Language of document : ECLI:EU:T:2005:126

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 avril 2005 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative RIGHT GUARD XTREME SPORT – Marque nationale figurative antérieure WILKINSON SWORD XTREME III – Risque de confusion – Refus d’enregistrement – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 40/94 »

Dans l’affaire T-286/03,

The Gillette Company, établie à Boston (Etats-Unis d’Amérique), représentée par Mes A. Ebert-Weidenfeller et L. Kouker, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI),  représenté par MM. G. Schneider et J. Weberndörfer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Wilkinson Sword GmbH, établie à Solingen (Allemagne), représentée par Me E. Kessler, avocate,

ayant pour objet un recours introduit contre la décision  de la quatrième chambre de recours de l’OHMI, du 17 avril 2003 (affaire R 221/2002‑4), refusant l’enregistrement de la marque figurative RIGHT GUARD XTREME SPORT,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de M. J. Pirrung, président, M. A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 août 2003,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 8 décembre 2003,

vu le mémoire en réponse de la partie intervenante déposé au greffe du Tribunal le 26 novembre 2003,

à la suite de l’audience du 23 novembre 2004,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 février 2000, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’« OHMI »), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la marque figurative représentée ci-dessous (ci-après la « marque demandée ») :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice »). Suite à une limitation de la liste de produits opérée par la requérante dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, ces produits correspondent à la description suivante: « préparations à usage non médical à utiliser lors d’un bain ou d’une douche; anti-transpirants; désodorisants ».

4        Le 25 septembre 2000, la demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires.

5        Le 22 décembre 2000, la partie intervenante a formé opposition contre la demande de marque de la requérante. L’opposition était fondée sur l’existence de quatre marques enregistrées en Allemagne pour des produits relevant des classes 3 et 8 au sens de l’arrangement de Nice, dont trois figuratives et une verbale, étant précisé que la marque verbale, qui avait fait l’objet d’une demande d’enregistrement avant la date de l’opposition, n’a été enregistrée par le Deutsches Patent- und Markenamt (office allemand des brevets et des marques) qu’ultérieurement. Les quatre marques (ci-après les « marques invoquées ») sont représentées ci-dessous :

–        marque verbale n° 399 21 827: XTREME

–         marque figurative n° 399 23 715:

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–        marque figurative n° 399 23 717:

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–         marque figurative n° 399 45 175:

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6        L’opposition était exclusivement fondée sur les produits compris dans la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant pour chacune des marques invoquées à la description suivante : « produits de toilette pour le rasage ».

7        Pour justifier son opposition, l’intervenante invoquait un motif relatif de refus, fondé sur l’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement n° 40/94.

8        Le 11 février 2002, la division d’opposition de l’OHMI a rejeté l’opposition au motif que la marque demandée et les marques invoquées étaient suffisamment différentes et que, dès lors, il n’existait pas de risque de confusion.

9        Le 11 mars 2002, l’intervenante a formé un recours contre cette décision devant la chambre de recours de l’OHMI.

10      Par décision du 17 avril 2003 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition et rejeté la demande d’enregistrement de la marque communautaire. Selon elle, la forte similitude des produits et les similitudes existant entre les signes créaient un risque de confusion entre la marque demandée et deux des marques invoquées, à savoir la marque n° 399 23 715 et la marque n° 399 45 175 (ci-après, les « marques antérieures »). La décision attaquée a admis la similitude des signes en se fondant sur le fait que le composant « XTREME » est dominant.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur le moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

14      Selon la requérante, la chambre de recours a enfreint l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, lorsqu’elle a reconnu dans la décision attaquée l’existence d’un risque de confusion malgré le fait que la marque demandée et les marques antérieures ne sont pas similaires.

15      L’OHMI et l’intervenante réfutent cette thèse.

 Sur le degré d’attention du public concerné

 Arguments des parties

16      Il n’est pas contesté par les parties que les produits visés par la marque demandée sont des produits de consommation courante et que, les marques antérieures ayant été enregistrées en Allemagne, il convient de se fonder sur la perception d’un consommateur allemand moyen.

17      Ceci étant, la requérante fait valoir que, en ce qui concerne les produits cosmétiques et de soins corporels, ce consommateur moyen est particulièrement attentif et avisé, car il est habitué à faire son choix parmi une multitude de fabricants et de produits, ainsi que parmi des lignes de produits différentes. Dès lors, il se livre à un examen accru et détaillé des marques existantes, et est donc attentif aux différences entre les différentes marques proposées dans le commerce.

