Language of document : ECLI:EU:T:2021:605

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

22 septembre 2021 (*) (1)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur d’appréciation – Proportionnalité – Droit de propriété – Atteinte à la réputation »

Dans l’affaire T‑203/20,

Maher Al-Imam, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me M. Brillat, avocate,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. V. Piessevaux et Mme M.-C. Cadilhac, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14), du règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1), de la décision d’exécution (PESC) 2020/212 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 43 I, p. 6), du règlement d’exécution (UE) 2020/211 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 43 I, p. 1), de la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 168, p. 66), et du règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 168, p. 1), en tant que ces actes visent le requérant et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi du fait de ces actes,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

1        Le requérant, M. Maher Al-Imam, est un homme d’affaires de nationalité syrienne.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant n’y figurait pas lors de l’adoption de la décision en question.

4        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). Ce règlement est, pour l’essentiel, identique à la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste des personnes, des entités et des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés à ces responsables, figurant à l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement no 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

5        Par la décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782 prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure à l’annexe I.

6        Le règlement no 442/2011 a été remplacé par le règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1).

7        La décision 2011/782 a été remplacée par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO 2012, L 330, p. 21), elle-même remplacée par la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14).

8        Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/1836 modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75). Le même jour, il a adopté le règlement (UE) 2015/1828 modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1).

9        Aux termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, « [l]e Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’[était] en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein », et « [l]e Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par le Conseil et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de les empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression ».

10      La rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » sauf « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

11      Le règlement 2015/1828 a modifié, notamment, la rédaction de l’article 15 du règlement no 36/2012 afin d’y intégrer les nouveaux critères d’inscription définis par la décision 2015/1836 et introduits dans la décision 2013/255.

A.      Sur l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes figurant à l’annexe I de la décision 2013/255 et à l’annexe II du règlement no 36/2012

12      Par la décision d’exécution (PESC) 2020/212 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2020, L 43 I, p. 6), et le règlement d’exécution (UE) 2020/211 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 43 I, p. 1) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes initiaux »), le nom du requérant a été inséré à la ligne 289 du tableau A des listes des noms des personnes, entités et organismes visés par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe I de la décision 2013/255 et à l’annexe II du règlement no 36/2012 (ci-après, dénommées ensemble, les « listes en cause »), avec mention des motifs suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et ayant des intérêts financiers dans le tourisme, les télécommunications et l’immobilier. En tant que directeur général de [Telsa Group LLC] et de Castro LLC, appuyés par le régime, et du fait de ses autres intérêts financiers, Mahir Burhan Eddine Al-Imam tire avantage du régime et soutient sa politique de financement et de lobbying ainsi que sa politique de construction. »

13      Le 18 février 2020, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis à l’attention des personnes et entités qui faisaient l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2020, C 55, p. 7). Les personnes et entités concernées par cet avis pouvaient, conformément à ce dernier, adresser au Conseil, avant le 1er mars 2020, une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur les listes en cause.

1.      Sur la demande d’accès aux documents conformément au règlement (CE) no 1049/2001

14      Le 6 mars 2020, les représentants du requérant ont demandé au Conseil, sur le fondement de l’article 7 du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), d’avoir accès à tous les documents sur la base desquels avait été prise la décision d’inscrire le nom du requérant dans l’annexe de la décision d’exécution 2020/212.

15      Par lettre du 7 avril 2020 (ci-après la « lettre du 7 avril 2020 »), le Conseil a répondu à la demande du requérant mentionnée au point 14 ci-dessus. D’une part, le Conseil a communiqué au requérant, en premier lieu, les documents portant les références ST 5863/20 et ST 5864/20, incluant les propositions de texte relatives aux actes initiaux ; en deuxième lieu, le document portant la référence ST 6019/20, incluant la note « I/A » soumise par son secrétariat général au Comité des représentants permanents (Coreper) et à ses propres services en vue de l’adoption des actes initiaux et, enfin, en troisième lieu, les documents portant les références ST 5862/20 et ST 5860/20 contenants les propositions que lui a soumises le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité concernant les actes initiaux.

16      D’autre part, le Conseil a indiqué au requérant que l’accès du public aux documents portant la référence WK 1747/2020 INIT, comprenant les éléments de preuve venant au soutien des motifs de l’inscription de son nom sur les listes en cause (ci-après le « document WK 1747/2020 »), et la référence COREU 0006/20, contenant des considérations générales introductives communiquées aux délégations des États membres (ci-après le « document COREU 0006/20 »), ne pouvait être accordé. En particulier, le Conseil a signalé que ce dernier document était classifié « restreint UE/EU restricted » et que sa divulgation non autorisée pouvait porter atteinte aux intérêts de l’Union ou d’un ou de plusieurs de ses États membres. En effet, selon le Conseil, en substance, la divulgation de ces deux documents aurait porté atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité publique et les relations internationales, ainsi qu’à la protection de la vie privée et de l’intégrité des individus dont le nom était mentionné dans lesdits documents.

17      Par lettre du 10 avril 2020, les représentants du requérant ont présenté une demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Ils ont également contesté les explications fournies par le Conseil dans la lettre du 7 avril 2020 afin de justifier son refus d’octroyer l’accès du public aux documents WK 1747/2020 et COREU 0006/20. Par lettre du 4 juin 2020, le Conseil a, en substance, contesté les arguments présentés par le requérant et confirmé sa réponse figurant dans la lettre du 7 avril 2020.

2.      Sur la demande d’accès au dossier concernant le requérant

18      Le 8 mars 2020, les représentants du requérant ont demandé au Conseil de leur fournir une copie complète de la décision concernant le requérant ainsi que tout autre élément figurant au dossier concernant cette décision. Cette demande a été réitérée le 23 mars 2020.

19      Par lettre du 6 avril 2020, le Conseil a répondu à la demande du requérant, mentionnée au point 18 ci-dessus, et lui a communiqué le document WK 1747/2020. Par cette lettre, le Conseil a également signalé au requérant que le document WK 1747/2020 ne devait pas être divulgué au public, sur la base du règlement no 1049/2001.

20      À la suite d’une demande des représentants du requérant, du 11 avril 2020, le Conseil a communiqué à ce dernier, le 14 mai 2020, un extrait déclassifié du document COREU 0006/20.

B.      Sur le maintien du nom du requérant sur les listes en cause

21      Le 28 mai 2020, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2020/719, modifiant la décision 2013/255 (JO 2020, L 168, p. 66), et le règlement d’exécution (UE) 2020/716, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 168, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien »). En vertu des actes de maintien, l’application de la décision 2013/255 a été prorogée jusqu’au 1er juin 2021. Le nom du requérant a été maintenu à la ligne 289 du tableau A des listes en cause sur la base de motifs identiques à ceux retenus dans les actes initiaux.

22      Le 29 mai 2020, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’avis à l’attention des personnes et entités qui faisaient l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2020, C 180, p. 10).

23      Le 2 juin 2020, le Conseil a informé les représentants du requérant de l’adoption des actes de maintien ainsi que de la possibilité de solliciter, avant le 1er mars 2021, un réexamen de la décision par laquelle son nom avait été inscrit sur les listes en cause.

II.    Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 avril 2020, le requérant a introduit le présent recours ayant pour objet une demande tendant à l’annulation de la décision 2013/255, du règlement no 36/2012 et des actes initiaux, en tant que ces actes le concernent.

25      Le même jour, le requérant a déposé une demande de traitement prioritaire, en vertu de l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, laquelle a été rejetée par décision du président de la quatrième chambre du Tribunal du 4 juin 2020.

26      Le 23 avril 2020, le requérant a déposé une demande d’anonymat, en vertu de l’article 66 du règlement de procédure, laquelle a été rejetée par décision du Tribunal du 15 juin 2020, étant donné que les données en question, en particulier les éléments d’identification, étaient présentes dans les décisions attaquées, elles-mêmes publiées au Journal officiel, et étaient donc devenues publiques. En revanche, la décision de rejet de la demande d’anonymat était adoptée sans préjudice de l’accueil de la demande d’omission des données économiques et des données relatives à des tiers.

27      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 juillet 2020, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, adapté la requête, de sorte que celle-ci vise également l’annulation des actes de maintien, en tant que ces actes le visent.

28      Le 27 juillet 2020, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

29      Le 10 septembre 2020, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal les observations sur le mémoire en adaptation.

30      La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 14 septembre et le 26 octobre 2020.

31      La phase écrite de la procédure a été clôturée le 26 octobre 2020.

32      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 10 mars 2021, demandé aux parties de répondre à une série de questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

33      En l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai imparti, le 26 mai 2021, le Tribunal (quatrième chambre) a, sur proposition du juge rapporteur, décidé de statuer sans phase orale de la procédure.

34      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        constater l’illégalité de la décision 2013/255, du règlement no 36/2012, des actes initiaux et des actes de maintien, en tant que ces actes le concernent ;

–        par conséquent, annuler la décision 2013/255, le règlement no 36/2012, les actes initiaux et les actes de maintien, en tant que ces actes le concernent ;

–        premièrement, condamner le Conseil à lui payer, d’une part, la somme de 10 000 euros et, d’autre part, la somme de 15 000 euros par semaine à compter du 18 février 2020 en réparation, respectivement, du préjudice matériel et du préjudice immatériel subis en raison de l’adoption des mesures restrictives à son égard, puis, deuxièmement, condamner le Conseil à réparer tout préjudice futur qu’il aura à subir du fait de l’adoption des mesures restrictives à son égard ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

35      Concernant les trois demandes indemnitaires formulées par le requérant, ce dernier a précisé, dans la réplique, que, pour la détermination du montant d’indemnisation demandé, la date de fin de la période pertinente devrait être la date du prononcé de l’arrêt du Tribunal.

36      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        à titre subsidiaire, si les actes initiaux et les actes de maintien (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») sont annulés en ce qui concerne le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision d’exécution 2020/212 et de la décision 2020/719 en ce qui concerne le requérant jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle des règlements d’exécution 2020/211 et 2020/716 ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur le deuxième chef de conclusions du requérant

37      Par son deuxième chef de conclusions, le requérant demande à ce qu’il plaise au Tribunal de constater l’illégalité de la décision 2013/255, du règlement no 36/2012 et des actes attaqués, en tant que ces actes le concernent.

38      D’une part, il convient de relever que le requérant n’a pas formellement soulevé une exception d’illégalité à l’encontre de la décision 2013/255 et du règlement no 36/2012 au titre de l’article 277 TFUE.

39      À cet égard, il y a lieu de préciser qu’il n’existe pas d’exigence d’invocation formelle d’une exception d’illégalité en droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil, T‑346/14, EU:T:2016:497, point 56, et du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil, T‑348/14, EU:T:2016:508, point 57). En effet, la jurisprudence permet de considérer qu’une exception d’illégalité a été soulevée implicitement, dans la mesure où il ressort relativement clairement de la requête que le requérant formule en fait un tel grief (arrêt du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑262/94, EU:T:1996:75, point 37). Cependant, tel n’est pas le cas en l’espèce. En particulier, ainsi que le signale le Conseil en réponse à une question formulée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le requérant n’a pas signalé les dispositions de la décision 2013/255 et du règlement no 36/2012 sur le fondement desquelles les actes attaqués ont été adoptés et qui seraient, selon lui, illégales.

40      D’autre part, une exception d’illégalité à l’encontre des actes attaqués ne saurait être opérante dans la mesure où ces actes constituent une décision concernant directement et individuellement le requérant et adoptée sur la base des actes antérieurs. En effet, selon une jurisprudence constante, l’article 277 TFUE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la base juridique de la décision attaquée, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation (arrêts du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, EU:C:1979:53, point 39 ; du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, EU:C:1984:18, point 6, et du 12 décembre 1996, Altmann e.a./Commission, T‑177/94 et T‑377/94, EU:T:1996:193, point 119).

41      Par ailleurs, il convient de relever que, par son troisième chef de conclusions, le requérant demande, en conséquence de l’accueil de son deuxième chef de conclusions, d’annuler la décision 2013/255, le règlement no 36/2012 et les actes attaqués.

42      Selon la jurisprudence, dans le cadre d’un recours en annulation, les demandes tendant uniquement à ce que soient constatés des points de fait ou de droit ne peuvent, par elles-mêmes, constituer des demandes valables (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1996, Bernardi/Parlement, T‑146/95, EU:T:1996:105, point 23, et du 17 février 2017, Mayer/EFSA, T‑493/14, EU:T:2017:100, point 37).

43      En outre, il convient de relever que, interrogé par le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, sur la recevabilité de son deuxième chef de conclusions et, en particulier, sur la question de savoir si ce chef de conclusions constitue un chef de conclusions indépendant de son troisième chef de conclusions, le requérant précise qu’il demande au Tribunal de constater l’illégalité des « actes objets du recours » et d’en tirer la conclusion qui s’impose, à savoir leur annulation. Selon le requérant, ces deux aspects sont liés et constituent deux étapes d’un même raisonnement.

44      Le Tribunal estime, dès lors, que l’analyse du deuxième chef de conclusions ne peut intervenir indépendamment de l’examen de la légalité des actes attaqués qui est opéré dans le cadre du troisième chef de conclusions visant à l’annulation desdits actes. Le deuxième chef de conclusions ne saurait donc constituer un chef de conclusions en tant que tel.

B.      Sur les conclusions en annulation

1.      Sur la recevabilité du recours en ce qu’il vise la décision 2013/255 et le règlement no 36/2012

45      Le Conseil conteste la recevabilité du recours en ce qu’il vise la décision 2013/255 et le règlement no 36/2012. D’une part, ces deux actes, adoptés respectivement en 2012 et en 2013, ne concerneraient pas directement et individuellement le requérant dans la mesure où ce dernier n’a été inscrit sur les listes en cause qu’en février 2020. D’autre part, le délai pour former un recours à l’encontre de ces actes conformément à l’article 263, sixième alinéa, TFUE n’aurait manifestement pas été respecté en l’espèce.

46      Le requérant n’a pas formulé d’observations à l’égard de l’exception d’irrecevabilité partielle soulevée par le Conseil.

47      Il convient de relever que, selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas dudit article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

48      Tout d’abord, il convient de relever que la décision 2013/255 et le règlement no 36/2012 ne désignent pas nommément le requérant.

49      Ensuite, selon l’article 1er de la décision d’exécution 2020/212, l’annexe I de la décision 2013/255 est modifiée conformément à l’annexe de la décision d’exécution 2020/212. Cette annexe comprend le nom de certaines personnes et entités, dont celui du requérant. Selon l’article 1er du règlement d’exécution 2020/211, l’annexe II du règlement no 36/2012 est modifiée conformément à l’annexe du règlement d’exécution 2020/211. Cette annexe prévoit l’ajout du nom de certaines personnes et entités, dont celui du requérant.

