DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
19 janvier 2021 (*)
« Procédure – Taxation de dépens »
Dans l’affaire T‑212/18 DEP,
Karolina Romańska, demeurant à Varsovie (Pologne), représentée par Me A. Tetkowska, avocate,
partie requérante,
contre
Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX), représentée par MM. H. Caniard et S. Drew, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande de taxation des dépens à rembourser par la partie requérante à la partie défenderesse à la suite de l’ordonnance du 6 septembre 2019, Romańska/Frontex (T‑212/18, non publiée, EU:T:2019:581),
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend la présente
Ordonnance
Faits, procédure et conclusions des parties
1 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mars 2018, la requérante, Mme Karolina Romańska, a introduit un recours fondé sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 14 juin 2017 par laquelle le directeur exécutif de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), agissant en qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, avait résilié son contrat d’engagement avec effet à l’issue d’une période de préavis de huit mois et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’elle avait prétendument subi en raison de la discrimination et du harcèlement moral que Frontex lui aurait infligés et dont la décision de licenciement aurait constitué l’aboutissement.
2 Par ordonnance du 6 septembre 2019, Romańska/Frontex (T‑212/18, non publiée, EU:T:2019:581) (ci-après l’« ordonnance statuant sur l’affaire principale »), le Tribunal a rejeté l’intégralité du recours comme étant manifestement irrecevable et, en application de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, a condamné la requérante aux dépens, conformément aux conclusions de Frontex.
3 Par lettre du 24 octobre 2019, Frontex a demandé à la requérante de lui régler le montant des dépens qu’elle avait exposés pour l’assistance juridique externe au titre de la procédure dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance statuant sur l’affaire principale, qu’elle a chiffrés à la somme de 15 058,49 euros. Elle a invité la requérante à prendre les mesures appropriées pour se conformer à ladite ordonnance en procédant au remboursement de la somme en question dans un délai de vingt-huit jours.
4 Par lettre du 14 novembre 2019, la requérante a demandé à Frontex de fournir la preuve du paiement de la somme visée au point 3 ci-dessus au titre des dépens et d’envisager de la libérer intégralement de l’obligation de payer le montant demandé, soit de réduire considérablement le montant demandé ou d’entamer des négociations.
5 Par lettre du 28 novembre 2019, Frontex a appelé l’attention de la requérante sur le fait que le montant demandé ne concernait que les coûts nets de l’assistance juridique externe. Afin de régler le litige à l’amiable, Frontex a proposé à la requérante de réduire le montant à rembourser à la hauteur de 11 000 euros et de prolonger le délai de remboursement de ce montant jusqu’au 24 février 2020. Ce courrier comportait, en tant qu’annexes, cinq factures émises par les avocats ayant assisté les agents de Frontex dans la procédure principale.
6 Par lettre du 4 décembre 2019, la requérante a proposé à Frontex de s’abstenir de poursuivre le recouvrement de tous les dépens, qu’elle estimait en tout état de cause être d’un montant non supérieur à 1 000 euros, en échange du retrait du pourvoi qu’elle avait introduit devant la Cour de justice à l’encontre de l’ordonnance statuant sur l’affaire principale.
7 Ne considérant pas la renonciation au recouvrement des dépens comme une offre sérieuse et acceptable, par lettre du 23 décembre 2019, Frontex a communiqué à la requérante son intention de saisir le Tribunal par voie de demande de taxation des dépens.
8 L’ordonnance statuant sur l’affaire principale est devenue définitive, dès lors que, le 10 janvier 2020, la requérante s’est désistée de son pourvoi, et, par ordonnance du président de la Cour du 31 janvier 2020, Romańska/Frontex (C‑839/19 P, non publiée, EU:C:2020:107), l’affaire C‑839/19 P a été radiée du registre de la Cour.