18      L’OHMI et l’intervenante réfutent cette thèse.

 Appréciation du Tribunal

19      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause (arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, points 25 et 26).

20      En l’espèce, le Tribunal estime, à l’instar de l’OHMI et de l’intervenante, qu’il n’y a pas de raison pour conclure à un degré d’attention élevé pour les produits cosmétiques en question. En effet, il est constant entre les parties que les produits en question sont des produits de consommation courante et d’une valeur relativement faible. Or, s’il est vrai que le consommateur concerné est confronté à un nombre élevé de marques et à des gammes entières de produits dans le secteur des produits cosmétiques, il convient d’observer que la situation n’est pas sensiblement différente par rapport aux autres secteurs des biens de consommation courante.

21      En outre, il convient d’observer qu’il ne suffit pas qu’une requérante affirme que, dans un secteur déterminé, le consommateur est particulièrement attentif aux marques, mais elle doit étayer cette prétention d’éléments de fait et de preuve. Or, en l’espèce, outre la thèse précitée concernant la multitude des marques présentes sur le marché, la requérante n’a pas présenté de tels éléments.

22      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de retenir un degré d’attention élevé des consommateurs concernés.

 Sur la similitude des produits

 Arguments des parties

23      Selon la requérante, le degré de similitude est faible, étant donné qu’il n’y a pas d’interférence entre les « produits de toilette pour le rasage », visés par les marques antérieures, et les « préparations à usage non médical à utiliser lors d’un bain ou d’une douche ; antitranspirants ; désodorisants », visés par la marque demandée.

24      En effet, la marque demandée vise la famille générale des produits de soin du corps et des parfums, tandis que les marques antérieures concernent des produits pour le rasage. Selon la requérante, ces types différents de produits sont offerts dans des rayons différents dans les magasins.

25      En outre, si les produits visés par la marque demandée peuvent être utilisés à la rigueur comme substituts des produits pour le rasage, il peut en être ainsi seulement s’il s’agit de produits particulièrement doux ne contenant pas d’alcool. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce : sont proposés sous la marque demandée, en dehors de l’Union européenne, uniquement des produits destinés aux consommateurs actifs, au parfum prononcé ou bien contenant de l’alcool. Dès lors, les produits couverts par la marque demandée ne peuvent être utilisés en aucun cas pendant ou après le rasage.

26      L’OHMI estime que les produits visés par la marque demandée et ceux couverts par les marques antérieures sont fortement similaires étant donné qu’ils se complètent incontestablement.

27      En outre, il affirme que, dans le cadre de la comparaison des produits, seul l’état du registre est déterminant. Dès lors, la manière dont la requérante aurait l’intention d’utiliser la marque après son enregistrement est sans pertinence.

28      L’intervenante se rallie à l’argumentation de l’OHMI en soutenant que les produits en question sont fortement similaires, voire identiques. Elle illustre la similitude des produits par le fait que, d’une part, existent aujourd’hui des antitranspirants et désodorisants conçus spécifiquement pour être utilisés après le rasage des aisselles et, d’autre part, sa propre gamme de production inclut un gel de douche qui peut servir en même temps comme produit de rasage.

 Appréciation du Tribunal

29      Pour apprécier la similitude des produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon Kabushiki Kaisha/Metro-Goldwyn-Mayer, C‑39/97, Rec. p. I-5507, point 23).

30      Il convient d’observer qu’aux yeux du public pertinent, les produits concernés appartiennent à une même famille de produits et peuvent facilement être considérés comme des éléments d’une gamme générale de produits cosmétiques susceptibles d’avoir une origine commerciale commune (arrêt du Tribunal du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI, T‑85/02, non encore publié au Recueil, point 36).

31      En effet, ainsi que l’ont relevé l’OHMI et l’intervenante, les « préparations à usage non médical à utiliser lors d’un bain ou d’une douche; anti-transpirants; désodorisants » et les « produits de toilette pour le rasage » appartiennent à la même catégorie de produits, sont souvent utilisés simultanément ou les uns après les autres, ont la même finalité et sont distribués par les mêmes canaux.

32      Il s’ensuit que les produits en cause doivent être considérés comme similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, cette similitude pouvant être qualifiée de forte.

