Language of document : ECLI:EU:C:2017:616

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 26 juillet 2017 (1)

Affaire C226/16

Eni SpA,

Eni Gas & Power France SA,

Union professionnelle des industries privées du gaz (Uprigaz)

contre

Premier ministre,

Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer,

en présence de :

Storengy,

Total Infrastructures Gaz France (TIGF)

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) n° 994/2010 – Sécurité d’approvisionnement en gaz naturel – Article 2, second alinéa, point 1 – Notion de “clients protégés” – Article 8, paragraphe 2 – Obligations supplémentaires imposées pour des raisons de sécurité de l’approvisionnement – Article 8, paragraphe 5 – Obligation de localiser sur le territoire d’un État membre le stockage de gaz naturel »






1.        La présente demande de décision préjudicielle a trait à des questions d’interprétation du règlement (UE) n° 994/2010, concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel (2).

2.        Cette demande a été présentée dans le cadre de deux affaires introduites devant le Conseil d’État (France), la juridiction de renvoi, dans le cadre desquelles est contestée la légalité du décret n° 2014-328 (3) qui a modifié la réglementation française en matière d’accès aux stockages souterrains de gaz naturel. Devant le Conseil d’État, les requérants, les sociétés Eni SpA et Eni Gas & Power France SA, d’une part, et UPRIGAZ, d’autre part, deux fournisseurs de gaz naturel, font valoir, notamment, la méconnaissance de plusieurs dispositions du règlement n° 994/2010.

3.        Il s’agit de la première fois que la Cour est appelée à interpréter ce règlement, lequel concerne la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel, un secteur très sensible. Les réponses que la Cour fournira seront utiles pour comprendre la portée des obligations que, dans le cadre du système mis en place par ce règlement, les États membres peuvent imposer aux fournisseurs de gaz naturel afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

4.        Aux termes de l’article 2, second alinéa, du règlement nº 994/2010 :

« […] on entend par :

1)      “clients protégés”, tous les ménages qui sont connectés à un réseau de distribution de gaz et, en outre, lorsque l’État membre concerné le décide :

a)      les petites et moyennes entreprises, pour autant qu’elles soient connectées à un réseau de distribution de gaz, et les services sociaux essentiels, pour autant qu’ils soient connectés à un réseau de distribution ou de transport de gaz, et que l’ensemble de ces clients supplémentaires ne représente pas plus de 20 % de la consommation finale de gaz ; et/ou

b)      les installations de chauffage urbain, dans la mesure où elles fournissent du chauffage aux ménages et aux clients visés au point a), pour autant que ces installations ne soient pas en mesure de passer à d’autres combustibles et qu’elles soient connectées à un réseau de distribution ou de transport de gaz. »

5.        Aux termes de l’article 3, paragraphe 6, du règlement nº 994/2010 :

« Les mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement figurant dans les plans d’action préventifs et dans les plans d’urgence sont clairement définies, transparentes, proportionnées, non discriminatoires et contrôlables, sans fausser indûment la concurrence ni entraver le fonctionnement efficace du marché intérieur du gaz et sans compromettre la sécurité de l’approvisionnement en gaz d’autres États membres ou de l’Union dans son ensemble. »

6.        L’article 8, du règlement nº 994/2010, intitulé « normes d’approvisionnement » énonce :

« 1. L’autorité compétente exige que les entreprises de gaz naturel qu’elle identifie prennent les mesures visant à garantir l’approvisionnement en gaz des clients protégés de l’État membre dans les cas suivants :

a)      températures extrêmes pendant une période de pointe de sept jours, se produisant avec une probabilité statistique d’une fois en vingt ans ;

b)      une période d’au moins trente jours de demande en gaz exceptionnellement élevée, se produisant avec une probabilité statistique d’une fois en vingt ans ; et

c)      pour une période d’au moins trente jours en cas de défaillance de la plus grande infrastructure gazière dans des conditions hivernales moyennes.

L’autorité compétente identifie les entreprises de gaz naturel visées au premier alinéa, avant le 3 juin 2012 au plus tard.

2. Toute norme d’approvisionnement renforcée d’une durée supérieure à la période de trente jours visée au paragraphe 1, points b) et c), ou toute obligation supplémentaire imposée pour des raisons de sécurité de l’approvisionnement en gaz, repose sur l’évaluation des risques visée à l’article 9, figure dans le plan d’action préventif et :

a)      est conforme à l’article 3, paragraphe 6 ;

b)      ne fausse pas indûment la concurrence ou n’entrave pas le fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel ;

c)      ne porte pas préjudice à la capacité de tout autre État membre d’assurer l’approvisionnement de ses clients protégés conformément au présent article en cas d’urgence au niveau national, au niveau de l’Union ou au niveau régional ; et

d)      est conforme aux critères précisés à l’article 11, paragraphe 5, en cas d’urgence à l’échelle de l’Union ou au niveau régional.

Dans un esprit de solidarité, l’autorité compétente détermine, dans le plan d’action préventif et le plan d’urgence, la façon dont une norme d’approvisionnement renforcée ou une obligation supplémentaire imposée aux entreprises de gaz naturel peut être temporairement réduite en cas d’urgence au niveau de l’Union ou au niveau régional.

3. Au terme des périodes définies par l’autorité compétente conformément aux paragraphes 1 et 2, ou dans des conditions plus rigoureuses que celles définies au paragraphe 1, les autorités compétentes et les entreprises de gaz naturel s’efforcent de maintenir l’approvisionnement en gaz, dans toute la mesure du possible, en particulier pour les clients protégés.

4. Les obligations imposées aux entreprises de gaz naturel pour le respect des normes d’approvisionnement prévues au présent article sont non discriminatoires et n’imposent pas de charge excessive à ces entreprises.

5. Les entreprises de gaz naturel sont autorisées à satisfaire à ces obligations au niveau régional ou au niveau de l’Union, le cas échéant. L’autorité compétente n’exige pas que les normes établies par le présent article soient respectées en tenant compte uniquement des infrastructures situées sur son territoire.

6. L’autorité compétente veille à ce que les conditions d’approvisionnement des clients protégés soient établies sans nuire au fonctionnement correct du marché intérieur du gaz et à un prix respectant la valeur marchande des approvisionnements. »

B.      Le droit français

7.        En France, le stockage de gaz naturel est régi par les dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-16, du code de l’énergie. Ces dispositions organisent l’accès au stockage de gaz dans le cadre des obligations de service public qui incombent aux fournisseurs de garantir la continuité de l’approvisionnement même en cas de situation extrême.

8.        En particulier, aux termes de l’article L. 421-3 du code de l’énergie :

« Les stocks de gaz naturel permettent d’assurer en priorité :

1o      Le bon fonctionnement et l’équilibrage des réseaux raccordés aux stockages souterrains de gaz naturel ;

2°      La satisfaction directe ou indirecte des besoins des clients domestiques et de ceux des autres clients n’ayant pas accepté contractuellement une fourniture interruptible ou assurant des missions d’intérêt général ;

3°      Le respect des autres obligations de service public prévues à l’article L. 121‑32. »

9.        L’article L. 421-4 du code de l’énergie dispose :

« Tout fournisseur doit détenir en France, à la date du 31 octobre de chaque année, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’un mandataire, des stocks de gaz naturel suffisants, compte tenu de ses autres instruments de modulation, pour remplir pendant la période comprise entre le 1er novembre et le 31 mars ses obligations contractuelles d’alimentation directe ou indirecte de clients mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 421-3. […] »

10.      Aux termes del’article L. 421-7 du code de l’énergie, un décret en Conseil d’État fixe les conditions et les modalités d’application notamment de l’article L. 421-4.