50      En outre, conformément à l’article 1er de la décision 2020/719, l’article 34 de la décision 2013/255 est remplacé par le texte suivant : « La présente décision s’applique jusqu’au 1er juin 2021 [et] fait l’objet d’un suivi constant » et « [e]lle peut être prorogée, ou modifiée selon le cas, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints ». Selon l’article 1er du règlement d’exécution 2020/716, l’annexe II du règlement no 36/2012 est modifiée conformément à l’annexe du règlement d’exécution 2020/716. Cette annexe mentionne le nom de certaines personnes et entités, dont celui du requérant.

51      Il en ressort que les actes attaqués se bornent à modifier l’annexe I de la décision 2013/255 et l’annexe II du règlement no 36/2012 afin d’inscrire les noms de certaines personnes et entités, dont celui du requérant, sans remplacer lesdites annexes par de nouvelles annexes.

52      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la décision 2013/255 et le règlement no 36/2012 ne concernent pas directement et individuellement le requérant. Partant, ce dernier n’est pas recevable à demander leur annulation.

2.      Sur le fond

53      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation des droits de la défense, le deuxième, d’une violation du droit à un recours juridictionnel effectif, le troisième, d’une erreur d’appréciation des faits et, le quatrième, d’une atteinte illégale et disproportionnée à ses droits fondamentaux, en particulier au droit de propriété et à son droit au respect de la vie privée et familiale.

a)      Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

54      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense comporte notamment le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier, consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

55      L’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

56      Enfin, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

57      C’est à la lumière de ces règles jurisprudentielles qu’il convient d’analyser le premier moyen, qui se divise, en substance, en deux branches.

1)      Sur la première branche, tirée de la violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier

58      Selon le requérant, le Conseil a violé son droit d’être entendu tant avant qu’après l’adoption des actes attaqués.

i)      Avant l’adoption des actes attaqués

59      En premier lieu, concernant les actes initiaux, le requérant soutient, en substance, que le fait que le Conseil ne l’a pas entendu avant leur adoption constitue une restriction disproportionnée à l’exercice de ses droits de la défense, en particulier eu égard aux conséquences graves que les mesures restrictives ont pour lui.

60      En deuxième lieu, le requérant estime que le Conseil a violé son droit d’être entendu lors de l’adoption des actes de maintien. Le requérant soutient, en substance, que cette violation découle du fait que le Conseil n’a pas respecté son droit d’être entendu avant l’adoption des actes initiaux. À cet égard, selon le requérant, le Conseil aurait pu s’abstenir de l’entendre avant l’adoption des actes de maintien si les droits de la défense avaient été respectés lors de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause.

61      En troisième lieu, la violation de ses droits de la défense se matérialiserait par l’insuffisance des éléments de preuve qui lui ont été communiqués. Cette insuffisance serait tant quantitative, au regard du nombre de documents qui lui ont été communiqués, que qualitative, au regard du contenu des documents communiqués.

62      Concernant la lettre du 7 avril 2020, le requérant soutient, en substance, que les documents communiqués présentent un contenu succinct et répétitif et qu’ils ne lui apportent aucun élément supplémentaire ni ne l’éclairent sur les raisons de l’inscription de son nom sur les listes en cause et les éléments de preuve retenus à son égard.

63      En outre, concernant le refus d’accès aux documents WK 1747/2020 et COREU 0006/20, conformément au règlement no 1049/2001, le requérant estime qu’aucune des raisons invoquées par le Conseil dans la lettre du 7 avril 2020, telles que confirmées dans sa lettre du 4 juin 2020, mentionnée au point 17 ci-dessus, ne serait légitime.

64      Enfin, il convient de relever que, au stade de la réplique et en réponse à une question du Tribunal posée dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le requérant a reconnu le fait que le Conseil lui avait transmis l’ensemble des éléments de preuve sur lesquels il s’était fondé afin d’adopter les actes attaqués. Néanmoins, il continue de soutenir que, la communication de l’extrait déclassifié du document COREU 0006/20 ayant eu lieu en cours de procédure, il n’a pas eu l’opportunité de se défendre utilement au moment de l’adoption des mesures restrictives à son égard. En conséquence, il confirme maintenir son grief tiré de l’insuffisance des éléments de preuve qui lui ont été communiqués dans le cadre de la procédure d’adoption des actes attaqués. Il ajoute que le préjudice qu’il subit en raison de la procédure irrégulière suivie par le Conseil ne saurait être contrebalancé par la communication en cours de procédure devant le Tribunal et non spontanée des pièces fondant l’adoption des actes attaqués.

65      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

66      À titre liminaire, il convient de signaler que, pour autant que le requérant vise à contester l’insuffisance des éléments de preuve pour démontrer le bien-fondé des motifs d’inscription, son argument sera examiné dans le cadre du troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation des faits. Est examinée ici l’argumentation du requérant en ce qu’elle vise à reprocher au Conseil de ne pas lui avoir communiqué tous les éléments de preuve relatifs à l’inscription et au maintien de son nom sur les listes en cause avant l’adoption des actes attaqués.

67      À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union distingue, d’une part, l’inscription initiale du nom d’une personne sur les listes imposant des mesures restrictives et, d’autre part, le maintien du nom de cette personne sur lesdites listes (arrêt du 30 avril 2015, Al-Chihabi/Conseil, T‑593/11, EU:T:2015:249, point 40).

68      Premièrement, en ce qui concerne les actes initiaux, il ne saurait être requis des autorités de l’Union qu’elles communiquent les motifs desdites mesures préalablement à l’inscription initiale du nom d’une personne ou d’une entité sur les listes imposant des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 34 et jurisprudence citée).

69      En effet, une telle communication préalable serait de nature à compromettre l’efficacité des mesures de gel de fonds et de ressources économiques qu’imposent ces décisions (voir arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 35 et jurisprudence citée).

70      Ainsi, afin d’atteindre l’objectif poursuivi par les actes initiaux, aux annexes desquels a été inscrit le nom du requérant, de telles mesures doivent, par leur nature même, bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer avec effet immédiat (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 36 et jurisprudence citée).

71      Pour des raisons tenant à l’objectif poursuivi par les actes initiaux, et à l’efficacité des mesures prévues par ceux-ci, les autorités de l’Union n’étaient dès lors pas tenues de communiquer au requérant les éléments retenus à charge, ni de l’entendre préalablement à l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 37 et jurisprudence citée). Ainsi, s’agissant des actes initiaux, l’absence de communication de leurs motifs et des éléments de preuve les étayant et l’absence d’audition préalable en l’espèce constituent des limitations justifiées des droits de la défense du requérant au sens de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus.

72      Deuxièmement, en ce qui concerne les actes de maintien, il convient de rappeler que, dans le cas des actes par lesquels le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà dans les listes imposant des mesures restrictives est maintenu, un effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité desdites mesures, de sorte que l’adoption de tels actes doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

73      À cet égard, la Cour a souligné que l’élément de protection qu’offraient l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives était fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que les mesures restrictives en question ont une incidence importante sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 64).

74      Toutefois, lorsque le maintien du nom de la personne ou de l’entité concernée sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial sans que de nouveaux éléments aient été retenus à son égard, le Conseil n’est pas tenu, pour respecter son droit d’être entendu, de lui communiquer à nouveau les éléments retenus à charge (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, points 32 et 33 et jurisprudence citée). La communication des éléments à charge s’impose, en revanche, lorsqu’il existe des éléments nouveaux par lesquels le Conseil réactualise les informations concernant la situation personnelle de la partie requérante ou la situation politique et sécuritaire du pays à l’encontre duquel le régime de mesures restrictives a été adopté (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 72).

75      En l’espèce, force est de constater que le requérant se prévaut de ce que son droit d’être entendu aurait été violé avant l’adoption des actes initiaux pour caractériser la violation de son droit d’être entendu avant l’adoption des actes de maintien, argument qui a été rejeté au point 71 ci-dessus. Il souligne également que les éléments de preuve sur lesquels le Conseil s’est fondé pour adopter les actes attaqués ne lui ont pas été communiqués avant leur adoption.

76      À cet égard, il convient toutefois de relever que le requérant a demandé à avoir accès au dossier le 8 mars 2020. En réponse, le Conseil lui a communiqué, le 6 avril 2020, le document WK 1747/2020. Par ailleurs, le 11 avril 2020, le requérant a demandé à avoir accès au document COREU 0006/20, demande à laquelle le Conseil a répondu le 14 mai 2020 en lui transmettant un extrait déclassifié dudit document.

77      Ainsi, l’argument du requérant selon lequel le Conseil ne lui a pas communiqué l’ensemble des éléments de preuve avant l’adoption, le 28 mai 2020, des actes de maintien manque en fait. Certes, le Conseil a communiqué au requérant le document COREU 0006/20 alors que la procédure devant le Tribunal était déjà en cours. Toutefois, cette communication a eu lieu avant l’adoption des actes de maintien et a mis le requérant en mesure de préparer utilement sa critique de ces actes, qu’il a présentée le 24 juillet 2020 dans son mémoire adaptant les conclusions de la requête.

78      Par conséquent, dès lors que le requérant n’avance aucun autre argument au soutien de son grief, il convient de le rejeter.

79      Troisièmement, il convient de relever que le requérant a demandé, de manière parallèle, l’accès aux documents en cause sur la base, d’une part, du règlement no 1049/2001, demande qui relève du droit d’accès du public aux documents et, d’autre part, de sa condition de personne concernée par des mesures restrictives adoptées par le Conseil, demande qui relève du droit d’accès au dossier.

80      Or, en tant que personne concernée par des mesures restrictives adoptées par le Conseil, le requérant a, conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte, le droit d’accéder au dossier qui le concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires. Ce droit d’accès au dossier implique que l’institution en cause, en l’espèce le Conseil, donne à la personne concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent, notamment, tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des documents internes de l’institution en cause et d’autres informations confidentielles (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement, T‑61/17, non publié, EU:T:2018:565, point 78 et jurisprudence citée).

81      En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 76 ci-dessus, le Conseil, en lui communiquant le document WK 1747/2020 et le document COREU 0006/20, a respecté le droit du requérant à accéder à son dossier, en vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte.

82      En revanche, dans la mesure où le requérant semble vouloir contester la décision du Conseil adoptée en vertu du règlement no 1049/2001, il convient de relever qu’il lui était loisible d’intenter un recours en annulation à l’égard de celle-ci, sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dans la mesure où il en est le destinataire, dans le délai prévu à cet effet (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 135).

83      Il convient, dès lors, de rejeter ce grief et, partant, la première branche du premier moyen.

ii)    Après la publication des actes initiaux

–       Sur le réexamen des actes initiaux

84      En premier lieu, concernant les actes initiaux, le requérant fait valoir, en substance, que le délai pour la présentation d’une demande de réexamen et des observations était trop court de sorte qu’il ne lui permettait pas d’être entendu utilement et efficacement. Ce délai aurait commencé le jour de la publication au Journal officiel de l’avis mentionné au point 13 ci-dessus, à savoir le 18 février 2020, et se serait terminé à la date limite indiquée par cet avis pour la présentation de ladite demande, à savoir le 1er mars 2020.

85      En outre, le requérant estime qu’il existe un déséquilibre entre le délai qui lui a été imparti pour la présentation d’une demande de réexamen et d’observations et la période pour l’examen desdites demandes et observations par le Conseil. Cette période aurait commencé à la date limite dudit délai, le 1er mars 2020, et se serait terminée à la date d’échéance de la dernière prorogation de la décision 2013/255 en vertu de la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019 (JO 2019, L 132, p. 36), à savoir le 1er juin 2020.

86      En deuxième lieu, s’agissant des actes de maintien, le requérant fait valoir, en substance, que le fait que, selon l’avis publié au Journal officiel le 29 mai 2020, les éventuelles observations qu’il présenterait seraient prises en compte aux fins du réexamen annuel des listes en cause suivant, au lieu de faire l’objet d’une analyse immédiate, n’est pas conforme au droit d’être entendu.

87      En troisième lieu, le requérant soutient que le fait que le Conseil décide d’examiner les listes en cause une fois par an n’est pas conforme à la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. Le requérant fait valoir que, conformément à l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 36/2012 tel que modifié par le règlement 2015/1828, le Conseil est tenu d’examiner les listes en cause à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois. Ainsi, l’examen annuel ne serait qu’une partie de l’obligation de réexamen prévu par ces actes.

88      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

89      Premièrement, concernant la question de savoir si le droit d’être entendu du requérant a été violé du fait que le délai pour déposer une demande de réexamen était trop court, il convient de signaler, tout d’abord, que ce délai, constant entre les parties, était de huit jours ouvrables, à compter du jour de la publication au Journal officiel de l’avis mentionné au point 13 ci-dessus, à savoir le 18 février 2020, jusqu’à la date limite indiquée par cet avis pour la présentation de ladite demande, à savoir le 1er mars 2020.

90      Ensuite, il y a lieu de relever que, selon l’article 32, paragraphe 3, du règlement no 36/2012, « [s]i des observations sont formulées, ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme concerné ». Par ailleurs, le paragraphe 4 de cet article ajoute que « [l]es listes figurant aux annexes II et II bis sont examinées à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois ». Il en ressort que le règlement no 36/2012 ne prévoit pas de limite de temps pour la présentation d’une demande de réexamen ou d’observations.

91      Ainsi, rien ne s’opposait à ce que le requérant présente une demande de réexamen ou des observations à tout moment, conformément à l’article 32, paragraphe 3, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. À cet égard, le Conseil a signalé qu’il répondait auxdites observations sans attendre l’échéance annuelle.

92      Par ailleurs, il convient de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge de l’Union assure le respect et qui est d’ailleurs repris comme une composante du droit à une bonne administration par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte (voir, par analogie, arrêts du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111, point 162, et du 6 décembre 2012, Füller-Tomlinson/Parlement, T‑390/10 P, EU:T:2012:652, point 115). Il découle également de la jurisprudence que, lorsque la durée de la procédure n’est pas fixée par une disposition du droit de l’Union, le caractère « raisonnable » du délai doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (voir, par analogie, arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, point 28 et jurisprudence citée).

93      À cet égard, d’une part, le Conseil signale qu’il avait besoin d’un délai de trois mois, à savoir du 1er mars 2020 jusqu’à la date d’échéance de la dernière prorogation de la décision 2013/255 en vertu de la décision 2019/806, à savoir le 1er juin 2020, pour procéder au réexamen annuel. Un tel réexamen implique, selon le Conseil, l’analyse de la situation individuelle de près de trois cent cinquante personnes et entités dont les noms figurent sur les listes en cause. D’autre part, le Conseil soutient qu’il répond aux observations présentées et offre la possibilité de formuler de nouveaux commentaires, de sorte qu’un échange contradictoire entre lui et les personnes ainsi que les entités ayant présenté des observations aurait lieu au cours de cette période de trois mois.