33      Est sans pertinence dans ce contexte l’utilisation qu’entend faire la requérante de la marque demandée. En effet, dans le cadre de la procédure d’opposition, l’OHMI peut seulement prendre en compte la liste de produits demandés telle qu’elle découle de la demande de marque concernée, sous réserve des modifications éventuelles de cette dernière.

 Sur la similitude des signes 

 Arguments des parties

34      La requérante soutient que la décision attaquée a limité à tort son examen au seul élément « XTREME » des marques concernées. En effet, pour apprécier le risque de confusion, il importe de s’attacher à l’impression d’ensemble, qui se compose de tous les éléments d’une marque.

35      Or, en ce qui concerne la marque demandée, la requérante estime que l’impression d’ensemble véhiculée par la marque demandée repose tout autant sur les éléments « RIGHT GUARD » et « SPORT » que sur le seul élément « XTREME ». Dès lors, c’est à tort que la chambre de recours a isolé, dans la marque demandée et dans les marques antérieures, l’élément « XTREME » en tant qu’élément dominant.

36      En effet, la requérante soutient que l’impression graphique de la marque demandée n’aboutit pas à ce qu’un élément particulier la domine clairement. Ainsi, s’il est vrai que la taille des caractères du terme « XTREME » est plus grande que celle des autres termes utilisés, il n’en résulterait pas pour autant que les termes « RIGHT GUARD » et « SPORT » ne puissent pas être perçus dans le commerce.

37      De plus, l’élément « RIGHT GUARD » est également mis en relief, grâce à l’utilisation de caractères bâtons épais.

38      Enfin, le terme « SPORT » est également important dans la marque demandée, puisqu’il s’associe conceptuellement avec le terme « XTREME » de sorte que le vocable « extreme sport » (sport extrême) s’impose aux consommateurs visés.

39      Le caractère descriptif éventuel des éléments « RIGHT GUARD » et « SPORT » ne saurait pas infirmer cette conclusion selon la requérante. En effet, elle estime que, d’une part, il n’est pas certain que le public allemand concerné comprendrait le vocable « RIGHT GUARD », et, d’autre part, même si tel était le cas, le consommateur concerné ne percevrait pas ce vocable comme descriptif, étant donné la pluralité de ses interprétations possibles et le fait qu’il ne se réfère pas nécessairement aux qualités des produits couverts par la marque demandée.

40      En outre, la requérante estime que le terme « XTREME », pris isolément, n’a qu’un caractère faiblement distinctif et n’est donc pas de nature à caractériser de façon déterminante la marque demandée ou les marques antérieures. En effet, d’une part, le terme « XTREME » est couramment utilisé, ce qui serait démontré par la multitude de marques identiques enregistrées en Allemagne pour la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice. D’autre part, ce même terme serait descriptif, étant donné qu’il se limite à faire allusion à l’effet particulier des produits qu’il désigne.

41      En ce qui concerne les marques antérieures, la requérante fait valoir, outre le caractère distinctif faible de l’élément « XTREME » mentionné au point précédent, que les termes « WILKINSON SWORD » représentent un élément distinctif supplémentaire qui doit être pris en compte.

42      Enfin, selon la requérante, il serait injustifié et illégal de conférer une protection autonome à un élément particulier d’une marque complexe. En effet, l’enregistrement d’une telle marque n’impliquerait pas une protection multiple de chacun de ses éléments, pris isolément.

43      La requérante conclut en affirmant que, au regard de l’impression d’ensemble, la marque demandée et les marques antérieures présentent des différences remarquables sur les plans visuel et phonétique.

44      L’OHMI réfute la thèse de la requérante. Il soutient, en se fondant notamment sur la représentation graphique, que le terme « XTREME » est l’élément dominant et caractéristique de la marque demandée et des marques antérieures.

45      Il conteste également que le terme « XTREME » ait un pouvoir distinctif limité. Il expose que, d’une part, la requérante n’a pas prouvé que ce terme soit courant dans les milieux germanophones, et que, d’autre part, il n’est pas descriptif des produits en cause.

46      En outre, les autres éléments des marques en question ont un caractère distinctif très restreint. En effet, « RIGHT GUARD » et « SPORT » seraient descriptifs de produits en cause, tandis que « WILKINSON SWORD » indique clairement le nom du fabricant.

