtenue à la suite de l’autre concours, d’une part, et son intérêt moral à réussir les épreuves d’un concours auquel elle avait initialement été déclarée, à tort, comme ayant échoué, d’autre part. Par conséquent, cette question, qui n’est pas manifestement dépourvue de toute pertinence, ne traduit aucun préjugé du jury au détriment de la requérante.

59     Ensuite, si la requérante reproche au jury de ne pas avoir posé des questions relatives à son curriculum vitae, elle s’abstient néanmoins d’établir que les questions effectivement posées ont été manifestement inadéquates pour apprécier sa capacité d’expression orale et ses aptitudes, y compris ses connaissances linguistiques, à exercer les fonctions visées par l’avis de concours. Par ailleurs, la question concernant son intérêt à la participation au concours en cause avait précisément trait à un élément de son curriculum vitae, à savoir le fait d’être entre-temps devenue fonctionnaire de catégorie B.

60     Septièmement, la requérante indique avoir détecté dans la relation manuscrite des questions posées lors de son épreuve orale (voir point 47 ci-dessus) un nouvel indice. En effet, la dernière question posée par le jury aurait été la suivante: « Si vous êtes reçue à ce concours, comptez-vous changer de poste ? » Pour la requérante, il est évident que cette question laisse à nouveau apparaître le préjugé du jury consistant à estimer qu’elle n’aurait pas dû repasser le concours, puisqu’elle avait déjà été nommée fonctionnaire de la catégorie B.

61     À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, que ce grief ne figure pas dans la requête, mais qu’il a été soulevé pour la première fois dans la réplique, et ce en réponse au mémoire en défense auquel était jointe la relation manuscrite des questions posées lors de l’épreuve orale. Or, la question dénoncée par la requérante lui avait été posée lors de son épreuve orale, de sorte que, ne contestant pas le contenu de cette question, elle ne saurait utilement prétendre qu’il s’agit là d’un élément de fait qui se serait révélé pendant la procédure, au sens de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure. Le grief en cause ayant manifestement pu être soulevé dans la requête, il doit, dès lors, être déclaré irrecevable.

62     En tout état de cause, ce grief doit être écarté, la question en cause ne pouvant pas être qualifiée d’indice d’un détournement de pouvoir de la part du jury. Ainsi que la Commission l’a souligné à bon droit, cette question traduisait l’intérêt que portait le jury à l’évolution éventuelle de la carrière de la requérante. Par sa réponse, cette dernière pouvait démontrer ses capacités d’expression orale en se prononçant sur ses projets de mobilité à l’intérieur de l’institution. Il ne s’agissait donc pas d’une question posée hors du contexte objectif du concours en cause.

63     Selon la requérante, un dernier indice consiste, huitièmement, en la question qui lui a été posée au sujet de son prétendu emploi dans le cabinet du membre de la Commission M. Patten. En réalité, la requérante n’aurait jamais travaillé pour ce membre de la Commission. Le jury l’aurait vraisemblablement confondu avec un autre membre de la Commission, à savoir Sir Leon Brittan, dans le cabinet duquel elle avait effectivement travaillé. La question posée sur la relation entre M. Patten et M. Solana ainsi que sur la politique européenne de sécurité commune (PESC) n’aurait donc eu aucun rapport avec le curriculum vitae de la requérante.

64     À cet égard, il est évident que l’erreur commise par le jury pouvait facilement être dénoncée et corrigée oralement par la requérante dans le cadre de son entretien, caractérisé par des éléments de liberté et d’incertitude (voir point 5657 ci-dessus) ainsi que par un sentiment d’aisance reconnu par la requérante (voir point 55 ci-dessus). Cette dernière pouvait même profiter de l’occasion pour démontrer ses aptitudes et ses capacités d’expression orale en attirant l’attention du jury sur les compétences de Sir Leon Brittan en matière de politique commerciale et sur d’éventuels liens existant avec le domaine de la PESC.

65     Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que les décisions attaquées étaient entachées d’un détournement de pouvoir. En particulier, les deux erreurs effectivement commises en l’espèce − à savoir la datation erronée de la lettre informant la requérante des résultats obtenus lors de son épreuve orale ainsi que la confusion entre les membres de la Commission M. Patten et Sir Leon Brittan lors de l’épreuve orale −, replacées dans le contexte de la procédure de concours, ne peuvent pas être qualifiées d’indices objectifs, pertinents et concordants faisant apparaître que les décisions attaquées ont été prises pour atteindre des fins autres que celles excipées.