11.      Le décret n° 2006/1034, pris en application de cette disposition, et ensuite modifié par le décret n° 2014-328, attaqué devant la juridiction de renvoi, précise les conditions dans lesquelles est organisé l’accès au stockage de gaz naturel. Il ressort de la décision de renvoi que ce décret, tel que modifié, prévoit, d’une part, l’attribution à chaque fournisseur de gaz naturel de droits d’accès aux capacités de stockage ou « droits de stockage » (4), déterminés en fonction de son portefeuille de clients, pour lui permettre d’alimenter ces clients pendant la période hivernale et, d’autre part, la détermination des obligations pesant sur ces fournisseurs.

12.      L’article 9 du décret n° 2014-328 a modifié le décret n° 2006/1034 en prévoyant, d’une part, que les obligations de stockage incombant aux fournisseurs soient calculées en fonction de « droits de stockage » correspondant non plus seulement à la consommation annuelle de leurs clients domestiques et de leurs clients assurant des missions d’intérêt général, comme le prévoyait le décret dans sa version antérieure, mais aussi à la consommation des clients raccordés au réseau de distribution n’ayant pas accepté contractuellement une fourniture interruptible. D’autre part, en contrepartie, le décret n° 2014-328 a diminué le taux des obligations de stockage de 85 % à 80 % des droits de stockage.

II.    Les faits au principal, la procédure nationale et les questions préjudicielles

13.      Par deux requêtes, les sociétés Eni SpA et Eni Gas & Power France SA (ci‑après, conjointement, « ENI »), d’une part, et UPRIGAZ, d’autre part, ont introduit un recours devant le Conseil d’État demandant d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-328.

14.      Dans leurs recours ENI et UPRIGAZ font, entre autres, valoir que ce décret méconnaît les dispositions du règlement n° 994/2010. D’une part, ce décret étendrait de manière irrégulière la définition des « clients protégés » prévue à l’article 2, second alinéa, point 1, dudit règlement. D’autre part, il imposerait aux fournisseurs de gaz naturel l’obligation de localiser en France les capacités de stockage en violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 994/2010.

15.      À cet égard, la juridiction de renvoi relève, en premier lieu, que le décret n° 2014-328 inclut dans la définition des « clients protégés » les clients non domestiques raccordés au réseau de distribution n’ayant pas accepté contractuellement une fourniture susceptible d’interruption, lesquels ne sont pas nécessairement des « petites et moyennes entreprises » aux termes de l’article 2, second alinéa, point 1, sous a), du règlement n° 994/2010. La définition de « clients protégés » retenue dans le décret pourrait donc excéder les termes de la définition contenue dans ce règlement. Les autorités françaises soutiendraient cependant que ces clients additionnels correspondent à des sites de taille modeste qui, même s’ils appartiennent à de grandes entreprises, partageraient un grand nombre de caractéristiques avec les petites et moyennes entreprises. En outre, selon ces autorités, une telle définition élargie se rattacherait aux obligations supplémentaires imposées pour des raisons de sécurité de l’approvisionnement en gaz que, aux termes de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 994/2010, les États membres pourraient imposer aux entreprises de gaz naturel.

16.      Dans ces conditions, la légalité du décret n° 2014-328 dépendrait de la question de savoir si l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 994/2010 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre impose aux fournisseurs de gaz naturel des obligations supplémentaires qui résultent de l’inclusion parmi les « clients protégés » de clients qui ne sont pas mentionnés à l’article 2, second alinéa, point 1, sous a), du règlement n° 994/2010.

17.      En second lieu, la juridiction de renvoi relève que, pour assurer la continuité de l’approvisionnement des clients en gaz, l’article L. 421-4 du code de l’énergie impose aux fournisseurs de détenir en France des stocks de gaz naturel suffisants, compte tenu des autres instruments de modulation dont ils disposent, et que le décret n° 2014-328 implique que 80 % des droits de stockage soient réalisés sur le territoire national en prévoyant néanmoins que le ministre chargé de l’énergie tienne compte des autres instruments de modulation dont dispose un fournisseur de gaz pour apprécier si les capacités de stockage que celui-ci détient sont suffisantes pour garantir le respect de son obligation de stockage. La légalité du décret n° 2014-328 dépend de la question de savoir si l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 994/2010 s’oppose à ce qu’un État membre impose aux fournisseurs de gaz naturel de telles obligations.

18.      Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1.      Le paragraphe 2 de l’article 8 du [règlement n° 994/2010] doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à ce qu’un État membre impose aux fournisseurs de gaz naturel des obligations supplémentaires résultant de l’inclusion parmi les “clients protégés”, dont la consommation contribue à définir le périmètre des obligations de stockage visant à assurer la continuité de l’approvisionnement, de clients qui ne sont pas mentionnés [à l’article 2, second alinéa, point 1] de ce même règlement ?

2.      Le paragraphe 5 de l’article 8 du [règlement n° 994/2010] doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à ce qu’un État membre impose aux fournisseurs de gaz naturel des obligations portant sur les volumes de gaz stockés et les débits de soutirage assortis, ainsi que sur la détention de capacités de stockage acquises au titre des droits correspondant à l’obligation de détention des stocks sur le territoire de cet État membre, tout en prévoyant que le ministre, dans son appréciation des capacités de stockage détenues par un fournisseur, tient compte des autres instruments de modulation dont celui-ci dispose ? »

III. La procédure devant la Cour

19.      La décision de renvoi est parvenue à la Cour le 20 avril 2016, Eni, UPRIGAZ, Storengy et TIGF, les gouvernements français et polonais ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations et ont participé à l’audience qui s’est tenue le 16 mars 2017.

IV.    Analyse

20.      Avant de répondre aux deux questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi, j’estime nécessaire, à titre liminaire, d’analyser les finalités du règlement n° 994/2010 ainsi que le contexte dans lequel celui-ci s’inscrit.

A.      Sur les dispositions de droit de l’Union concernant la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et, en particulier, sur le règlement n° 994/2010

21.      Il ressort de l’article 194, paragraphe 1, sous b), TFUE que la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union constitue un des objectifs fondamentaux de la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie (5).

22.      Le premier cadre juridique commun visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz et à contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur du gaz en cas de ruptures d’approvisionnement a été établi en 2004, par la directive 2004/67/CE (6).

23.      La crise gazière russo-ukrainienne déclenchée en 2009, qui a causé une interruption sans précédent de l’approvisionnement de gaz naturel dans l’Union, a toutefois montré les faiblesses du système prévu par la directive 2004/67. Cette crise a mis clairement en exergue la nécessité d’adopter des mesures harmonisées dans l’Union susceptibles d’assurer un niveau minimal commun de préparation dans tous les États membres en cas de crise due à des ruptures graves de l’approvisionnement en gaz naturel (7).

24.      En se fondant sur l’expérience tirée de la mise en œuvre de la directive 2004/67, le législateur de l’Union a ainsi adopté le règlement n° 994/2010.