47      Selon l’OHMI, existe donc d’une part, une similarité visuelle restreinte entre la marque demandée et les marques antérieures, et, d’autre part, des similitudes conceptuelle et phonétique dues au fait que le public concerné se focalisera sur l’élément dominant « XTREME » et l’utilisera dans la transmission orale.

48      L’intervenante se rallie à l’argumentation de l’OHMI.

49      Elle ajoute que le terme  « XTREME » ne peut pas être descriptif des produits visés, étant donné qu’elle a obtenu du Deutsches Patent- und Markenamt l’enregistrement de la marque verbale « XTREME », ce qui suffit à prouver le caractère distinctif du terme.

 Appréciation du Tribunal

50      Il convient d’observer que, même si la décision attaquée mentionne les deux marques antérieures, l’argumentation développée par la chambre de recours est principalement fondée sur l’une d’entre elles, à savoir la marque figurative n° 399 45 175. Pour vérifier la légalité de la décision attaquée, il convient donc, dans un premier temps, d’examiner l’existence d’une similitude entre la marque demandée et la marque n° 399 45 175 ainsi que l’existence du risque de confusion entre ces marques.

–       Critères d’appréciation de la similitude de signes

51      En vertu d’une jurisprudence constante, l’appréciation de la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle entre deux marques doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I-6191, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25).

52      Dans le cadre de cet examen, il convient d’observer que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêt Lloyd Schuhfabrik, précité, point 25). Ceci étant, ce consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques et doit se fier à l’image non parfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (arrêt Lloyd Schuhfabrik, précité, point 26).

53      Un élément d’une marque peut être considéré comme dominant lorsqu’il est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI - Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 33].

54      Lors de l’appréciation du caractère dominant d’un ou plusieurs éléments, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en le comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe (arrêt MATRATZEN, précité, point 35).

–       Sur la similitude visuelle

55      Sur le plan visuel, il y a lieu de considérer que, dans la marque demandée, le terme « XTREME » occupe une position centrale. En effet, la taille de ses lettres est plus grande que celle des autres composants verbaux, et le terme est mis en relief par un contour blanc. La lettre « X » est mise en exergue par une taille encore plus importante et par le fait qu’elle est entourée d’un cercle blanc. Les autres composants verbaux, « RIGHT GUARD » et « SPORT », sont écrits en caractères moins grands et sont décalés vers la droite et vers le bord du signe.

56      Il en est de même pour la marque n° 399 45 175. En effet, le terme « XTREME » est écrit en caractères gras et est représenté par une typographie plus grande et par une écriture penchée vers la droite. Ses lettres sont représentées dans une écriture claire avec un contour noir, la lettre « X » étant de taille plus importante que les autres lettres. L’autre composant verbal de la marque, à savoir « WILKINSON SWORD », se fond dans l’arrière‑plan et est représenté par une typographie plus petite. L’élément « III », quant à lui, se trouve à l’extrémité droite du signe en question et occupe une proportion relativement peu importante de celui‑ci.

57      Il s’ensuit de ce qui précède que, sur le plan visuel, le terme « XTREME » est l’élément dominant de la marque demandée ainsi que de la marque n° 399 45 175.

58      Contrairement aux affirmations de la requérante, cette conclusion ne revient pas à conférer une protection autonome à un élément isolé des marques en question. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 51 supra, l’appréciation de la similitude entre deux marques doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci. Or, cette impression peut être dominée par un élément de ces marques. Il ressort des points 55 à 57 supra que tel est le cas en l’espèce. Dès lors, la conclusion selon laquelle le consommateur concerné se focalisera sur cet élément dominant ne confère pas de protection autonome à ce dernier, mais au contraire résulte d’un examen de l’impression d’ensemble, conforme aux règles jurisprudentielles applicables en l’espèce.

59      Étant donné la similitude de présentation de l’élément dominant « XTREME » dans les deux marques en conflit, due notamment à la taille plus importante de ce dernier terme par rapport aux autres composants et sa position centrale, la taille relativement plus importante de la lettre « X » et l’utilisation d’une couleur différente ainsi que d’un contour pour mettre en exergue le composant « XTREME », il y a lieu de conclure à une similitude visuelle entre les marques en conflit.