9 Aucun accord n’étant intervenu entre les parties sur le montant total des dépens récupérables, Frontex a, par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 juin 2020, et sur le fondement de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure, introduit une demande de taxation des dépens, par laquelle elle a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de :
– fixer à 15 058,49 euros le montant des dépens récupérables que la requérante doit lui rembourser à la suite de l’ordonnance statuant sur l’affaire principale ;
– condamner la requérante à supporter ses propres dépens et à ceux exposés par Frontex dans le cadre de la présente procédure.
10 Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 31 août 2020, la requérante a pris position sur la demande de taxation des dépens et a conclu, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal de :
– l’exonérer de l’obligation de payer les dépens exposés par Frontex à la suite de l’ordonnance statuant sur l’affaire principale ;
– à titre subsidiaire, en cas de rejet de la demande précédente, fixer à 1 000 euros les dépens récupérables dont le remboursement lui incombe à la suite de l’ordonnance statuant sur l’affaire principale ;
– condamner Frontex à ses propres dépens ainsi qu’à ceux exposés par la requérante aux fins de la présente procédure.
En droit
11 Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.
12 Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, d’un conseil ou d’un avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnances du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 13 et jurisprudence citée, et du 27 janvier 2016, ANKO/Commission et REA, T‑165/14 DEP, non publiée, EU:T:2016:108, point 18 et jurisprudence citée).
13 En fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de la signature de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens [ordonnance du 26 octobre 2017, Cosmowell/EUIPO – Haw Par (GELENKGOLD), T‑599/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:770, point 16 et jurisprudence citée].
14 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.
Sur les honoraires d’avocat
15 En ce qui concerne la procédure dans l’affaire principale, l’avocat de langue polonaise auquel Frontex s’est adressée a presté des services correspondant à 147,25 heures à un taux horaire variable entre 34,22 euros pour 93,50 heures de travail, 116,36 euros pour 27,50 heures de travail et 121,90 euros pour 26,25 heures de travail, ce qui a donné lieu à un montant de 9 600 euros au total. L’avocat anglophone a presté des services correspondant à 21,83 heures, à un taux horaire de 250 euros, ce qui a donné lieu à un montant de 5 458,33 euros au total. En ce qui concerne la procédure de taxation des dépens, aucune somme n’a été demandée par Frontex à ce titre.
16 Dès lors, il convient d’examiner dans quelle mesure le montant de 15 058,49 euros (rectius 15 058,33 euros), demandé par Frontex au titre des honoraires des avocats externes auxquels elle a eu recours aux fins de l’affaire principale (voir point 15 ci-dessus) relève des dépens récupérables.
17 À titre liminaire, premièrement, il doit être rappelé que, selon la jurisprudence, il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, que les institutions de l’Union européenne, et, par analogie, ses organes et organismes, tels que Frontex, sont, en ce qui concerne la façon dont elles entendent se faire représenter ou assister devant le juge de l’Union, libres de décider de recourir à l’assistance d’un avocat. Partant, lorsque ces institutions ou ces organes ou organismes se font assister d’un avocat, qu’ils doivent rémunérer, la rémunération de cet avocat entre dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure, sans que cette institution ou cet organe ou cet organisme soit tenu de démontrer que l’intervention de cet avocat ou de cette personne était objectivement justifiée (voir, en ce sens, ordonnance du 11 décembre 2014, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P‑DEP, EU:T:2014:1083, point 24 jurisprudence citée).
18 Les arguments de la requérante, selon lesquels Frontex dispose d’un service juridique ayant pour unique tâche de fournir une assistance juridique, de sorte que non seulement il n’aurait pas été nécessaire de recourir à une assistance juridique externe, mais qu’un choix en ce sens relèverait d’une erreur manifeste de gestion, ne saurait dès lors prospérer.
19 Deuxièmement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union européenne n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens (voir ordonnance du 26 octobre 2017, GELENKGOLD, T‑599/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:770, point 14 et jurisprudence citée). En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 17 et jurisprudence citée).
20 Troisièmement, il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (voir ordonnances du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 18 et jurisprudence citée, et du 30 avril 2018, European Dynamics Belgium e.a./EMA, T‑158/12 DEP, non publiée, EU:T:2018:295, point 12 et jurisprudence citée).