94      Il convient de relever qu’un délai de trois mois pour examiner la situation individuelle de près de trois cent cinquante personnes et entités est relativement court. Dans ces circonstances, fixer une date limite pour la présentation des demandes de réexamen est un moyen légitime pour le Conseil de s’assurer de la réception des observations et preuves soumises par les personnes et entités concernées avant la fin de la phase de réexamen et de l’obtention d’un temps suffisant pour les examiner avec la diligence requise. Certes, le délai, de douze jours, qui découlait de la fixation de la date limite en l’espèce était un délai court puisqu’il impliquait, pour le requérant, de prendre connaissance de l’avis et du contenu des motifs d’inscription et de procéder à la rédaction des observations pouvant être assorties d’éléments de preuve. Néanmoins, d’une part, aucun formalisme n’est imposé pour la présentation d’une demande de réexamen. De même, contrairement à ce que soutient le requérant, il n’est pas exigé d’être représenté par un avocat aux fins de déposer une telle demande. D’autre part, le dépôt d’une demande de réexamen ouvre un dialogue entre le Conseil et la personne ou l’entité concernée qui n’est limité ni dans le temps ni dans le nombre de courriers échangés. Cela signifie que rien ne s’oppose à ce qu’une demande de réexamen contenant des observations sommaires soit déposée dans le délai imparti, puis soit complétée, le cas échéant, par d’autres observations ou d’autres preuves au cours d’un échange contradictoire subséquent avec le Conseil. Ainsi, en soi, le délai de douze jours imparti par le Conseil dans l’avis publié au Journal officiel du 18 février 2020, mentionné au point 13 ci-dessus, pour présenter une demande de réexamen ne permet pas de considérer que le droit d’être entendu du requérant aurait été violé.

95      En tout état de cause, ainsi qu’il a été établi au point 91 ci-dessus et ainsi que le reconnaît le Conseil, rien ne s’opposait à ce que le requérant présente une telle demande, ou des observations, à tout moment, même après cette date limite, conformément à l’article 32, paragraphe 3, du règlement no 36/2012. En ce sens, la date limite fixée par le Conseil dans l’avis publié au Journal officiel du 18 février 2020, mentionné au point 13 ci-dessus, ne saurait avoir qu’une visée purement indicative. Une telle indication est utile afin de permettre aux personnes et entités concernées de déposer leur demande de réexamen avant que la phase de réexamen soit terminée, événement interne au Conseil dont elles ne peuvent avoir connaissance, et avant que de nouveaux actes soient adoptés par le Conseil.

96      Deuxièmement, concernant les arguments du requérant tirés, d’une part, du fait que les éventuelles observations présentées ne font pas l’objet d’une analyse immédiate et, d’autre part, du fait que le Conseil décide d’examiner les listes en cause seulement une fois par an, il convient de rappeler, tout d’abord, ainsi qu’il a été signalé aux points 91 et 95 ci-dessus, que le requérant peut, à tout moment, présenter des observations auxquelles le Conseil répondra sans attendre l’échéance annuelle.

97      En outre, il y a lieu de relever que, selon l’article 34 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, cette décision fait l’objet d’un suivi constant, de sorte qu’elle est prorogée, ou modifiée le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. Preuve en est, comme le souligne à juste titre le Conseil, que les actes initiaux ont été adoptés non pas à la suite d’un réexamen annuel réalisé conformément à l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, mais au mois de février 2020.

98      Dès lors, il convient de rejeter les griefs du requérant tirés de la brièveté du délai imparti pour la présentation d’une demande de réexamen des actes initiaux et du fait que le Conseil, en n’examinant les listes qu’une fois par an, n’a pas examiné immédiatement ses observations.

–       Sur la communication des actes attaqués

99      Le requérant soutient, en substance, que le Conseil aurait dû lui communiquer les actes attaqués à travers une notification directe. En effet, le requérant estime que le Conseil aurait dû connaître son adresse professionnelle, puisqu’il avait connaissance des entreprises dans lesquelles il travaillait.

100    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

101    À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que l’article 32, paragraphe 2, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, dispose que « [l]e Conseil communique sa décision relative à l’inscription sur [les listes en cause], y compris les motifs de cette inscription sur [les listes], à la personne, à l’entité ou à l’organisme concerné, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis ».

102    Il ressort de la jurisprudence que si une communication individuelle de ce type de décisions est en principe nécessaire, la seule publication au Journal officiel n’étant pas suffisante, il y a cependant lieu pour le juge d’examiner, dans chaque affaire, si le fait de ne pas avoir porté individuellement les motifs de la décision litigieuse à la connaissance de la partie requérante a eu pour conséquence de priver cette dernière de la possibilité de connaître, en temps utile, la motivation de la décision litigieuse et d’apprécier le bien-fondé de la mesure de gel de fonds et de ressources économiques adoptée à son égard (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 48 et jurisprudence citée).

103    En outre, selon la jurisprudence, le Conseil peut être considéré comme étant dans l’impossibilité de communiquer individuellement à une personne physique ou morale ou à une entité un acte comportant des mesures restrictives la concernant soit lorsque l’adresse de cette personne ou entité n’est pas publique et ne lui a pas été fournie, soit lorsque la communication envoyée à l’adresse dont il dispose échoue, en dépit des démarches qu’il a entreprises, avec toute la diligence requise, afin d’effectuer une telle communication (arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 61).

104    En l’espèce, il convient de relever que le requérant n’a pas apporté d’indices tendant à démontrer que le Conseil disposait de son adresse, qu’elle fût personnelle ou professionnelle, à la date d’adoption desdits actes, soit parce que ladite adresse lui avait été fournie soit parce qu’elle était publique.

105    Le Conseil affirme qu’il ne connaissait pas l’adresse du requérant en Syrie, qu’il s’agisse de son adresse personnelle ou professionnelle. Il ajoute qu’il n’est pas parvenu à identifier avec précision l’adresse des sociétés dont le requérant est le directeur général.

106    Il convient de relever que le site Internet « www.telsasolutions.com », dont une capture d’écran figure à la pièce no 10 du document WK 1747/2020, ne mentionne aucune adresse. Il en va de même pour le site Internet « www.wavesnet.sy », dont une capture d’écran a été produite comme pièce no 12 dudit document, ainsi que pour le site Internet « www.telsa-group.com », dont une capture d’écran a été produite par le Conseil en annexe au mémoire en défense. Concernant le site Internet « www.telsarebuild.com », dont une capture d’écran est reproduite à la pièce no 11 du document WK 1747/2020, il convient de relever que l’adresse indiquée manque de précision dans la mesure où ce site Internet se borne à signaler, en substance, un emplacement approximatif par rapport à une ambassade et le nom d’un immeuble. Enfin, selon la capture d’écran du site Internet « www.castro.sy », produite par le Conseil en annexe au mémoire en défense, ce site est en cours de développement.

107    Dans ces circonstances, il convient de conclure que l’adresse des sociétés auxquelles le requérant est associé ne figure pas avec précision sur les sites Internet desdites sociétés.

108    En tout état de cause, en l’espèce, même à supposer que l’adresse des sociétés auxquelles le requérant est associé figurait avec précision sur les sites Internet desdites sociétés, ce fait ne saurait être considéré comme démontrant que le Conseil avait une connaissance suffisante de l’adresse professionnelle du requérant lui permettant de notifier à ce dernier les actes attaqués avec la diligence requise conformément à la jurisprudence rappelée au point 103 ci-dessus.

109    Enfin, il y a lieu de relever que le Conseil a effectivement procédé à la publication au Journal officiel de l’avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012, le 18 février 2020, en ce qui concerne les actes initiaux (JO 2020, C 55, p. 7), et le 29 mai 2020, en ce qui concerne les actes de maintien (JO 2020, C 180, p. 10). Partant, le Conseil a régulièrement communiqué les actes attaqués au requérant ; il convient donc de rejeter le grief de ce dernier et, partant, la première branche du premier moyen.

2)      Sur la seconde branche, tirée de la motivation des actes attaqués

110    Le requérant fait valoir que le caractère succinct des motifs d’inscription des actes attaqués ne lui aurait pas permis de présenter des observations utiles pour sa défense. Plus précisément, selon le requérant, le Conseil est tenu de fournir une explication sur les raisons concernant sa situation individuelle l’ayant conduit à adopter les actes attaqués. Ainsi, le fait que la base légale des actes attaqués soit identifiée ne suffit pas à comprendre les raisons de l’inscription. Ces raisons ne figureraient pas non plus dans les motifs d’inscription des actes attaqués, qui se limitent à indiquer l’existence de liens entre le requérant et certaines sociétés. Selon le requérant, ce n’est que par l’intermédiaire des documents communiqués ultérieurement qu’il a pu avoir des précisions sur le raisonnement suivi par le Conseil.

111    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

112    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue le corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 60 et jurisprudence citée).

113    Il convient également de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 61 et jurisprudence citée).

114    La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel de fonds doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 63 et jurisprudence citée).

115    Cependant, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 64 et jurisprudence citée).

116    Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 65 et jurisprudence citée).

117    En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 66 et jurisprudence citée).

118    Enfin, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 96 et jurisprudence citée).

119    En l’espèce, en ce qui concerne les raisons pour lesquelles des mesures restrictives visant le requérant ont été adoptées et maintenues, il convient de relever que les motifs d’inscription du nom du requérant sont restés inchangés depuis l’adoption des actes initiaux, puisqu’ils n’ont pas été modifiés lors de l’adoption des actes de maintien. Ainsi, le Conseil a motivé l’inscription de son nom sur les listes en cause de la manière suivante :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et ayant des intérêts financiers dans le tourisme, les télécommunications et l’immobilier. En tant que directeur général de [Telsa Group LLC] et de Castro LLC, appuyés par le régime, et du fait de ses autres intérêts financiers, Mahir Burhan Eddine Al-Imam tire avantage du régime et soutient sa politique de financement et de lobbying ainsi que sa politique de construction. »

120    Tout d’abord, il convient de rappeler que les critères généraux d’inscription énoncés à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient que les personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci font l’objet de mesures restrictives. De même, l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, disposent que la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » fait l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.

121    Il y a lieu de déduire des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, mentionnés aux points 12 et 119 ci-dessus, que ce dernier a vu son nom être inscrit sur les listes en cause en raison, premièrement, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et, deuxièmement, de son lien avec le régime syrien. Autrement dit, l’inscription du nom du requérant est fondée, d’une part, sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie) et, d’autre part, sur le critère défini au paragraphe 1 de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision et au paragraphe 1, sous a), de l’article 15 dudit règlement (critère de l’association avec le régime). Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 110 ci-dessus, le requérant lui-même reconnaît que la base légale des actes attaqués est identifiée.

122    Ensuite, il convient de constater que les raisons spécifiques et concrètes ayant conduit le Conseil à procéder à l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et à l’y maintenir sont indiquées de manière suffisamment claire pour permettre à l’intéressé de les comprendre. En effet, lesdits motifs portent sur des faits clairs concernant le requérant, à savoir, premièrement, le fait qu’il est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie qui a des intérêts financiers dans le tourisme, les télécommunications et l’immobilier ; deuxièmement, le fait qu’il tire avantage du régime syrien en tant que directeur général de Telsa Group LLC et de Castro LLC, appuyés par le régime, et du fait de ses autres intérêts financiers ; enfin, troisièmement, le fait qu’il soutient la politique de financement et de lobbying du régime syrien ainsi que sa politique de construction.

123    Le fait que le requérant n’a pris connaissance de certains détails relatifs aux raisons justifiant l’adoption des actes attaqués que par le biais du document WK 1747/2020 ne saurait constituer une violation de l’obligation de motivation qui incombe au Conseil dès lors que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 116 et 117 ci-dessus, le Conseil n’est pas tenu de préciser tous les éléments de fait et de droit pertinents et que le requérant a été mis en mesure de comprendre la portée des mesures prises à son égard.

124    Dès lors, il y a lieu de considérer que le Conseil a respecté l’obligation de motivation qui lui incombe ; il convient donc de rejeter la seconde branche du premier moyen.

3)      Conclusion sur le premier moyen

125    Compte tenu des conclusions formulées aux points 109 et 124 ci-dessus, il y a lieu de conclure que le Conseil n’a pas violé les droits de la défense du requérant. Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit à un recours juridictionnel effectif

126    Le requérant fait valoir que son droit à un recours juridictionnel effectif a été violé en raison de l’insuffisance de communication des éléments de preuve et, partant, de motivation des actes litigieux. Dans ces circonstances, selon le requérant, le Tribunal n’est pas mis en mesure d’effectuer un contrôle juridictionnel effectif de la légalité des actes attaqués.

127    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

128    Tout d’abord, il convient de rappeler que le droit à une protection juridictionnelle effective, qui est affirmé à l’article 47 de la Charte, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard notamment par la lecture de la décision elle-même, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée). Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 81 et 109 ci-dessus, le Conseil a régulièrement communiqué les actes attaqués et les éléments de preuve correspondants au requérant.

129    Ensuite, selon la jurisprudence, l’efficacité du contrôle juridictionnel, devant pouvoir porter notamment sur la légalité des motifs sur lesquels est fondée l’inscription du nom d’une personne, d’une entité ou d’un organisme sur les listes en cause, implique que le Conseil communique ces motifs à la personne ou à l’entité concernées, dans toute la mesure du possible, soit au moment où cette inscription est décidée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’a été afin de permettre à ces destinataires d’exercer, dans les délais, leur droit de recours (arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 336).

130    Le respect de cette obligation de communiquer lesdits motifs est, en effet, nécessaire tant pour permettre aux destinataires des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte de l’Union en cause qui lui incombe en vertu du TFUE (arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 337).

131    En l’espèce, ainsi qu’il a été signalé au point 119 ci-dessus, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause figurant dans les actes attaqués fournissent les raisons, spécifiques et concrètes, ayant conduit le Conseil à procéder à cette inscription et à ce maintien. Ces raisons sont indiquées de manière suffisamment claire pour permettre au requérant de les comprendre et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. En outre, le requérant a eu accès, en temps utile, aux éléments de preuve sur lesquels le Conseil s’était fondé pour inscrire son nom sur les listes en cause.

132    Ainsi, il convient de conclure que le droit à un recours juridictionnel effectif n’a pas été violé en l’espèce. En effet, le requérant a été mis en mesure d’exercer, dans les délais, son droit de recours. Par ailleurs, le Tribunal s’estime en mesure d’exercer le contrôle de la légalité des actes attaqués qui lui incombe en vertu du TFUE.

