Language of document : ECLI:EU:T:2019:735

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

10 octobre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative OO – Marque de l’Union européenne figurative antérieure OO – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑454/18,

Alessandro Biasotto, demeurant à Trévise (Italie), représenté par Mes F. Le Divelec Lemmi, R. Castiglioni et E. Cammareri, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. E. Markakis et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Oofos, Inc., établie à Reno, Nevada (États-Unis), représentée par Me J. Klink, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 15 mai 2018 (affaire R 1281/2017‑2), relative à une procédure d’opposition entre Oofos et M. Biasotto,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteure) et M. G. De Baere, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 juillet 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 16 octobre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 12 octobre 2018,

à la suite de l’audience du 13 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 décembre 2015, le requérant, M. A. Biasotto, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, correspondent à la description suivante : « vêtements ; pulls ; maillots de corps ; chemises ; vestes ; manteaux ; blousons ; pantalons ; jeans ; pantalons pour enfants ; pantalons courts ; vestes en denim ; tee-shirts à manches longues ou à manches courtes ; gants (habillement) ; foulards ; pochettes (habillement) ; écharpes, ceintures en cuir (vêtements) ; ceintures (habillement) ; gilets (complets) ; cravates ; chapeaux ; bérets ».

4        Le 7 avril 2016, OOFOS LLC, devenue l’intervenante, Oofos, Inc., a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci‑dessus.

5        L’opposition était fondée sur l’enregistrement international désignant l’Union européenne de la marque figurative reproduite ci-après, enregistrée le 2 mars 2015 sous le numéro 1258728 pour les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « articles chaussants ; semelles pour articles chaussants ; garnissages en mousse vendus en tant que parties constitutives d’articles chaussants » :

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6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001).

7        Le 17 mai 2017, la division d’opposition a rejeté l’opposition, au motif que les marques en conflit étaient visuellement différentes et non comparables sur les plans phonétique et conceptuel.

8        Le 15 juin 2017, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 15 mai 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition, a fait droit à l’opposition pour l’ensemble des produits visés relevant de la classe 25, et a, par conséquent, refusé la demande d’enregistrement concernant ces produits. En particulier, elle a considéré que, eu égard au caractère « très similaire » des produits en cause ainsi qu’au degré moyen de similitude visuelle et à l’identité phonétique entre les marques en conflit, qui partageaient les lettres « OO », et compte tenu des principes de souvenir imparfait et d’interdépendance, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        confirmer la décision de la division d’opposition et, en conséquence, autoriser l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés ;

–        condamner l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés au cours des procédures devant la division d’opposition et la chambre de recours.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

12      À l’appui du recours, le requérant soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En substance, il fait valoir que l’impression globale créée par les marques en conflit est dissemblable, ces marques ne pouvant être jugées similaires au point de créer un risque de confusion, ni sur le plan visuel, ni sur les plans phonétique ou conceptuel.

13      L’EUIPO et l’intervenante concluent à l’existence d’un risque de confusion.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

15      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [arrêts du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33, et du 5 mai 2015, Skype/OHMI – Sky et Sky IP International (SKYPE), T‑183/13, non publié, EU:T:2015:259, point 17].

16      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

17      En l’espèce, s’agissant du public pertinent, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours, au demeurant partagée par le requérant, selon laquelle il s’agit du grand public de l’Union, présentant un niveau d’attention moyen.

 Sur la comparaison des signes

18      Le requérant allègue, en premier lieu, que, sur le plan visuel, les marques en conflit ne sont « absolument pas similaires » et que la différence d’impact visuel entre elles est immédiatement perceptible. Selon lui, l’impression visuelle globale des marques en conflit serait produite par la totalité de leurs éléments figuratifs. Une comparaison visuelle globale de ces marques montrerait la différence flagrante entre elles, étant donné que la marque demandée serait une marque complexe constituée de quatre éléments figuratifs, tous colorés en rouge, à savoir deux cercles et deux traits épais placés au sommet de chacun de ces deux cercles, alors que la marque antérieure serait une marque complexe ne revendiquant aucune protection pour une couleur particulière et comportant trois éléments figuratifs, à savoir deux ovales et un trait noir inclus dans l’un de ces ovales, celui de droite. En particulier, le requérant « ne comprend pas comment la chambre de recours a pu être aussi certaine » que la marque antérieure « consiste en les lettres “OO” ». D’après lui, il serait en effet difficile de concevoir que le consommateur pertinent fasse certainement le lien entre l’élément Image not found, ou même l’élément Image not found, et la lettre « O », puisque celle-ci consisterait en un cercle alors que l’élément Image not foundserait à l’évidence un ovale ou, à la rigueur, un cercle aplati ou, éventuellement, un zéro aplati. De plus, les marques figuratives jouiraient d’une protection uniquement et exclusivement à l’égard du graphisme spécifique dans lequel elles sont représentées. Enfin, des marques consistant en deux lettres/chiffres/éléments ou moins seraient considérées comme des marques courtes, conformément à plusieurs décisions ainsi qu’aux directives de l’EUIPO, et de petites différences suffiraient à les différencier.