25.      Le règlement n° 994/2010 prévoit une approche commune globale en matière de sécurité de l’approvisionnement par l’intermédiaire de politiques, notamment de solidarité, compatibles avec le fonctionnement du marché intérieur (8). À cette fin, il énonce des dispositions visant à préserver la sécurité de l’approvisionnement en gaz, en garantissant le fonctionnement correct et continu du marché intérieur du gaz naturel, en permettant la mise en œuvre de mesures exceptionnelles lorsque le marché ne peut plus fournir les approvisionnements en gaz nécessaires, et en assurant une définition et une attribution précises des responsabilités entre les entreprises de gaz naturel, les États membres et l’Union, tant du point de vue de l’action préventive que de la réaction à des ruptures concrètes d’approvisionnement (9).

26.      Plus spécifiquement, afin de maintenir le bon fonctionnement du marché intérieur du gaz, notamment dans des situations de rupture d’approvisionnement et de crise, le règlement n° 994/2010 prévoit une approche à trois niveaux : d’abord les entreprises de gaz naturel concernées, fonctionnant sur la base de mécanismes du marché, sont responsables pour assurer la continuité de l’approvisionnement ; dans le cas d’une défaillance des mécanismes du marché, ce sont les États membres, au plan soit national, soit régional, qui assument une telle responsabilité ; enfin, c’est l’Union elle-même qui s’assume une telle responsabilité (10).

27.      Le règlement n° 994/2010 instaure des mécanismes visant, dans un esprit de solidarité, à coordonner la préparation et la réaction à des situations d’urgence au niveau des États membres, au niveau régional et au niveau de l’Union (11). À ces fins, il prévoit, en particulier, la mise en place par les États membres de deux plans : un plan d’action préventif, contenant les mesures nécessaires pour éliminer ou atténuer les risques identifiés affectant la sécurité de l’approvisionnement en gaz dans l’État membre ; et un plan d’urgence, contenant les mesures à prendre pour atténuer ou éliminer l’impact des ruptures d’approvisionnement (12).

28.      Afin d’assurer l’approvisionnement en gaz en cas de crise, le règlement n° 994/2010 établit, d’une part, des normes relatives aux infrastructures gazières visant à renforcer la sécurité de l’approvisionnement en gaz (13) et, d’autre part, des normes harmonisées de sécurité d’approvisionnement. Ces dernières normes prévoient une obligation de garantir l’approvisionnement des « clients protégés » dans certaines situations de rupture des approvisionnements ou de demande exceptionnellement élevée. Elles visent à assurer la couverture d’une situation au moins équivalente à celle s’étant produite pendant la crise gazière de 2009 (14).

29.      Plus spécifiquement, les normes harmonisées de sécurité d’approvisionnement, qui sont contenues à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 994/2010, visent à assurer que l’approvisionnement soit maintenu, en particulier, en ce qui concerne les ménages et un nombre limité de clients supplémentaires, qui sont particulièrement vulnérables et qui nécessitent une protection particulière (15), à savoir les « clients protégés » tels que définis à l’article 2, second alinéa, point 1, de ce règlement. Il est entendu qu’une définition large de ces « clients protégés » ne doit toutefois pas entrer en conflit avec les mécanismes de solidarité européens (16).

30.      Bien que le règlement n° 994/2010 vise à atteindre un certain niveau d’harmonisation des normes de sécurité d’approvisionnement, le législateur de l’Union a, toutefois, reconnu les soucis de ceux parmi les États membres qui avaient prévu des normes de sécurité d’approvisionnement plus étendues. Dans cette perspective, ledit législateur a établi à l’article 8, paragraphe 2, du règlement en cause que les États membres puissent prévoir des normes d’approvisionnement renforcées ou des obligations supplémentaires qui aillent au-delà des normes harmonisées de sécurité d’approvisionnement prévues au paragraphe 1, du même article. Cependant, afin d’éviter de compromettre le système de garantie de la sécurité d’approvisionnement, fondé sur la solidarité entre États membres, mis en place par ce règlement, l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement encadre de manière stricte la possibilité pour les États membres d’adopter de telles mesures.

31.      À cet égard, il convient de relever que l’exigence de solidarité entre États membres joue un rôle essentiel dans le système mis en place par le règlement n° 994/2010 et, plus largement, dans le cadre de la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie. Dans ce contexte, cet aspect mérite donc quelques brèves considérations spécifiques.

B.      Brèves considérations sur le principe de solidarité entre États membres dans le cadre de la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie

32.      L’article 194 TFUE, qui a introduit pour la première fois dans le droit de l’Union une disposition de droit primaire concernant la politique énergétique de l’Union, prévoit, dans son paragraphe 1, que cette politique doit être poursuivie « dans un esprit de solidarité entre États membres ».

33.      Cette référence à la solidarité entre États membres, laquelle a été ajoutée dans la rédaction du texte du traité de Lisbonne (17), se place dans un contexte dans lequel le principe de solidarité entre États membres a assumé un caractère qu’on pourrait définir de « principe constitutionnel ». En effet, l’idée de la solidarité entre États membres non seulement s’exprime à divers endroits des traités (18), mais constitue, aux termes de l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, du TUE un des objectifs de l’Union.

34.      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort tant de l’article 194, paragraphe 1, sous b), que de l’article 122, paragraphe 1, TFUE, le principe de la solidarité entre États membres assume une pertinence particulière au regard de l’approvisionnement dans le domaine de l’énergie.

35.      C’est donc dans un tel contexte que, conformément à l’approche retenue au niveau du droit primaire, le système mis en place par le règlement n° 994/2010 se fonde sur l’exigence de solidarité entre États membres, laquelle imprègne tout le règlement. L’esprit de solidarité entre États membres est, en effet, expressément mentionné dans plusieurs considérants de ce règlement (19), ainsi que dans plusieurs de ses dispositions (20).

36.      Plus particulièrement, ainsi qu’il ressort de manière explicite du trente-sixième considérant, un des objectifs du règlement est celui de renforcer la solidarité entre États membres dans le cas d’une urgence à l’échelle de l’Union, et notamment pour soutenir les États membres qui connaissent des conditions géographiques ou géologiques moins favorables.

37.      Dans ces circonstances, lorsqu’on interprète les dispositions du règlement n° 994/2010, il est nécessaire de tenir compte du rôle fondamental que joue le principe de la solidarité entre États membres dans le cadre de ce règlement.

38.      À cet égard, il convient également de relever que, dans une nouvelle proposition de règlement avancée par la Commission pour abroger le règlement n° 994/2010 (21), le principe de solidarité joue un rôle encore plus important et est expressément intégré dans le texte du règlement avec un article spécifiquement dédié à la solidarité (22).

C.      Sur la première question préjudicielle

1.      Observations liminaires

39.      La première question préjudicielle posée à la Cour par la juridiction de renvoi concerne l’interrelation entre la définition de « clients protégés », aux termes de l’article 2, second alinéa, point 1, du règlement n° 994/2010, et les obligations supplémentaires que l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement permet aux États membres d’imposer aux fournisseurs de gaz naturel.

40.      Plus spécifiquement, le Conseil d’État veut savoir si, lorsqu’il impose une telle obligation supplémentaire, un État membre peut ou non « aller au-delà » de la définition de « clients protégés » contenue à l’article 2, second alinéa, point 1, du règlement n° 994/2010, en incluant dans le périmètre de l’obligation supplémentaire des clients qui ne relèvent pas de ladite définition.