133    Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen.

c)      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation des faits

1)      Considérations liminaires

134    Il convient de relever que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

135    Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

136    C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

137    À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étaient les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

138    Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

139    Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015 Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

140    En outre, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

141    C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen soulevé par le requérant.

142    En premier lieu, le requérant fait valoir, en substance, que le document WK 1747/2020 ne suffit pas à étayer les raisons de l’adoption des mesures restrictives à son égard et que les sources d’information des éléments de preuve figurant dans ledit document ne sont pas fiables.

143    En deuxième lieu, le requérant estime que certains éléments indiqués par le Conseil dans les actes attaqués laissent présumer une dénaturation des faits. Plus précisément, cette dénaturation concernerait Castro et Telsa Group. Par ailleurs, le requérant fait grief de ce que les éléments présentés par le Conseil se réfèrent aux sociétés qu’il détient et non à lui en tant que personne physique.

144    En troisième lieu, d’une part, le requérant fait valoir, en substance, que le Conseil n’a pas démontré qu’il était un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. D’autre part, le requérant fait valoir que, dans l’hypothèse où il serait considéré comme étant un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, le Conseil ne saurait ignorer l’absence de lien avec le régime syrien ni l’absence de risque réel de contournement des mesures restrictives qui, conformément au paragraphe 3 des articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, empêcheraient l’inscription de son nom sur les listes en cause.

145    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

146    Il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 121 ci-dessus, que l’inscription du nom du requérant est fondée, d’une part, sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie) et, d’autre part, sur le critère défini au paragraphe 1er de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision et au paragraphe 1er, sous a), de l’article 15 dudit règlement (critère de l’association avec le régime).

147    Pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil a fourni le document WK 1747/2020 comportant des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran. Il s’agit en particulier des éléments suivants :

–        la pièce no 1, contenant une capture d’écran du site Internet « Aliqtisadi », consulté le 9 août 2019, indiquant que le requérant est le directeur général et co-fondateur de la société A, établie en Syrie, dont il détient 500 actions, à savoir 50 % du capital social, d’une valeur totale de 7 500 000 livres syriennes (SYP) (environ 9 846,52 euros) ; en outre, le requérant est le directeur général de la société B, établie en Syrie ; par ailleurs, le requérant est le président et co-fondateur de la société C, établie en Syrie, dont il détient 400 actions, à savoir 40 % du capital social, d’une valeur totale de 400 000 SYP (environ 525,14 euros) ; enfin, le requérant est le directeur général et co-fondateur de la société D, dont il détient 500 actions, à savoir 50 % du capital social, d’une valeur totale de 500 000 SYP (environ 656,43 euros) ;

–        les pièces nos 2 et 4, contenant des articles publiés, respectivement, le 30 décembre 2018 sur le site Internet « Shaam Times » et le 2 janvier 2019 sur le site Internet « Fenks », qui contiennent les mêmes informations indiquant que le requérant est un expatrié au Koweït et qu’il participe à la création d’une société d’investissement touristique ; plus précisément, selon ces articles, le ministère du Commerce intérieur et de la Protection du consommateur syrien a approuvé la création de Castro à Damas (Syrie) ; ces articles signalent que Castro gérera la construction, l’investissement et la direction de complexes touristiques, en ce compris des hôtels, des restaurants et des cafés ; ces articles ajoutent que Castro est détenue par trois investisseurs, dont le requérant à hauteur de 50 % du capital social ; enfin, le requérant y est décrit comme étant le fondateur de plusieurs sociétés syriennes, en ce compris la société E, dont il détient 25 % du capital social ;

–        la pièce no 3, contenant un article publié le 31 décembre 2018 sur le site Internet « Emmar Syria », qui réitère, en substance, l’information relayée par les pièces nos 2 et 4 en ajoutant que le requérant est le directeur général de Telsa Group ;

–        la pièce no 5 comprenant une série de captures d’écran du site Internet « The Syria Report », consulté le 14 août 2019, desquelles ressort une liste de sociétés dans lesquelles le requérant détient des parts ; plus précisément, il s’agit, premièrement, de Castro, créée le 21 mai 2018 avec un capital de 5 millions de SYP (environ 6 564,35 euros), dont le requérant détient 50 % ; deuxièmement, de la société F, créée le 1er novembre 2011 avec un capital de 1 million de SYP (environ 1 312,87 euros), dont le requérant détient 25 % ; troisièmement, de Tamazon Contracting LLC, créée le 4 septembre 2016 avec un capital de 1 million de SYP, dont le requérant détient 50 % ; quatrièmement, de la société G, créée le 26 décembre 2016 avec un capital de 1 million de SYP, dont le requérant détient 40 % ; enfin, cinquièmement, de la société H, créée le 20 février 2018 avec un capital de 5 millions de SYP, dont le requérant détient 25 % ;

–        la pièce no 6, contenant un article publié le 23 décembre 2018 sur le site Internet « Nedaa Syria », selon lequel une délégation d’entrepreneurs des Émirats arabes unis, représentants de Damac Properties, une des sociétés immobilières les plus importantes du Moyen-Orient, s’est rendue en Syrie pour rencontrer des représentants de Telsa Group et d’Al-Diyar Damascene Company à l’hôtel Four Seasons de Damas ; selon l’article, le requérant, identifié comme le directeur de Telsa Group, a discuté de certains points avec cette délégation ; en outre, l’article indique que Telsa Group a été créé en 2015 par le régime syrien et qu’il est notamment spécialisé dans les télécommunications, les technologies de l’information, Internet et l’ingénierie ; enfin, selon cet article, le régime syrien a récemment créé une série de sociétés et les a encouragées à se tourner vers les pays du voisinage en vue de commencer la reconstruction de la Syrie, avec le soutien de la Russie ;

–        la pièce no 7, contenant un article publié le 24 décembre 2018 sur le site Internet « The Syria Report », selon lequel une délégation de Damac Properties s’est rendue à Damas ; il s’agit, selon cet article, d’une des entreprises immobilières les plus importantes des Émirats arabes unis et du monde arabe ; cet article indique que cette délégation a rencontré des représentants de Telsa Group et d’Al-Diyar Damascene Company à l’hôtel Four Seasons de Damas ; selon cet article, Telsa Group a été créé en 2015 et son directeur général est le requérant ; enfin, l’article indique que si ces deux entreprises sont peu connues, elles sont très influentes ;

–        les pièces nos 8 et 9, contenant des articles publiés, respectivement, le 7 avril 2016 sur le site Internet « All News Today » et le 8 avril 2016 sur le site Internet « Dam Press », reprennent, en substance, les mêmes informations indiquant que l’exposition Syria Tech, organisée à l’Aldama Rose Hotel, a réuni des entreprises s’identifiant elles-mêmes comme des « bras actifs » pour la reconstruction de la Syrie ; selon cet article, le directeur de projets de Telsa Group, spécialisé dans les services de communication par satellite, a confirmé que ce groupe travaillait « main dans la main » avec des agences gouvernementales en fournissant de nombreux outils et dispositifs dont l’obtention serait difficile pour le citoyen syrien soumis à des sanctions par les pays occidentaux ; selon ces articles, ledit directeur de projets a également signalé que l’orientation générale du groupe était de se préparer pour la phase de reconstruction ; enfin, il a ajouté que le groupe ne se limitait pas à « l’obtention de ces systèmes » et que la production d’énergie électrique sur la base d’énergies renouvelables était également au centre de son activité ;

–        la pièce no 10, contenant une capture d’écran du site Internet « www.telsasolutions.com », consulté le 12 août 2019, dans laquelle figure la description des origines, de la spécialité, du personnel, des objectifs et de la vision de la société I ; il est indiqué que la société a été créée en 2015 en réponse aux difficultés prévalant en Syrie ; la société s’est spécialisée dans la fourniture de services pour répondre aux besoins du pays en raison des graves problèmes de communication et de transfert de données découlant de la situation à laquelle « le pays doit faire face (crises et sanctions) » ; il est également signalé que la société croît rapidement et radicalement ; en outre, la « reconstruction de la Syrie » et le « service au pays au-dessus des bénéfices » sont cités parmi les objectifs de la société ;

–        la pièce no 11, contenant une capture d’écran du site Internet « www.telsarebuild.com », consulté le 12 août 2019, dans laquelle figurent les différents services offerts par la société au moyen de ce site Internet ; à cet égard, cette capture d’écran montre les mêmes numéros de téléphone et de télécopie ainsi que la même adresse électronique que ceux figurant sur la capture d’écran contenue dans la pièce no 10 ;

–        la pièce no 12, contenant une capture d’écran du site Internet « www.wavesnet.sy », consulté le 12 août 2019 ; selon cette pièce, Waves Internet est l’une des solutions technologiques fournies par Telsa Group ; ce site Internet décrit les services offerts par Waves Internet, son personnel, son objectif et sa vision.

2)      Sur la fiabilité des éléments de preuve figurant dans le document WK 1747/2020 

148    Le requérant souligne que le document WK 1747/2020 comporte un certain nombre de captures d’écran de sites Internet ainsi que d’articles de presse. Selon le requérant, les seuls textes qui figurent sur ce document sont des traductions, souvent approximatives ou fausses, d’extraits en langue arabe. Par ailleurs, le requérant soutient que les informations que ce document contient soit sont fausses soit proviennent de sources peu fiables.

149    Plus précisément, en premier lieu, le requérant relève des erreurs de traduction, tout d’abord, dans la pièce no 3 du document WK 1747/2020, contenant un article publié le 31 décembre 2018 sur le site Internet « Emmar Syria ». La version anglaise indique que la société Castro a été instituée « en utilisant la force de la loi et des règlements » (using the force of the law and regulations) au lieu de « conformément aux lois et règlements en vigueur » (in accordance with laws and regulations in force).

150    En outre, le requérant soutient que la traduction de l’arabe vers l’anglais de l’article figurant dans la pièce no 9 du document WK 1747/2020, publié le 8 avril 2016 sur le site Internet « Dam Press », n’est pas fiable dans la mesure où il est indiqué que c’est Telsa Group qui fournit des prestations Internet pour détruire des zones syriennes et non le régime. Dans ses observations sur la réponse fournie par le Conseil à une question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le requérant remet en cause, en substance, la traduction parcellaire et imprécise fournie par le Conseil de la présentation du site Internet « Dam Press » publiée sur le réseau social Facebook de ce dernier.

151    En deuxième lieu, le requérant soulève certains arguments concernant le fonctionnement de plusieurs liens figurant dans les pièces comprises dans le document WK 1747/2020.

152    Tout d’abord, il affirme que les liens vers certains articles ne fonctionnent plus, ce qui jette un doute sur la fiabilité des sources d’information concernées. Il s’agit, en particulier, des liens figurant dans la pièce no 2 du document WK 1747/2020, contenant un article publié le 30 décembre 2018 sur le site Internet « Shaam Times », et dans la pièce no 8, à savoir un article publié le 7 avril 2016 sur le site Internet « All News Today ».

153    Par ailleurs, selon le requérant, l’article figurant dans la pièce no 9 du document WK 1747/2020, publié le 8 avril 2016 sur le site Internet « Dam Press », n’est plus accessible en recopiant, dans une barre de recherche Internet, le lien inclus dans cette pièce.

154    Enfin, s’agissant de la pièce no 4 du document WK 1747/2020, comprenant un article publié le 9 août 2019 sur le site Internet « Fenks », le requérant relève que le lien vers cet article conduit à un site Internet qui n’est pas sûr dans la mesure où il peut soustraire des données à caractère personnel et privé.

155    En troisième lieu, concernant la pièce no 6, à savoir un article publié le 23 décembre 2018 sur le site Internet « Nedaa Syria », le requérant affirme que ce site Internet n’a pas fait l’objet d’un enregistrement fiable de sorte que les informations publiées ne sauraient être elles-mêmes fiables. En particulier, le requérant soutient qu’aucune information de contact ne figure sur ce site Internet, de sorte qu’il n’est pas possible de savoir quelle personne ou entité gérerait ledit site. Par ailleurs, la page sur le réseau social Facebook de ce site n’existe plus.

156    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

157    Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224, et du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 107).

158    En outre, il y a lieu de rappeler que la situation de guerre en Syrie rend en pratique difficile, voire impossible, le recueil de témoignages de la part de personnes acceptant d’être identifiées. Les difficultés d’investigation qui s’ensuivent et le danger auquel s’exposent ceux qui livrent des renseignements font obstacle à ce que des sources précises faisant état de comportements personnels de soutien au régime soient apportées (arrêt du 26 octobre 2016, Kaddour/Conseil, T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628, point 87).

159    En l’espèce, les éléments de preuve figurant dans le document WK 1747/2020 émanent de sources d’information numériques variées. En effet, il s’agit de huit sources d’information différentes, à savoir « Aliqtisadi », « Shaam Times », « Emmar Syria », « Fenks », « The Syria Report », « Nedaa Syria », « All News Today » et « Dam Press ». Concernant ces sources, le Conseil a indiqué, en réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, qu’« Aliqtisadi » est un des dix principaux sites Internet consacrés à la vie des affaires du Moyen-Orient ; que « Shaam Times » est notamment une extension de « Shaam News Network », une organisation de presse militante et un centre de recherche financé par des fonds levés à titre privé ; qu’« Emmar Syria » est une plateforme syrienne publiant des nouvelles en matière d’investissement et de reconstruction en Syrie ; que « Fenks » est un site d’informations politiques, culturelles et économiques ; que « The Syria Report » est la première source d’informations économiques, d’affaires et financières sur la Syrie, indépendante et ne se rattachant à aucune organisation religieuse, sociale ou politique ; que « Nedaa Syria » est un réseau d’informations qui, selon plusieurs sources, est favorable à l’opposition au régime syrien ; qu’« All News Today » est un site d’informations syrien au contenu exhaustif dont le directeur est un journaliste syrien spécialisé dans l’administration, l’économie et les médias ainsi qu’écrivain et chercheur en histoire, et que « Dam Press » est une plateforme d’informations dans les domaines économique et politique, considérée par plusieurs sources comme étant favorable au régime syrien. Or, ces différentes sources relayent des éléments d’information qui se corroborent.

160    En outre, il convient de constater que la réalité et l’exactitude de certains éléments d’information contenus dans ces documents ont été confirmées par le requérant lui-même. À titre d’exemple, le requérant reconnaît qu’il détient [confidentiel] (2) du capital social de Telsa Group et des sociétés que ce dernier possède, ainsi que de Castro. Par ailleurs, il admet que la réunion avec les représentants de Damac Properties, mentionnée dans les articles figurant dans les pièces nos 6 et 7 du document WK 1747/2020, a eu effectivement lieu. Enfin, il ne dément pas que Telsa Group a pris part à l’exposition Syria Tech mentionnée dans les articles figurant dans les pièces nos 8 et 9 du document WK 1747/2020.