–       Sur la similitude conceptuelle

60      Pour ce qui est de la similitude conceptuelle, il convient d’observer, dans un premier temps, que dans le cas des préparations cosmétiques telles que celles en cause en l’espèce, les clients choisissent généralement eux‑mêmes les produits qu’ils souhaitent acheter, ces derniers étant exposés à leurs yeux dans des rayons. Partant, la perception visuelle des marques interviendra, normalement, avant l’acte d’achat. L’aspect visuel revêt, de ce fait, plus d’importance dans l’appréciation globale du risque de confusion que les aspects conceptuel et phonétique.

61      Il convient également d’observer que selon une appréciation globale, ni la marque demandée, RIGHT GUARD XTREME SPORT, ni la marque n° 399 45 175, WILKINSON SWORD XTREME III, n’ont un sens conceptuel déterminé pour le consommateur concerné.

62      Ensuite, il convient de rejeter la thèse de la requérante selon laquelle le terme « XTREME » a un caractère distinctif faible, voire inexistant, et cela pour trois raisons.

63      En effet, le terme « XTREME » en tant que tel n’a pas de signification en allemand ou en anglais.

64      En deuxième lieu, la requérante n’a pas prouvé, à suffisance de droit, que ce terme est couramment utilisé dans les milieux germanophones et qu’il serait de ce fait compris par le consommateur allemand moyen comme signifiant « extrême ». En effet, les extraits des registres de marques présentés par la requérante ne peuvent pas étayer cette thèse. D’une part, la majorité des marques indiquées dans les extraits en question ne contiennent pas l’élément « XTREME », mais le vocable « EXTREME ». De telles marques ne sont pas pertinentes en l’espèce, étant donné que c’est notamment l’omission de la première lettre « e » qui peut contribuer au caractère distinctif du vocable « XTREME ». D’autre part, comme l’a correctement relevé l’OHMI, les extraits en question ne fournissent pas de renseignements sur la configuration des marques concernées, les produits spécifiques pour lesquels elles ont été enregistrées et leur usage.

65      En dernier lieu, le terme « XTREME » n’est pas descriptif des produits en cause. En effet, ce terme utilise un graphisme qui ne correspond pas aux règles de grammaire allemande ou anglaise. Même si l’on admettait qu’il serait perçu comme signifiant « extrême » par les consommateurs concernés, il n’en resterait pas moins que ce dernier mot ne détermine qu’un niveau exceptionnel d’une qualité. Ainsi, sans être suivi par une indication quelconque, le terme « extrême » est susceptible tout au plus de conférer une certaine image générale au produit qui en est pourvu, sans cependant se référer aux caractéristiques ou effets spécifiques de ce dernier.

66      Il y a lieu ensuite d’observer que les autres termes des marques en conflit, soit « RIGHT GUARD » et « SPORT » pour la marque demandée et « WILKINSON SWORD » et « III » pour la marque n° 399 45 175, ne sont pas susceptibles de neutraliser l’existence de l’élément dominant « XTREME ».

67      En effet, s’agissant du syntagme « RIGHT GUARD », d’une part, il occupe une position secondaire dans la marque demandée, étant donné sa taille inférieure ainsi que le fait qu’il est localisé dans la partie supérieure droite de la marque. Dès lors, le consommateur concerné, qui, ainsi qu’il a été exposé au point 60, ci-dessus, percevra l’aspect visuel de la marque avant l’acte de l’achat, n’accordera qu’une attention limitée à la signification conceptuelle de ce syntagme.

68      D’autre part, il convient d’observer que ce syntagme désigne une famille de produits de la requérante. Dès lors, sur le plan conceptuel, l’élément « RIGHT GUARD » n’est pas apte à distinguer un produit pourvu de la marque demandée de la gamme plus large des produits « RIGHT GUARD ». Il s’ensuit que, pour distinguer les divers produits de la requérante, le consommateur utilisera d’autres éléments de la marque demandée.

69      Le terme « SPORT », quant à lui, est descriptif des produits en cause. En effet, ce terme est utilisé habituellement dans le secteur des produits cosmétiques pour démarquer des variantes ou gammes de produits destinés à un consommateur sportif ou actif. Pour ce qui est de l’association entre les termes « XTREME » et « SPORT » invoquée par la requérante, une telle association dans le chef du consommateur concerné paraît peu probable, étant donné l’absence de tout lien entre ces éléments dans la présentation visuelle de la marque demandée ainsi que l’écriture inhabituelle du terme « XTREME ».