41.      Cette question trouve son fondement dans la circonstance que la définition de « clients protégés » prévue dans la législation française, à la suite de l’adoption du décret n° 2014-328, inclut parmi les clients protégés les « clients non domestiques raccordés au réseau de distribution n’ayant pas accepté contractuellement une fourniture susceptible d’interruption ». Or, selon la juridiction de renvoi, cette catégorie comprend des clients non domestiques qui ne rentrent pas nécessairement dans la notion de « petites et moyennes entreprises » (ci-après « PMEs ») telle que prévue à l’article 2, second alinéa, point 1, sous a), du règlement n° 994/2010.

42.      Les parties ayant déposé des observations devant la Cour ont des positions opposées sur la réponse à donner à la première question préjudicielle.

43.      D’une part, les gouvernements français et polonais ainsi que Storengy et TIGF, des entreprises de stockage de gaz naturel, soutiennent, en substance, que rien dans le règlement n° 994/2010 ne fait obstacle à ce qu’un État membre impose aux fournisseurs de gaz naturel une obligation supplémentaire dont le périmètre inclut des clients qui ne sont pas énumérés parmi les clients protégés mentionnés à l’article 2, second alinéa, point 1, de ce règlement. Le gouvernement français soutient même, en tout premier lieu, que la question de la compatibilité de la législation nationale avec le règlement n° 994/2010 ne se poserait pas, car la définition de « clients protégés » adoptée en droit national ne serait pas plus étendue que celle prévue par l’article 2 de ce règlement.

44.      ENI et UPRIGAZ, des fournisseurs de gaz naturel, soutiennent, en revanche, que l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 994/2010 s’oppose à ce qu’un État membre impose aux fournisseurs de gaz naturel des obligations supplémentaires résultant d’une définition de « clients protégés » plus large que celle prévue à l’article 2 du même règlement.

45.      La Commission a une position nuancée. Elle ne semble pas exclure la possibilité qu’un État membre puisse imposer une obligation supplémentaire élargissant la définition de « clients protégés » au-delà des limites prévues par l’article 2, du règlement n° 994/2010. Elle met, toutefois, en exergue la nécessité que soient respectées les conditions strictes prévues par ce règlement pour l’imposition d’une obligation supplémentaire.

46.      J’estime nécessaire, tout d’abord, d’effectuer quelques considérations au regard de la portée de la définition de « clients protégés », telle que prévue à l’article 2, second alinéa, point 1, du règlement n° 994/2010. Ces considérations paraissent utiles pour permettre à la juridiction de renvoi d’analyser les arguments avancés par le gouvernement français selon lesquels la définition de « clients protégés » prévue par la législation nationale n’irait pas au-delà de la définition de la même notion contenue dans le règlement n° 994/2010. Ensuite, sur la base de ces considérations, j’aborderai la question de l’interrelation entre la définition de « clients protégés » contenue à l’article 2, second alinéa, point 1, du règlement n° 994/2010 et la possibilité d’imposer des obligations supplémentaires, prévue à l’article 8, paragraphe 2, du même règlement.

2.      Sur la portée de la définition de « clients protégés » prévue à l’article 2, second alinéa, point 1, sous a), du règlement n° 994/2010

47.      Le gouvernement français soutient que, en incluant parmi les clients protégés non seulement les ménages, mais également les « clients non domestiques raccordés au réseau de distribution n’ayant pas accepté contractuellement une fourniture susceptible d’interruption », le décret n° 2014‑328 n’est pas allé au-delà de la définition de « clients protégés » telle que prévue à l’article 2, second alinéa, point 1, sous a), du règlement n° 994/2010.

48.      Cette catégorie de clients, en effet, comprendrait des entités de taille modeste, telles que des entreprises de petite taille, des petites agences de grandes entreprises, des petits commerces appartenant à des réseaux intégrés ou des petites installations industrielles appartenant à une plus grande entreprise, les entités d’une taille plus importante n’étant pas raccordées au réseau de distribution, mais directement au réseau de transport.

49.      Selon le gouvernement français, il conviendrait de comprendre la référence aux PMEs dans le règlement n° 994/2010, comme ne se limitant pas aux entités dont le statut juridique est celui de PME, mais, à la lumière des objectifs dudit règlement, comme incluant également les entités qui constituent, dans les faits, des unités autonomes qui consomment un volume de gaz équivalent à celui que consomme une PME.

50.      Une telle approche serait nécessaire d’un point de vue pratique pour la gestion des délestages en cas d’approvisionnement insuffisant. Elle serait en outre conforme à la marge de manœuvre réservée aux États membres par le règlement n° 994/2010. Enfin, elle serait également requise par le principe d’égalité de traitement, lequel imposerait d’interpréter la notion de « PME » en ce sens qu’elle inclut des entités qui ont le même degré de vulnérabilité.

51.      Il convient de rappeler que la définition de « clients protégés » contenue à l’article 2, second alinéa, point 1, du règlement n° 994/2010, prévoit, d’abord, que doivent, nécessairement, être considérés comme « clients protégés » tous les ménages qui sont connectés à un réseau de distribution de gaz. Ensuite, dans ses dispositions sous a) et b), elle permet aux États membres d’ajouter deux catégories spécifiques de « clients protégés ».

52.      Pour ce qui intéresse plus spécifiquement la présente affaire, aux termes de l’article 2, second alinéa, point 1, sous a), du règlement n° 994/2010, les États membres peuvent considérer comme clients protégés « les petites et moyennes entreprises, pour autant qu’elles soient connectées à un réseau de distribution de gaz […] et que l’ensemble de ces clients supplémentaires ne représente pas plus de 20 % de la consommation finale de gaz ».

53.      Il s’ensuit de la prévision d’une liste limitative des potentiels « clients protégés » que, si le règlement n° 994/2010 reconnaît une certaine marge de manœuvre aux États membres dans la définition des « clients protégés », cette marge est, toutefois, strictement encadrée par ce règlement. La raison d’être d’un tel encadrement strict résulte de manière évidente du dixième considérant du règlement n° 994/2010, qui met en évidence le risque qu’une définition large des « clients protégés » puisse entrer en conflit avec les mécanismes de solidarité entre États membres.

54.      En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission dans ses observations, l’idée à la base de l’harmonisation de la notion de « clients protégés » a été celle d’éviter que la prévision, à un niveau national, d’une protection d’un cercle excessivement étendu de sujets puisse compromettre le fonctionnement des mécanismes de solidarité européenne prévus par le règlement n° 994/2010 en créant ainsi des risques supplémentaires pour les clients protégés dans les autres États membres (23). C’est dans la même perspective que le considérant 29 de ce règlement mentionne, à côté des ménages, « un nombre limité de clients supplémentaires ».

55.      La définition de « clients protégés » vise à assurer la sécurité de l’approvisionnement en cas de crise aux clients les plus vulnérables. Une telle protection, celle ayant le degré plus élevé, ne peut pas être garantie à la totalité des clients sous peine de vider de son contenu le système de garantie de l’approvisionnement de gaz prévu par le règlement n° 994/2010. La définition de « clients protégés » détermine ainsi le champ d’application rationae personae des normes d’approvisionnement.