161    Dans ces circonstances, le Tribunal considère qu’il convient de reconnaître aux éléments de preuve figurant dans le document WK 1747/2020 un caractère sensé et fiable au sens de la jurisprudence citée au point 147 ci-dessus.

162    La conclusion figurant au point 161 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les autres arguments du requérant.

163    En premier lieu, le requérant remet en cause la fiabilité des informations communiquées par le Conseil concernant les sources d’information figurant dans le document WK 1747/2020 dans la mesure où elles proviennent de l’encyclopédie en ligne Wikipédia.

164    À cet égard, selon la jurisprudence, des informations fondées sur la base d’informations issues de Wikipédia doivent être écartées, dès lors que, étant fondées sur des articles issus d’une encyclopédie collective établie sur l’Internet, dont le contenu est modifiable à tout moment et dans certains cas par tout visiteur, même anonyme, de telles constatations reposent sur des informations incertaines [voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2014, Novartis/OHMI – Tenimenti Angelini (LINEX), T‑444/12, non publié, EU:T:2014:886, point 47 et jurisprudence citée].

165    Néanmoins, il y a lieu de relever, tout d’abord, que le Conseil s’est fondé sur les informations provenant de Wikipédia pour décrire seulement deux des huit sources d’information, à savoir « Aliqtisadi » et « Shaam Times ». En outre, il convient de constater que, concernant ces deux sources, le Conseil ne s’est pas limité aux informations issues de Wikipédia. En effet, s’agissant d’« Aliqtisadi », il a, outre les informations issues de Wikipédia, communiqué des informations relayées par les sites Internet « wamda » et « haykalmedia ». Concernant « Shaam Times », il a communiqué des informations issues du journal The New York Times. Par ailleurs, s’agissant d’« Aliqtisadi », force est de constater que le requérant a déclaré, dans ses observations sur la réponse fournie par le Conseil à une question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, ne pas remettre en cause la crédibilité de cette source d’information. Enfin, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend le requérant, le Conseil ne s’est pas fondé sur Wikipédia afin d’adopter des mesures restrictives à son égard. En effet, aucune des pièces figurant dans le document WK 1747/2020 n’est issue de ce site Internet.

166    En deuxième lieu, il convient d’écarter l’argument non étayé du requérant selon lequel, en substance, le fait que le Conseil ne dispose pas d’autres informations relatives aux sources d’information hormis ce qui peut être déduit du document WK 1747/2020 implique qu’il ne s’est pas renseigné sur la véracité des éléments figurant dans ledit document, s’étant, en substance, contenté d’une analyse superficielle de la situation du requérant. Il suffit de rappeler, à cet égard, que, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d’autres sources d’information similaires (voir arrêt du 12 février 2020, Ruhorimbere/Conseil, T‑175/18, non publié, EU:T:2020:62, point 105 et jurisprudence citée).

167    En troisième lieu, le requérant considère que les informations relayées par les sites Internet « Aliqtisadi » et « Shaam Times » ne sont pas de nature à le qualifier d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Il en irait, en substance, de même pour les sites Internet « The Syria Report » et « Dam Press », qui ne contiendraient que des informations sur l’existence ou la création des entreprises, leurs actionnaires et la nature de leurs activités. Le Tribunal considère que ces arguments relèvent de la question de savoir si les informations contenues dans le document WK 1747/2020 constituent un faisceau d’indices démontrant que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie plutôt que de celle de la fiabilité desdites informations. Ces arguments seront dès lors analysés dans le cadre de l’examen du statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant.

168    En quatrième lieu, le requérant considère, en substance, que le site Internet « Shaam Times » n’est pas une source fiable dans la mesure où, dans l’article de The New York Times communiqué par le Conseil en réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, décrivant cette source, l’identité du propriétaire du site Internet « Shaam Times » n’est pas mentionnée. En outre, selon l’article de The New York Times, les auteurs des articles publiés sur le site Internet « Shaam Times » utilisent des pseudonymes. D’une part, le Tribunal considère que l’absence d’identification du propriétaire de ce site Internet ne saurait être en elle-même un élément permettant de remettre en cause la fiabilité des informations qui y sont publiées. D’autre part, concernant l’identité des auteurs des articles en cause, il suffit à cet égard de rappeler que, ainsi qu’il a été signalé au point 158 ci-dessus, la situation de guerre en Syrie rend en pratique difficile, voire impossible, le recueil de témoignages de la part de personnes acceptant d’être identifiées. Par ailleurs, si, comme le souligne le requérant, plus de huit ans se sont écoulés depuis la parution de l’article de The New York Times, le requérant n’a pas avancé d’éléments concrets permettant de déduire que les informations relayées par cet article concernant le site Internet « Shaam Times » ne sont plus à jour.

169    En cinquième lieu, s’agissant des erreurs de traduction signalées par le requérant dans les pièces nos 3 et 9 du document WK 1747/2020, il convient de relever que celui-ci conteste que la pièce no 9, tirée du site Internet « Dam Press », indique que Telsa Group fournit des prestations Internet pour détruire des zones syriennes et non le régime, sans identifier avec précision le passage auquel il fait référence. S’agissant plus particulièrement de la pièce no 3, le site Internet « Emmar Syria » a commis une imprécision terminologique en utilisant l’expression « en utilisant la force de la loi et des règlements » (using the force of the law and regulations) au lieu de « conformément aux lois et règlements en vigueur » (in accordance with laws and regulations in force). Dès lors, même à admettre l’existence des erreurs alléguées par le requérant, il s’agit d’erreurs mineures qui ne modifient pas le sens essentiel des informations relayées par ces éléments de preuve et qui, en tout état de cause, ne sauraient avoir un impact sur la fiabilité des sources.

170    Par ailleurs, s’agissant de la présentation du site Internet « Dam Press » publiée sur le réseau social Facebook de ce dernier, il convient de relever que, certes, il s’agit d’une traduction parcellaire. Néanmoins, le Conseil explique, de manière transparente, la raison d’un tel caractère parcellaire, à savoir la faible lisibilité du texte original. En revanche, le requérant n’a pas détaillé en quoi cette traduction manquerait de précision.

171    En sixième lieu, concernant le site Internet « Emmar Syria », le Tribunal considère que, contrairement à ce que prétend le requérant, le fait que les informations concernant ce site Internet, telles que fournies par le Conseil en réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, proviennent du site Internet « Emmar Syria » et du réseau social LinkedIn n’est pas de nature à priver de fiabilité les informations publiées sur ce site Internet. Il en va de même pour le fait que le site Internet « Emmar Syria » est une filiale à part entière d’Emmar Properties, un promoteur immobilier établi à Dubaï (Émirats arabes unis). En effet, le requérant n’a pas précisé en quoi le fait que ce dernier ait des intérêts économiques dans la région ou que, selon l’article intitulé « Property Investments and Prestige Projects in Damascus : Urban and Town Planning Metamorphosis » (Des investissements immobiliers et des projets de prestige à Damas : une métamorphose de la planification urbaine et de la ville), de juillet 2010, produit par le requérant en annexe aux observations sur la réponse du Conseil à une question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le groupe Emmar participe à la construction des projets immobiliers à Damas serait de nature à priver de fiabilité les informations publiées sur le site Internet « Emmar Syria ».

172    En septième lieu, il convient d’écarter l’argument du requérant selon lequel le site Internet « Fenks » manque de fiabilité. Le requérant n’étaye pas son affirmation selon laquelle le site Internet « Fenks » n’a pas de réputation en matière de journalisme. Néanmoins, le fait que cette source a, selon le requérant, peu de résonance et, plus précisément, que son compte Twitter n’a que trois abonnés est un élément qui témoigne du fait que cette dernière source doit être considérée avec prudence. En effet, un nombre aussi réduit d’abonnés sur Twitter est un indice de la faible audience du site Internet « Fenks ».

173    En huitième lieu, le requérant fait valoir que, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 janvier 2019, Haswani/Conseil (T‑477/17, non publié, EU:T:2019:7), citée par le Conseil dans sa réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, aucune des pièces figurant dans le document WK 1747/2020 ne provient de journaux britanniques ou américains.

174    À cet égard, il convient de constater que les sources d’information figurant dans le document WK 1747/2020 sont d’origine exclusivement locale. Néanmoins, l’origine géographique des sources d’information n’est pas le seul élément à prendre en considération aux fins d’examiner la fiabilité des sources. En particulier, la circonstance que les sources d’information utilisées par le Conseil suivent des lignes éditoriales différentes, voire opposées, constitue un élément témoignant de la fiabilité des informations publiées, considérées dans leur ensemble. Or, en l’espèce, le fait que certaines des sources figurant dans le document WK 1747/2020 relayent des éléments d’information qui se corroborent, alors qu’elles sont décrites comme étant favorables soit au régime syrien soit à l’opposition à ce régime, contribue à démontrer le caractère fiable et sensé des informations qui y sont publiées.

175    En neuvième lieu, s’agissant des arguments du requérant concernant le fonctionnement de plusieurs liens figurant dans les pièces comprises dans le document WK 1747/2020, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée).

176    Or, à la date d’adoption des actes attaqués, les éléments de preuve sur lesquels le Conseil s’est fondé étaient ceux figurant dans le document WK 1747/2020. Plus précisément, il ressort de ce document que les pièces nos 2, 8 et 9 ont été consultées entre le 9 et le 12 août 2019. Ainsi, le fait que certains liens ou articles aient été par la suite supprimés et qu’ils ne soient plus accessibles à la date de dépôt de la requête ne saurait suffire à établir leur absence de fiabilité à la date d’adoption des actes attaqués. Par ailleurs, il y a lieu de relever, comme le souligne à juste titre le Conseil, qu’une telle circonstance échappe au contrôle de ce dernier. N’est pas davantage pertinent l’argument tiré de ce que le lien figurant dans la pièce no 4 du document WK 1747/2020, consulté le 9 août 2019, conduit à un site Internet qui n’est pas sûr dans la mesure où il peut soustraire des données à caractère personnel et privé. En effet, le requérant est resté en défaut de démontrer que cela aurait été de nature à priver de tout caractère sensé et fiable les éléments d’information relayés par ledit site.

177    En dixième et dernier lieu, concernant le site Internet « Nedaa Syria », il ressort des résultats d’une recherche faite sur le moteur de recherche de domaines d’Internet « who.is », fournie par le requérant en annexe à la requête, que l’identité du déclarant de l’enregistrement (registry registrant ID) du nom du domaine « www.nedaa-sy.com » n’est pas disponible. En revanche, il en ressort que des adresses postale et électronique ainsi qu’un numéro de téléphone sont disponibles. Selon le requérant, le site a été enregistré en Arizona (États-Unis) par le biais d’un fournisseur de ce pays. En outre, il ressort d’une capture d’écran produite par le Conseil en annexe au mémoire en défense que, contrairement à ce que soutient le requérant, il existe une page sur le réseau social Facebook, dénommée « Syria Call », qui est associée à ce site Internet.

178    Il convient de considérer que le fait que l’identité de la personne ou de l’entité ayant déclaré l’enregistrement du nom du domaine « www.nedaa-sy.com » n’est pas disponible ne saurait suffire, en lui-même, à priver de leur caractère sensé et fiable les informations publiées sur ce site Internet. En outre, il convient de constater que, selon les informations fournies par le Conseil en réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, plusieurs sources décrivent « Needa Syria » comme étant un site favorable à l’opposition au régime syrien. Dans ce contexte, en l’absence d’autres éléments permettant de conclure à une absence de fiabilité et de crédibilité de cette source, l’anonymat de la personne ou de l’entité ayant déclaré l’enregistrement dudit domaine peut s’expliquer par d’autres éléments comme la volonté de se protéger vis-à-vis d’un régime autoritaire comme le régime syrien.

179    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter les arguments du requérant tirés d’un manque de fiabilité des sources d’information des éléments de preuve figurant dans le document WK 1747/2020.

3)      Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

180    Il convient de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 136 ci-dessus, et constitue ainsi un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le premier motif d’inscription, à savoir celui selon lequel le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

i)      Sur les intérêts financiers du requérant dans le tourisme

181    Il peut être constaté, eu égard aux éléments d’information provenant des sites Internet « Shaam Times », « Fenks » et « Emmar Syria », que le requérant a contribué à la création, approuvée par le ministère du Commerce intérieur et de la Protection du consommateur syrien, d’une société d’investissement touristique, dénommée Castro, dont il détient 50 % du capital social. Il en ressort également que cette société gérera la construction, l’investissement et la direction de complexes touristiques, en ce compris des hôtels, des restaurants et des cafés. En outre, il ressort des informations publiées sur le site Internet « The Syria Report » que Castro a été créée le 21 mai 2018 avec un capital de 5 millions de SYP, dont le requérant en détient 50 %.

182    Concernant Castro, le requérant soutient, en substance, que cette société détient et gère un café, l’entité J, à Damas, qui ne dépasse pas 50 mètres carrés. Selon le requérant, cette société n’a aucun intérêt dans le tourisme au sens large. De plus, son capital social [confidentiel] ne lui permettrait pas d’envisager d’intervenir dans des projets touristiques. Enfin, le requérant soutient que le Conseil n’apporte pas la preuve de ce que Castro a un lien avec des complexes touristiques soutenus par le régime syrien.

183    En outre, le requérant souligne que le fait que la création de cette société a été approuvée par le ministère du Commerce intérieur et de la Protection du consommateur syrien signifie uniquement que, conformément à la législation en vigueur, ce ministère a compétence pour inscrire une société au registre du commerce.

184    Enfin, le requérant affirme que, par le biais de Castro, il a participé à des programmes d’aides internationales en souscrivant des contrats avec un certain nombre d’organisations non gouvernementales et avec le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés. Plus précisément, les Nations unies auraient pris appui, jusqu’à l’été 2019, sur cette société pour l’installation d’appareils électriques dans certaines des régions du pays les plus touchées par la guerre. Selon le requérant, ces circonstances ne figurent pas au dossier et n’ont pas été prises en considération par le Conseil lors de l’adoption des mesures restrictives à son égard.

185    Il convient de relever, tout d’abord, que, conformément au certificat d’enregistrement de Castro produit par le requérant en annexe à la requête, le capital social de Castro est, contrairement à ce qu’affirme le requérant, de [confidentiel]. En outre, il en ressort que Castro a pour objectif, notamment, l’investissement dans [confidentiel]. S’il peut être admis, comme le souligne le requérant, que les indications du registre du commerce sont générales et comprennent, dans la même catégorie, un ample éventail d’activités, il n’en demeure pas moins que l’affirmation selon laquelle cette société se limiterait à exploiter un café situé à Damas qui ne dépasserait pas 50 mètres carrés n’est pas, en tout état de cause, suffisamment étayée. En effet, le document expédié par le centre des services au citoyen du gouvernorat de Damas, produit par le requérant en annexe à la requête, tend uniquement à démontrer que le requérant a dû payer une redevance pour une licence d’administration d’une cafétéria. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 187 ci-après, Castro ne se limite pas à l’exploitation de ce café, situé à Damas.