70      L’élément « WILKINSON SWORD », quant à lui, occupe  une position secondaire dans la marque n° 399 45 175. En effet, il est représenté par des lettres de petite taille et se trouve dans la partie supérieure de la marque, le résultat étant qu’il se fond dans une certaine mesure dans l’arrière-plan. Dès lors, l’attention accordée par le consommateur concerné à la signification conceptuelle de cet élément sera faible.

71      Enfin, l’élément « III » se borne à décrire une troisième version ou génération d’un produit « WILKINSON SWORD XTREME ». Dès lors, il est descriptif des produits en question.

72      Il s’ensuit de ce qui précède que, dans les deux marques en conflit, c’est l’élément « XTREME » qui a le caractère distinctif le plus élevé sur le plan conceptuel, les autres éléments revêtant une position secondaire, étant descriptifs des produits en cause ou encore indiquant la gamme générale à laquelle ces derniers appartiennent. Dès lors, l’examen de la similitude conceptuelle confirme que l’élément identique « XTREME » sera perçu par le consommateur concerné comme l’élément dominant de la marque demandée ainsi que de la marque n° 399 45 175. Il y a donc lieu de constater une similitude conceptuelle entre les deux marques.

–       Sur la similitude phonétique

73      Il y a lieu de relever, tout d’abord, que, ainsi qu’il a été exposé au point 60 supra, le degré de similitude phonétique entre les marques en conflit est d’une importance réduite dans la mesure où la perception visuelle des marques intervient avant l’acte d’achat.

74      Ensuite, ainsi qu’il a été exposé dans le cadre de l’examen de la similitude conceptuelle (voir points 60 à 72 supra), le consommateur concerné reconnaîtra que les éléments des deux marques en conflit autres que le vocable « XTREME » revêtent une importance secondaire, sont descriptifs des produits en question, ou encore indiquent la gamme plus générale à laquelle ces produits appartiennent. Dès lors, les autres éléments ne sont pas aptes à différencier les produits dans le chef du public pertinent. Il s’ensuit que, lors d’une reproduction orale des marques en question, le consommateur se focalisera sur l’élément « XTREME ». Dès lors, ce dernier élément est l’élément dominant des marques en conflit sur le plan phonétique.

75      Il y a donc lieu de conclure à une similitude phonétique.

 Sur le risque de confusion

 Arguments des parties

76      La requérante estime que les marques en conflit, comparées en fonction de l’impression d’ensemble qu’elles produisent, présentent des différences sur les plans phonétique et visuel.  De même, les produits concernés ne sont que faiblement similaires. Enfin, la marque n° 399 45 175 ne peut bénéficier que d’une protection limitée, étant donné le caractère distinctif faible de l’élément « XTREME ».

77      La requérante en déduit qu’il n’y a pas de risque de confusion en l’espèce.

78      L’OHMI et l’intervenante réfutent la thèse de la requérante. Selon eux, un risque de confusion existe pour le public allemand pertinent, étant donné le lien étroit existant entre les produits et la similitude des marques en conflit.

 Appréciation du Tribunal

79      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou services proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (arrêts Canon, précité, point 29, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 17).

80      Le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts Canon, précité, point 16, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 18). L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts Canon, précité, point 17, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19).

81      Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, il existe en l’espèce une forte similitude entre les produits et une similitude visuelle, conceptuelle et phonétique entre la marque demandée et la marque n° 399 45 175, véhiculée par l’élément dominant « XTREME » qui leur est commun.

82      En outre, il n’y a pas lieu d’écarter le risque de confusion en raison d’un caractère distinctif réduit de la marque n° 399 45 175. En effet, ainsi qu’il a été exposé aux points 62 à 65 supra, il n’y a pas lieu de considérer que le caractère distinctif du vocable « XTREME » est particulièrement faible. De surcroît, même à admettre une restriction éventuelle du caractère distinctif de la marque n° 399 45 175, la similitude constatée entre les produits en cause et, en outre, entre la marque demandée et la marque n° 399 45 175, est suffisamment forte pour exclure qu’une telle restriction puisse écarter le risque de confusion en l’espèce.

83      Il s’ensuit qu’il existe pour le public pertinent un risque de confusion entre la marque demandée et la marque n° 399 45 175. Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en constatant l’existence d’un risque de confusion entre ces deux marques.

84      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours sans qu’il soit nécessaire pour le Tribunal de s’exprimer sur la similitude entre la marque demandée et l’autre marque antérieure.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 avril 2005.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       J.Pirrung


* Langue de procédure : l'allemand.