21 Ainsi, il y a lieu d’examiner si, au regard de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union, de la complexité et des difficultés de la cause, de l’intérêt économique que le litige a représenté pour les parties, ainsi que de l’ampleur du travail effectué, le montant des dépens réclamés est justifié.
22 En l’espèce, la requérante fait valoir que l’affaire principale ne présentait, quant à son objet et à sa nature, aucune complexité, qu’elle ne revêtait pas une importance particulière sous l’angle du droit de l’Union et que, même si l’affaire en question revêtait évidemment un intérêt économique pour Frontex, celle-ci n’avait présenté aucun élément de preuve démontrant que, en l’espèce, cet intérêt était exceptionnel ou sensiblement différent de celui inhérent à tout recours formé contre une décision. Elle ajoute que rien ne justifiait de rédiger les mémoires en anglais, puisque la langue de la procédure était le polonais ni obligeait Frontex à recourir aux services de plusieurs cabinets d’avocats en même temps, y compris d’un cabinet polonais, ce qui aurait généré des coûts de traduction. Quant à l’ampleur du travail fourni par les avocats externes, l’affaire principale n’aurait impliqué ni une nouvelle question juridique ni une question de fait complexe, la préparation des mémoires n’aurait posé aucune difficulté majeure, étant donné que Frontex disposait d’une connaissance approfondie de l’affaire et que sa défense aurait simplement consisté à reprendre la décision attaquée et la motivation qui en ressortait, de sorte qu’une telle ampleur serait négligeable.
23 D’emblée, il convient d’observer que Frontex n’a pas demandé à la requérante le remboursement des frais de traduction qu’elle aurait encourus, de sorte que les observations de la requérante à cet égard sont dénuées de pertinence.
24 Il convient ensuite de relever que, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, et bien que l’affaire principale ne revêtait pas d’importance particulière sous l’angle du droit de l’Union, ladite affaire posait des questions juridiques délicates, telle que, notamment, celles afférentes à l’éventuelle constatation d’un harcèlement et d’une discrimination prétendument perpétrés par Frontex à l’égard de la requérante. En outre, eu égard au montant des dommages et intérêts réclamés par la requérante, soit 100 000 euros, Frontex disposait d’un intérêt économique certain à ce que le recours de la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée et à la réparation du préjudice qu’elle avait prétendument subi soit rejeté.
25 Ainsi, l’affaire principale présentait une certaine difficulté sans atteindre, pour autant, un degré élevé de complexité, au vu des questions sensibles qu’elle soulevait sur le fond et de l’enjeu économique considérable qu’elle impliquait.
26 En ce qui concerne l’ampleur du travail que la procédure devant le Tribunal dans l’affaire principale a pu engendrer pour les représentants de Frontex, il appartient au juge de tenir compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de cette procédure (ordonnances du 1er octobre 2013, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P-DEP, EU:C:2013:644, point 22, et du 20 novembre 2002, Spruyt/Commission, T‑171/00 DEP, EU:T:2002:277, point 29).
27 À cet égard, la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (voir ordonnance du 16 octobre 2017, NeXovation/Commission, T‑353/15 DEP, non publiée, EU:T:2017:737, point 28 et jurisprudence citée). Pour autant, le juge de l’Union n’est pas lié par le décompte déposé par la partie qui entend récupérer des dépens [ordonnances du 14 juillet 2015, Ntouvas/ECDC, T‑223/12 DEP, non publiée, EU:T:2015:570, point 20, et du 17 avril 2018, Matratzen Concord/EUIPO – Barranco Rodriguez et Barranco Schnitzler (Matratzen Concord), T‑526/14 DEP, non publiée, EU:T:2018:200, point 22].
28 En l’espèce, Frontex a déposé un mémoire en défense puis une duplique. La procédure n’a pas nécessité la tenue d’une audience. Les seuls dépens récupérables sont donc ceux liés aux honoraires d’avocat afférents à l’étude du dossier et à la rédaction de ces mémoires.