186    Par ailleurs, les raisons de l’intervention du ministère du Commerce intérieur et de la Protection du consommateur syrien pour approuver la création de Castro ne sauraient remettre en cause le fait que la société a été créée et que le requérant y détient une participation non négligeable.

187    Il en va de même de l’argument selon lequel Castro a souscrit des contrats avec un certain nombre d’organisations non gouvernementales et avec le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés. En tout état de cause, il convient de constater que cet argument ainsi que le document produit pour l’étayer révèlent plutôt que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, Castro ne se limite pas à l’exploitation d’un café à Damas, mais fournit également des services d’installation d’appareils électriques à ces organisations et les approvisionne en papeterie et nourriture. En effet, il ressort du bon de commande du Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, produit en annexe à la requête, que cette organisation a commandé une série de produits de papeterie.

ii)    Sur les intérêts financiers du requérant dans les télécommunications

188    Il peut être constaté, eu égard aux éléments d’information provenant des sites Internet « All News Today » et « Dam Press », que Telsa Group est une société spécialisée dans les services de communication par satellite qui a participé à l’exposition Syria Tech à Damas. Le directeur de projets de Telsa Group, présent à l’exposition, a affirmé que ce groupe travaillait « main dans la main » avec des agences gouvernementales syriennes.

189    En outre, les informations publiées par les sites Internet « Emmar Syria », « Nedaa Syria » et « The Syria Report » indiquent que le requérant est le directeur général de Telsa Group.

190    Par ailleurs, il ressort des sites Internet « www.telsasolutions.com », « www.telsarebuild.com » et « www.wavesnet.sy » que la société I fournit une gamme variée de services relatifs aux télécommunications, comme des systèmes de surveillance et de sécurité, des accessoires de réseau et de communications, des études d’ingénierie et des solutions technologiques pour la gestion de systèmes et d’infrastructure.

191    Enfin, il convient de constater que le requérant lui-même admet qu’il est le co-fondateur et le directeur général de la société I, une société faisant partie de Telsa Group spécialisée dans l’importation et l’exportation de matériel informatique et dans la fourniture de solutions informatiques.

192    Concernant le domaine des télécommunications, le requérant soutient que les seuls contrats que Telsa Group a conclus, en dehors de ceux avec des personnes privées, en lien avec l’entité K, concernent les entités L.

193    En outre, le requérant souligne que la participation de la société M dans des contrats de Telsa Group s’explique par le fait que [confidentiel]. À cet égard, le requérant fait valoir, en substance, qu’il ne détient pas de parts dans le capital social de la société M et n’est pas lié à ses activités. Par ailleurs, le requérant affirme que, malgré leur montant non négligeable, les contrats conclus entre la société M et la société I ont entraîné, en réalité, une perte financière pour Telsa Group en raison de la dévaluation de la livre syrienne.

194    Par ailleurs, il fait valoir que Syria Tech est une exposition spécialisée dans les communications et les technologies, autrement dit une rencontre entre professionnels de ce secteur. En outre, concernant les informations publiées par le site Internet « Dam Press » sur cette exposition, le requérant soutient que la réunion avec N, une personne qu’il ne connaît pas par ailleurs, n’a pas eu lieu.

195    Enfin, le requérant fait valoir, en substance, que les indications qui figurent sur le site Internet « Waves Net » décrivent simplement les valeurs prônées par la société I. Plus précisément, selon le requérant, l’engagement visant à contribuer à la reconstruction de la Syrie qui est mentionné sur ce site Internet ne comporte aucune dimension politique.

196    Tout d’abord, il convient de relever que les arguments du requérant ne sont pas de nature à remettre en cause le fait que Telsa Group fournit, par le biais de la société I, des services de télécommunication.

197    En tout état de cause, s’agissant de l’argument tiré de ce que les contrats conclus par Telsa Group ne concernent que des entités privées, si, certes, le requérant a produit des contrats conclus entre des sociétés de Telsa Group et trois entités privées, cela ne démontre pas, comme le souligne à juste titre le Conseil, que Telsa Group n’a pas également travaillé avec des entités publiques.

198    Au contraire, il convient de constater que l’un des contrats produits par le requérant, à savoir celui du [confidentiel], suggère la conclusion d’un contrat avec une entité publique ou, à tout le moins, soumis au droit public. En effet, le contrat du [confidentiel] a été conclu entre la société I et [confidentiel] sur la base des dispositions du système de contrats prévu par la loi no 51 de 2004 et sur la base d’un cahier des charges prévu par le décret no 450 de 2004.

199    Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon les informations publiées par les sites Internet « All News Today » et « Dam Press », le directeur de projets de Telsa Group a affirmé que ce groupe travaillait « main dans la main » avec des agences gouvernementales syriennes. Or, le requérant n’a pas avancé d’éléments permettant de douter, notamment, de la fonction occupée par cette personne. Compte tenu de son statut de directeur de projets de Telsa Group, il convient de supposer qu’il s’est exprimé conformément aux instructions de Telsa Group et que, partant, ledit groupe reconnaît sa collaboration avec lesdites agences.

200    Enfin, il convient de remarquer qu’il ressort de la capture d’écran du site Internet « www.telsasolutions.com », figurant dans la pièce no 10 du document WK 1747/2020, que la société I se spécialise dans la fourniture de services pour répondre aux besoins tant du secteur public que du secteur privé.

201    À l’égard de la société M, il suffit de constater que le fait que le requérant détiendrait des parts dans cette société n’a pas été retenu par le Conseil pour le qualifier d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. À ce titre, cet élément ne figure pas dans les motifs d’inscription ni dans les éléments de preuve. Néanmoins, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel les contrats conclus entre cette société et la société I auraient entraîné des pertes en raison de la dévaluation de la livre syrienne, force est de relever que, selon [confidentiel] produit par le requérant en annexe à la requête, le prix du contrat, [confidentiel], a été fixé en euros. En conséquence, même si les sommes sont payées en livres syriennes, conformément à [confidentiel], une dévaluation de la livre syrienne ne saurait entraîner des pertes pour la société I. 

202    En outre, à l’égard de Syria Tech, il convient de remarquer que, selon les informations publiées par le site Internet « Dam Press », cette exposition a été inaugurée par le ministre de la Communication et de la Technologie syrien qui a constaté l’importance de cette exposition comme témoignant du fonctionnement de l’activité économique syrienne malgré la situation du pays. En outre, ainsi que le souligne à juste titre le Conseil, les informations figurant sur ce site Internet se bornent à indiquer que N était présent à l’exposition Syria Tech, mais elles ne mentionnent pas qu’une réunion se serait tenue entre celui-ci et le requérant.

203    Enfin, il convient de relever que l’argument du requérant selon lequel les indications qui figurent sur le site Internet « Waves Net » décrivent les valeurs prônées par la société I n’est pas pertinent pour l’examen du premier motif d’inscription, à savoir celui selon lequel le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, mais pour celui du second, à savoir l’association avec le régime syrien.

iii) Sur les intérêts financiers du requérant dans l’immobilier

204    S’agissant des intérêts financiers du requérant dans l’immobilier, il peut être constaté, eu égard aux éléments d’information provenant des sites Internet « Nedaa Syria » et « The Syria Report », que le requérant, en tant que représentant de Telsa Group, a rencontré une délégation d’entrepreneurs des Émirats arabes unis, représentants de Damac Properties, une des sociétés immobilières les plus importantes du Moyen-Orient. Plus précisément, selon les informations publiées par « The Syria Report », si Telsa Group est peu connu, il est néanmoins « très influent ».

205    Le requérant relève, tout d’abord, que ces informations contiennent plusieurs erreurs. Plus précisément, selon le requérant, Telsa Group a été créé en 2017, et non en 2015, et n’a pas été fondé par le régime syrien.

206    Par ailleurs, Telsa Group n’aurait pas pour objectif la reconstruction de la Syrie avec l’aide de la Russie. En effet, Telsa Group ne compte qu’un contrat dans le domaine de la construction, et ce avec une coopérative de logements. En outre, le requérant n’aurait aucun lien personnel ou commercial avec la Russie ou une société ou une administration russe.

207    En outre, le requérant soutient que la réunion avec Damac Properties visait à inciter des investisseurs syriens à acheter des propriétés appartenant à cette société à Dubaï. Par ailleurs, selon le requérant, le forum qui devait permettre de stabiliser les relations commerciales entre des entrepreneurs syriens et les Émirats arabes unis a été annulé en raison de l’opposition du régime syrien.

208    De plus, le requérant affirme que les sociétés qu’il détient n’ont pas de lien avec Al-Diyar Damascene Company. De surcroît, selon le requérant, la personne présente à la réunion avec Damac Properties ne représentait pas Al-Diyar Damascene Company, mais le syndicat des ingénieurs, sa seule mission étant de transmettre ses connaissances en la matière.

209    Concernant l’année de création de Telsa Group, il convient, au préalable, de faire référence à la structure des sociétés de ce groupe, telle qu’exposée par le requérant. Selon ce dernier, Telsa Group regroupe trois entreprises ayant en commun la dénomination [confidentiel] et spécialisées dans plusieurs domaines. Il s’agit de la société I et des deux autres sociétés, les sociétés O. Le requérant affirme qu’il détient 50 % du capital social de ces trois sociétés et, partant, 50 % de Telsa Group. Il a produit, en annexes à la requête, des certificats d’enregistrement de ces quatre sociétés. Il en ressort que les quatre ont été créées entre le 29 septembre 2015, date de création de la société I, et le 20 novembre 2017, date de création de Telsa Group.

210    À cet égard, il convient de considérer que, dans le milieu journalistique auquel appartiennent les sites Internet « Nedaa Syria » et « The Syria Report », la mention de l’année de création d’une entreprise ne peut être comprise comme ayant nécessairement une connotation juridique et faisant donc référence, en l’espèce, à Telsa Group, mais plutôt à une ou plusieurs des sociétés qui constituent ce groupe. En ce sens, la référence à 2015 comme année de création de Telsa Group ne saurait être erronée. Cette conclusion se voit confirmée par la manière dont le site Internet « Needa Syria » présente cette information. En effet, selon l’article publié par ce site, « [e]n 2015, le régime [syrien] a créé Telsa Group spécialisé dans les télécommunications, les technologies de l’information, Internet, l’ingénierie et les contrats ». À cet égard, il convient de rappeler que la société I, qui est la société du groupe spécialisée dans l’importation et l’exportation de matériel informatique et la fourniture de solutions informatiques, a été effectivement créée en 2015. Enfin, il ressort de la capture d’écran du site Internet « www.telsa-group.com », produite par le Conseil en annexe au mémoire en défense, que « Telsa Group a été créé à la moitié de l’année 2015, mais [que] sa présence ne se limite pas à cette date » et que « [l]es succès du groupe précèdent son apparition officielle et son annonce ».

211    En tout état de cause, l’année de création de Telsa Group, qu’il s’agisse de 2015 ou de 2017, ne saurait remettre en cause les autres informations relayées par les sites Internet « Nedaa Syria » et « The Syria Report », dont notamment le fait que le requérant, représentant de Telsa Group, a rencontré une délégation d’entrepreneurs des Émirats arabes unis, représentants de Damac Properties, une des sociétés immobilières les plus importantes du Moyen-Orient.

212    Concernant l’argument tiré de ce que Telsa Group n’a pas été fondé par le régime syrien, il convient de relever que, selon le certificat d’enregistrement produit par le requérant en annexe à la requête, les fondateurs de Telsa Group sont des sociétés privées. Néanmoins, si cela peut constituer un indice de ce que Telsa Group n’a pas été fondé par le régime syrien, force est de constater que cette circonstance n’est pas une condition requise pour satisfaire au premier motif d’inscription, à savoir celui selon lequel le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, mais pour satisfaire au second, à savoir l’association avec le régime syrien.

213    S’agissant de l’argument tiré de l’absence de liens avec la Russie, il convient de relever, comme le souligne à juste titre le Conseil, que l’article publié sur le site Internet « Needa Syria » ne se réfère pas à l’existence desdits liens entre, d’une part, Telsa Group et le requérant et, d’autre part, la Russie. Il en va de même, par ailleurs, de l’argument tiré de l’absence de liens avec Al-Diyar Damascene Company.

214    En outre, le requérant n’a pas étayé son argument selon lequel la visite à Damas de la délégation d’entrepreneurs des Émirats arabes unis, représentants de Damac Properties, aurait pour but d’inciter des investisseurs syriens à acheter des propriétés appartenant à cette société à Dubaï. Par ailleurs, le fait que, selon le requérant, un représentant du syndicat des ingénieurs était présent à la réunion avec cette société, ayant pour mission de transmettre ses connaissances en la matière, tend à indiquer l’inverse. En effet, les raisons pour lesquelles les connaissances d’un représentant du syndicat d’ingénieurs syrien seraient utiles pour investir dans des propriétés à Dubaï ne sont pas évidentes.

215    Enfin, l’argument tiré de l’opposition du régime syrien à l’initiative consistant à inciter des investisseurs syriens à acheter des propriétés appartenant à Damac Properties à Dubaï n’est pas suffisamment étayé. En effet, de la lettre du ministère de l’Économie et du Commerce extérieur syrien adressée à l’hôtel Four Seasons de Damas, produite par le requérant, il ne ressort pas qu’une violation des règles concernant l’organisation d’événements aurait été constatée et que l’hôtel aurait dû prendre toutes les mesures nécessaires pour annuler cet événement. Par ailleurs, force est de constater que cette lettre date du 16 décembre 2019, alors que les articles publiés sur les sites Internet « Nedaa Syria » et « The Syria Report » datent, respectivement, du 23 et du 24 décembre 2018.

iv)    Sur la participation du requérant dans un certain nombre d’autres sociétés

216    Il peut être constaté, eu égard aux éléments d’information provenant des sites Internet « Aliqtisadi », « The Syria Report », « Shaam Times », « Fenks » et « Emmar Syria », que le requérant détient des parts dans le capital social d’un certain nombre d’autres sociétés. Il s’agit des sociétés A, B, C et D, dans lesquelles il occupe également le poste de directeur général, selon le site Internet « Aliqtisadi », ainsi que des sociétés E, F et H. 

217    À l’égard de ces sociétés, le requérant soutient, tout d’abord, que la société A n’a pas de contrat de fourniture de services Internet avec le gouvernement syrien. En outre, il soutient qu’il a transféré toutes ses actions dans les sociétés H, C et F avant l’adoption des actes attaqués. De plus, ces deux dernières sociétés seraient inactives, la société F l’ayant été dès avant la guerre en Syrie de 2001.