56.      Par ailleurs, en ce qui concerne plus généralement la marge de manœuvre des États membres, il ressort clairement du cinquième considérant du règlement n° 994/2010, auquel se réfère le gouvernement français pour étayer sa thèse, que, si les mesures concernant la sécurité d’approvisionnement en gaz adoptées avant ce règlement reconnaissaient une large marge de manœuvre aux États membres quant au choix de leurs mesures, le règlement n° 994/2010 vise à encadrer davantage cette marge afin d’éviter que des mesures élaborées unilatéralement par un État membre puissent compromettre le bon fonctionnement du marché intérieur du gaz et l’approvisionnement en gaz des clients, en entraînant une pénurie de gaz dans les pays voisins (24).

57.      Dans ces conditions, le renvoi fait, dans l’article 2, second alinéa, point 1, sous a), du règlement n° 994/2010 aux PMEs ne saurait être compris comme un renvoi ouvert, interprétable librement par les États membres. Il constitue, en revanche, un renvoi à une notion juridique précise. Or, bien que le règlement n° 994/2010 ne définisse pas expressément la notion de « PME », en absence de renvoi au droit national, cette notion ne saurait se définir par référence aux législations des États membres (25). Bien au contraire, eu égard à l’objectif poursuivi par le règlement n° 994/2010 et au contexte dans lequel s’insère son article 2, il doit être considéré que cette disposition fait référence à la notion de « PME » utilisée dans le droit de l’Union (26).

58.      Dans ce contexte, la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro-, petites et moyennes entreprises (27) devient pertinente. Cette recommandation prévoit des critères précis pour l’identification de cette catégorie d’entreprises (28) et c’est à cette recommandation qu’il convient de se référer pour déterminer une telle notion (29). Au demeurant, j’observe qu’il ressort des indications contenues dans les observations du gouvernement français que la définition de « PME » en droit français correspond à celle proposée dans ladite recommandation.

59.      Quant à l’invocation, faite par le gouvernement français lors de l’audience, du principe d’égalité de traitement, elle se fonde sur la thèse selon laquelle une agence ou une filiale d’une grande entreprise serait aussi vulnérable qu’une PME. Toutefois, il me semble que cette prémisse est manifestement erronée. En effet, l’appartenance à une entité (un groupe) ayant une dimension importante permet à de telles entités de disposer de ressources (économiques et techniques), dont les PMEs généralement ne disposent pas et qui peuvent permettre de faire face à des situations de crise d’approvisionnement énergétique. Ainsi, les agences et les filiales des grandes entreprises et les PMEs ne se trouvent pas objectivement dans la même situation.

60.      D’ailleurs, le législateur, pour identifier les clients vulnérables qui méritent une protection accrue, n’utilise pas le critère de la consommation énergétique. Le gouvernement français ne saurait donc s’y référer pour fonder une analogie entre les PMEs et les agences ou filiales des grandes entreprises.

61.      S’il revient en fin de compte à la juridiction de renvoi et non à la Cour de déterminer si la législation nationale en cause est compatible avec le règlement n° 994/2010, à la lumière des arguments avancés par le gouvernement français lui-même il apparaît que la définition de « clients protégés » contenue dans la législation française semble ne pas être conforme à celle prévue à l’article 2, second alinéa, point 1, de ce règlement. La juridiction de renvoi semble d’ailleurs partager cet avis dans la décision de renvoi(30).

3.      Sur la possibilité d’imposer des obligations supplémentaires concernant des clients ne relevant pas de la définition de « clients protégés »

62.      Il convient maintenant d’aborder, à la lumière de toutes les considérations qui précèdent, la question de savoir si un État membre peut imposer aux fournisseurs de gaz naturel une obligation supplémentaire au titre de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 994/2010 qui inclut dans son périmètre des clients différents de ceux relevant de la définition de « clients protégés » aux termes de l’article 2, second alinéa, point 1, du règlement n° 994/2010.

63.      Ainsi que je l’ai relevé au point 30 des présentes conclusions, l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 994/2010 donne aux États membres la possibilité d’adopter deux types de mesures qui vont au-delà des normes harmonisées de sécurité d’approvisionnement prévues au paragraphe 1 du même article : les normes d’approvisionnement renforcées et les obligations supplémentaires.

64.      Il s’agit, selon moi, de deux types de mesures différentes, dont la portée résulte de leur dénomination elle-même.

65.      En effet, en ce qui concerne le premier type de mesures, il s’agit de « normes d’approvisionnement », à savoir celles prévues au paragraphe 1 de l’article 8 du règlement n° 994/2010 ‐ auquel le paragraphe 2 fait d’ailleurs un renvoi explicite ‐, qui sont toutefois « renforcées », à savoir plus étendues temporellement, c’est-à-dire « d’une durée supérieure à la période de trente jours ». Or, il ressort du libellé du paragraphe 1 de cet article que les normes d’approvisionnement visent exclusivement la protection des clients protégés.

66.      En revanche, en ce qui concerne le second type de mesures, il s’agit d’obligations « supplémentaires » qui peuvent être imposées aux entreprises de gaz naturel. L’utilisation du terme « supplémentaires » clarifie le fait qu’il s’agit d’obligations additionnelles, de nature différente par rapport aux normes d’approvisionnement mentionnées au paragraphe 1 de l’article 8 du règlement n° 994/2010, auquel, d’ailleurs, la disposition en cause ne renvoie pas, pour ce second type de mesures.

67.      Il s’ensuit de cette analyse littérale de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 994/2010 que rien n’empêche à un État membre de prévoir une obligation supplémentaire à la charge des entreprises de gaz naturel qui s’appliquerait à un périmètre de clients plus étendu que celui prévu par la définition de « clients protégés » aux termes de ce règlement

68.      Toutefois, il ressort de la même disposition, lue à la lumière des objectifs du règlement n° 994/2010, qu’une telle possibilité est assujettie au respect de conditions très strictes. En effet, l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement encadre strictement cette possibilité en prévoyant plusieurs conditions qui doivent être satisfaites afin qu’une telle obligation supplémentaire puisse être considérée comme compatible avec ledit règlement.

69.      Ainsi, premièrement, il ressort du texte même du chapeau du paragraphe 2, de l’article 8, du règlement n° 994/2010 que l’obligation supplémentaire doit être imposée « pour des raisons de sécurité de l’approvisionnement en gaz ». Or, afin que cette condition soit satisfaite, l’obligation supplémentaire doit viser à renforcer la résilience du système d’approvisionnement en gaz à des événements exceptionnels et imprévus qui menacent la capacité d’approvisionnement.

70.      Deuxièmement, toujours aux termes du chapeau du paragraphe 2 de l’article 8, du règlement n° 994/2010, une telle obligation supplémentaire doit reposer sur l’évaluation, visée à l’article 9 de ce règlement, des risques affectant la sécurité de l’approvisionnement en gaz dans l’État membre concerné.

71.      Troisièmement, aux termes de la disposition sous a), du paragraphe 2, de l’article 8, du règlement n° 994/2010, une telle obligation supplémentaire doit être conforme aux exigences indiquées à l’article 3, paragraphe 6, de ce règlement. Ainsi, elle doit être clairement définie, transparente, proportionnée, non discriminatoire et contrôlable ; elle ne doit pas fausser indûment la concurrence ni entraver le fonctionnement efficace du marché intérieur du gaz (31) et elle ne doit pas compromettre la sécurité de l’approvisionnement en gaz d’autres États membres ou de l’Union dans son ensemble.