66     Par conséquent, le troisième moyen ne saurait non plus être retenu.

 Sur le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

67     Selon la requérante, il résulte des moyens développés ci-dessus qu’elle a fait l’objet d’une discrimination, dans le cadre du concours rouvert, par rapport aux autres candidats et en particulier par rapport à l’agent temporaire retenu sur la liste d’aptitude. Par conséquent, la décision de ne pas l’admettre sur la liste d’aptitude violerait le principe d’égalité de traitement.

68     À cet égard, le Tribunal constate que la requérante se limite, en substance, à invoquer les mêmes griefs que ceux qu’elle a déjà soulevés dans le cadre des trois premiers moyens pour en déduire une discrimination par rapport aux autres candidats au concours. Or, ces moyens ayant tous été rejetés, le présent moyen doit également être écarté.

69     La requérante affirme encore que, à l’inverse des autres candidats, le jury ne lui a pas posé de questions concernant son curriculum vitae. Cependant, ce grief pris d’une discrimination factuelle a été présenté pour la première fois dans la réplique. Par conséquent, à le supposer exact et pertinent, bien qu’il ne soit étayé par aucun élément de preuve, il doit être qualifié de tardif et, partant, rejeté comme irrecevable en application de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure (voir, par ailleurs, point 59 ci-dessus).

70     Aucun des moyens soulevés par la requérante n’ayant été déclaré fondé, les conclusions en annulation doivent être rejetées.

 Sur les conclusions en indemnité

71     Dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que l’annulation des décisions attaquées et l’annulation consécutive par la Commission de la procédure du concours constitueraient une sanction excessive de l’irrégularité commise, la requérante estime que l’allocation d’une indemnité constituerait une forme de réparation adéquate. Elle demande donc, à titre subsidiaire, la condamnation de la Commission à la réparation du dommage matériel et moral subi du fait de ne pas avoir été admise au concours et d’avoir perdu une chance d’être promue au poste d’assistante adjointe dès l’année 2000. Sa nomination au grade B 5 n’étant intervenue que le 1er mai 2002 à la suite d’un autre concours, ses promotions ultérieures seraient systématiquement retardées d’une période approximative de deux ans.

72     À cet égard, le Tribunal rappelle que la requérante n’a pas réussi le concours en cause et que, comme cela s’est avéré au terme de l’examen des conclusions en annulation, la décision constatant son échec lors de la procédure rouverte du concours n’est entachée d’aucune illégalité qui pourrait engager la responsabilité de la Commission. Il ne saurait donc être question du paiement d’une indemnité compensant le retard pour les promotions ultérieures de la requérante. Par conséquent, sa demande visant à réparer son préjudice matériel doit être écartée.

73     Quant à la demande visant à réparer son préjudice moral, la requérante a expressément confirmé, lors de l’audience, que cette demande n’a été présentée que dans l’hypothèse où les conclusions en annulation seraient retenues. Il en a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience. Or, les conclusions en annulation ayant été rejetées, la demande visant à réparer le préjudice moral est devenue sans objet.

74     Par conséquent, les conclusions en indemnité doivent également être rejetées.

75     Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

76     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En outre, le Tribunal peut, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, répartir les dépens pour des motifs exceptionnels.

77     En l’espèce, la requérante a succombé. Toutefois, l’erreur de datation imputable à la Commission apparaît particulièrement regrettable vis-à-vis de la requérante du fait que cette dernière avait déjà, dans le cadre du litige ayant donné lieu à l’arrêt Martínez Alarcón e.a./Commission, précité, exprimé le soupçon d’être victime d’une éviction intentionnelle en raison de sa qualité de fonctionnaire, l’administration entendant réserver l’accès au concours aux seuls agents temporaires. Cette erreur de datation, qui peut légitimement avoir amené la requérante à saisir le Tribunal, sera prise en considération par l’imposition à la Commission de la moitié des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la requérante, cette dernière supportant l’autre moitié de ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 avril 2005.

Le greffier

 

Le juge



H. Jung

 

J. Pirrung


* Langue de procédure : le français.