218    En outre, en substance, le requérant se prévaut du fait que les noms de ces sociétés ne figurent pas dans les actes attaqués pour affirmer que sa participation dans le capital de ces sociétés ne saurait être invoquée pour démontrer le bien-fondé desdits actes.

219    Tout d’abord, force est de constater que l’argument concernant la société A n’est qu’une simple affirmation non étayée. En tout état de cause, cet argument n’est pas une condition requise pour satisfaire au premier motif d’inscription, à savoir celui selon lequel le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, mais pour satisfaire au second, à savoir l’association avec le régime syrien.

220    S’agissant de la vente d’actions de la société H, il ressort du document produit par le requérant en annexe à la réplique, adressé au ministère des Finances syrien et signé par le requérant, que ce dernier a cédé toutes ses actions dans cette société. Bien qu’il s’agisse d’un document non officiel et qu’il ne soit pas daté, soulevant des doutes quant à sa valeur probante, le requérant a produit un certificat d’enregistrement de cette société, établi le 28 novembre 2019 par le ministre du Commerce intérieur et de la Protection du consommateur syrien, dans lequel son nom n’est pas mentionné. Il en résulte qu’il convient d’admettre que le requérant a apporté la preuve qu’il avait cédé les actions de ladite société avant l’adoption des actes attaqués.

221    Concernant la vente d’actions de la société C, le requérant a produit un document intitulé « minutes of sale and assignement of shares » (procès-verbaux de vente et cession d’actions), du 8 décembre 2019. Il en ressort que le requérant a vendu la totalité de ses actions dans cette société. Néanmoins, certains éléments de ce document, pris ensemble, sont de nature à soulever un doute sur sa valeur probante. Il s’agit plus précisément du fait que le document n’émane pas d’une instance officielle et du fait que le prix de la vente des actions ne figure pas dans ce document. Ce doute se maintient au vu du certificat d’enregistrement établi le 29 décembre 2019 par le ministre du Commerce intérieur et de la Protection du consommateur syrien et produit par le requérant en annexe à la réplique. En effet, il convient de constater, à l’instar du Conseil, que ce certificat concerne une société dénommée Khutut Attaqa LLC et que ni la société C ni le requérant n’y sont mentionnés. Ainsi, le requérant ne démontre pas avoir cédé les actions de ladite société avant l’adoption des actes attaqués.

222    S’agissant de la vente d’actions de la société F, il ressort du document produit par le requérant en annexe à la réplique, établi le 20 février 2017 par le ministère des Finances syrien, que le requérant a cédé toutes ses actions dans cette société le 13 février 2017. Le fait que le document n’indique pas le prix de la cession n’est pas suffisant en lui-même, comme le prétend le Conseil, pour priver de valeur probante ce document. En outre, le requérant a produit un certificat d’enregistrement de cette société, établi le 14 janvier 2020 par le ministre du Commerce intérieur et de la Protection du consommateur syrien. Selon ce certificat, dans lequel le nom du requérant ne figure pas, la société F a été créée le 16 novembre 2011. À cet égard, il convient de relever que si les documents produits par le requérant tendent à démontrer qu’il ne détient plus de parts dans cette société, ils démentent son affirmation selon laquelle cette société n’était déjà plus active avant l’année 2001.

223    Ainsi, des sept sociétés dans lesquelles le requérant détient des parts, mentionnées au point 216 ci-dessus, il a présenté des éléments tendant à démontrer qu’il avait cédé ses parts dans deux d’entre elles, à savoir la société H et la société F. Autrement dit, le fait qu’il continue à détenir des parts dans cinq autres sociétés, dont il est également directeur général pour certaines, n’a pas été remis en cause.

224    Concernant l’argument tiré du fait que les noms de ces sociétés ne figurent pas dans les actes attaqués, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 116 ci-dessus, il n’est pas exigé que la motivation des actes attaqués spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents. En tout état de cause, il convient de considérer que la détention par le requérant de parts dans ces sociétés ainsi que sa fonction de directeur général de certaines d’entre elles constituent des éléments de fait venant au soutien du premier motif d’inscription, à savoir celui selon lequel le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

v)      Conclusion sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

225    Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le Conseil, en démontrant que le requérant possédait des intérêts financiers dans les secteurs du tourisme, des télécommunications et de l’immobilier ainsi que des parts dans de nombreuses sociétés, a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

226    La conclusion formulée au point 225 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les autres arguments soulevés par le requérant.

227    Tout d’abord, le requérant fait valoir, en substance, qu’aucun des éléments de preuve figurant dans le document WK 1747/2020 ne le vise en tant que personne physique. Ainsi, il existerait une confusion entre le requérant et ses sociétés. Par ailleurs, selon le requérant, si, selon le Conseil, le fait de détenir les sociétés Telsa Group et Castro suffit pour affirmer qu’il soutient le régime syrien, ces sociétés devraient être elles-mêmes inscrites sur les listes en cause.

228    À cet égard, il convient de rappeler que, selon les éléments de preuve figurant dans le document WK 1747/2020, le requérant est le directeur général de Telsa Group (voir point 189 ci-dessus) et des sociétés A, B, C et D (voir point 216 ci-dessus). En outre, il en ressort que le requérant détient des parts dans Castro (voir point 181 ci-dessus) ainsi que dans les sociétés A, B, C, D, E, F et, enfin, H (voir point 216 ci-dessus). Ainsi, s’il est vrai que ces informations concernent la vie professionnelle du requérant, il n’en demeure pas moins qu’elles visent ce dernier en tant que personne physique.

229    Par ailleurs, dans la mesure où le premier motif d’inscription concerne le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, les éléments de preuve doivent, en toute logique, porter sur les affaires dans lesquelles le requérant est impliqué, qu’il le soit directement, en tant que personne physique, ou par le biais des sociétés ou des entreprises dans lesquelles il a des intérêts, en tant qu’actionnaire et, le cas échéant, au sein desquelles il exerce des fonctions de directeur général.

230    Ensuite, le requérant soutient, en substance, que les sociétés qu’il détient ne sont pas de grandes structures. À cet égard, le requérant signale que Telsa Group regroupe seulement trois entreprises et que Castro est simplement un café à Damas.

231    À cet égard, il convient de relever que le fait que Telsa Group comprend trois sociétés ne saurait être un élément témoignant, en lui-même, d’une structure modeste. Par ailleurs, le requérant détient des parts dans un nombre significatif d’autres sociétés. En outre, l’existence d’un contrat signé avec la société M pour un prix qui, comme le reconnaît le requérant lui-même, n’est pas négligeable constitue un indice de l’importance économique de la société I, société faisant partie de Telsa Group. Enfin, ainsi qu’il a été signalé au point 185 ci-dessus, le requérant n’a pas étayé son affirmation selon laquelle Castro se limiterait à exploiter un café situé à Damas.

232    Par ailleurs, le requérant relève qu’aucun des éléments compris dans le document WK 1747/2020 ne le lie à l’expropriation de terres, à leur occupation ou au bénéfice indirect d’une mesure d’expropriation de terres, alors que, en substance, selon les considérants 2 des actes initiaux, l’adoption des mesures restrictives était justifiée par ces raisons.

233    Les considérants 2 des actes initiaux se lisent comme suit : « [é]tant donné que des hommes ou femmes d’affaires éminents réalisent des bénéfices importants du fait de leurs liens avec le régime d’Assad et aident à financer ce régime en retour, notamment au travers des coentreprises formées par certains hommes ou femmes d’affaires et entités éminents avec des sociétés bénéficiant du soutien de l’État afin d’exploiter des terres expropriées, ces hommes ou femmes d’affaires et entités soutiennent le régime d’Assad et en tirent avantage, y compris par l’utilisation de biens expropriés ».

234    À cet égard, il convient de relever, comme le souligne à juste titre le Conseil, que l’exploitation de terres expropriées et l’utilisation de biens expropriés sont évoquées, à titre illustratif, comme étant des comportements adoptés par les hommes ou femmes d’affaires éminents qui réalisent des bénéfices importants en raison de leurs liens avec le régime syrien et qui aident à financer ce régime en retour. Ainsi, ces circonstances ne sauraient être comprises comme une condition pour l’inscription du nom des personnes, entités ou organismes sur les listes en cause en vertu des actes initiaux.

235    Enfin, le requérant soutient, en substance, que le Conseil n’a pas établi l’existence d’un lien entre, d’une part, lui-même et ses entreprises et, d’autre part, le régime syrien, ni son influence sur ce dernier.

236    À cet égard, il convient de relever que, en l’espèce, l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a eu lieu dans le contexte législatif de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. À ce titre, la décision 2015/1836 a notamment introduit comme critère d’inscription objectif, autonome et suffisant celui des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », de sorte que le Conseil n’est plus tenu de démontrer l’existence d’un lien entre cette catégorie de personnes et le régime syrien, au sens où l’entendait la décision 2013/255 avant sa modification, ni non plus entre cette catégorie de personnes et le soutien apporté à ce régime ou le bénéfice tiré de ce dernier, étant donné qu’être une femme ou un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie suffit pour l’application des mesures restrictives en cause à une personne. Ainsi, il ne découle aucunement de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, une obligation à la charge du Conseil de rapporter la preuve de la constatation de la double condition relative à la situation de femme ou d’homme d’affaires influent et à celle de liens suffisants avec le régime [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, points 71 à 74 ; du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, points 55 et 56 (non publiés), et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 56].

237    En ce sens, le Tribunal a considéré qu’il pouvait être déduit du critère relatif à la qualité de « femmes et [d’]hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » une présomption réfragable de lien avec le régime syrien [voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, point 106 (non publié), et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 60]. Cette présomption trouve à s’appliquer dès lors que le Conseil a été en mesure de démontrer non seulement que la personne est une femme ou un homme d’affaires exerçant ses activités en Syrie, mais aussi qu’elle peut être qualifiée d’influente. En effet, ainsi qu’il ressort des termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, c’est l’influence que cette catégorie de personnes est susceptible d’exercer sur le régime syrien que le Conseil vise à exploiter en les poussant, par le biais des mesures restrictives qu’il adopte à leur égard, à faire pression sur le régime syrien pour qu’il modifie sa politique de répression. Ainsi, dès lors que le Conseil est parvenu à démontrer l’influence qu’une femme ou un homme d’affaires peut exercer sur ledit régime, le lien entre ladite personne et le régime syrien est présumé.

238    En outre, il y a lieu de rappeler que le respect des règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve en matière de mesures restrictives par le Tribunal implique que ce dernier respecte le principe énoncé par la jurisprudence constante mentionnée au point 136 ci-dessus et rappelé par la Cour dans l’arrêt du 11 septembre 2019, HX/Conseil (C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 48 à 50), selon lequel, en substance, la charge de la preuve incombe à l’institution en cas de contestation du bien-fondé des motifs d’inscription. La Cour a ainsi jugé que la charge de la preuve de l’existence d’informations suffisantes, au sens de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, indiquant que la partie requérante n’était pas, ou n’était plus, liée au régime syrien, qu’elle n’exerçait aucune influence sur celui-ci et qu’elle n’était pas associée à un risque réel de contournement des mesures restrictives adoptées à l’égard de ce régime, n’incombait pas à la partie requérante (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 86, et du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 50 et 51).

239    Par conséquent, il ne saurait être imposé à la partie requérante un niveau de preuve excessif aux fins de renverser la présomption de lien avec le régime syrien. Ainsi, celle-ci doit être considérée comme ayant réussi à renverser la présomption de lien au régime syrien si elle fait valoir des arguments ou des éléments susceptibles de remettre sérieusement en cause la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou leur appréciation, notamment au regard des conditions posées par l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ou si elle produit devant le juge de l’Union un faisceau d’indices de l’inexistence ou de la disparition du lien avec le régime syrien, ou de l’absence d’influence sur ledit régime, ou de l’absence d’association avec un risque réel de contournement des mesures restrictives, conformément à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de cette décision (arrêt du 8 juillet 2020, Zubedi/Conseil, T‑186/19, EU:T:2020:317, point 71).

240    En l’espèce, le requérant relève, en substance, avoir dû faire face à des difficultés liées aux agissements du régime syrien. À cet égard, il affirme avoir été détenu arbitrairement pendant sept jours par le régime syrien afin de l’empêcher de poursuivre ses affaires en Syrie. Il ajoute que les allégations de corruption parues dans la presse n’ont jamais été corroborées et que, par la suite, il a obtenu la reconnaissance judiciaire de son innocence.

241    Il ressort des articles de presse produits par le requérant en annexe à la requête et à la réplique que, le 16 juillet 2018, il a été détenu dans le cadre d’une enquête visant la société M pour, en particulier, des cas de manipulation des contrats de fourniture de cette société. Le requérant est désigné comme étant l’un des fournisseurs détenus. Selon les informations publiées dans ces articles, même si les résultats de l’enquête n’étaient pas clairs, des « centaines de millions » de cas de corruption ont été démontrés à l’encontre des détenus et d’autres directeurs.

242    Ainsi, le requérant a été détenu dans le cadre d’une enquête portant sur de très nombreux cas de corruption affectant plusieurs personnes. Selon ses propres dires, il a été mis en liberté au bout d’une semaine. Il ne peut en être déduit, comme le prétend le requérant, que cette détention a été arbitraire ou que son but était de l’empêcher de poursuivre ses affaires en Syrie. À cet égard, le Tribunal considère que la détention du requérant ne saurait être, tout au plus, qu’un indice de l’absence de lien avec le régime syrien en 2018. Or, le requérant n’a pas présenté d’autres indices allant dans le même sens et suggérant que, à la date d’adoption des actes attaqués, il remplissait les conditions posées par l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836.

243    Enfin, le requérant signale que, contrairement aux entreprises effectivement soutenues par le régime, il a été impossible pour lui d’investir dans le marché des énergies renouvelables. Il suffit de relever que cet argument n’est qu’une simple affirmation non étayée qui doit, dès lors, être écarté.

244    Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le requérant n’est pas parvenu à renverser la présomption de lien avec le régime syrien.

245    Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de considérer que le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause en raison de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie est suffisamment étayé, de sorte que, au regard de ce critère, l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause est bien fondée.

246    Or, selon la jurisprudence, eu égard à la nature préventive des décisions adoptant des mesures restrictives, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

247    Dès lors, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs soulevés par le requérant et visant à remettre en cause le second motif d’inscription, de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

d)      Sur le quatrième moyen, tiré d’une atteinte illégale et disproportionnée aux droits fondamentaux du requérant, en particulier au droit de propriété et au droit au respect de la vie privée et familiale

248    Le requérant soutient que les actes attaqués portent une atteinte totale et continue à ses droits fondamentaux, ce qui serait, en soi, disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi.