29 Frontex soutient avoir rencontré des difficultés particulières dans le traitement de l’affaire principale, notamment afin de réaliser une analyse détaillée de la requête. Selon elle, ces difficultés justifient que le temps de travail indispensable aux fins de la rédaction de son mémoire en défense relative à l’affaire principale s’élève à 109,83 heures de travail, et aux fins de la rédaction de sa duplique à 59,25 heures de travail, pour un montant global de 169,08 heures de travail.
30 Frontex a produit deux factures, des 29 juin et 17 juillet 2018, qui font état d’un montant de 7 283,33 euros au titre des honoraires d’avocat afférents au volume d’heures prestées pour la préparation du mémoire en défense. Ces factures énumèrent, dans un décompte, l’ensemble des prestations effectuées à cette fin. Il ressort de ce décompte que les heures comptabilisées concernent l’analyse du dossier, la préparation et la rédaction du mémoire en défense, des consultations téléphoniques et des réunions avec Frontex en ce qui concerne l’affaire et d’autres questions transversales. De même, Frontex a produit trois factures, des 31 juillet, 26 novembre et 20 décembre 2018, qui font état d’un montant de 7 775 euros afférents au volume d’heures prestées aux fins de la préparation de la duplique, pour des prestations analogues.
31 Il y a lieu de constater que la requête dans l’affaire principale se composait de 9 pages et comportait des nombreuses annexes pour un total de 743 pages. La réplique comportait 5 pages.
32 À cet égard, il doit être rappelé que le Tribunal a rejeté l’intégralité du recours introduit par la requérante comme étant manifestement irrecevable. En particulier, il a rejeté les conclusions en annulation, dès lors qu’elles ne s’appuyaient pas sur des moyens et des arguments clairement énoncés et qu’elles n’étaient pas étayées par des éléments de preuve, contrairement aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure et des dispositions pratiques d’exécution dudit règlement, dont il découle que, sous peine d’irrecevabilité, les moyens et arguments invoqués au soutien d’un recours doivent être exposés au sein de la requête de manière suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur ce recours. Le Tribunal a également rejeté les conclusions indemnitaires, dans la mesure où les arguments de la requérante ne permettaient pas de déterminer si les dommages invoqués trouvaient leur origine dans la décision attaquée ou dans un comportement de l’administration dépourvu de contenu décisionnel, et, d’autre part, la requérante se bornait à formuler des affirmations de principe sans pour autant soutenir que les trois conditions indispensables à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de Frontex étaient remplies (ordonnance du 6 septembre 2019, Romańska/Frontex, T‑212/18, non publiée, EU:T:2019:581, points 51, 56 et 57).
33 Il s’ensuit que, aux fins de la rédaction du mémoire en défense et de la duplique, les représentants de Frontex ont nécessairement dû accomplir un travail considérable, tout d’abord, pour reconstruire les faits à l’origine du litige, que la requérante avait présentés de manière peu intelligible, ensuite, pour chercher à identifier, parmi les propos confus de la requérante, quels étaient les griefs effectivement soulevés, et, enfin, pour répondre à ceux-ci, que ce soit sur la recevabilité ou sur le fond. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la rédaction peu explicite d’une pièce de procédure est un facteur dont le Tribunal doit tenir compte lorsqu’il statue sur les dépens récupérables [voir, en ce sens, ordonnances du 7 septembre 2017, Marcuccio/Commission, T‑324/14 P‑DEP, non publiée, EU:T:2017:592, point 24, et du 9 avril 2018, Real Express/OHMI – MIP Metro (real), T‑580/13 DEP, non publiée, EU:T:2018:185, point 28].