19      En deuxième lieu, sur le plan phonétique, le requérant affirme qu’il est impossible de comparer les marques en conflit, étant donné que des marques purement figuratives ne peuvent pas être prononcées et ne se prêtent dès lors à aucune comparaison phonétique. Par conséquent, il n’existerait entre ces marques aucune similitude phonétique.

20      En troisième lieu, sur le plan conceptuel, le requérant ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, en substance, cette comparaison est impossible et son incidence est neutre.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

22      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée ; arrêt du 5 mai 2015, SKYPE, T‑183/13, non publié, EU:T:2015:259, point 28).

 Sur la comparaison visuelle

23      En l’espèce, sur le plan visuel, la chambre de recours, aux points 23 à 25 de la décision attaquée, a relevé que les deux marques en conflit consistaient dans les lettres « OO ». Elle a considéré, contrairement à la division d’opposition, que, même si la forme des lettres « OO » n’était pas exactement la même, car la marque antérieure était plus « en forme d’amande ou ovale » que la marque demandée, laquelle était formée comme des cercles, le public pertinent percevrait les deux signes immédiatement et sans autre réflexion comme les lettres « OO ». Selon elle, la seule différence entre les signes consistait en une ligne au milieu du deuxième « O » de la marque antérieure et des lignes au-dessus de chaque « O », outre la couleur rouge de la marque demandée. La chambre de recours a également estimé que, sans être négligeables dans l’impression visuelle de la marque demandée, les caractéristiques graphiques de cette marque, soit une ligne au-dessus de chaque « O », une police de caractères presque standard et l’utilisation de la couleur rouge, n’étaient pas pour autant de nature à détourner l’attention du public pertinent de l’élément verbal « OO », qui serait plus facilement mémorisé par ce public et utilisé pour identifier la marque demandée. La chambre de recours en a conclu que les lignes respectives des marques en conflit et la différence de couleur n’étaient pas suffisantes pour exclure la similitude des signes et que ces marques présentaient un degré à tout le moins moyen de similitude visuelle.

24      Il y a lieu d’approuver cette appréciation de la chambre de recours, que n’infirment pas les arguments du requérant.

25      Premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel les deux signes en conflit seraient des marques purement figuratives dépourvues de tout élément verbal, force est de constater que les deux signes en conflit sont des marques complexes, comportant à la fois un élément verbal et des éléments figuratifs. Ainsi, le public pertinent percevra immédiatement et sans autre réflexion ces deux signes comme se composant des lettres « OO », lesquelles y seront reconnaissables et identifiables dans une représentation stylisée en majuscules, nonobstant la légère différence entre les formes ovale et ronde de ces lettres et les traits horizontaux figurant à l’intérieur ou au-dessus desdites lettres, qui seront perçus comme des éléments décoratifs.

26      À cet égard, d’une part, pour ce qui concerne la marque demandée, il importe de souligner, à l’instar de l’EUIPO, que cet argument du requérant contredit sa propre demande d’enregistrement. À la page 2 de cette demande, le requérant a décrit la marque demandée comme une « marque figurative comportant des éléments verbaux » (« marchio figurativo con elementi verbali » en italien) et a lui-même défini ces éléments verbaux (« elementi verbali del marchio ») comme étant « OO », ainsi qu’il l’a confirmé lors de l’audience. Au demeurant, cette description de la marque demandée concorde avec sa perception par le public pertinent, qui ne l’interprétera pas comme deux cercles, mais plutôt comme les deux lettres « OO ».

27      D’autre part, pour ce qui concerne la marque antérieure, il y a lieu de relever que l’enregistrement international n° 1258728, du 2 mars 2015, contient la description suivante : « The mark consists of the letters ‘OO’ with a horizontal line centered in the middle of the second ‘O’ » (La marque se compose des lettres « OO » avec une ligne horizontale placée au centre du deuxième « O »). La position de l’intervenante devant le Tribunal est donc conforme à sa propre description de la marque antérieure, laquelle concorde avec la perception du public pertinent.