72.      Quatrièmement, aux termes de la disposition sous c), du paragraphe 2, de l’article 8, du règlement n° 994/2010, conformément à l’esprit de solidarité entre États membres sur lequel se fonde le système établi par ce règlement, l’obligation supplémentaire ne doit pas porter préjudice à la capacité de tout autre État membre d’assurer l’approvisionnement de ses clients protégés en cas d’urgence au niveau national, au niveau de l’Union ou au niveau régional.

73.      Cinquièmement une telle obligation doit être conforme aux critères précisés à l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 994/2010 en cas d’urgence à l’échelle de l’Union ou au niveau régional (32).

74.      Sixièmement, aux termes du second alinéa de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 994/2010, il est nécessaire que, dans un esprit de solidarité entre États membres, l’autorité compétente détermine, dans le plan d’action préventif et dans le plan d’urgence, la façon dont cette obligation supplémentaire peut être temporairement réduite en cas d’urgence au niveau de l’Union ou au niveau régional.

75.       Dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient d’apprécier la compatibilité des mesures nationales avec le droit de l’Union, la Cour n’étant compétente que pour lui fournir tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent lui permettre d’apprécier une telle compatibilité. Il appartiendra donc à ladite juridiction de déterminer si la prévision d’une obligation supplémentaire, consistant dans l’obligation imposée aux fournisseurs de gaz naturel d’étendre le stockage de gaz naturel pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en cas de crise à des « clients non domestiques raccordés au réseau de distribution n’ayant pas accepté contractuellement une fourniture susceptible d’interruption » qui ne sont pas des PMEs, répond, en l’espèce, aux conditions mentionnées aux points 69 à 74 des présentes conclusions. Dans l’appréciation d’une telle compatibilité, il incombera à la juridiction de renvoi de tenir compte des éléments interprétatifs qui lui seront fournis par la Cour (33).

76.      Dans ce contexte, je me limiterai à faire quelques considérations au regard de deux aspects : d’une part, la condition que l’obligation supplémentaire soit imposée « pour des raisons de sécurité de l’approvisionnement en gaz » ; et, d’autre part, l’exigence du caractère proportionné de l’obligation supplémentaire mentionnée au point 71 des présentes conclusions.

a)      Sur l’exigence que l’obligation supplémentaire soit imposée pour des raisons de sécurité de l’approvisionnement en gaz

77.      La première condition qui doit être respectée afin qu’une obligation supplémentaire prévue à la charge des entreprises de gaz naturel par un État membre soit compatible avec le règlement n° 994/2010 est qu’elle soit imposée pour des raisons de sécurité de l’approvisionnement de gaz.

78.      Le gouvernement français, lors de l’audience, a soutenu qu’il ne faisait aucun doute que l’obligation supplémentaire en cause satisfaisait à cette condition, dès lors qu’elle visait à assurer la sécurité de l’approvisionnement pour des clients supplémentaires qui, pour des raisons techniques, ne pourraient pas être distingués des clients protégés. Dans le même contexte, ce gouvernement a également relevé qu’une telle obligation supplémentaire visant des clients protégés « additionnels » ne portait pas atteinte à la protection des clients protégés tels que définis par le règlement n° 994/2010 et, donc, à l’effet utile de l’article 2 et de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement.

79.      À cet égard, je ne suis pas sûr que la simple exigence de protéger des catégories ultérieures de clients, fondée sur des prétendues raisons techniques, dont l’existence est d’ailleurs fortement contestée, puisse constituer une véritable raison de sécurité de l’approvisionnement en gaz visant à renforcer la résilience du système d’approvisionnement ‐ ainsi qu’elle a été identifiée au point 69 des présentes conclusions ‐ qui puisse justifier l’adoption d’une obligation supplémentaire telle que celle en cause. Une telle obligation supplémentaire doit viser à réduire des risques affectant la sécurité de l’approvisionnement en gaz dans l’État membre en cause, tels qu’identifiés dans l’évaluation visée par l’article 9 du règlement n° 994/2010, sur laquelle, ainsi qu’il a été relevé au point 70 des présentes conclusions, ladite obligation supplémentaire doit reposer.

80.      Ces doutes se renforcent ultérieurement si on considère que, ainsi qu’il a été relevé au point 54 des présentes conclusions, la prévision, à un niveau national, d’une protection d’un cercle excessivement étendu de sujets est susceptible de créer des risques supplémentaires pour les clients protégés dans les autres États membres et de compromettre les mécanismes de solidarité européenne établis par le règlement n° 994/2010.

81.      Il reviendra, en tout état de cause, à la juridiction de renvoi de vérifier que, en l’espèce, l’imposition de l’obligation supplémentaire en cause se fonde sur de véritables raisons de sécurité de l’approvisionnement en gaz.

b)      Sur la proportionnalité de l’obligation supplémentaire

82.      Ainsi qu’il ressort du point 71 des présentes conclusions, l’obligation supplémentaire que l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 994/2010 permet d’imposer aux entreprises de gaz naturel doit respecter le principe de proportionnalité. Le respect de cette condition présuppose que l’obligation supplémentaire soit appropriée pour atteindre l’objectif poursuivi, à savoir celui de garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz, et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

83.      À cet égard, j’estime que si, ainsi que l’a observé la Commission, lorsqu’elle évaluera la proportionnalité de l’obligation supplémentaire en cause, la juridiction de renvoi peut s’inspirer de la jurisprudence de la Cour relative aux prix régulés du gaz et de l’électricité (34), la pertinence de cette jurisprudence, dans un cas tel que celui de l’espèce, doit faire toutefois objet de vérification.

84.      En effet, ainsi que l’a observé le gouvernement français, il existe une différence substantielle entre le cadre factuel et juridique des situations analysées dans ladite jurisprudence, qui avaient trait à des mesures nationales concernant l’imposition d’un prix sur le marché, et celui de la présente affaire, qui a trait à des mesures relatives à la sécurité de l’approvisionnement (35)

4.      Conclusions sur la première question préjudicielle

85.      À la lumière de tout ce qui précède, j’estime qu’il convient de répondre à la première question préjudicielle en ce sens que l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 994/2010 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre impose aux fournisseurs de gaz naturel une obligation supplémentaire s’étendant à des clients qui ne relèvent pas de la définition contenue à l’article 2, second alinéa, point 1, de ce même règlement, seulement à condition qu’il soit prouvé, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier de manière approfondie, que les conditions prévues audit article 8, paragraphe 2, telles que précisées aux points 68 à 74 des présentes conclusions, soient strictement respectées.

D.      Sur la seconde question préjudicielle

86.      Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 994/2010 s’oppose à ce qu’une réglementation d’un État membre impose aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de détenir des stocks de gaz sur son territoire, en vue de garantir la sécurité d’approvisionnement en cas de crise, tout en prévoyant que l’autorité compétente, dans son appréciation des capacités de stockage détenues par le fournisseur, tienne compte des autres instruments de modulation dont celui-ci dispose.