249    Concernant le droit de propriété, en premier lieu, le requérant relève que l’atteinte à ce droit n’est pas limitée au territoire de l’Union. À cet égard, ses fonds auraient été gelés non seulement sur le compte bancaire qu’il détient dans une banque polonaise, mais également sur un autre compte détenu auprès d’une banque libanaise. En outre, la banque syrienne dans laquelle il possède un autre compte lui aurait indiqué avoir pris la même décision. Enfin, tant la banque libanaise que la banque syrienne l’auraient informé de ce qu’elles ne travailleraient plus avec lui ou « son entreprise ».

250    En deuxième lieu, le requérant estime que le gel de ses fonds équivaut à une privation du droit de propriété, ce qui est contraire à la portée conservatoire des mesures restrictives. Cette privation découlerait, d’une part, de la durée importante des mesures restrictives et, d’autre part, du risque que l’insécurité financière liée à la situation de crise actuelle représenterait pour la stabilité des banques dans lesquelles il a ses comptes. Le requérant ajoute, au stade de la réplique, que le caractère réversible du gel des fonds est remis en question dans la mesure où les intérêts perdus pendant la période durant laquelle ses fonds seront gelés ne pourront être rattrapés par la suite.

251    En troisième lieu, le requérant soutient que l’atteinte portée à son droit de propriété est inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par le Conseil. En effet, dans la mesure où il n’aurait aucun lien avec le régime syrien, les mesures restrictives adoptées à son égard ne sauraient exercer de pression sur celui-ci. Ces mesures sont, en substance, selon le requérant, même contreproductives puisqu’elles privent la population civile syrienne de services techniques et informatiques. Enfin, le requérant estime que le Conseil a opté pour les mesures les plus extrêmes alors qu’il existait des mesures alternatives moins restrictives.

252    Concernant le droit au respect de la vie privée et familiale, le requérant soutient, en substance, qu’il ne peut subvenir correctement aux besoins de sa famille. Plus précisément, il affirme ne plus être en mesure de payer le traitement médical de P. À cet égard, le requérant ajoute qu’une telle atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale est non seulement disproportionnée, mais frôle la qualification de risque pour la vie et de traitement inhumain et dégradant.

253    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

254    Il ressort de la jurisprudence que le droit de propriété invoqué par le requérant, consacré à l’article 17 de la Charte, n’est pas une prérogative absolue et que son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent le droit de propriété de la personne ou de l’entité qu’elle vise, causant ainsi des préjudices à cette dernière. L’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause est toutefois de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour les personnes ou les entités concernées (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 115). Il en va de même pour le droit au respect de la vie privée et familiale, consacré à l’article 7 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Kahimbi Kasagwe/Conseil, T‑165/18, non publié, EU:T:2020:52, point 137 et jurisprudence citée).

255    De plus, si le respect des droits fondamentaux constitue une condition de la légalité des actes de l’Union, selon une jurisprudence constante, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 97 et jurisprudence citée).

256    En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui est repris à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs [voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122 ; du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 60 (non publié), et du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil, T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164, point 49].

257    En ce qui concerne le droit de propriété, il convient, certes, de relever que le droit du requérant est restreint du fait des mesures restrictives prises à son égard, dès lors qu’il ne peut pas, notamment, disposer de ses fonds éventuellement situés sur le territoire de l’Union, ni les transférer vers l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières.

258    Cependant, en l’occurrence, l’adoption de mesures restrictives à l’encontre du requérant revêt un caractère adéquat, dans la mesure où elle s’inscrit dans un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles. En effet, il apparaît que le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques concernant des personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien du régime syrien ne saurait, en tant que tel, passer pour inadéquat (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 100 et jurisprudence citée).

259    Ainsi, dès lors qu’il a été établi que le requérant était un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et qu’il n’a pas renversé la présomption de lien avec le régime syrien, il ne saurait soutenir que l’adoption de mesures restrictives à son égard ne pourrait pas contribuer à l’objectif défini au point 258 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608, point 175).

260    En outre, l’article 28, paragraphe 6, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi que l’article 16 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques (voir, par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 364, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 127).

261    Plus précisément, en ce qui concerne l’argument du requérant relatif au fait qu’il ne pourrait pas payer les traitements médicaux de P, il convient de rappeler que, conformément à l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 16, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, une autorisation de déblocage ou de mise à disposition de fonds gelés peut être demandée pour l’achat de médicaments et le paiement de frais médicaux. Or, il y a lieu de relever que le requérant ne fait pas valoir qu’il a présenté une demande visant à obtenir certains fonds pour le paiement des traitements médicaux de P et que, le cas échéant, elle lui aurait été refusée.

262    Ensuite, concernant le caractère réversible des mesures restrictives mis en doute par le requérant, il convient de relever que, premièrement, conformément à l’article 34 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, cette décision fait l’objet d’un suivi constant et qu’elle peut être prorogée ou modifiée selon le cas. En outre, conformément à l’article 32, paragraphes 3 et 4, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, d’une part, si des observations sont formulées, ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil peut revoir sa décision d’appliquer des mesures restrictives à l’égard d’une personne, d’une entité ou d’un organisme et, d’autre part, les listes en cause sont examinées à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

263    Deuxièmement, il a été jugé que les mesures restrictives présentent, par nature, un caractère réversible et ne portent, dès lors, pas atteinte à la substance même du droit de propriété (arrêt du 12 février 2020, Boshab/Conseil, T‑171/18, non publié, EU:T:2020:55, point 136).

264    Troisièmement, il convient de relever que, conformément à l’article 28, paragraphe 10, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 19, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, l’interdiction de mise à disposition des fonds ou des ressources économiques aux personnes, aux entités ou aux organismes dont les noms sont inscrits sur les listes en cause ne s’applique pas au versement sur les comptes gelés de paiements des intérêts ou d’autres rémunérations de ces comptes à condition que ces intérêts et ces autres rémunérations continuent d’être soumis à la mesure de gel de fonds.

265    Enfin, il convient de relever que le gel de fonds et de ressources économiques appliqué en vertu des actes attaqués se limite au territoire de l’Union, contrairement à ce qu’affirme le requérant. Ainsi, le fait que les fonds du requérant déposés sur les comptes de banques situées en dehors de l’Union soient gelés ou encore le fait que ces banques refusent de maintenir des relations avec le requérant, à les supposer avérés, ne sont pas pertinents.

266    Il découle de tout ce qui précède que, étant donné l’importance primordiale de la protection des populations civiles en Syrie et les dérogations envisagées par les actes attaqués, les restrictions aux droits du requérant, causées par ces actes, sont justifiées par un objectif d’intérêt général et ne sont pas disproportionnées au regard des buts visés. Partant, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

267    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter les conclusions en annulation.

C.      Sur les conclusions en indemnité

268    Le requérant fait valoir que les dispositions de la décision 2013/255 et du règlement no 36/2012 ont pour vocation de conférer des droits aux particuliers pour assurer la protection des intérêts des personnes susceptibles de faire l’objet des mesures restrictives. Ainsi, ces dispositions impliqueraient nécessairement la possibilité pour une personne de demander une indemnisation en cas de violation caractérisée desdites dispositions. Le requérant soutient que, en inscrivant son nom sur les listes en cause, le Conseil n’a pas respecté lesdites dispositions. Par ailleurs, il fait valoir, en substance, que, en tout état de cause, la violation de ses droits de la défense suffit à qualifier la violation des dispositions susmentionnées de caractérisée.

269    Selon le requérant, en premier lieu, le préjudice matériel qu’il a subi résulte de la perte des intérêts qu’il aurait perçus si les sommes gelées sur le compte qu’il possède dans une banque polonaise avaient été transférées sur des comptes syriens.

270    En deuxième lieu, le requérant se réfère à l’impossibilité pour lui de payer ses dettes et de rembourser ses emprunts, ce qui conduirait à des pénalités non négligeables.

271    En troisième lieu, le requérant relève l’affectation de ses relations commerciales. Ainsi, les accords négociés avant l’adoption des mesures restrictives à son égard auraient été annulés et un grand nombre de contrats signés auraient été résiliés ou résolus, ce qui aurait engendré une perte importante du chiffre d’affaires des sociétés dans lesquelles il a des intérêts. Plus précisément, le requérant indique avoir dû renoncer à deux contrats d’une valeur, respectivement, de [confidentiel] et de [confidentiel]. Un troisième contrat aurait été annulé par la partie co-contractante, ce qui aurait conduit à une perte de [confidentiel]. En outre, des banques syriennes auraient suspendu des transactions financières en raison des mesures restrictives adoptées, ce qui se serait traduit par une augmentation des contrats annulés. Enfin, le requérant ajoute que le préjudice futur dans le cas où ses sociétés feraient faillite devrait être également indemnisé.

272    Au stade de la réplique, le requérant fait valoir, tout d’abord, que si l’article 28, paragraphe 10, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, permet, sous certaines conditions, le versement sur les comptes gelés de paiements dus au titre de contrats, d’accords ou d’obligations souscrits avant la date à laquelle ces comptes ont commencé à relever de la décision de gel de fonds, les relations commerciales sont fondées sur la réputation. Ainsi, le fait que son nom figure sur les listes en cause constituerait un élément stigmatisant qui empêcherait la conclusion de relations commerciales.

273    En outre, il affirme que l’impossibilité dans laquelle il se trouve d’honorer sa part des contrats en raison des mesures restrictives adoptées à son égard a conduit plusieurs co-contractants à lui réclamer le paiement des pénalités prévues dans les contrats respectifs. Les montants en cause s’élèveraient à [confidentiel].

274    En quatrième lieu, le requérant soutient que la détérioration de l’état de santé de P en raison de son incapacité à payer le traitement médical nécessaire doit être indemnisée au titre de l’existence d’un préjudice matériel.

275    Selon le requérant, le préjudice immatériel qu’il subit résulte tant de l’atteinte portée à sa réputation que de l’angoisse et de l’anxiété de ne pouvoir subvenir aux besoins de santé de P.

276    Concernant sa réputation, il affirme qu’il est désormais publiquement associé à un comportement considéré comme portant atteinte à la paix et à la sécurité internationales. Des articles sont parus dans la presse, de sorte que sa situation est désormais connue par le grand public et devenue de notoriété publique. Selon le requérant, la décision du Royaume-Uni, du 4 juin 2020, d’inscrire son nom sur une liste de personnes soumises à des restrictions financières, qui découlerait de celle adoptée par l’Union, contribue encore plus à le stigmatiser. Ces circonstances auraient un impact, tout d’abord, sur sa famille. À cet égard, Q et R rencontreraient des difficultés à l’école en raison du fait que le requérant est perçu comme un criminel. Ensuite, elles auraient également un impact sur la vie sociale du requérant, car le comportement des tiers à son égard aurait changé.

277    S’agissant de l’angoisse et de la peur liées à l’état de santé de P, le requérant attire l’attention sur le fait qu’une telle situation est parfaitement perceptible, au quotidien, par Q et R. Il estime que l’impact psychologique des mesures restrictives sur lui et sa famille est indéniable et doit être indemnisé.

278    Le Conseil conclut au rejet de la demande. En outre, il soutient que le Tribunal n’est pas compétent pour connaître de la demande en réparation du requérant pour autant qu’elle vise à obtenir réparation du dommage qu’il aurait subi du fait de l’adoption de la décision d’exécution 2020/212 et de la décision 2020/719. Le Conseil fait valoir, à cet égard, qu’un recours en indemnité tendant à la réparation du dommage prétendument subi du fait de l’adoption d’un acte en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) échappe à la compétence du Tribunal.

279    Il ressort de la jurisprudence que le principe de protection juridictionnelle effective des personnes ou entités visées par des mesures restrictives exige, afin que cette protection soit complète, que la Cour de justice de l’Union européenne puisse statuer sur un recours en indemnité introduit par ces personnes ou entités et visant à obtenir réparation des dommages causés par des mesures restrictives prévues par des décisions adoptées dans le cadre de la PESC. Partant, il convient de constater que la Cour et le Tribunal sont compétents pour statuer sur un recours en indemnité en tant que celui-ci vise à obtenir la réparation du préjudice prétendument subi en raison de mesures restrictives prises à l’encontre de personnes physiques ou morales et prévues par des décisions PESC (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, Bank Refah Kargaran/Conseil, C‑134/19 P, EU:C:2020:793, points 43, 44 et 49).

280    Il convient ensuite de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire, sans qu’il soit dès lors nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, points 92 et 93).

281    S’agissant du préjudice prétendument subi en raison de l’adoption des actes attaqués, il ressort des constatations exposées en ce qui concerne les conclusions en annulation que l’inscription et le maintien du nom du requérant sur les listes en question ne sont pas entachés d’illégalité. Partant, l’une des conditions mentionnées au point 280 ci‑dessus faisant défaut, les conclusions en indemnité doivent être rejetées.

282    Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

283    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

284    En l’espèce, dès lors que le requérant a succombé, il convient de le condamner aux dépens, le Conseil ayant conclu en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Maher Al-Imam est condamné aux dépens.

Gervasoni

Frendo

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 septembre 2021.

Signatures











Table des matières


I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

A. Sur l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes figurant à l’annexe I de la décision 2013/255 et à l’annexe II du règlement no 36/2012

1. Sur la demande d’accès aux documents conformément au règlement (CE) no 1049/2001

2. Sur la demande d’accès au dossier concernant le requérant

B. Sur le maintien du nom du requérant sur les listes en cause

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le deuxième chef de conclusions du requérant

B. Sur les conclusions en annulation

1. Sur la recevabilité du recours en ce qu’il vise la décision 2013/255 et le règlement no 36/2012

2. Sur le fond

a) Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

1) Sur la première branche, tirée de la violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier

i) Avant l’adoption des actes attaqués

ii) Après la publication des actes initiaux

– Sur le réexamen des actes initiaux

– Sur la communication des actes attaqués

2) Sur la seconde branche, tirée de la motivation des actes attaqués

3) Conclusion sur le premier moyen

b) Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit à un recours juridictionnel effectif

c) Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation des faits

1) Considérations liminaires

2) Sur la fiabilité des éléments de preuve figurant dans le document WK 1747/2020

3) Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

i) Sur les intérêts financiers du requérant dans le tourisme

ii) Sur les intérêts financiers du requérant dans les télécommunications

iii) Sur les intérêts financiers du requérant dans l’immobilier

iv) Sur la participation du requérant dans un certain nombre d’autres sociétés

v) Conclusion sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

d) Sur le quatrième moyen, tiré d’une atteinte illégale et disproportionnée aux droits fondamentaux du requérant, en particulier au droit de propriété et au droit au respect de la vie privée et familiale

C. Sur les conclusions en indemnité

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2      Données confidentielles occultées.