28      Deuxièmement, s’agissant de la contestation par le requérant de la comparaison globale des marques effectuée par la chambre de recours, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Au contraire, il y a lieu d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble. Cela n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée).

29      En outre, s’il est vrai, ainsi que le requérant le fait valoir, que les marques en conflit doivent être appréciées dans leur intégralité en tenant dûment compte de leurs éléments figuratifs, cela n’exclut pas que certains de leurs éléments retiennent moins l’attention que d’autres, notamment leur élément verbal, et soient, par conséquent, moins à même d’influencer l’impression visuelle d’ensemble créée par elles [voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2015, Skype/OHMI – Sky et Sky IP International (skype), T‑423/12, non publié, EU:T:2015:260, point 31]. Lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêts du 22 mai 2008, NewSoft Technology/OHMI – Soft (Presto! Bizcard Reader), T‑205/06, non publié, EU:T:2008:163, point 54 et jurisprudence citée, et du 26 avril 2018, Convivo/EUIPO – Porcesadora Nacional de Alimentos (M’Cooky), T‑288/16, non publié, EU:T:2018:231, point 69 et jurisprudence citée]. Tel est le cas dans la présente affaire, dans la mesure où les deux marques en conflit sont des marques complexes, composées à la fois d’un élément verbal et d’éléments figuratifs.

30      En l’espèce, l’élément verbal « OO » commun aux marques en conflit, qui est reconnaissable et identifiable en leur sein, doit être considéré comme distinctif et comme dominant par rapport aux éléments figuratifs de ces marques. En revanche, comme l’a constaté, à juste titre, la chambre de recours, les éléments graphiques de la marque demandée, à savoir une barre au-dessus de chaque « O » et l’utilisation d’une police de caractère standard et de la couleur rouge, ainsi que ceux de la marque antérieure, à savoir la forme légèrement ovale des lettres « O » et un trait horizontal dans le deuxième « O », sans être négligeables, sont néanmoins perçus comme des éléments décoratifs secondaires et ne suffisent pas à détourner l’attention du public pertinent de l’élément verbal « OO » commun entre elles, bien que la forme des lettres « OO » ne soit pas exactement la même dans lesdites marques.

31      Il y a donc lieu de considérer que les marques en conflit comportent un élément verbal identique, à savoir les lettres « OO », et que les différences stylistiques secondaires entre leurs éléments figuratifs, sans être négligeables, s’avèrent néanmoins insuffisantes aux fins de détourner l’attention du public pertinent de l’élément verbal commun entre elles.

32      Troisièmement, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel les marques figuratives jouiraient d’une protection uniquement et exclusivement à l’égard de leur graphisme spécifique, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la marque demandée est refusée à l’enregistrement non seulement en raison de son identité avec une marque antérieure, mais également, au-delà d’une telle identité, en raison de sa similitude avec une marque antérieure, comme en l’espèce.

33      Quatrièmement, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel les marques en conflit sont des marques courtes susceptibles de se démarquer par de petites différences, il ressort de la jurisprudence que, même dans les marques courtes, certaines différences sont insuffisantes dès lors qu’elles ne se traduisent pas par une différence visuelle propre à distinguer les signes [voir, en ce sens, arrêts du 18 février 2016, Penny-Markt/OHMI – Boquoi Handels (B!O), T‑364/14, non publié, EU:T:2016:84, point 49, et du 7 mars 2017, Lauritzen Holding/EUIPO – DK Company (IWEAR), T‑622/14, non publié, EU:T:2017:143, point 27]. Tel est le cas en l’espèce, comme il a été constaté aux points 30 et 31 ci-dessus.

34      Enfin, en ce qui concerne les directives de l’EUIPO, il convient de rappeler que celles-ci ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 48). De même, en ce qui concerne la pratique décisionnelle de l’EUIPO, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement 2017/1001, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une telle pratique (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

35      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a constaté un degré moyen de similitude visuelle entre les marques en conflit.

 Sur la comparaison phonétique

36      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a constaté que la prononciation des signes coïncidait au moins dans les États membres de l’Union où aucun signe diacritique n’était utilisé dans l’alphabet, tels que les États membres anglophones, et que, en conséquence, les signes étaient phonétiquement identiques.

37      Il y a lieu d’approuver cette appréciation de la chambre de recours, non infirmée par l’argument du requérant selon lequel il serait impossible de comparer les marques en conflit, étant donné que des marques purement figuratives ne peuvent pas être prononcées et ne se prêtent dès lors à aucune comparaison phonétique.