34 Dans ce contexte, il y a lieu d’observer que Frontex ne pouvait pas anticiper dans quelle mesure le Tribunal ferait application de l’article 76, sous d), du règlement de procédure qu’elle avait invoqué, de sorte qu’elle devait essayer de fournir un maximum d’éléments dans son mémoire en défense, qui, d’ailleurs, comportait 19 pages et de nombreuses annexes pour un total de 292 pages, alors que la duplique en comportait 7. En outre, il doit être relevé que, s’il est vrai que les avocats représentant Frontex bénéficiaient du soutien des agents de cette dernière, l’expertise acquise par ceux-ci dans leurs fonctions ne pouvait pas être d’une grande utilité en l’espèce, au vu des caractéristiques de la requête mises en exergue au point 32 ci-dessus (voir, en ce sens, ordonnance du 18 juin 2018, Gaki/Europol, T‑366/16 DEP, non publiée, EU:T:2018:364, point 25).
35 Toutefois, d’une part, il apparaît que certaines des heures réclamées se réfèrent à des prestations qui, en l’espèce, n’étaient pas indispensables pour le déroulement de la procédure contentieuse et ne peuvent, par conséquent, être considérées comme relevant des dépens récupérables. Il s’agit du temps consacré à la consultation téléphonique sur la question du Brexit (0,33 heures), ainsi que des heures dédiées à la lecture (0,33 heures) et l’apposition des modifications d’ordre linguistique dans des versions des mémoires de Frontex autres que celles dans la langue de procédure (4 heures), même si elles ne peuvent pas être considérées comme des coûts de traduction que Frontex n’a pas réclamés (voir point 23 ci-dessus).
36 D’autre part, s’il apparaît qu’une partie des heures de travail est objectivement justifiée en raison de l’effort particulier des représentants de Frontex (voir point 33 ci-dessus), lequel a par ailleurs nécessité l’analyse d’un certain nombre de documents d’un volume important, et même si elle ne pouvait pas anticiper l’issue de la procédure (voir point 34 ci-dessus), il n’en demeure pas moins que Frontex pouvait à tout le moins s’attendre à ce que le Tribunal examine les différentes fins de non-recevoir qu’elle avait soulevées dans son mémoire en défense, parmi lesquelles figurait celle fondée sur le non-respect de la condition prévue à l’article 76, sous d), du règlement de procédure. Le dépôt d’une exception d’irrecevabilité conformément à l’article 130 du règlement de procédure aurait permis à Frontex de ne pas engager immédiatement le débat au fond de l’affaire et, ainsi, de réduire conséquemment son engagement défensif initial. Par ailleurs, la réplique ayant comporté les mêmes interrogations quant à son intelligibilité, sans que de nouveaux éléments sur le fond ne soient formulés par la requérante, Frontex a pu reprendre les arguments qu’elle avait déjà développés dans son mémoire en défense dans le cadre de sa duplique.
37 Ainsi, 109,50 heures, consacrées à la préparation et à la rédaction du mémoire en défense, et 54,92 heures, consacrées à la préparation et à la rédaction de la duplique, n’apparaissent pas, dans leur intégralité, objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure, et ce malgré la singularité de l’affaire.
38 Dans ces circonstances, seules 50 heures de travail peuvent relever des dépens récupérables en l’espèce au titre de la rédaction du mémoire en défense et 15 heures de travail au titre de la rédaction de la duplique, et ce indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels ledit travail a été réparti (voir, en ce sens, ordonnance du 9 novembre 2016, BCE/von Storch e.a., C‑64/14 P‑DEP, non publiée, EU:C:2016:846, point 17 et jurisprudence citée).
39 En ce qui concerne le taux horaire à retenir, il convient de rappeler que, en l’absence, dans l’état actuel du droit de l’Union, de barème à cet égard, ce n’est que dans l’hypothèse où le taux horaire moyen facturé apparaît manifestement excessif que le Tribunal peut s’en écarter et fixer ex æquo et bono le montant des honoraires d’avocat récupérables (voir, en ce sens, ordonnance du 4 juillet 2017, AESA/Heli-Flight, C‑61/15 P‑DEP, non publiée, EU:C:2017:530, point 16).