87.      À cet égard, il convient de relever que l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 994/2010 contient deux dispositions : la première, une disposition d’autorisation, la seconde, une disposition d’interdiction. En effet, la première phrase dudit paragraphe 5 dispose que les entreprises de gaz naturel sont autorisées à satisfaire aux obligations qui leur sont imposées pour le respect des normes d’approvisionnement prévues à l’article 8 du même règlement, au niveau régional ou au niveau de l’Union, le cas échéant. La seconde phrase, en revanche, dispose que l’autorité compétente nationale ne peut pas exiger que les entreprises de gaz respectent ces obligations en tenant compte uniquement des infrastructures situées sur son territoire.

88.      Les dispositions prévues à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 994/2010 visent à assurer la réalisation d’un véritable marché intérieur du gaz et à empêcher, conformément au considérant 12 de ce règlement, que les mesures prises pour préserver la sécurité de l’approvisionnement puissent fausser indûment la concurrence ou le fonctionnement efficace du marché intérieur du gaz.

89.      Or, en l’espèce, l’article 9 du décret n° 2014-328, lu en combinaison avec l’article L. 421-4 du code de l’énergie, impose aux fournisseurs de gaz de détenir sur le territoire français, à la date du 31 octobre de chaque année, des stocks de gaz correspondant au moins à 80 % des droits de stockage associés aux consommateurs inclus dans le périmètre de l’obligation. Toutefois, le ministre compétent tient compte des autres instruments de modulation dont dispose le fournisseur pour vérifier que celui-ci respecte ses obligations.

90.      À cet égard, je relève que, ainsi que l’a mis en exergue la Commission, la législation française exige de jure que les fournisseurs détiennent en France des stocks de gaz naturel suffisants pour satisfaire à leurs obligations. Prise seule, une obligation de ce genre est incompatible avec la seconde disposition de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 994/2010 en ce qu’elle oblige les entreprises de gaz à respecter leurs obligations découlant de l’article 8 de ce règlement nécessairement à travers des infrastructures situées sur le territoire national.

91.      La législation française permet, néanmoins, au ministre compétent de tenir compte des « autres instruments de modulation » du fournisseur en cause. À cet égard, toutefois, la juridiction de renvoi ne fournit pas d’informations suffisantes permettant de saisir la portée, dans la pratique, de l’appréciation effectuée par le ministre compétent.

92.      Tout d’abord, aucun élément ne permet de comprendre la signification de la notion d’« instrument de modulation ». En réponse à une question précise posée lors de l’audience concernant la portée de cette notion, le gouvernement français s’est référé exclusivement à des réserves de stockage de gaz éventuellement détenues par le fournisseur en cause dans d’autres États membres. Toutefois, j’estime que, ainsi que l’a observé le gouvernement polonais, un fournisseur devrait être en mesure de démontrer qu’il est capable de satisfaire aux obligations qui lui sont imposées pour le respect des normes d’approvisionnement ou des obligations supplémentaires prévues au titre de l’article 8, du règlement n° 994/2010, également au moyen des instruments de marchés mentionnés à titre d’exemple à l’annexe II du règlement n° 994/2010. En effet, l’appréciation de la capacité de satisfaire à ces obligations devrait prendre en compte la situation globale individuelle de chaque fournisseur.

93.      Ensuite, il n’est pas clair que l’analyse que le ministre compétent effectue pour « tenir compte des autres instruments de modulation » soit susceptible de garantir effectivement la possibilité, dans la pratique, aux fournisseurs de gaz naturel de satisfaire à leurs obligations au niveau régional ou au niveau de l’Union. En particulier, il convient de vérifier si, dans son application concrète, une telle appréciation se fonde sur des critères précis et vérifiables.

94.      Dans ces conditions, j’estime qu’il convient de répondre à la seconde question préjudicielle en ce sens que l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 994/2010 s’oppose à une réglementation d’un État membre qui impose aux fournisseurs de gaz naturel de respecter leurs obligations de détenir des stocks de gaz découlant de l’article 8 de ce règlement nécessairement et exclusivement à travers des infrastructures situées sur le territoire national. En l’espèce, il revient, toutefois, à la juridiction de renvoi de vérifier si la possibilité offerte par la réglementation nationale au ministre compétent de « tenir compte des autres instruments de modulation » des fournisseurs intéressés garantit à ceux-ci l’opportunité effective, dans la pratique, de satisfaire à leurs obligations au niveau régional ou au niveau de l’Union.

V.      Conclusion

95.      Sur la base des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles formulées par le Conseil d’État dans les termes suivants :

L’article 8, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et abrogeant la directive 2004/67/CE du Conseil, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre impose aux fournisseurs de gaz naturel une obligation supplémentaire s’étendant à des clients qui ne relèvent pas de la définition contenue à l’article 2, second alinéa, point 1, de ce même règlement, seulement à condition qu’il soit prouvé, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier de manière approfondie, que les conditions suivantes sont strictement respectées :

‐      premièrement, une telle obligation supplémentaire est imposée pour de véritables raisons de sécurité de l’approvisionnement ;

‐      deuxièmement, une telle obligation supplémentaire repose sur l’évaluation des risques affectant la sécurité de l’approvisionnement en gaz dans l’État membre concerné visée à l’article 9 du même règlement ;

‐      troisièmement, en conformité avec l’article 3, paragraphe 6, dudit règlement, une telle obligation supplémentaire est clairement définie, transparente, proportionnée, non discriminatoire et contrôlable, sans fausser indûment la concurrence ni entraver le fonctionnement efficace du marché intérieur du gaz et sans compromettre la sécurité de l’approvisionnement en gaz d’autres États membres ou de l’Union dans son ensemble ;

‐      quatrièmement, conformément au principe de solidarité entre États membres qui sous-tend le règlement n° 994/2010, une telle obligation supplémentaire ne porte pas préjudice à la capacité de tout autre État membre d’assurer l’approvisionnement de ses clients protégés conformément à l’article 8 dudit réglement en cas d’urgence au niveau national, au niveau de l’Union ou au niveau régional ;

‐      cinquièmement, une telle obligation supplémentaire est conforme aux critères précisés à l’article 11, paragraphe 5, de ce règlement en cas d’urgence à l’échelle de l’Union ou au niveau régional ;

‐      sixièmement, dans le plan d’action préventif et dans le plan d’urgence est déterminée la façon dont, dans le respect du principe de solidarité entre États membres, une telle obligation supplémentaire est temporairement réduite en cas d’urgence au niveau de l’Union ou au niveau régional.

L’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 994/2010 s’oppose à une réglementation d’un État membre qui impose aux fournisseurs de gaz naturel de respecter leurs obligations de détenir des stocks de gaz découlant de l’article 8 de ce règlement nécessairement et exclusivement à travers des infrastructures situées sur le territoire national. Il revient, toutefois, à la juridiction de renvoi de vérifier si la possibilité offerte par ladite réglementation au ministre compétent « de tenir compte des autres instruments de modulation » des fournisseurs intéressés garantit à ceux-ci l’opportunité effective, dans la pratique, de satisfaire à leurs obligations au niveau régional ou au niveau de l’Union.


1      Langue originale : le français.


2      Règlement (UE) n° 994/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et abrogeant la directive 2004/67/CE du Conseil (JO L 295, p. 1).


3      Décret n° 2014-328 du 12 mars 2014 modifiant le décret n° 2006/1034 du 21 août 2006 relatif à l’accès aux stockages souterrains de gaz naturel.