38      À cet égard, il suffit de rappeler que, comme il a été établi aux points 25 à 27 ci-dessus, les marques en conflit sont des marques complexes comportant à la fois un élément verbal identique, à savoir les lettres « OO », et des éléments figuratifs.

39      Or, il ressort de la jurisprudence que, au sens strict, la reproduction phonétique d’un signe complexe correspond à celle de tous ses éléments verbaux, indépendamment de leurs spécificités graphiques, qui relèvent plutôt de l’analyse du signe sur le plan visuel [arrêt du 25 mai 2005, Creative Technology/OHMI – Vila Ortiz (PC WORKS), T‑352/02, EU:T:2005:176, point 42].

40      En l’espèce, dès lors que les éléments figuratifs des marques en conflit, à savoir le positionnement des barres par rapport aux lettres, l’utilisation de polices et de couleurs différentes, ainsi que la forme des lettres, ne sont pas susceptibles d’être prononcés, l’impression phonétique d’ensemble produite par ces marques est déterminée exclusivement par l’élément verbal commun entre elles, à savoir les lettres « OO ».

41      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a constaté une identité phonétique entre les marques en conflit.

 Sur la comparaison conceptuelle

42      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit n’avaient pas de signification et seraient perçus comme des termes fantaisistes par le public pertinent.

43      Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation, non contestée par le requérant. En effet, il suffit de constater qu’une comparaison conceptuelle est en l’espèce impossible et que son incidence sur la comparaison des signes est donc neutre.

44      Eu égard à ce qui précède, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les marques en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel et une identité phonétique, nonobstant les différences entre elles.

 Sur la comparaison des produits

45      Le requérant reproche à la chambre de recours d’avoir successivement considéré, tout d’abord, au point 19 de la décision attaquée, que les « chapeaux et bérets » et les « articles chaussants » étaient « similaires », puis, au point 20 de la même décision, que tous les produits en cause étaient « très similaires », et enfin, au point 28 de cette décision, que lesdits produits étaient « identiques ». Il excipe donc d’une première contradiction dans l’appréciation de la chambre de recours, qui aurait regardé les « chapeaux et bérets » comme étant « très similaires », mais aussi seulement « similaires » aux « articles chaussants ». Il ajoute que, dans l’hypothèse où ces produits seraient jugés « similaires » et non « très similaires », un plus grand degré de similitude entre les marques en conflit serait requis pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, conformément au principe d’interdépendance des facteurs. En outre, il allègue qu’une seconde contradiction « sans raison apparente » résulte de la conclusion de la chambre de recours, dans l’appréciation globale du risque de confusion, selon laquelle « les produits ont été jugés identiques », alors qu’elle avait estimé que tous les produits en cause étaient « très similaires » dans sa conclusion sur la comparaison des produits. Le requérant considère, au demeurant, que le résultat de la comparaison des produits est en l’espèce dénué de toute pertinence, au motif que les signes en conflit seraient différents et que l’absence de risque de confusion qui en résulte rendrait superflue la comparaison des produits en cause.

46      L’EUIPO conteste les arguments du requérant. Il soutient que les produits en cause sont très similaires et que l’emploi des termes « similaires » et « identiques » dans la décision attaquée résulte de deux erreurs typographiques sans incidence sur la conclusion retenue.

47      L’intervenante conteste les arguments du requérant. Elle soutient que les produits en cause sont très similaires et que la mention du terme « identiques » est manifestement une erreur matérielle, sans incidence sur la conclusion à un risque de confusion.

48      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [arrêts du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37, et du 25 septembre 2018, Grendene/EUIPO – Hipanema (HIPANEMA), T‑435/17, non publié, EU:T:2018:596, point 43].

49      En l’espèce, la chambre de recours a constaté que les produits désignés par les marques en conflit pertinents pour le présent recours, à savoir ceux relevant de la classe 25, étaient très similaires. En particulier, elle a considéré que tous les articles du type « vêtements » visés par la marque demandée étaient très similaires aux « articles chaussants » couverts par la marque antérieure, en ce qu’ils avaient la même finalité, à savoir couvrir et protéger diverses parties du corps humain, qu’ils pouvaient être fabriqués en tout ou en partie à partir des mêmes matériaux, que leurs canaux de distribution et leurs fabricants étaient souvent les mêmes, qu’ils s’adressaient aux mêmes consommateurs finaux et qu’ils étaient complémentaires. Elle a ajouté que ce raisonnement pouvait être appliqué par analogie entre les « chapeaux et bérets » et les « articles chaussants », étant donné que la chapellerie partageait également la même nature et la même finalité que la cordonnerie, bien que pour une partie différente du corps humain, que de nombreux détaillants proposaient les trois catégories de produits « chaussures, chapellerie et vêtements » ensemble dans leurs magasins et que de nombreux fabricants et stylistes concevaient et produisaient à la fois des vêtements et des chaussures.