40 En outre, la prise en compte d’un taux horaire d’un niveau élevé n’apparaît appropriée que pour rémunérer les services de professionnels ayant accompli leur mission de façon efficace et rapide et doit, par voie de conséquence, avoir pour contrepartie une évaluation nécessairement stricte du nombre total d’heures de travail indispensable aux fins de la procédure contentieuse (voir, en ce sens, ordonnance du 30 avril 2018, European Dynamics Belgium e.a./EMA, T‑158/12 DEP, non publiée, EU:T:2018:295, point 23 et jurisprudence citée).
41 En l’espèce, l’avocat de langue polonaise auquel Frontex s’est adressée a appliqué trois différents taux horaires, soit 34,22 euros, 116,36 euros et 121,90 euros, alors que l’avocat anglophone a appliqué un taux horaire de 250 euros (voir point 15 ci-dessus). Dans ces circonstances, un taux horaire moyen de 130,62 euros doit être retenu.
42 Ainsi, à la lumière des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des dépens récupérables par Frontex dans l’affaire principale auprès de la requérante en fixant leur montant à 8 490,30 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à la date d’adoption de la présente ordonnance.
43 Quant à l’argument de la requérante, tiré du fait que Frontex n’a pas le droit de s’enrichir d’une quelconque manière, d’autant moins en conséquence d’une procédure judiciaire, il suffit de relever que les dépens dont le remboursement est disposé en vertu de l’ordonnance statuant sur l’affaire principale se limitent à ceux que Frontex a exposés pour l’assistance juridique externe au titre de l’affaire principale, de sorte qu’aucun enrichissement sans cause dans le chef de Frontex ne pourrait être constaté.
44 De même, contrairement à ce que la requérante prétend, il n’existe pas non plus de limitation du droit à un tribunal des ressortissants qui ne disposeraient de ressources suffisantes pour pouvoir faire valoir leurs droits devant les instances judiciaires européennes ni une violation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dans la mesure où toute personne qui, en raison de sa situation économique, est dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais de l’instance a le droit de bénéficier de l’aide juridictionnelle, conformément aux articles 146 à 150 du règlement de procédure et aux dispositions pratiques d’exécution de celui-ci (points 1, 17 à 19, 33, 51, 57, 120, 121 et 198 à 207).
45 La requérante n’ayant pas demandé d’être admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle avant l’introduction du recours ou tant que celui-ci était pendant, les difficultés financières dans lesquelles elle se trouverait à ce jour ne sauraient toutefois la relever de l’obligation dérivant de l’ordonnance statuant sur l’affaire principale.
46 Par ailleurs, il doit être observé que, comme le fait remarquer en substance Frontex, la requérante a alourdi la procédure en raison de la structure et de la formulation très confuses de ses écrits, qui n’en rendait pas leur compréhension évidente, ce qui a notamment conduit le Tribunal à déclarer le recours manifestement irrecevable dans la mesure où il n’était pas conforme aux exigences prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure.
Sur la demande de la requérante de condamnation de Frontex aux dépens de la présente procédure
47 La demande de la requérante tendant à ce que le Tribunal condamne Frontex à supporter les dépens de la présente procédure de taxation des dépens doit être rejetée. En effet, il convient de rappeler que, lorsqu’il fixe les dépens récupérables, le Tribunal n’est pas tenu de statuer séparément sur les frais exposés aux fins de cette procédure, puisque, à la différence de l’article 133 du règlement de procédure, qui prévoit qu’il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance, une telle disposition ne figure pas à l’article 170 dudit règlement [voir ordonnance du 13 mars 2017, Euroscript – Polska/Parlement, T‑48/12 DEP, non publiée, EU:T:2017:193, point 44 et jurisprudence citée ; ordonnance du 13 mai 2019, Giant (China)/Conseil, T‑425/13 DEP, non publiée, EU:T:2019:340, point 48].
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
ordonne :
1) Le montant total des dépens à rembourser par Karolina Romańska à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX) est fixé à la somme de 8 490,30 euros.
2) La demande de Karolina Romańska de condamner Frontex aux dépens de la présente procédure est rejetée.
Fait à Luxembourg, le 19 janvier 2021.