4      En vertu de l’article R. 421-6 du code de l’énergie, le droit d’accès aux capacités de stockage d’un fournisseur est égal à la somme des droits de stockage des clients que ce fournisseur alimente en fonction du profil de consommation et de la zone géographique de chaque client.


5      À cet égard, voir arrêt du 7 septembre 2016, ANODE (C‑121/15, EU:C:2016:637, points 47 et 48, ainsi que mes conclusions dans la même affaire ANODE (C‑121/15, EU:C:2016:248, point 56).


6      Directive 2004/67/CE du Conseil, du 26 avril 2004, concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel (JO L 127, p. 92).


7      À cet égard, voir le document de la Commission accompagnant la proposition de règlement [SEC(2009)979 final, p. 3 et 17] ainsi que le document de la Commission du 16 octobre 2014 intitulé « Report on the implementation of Regulation (EU) 994/2010 and its contribution to solidarity and preparedness for gas disruptions in the EU » [SWD(2014) 325 final]. Les considérants 26 et 27 du règlement n° 994/2010 font également une référence explicite à la crise gazière de janvier 2009.


8      Voir le considérant 22 du règlement n° 994/2010.


9      Voir l’article 1er, ainsi que le considérant 3, le considérant 5, le considérant 23 et le considérant 24 du règlement n° 994/2010.


10      Voir l’article 3 et le considérant 24 du règlement n° 994/2010. Voir également p. 2 du document de la Commission du 16 octobre 2014 intitulé « Report on the implementation of Regulation (EU) 994/2010 and its contribution to solidarity and preparedness for gas disruptions in the EU » [SWD(2014) 325 final].


11      Voir l’article 1er du règlement n° 994/2010.


12      Voir l’article 4 du règlement n° 994/2010, notamment, son paragraphe 1.


13      Voir l’article 6 et le considérant 13 ainsi que le considérant 15 du règlement n° 994/2010.


14      Voir le considérant 26 du règlement n° 994/2010.


15      Voir le considérant 10 et le considérant 29 du règlement n° 994/2010 (mise en italique par mes soins).


16      Voir le considérant 10 du règlement n° 994/2010.


17      L’article III-256 du traité établissant une Constitution pour l’Europe signé à Rome, le 29 octobre 2004 (JO 2004, C 310, p. 1), qui a inspiré la rédaction de l’article 194 TFUE, ne contenait aucune référence à la solidarité entre États membres.


18      Ainsi, dans le préambule du TUE, les États membres déclarent qu’en créant l’Union ils entendent « approfondir la solidarité entre leurs peuples ». La solidarité entre États membres est ensuite expressément mentionnée à l’article 67, paragraphe 2, TFUE en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures ; dans le titre VIII de la troisième partie du TFUE, spécifiquement dans le chapitre consacré à la politique économique, l’article 122, paragraphe 1, se réfère également de manière explicite à la solidarité entre les États membres. À cet égard, voir également les points 142 et suivants de la prise de position de l’avocat général Kokott dans l’affaire Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:675).


19      Voir le considérant 10, le considérant 22, le considérant 25, le considérant 36 et le considérant 38 du règlement n° 994/2010.


20      Spécifiquement à l’article 1 et à l’aticle 8, paragraphe 2, second alinéa, ainsi qu’à l’article 14, deuxième alinéa, sous b), ainsi que dans l’annexe IV.


21      Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2016 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et abrogeant le règlement n° 994/2010 [COM(2016) 52 final].


22      Voir article 12 de la proposition mentionnée à la note précédente.


23      À ce sujet, voir également le document de la Commission du 16 octobre 2014 intitulé « Report on the implementation of Regulation (EU) 994/2010 and its contribution to solidarity and preparedness for gas disruptions in the EU » [SWD(2014) 325 final, p. 2].


24      Ainsi que le relevait la Commission dans l’exposé des motifs de sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2016, concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et abrogeant le règlement n° 994/2010 [COM(2016) 52 final], la « nécessité d’agir à l’échelon de l’UE apparaît clairement lorsque l’on constate que les approches nationales aboutissent à des mesures suboptimales et aggravent les conséquences d’une crise » (voir p. 3).


25      Voir, en ce sens, entre autres, arrêt du 11 novembre 2015, Pujante Rivera (C‑422/14, EU:C:2015:743, point 48).


26      Voir en ce sens, au regard de domaines différents, arrêts du 9 novembre 2016, Wathelet (C‑149/15, EU:C:2016:840, point 29), et du 2 mars 2017, J. D. (C‑4/16, EU:C:2017:153, point 24).


27      JO L 124, p. 36.


28      Voir l’article 2 de l’annexe à la recommandation.


29      Plusieurs actes de l’Union, notamment règlements, se fondent explicitement sur la définition contenue dans cette recommandation pour définir la notion de « PME ». Voir, par exemple, règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE (JO L 187, p. 1 ; voir considérant 3 et Annexe I), ou règlement (UE) 2015/1017 du Parlement européen et du Conseil, du 25 juin 2015, sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques, la plateforme européenne de conseil en investissement et le portail européen de projets d’investissement et modifiant les règlements (UE) n° 1291/2013 et (UE) n° 1316/2013 – le Fonds européen pour les investissements stratégiques [JO L 169, p. 1 ; voir article 2, sous 4)].


30      Voir point 15 des présentes conclusions.


31      Cette condition est répétée à l’article 8, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 994/2010.


32      L’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 994/2010 prévoit : a) aucune mesure ne doit être prise, à aucun moment, qui restreigne indûment le flux de gaz au sein du marché intérieur, notamment le flux de gaz à destination des marchés touchés ; b) aucune mesure ne doit être prise qui risque de compromettre gravement l’état de l’approvisionnement en gaz dans un autre État membre ; et c) l’accès transfrontalier aux infrastructures doit être maintenu autant que possible au regard des contraintes techniques et de sûreté, conformément au plan d’urgence. Conformément au règlement (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel et abrogeant le règlement (CE) n° 1775/2005 (JO L 211, p. 36).


33      Voir, en ce sens, arrêts du 20 avril 2010, Federutility e.a. (C‑265/08, EU:C:2010:205, point 34) et du 7 septembre 2016, ANODE (C‑121/15, EU:C:2016:637, point 54).


34      Voir, notamment, arrêts du 20 avril 2010, Federutility e.a. (C‑265/08, EU:C:2010:205, point 69), du 21 décembre 2011, ENEL (C‑242/10, EU:C:2011:861, points 55 et suiv.), du 10 septembre 2015, Commission/Pologne (C‑36/14, non publié, EU:C:2015:570, points 45 et suiv.), et du 7 septembre 2016, ANODE (C‑121/15, EU:C:2016:637, points 53 et suiv.).


35      Cette observation paraît particulièrement pertinente en ce qui concerne la prévision d’un réexamen périodique de la mesure telle que prévue au point 35 de l’arrêt du 20 avril 2010, Federutility e.a. (C‑265/08, EU:C:2010:205). En effet, dans cet arrêt, la Cour a justifié l’exigence d’un réexamen en se référant au fait que la mesure en cause constituait par sa nature même une entrave à la réalisation d’un marché intérieur du gaz opérationnel. Toutefois, un réexamen pourrait se révéler nécessaire au cas où les conditions dans lesquelles la mesure a été adoptée soient changées (par exemple en relation à la coopération entre États membres ou à la situation des infrastructures).