50      Il y a lieu d’approuver l’appréciation de la chambre de recours, non entachée d’erreur, selon laquelle les produits en cause sont similaires, au moins à un degré moyen, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’éventuel degré élevé d’une telle similitude. Cette appréciation est conforme à la jurisprudence du Tribunal [voir arrêt du 16 décembre 2009, Giordano Enterprises/OHMI – Dias Magalhães & Filhos (GIORDANO), T‑483/08, non publié, EU:T:2009:515, point 20 et jurisprudence citée ; arrêt du 7 septembre 2016, Victor International/EUIPO – Ovejero Jiménez et Becerra Guibert (VICTOR), T‑204/14, non publié, EU:T:2016:448, points 96 et 98] et n’est pas infirmée par les arguments du requérant.

51      Tout d’abord, il convient de relever que le requérant ne conteste pas l’appréciation selon laquelle les articles d’habillement du type « vêtements » visés par la marque demandée et les « articles chaussants » couverts par la marque antérieure sont très similaires.

52      Ensuite, en ce qui concerne la première contradiction alléguée entre les points 19 et 20 de la décision attaquée, force est de relever que la division d’opposition n’a pas examiné la similitude des produits, étant donné qu’elle avait conclu à la différence des signes. Le constat selon lequel « [c]’est donc à juste titre que la décision attaquée [de la division d’opposition] les a considérées comme similaires », s’agissant de trois catégories de produits, résulte manifestement d’une erreur de plume, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

53      En tout état de cause, il suffit de constater que, quand bien même certains produits visés par la marque demandée, tels que les articles de chapellerie, seraient jugés simplement « similaires », et non « très similaires », aux chaussures couvertes par la marque antérieure, il n’en demeure pas moins que, conformément au principe d’interdépendance des facteurs du risque de confusion, une telle similitude des produits, d’un degré moyen et non élevé, suffirait à établir l’existence d’un tel risque dans l’esprit du public pertinent, eu égard à la similitude visuelle moyenne et à l’identité phonétique que présentent les marques en conflit (voir point 44 ci-dessus). Cet argument du requérant doit donc être écarté comme étant inopérant.

54      En outre, en ce qui concerne la seconde contradiction alléguée entre les points 20 et 28 de la décision attaquée, force est de relever que le constat, audit point 28, selon lequel « les produits ont été jugés identiques », constitue manifestement une erreur de plume, sans incidence sur la légalité de cette décision. En effet, il suffit de constater qu’une appréciation de ce passage dans le contexte de ladite décision dans son ensemble [voir, par analogie, arrêt du 16 septembre 2013, Oro Clean Chemie/OHMI – Merz Pharma (PROSEPT), T‑284/12, non publié, EU:T:2013:454, point 45], et, en particulier, au regard du point 20 de la même décision, fait clairement apparaître que la chambre de recours a fondé son raisonnement sur l’existence d’une similitude, et non d’une identité, entre les produits désignés par les marques en conflit. Dès lors, l’erreur invoquée n’est pas de nature à altérer le sens de la décision en cause, ni la compréhension par le requérant de cette dernière [voir, par analogie, arrêt du 23 novembre 2018, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – Papouis Dairies (fino Cyprus Halloumi Cheese), T‑416/17, non publié, EU:T:2018:834, point 27 et jurisprudence citée].

55      Enfin, force est de constater que le résultat de la comparaison des produits n’est nullement dénué de pertinence pour l’examen du risque de confusion en l’espèce, étant donné que les marques en conflit ne sont pas différentes mais visuellement similaires à un degré moyen et phonétiquement identiques, ainsi qu’il ressort des points 22 à 44 ci-dessus.

 Sur le risque de confusion

56      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, non publié, EU:C:2008:234, point 45].

57      En l’espèce, compte tenu du degré moyen de similitude visuelle et de l’identité phonétique entre les marques en conflit ainsi que de la similitude, à tout le moins moyenne, des produits en cause, il y a lieu de conclure, dans une appréciation globale de ces facteurs, à la lumière des principes d’interdépendance et de souvenir imparfait, que c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

58      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen unique et, partant, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions du requérant, contestée par l’EUIPO.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

60      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Alessandro Biasotto est condamné aux dépens.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.